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Invagination intestinale aigue

chez le nourrisson et l’enfant


- Dr. Voicu Negrea -

Définition

L’invagination intestinale aigue représente le télescopage d’un segment intestinal et


le méso dans le segment intestinal situé immédiatement en aval. (Ce phénomène est
favorisé par les mouvements péristaltiques).
En raison de l’étiologie on rencontre deux types d’invagination intestinale :
idiopathique et secondaire.
Les invaginations idiopathiques sont fréquentes chez les nourrissons et petits
enfants jusqu'à l’âge de 2 ans, avec un pic de fréquence observé entre 4 mois et 1 an. Par
rapport à l’étiologie, elles surviennent suite à un dyspéristaltisme (hyper péristaltisme)
suite à une adenolymphite (en raison des viroses saisonnières ou une gastro-entérite
aigue), la modification de la consistance des selles en raison de la diversification de
l’alimentation, manque de fixation du caecum au niveau du péritoine latéral postérieur.
Elles sont situées plus fréquemment au niveau iléo-cæco-colique.
Les invaginations secondaires peuvent se déclencher à tout âge, mais le plus
fréquent, après l’âge de 2 ans. Elles ont aussi plus fréquemment une cause organique.
Elles sont produites par un diverticule de Meckel (le plus souvent a base large, inversé
dans le lumen), un polype, une tumeur bénigne ou maligne, duplications, un morceau
d’ascarides, purpura rhumatoïde, mucoviscidose.

Anatomopathologie

Par le télescopage de l’anse proximale dans l’anse distale ainsi avec le mésentère
adjacent on observe l’aspect d’une « tumeur » - c’est le boudin d’invagination. Il est
constitué, en section longitudinale, par 3 cylindres : un cylindre externe, représenté par la
paroi extérieur de l’anse distale, dans laquelle entre l’anse proximale ; un cylindre moyen,
représenté par l’anse distale tourné en boucle à l'intérieur ; un cylindre interne, représenté
par l’anse proximale qui progresse dans l’anse distale. La zone de transition entre le
cylindre moyen et le cylindre interne représente la tête d’invagination et la zone de
transition entre le cylindre externe et le cylindre moyen représente le col d’invagination.
Selon le mécanisme d’apparition on distingue deux types :
- par prolapsus : le col d’invagination est fixe et l’avancement du processus se
réalise par la tête d’invagination ; par exemple : l’invagination iléo-cæco-
colique ;
- par renversement : la tête est fixe et le col se déroule sur le trajet de l’anse
invaginé ; par exemple : l’invagination iléo-iléale.

Physiopathologie

Une invagination intestinale aigue se produit par l’avancement de l’anse proximale


dans l’anse distale. L’onde péristaltique pousse le contenu intestinal en aval avec la
progression de la tumeur d’invagination. La progression de l’anse proximale dans l’anse
distale détermine aussi la progression du mésentère correspondant à l’anse invaginée. Au
niveau des vaisseaux mésentériques on retrouve au début la stase et après l’ischémie qui
est locale et qui va progresser vers la nécrose de l’anse invaginé. Le coin mésentérique
s’épaissit progressivement avec la progression du boudin. En amont s’accumulent les
liquides de stase et les gaz. Les douleurs sont très intenses durant la contraction, suite à
un péristaltisme et se calment dans les périodes de relaxation de la musculature de
l’intestin.

Clinique

Les symptômes caractéristiques d’une invagination intestinale aigue sont celles


d’une occlusion intestinale mécanique chez les nourrissons et petits enfants. Elles sont
relativement constants au début, étant regroupés dans une triade clinique. Chez les
nourrissons ils consistent en : crises douloureuses paroxystiques, vomissements et
émission du sang par l’anus.
Chez les nourrissons, les crises douloureuses surviennent chez un bébé en bon état
général jusqu’au là. L’enfant est très agité dans les périodes de crise, il crie, hurle tandis
que son facies exprime la souffrance. Ces crises douloureuses durent une période variable,
entre quelques dizaines de secondes et quelques minutes, se calment pour une période
toujours constante, qui varie habituellement entre 5 et 20 minutes, et elles reviennent
dans la même présentation. Les intervalles entre les crises sont très calmes, l’enfant ne
présente aucune douleur. Le nourrisson épuisé par les crises d’auparavant peut même
s’endormir, pour se réveiller en criant lors d’une nouvelle crise douloureuse.
Les vomissements accompagnent habituellement les crises douloureuses. Le
nourrisson vomit la dernière tétée. Par la suite les vomissements deviennent bilieux et
puis fécaloïdes.
Le transit intestinal est absent. Parfois on peut rencontrer une selle après le début
des symptômes, mais habituellement on observe l’absence d’élimination des gaz et des
selles. On note aussi un refus du biberon.
Entre les crises l’état général est relativement bon dans les premières 12-24 heures,
mais les patients vus tardivement, après ce délai, ont un tableau occlusif plus net:
vomissements bilieux et fécaloïdes, distension abdominale, altération de l’état général,
signes de déshydratation. L’enfant élimine parfois du mucus et des glaires sanguinolentes,
ou sang rouge.
Dans les formes sous aigues et chroniques les symptômes sont moins évidents. Les
douleurs de type coliques et les vomissements sont moins fréquents, et ils peuvent
éliminer des selles diarrhéiques, sanguinolents ou avec du mucus.

L’examen objectif de l’enfant

Dans les premières heures l’enfant présente une pâleur généralisé. L’abdomen est
normal, sans distension. A la palpation douce, la fosse iliaque droite est souvent vide. Sur
le cadre colique on peut trouver une masse ovoïde, sensible à la palpation, élastique, peu
mobile - le boudin d’invagination. Durant les crises l’enfant est très agité, l’abdomen sera
contracté en raison de la défense musculaire suite aux douleurs.
Le touché rectal va relever du sang sur le doigt de examinateur. L’hémorragie
digestive inferieure se manifeste par la présence des traces de sang rouge ou rouge foncé
dans les couches.
Après 12-24 heures l’abdomen est météorisé. L’enfant présente une souffrance
accentuée, les yeux cernés, la pâleur s’intensifie.
Après 72 heures on note des vomissements fécaloïdes, l’abdomen distendu, selles
sanguinolents, ainsi qu’un état général très altéré.

Imagerie

Chez une invagination intestinale aigue l’ASP peut montrer des niveaux hydro-
aériques, typiques pour une occlusion, une masse abdominale ou des images larges
montrant des gaz intestinaux. Un ASP sans images pathologiques n’exclue pas une
invagination intestinale aigue. Les seuls clichés simples ne peuvent pas être considérées
suffisants pour le diagnostic.
Le lavement opaque ou l’introduction de l’air radio opaque dans le rectum par une
sonde trans-anale peut mettre en évidence la présence d’une invagination intestinale
aigue. La présence d’un pneumopéritoine contre indique l’utilisation des produits de
contraste. Sur les clichées on peut observer l’arrêt de la substance de contraste au niveau
du boudin d’invagination situé au niveau colique. L’image typique est celle « en pince de
homard », ou d’une pseudo tumeur colique.

Images d'une invagination durant tentative du traitement conservateur par


lavement opaque. Le siège du boudin (manque du produit de contraste) est marqué par la
flèche bleue.

L’échographie abdominale est très utile pour établir le diagnostique d’une


invagination intestinale aigue. Elle établit le diagnostique d’imagerie dans la plupart des
cas. L’invagination intestinale aigue nous offre des images spécifiques à l’échographie :
aspect de cocarde en coupe transversale et de hot-dog ou pseudo-rein en coupe
longitudinale. Durant l’échographie on peut observer la présence ou l’absence de la
vascularisation du boudin d’invagination. L’absence de vascularisation du boudin indique
une possible nécrose de l’anse et du mésentère invaginé.

Images en cocarde à l’échographie

Le scanner et l’imagerie par la résonance magnétique ne sont pas utilisés


habituellement pour le diagnostic d’une invagination. Les images obtenues peuvent
identifier une cause secondaire d’une invagination, telle un lymphome.

Traitement

Si on constate l’invagination par les méthodes d’imagerie, il est nécessaire de tenter


le traitement le plus tôt possible dans la plus part du temps, avant l’apparition des
complications. Le traitement peut se faire par les méthodes conservatoires (non
chirurgicales) ou chirurgicales. Le lavement opaque peut aussi servir comme traitement
non chirurgical. Le lavement diagnostique peut se réaliser dans tous les services de
radiologie, mais le lavement thérapeutique d’une invagination nécessite un radiologue
expérimenté en pédiatrie, dans la proximité d’un service de chirurgie pédiatrique,
lorsqu’il existe le risque de perforation et de péritonite secondaire. La réduction peut se
réaliser aussi avec de l’air, dénommée réduction pneumatique.
Pour le lavement thérapeutique, il est nécessaire de ne pas utiliser une pression de
l’air ou de liquide de lavement supérieur à 100 mm/Hg. Avant de commencer tout geste,
il est essentiel d’aviser un chirurgien pédiatrique, qui sera disponible et prêt d’intervenir
au bloc opératoire, en cas de perforation. On considère qu’une invagination est réduite
lorsque le colon est visible sur tout son trajet, sans images de transparence ou de masses
dans le lumen, et que le produit de contraste inonde le grêle. Il est aussi important de ne
pas visualiser des dilatations résiduelles du grêle. Le contrôle échographique de
désinvagination (ou réduction de l’invagination) est obligatoire, lorsqu’il existe le risque
de désinvagination incomplète.
L'exploration chirurgicale sera utilisée en cas d’échec du traitement conservatoire,
de doute sur la réduction de l'invagination obtenue lors du lavement, ou en cas de signes
d'irritation péritonéale par nécrose et perforation d'anse intestinale. Chez les nourrissons
où prédomine l'invagination ileo-caeco-colique idiopathique, la réduction manuelle
rétrograde complète est le seul geste nécessaire dans la plupart des cas. Si on observe une
atteinte de la viabilité de l'anse intestinale invaginée, avec perte de péristaltisme, une
résection du segment intestinal atteint s'impose. En fonction de l'état de l'enfant, ensuite
sera pratiqué l'anastomose de deux segments intestinaux restants ou une ileostomie
temporaire pour aider le nourrisson à mieux et rapidement récupérer, éviter une possible
fistule intra péritonéale chez un patient dans un mauvais état général et diminuer le temps
opératoire.

Aspect peropératoire d'une invagination ileo-iléale

Chez les enfants plus grands, les invaginations secondaires obligent dans la plupart
des cas de réaliser des résections iléales comprenant le diverticule de Meckel, le polype,
la tumeur, la duplication, suivies par des anastomoses intestinales ou ileostomies.
Une invagination intestinale aigue chez un enfant porteur de purpura rhumatoïde
(ou maladie de Henoch-Schönlein) sera tenue sous observation, en essayant d'éviter une
intervention chirurgicale si possible. Dans la majorité des cas, l’invagination intestinale
aigue peut se réduire spontanément, mais en cas de complications (perforation, suspicion
d'ischémie intestinale), on doit être préparé pour une intervention en urgence.
Après la réduction de l'invagination, le risque de récidive est assez élevé, jusqu'a
10-20% des cas dans les premières 24-48 heures (selon différents auteurs). Après
désinvagination par lavement, l'enfant sera tenu sous observation pendant 24-48 heures,
selon l'évolution. Concernant l'alimentation, on peut rencontrer des habitudes différentes
d'un service à l'autre. Certains chirurgiens préfèrent laisser l'enfant reprendre
l'alimentation immédiatement après la désinvagination, considérant comme preuve
thérapeutique une bonne tolérance de la reprise de l'alimentation. Autres considèrent que
le repos digestif s'impose après la désinvagination et toute réapparition de phénomènes de
douleurs de type colique doivent être explorés en raison des hauts taux de récidives
précoces.

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