Cas clinique
Journal Marocain des Sciences Médicales 2020, Tome 22 ; N°2
VOLVULUS GRELIQUE CHEZ UNE FEMME ENCEINTE A 18 SEMAINES
D’AMENORRHEE : A PROPOS D’UN CAS
Y. El Oukli₁, R. Ben Janan2, K. Youssef₁, T. Lachguar₁, I. Ennouhi₁
1 : Service des Urgences Chirurgicales Viscérales, Hôpital Ibn Sina, Rabat, 2 : Maternité Suissi Rabat
RESUME
Le volvulus de l’intestin grêle est complication rare de la
grossesse de diagnostic difficile et tardif au stade de
complication puisque la clinique est peu spécifique
souvent camouflé par une symptomatologie qui peut être
rapporté à la grossesse. Nous rapportant le cas d’une
patiente âgée de 38 ans admise à 18 semaines
d’aménorrhée dans un tableau de d’occlusion intestinal
avec menace d’avortement. L’exploration radiologique
avait retrouvé une occlusion intestinale mécanique avec
souffrance digestive d’où une résection intestinale en
urgence avec iléostomie.
La présentation de cette observation est l’occasion de
discuter des modalités diagnostiques et thérapeutiques de
cette rare association.
Mots clés : grossesse, occlusion, volvulus grêlique
INTRODUCTION
Une occlusion digestive complique rarement le
déroulement d’une grossesse mais elle est redoutable
pour la mère et l’enfant à naître. Son incidence, telle
qu’elle est rapportée dans la littérature, varie entre 1 sur
66343 et 1 sur 1500 (1). Le retard au diagnostic est une
constante dans la littérature. Il trouve son origine dans le
manque de spécificité de la clinique et dans le fréquent
attentisme des intervenants, paralysés entre les
conséquences d’une exploration paraclinique irradiante
et le risque opératoire.
C’est à travers d’un cas clinique d’occlusion grêlique
par un volvulus chez une femme enceinte à 18 SA, et une
revue de la littérature que nous discutons la
physiopathologie et les problèmes diagnostiques et
thérapeutiques de cette entité.
CAS CLINIQUE
Il s’agit d’une patiente âgée de 38 ans, deuxième geste
primipare. Admise aux urgences obstétricales pour
menace d’avortement à 18 semaines d’aménorrhée avec
des douleurs abdominales généralisées. Dans ces
antécédents la patiente a présentée des infections
génitales basses à répétition traité à plusieurs reprise, par
contre la patiente n’a été jamais opérée et sa grossesse
actuelle n’été pas suivie.
Le début de la symptomatologie remonte à 3 jours par
des douleurs atroces au niveau péri-ombilicale avec des
vomissements et notion d’arrêt des matières et des gazes
suivie d’une altération progressive de l’état général puis
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ABSTRACT
Volvulus of the small intestine is a rare complication of
difficult and late diagnosis pregnancy at the stage of
complication since the clinic is not very specific often
camouflaged by a symptomatology that can be related to
pregnancy. We report the case of a 38-year-old woman
admitted to 18 weeks of amenorrhea in a bowel
obstruction chart with a threat of abortion. The
radiological exploration had found a mechanical bowel
obstruction with digestive distress from which an
emergency bowel resection with ileostomy.
The presentation of this observation is an opportunity to
discuss the diagnostic and therapeutic modalities of this
rare association.
Keywords : pregnancy, obstruction, small intestine
volvulus
l’apparition des douleurs pelviennes en rapport avec le
début d’avortement et un syndrome fébrile.
L’examen clinique à l’admission trouve une patiente
consciente, en hypotension artérielle à 09/05, tachycarde
à 120 BPM, fébrile à 39 C. l’examen abdominale trouve
un abdomen légèrement distendu avec sensibilité péri-
ombilicale, et ampoule rectale vide au toucher rectale.
L’examen obstétrical trouve un col ouvert avec un
saignement actif d’origine endo-utérin, 1 heure après la
patiente a fait une expulsion complète du produit de
conception.
Le bilan biologique a objectivé une hyperleucocytose à
20000 éléments/mm3, une anémie avec HB= 8,8 g/l, et
une CRP très élevée à 604 mg/l, une urémie à 1 g/l avec
créatinémie normale.
L’ASP a montré plusieurs niveaux hydro-aériques de
type grêlique (figure 1). L’échographie abdominale a
montrée des anses digestives distendues avec
épanchement liquidien de moyenne abondance. on a
complété l’exploration radiologique par un scanner
abdominale (figure 2) qui a montré une occlusion
grêlique de type mécanique avec des anses mesurant 50
mm de diamètre, avec zone de disparité de calibre et
paroi amincie et non rehaussée de plusieurs anses au
temps artériel, en faveur d’une nécrose grêlique, ainsi
qu’un épanchement intra-péritonéale de moyen
abondance.
Cas clinique
Figure 1 : ASP montrant des niveaux hydro-aériques de
type grêlique
Figure 2 : aspect TDM d’occlusion avec nécrose grélique.
Par conséquent nous avons indiqué une laparotomie en
urgence, après une courte préparation en réanimation.
L’incision est médiane xyphopubienne, après aspiration
d’environ 700 cc de liquide sanglant, l’exploration
trouve un volvulus avec nécrose de l’iléon autour d’un
bride mésentérique (figure 3).
Figure 3 : aspect péropératoire du grêle distendu et nécrosé
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Nous avons procédé à une toilette péritonéale première
puis à la résection de la partie nécrosée (figure 4)
(environ 1,2m) intéressant l’iléon jusqu’à son
abouchement dans le coecum, enfouissement du
moignon iléal et enfin on a terminé par la confection
d’une iléostomie terminale et drainage de la cavité
péritonéale.
Figure 4 : partie réséquée du grêle nécrosé
Les suites postopératoires étaient simples, après séjour
en réanimation pendant 2 jours la patiente a quittée
l’hôpital à J7, et elle est revenue 2 mois après pour le
rétablissement de la continuité digestive.
DISCUSSION
Une occlusion digestive complique rarement l’évolution
d’une grossesse. Son incidence varie entre 1/1.500 à
1/66.000 grossesses. Cette incidence est en
augmentation, La recrudescence des maladies
inflammatoires du pelvis (PID) en serait en partie
responsable. Environ 53-59 % des obstructions
intestinales sont dues à des adhérences ou brides
secondaires à des interventions chirurgicales ou à des
épisodes de PID(2,3). Les autres étiologies sont par ordre
de fréquence : le volvulus intestinal (25%),
l’invagination intestinale aiguë (5%), la hernie étranglée
(1,4%), l’appendicite aiguë (0,5%) (2). La répartition en
fonction du trimestre de grossesse se fait comme suit :
6% au premier trimestre, 27% au second, 44% au
troisième et 21% pendant le post-partum (4). Trois
périodes critiques ont été identifiées durant la grossesse :
entre 16 et 20 semaines, lors du mouvement ascensionnel
de l’utérus du pelvis vers l’abdomen ; entre 32 et 36
semaines, lorsque la tête fœtale descend dans le pelvis et
dans le post-partum immédiat, lors de la réduction
soudaine de la taille de l’utérus (3).
Sur le plan physiologique les modifications qui
accompagnent la grossesse favorise d’avantage
l’occlusion, ainsi la diminution du péristaltisme
intestinale et l’augmentation de la constipation habituelle
due à l’imprégnation progestative favorisant une
hypotonie de la musculature lisse intestinale, et la
Cas clinique
modification topographique des brides suite au
développement de l’utérus gravide (2,5).
Le diagnostic d’occlusion intestinale durant la grossesse
est basé sur la même triade clinique que dans la
population générale : douleur abdominale, vomissement,
arrêt des matières et des gaz. La difficulté diagnostique
vient de ce que les nausées et vomissements sont des
pathologies fréquentes et le plus souvent banales durant
la grossesse : aux alentours de 16 semaines de gestation,
50 % des patientes se plaignent encore de nausées et 33
% de vomissements (2). L’obstruction intestinale peut
aisément être confondue avec l’hyperemesis gravidarum,
en particulier au premier trimestre. Ainsi les réponses
thérapeutiques à l’administration d’antiémétiques sont
cruciales : d’après Connoly et Perdue “ Une absence de
réponse aux antiémétiques impose un bilan
complémentaire approfondi et doit évoquer l’éventualité
d’une occlusion intestinale (2,4).
La douleur abdominale et l’arrêt de gaz constituent des
signes d’alarme suffisants pour évoquer le diagnostic
d’occlusion intestinale. La douleur abdominale est
présente dans 85 à 98 % des cas (5), les vomissements
dans 82 % des cas et l’arrêt des matières dans 30% (2).
Tout cela rend compte de la difficulté du diagnostic
clinique (4 cas de diagnostic erroné sur 9 patients dans la
série de Meyerson et al.) et d’un retard constant à la prise
en charge. Le délai moyen entre admission et chirurgie
est ainsi de 48 à 84 heures (6,7). L’imagerie devient alors
incontournable. Les analyses biologiques sont souvent
peu concluantes ; La grossesse s’accompagne d’une
hyper leucocytose physiologique qui peut varier entre
9000 à 12000 en raison de l’augmentation de l’activité
corticosurrénale et donc serait un indicateur peu fiable
chez la femme enceinte (2, 8,9). Toutefois, une
augmentation significative en quelques heures de la
leucocytose doit attirer l’intention (4).
L'échographie abdominale au cours de la grossesse
constitue l’examen diagnostique de première intention en
cas de suspicion d’obstruction intestinale (9, 10). Il
permet :
- d’exclure une occlusion intestinale avec une
sensibilité de 89% et une spécificité de 100%, Son
innocuité autorise des examens répétés qui
permettent de suivre l’évolution de la dilatation
des anses intestinales pour autant que l’abondance
de gaz ne gêne pas la réalisation de l’examen.
- de suivre l’évolution de la dilatation des anses
intestinales.
- de détecter la présence ou l’abondance du liquide
intrapéritonéal.
- d’apprécier l’épaississement pariétal témoin d’une
stase veineuse, d’une ischémie ou
d’infarcissement en cas de volvulus.
L’abdomen sans préparation perd de sa spécificité au fur
et à mesure de l’âge de la grossesse. Réalisé debout, il
montre fréquemment des niveaux hydroaériques peu
spécifiques. Réalisé couché, la topographie de
l’hyperclarté digestive peut orienter vers le grêle ou le
côlon. Enfin, 20 % des examens ne sont pas contributifs :
il s’agit des formes débutantes (4, 6). Compte tenu de
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son faible apport, on lui substituera d’emblée
l’échographie.
La résonance magnétique nucléaire, si le centre en
dispose peut être utilisée dans un cadre de diagnostic
différentiel du fait de son innocuité pour le fœtus au delà
du premier trimestre et des informations qu’elle peut
procurer (11). Tandis que la tomodensitométrie n’est pas
recommandée pendant la grossesse, sauf
exceptionnellement lorsque l’avantage potentiel justifie
le risque encouru pour le fœtus et au cas par cas, en
étroite concertation avec l’obstétricien et le chirurgien
digestif. Dans notre cas la femme a déjà avorté et
l’indication de faire un scanner abdominale été aisé, ce
qui a aidé à aboutir au diagnostic d’occlusion facilement.
La majorité des observations de la littérature décrivent
une pratique médicale visant à instaurer un traitement
conservateur dans l’espoir d’éviter le traitement
chirurgical. Cette attitude ne semble pas appropriée. Le
traitement médical isolé se solde le plus souvent par un
échec. Une intervention chirurgicale reste pratiquée dans
89 % des cas d’occlusion intestinale survenant durant la
grossesse (2, 3,12). Le principe du traitement varie en
fonction de l’âge gestationnel: Jusque 26 semaines:
laparotomie avec levée de l’occlusion, poursuite de la
grossesse jusqu’à son terme si possible ; entre 26 et 34
semaines : si possible la maturation pulmonaire fœtale
suivie de césarienne avec incision cutanée médiane
complétée d’un traitement chirurgical de l’occlusion ;
entre 34 semaines et le terme : césarienne avec incision
cutanée médiane complétée d’un traitement chirurgical
de l’occlusion ; dans tous les cas, Le traitement
chirurgical doit être entrepris dans les 72 heures pour
éviter les complications majeures de nécrose, perforation
et choc septique (4).
CONCLUSION
L’occlusion intestinale est une complication rare de la
grossesse, Le diagnostic est souvent difficile et tardif car
Les troubles digestifs sont souvent mis sur le compte de
la grossesse ; toutefois leur persistance ou leur apparition
après le 1er trimestre doit inquiéter le clinicien et
l’inciter à demander les examens complémentaires
adéquats. La prise en charge doit être multidisciplinaire,
radiologique, obstétricale et chirurgicale.
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