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En sanskrit : sāna-ānantavāti
En tibétain : nags tshal kun tu dga’ ba’i gtam
Je vois qu’en vérité cette vie ne durera point, qu’elle dégringole, même ;
Je vois que je perdrai ce corps dont j’ai tant pris soin,
Et que j’aurai à partir seul, en territoire inconnu.
C’est pourquoi je m’en vais à présent dans la forêt.
Tous les êtres dans la ronde sont accablés par les passions,
Et ligotés par les terribles chaînes de la dualité.
Or, chacun d’eux a déjà été ma mère ou mon père.
Pour les libérer, je dois aller dans la forêt.
1
Le noble soleil du bon vieux temps s’est couché
Et la lune de la méchanceté est en pleine ascendance.
Les ténèbres des cruels māras nous cernent de toutes parts.
Je le vois bien : c’est maintenant que je dois aller dans la forêt.
2
Tu voles grâce aux ailes des trois entraînements,
Tu plonges dans le lac aux lotus de l’étude et de la contemplation,
Qu’importe : si tu n’es pas riche, tout le monde t’ignore et t’injurie.
Les riches impies et malfaisants sont traités comme des dieux.
C’est une époque où les sots sont plus appréciés que les saints.
Voyant ces signes de dégénérescence, je m’en vais dans la forêt.
5
Des étangs purs et frais se couvrent de lotus en fleurs,
Comme autant de visages clairs et souriants.
Tout autour : de jolis bosquets, des profusions de pétales,
Des prés verdoyants sur lesquels se pose la robe du ciel.
La nuit, par temps clair, les étoiles offrent un spectacle radieux :
On dirait des dieux s’amusant dans un jardin céleste.
Une fois sur place, on peut vivre près des grottes et falaises,
Dans des zones riches en herbes médicinales, parmi les fleurs et les arbres,
Ou dans une chaumière, un abri de paille et de feuillage.
On se satisfait de l’essentiel, simplement –
De l’eau, du bois, des fruits et autres choses indispensables –
6
Et l’on est libre de se consacrer jour et nuit à ce qui est bénéfique.
Dans les bois, inspiré par l’étang qui perd ses fleurs de lotus,
On réalise avec certitude que toutes les richesses,
Les possessions, les objets sensoriels,
Sont en définitive impermanents, dénués d’essence.
C’est ce qu’on appelle « l’épuisement de ce qu’on a accumulé ».
7
Laisse simplement l’esprit se déposer,
Sans projet, ni repli sur soi, ni distraction.
Demeure libre de saisie, sans structurer conceptuellement
Cette clarté ouverte, vide, vive, paisible, lucide, lumineuse.
C’est l’esprit de sagesse des bouddhas des trois temps.
À la fin de la séance, procède à une dédicace sans réifier les trois sphères.
8
Tu traverseras le douloureux océan de l’existence,
Jusqu’à l’expérience pure et simple de ce qui est éternellement paisible
Et n’implique aucune souffrance –
Tu seras alors parvenu à l’état d’éveil sans borne.
9
Quand la mort se produira,
Richesses, parents et amis ne seront d’aucune aide.
Un vrai pratiquant n’aura cependant rien à craindre.
N’attendons pas ; précipitons-nous dans la forêt.
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Ce chant intitulé Les délices de la forêt fut écrit par Ngagi Wangpo (Longchen
Rabjam), le poète instruit du monastère de Samyé, sur le plus haut pic de la montagne,
quand surgit en lui une grande lassitude à l’égard de la demeure saṃsārique.
| Traduit en français par Vincent Thibault (2023) sur la base de la traduction anglaise de Timothy
Hinkle (2016). La version de Kyabjé Thinley Norbu Rinpoché publiée dans Sunlight Speech That Dispels
the Darkness of Doubt (Shambhala Publications, 2015), intitulée « Always Rejoicing in the Forest », a
également été consultée avec profit.
Note du traducteur vers l’anglais : Cette traduction est offerte gracieusement pour inspirer les yogins et
yoginis qui méditent en forêt, partout dans le monde. Puisse-t-elle ravir celles et ceux qui aspirent à
s’éveiller dans la simplicité de la nature.
Bibliographie
Édition tibétaine
dri med 'od zer. "nags tshal kun tu dga' ba'i gtam/" in gsung thor bu/_dri med 'od
zer/(sde dge par ma/). 2 vols. Paro, Bhoutan : Lama Ngodrup et Sherab Drimey, 1982.
Vol. 1 : 118–127
Version: 1.0-20230119
3. Le texte de base n’est pas explicite (« L’éléphant des nuages »). L’explicitation
nous est inspirée d’une note dans la traduction de Thinley Norbu. ↩
4. En tibétain : zla ba sgron me'i mdo. Ce sūtra est aussi connu sous le nom de
Samādhirāja Sūtra (Toh 127). Peter Alan Roberts en a publié une traduction :
https://read.84000.co/translation/UT22084-055-001.html. ↩
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ISSN 2753-4812
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