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Post’U (2013) 13-20

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La maladie cœliaque

Objectifs pédagogiques entéropathie chronique avec atrophie


villositaire secondaire à une réponse Jean-Pierre Olives
– Connaître les particularités de la immunitaire inappropriée de la
maladie cœliaque chez l’enfant et muqueuse intestinale à la gliadine du
l’adolescent (diagnostic différentiel, blé, de l’orge et du seigle. À côté de
maladies associées, observance du cette forme typique du nourrisson
régime et questions sur la réintro- dont le diagnostic repose sur l’analyse Nous ingérons habituellement 10 à
duction du gluten) histologique d’une biopsie intestinale, 15 g de gluten par jour. Les séquences
– Savoir quelles informations trans- le développement de marqueurs séro- peptidiques toxiques de la gliadine
mettre à l’hépatogastroentérologue logiques a révélé l’incidence élevée des sont relativement résistantes aux
adulte et comment formes frustes, pauci-symptomatiques, capacités enzymatiques digestives et
silencieuses voire latentes, faisant de peuvent parvenir intactes au contact
la maladie cœliaque et des manifesta- de la muqueuse intestinale. Ces frag-
Introduction tions non digestives de l’intolérance ments sont alors absorbés par l’épithé-
au gluten des pathologies fréquentes. lium et arrivent dans le chorion au
Le passage de l’adolescence à l’âge Ce sont ces formes qui sont les plus contact de la transglutaminase tissu-
adulte pose les questions suivantes fréquentes chez l’adolescent et l’adulte. laire dont ils sont des substrats de par
chez les patients atteints de maladie Ce changement de visage de la mala- leur richesse en glutamine.
cœliaque : die cœliaque s’accompagne d’une évo- La transglutaminase transforme par
1 : Une maladie cœliaque découverte lution des stratégies diagnostiques désamidation, les glutamines chargées
à l’âge de 18 mois chez un enfant qui mais également de la définition de la positivement en résidus d’acides glu-
a suivi un régime strict jusqu’à la maladie elle-même. Actuellement, la tamiques, chargés négativement. Ceci
puberté justifie-t-elle l’exclusion du maladie cœliaque doit être comprise permet alors leur liaison aux poches
gluten toute la vie durant ? comme une maladie dysimmunitaire à peptides, chargées positivement, des
2 : Si le régime sans gluten est com- systémique, initiée par la gliadine et molécules HLA DQ2 ou DQ8 qui sont
mencé tôt dans l’enfance, l’acquisition les prolamines proches, survenant situées à la surface des cellules pré-
d’une tolérance partielle est-elle pos- chez des sujets génétiquement prédis- sentatrices d’antigènes. Ces peptides
sible à l’âge adulte ? posés, et caractérisée par la combinai- désamidés sont reconnus par les lym-
son variable de manifestations cli- phocytes T CD4+ intestinaux qui pro-
3 : Les enfants d’aujourd’hui bénéfi- niques diverses, d’anticorps spécifiques
cieront-ils dans 10, 20 ou 30 ans d’un duisent alors des cytokines comme
et d’une entéropathie chez les per- l’interféron , l’IL 4 et le TNF , res-
traitement médicamenteux ou d’une sonnes ayant le phénotype HLA DQ2
désensibilisation leur permettant de ponsables des lésions d’inflammation
ou DQ8 [1]. et d’atrophie villositaire [3].
manger du gluten ?
Plus de 90 % des malades cœliaques
expriment le génotype HLA DQ2, alors
Définitions Physiopathologie que 5 à 10 % restant possèdent le
génotype DQ8. Cette prédisposition est
La maladie cœliaque était classique- Le gluten n’est toxique que chez des toutefois fréquente, concernant 30 à
ment définie chez l’enfant, comme une sujets génétiquement prédisposés [2]. 40 % de la population générale, sug-
gérant l’implication d’autres facteurs.
Des facteurs non génétiques inter-
J.-P. Olives () Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques, Hôpital des Enfants,

330, avenue de Grande-Bretagne, TSA 70034, 32059 Toulouse Cedex, France.
viennent également dans l’évolution
Téléphone : 05 34 55 85 62 Télécopie : 05 34 55 85 67 de la maladie cœliaque en particulier
E-mail : olives.jp@chu-toulouse.fr chez le jeune enfant [4]. Les infections

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intestinales, notamment à adénovirus Tableau I. Symptômes frustes Tableau II. Situations à risque
augmenté de maladie coeliaque
et à rotavirus qui altèrent la barrière ou atypiques pouvant révéler
intestinale avec une atrophie partielle une maladie cœliaque • Diabète de type I
de la muqueuse, entraîneraient une • Selles irrégulières • Déficit en IgA
augmentation de la perméabilité, de • Constipation chronique • Trisomie 21
l’expression d’HLA DQ et de la concen- • Appétit diminué • Syndrome de Turner
tration de transglutaminase tissulaire, • Douleurs abdominales récidivantes • Syndrome de Williams
Prise de poids médiocre Hépatite et cholangiopathies auto-immunes
favorisant ainsi le développement de • •
• Retard de croissance Thyroïdite auto-immune
la maladie. Une exposition à la glia- •
• Retard pubertaire, aménorrhée Apparentés de 1er degré
dine in utero ou via le lait de mère, les •
• Fatigue chronique
facteurs immuno-modulateurs du lait
• Anémie ferriprive réfractaire
maternel, la quantité et l’âge d’intro- • Douleurs osseuses, fractures sur ostéopénie apathie. L’examen clinique montre un
duction du gluten jouent également Syndrome hémorragique
• météorisme abdominal et des signes
un rôle important. L’introduction du Aphtose buccale récidivante
• de dénutrition avec une fonte des
gluten avant 3 mois ou après 7 mois Hypoplasie de l’émail dentaire
• masses musculaires et du tissu adi-
est associée à une augmentation de la Éruption herpétiforme
• peux. Le retentissement nutritionnel
prévalence de la maladie cœliaque Augmentation des transaminases

est confirmé par la cassure de la
sous toutes ses formes. Les conseils
courbe de poids, parfois associée à un
actuels sont d’introduire le gluten en
ralentissement secondaire de la vitesse
faible quantité entre 4 et 6 mois pen- de la maladie cœliaque a augmenté de de croissance staturale. Les deux der-
dant la poursuite de l’allaitement façon importante durant les 30 der- nières décennies ont révélé l’existence
maternel [5]. nières années, passant de 2-3 à 9, de formes atypiques ou frustes qui
voire 13, nouveaux cas pour 100 000 s’avèrent plus fréquentes que la forme
habitants et par an [7]. Cette augmen- classique. Elles peuvent correspondre
Épidémiologie tation d’incidence avec le temps reflète à des symptômes digestifs modérés, ou
probablement davantage de recon- à des signes extra-digestifs (Tableau I),
La prévalence se situe entre 1/2 500 et naissance des formes atypiques et et doivent maintenant être connues
1/3 000 pour les formes symptoma- silencieuses grâce aux tests sérolo- des médecins traitants et recherchées
tiques classiques, mais la majorité des giques. Des différences de prévalence par la sérologie.
formes sont silencieuses, ont une de gènes de prédisposition et des
De nombreuses pathologies peuvent
symptomatologie atypique et sont modalités de la diversification alimen-
être associées à la maladie cœliaque
souvent méconnues [4]. Les études taire (introduction plus précoce ou
(Tableau II) et peuvent conduire à son
séro-épidémiologiques suggèrent que, plus tardive du gluten) pourraient éga-
diagnostic ou apparaître au cours de
pour chaque cas de maladie cœliaque lement expliquer des variations géo-
son suivi [9].
diagnostiquée, il existerait 3 à 7 cas graphiques et dans le temps de l’inci-
non diagnostiqués [6]. Dans les pays dence de la maladie [6].
occidentaux, la prévalence de la mala-
die cœliaque se situe entre 0,7 et 2 %
Diagnostic
dans la population générale, mais elle Clinique : le nouveau visage Des perturbations biologiques orientent
est de 3 à 6 % chez les diabétiques de de la maladie cœliaque [8, 9] généralement, mais pas toujours, vers
type 1, de 10 à 20 % chez les apparen- un syndrome de malabsorption.
tés du premier degré d’un sujet La maladie cœliaque est progressive- Les marqueurs sérologiques consti-
cœliaque, de 3 à 15 % chez les sujets ment passée du statut de maladie tuent actuellement la première étape
ayant une anémie ferriprive, de 1 à digestive rare du nourrisson à celui de du diagnostic quelle que soit la forme
3 % en cas d’ostéoporose [4]. La fré- maladie systémique fréquente tou- clinique. Ils sont particulièrement
quence varie selon l’origine ethnique. chant tous les âges de la vie [10]. utiles en cas de suspicion de maladie
Des incidences proches de celles de
Dans sa forme classique, la maladie cœliaque devant des signes frustes ou
l’Europe ou des États-Unis sont notées
cœliaque débute chez un nourrisson atypiques (Tableau I). Les anticorps
en Afrique du Nord, au Moyen-Orient
de plus de 6 mois, quelques semaines anti-gliadine, de type IgA et IgG, ont
ou en Inde. En revanche, la maladie
après l’introduction du gluten dans été les premiers mis en évidence dans
cœliaque est quasiment inconnue en
l’alimentation. Elle se manifeste par la maladie cœliaque et largement uti-
Asie du Sud Est et en Afrique noire.
une diarrhée chronique avec des selles lisés pour son diagnostic. Néanmoins,
L’incidence, le nombre de nouveaux abondantes en « bouse de vache », en raison de leur manque de sensibilité
cas par an rapportés à la population, accompagnée d’une anorexie, d’une et de spécificité, ils ne sont plus

14 • • • • • •
recommandés ni remboursés [11]. La
recherche d’IgA anti-endomysium
(anti-EMA) a une excellente sensibilité
et spécificité mais nécessite des tech-
niques d’immunofluorescence indi-
recte, plus coûteuses. Les anticorps
anti-transglutaminase tissulaire (anti-
TG2), détectés facilement par une
technique ELISA, ont une excellente
sensibilité (85 à 98 %) et spécificité
(94 à 98 %). Les recommandations
actuelles [1,11] préconisent en pre-
Figure 1. Atrophie villositaire totale de la muqueuse intestinale dans la maladie cœliaque
mière intention le dosage des anti-
corps IgA anti-TG2 en raison de sa
facilité, sa fiabilité et son coût modéré. Tableau III. Principales causes d’atrophie villositaire intestinale
La recherche des IgA anti-EMA est
Maladie cœliaque
préconisée en deuxième intention. Il
Intolérance aux protéines du lait de vache
est indispensable d’y associer un
dosage pondéral des immunoglobu- Malnutrition protéino-énergétique
lines car ces tests peuvent être pris en Maladie de Crohn
défaut en cas de déficit en IgA (IgA < Causes dysimmunitaires : Maladie des chaînes alpha
0,2 g/l), présent chez environ 2 % des Déficit en IgA
Hypogammaglobulinémie
sujets intolérants au gluten. Dans ce HIV
cas, il est alors recommandé de recher- Gastroentérite à éosinophiles
Entéropathies autoimmunes
cher les IgG anti-TG2 et IgG anti- Réaction du greffon contre l’hôte
EMA, et de réaliser une biopsie intes- Rejet de greffe intestinale
tinale. En cas de marqueurs sérologiques Causes infectieuses : Pullulation microbienne
négatifs alors que le tableau clinique Giardiase
Rotavirus, adénovirus
est évocateur, ou de discordance entre Cryptosporidiose, microsporidiose, strongyloïdose
les différents anticorps, il sera discuté Tuberculose
de rechercher les HLA DQ2/DQ8 et de Sprue tropicale
réaliser une biopsie intestinale si ces Divers : Atrophie micro-villositaire
Dysplasie épithéliale
derniers sont présents [1]. Abetalipoproteinémie

Le diagnostic est confirmé par la biop-


sie intestinale, qui doit être réalisée tation. Il faut noter que l’atrophie vil- Toutefois, l’évolution actuelle se fait
avant toute mise au régime sans glu- lositaire n’est pas spécifique de la vers une simplification de la procédure
ten. Il est recommandé de prélever, maladie cœliaque et peut se voir dans diagnostique, rendue possible grâce à
habituellement au cours d’une endos- d’autres maladies (Tableau III), en la fiabilité des auto-anticorps et la
copie, 4 à 6 prélèvements au niveau revanche une augmentation des lym- détermination des groupages HLA. Des
du bulbe ou du 2e duodénum. Celle-ci phocytes intra-épithéliaux au-delà de études récentes [14,15] montrent que
montre une atrophie villositaire totale 35 % renforce la valeur prédictive l’histologie confirme toujours le dia-
ou sub-totale (grades 2 ou 3 de Marsh) positive en faveur d’une maladie gnostic chez les enfants ayant un
(Fig. 1), associée à une hyperplasie des cœliaque. tableau typique et des anticorps anti-
cryptes et une augmentation des lym- TG2 très positifs (supérieurs à 10 fois
La disparition des signes cliniques et
phocytes intra-épithéliaux (supérieure la limite supérieure de la normale).
la négativation des anticorps après
à 40 %) [12]. Le diagnostic histolo- Dans ces formes classiques, les der-
12 mois de régime sans gluten vien-
gique peut être difficile en cas de nières recommandations proposent de
dront confirmer le diagnostic de mala-
régime sans gluten débuté de façon ne pas faire de biopsie intestinale
die cœliaque.
intempestive, estompant les lésions avant la mise au régime sans gluten.
caractéristiques. Il faut donc insister La biopsie intestinale reste encore à ce Cette démarche doit être expliquée à
auprès des médecins traitants sur la jour l’examen indispensable pour la famille par un spécialiste en gastro-
nécessité d’adresser au spécialiste les confirmer l’existence d’une maladie entérologie pédiatrique, après avoir
enfants suspects de maladie cœliaque cœliaque et indiquer le début d’un conforté le diagnostic par la positivité
avant toute modification de l’alimen- régime sans gluten [13]. des anticorps anti-EMA et la vérifica-

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Au cours du temps, il existe une pro-
gression plus ou moins rapide de la
SYMPTOMATIQUE maladie latente vers la forme silen-
Lésions histologiques cieuse puis la maladie active qui peut
se révéler à tout âge. Parmi la popu-
SILENCIEUSE lation génétiquement prédisposée
Anticorps positifs
(HLA DQ2 ou DQ8), cette évolution est
très variable. Certains sujets déve-
LATENTE loppent rapidement une maladie
bruyante réalisant le tableau classique
du petit enfant, d’autres présentent des
Muqueuse normale
symptômes plus ou moins typiques
SUJETS SAINS pendant l’enfance ou à l’âge adulte
voire au 3e âge, certains adultes sont
diagnostiqués devant des complica-
tions graves, tandis la majorité restera
au stade de maladie cœliaque latente
Susceptibilité génétique HLA DQ2 ou DQ8 pendant toute la vie. Il a été montré
chez les sujets cœliaques adultes non-
Figure 2. Le modèle de l’iceberg. traités un sur-risque de maladie auto-
immune, de cancer du tube digestif,
tion que le sujet possède bien les précède celui de maladie active [16]. notamment des lymphomes, et une
déterminants HLA DQ2 ou DQ8 [1]. Pendant cette phase de latence, la augmentation globale de la mortalité
L’histologie intestinale reste par contre biopsie intestinale ne montre pas [18, 19]. Ce sur-risque est discuté en
un élément diagnostique incontour- d’atrophie villositaire, mais des signes cas de maladie silencieuse [20].
nable pour les formes avec sympto- d’activation immunologique peuvent
matologies frustes ou atypiques, ou être présents dans la muqueuse intes- La figure 3 résume les stratégies dia-
associées à un déficit en IgA, et les cas tinale et les auto-anticorps spécifiques gnostiques à adopter chez les sujets
douteux (discordance des anticorps, sont présents. Chez ces sujets, des symptomatiques.
symptômes typiques et sévères avec symptômes peuvent apparaître pro-
anticorps négatifs). La haute valeur gressivement accompagnés de lésions
prédictive négative des gènes de sus- intestinales, signant le passage à la Traitement : le régime
ceptibilité HLA DQ2/DQ8, peut être forme active de la maladie. Cette forme sans gluten
utile pour écarter le risque d’une mala- active de la maladie est caractérisée
die cœliaque chez les sujets mis d’em- par la présence de symptômes intesti- Actuellement, le traitement demeure
blée sous régime sans gluten, dans les naux ou extra-digestifs, d’une atro- exclusivement diététique : le régime
cas douteux (discordance des anti- phie villositaire avec hyperplasie des sans gluten strict. Celui-ci nécessite
corps, lésions histologiques non cryptes et d’auto-anticorps circulants. d’exclure de l’alimentation tous les
typiques) ou dans les populations à Les formes atypiques, faites de symp- aliments naturels ou industriels,
risque (Tableau II) [14,15]. En cas de tômes extra-digestifs ou digestifs mais contenant des produits dérivés du blé,
lésions histologiques compatibles avec non spécifiques, sont les plus fré- du seigle, de l’orge. Le riz et le maïs
le diagnostic de maladie cœliaque quentes [10]. La maladie cœliaque étant permis, la farine de blé peut être
chez un sujet HLA DQ2/DQ8 négatif, silencieuse est caractérisée par la pré- remplacée dans de nombreuses cir-
d’autres pathologies intestinales sence d’auto-anticorps dans le sérum, constances par la maïzena ou la farine
doivent être recherchées (Tableau III). l’existence de lésions histologiques de riz. L’ingestion de flocons d’avoine
La figure 2 résume les stratégies dia- intestinales typiques, chez des sujets est autorisée, ce qui permet de rendre
gnostiques à adopter chez les sujets HLA-DQ2 ou DQ8 positifs mais asymp- le régime moins monotone, en parti-
symptomatiques. tomatiques. Un interrogatoire minu- culier pour le petit déjeuner, et contri-
tieux révèle cependant souvent des bue à équilibrer un régime sinon trop
Le spectre de la maladie signes digestifs frustes ou un déficit limité en fibres. L’alimentation peut
de taille chez l’enfant [17]. Ces formes être normale par ailleurs, hormis une
cœliaque pauci-symptomatiques peuvent s’ac- exclusion du lactose parfois nécessaire
Le modèle de l’iceberg (Fig. 2) illustre compagner de déficits nutritionnels en pendant quelques semaines en cas de
qu’un stade de maladie latente, ne oligoéléments, minéraux, ou une diarrhée très sévère. L’aide d’une dié-
s’exprimant pas sur le plan clinique, ostéoporose. téticienne est indispensable à la mise

16 • • • • • •
grande partie génétiquement détermi-
Symptômes compatibles avec une maladie cœliaque née, persistant probablement toute la
vie. Dans de rares cas, la reprise d’un
régime normal à l’adolescence ne
Ac anti-TG2 donne lieu à aucune manifestation
Avis spécialisé MC écartée*
IgA totaux clinique ou biologique, mais la rechute
peut survenir de façon retardée, notam-
ment après passage à l’âge adulte.
Dans les autres cas, la reprise d’une
Anti-TG2 > 10N Anti-TG2 < 10N Biopsie intestinale alimentation contenant du gluten est
suivie de rechutes biologique et/ou
histologique, s’accompagnent de
déminéralisation osseuse et exposent
Ac anti-EMA / HLA DQ2/DQ8 Marsh 0-1 Marsh 2-3
à des pathologies associées. La plupart
des équipes sont donc favorables au
maintien du régime à vie en raison de
EMA + EMA – EMA + EMA – son effet préventif sur la survenue des
HLA + HLA – HLA + HLA – MC écartée** MC principales complications, notamment
l’ostéoporose, les maladies auto-
immunes et les cancers [22, 23].
MC MC écartée***
En cas de maladie silencieuse (anti-
corps positifs et atrophie villositaire),
* Ne pas écarter le diagnostic de maladie cœliaque en cas de déficit en IgA (< 0,2 g/l), d’âge inférieur à 2 ans,
de faible consommation de gluten, de traitement immunosuppresseur,
découverte à l’occasion d’un dépistage
de symptômes sévères ou de pathologie associée. dans une famille d’un cœliaque ou
** Envisager un faux positif des Ac anti-TG2 ou un faux négatif de la biopsie : chez un malade à risque, atteint d’une
surveillance clinique, révaluer les Ac, HLA DQ2/DQ8, biopsie.
*** Envisager un faux positif des Ac anti-TG2. maladie auto-immune partageant le
même terrain génétique (diabète insu-
Figure 3. Arbre diagnostique devant des symptômes compatibles avec une maladie cœliaque lino-dépendant, dermatite herpéti-
(modifié d’après [1]) forme…), il convient de rechercher
tout signe clinique même minime
en route du régime. L’Association lance d’un enfant sous régime sans (douleurs abdominales, asthénie, perte
Française des Intolérants au Gluten gluten doit vérifier le bon état nutri- d’appétit, épisodes de diarrhée jugés
(www.afdiag.fr) fournit des informa- tionnel, la régularité de croissance banals, ralentissement de la crois-
tions très utiles pour aider les familles staturo-pondérale, le bon déroulement sance…), biologique (anémie, carence
dans le suivi du régime. Malgré une de la puberté, et la négativité des anti- en fer, en folates ou en vitamine D) ou
réalisation plus facile en pratique grâce corps. osseux (baisse de la minéralisation
à la disponibilité de nombreux pro- osseuse mesurée par absorption bipho-
duits sans gluten, le régime retentit L’indication du régime sans gluten est tonique) qui signifieraient que la
sur la vie quotidienne, peut être source indiscutable dans la maladie sympto- maladie n’est pas complètement silen-
de frustration voire de dépression, et matique, typique ou atypique. L’effet cieuse et justifieraient la mise sous
est encore souvent vécu comme du régime sans gluten est le plus sou- régime. En l’absence de toute anoma-
« désocialisant » notamment chez les vent spectaculaire en particulier chez lie, le régime peut se discuter car ses
adolescents. De nombreuses études le petit enfant : en quelques jours les effets bénéfiques sur la pathologie
chez l’adolescent et l’adulte montrent, troubles du comportement dispa- associée ou préventifs sur l’apparition
qu’à terme, le régime est mal suivi par raissent et l’appétit revient, puis les d’une maladie active, de maladie auto-
10 à 40 % des malades, d’où l’impor- selles se normalisent progressive- immune ou de cancer, restent incer-
tance de consultations systématiques ment ; la courbe pondérale se redresse tains [20]. La décision de ne pas ins-
annuelles ou biannuelles avec le et l’état trophique s’améliore dans les tituer alors de régime, notamment en
médecin et la diététicienne pour main- semaines qui suivent alors que le rat- raison du poids psychologique et
tenir une bonne observance du régime. trapage statural est généralement social, peut être envisagée mais néces-
retardé de 2 à 3 mois. Le régime sup- site alors une surveillance clinique et
Avec un régime bien conduit, les anti- prime les symptômes et les consé- biologique régulière. La reprise du
corps disparaissent en un an environ, quences de la maladie mais ne la gué- régime reste néanmoins conseillée
et doivent rester négatifs. La surveil- rit pas, la sensibilité au gluten, en après l’âge de 25 ans ou en cas de

• • • • • • 17
grossesse [24]. En cas de forme latente l’apparition de complications comme 8. Fasano A. Clinical Presentation of
(anticorps positifs, absence d’atrophie l’ostéoporose, certaines maladies auto- celiac disease in the pediatric popula-
villositaire), il est proposé une simple immunes ou cancers. Cependant de tion. Gastroenterology 2005;128: S68-
surveillance clinique et biologique. nombreuses situations peuvent S73.
conduire à ce que l’adolescent ou le 9. Mouterde O, Ben Hariz, Dumant C. Le
Lors du transfert du patient à un
jeune adulte consomme des quantités nouveau visage de la maladie
hépato-gastroentérologue à l’âge cœliaque. Arch Pediatr 2008;15:501-3.
adulte, il doit être clairement défini si importantes et répétées de gluten ou
suive un régime strictement normal. 10. Rampertab SD, Pooran N, Brar P,
le sujet présente une intolérance per- Singh P, Green PHR. Trends in the
sistante justifiant la poursuite prolon- L’hépato gastroentérologue qui va le
presentation of celiac disease. Am J
gée ou définitive d’un régime sans prendre en charge par la suite doit en Med 2006;119:355.e9-14
gluten, ou si en raison d’une forme être informé, de façon à assurer un
11. Quelles recherches d’anticorps pres-
latente ou asymptomatique un régime suivi rapproché comprenant, si néces- crire dans la maladie cœliaque ? Haute
normal a été continué, ou bien encore saire, des contrôles biologiques répétés Autorité de Santé 2008.
si le sujet ne suit pas le régime conseillé et une biopsie intestinale. 12. Bao F, Bhagat G. Histopathology of
et/ou fait de nombreux écarts. Il n’est celiac disease. Gastrointest Endosc
pas rare que certains pédiatres pro- Clin N Am 2012;22:679-94.
posent une réintroduction du gluten à 13. Walker-Smith J, Guandalini S,
l’adolescence. S’il n’y a pas de rechute Schmitz J, Shmerling D, Visakorpi J.
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Les 5 points forts


➊ La maladie cœliaque est une maladie systémique fréquente (0,2 à 3 %)
touchant tous les âges de la vie.
➋ La maladie peut être latente, avec présence d’anticorps mais sans atrophie
villositaire intestinale, pendant de nombreuses années avant de passer
éventuellement au stade de maladie active, silencieuse (atrophie villositaire
et séropositivité sans signes clinico-biologiques) ou symptomatique.
➌ La forme classique se manifestant par une diarrhée chronique avec dénu-
trition reste relativement rare chez l’enfant, à côté des formes frustes ou
atypiques, qui sont plus fréquentes et souvent méconnues.
➍ Le régime sans gluten ne doit pas être débuté sans certitude diagnostique.
Il doit être indiqué par un médecin spécialisé en gastroentérologie. Le
régime sans gluten est indiqué devant toute maladie cœliaque sympto-
matique, typique ou atypique.
➎ Lors du transfert du patient à un hépatogastroentérologue à l’âge adulte,
le régime sans gluten doit être poursuivi de manière définitive, et s’il a
été arrêté sa reprise doit être discutée en raison du risque élevé de rechute.

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Question à choix unique

Question 1
Concernant les généralités sur la maladie cœliaque, quelle est (quelles sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?
❏ A. La fréquence de la maladie cœliaque est beaucoup plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte.
❏ B. La maladie cœliaque est une maladie de l’intestin grêle et qui touche rarement d’autres organes ou d’autres
tissus.
❏ C. La maladie cœliaque chez l’enfant ne peut être diagnostiquée et confirmée que par la biopsie intestinale.
❏ D. La maladie cœliaque est une allergie à la farine de blé due à des complexes immuns (Ag-Ac) circulants.
❏ E. Le régime sans gluten est la seule thérapeutique actuelle de la maladie cœliaque.

Question 2
Concernant le diagnostic de la maladie cœliaque : quelle est (quelles sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?
❏ A. Le diagnostic de maladie cœliaque peut être affirmé par un taux élevé des IgA et IgG antigliadine.
❏ B. Les gênes du groupe HLA les plus fréquemment associés à la maladie cœliaque sont HLA-DQ2 et HLA-DQ8.
❏ C. Les gênes HLA-DQ2 et HLA-DQ8 sont trouvés chez environ 40 % des sujets de la population générale qui
ne sont pas intolérants au gluten.
❏ D. La vidéocapsule endoscopique permet de confirmer le diagnostic de maladie cœliaque.
❏ E. La maladie cœliaque est fréquemment associée à des maladies auto-immunes.

Question 3
Concernant le devenir, à l’âge adulte, des maladies cœliaques non traitées (ou traitées tardivement) pendant l’enfance,
quelle est (quelles sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?
❏ A. Les malades cœliaques ont une taille inférieure à celle de la population générale à l’âge adulte.
❏ B. Les malades cœliaques ont des problèmes de fertilité (hommes et femmes) et les femmes sont prédisposées
à des risques d’avortement et d’accouchement prématuré plus élevés.
❏ C. Le risque de survenue de cancer est plus élevé chez les malades cœliaques traités tardivement que dans la
population générale.
❏ D. Les malades cœliaques non traités pendant l’enfance ont un risque élevé de déminéralisation osseuse et
d’ostéoporose.
❏ E. Le risque de voir se développer des pathologies auto-immunes est plus élevé chez les sujets non traités
pendant plusieurs années.

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