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Université de Mostaganem

Annales du Patrimoine
Revue académique de l'université de Mostaganem
< <Algérie

N° 17 / 2017 ISSN 1112 - 5020


Annales du Patrimoine
Revue académique consacrée aux domaines du patrimoine
Editée par l'université de Mostaganem

N° 17 / 2017 ISSN 1112 - 5020


© Annales du patrimoine - Université de Mostaganem
(Algérie)
Revue Annales du patrimoine

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Kheira Mekkaoui
Abdelkader Fidouh (Qat ar)
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Correspondance Mohamed Tehrichi (Algérie)

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ISSN 1112 - 5020

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***
Revue Annales du patrimoine - N° 17 / 2017

Sommaire

L’ ef f et idéologique du roman colonial au Maghreb


Dr Abdel hak Bouazza 7
Part icularit és des mot s emprunt és de l'arabe au Sénégal
Dr Amadou Tidiany Dial l o 27
Init iat ion philosophique et religieuse d'après les scholies
Cédr ic Ger main 43
Perf ormances énergét iques du pat rimoine archit ect ural
Nor a Guel iane 57
L’ ivresse dans les poèmes de Haf iz et Ibn Nubat a
Dr Rozit a Il ani 73
L'enf ant et le pat rimoine musical t unisien
Dr Rim Jmal 85
Spirit ualisat ion de l’ espace t emporel
Dr Sal iou Ndiaye 103

-5-
Revue Annales du patrimoine - N° 17 / 2017

Spiritualisation de l’ espace temporel


approche éducative des murîd

Dr Saliou Ndiaye
Universit é Cheikh Ant a Diop Dakar, Sénégal
Résume :
La réf orme myst ique ent reprise par le souf i Cheikh Ahmadou Bamba
avait pour double int ent ion de proposer, dans un premier t emps, une approche
de revivif icat ion du Tasawwuf , en le mont rant sous son aspect aut hent ique et
vivant dans ce cont ext e hist orique assez t rouble de l’ Af rique de l’ ouest du XIXe
siècle. Puis, dans un second t emps, il opposait un syst ème de résist ance
pacif ique au proj et d’ accult urat ion coloniale. L’ une des clés f ondament ales de
cet t e ent reprise f ut une redéf init ion du champ spirit uel qu’ il se proposait
d’ ét endre considérablement . Nous nous proposons d’ apport er ici une
cont ribut ion qui, t out en s’ appuyant sur des indices hist oriques et
sociologiques déj à considérables, t raverse l’ hist oire du souf isme en ce qui
concerne l’ occupat ion de l’ espace, dans un premier t emps, puis revisit e la
doct rine souf ie du Cheikh Ahmadou Bamba qui a la part icularit é de réconcilier
le spirit uel au t emporel.

Mots-clés :
Ahmadou Bamba, souf isme, myst icisme, spirit uel, Sénégal.

***
Le phénomène de l’ envahissement de l’ espace universit aire
et int ellect uel comme un nouveau lieu d’ expression de la
conf rérie mouride(1) a ét é not é par des analyst es, philosophes,
économist es ou sociologues, depuis le début des années 1990.
Ainsi des ét udes scient if iques ont ét é menées dans ce sens af in
de lui donner des explicat ions raisonnables. Art icles et ouvrages
convergent t ous vers les mêmes f act eurs : "mut at ions
économiques et polit iques, crises pét rolières, années de
sécheresse".
Par ailleurs, en respect ant l’ exigence scient if ique de la
réduct ion du champ de recherche concomit ant e à la prof ondeur
et à l’ ef f icacit é du t ravail, l’ analyst e risque parf ois de perdre

© Université de Mostaganem, Algérie 2017


Dr Saliou Ndiaye

cet t e vision d’ ensemble nécessaire lorsqu’ il s’ agit de déceler le


lien insoupçonné ent re des phénomènes apparemment dissociés.
Par exemple, si les mut at ions économiques permet t ent de donner
une explicat ion à l’ exode des mourides vers les villes et même à
leur émigrat ion, elles ont du mal par cont re à j ust if ier la
recréat ion de "l’ espace Touba" en t out lieu, rural ou urbain,
f ormel, inf ormel ou int ellect uel. Le sociologue a du mal par
exemple à remont er l’ hist oire pour t rouver un lien ent re
l’ érect ion des premiers "Daaras"(2) des mourides durant la période
coloniale et le déploiement cont emporain des "Keur Serigne
Touba"(3) dans les milieux urbains les plus éparpillés de l’ int érieur
et de l’ ext érieur du pays.
A la lumière de la pensée souf ie de Cheikh Ahmadou Bamba,
ne peut -on pas t rouver une clé qui permet de donner du sens à
ces phénomènes plus ou moins épars de l’ occupat ion de l’ espace
t emporel par le mouride ? Ne sont -ils pas liés à une même
dynamique qui résist e au t emps et à l’ espace et qui s’ act ualise et
se réact ualise selon le moment et le milieu ?
Nous nous proposons d’ apport er ici une cont ribut ion qui,
t out en s’ appuyant sur des indices hist oriques et sociologiques
déj à considérables, t raverse l’ hist oire du souf isme en ce qui
concerne l’ occupat ion de l’ espace, dans un premier t emps, puis
revisit e la doct rine souf ie du Cheikh qui a la part icularit é de
réconcilier le spirit uel au t emporel.
1 - L’ occupation de l’ espace par le soufi :
Le souf isme a connu, à t ravers son hist oire, dif f érent es
f ormes d’ organisat ion spirit uelle (4) . Ainsi, il a t raversé deux
ét apes essent ielles durant lesquelles son expression socio-
spirit uelle diversif iée et régulièrement réadapt ée a probablement
cont ribué à assoir sa résist ance f ace au t emps, pour ne pas dire
au t emporel. Des analyses scient if iques(5) de cet t e évolut ion ont
about i à un const at : durant sa phase solit aire et le long de
l’ ét ape suivant e dit e communaut aire, un conf lit lat ent a ét é
ent ret enu ent re le Tasawwuf et le t emporel, not amment à
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Spiritualisation de l’espace temporel

t ravers sa prat ique. Ent endons par ce dernier concept (t emporel)


t out ce qui est relat if à ce bas-monde comprenant les dimensions
polit ique, sociale et économique. Peut -on cerner avec précision
la part de ce conf lit dans l’ at t it ude du souf i et ses mouvement s
dans l’ espace t emporel ?
En marquant les prémices de leur voie, les chroniqueurs et
biographes souf is remont ent unanimement leur ascendance aux
compagnons du Prophèt e (psl) (6) . Ainsi, l’ évocat ion d’ un groupe
de croyant s est part iculièrement récurrent e dans leurs écrit s :
Ahl As-Suf f a (les occupant s de la hut t e) (7) . Il est curieux de
remarquer des similit udes dans l’ occupat ion de l’ espace ent re
ces hommes et les souf is des générat ions ult érieures, plus
part iculièrement ceux de la phase communaut aire. En ef f et , ce
groupe ét ait const it ué de compagnons déshérit és qui n’ avaient
aucune at t ache sociale, logés dans une hut t e, au coin de la
mosquée du Prophèt e (psl). Par ailleurs, leur vie essent ielle se
résumait , dans ce lieu, au dhikr (l’ invocat ion de Dieu) et à la
dévot ion.
Cet t e rupt ure de l’ at t ache sociale peut êt re perçu comme
un f act eur qui les éloigne du t emporel en leur permet t ant de se
consacrer abondamment au spirit uel. Or cet éloignement (al-
ghurba) a t ouj ours ét é considéré, depuis les premiers t héoriciens
du Tasawwuf j usqu’ aux maît res cont emporains, comme un
st imulant t rès dét erminant à la f ormat ion spirit uelle. Ali Zayn Al-
Abidîn(8) ne disait -il pas que t out se f onde sur cet esseulement (9) ?
En out re, la pauvret é qui les caract érisait avait la
part icularit é paradoxale de les libérer des "at t aches de ce
monde" que sont les richesses. Plus t ard, l’ éloignement (al-
ghurba) et la pauvret é (al-f aqr) seront les piliers f ondament aux
du renoncement (az-zuhd), t héorisé comme ét ape essent ielle
dans la f ormat ion spirit uelle du souf i (10) . Cet t e at t it ude de ce
premier groupe précurseur suggère que la réduct ion de l’ espace
t emporel peut accroît re le développement spirit uel int érieur du
croyant .
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Dr Saliou Ndiaye

Tout ef ois, en part ie, cet t e suggest ion est discut able, pour
deux raisons. Cet esseulement des occupant s de la hut t e est à
relat iviser, puisqu’ ils part icipaient à t out es les act ivit és
auxquelles les conviait le Prophèt e (psl), dans le cadre
sociopolit ique. Not amment , sur le plan milit aire, ils const it uaient
les premiers rangs des combat t ant s devant l’ ennemi. D’ ailleurs, à
leur époque la dissociat ion, en Islam, ent re le spirit uel et le
t emporel n’ ét ait pas à l’ ordre du j our. En plus, puisque ce
renoncement n’ ét ait pas apparemment opéré de manière
volont aire, peut -on j ust if ier par ce f ait l’ at t it ude de l’ ascèt e qui
s’ éloigne et s’ isole volont airement , comme cela va êt re le cas
avec les générat ions ult érieures ?
Sans êt re cat égorique, il f aut quand même reconnaît re
qu’ ils ont ét é des ascèt es de f ait et ont ét é loué par le Coran
pour cet t e at t it ude de dét achement : "Rest e en la compagnie de
ceux qui, mat in et soir, évoquent leur Seigneur, en désirant Sa
f ace. Que t es yeux ne se dét achent pas d’ eux en convoit ant le
clinquant de la vie de ce monde"(11) . Cela peut êt re suf f isant pour
encourager les suivant s qui ont connu une période plus
t umult ueuse de vouloir recréer leur espace spirit uel, dans ses
dimensions géographique et ment ale.
A propos des t umult es, les hist oriens reviennent largement
sur les crises de successions de l’ Islam et considèrent que cet t e
passion polit ique et ce déchirement de l’ aut orit é musulmane (12)
inconnues des premières heures de la religion ont ét é pour
beaucoup dans le renoncement d’ une part ie de l’ élit e à cet t e
dimension de l’ espace t emporel. A t ravers cela, ils décèlent
d’ ailleurs la naissance d’ un ascét isme (13) , cet t e f ois-ci volont aire,
qui cherche à développer, à part , la dimension spirit uelle de
l’ Islam. C’ est à part ir d’ ici que l’ on peut sout enir que le souf i
ent re dans une relat ion conf lict uelle avec son environnement
t emporel. Ce qui peut s’ expliquer d’ ailleurs par la rupt ure de
cet t e harmonie spirit uel-t emporel de l’ Islam du t emps du
Prophèt e (psl). En ef f et , depuis l’ assassinat du t roisième Calif e
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Spiritualisation de l’espace temporel

de l'Islam (14) , les musulmans ont cessé de se ret rouver aut our
d’ une seule aut orit é spirit uelle (15) .
Dès lors, la plupart des souf is précurseurs s’ isolaient de plus
en plus dans un espace essent iellement spirit uel. C’ est ainsi que
la plupart des f ondat eurs d’ écoles j uridiques(16) ou grands
t héologiens gardaient une dist ance et s’ éloignaient des t enant s
du pouvoir de leur époque, pour plusieurs raisons dont
part iculièrement la prémunit ion d’ une inf luence passionnelle ou
part isane. Cont rairement à leurs f rères j urist es, ils ref usaient par
exemple d’ occuper des post es de Cadi auxquels ils ont ét é parf ois
conviés. Le cas d’ At h-Thawrî(17) est part iculièrement éloquent à
ce suj et . Il renonça à son commerce pour s’ éloigner et f uir cet t e
proposit ion. Il n’ hésit ait pas à se dét acher de ses biens pour
préserver la puret é de sa spirit ualit é.
Lorsque l’ enseignement qu’ ils préf éraient souvent aux
aut res act ivit és devenait une source de promot ion sociale,
cert ains d’ ent re eux n’ hésit èrent pas à l’ abandonner pour revoir
leur int érieur par une int rospect ion. Le cas d’ Al-Muhâsibî (18) a
même f ait des émules, not amment en la personne d’ Al-
Ghazali (19) . Cela est t out ef ois légèrement dif f érent de l’ at t it ude
de Cheikh Ahmadou Bamba(20) qui, en 1883, avait opéré cet t e
rupt ure non pas pour abandonner l’ enseignement , mais pour
amorcer, ent re aut res, à not re avis, une reconquêt e de l’ espace
t emporel par le spirit uel (21) .
Force est de const at er que le souf isme, durant cet t e phase
d’ évolut ion solit aire avait considérablement rét réci son champ de
développement et l’ avait spirit ualisé par ses occupat ions
dévot ionnelles int enses. Ainsi, la dichot omie ent re le spirit uel et
le t emporel f ut renf orcé par l’ opposit ion de ce monde à l’ au-
delà, dans la pensée souf ie. Dès lors, le t emporel devait êt re
af f ront é et subj ugué pour développer la dimension int érieure.
Au-delà de celle-ci, le champ d’ évolut ion ext érieure se résume
aux lieux de dévot ions de médit at ion ou d’ enseignement .
D’ aut res part s, le conf lit ent re j urist es et souf is(22) , aut our de la
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Dr Saliou Ndiaye

dualit é Sharia (la Loi canonique) et la Haqîqa (la Réalit é


essent ielle), a beaucoup cont ribué à rét récir ce champ en
quest ion. C’ est j ust ement cela qui poussera le souf isme à
s’ organiser sous f orme communaut aire, en se donnant des lieux
de rencont re pour leur développement spirit uel. On assist a dès
lors à la naissance de la Zawiya.
Ce concept de Zawiya signif ie "coin" ou "angle" en arabe.
Cela donne une idée de sa dimension réduit e lorsque, pour la
première f ois, les souf is l’ ont employé pour désigner leur lieu de
rencont re. C’ ét ait une reconst it ut ion peut -on dire des lieux
d’ échange des premiers conservat eurs de la Sunna du Prophèt e.
Ils se ret rouvaient aut our d’ un maît re, dans un "coin" de la
mosquée pour discut er du savoir. En un mot , c’ est une sort e de
couvent dans lequel "les souf is inst it uaient , d’ une part un
enseignement t héorique des sciences islamiques et des principes
du Tasawwuf selon l’ orient at ion d’ un maît re aut our duquel
s’ organisaient t out es les act ivit és et , d’ aut re part , de l’ éducat ion
spirit uelle (prat ique)"(23) sous sa supervision. L’ organisat ion des
act ivit és suivait une approche d’ éducat ion assurée par le
maît re(24) .
Au onzième siècle, dans des lieux éloignés du pays de
l’ Islam, la même organisat ion spirit uelle se déroulaient en même
t emps, depuis le Khorasan, à l’ ext rême-est , j usqu’ au Maghreb, à
l’ ouest . Le même esprit ét ait développé de part et d’ aut re sous
dif f érent es appellat ions. Le Khanqaha du Khorasan (25) , la Zawiya
de Bagdad et le Ribat du Maghreb sont t rois mot s qui renvoyaient
à la même not ion. Selon des recherches récent es, au Maghreb, à
l’ origine, le Ribat renvoyait à un lieu dont la f onct ion ét ait loin
d’ êt re milit aire. "C’ ét ait un espace pour s’ isoler de la vie cit adine
et de ses mult iples t ent at ions qui, aux yeux des pensionnaires du
Ribat , ét aient éloignées de la puret é de l’ Islam. C’ ét ait des
périmèt res d’ éducat ion spirit uelle"(26) . Dans le même sillage,
cet t e recherche a mont ré l’ évolut ion ét ymologique et
sémant ique du mot "murâbit " (l’ occupant du Ribat ) qui a
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Spiritualisation de l’espace temporel

f inalement donné "marabout ", mot ut ilisé pour désigner le chef


religieux ou le chef spirit uel en Af rique noire et plus
part iculièrement au Sénégal. Ces mot s ét aient si
int erchangeables dans cet t e accept ion que lorsque le Ribat perdit
sa première vocat ion avec l’ avènement des guerriers et
conquérant s Murabit ûns(27) , c’ est le mot zawiya qui lui f ut
subst it ué pour désigner le sens originel, dans cet t e localit é du
Maghreb.
Dans une déf init ion plus récent e, la Zawiya conserve
t ouj ours son sens de lieu plus ou moins réduit dest iné à la
f ormat ion spirit uelle. Il est déf ini, par ext ension, comme "un
cent re t héologique, lieu de résidence du cheikh"(28) . En déf init ive,
elle se soust rait de l’ espace t emporel, depuis son apparit ion
j usqu’ à l’ avènement des conf réries en Af rique noire.
2 - L’ extension du champ spirituel par Cheikh Bamba :
En milieu Wolof , avant la réf orme de Cheikh Ahmadou
Bamba, le Daara renvoyait st rict ement à "une cellule de
f ormat ion int ellect uelle"(29) , un lieu d’ inst ruct ion religieuse. De la
dimension d’ une pet it e école à celle d’ une vérit able
universit é(30) , sa t aille pouvait varier, mais sa vocat ion ét ait
const ant e. Ce mot est d’ origine arabe, il vient de "dâr" qui
signif ie "maison ou demeure". Il devait sans dout e indiquer la
"maison" qui ét ait réservée à l’ inst ruct ion. A cet inst ant , il
n’ avait donc pas la même connot at ion que le mot "zawiya".
D’ ailleurs, ce cheikh a évolué dans ces "Daara", auprès
d’ éminent s érudit s musulmans dont son propre père.
Un glissement sémant ique va s’ opérer grâce à l’ avènement
de sa réf orme de 1883(31) qui révolut ionna la vocat ion de ce lieu
d’ inst ruct ion t out en f avorisant une (re)naissance d’ un souf isme
aut hent ique, vivant , dans ce milieu de l’ Af rique noire. A part ir de
cet inst ant , il charge au mot "Daara", dans un premier t emps, la
signif icat ion exact e de Zawiya avec t out e sa dimension
spirit uelle, puis, dans un second t emps, repousse les limit es de
cet espace de f ormat ion.
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Dr Saliou Ndiaye

On comprend dif f icilement le sens de sa réf orme, si on ne


perçoit pas qu’ il avait , en t ant que souf i, une représent at ion de
la dévot ion qui ne se limit ait pas, dans les f ait s, aux cinq piliers
de l’ Islam et , dans le t emps, aux moment s de prières, même
surérogat oires, de pèlerinage, de zakat ou de f êt es. Chez lui, la
dévot ion est cont inue et permanent e, occupe le t emps et
l’ espace du souf i. Le mot englobant qui résume cet t e
représent at ion est la Khidma(32) que nous t raduisons ici par "le
Service dévot ionnel". De ce f ait , pour lui, le disciple qui t end vers
Dieu (mouride) doit êt re f ormé dans une permanent e conscience
de service dévot ionnel rendu à Allah et voué à son Prophèt e
(psl) (33) . Pour cet t e raison, le déroulement de cet t e nouvelle
approche éducat ive nécessit e comme espace, non seulement de
passer du lieu d’ inst ruct ion t radit ionnel à la Zawiya souf ie, mais
de repousser considérablement les limit es de celle-ci. Ainsi le
premier lieu qu’ il a personnellement ét abli pour cet t e f ormat ion
ne port e pas le nom de Zawiya, les suivant s ne le port eront pas
non plus. Il n’ est pas non plus un endroit clos, réduit ent re quat re
murs ou au sein d’ un cent re, les aut res lieux suivant s ne le seront
pas non plus. Il appela ce premier espace spirit uel "Darou
Salam" (en arabe Dâr As-Salâm) "la maison de la Paix"(34) . En plus,
l’ endroit ét ait un village. En ceci réside une énigme dont le mot
clé est "Himma" (ardeur), ce même mot qui permet de
comprendre le f onct ionnement de son syst ème d’ éducat ion.
Lorsqu’ en 1883, le Cheikh reçut l’ ordre du Prophèt e (psl)
d’ init ier désormais ses disciples par la "Himma"(35) ou "yit t é" en
wolof , l’ inst ruct ion dans son milieu avait f ini par prendre le pas
sur l’ éducat ion spirit uelle qui ét ait le but des f ondat eurs de
"t uruq". Aussi la "Himma" renvoie-t -elle à une remise en sit uat ion,
une cont ext ualisat ion et une f ormat ion par une int eract ion
sociét ale dans laquelle le disciple agit et évolue, en grandeur
nat ure, sous le regard et l’ orient at ion de son maît re (36) . Il
s’ agissait , pour ne plus t omber dans ce piège de l’ enseignement
st érile, d’ élargir le f oyer clos (zawiya) à la dimension du village,
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Spiritualisation de l’espace temporel

du milieu de vie af in de f ormer le disciple dans des sit uat ions de


vie courant es où il doit apprendre à conj uguer avec harmonie le
spirit uel et le t emporel. Il s’ agit ici, à mon avis, d’ une
spirit ualisat ion de l’ espace t emporel.
Dans cet t e épreuve de la vie, le t ravail est à la f ois
prét ext e, act e spirit uel, source d’ émancipat ion t emporelle et
moyen d’ annihilat ion des sources de conf lit s(37) . Il devient une
composant e essent ielle de la "Khidma" (le Service dévot ionnel).
Ce sont là les caract érist iques des Daara mourides dont les
premiers ont ét é f ondés par Cheikh Ahmadou Bamba lui-même.
Dans son cont ext e hist orique, cet t e réf orme a eu le
privilège de proposer deux alt ernat ives f ace à deux problèmes de
sa sociét é d’ alors. Il se sent ait invest i d’ une mission de
revivif icat ion de l’ Islam, au nom de son Prophèt e (psl), et pour
cela il lui f allait at t eindre deux obj ect if s. Dans son milieu, le
syncrét isme, l’ enseignement lit t éral et la dominat ion des
ceddos(38) ont dépouillé la religion de t out son esprit et de sa
véracit é, d’ une part . D’ aut re part , la dominat ion f rançaise s’ ét ait
f ixé un but qu’ il n’ ignorait pas et qui expliquait en part ie sa
f arouche opposit ion cont re la colonisat ion : l’ accult urat ion et
l’ assimilat ion des consciences. Dès lors il f allait met t re en place
un syst ème de résist ance.
Par un pluriel d’ approches qui int ègre les dimensions
géographiques, raciales ou et hniques, le Cheikh réconcilie la
Sunna dans sa dimension universelle avec les croyant s de son
t emps dans t out e leur diversit é sociale et cult urelle (39) . Ainsi,
l’ approche qu’ il a préconisée pour parf aire l’ érudit maurit anien
assoif f é de lumière ne saurait êt re la même que celle ut ilisée
pour le modest e paysan int éressé par le savoir ou la
connaissance. Ce n’ est pas non plus la même approche qui doit
éduquer le belliqueux guerrier ceddo vexé par sa déf ait e devant
le blanc, l’ animist e convert i récemment à l’ Islam ou le complexé
indigène assuj et t i par le colon, en quêt e de ref uge spirit uel.
Chaque f ut ur maît re de f oyer, après sa perf ect ion spirit uelle
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Dr Saliou Ndiaye

auprès du Cheikh, est assigné à un lieu où il doit f onder un aut re


Daara (village ou f oyer spirit uel) à l’ image de Touba qui est
l’ inst it ut ion principale (40) . La part icularit é de chaque Daara varie
en f onct ion de sa cible, de son milieu et de l’ approche de son
maît re. C’ est dans ce sens que les disciples ceddo ét aient
orient és vers Cheikh Ibra Fall (41) qui avait la part icularit é
d’ insist er sur le cult e de l’ humilit é par le t ravail et le service
rendu au prochain. Ainsi, le prince guerrier est pacif ié par une
découvert e de soi et une ext inct ion de son égo dans des t ravaux
de basses classes, avant de connaît re la purif icat ion du cœur. Les
apprenant s se t ournaient vers Cheikh Ibrahima Fat y Mbacké et
Cheikh Abdourahmane Lô, les érudit s vers Cheikh Mbacké
Bousso(42) .
Il t enait également compt e de l’ harmonie sociale. Ainsi, il
ret ournait souvent le f ut ur maît re spirit uel à sa communaut é
d’ origine où il devait impl ant er son Daara. De même
l’ implant at ion des f oyers se f aisait géographiquement en t enant
compt e des spécif icit és cult urelles ou sociales. Ce n’ est pas pour
rien que Serigne Bassirou Mbacké(43) ét ait f ixé au Saloum réput é
pour son érudit ion.
Le premier impact de cet t e f orme de résist ance pacif ique
est le f ait d’ avoir permis au disciple de t riompher cont re
l’ accult urat ion sous t out es ses f ormes, en int égrant le message
universel coranique. Aussi, se permet -il grâce à son savoir arabe
et islamique de valoriser sa propre langue à t ravers une
product ion riche et variée (44) . Le disciple mouride déf ie le
syst ème colonial en s’ at t aquant à l’ école, son inst rument de
prédilect ion, sous deux angles dif f érent s init iés par le Cheikh lui-
même.
La première opt ion est une esquive. Elle consist e à rej et er
la scolarisat ion par la mult iplicat ion des "Daara". L’ aut re est une
at t aque f ront ale qui consist e à int égrer le syst ème, à se
l’ approprier de l’ int érieur et à l’ inst rument aliser. Cet t e dernière
st rat égie n’ a pas ét é la moins ef f icace puisqu’ elle a cont ribué à
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Spiritualisation de l’espace temporel

suscit er une conscience nat ionale libérat rice dont l’ une des
f igures les plus connues est Cheikh Ant a Diop (45) . De même, on
peut aisément comprendre sous cet angle "cet t e
"ret errit orialisat ion", c'est -à-dire cet t e ext ension du lieu
d’ expression de la conf rérie mouride"(46) dans les espaces
universit aires, au-delà des mut at ions économiques et polit iques
données comme raisons par des chercheurs.
En conclusion, l’ appropriat ion de l’ espace et du t emps par
le mouride f ont que t out lieu de dévot ion, d’ habit at ion ou de
t ravail se t ransf orme dans sa représent at ion en Daara si bien qu’ il
ne cesse d’ évoluer dans ce halo mouvant de "Touba" qui
l’ accompagne part out , à t ravers la dévot ion et le dhikr, dans le
quart ier, dans son village, dans sa cant ine de commerçant ou
dans la rue du marchand ambulant , dans son bureau, bref dans
t out lieu de t ravail. Les écrit eaux en milieu urbain en t émoignent
largement .
C’ est cet t e appropriat ion de l’ espace qui f ait qu’ en t out
lieu le disciple mouride se sent en service (Khidma). Dès lors, les
limit es du spirit uel, ne cessent de bouger, au gré de la
ret errit orialisat ion des espaces et f inissent par englout ir des
part ies import ant es du t emporel. Aussi, le disciple se croit -il
invest i d’ une mission : celle d’ aller t ravailler même au-delà des
f ront ières les plus reculées. Pour comprendre la t énacit é dans la
conscience mouride de l’ indissociabilit é du t ravail et de la vie
t errest re ainsi que sa sacralisat ion, il f aut se report er à sa simple
représent at ion de la mort qu’ il désigne, en Wolof , par
l’ expression signif icat ive de "wàcub ligèèy" (f in de mission).

Notes :
1 - Cet t e expression est emprunt ée à un art icle publié dans les Annales de la
Facult é des Let t res : S. Gomis et al : Foi et raison dans l’ espace universit aire :
le cas de l’ universit é Cheikh Ant a Diop de Dakar, in Annales de la Facult é des
Let t res et Sciences humaines, N° 41/ B, Universit é Cheikh Ant a Diop,
Dakar 2011, p. 87-104.
2 - Ce mot wolof est emprunt é à l’ arabe. Il signif ie dans ce présent cont ext e :

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Dr Saliou Ndiaye

f oyer de f ormat ion spirit uelle. Voir inf ra.


3 - Cet t e expression veut dire, en Wolof : "résidence de Serigne Touba". Ces
résidences const ruit es un peu part out dans le monde servent de cent re
spirit uel de ralliement des disciples, à l’ image de la Zawiya, dans les aut res
conf réries.
4 - Ce t hème est l’ obj et d’ ét ude dans une t hèse de Saliou Ndiaye : Le
Tasawwuf et ses f ormes d’ organisat ion, analyse de son évolut ion, des prémices
aux conf réries, Thèse de doct orat d’ Et at , Let t res, UCAD, Dakar 2014.
5 - Ibid.
6 - A. Huj wîrî : Kashf al-mahj ûb, Dâr an-nahda al-arabiyya, Beyrout h 1980,
p. 30.
7 - S. Ndiaye : L’ âme dans le Tasawwuf , analyse de la vie des premiers souf is,
Thèse de doct orat de 3e cycle, Let t res, UCAD, Dakar 2008, p. 140.
8 - Ali b. Husayn, descendant du prophèt e, dévot exemplaire, il mourut en
(92H-711). Cf . A. Huj wîrî : op. cit . , p. 278.
9 - Mahmûd Abd Al-Qâdir : Al-Falsaf at As-Sûf iyya f il-Islâm, Dâr Al-Fikr Al-Arabî,
Al-Qâhira, (s. d. ), p. 152.
10 - Abû Nasr As-Sarrâj at -Tûsî : Kit âb al-Lumâ, Edit é et annot é par R. A.
Nicholson, Imprimerie orient ale, Londres 1914, p. 42.
11 - Le Coran, Sourat e Al-kahf (18), v. 28.
12 - Ibn Dj arir at -Tabar : Târîh al-umam wal-mulûk, Rawâî at -t urât al- arabî,
Beyrout 1962, Tome IV, p. 242-423.
13 - Ahmad Amîn : Duha-l-Islâm, T. 1, pp. 102-130.
14 - At -Tabari : op. cit .
15 - C’ est à part ir de cet évènement que l’ on const at a cet t e division qui va
donner naissance à des f act ion comme le Kharij isme et le Shiisme.
16 - S. Ndiaye : Le Tasawwuf et ses f ormes d’ organisat ion, op. cit . , p. 81-102.
17 - Suf yân at -Tawrî (161/ H) ét ait un souf i et f aqîh. Cf . Ahmad Amîn : op. cit . ,
p. 160.
18 - Hârit b. Asad al Muhâsibî, Abû Abdallah (243/ H), originaire de Basrâ il
mourut à Baghdâd, il est le premier t héoricien connu du Tasawwuf . Il est
l’ init iat eur de la not ion de l’ int rospect ion de l’ âme. Il eut à abandonner
l’ enseignement un moment , pour se consacrer à la médit at ion.
19 - Muhammad al Ghazali, Abû Hâmid (1111), t héoricien et j urist e, grand
souf i, il inspira beaucoup les maît res de conf réries comme Cheikh A. Bamba.
20 - Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké ou Serigne Bamba est né ent re 1852
et 1853 (1270/ H) à Mbacké Baol, au Sénégal. Grand maît re souf i surnommé
Khadimou Rassoul (le Servit eur du Prophèt e), il prat iqua successivement les
wirds qâdirit e, shâdhilit e puis t ij ânit e. Par la suit e, il éduqua ses disciples sur
sa propre voie, sur inj onct ion du Prophèt e qu’ il aurait vu à l’ ét at de veille. Il

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Spiritualisation de l’espace temporel

eut des démêlés avec l’ aut orit é coloniale f rançaise de l’ époque. Ainsi, il
connut des exils et des privat ions. Il décéda en 1927, en résidence surveillée à
Diourbel (Sénégal). Muhammad Al-Bashîr Mbacké : Minan Al-Bâqil-Qadîm f î
sîrat Shayh Al-Hadîm, Al-Mat ̣b aâ al-Malikiyya, Casablanca, (s. d. ), pp. 31-104.
21 - Ibid. , p. 57.
22 - S. Ndiaye : Le Tasawwuf et ses f ormes d’ organisat ion, op. cit . , p. 213-224.
23 - Ibid. , p. 227.
24 - A. Huj wîrî : op. cit . , p. 37.
25 - C’ est la région Cent re-Est de la Perse, l’ act uel Iran.
26 - A. A. Kébé : L’ évolut ion de la f igure du marabout du Riba saharien aux
Zawiya du Sénégal, in Annales de la Facult é des Let t res et Sciences humaines,
N° 42/ B, Universit é Cheikh Ant a Diop, Dakar 2012, p. 10.
27 - A. A. Kébé : op. cit . , p. 12.
28 - Ibid. , p. 1.
29 - Maguèye Ndiaye : Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké un souf i f ondat eur de
t arîqa et un érudit poèt e, Thèse de doct orat d’ Et at , Let t res, Universit é Cheikh
Ant a Diop, Dakar 2013, p. 199.
30 - Ent re le XVIIe et le XIXe siècle le Sénégal connut des inst it ut ions de ce t ype
comme celle de Pir ou de Chérif Lô.
31 - Voir supra.
32 - Ce mot est dérivé du verbe "khadama" qui signif ie "servir".
33 - Cet t e not ion cent rale du Cheikh est également liée au service qu’ il rend
au Prophèt e et qui lui vaut son surnom de Khadimou Rassoul, ou Servit eur du
Prophèt e.
34 - Ce sit e f ut f ondé en 1886. Il se t rouve à l’ Est de Touba (Sénégal). Cf .
Muhammad Al-Bashîr : op. cit . , p. 57.
35 - Voir supra.
36 - Muhammad Al-Bashîr : op. cit . , p. 57-59.
37 - Ibid.
38 - Tel f ut désignée l’ arist ocrat ie guerrière qui dirigeait les royaumes locaux
à l’ époque.
39 - Par exemple Cheikh Ahmad b. Ismuh (érudit maurit anien), Cheikh Ant a
Mbacké, Serigne Mbaye Sarr, Cheikh Samba Diarra Mbaye, Cheikh Ibra Fall,
Cheikh Modou Guèye Labba, Cheikh Ahmad Dème et Cheikh Ablaye Sène sont
d’ origine sociale ou et hnique dif f érent e. Ils sont devenus, à t erme, des
Hommes accomplis (Rij âl), prêt s à assurer la relève de la f ormat ion.
40 - Concernant les inst it ut ions du mouridisme. Cf . Ndiaye Maguèye, op. cit . ,
p. 184-199.
41 - Ce cheikh est d’ origine princière. Mais il se révèle comme le plus humble
des disciples et f ormat eurs de Cheikh Ahmadou Bamba.

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Dr Saliou Ndiaye

42 - Ils f ont part ie des premiers disciples du Cheikh et sont t rès réput és pour
leur érudit ion.
43 - On peut rappeler sans êt re exhaust if , concernant les premiers f oyers
f ondés sous l’ ordre de Cheikh Ahmadou Bamba, que Cheikh Ant a Mbacké, son
f rère, a ét é f ixé à Darou Salam (Dâr as-salâm) t andis que son aut re f rère,
Cheikh Ibrahima Mbacké (Mame Thierno), s’ est inst allé à Daroul Mouht y.
Cheikh Ibra Fall se f ixa, ent re aut res à Saint -Louis, à Thiès puis à Diourbel.
Cheikh Abdourahmane Lô s’ inst alla à Ndame (Touba), Serigne Massamba Diop à
Darou Same, et Serigne Modou Moust apha Mbacké à Thiéyène. Les aut res f ils
du Cheikh ét aient également liés à des f oyers : Serigne Fallou ét ait à Ndindy,
Serigne Mouhamadou Lamine Bara à Mbacké Kaj oor et Serigne Bassirou au
Saloum.
44 - Les plus grands poèt es de la langue wolof de cet t e période ont ét é des
disciples du Cheikh. Ils ont composé leur lit t érat ure à part ir de l’ alphabet et
des normes arabes. Nous avons eu à ét udier le cas de Cheikh Moussa Kâ, l’ une
de ces f igures remarquables. Cf . S. Ndiaye : Le poème Taxmiis, une clé de
l’ Universalisme de Moussa Kâ, in Et hiopiques N° 92, Fondat ion Léopold Sédar
Senghor, Dakar 2014, p. 23-40.
45 - Cet homme considéré comme un savant , a beaucoup écrit sur la
valorisat ion de l’ homme noir en t ant qu’ hist orien, linguist e et scient if ique. Sa
t hèse de "l’ ant ériorit é de la civilisat ion nègre" est t rès réput ée. Aut rement dit ,
avant l’ indépendance, il crit iquait sans complexe l’ hégémonie européenne sur
l’ Af rique. Il f aut souligner que cet homme a eu à passer par les "Daara" du
Cheikh avant de f réquent er l’ école. Il est mort en 1987. La première et plus
grande universit é du Sénégal port e son nom.
46 - S. Gomis et al : op. cit . , p. 93.

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