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Vie édifiante de Saint

Bertrand, évêque et patron


de l'église de Comminges :
augmentée de plusieurs
autres chapitres [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Lafforgue, B. (Abbé). Auteur du texte. Vie édifiante de Saint
Bertrand, évêque et patron de l'église de Comminges :
augmentée de plusieurs autres chapitres intéressants et curieux /
par B. Lafforgue,.... 1867.

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VIE ÉDIFIANTE
!JE

SAINT BERTRAND
iw'.ui. n iMir.HN

I11'-I.'Éiil.lSF. DEiX'M.MINGES

an m» 111t-i

ii;s
m. i>i.i-n IllHI- 111\1'111:1, iMtr,i«\>b n i.ir.nrx

PAR B. LAFFORGUE
"RÊTRE DU DIOCÈSE DE TOULOUSE
VIE ÉDIFIANTE

DE SAINT BERTRAND
Jinpiitu;)lur.
A.i>i: l'nrs.rir.-r/rn.
VIE EDIFIANTE
DE

SAINT BERTRAND
ÉVLQLi: ET PATRON-

DE VÉGLISE DE COMMINGES

augmentée

8E PLUSIEURS AUTRES CHAPITRES INTÉRESSANTS ET CURIEUX

TOULOUSE
TYPOG. L. HÉBRAIL, DURAND ET COMPie
5, RUE DE LA POMME, 5

1867
Propriété de l'auteur.
PREFACE

Lorsqu'on se propose d'écrire la vie


d'un saint, on doit, ce me semble, rap-
porter d'une manière exacte et fidèle tout
ce qui a trait à sa vie édifiante et reli-
gieuse. Cette voie, d'ailleurs, a été tou-
jours suivie parles anciens auteurs, qu'on
relit sans cesse avec un plaisir nouveau.
Je dirai même que ce moyen est le seul,
à mon avis, capable d'intéresser et d'ins-
truire le lecteur, parce que la vérité étant
comme l'âme de l'histoire, si l'imposture
et le mensonge viennent à triompher, ce
n'est plus alorsune véritable histoire,
mais plutôt un roman ou un conte brodé
à plaisir.
Si j'avais voulu ajouter foi à tous les
faits miraculeux que les Commingeois at-
tribuent à leur saint évêque, il m'aurait
;
été bien facile de grossir considérable-
ment ce petit volume mais ces faits au-
raient-ils toujours présenté ce cachet de
vérité, de solidité et de vraisemblance
que le lecteur est en droit d'exiger? Qui
ne sait, d'ailleurs, la peine indicible qu'on
éprouve bien souvent pour connaître la
vérité de certains événements qui se pas-
sent sous nos yeux? Comment, à plus forte
raison, pourrait-on s'assurer de l'authen-
ticité de certains faits qui datent depuis
près de neuf cents ans, et qui n'ont d'autre
appui que l'opinion publique?("est pour-
quoi j'ai élagué, sans pitié, ces sortes de
traditions populaires, qui ne jouissent, en
général, d'aucune autorité, parce qu'elles
ne reposent sur aucun fondement stable
et solide. J'ai apporté le plus grand soin à
la recherche des documents qui pouvaient,
seuls, me fixer sur l'ensemble des matiè-
res que renferme cet ouvrage. J'ai, enfin,
suivi scrupuleusement, dans le récit de sa
vie et de ses miracles, la relation de Vital,

;
prêtre d'Auch, protonotaire apostolique,
qu'on suppose être né dans ce pays rela-
tion seule vraie, seule authentique, à cause
de la commission que son auteur reçut du
papeAlexandre III, ainsi que de l'appro-
bation solennelle qu'elle reçut dans l'église
de Latran.
DÉDICACE

AU TRÈS ILLUSTRE ET GLORIEUX

SAINT BERTRAND
Eveque et patron de l'Eglise de Commingcs.

Bèsle premier instant que je formai le


projet d'écrire votre vie, dès ce même
«•imemt j'eus aussi la pensée de vous
déiier le fruit de mon travail, si j'étais
!
assez heureux de le mener à bonne fin.
4 pieux saint Bertrand ô pontife vénéra-
ble et digne d'être à jamais béni et glori-
fié bénissez cet opuscule que j'ose en ce
1

---J..l', tout indigne que j'en suis, déposer à


•s pieds sacrés, et qui vous appartient

;
par un titre tout particulier. Bénissez-le,
s'il vous plaît car vous savez que je n'ai
eu, en l'écrivant, d'autre but, d'autre dé-
• sir, que d'étendre d'âge en âge, de géné-
ration en génération, la gloire de votre
nom, et de contribuer, en même temps, à
main,
l'édification de mes frères. Béni de votre
il ne pourra manquer de sanctifier
de- plus en plus ces âmes dont vous êtes
le protecteur, l'ami et le père, et plus tard
de les conduire au séjour de la paix et ie
l'éternel bonheur.
Après vous avoir supplié de donner V8-
tre bénédiction à ce modeste ouvrage, il
ne me reste, ô charitable et miséricordieux
saint, qu'à vous la demander aussi pour
de enfants qui,
!
moi. Bénissez donc, ô bon père bénissez
depuis longtemps,
un vos
s'honore d'avoir mis en vous sa confiante
et de porter votre nom si doux, si glo-
rieux. Obtenez-lui encore toutes les grâces
dont il a besoin pour être toujours un vrai
pasteur des âmes, un vrai prêtre seloM le
cœur de Dieu. Et comme-toutes les grâ-
ces peuvent se réduire à une seule, oite-
nez-lui celle d'être votre imitateur, comme
vous l'avez été de Jésus-Christ,alude
régner un jour avec Lui et avec vous dans
l'éternité bienheureuse.
VIE ÉDIFIANTE

DE SAINT BERTRAND

CHAPITRE PREMIER
Origine de Lyon-de-Comminges, son nom, son agran-
-
dissement, son siège et sa destruction.

Après avoir complètement battu les bra-


ves partisans de Sertorius, débris malheu-
reux de l'armée de Marius, Pompée songea à
quitter l'Espagne pour rentrer dans la Cité-
Eternelle, autant pour s'y délasser de ses lon-
gues et sanglantes batailles, que pour y jouir à
lafoisde ses immortels triomphes. Néanmoins,
avant de rentrer dans sa patrie, il s'arrêta
quelque temps dans cette partie qui forme
leJtommingeois. Là, ayant remarqué, avec
une profonde douleur, que ces hommes,
dont il venait d'éprouver la valeur martiale,
vivaient dans ce pays dispersés, sans ordre
et sans discipline, il voulut, avant de les
quitter, leur donner une preuve manifeste
de son estime et de son affection. Pour cela,
il leur fit bâtir une ville sur une belle mon-
tagne, qu'il appela Lugdunum Convenarum,
parce que les peuples, qui étaient sans de-
meuré, s'y rassemblaient de toutes parts
pour l'habiter. Cela arriva l'an du monde
3936, soixante-douze ans avant la naissance
de Jésus-Christ, suivant le témoignage de
saint Jérôme, Strabon, Pline, Grégoire de
Tours et plusieurs autres historiens égale-
ment recommandables. Un petit nombre ce-
pendant, parmi lesquels on remarque Po-
lybe, attribuent, au contraire, la fondation de
cette ville à Scipion l'Africain, parce qu'il
forma des provinces en Espagne, depuis les
Pyrénées jusqu'à l'Océan; mais on ne voit
pas qu'il ait assemblé les Commingeois-dans
une ville, comme on le raconte de Pompée.
Tels furent autrefois les faibles commen-
cements de l'empire romain fondé par Ho-
mulus, ainsi que ceux de la célèbre républi-
que d'Athènes et de Venise, sous l'empire
de Marcian, pendant que les Huns et les
Vandales saccageaient en tous les se^Hn
Etats si florissants du beau royaume d'nHH
D'après des auteurs érudits, le nom de
cette ville est d'origine gauloise, et indique
qu'elle existait même avant la domination
des Romains dans les Gaules. On a donné
au mot Lugdunum plusieurs étymologies,
parmi lesquelles il est assez difficile de dis-

duire dunum par montagne ;


tinguer la véritable. Tous s'accordent à tra-
ce mot est
même passé dans notre idiome comme indi-
quant une position élevée. Les uns croient
que Lug signifie grande, riche, distinguée;
mais ce nom avait été donné à la ville bien

;
longtemps avant qu'elle ne devînt remar-
quable d'autres disent que le mot Lug a la
même signification que Loc en patois, et

; ;
Lugan en espagnol, lieu d'autres encore le
traduisent par marais il en existe deux, en

;
effet, l'un dans le faubourg, au pied du rem-
part, à côté d'une source abondante l'autre,
au haut de la ville, près de. la cathédrale,
alimenté par les eaux pluviales et aussi par
une source cachée.
Quoi qu'il en soit de ces diverses explica-
tions, cette cité, favorisée par les Romains,
devint en peu de temps une des plus consi-
dérables villes dela Novempopulanie, et une
des plus importantes places de l'Aquitaine.
On y éleva desamphithéâtres pour les jeux
publics, on l'orna aussi de plusieurs aque-
ducs qui allaient chercher au loin des eaux
pures et abondantes pour fournir aux be-
soins de la population. Ces aqueducs ont
disparu peu à peu avec les siècles écou-
lés. Néanmoins, on en trouve encore quel-
ques restes épars qui nous font assez con-
naître que ce fut l'ouvrage de leurs mains.
Trois voies romaines, suivant l'itinéraire

:
d'Antonin, conduisaient à Lugdunum, par-
tant l'une de Lescar, l'autre d'Agen, et
la troisième de Toulouse. Bientôt aussi les
maîtres du monde accordèrent le droit de
cité aux habitants de Lugdunum, et les con-
sidérèrent comme des citoyens romains.
Suétone nous apprend même que l'empereur
Auguste étant venu dans les Gaules, et alk.
préciant le courage et la fidélité des Com-
mingeois, voulut en avoir une légion pour
sa garde particulière. Les Commingeois
avaient pour armoiries quatre amandes en
croix, qu'on voit encore figurer sur quelques
portes de leur ville.
Après être parvenue, pendant près de sept
cents ans, au plus haut degré de sa puissance
et de sa splendeur, Lyon, opulente et orgueil-
leuse, déchut de sa gloire par un événement
aussi funeste qu'ordinaire aux places fortes.
Clotaire 1er, fils de Clovis, ayant réuni
sous son sceptre toute la monarchie franque,
la partagea en mourant entre ses quatre fils,
nommés Charibert, Gontran, Chilpéric et
Sighebert, sans en faire part à Gondowald,
leur-frre adultérin. Clotaire, ayant refusé
par un principe d'honneur de le reconnaitre
pour son fils, le fit néanmoins traiter en
prince et élever avec distinction. Après sa
mort, ce prince fut présenté tour à tour à
Childebert, frère de Clotaire, et à Charibert
son fils, roi de Paris, qui, se trouvant sans

;
enfants, le reçut avec bonté et le traita
même avec affection mais Sigbebert, roi
d'Austrasie, vit d'un œil de jalousie ces mar-
ques d'estime qu'il aurait dû, ce semble, par-
tager..Craignant sans doute de perdre une
partie des biens de son frère, il tendit des
piéges à Gondowald, et ce prince malheu-
reux, dont la vie entière ne devait être qu'un
tissu de peines et de trahisons, fut arrêté,
sans pitié, et retenu prisonnier dans Cologne.
Cependant, ayant trouvé le moyen de recou-
vrer sa liberté, il passa en Italie auprès de
Narsés, général romain, où il forma un riche
.établissement, dont il eut deux enfants. De
là, il se rendit à Constantinople, où il fut traité
par l'empereur Justin, qui vivait encore, et
par Tibère, son successeur, comme un prince
de la maison de France. Peu d'années après,
Boson, qui avait quitté le parti de Gontran,
alla trouver Gondowald à Constantinople,
l'informa exactement de tout ce qui se pas-

;
sait en France, et lui dit que Gontran n'avait
point d'enfants que Childebert, fils de Sighe-
;
bert, n'était pas capable, à cause de son bas
âge, de gouverner le royaume que Chilpé-
ric n'avait laissé, en mourant, qu'un fils de
six mois; que tous les grands du royaume
le désiraient ardemment, et que tout était
favorablement disposé pour le placer sur le
trône de ses pères. Gondowald, à ce récitsé-
duisant, sentit naitre dans son cœur un rayon
de joie et d'espérance. Il ne songea point,
l'insensé, que c'était là le vrai langage d'un
perfide et d'un ambitieux; il combla Boson
de présents, et le renvoya sous bonne escorte,
après lui avoir fait prêter serment de fidélité
dans plusieurs églises.
L'empereur Tibère, content que la divi-
sion régnât en France, fit de riches présents
à Gondowald, et lui, fournit des vaisseaux
sur lesquels il s'embarqua avec ses en-
fants. Il aborda à Marseille, où il fut reçu
comme un prince du sang par Théodore,
évêque de cette ville. De là, en attendant
une occasion favorable à ses projets, il alla
se cacher dans Avignon, où commandait le
patrice Mummol, révolté contre Gontran.
Cependant Gontran cherchait toujours l'oc-

le retour de Gondowald ;
casion de perdre Boson pour avoir provoqué
mais celui-ci, tou-
jours habile et toujours perfide, prétendit
n'avoir voulu que tendre un piège à l'aven-
tuner, et offrit au roi de Bourgogne d'assié-
ger Gondowald dans Avignon, et de lui livrer
cet homme et le patrice Mummol, son com-
plice. Pour gage de sa foi, il laissa en otage son
fils unique entre les mains de Gontran. Celui-
ci, bien qu'il dût savoir quel cas on pouvait
faire des promesses de Boson, accepta néan-
moins ses offres avec plaisir, et le mit à la
tête d'une armée (584). Boson échoua dans
une première tentative contre Avignon il
vint ensuite à Châlons-sur-Saône, et pria le
;
roi de Bourgogne de lui accorder des ren-
forts et de le mettre en mesure de recommen-
cer la guerre. Sur ces entrefaites, les grands
d'Austrasie, qui dirigeaient le royaume,
sous le nom du jeune Childebert, se déter-
minèrent à venir en aide à Mummol, l'un
desleudes de leur roi, et à l'aventurier Gon-
dmvald lui-même, dans l'espoir que les
prétentions de cet homme causeraient de
nombreux embarras au roi Gontran et à la
reine Frédégonde. Pour mener à bonne fin
cette combinaison audacieuse, ils firent mar-
cher des troupes sur Avignon, délivrèrent
cette ville, et rendirent à Gondowald et à
ses affidés la liberté dont ils avaient besoin
pour guerroyer en Aquitaine et en Bour-
gogne.
Gondowald passa dans le Limousin avec
Francs à Brives-la-Gaillarde;
des troupes, et se fit proclamer roi des
sa présence
en Aquitaine accrut les éléments de révolte
et de discorde qui fomentaient dans ce pays.
Limoges et Poitiers, se détachant du royaume

Childebert II, roi d'Austrasie:


de Neustrie, prêtèrent serment de fidélité à
Bourges se
déclara pour Gontran; la ville de Tours,
quoiqu'à regret, mais plus exposée qu'une
autre aux attaques du roi de Bourgogne,
suivit l'exemple de Bourges. Cependant An-
goulême et Périgueux se prononcèrent pour
Gondowald, et la villede Toulouse, malgré
son évêque Magnulphe, mais à l'instigation
du duc Didier, prit à son tour le parti de
ce prétendant (585).
En peu de temps, Cahors et Bordeaux s'as-
socièrent à ce mouvement politique, et le
prétendant Gondowald rallia à sa cause quel-
ques évêques, au nombre desquels figurè-
rent Salonne d'Embrun et Sagittaire de
Gap, celui-là même qui, sous le commande-
ment du patrice Mummol, avait naguère
combattu, les armes à la main, contre les

;
Lombards. Le parti de l'aventurier se déve-
loppait rapidement au midi de la Leire tou-
tes les villes de cette contrée, qui autrefois
avaient dépendu du royaume d'Austrasie-,
prêtaient serment de fidélité au roi Ghilde-
bert II entre les mains de Gondowald, son
;
allié toutes celles qui précédemment appar-
tenaient à Chilpéric, se prononçaient pour
Gondowald et le proclamaient roi. Cette mar-
che avait été combinée d'avance entre les ,
partisans de Gondowald et le conseil des
grands d'Austrasie.
Cependant Gondowald était près de Poi-
tiers, lorsqu'il apprit qu'une puissante ar-
mée, commandée par Léodégisile, s'avançait,
à grand pas, pour combattre, et que Didier
avait abandonné son parti. Ces événements
malheureux le remplirent de crainte et de

;
frayeur, il fut forcé de repasser la Dordogne
et de se retirer à Bordeaux mais il ne put
trouver longtemps un asile en cette ville ;
l'armée de Gontran l'y suivit de près. Gon-
dowald tourna alors ses regards du côté des
Pyrénées où il espérait trouver un asile plus
assuré contre les ennemis qui le poursui-
vaient. Lyon-de-Comminges lui sembla pro-
pre à soutenir un long siège. Cette place,
déjà forte par sa position, sur le sommet
d'une montagne, était encore entourée de
fortes murailles et munie de tant de vivres
qu'elle aurait pu résister, pendant plusieurs
années, aux attaques de l'ennemi. A son ar-
rivée en cette ville, Gondowald, au lieu de
chercher des points d'appui dans les sym-
pathies de la population, en fit sortir, par
stratagème, tous les habitants inutiles. L'évê-
que lui-même ne fut pas exempté de cette
proscription. Il s'unit cependant étroitement
avec un certain Cariulphe, homme riche et
puissant, qui l'aida fortement de ses biens et
de son crédit. Puis, ayant fermé les portes,
il se proclama avec les siens maître absolu
de la place, et seul possesseur de ce qu'elle
renfermait. Cela arriva au commencement
du carême de l'an 586.
Cette conduite perfide ne porta bon-
heur ni à Gondowald ni à ses partisans.
Bientôt Léodégisile arriva à Valcabrère, qu'il
ruina et démolit entièrement. Il campa dans
le vallon, et, après avoir porté dans tous les
lieux d'alentour le ravage et la destruction,
il mit le siège devant la ville de Lugdunum.
Il livra ensuite plusieurs assauts à cette ville
fortifiée, lesquels furent vaillamment soute-
nus et heureusement repoussés. Sagittaire,
Mummol et les leudes de Gondowald com-
battaient vaillamment sur le haut des rem-
parts, et leur courage désespéré confondait
tous les efforts de l'ennemi. A la fin, les assié-
geants eurent recours aux outrages, aux me-
naces, à la trahison, et le parjure seul leur
permit de triompher de la résistance des as-
siégés. Des propositions clandestines furent
donc adressées à Mummoi, comte d'Auver-
gne, et aux autres chefs du parti de Gondo-
wald. On leur promit de les faire rentrer en
grâce, s'ils consentaient à se rendre et à
livrer le prétendant Mérovingien aux lieu-
tenants du roi de Bourgogne. Ces assurances
les déterminèrent à trahir leur chef, et à lui
donner le perfide conseil de sortir de la place
et de recourir à la clémence du vainqueur,
qui, disaient-ils, n'ayant plus d'héritiers de
sa race, avait pris subitement la détermina-
tion de faire la paix avec lui et de l'adopter.
Gondowald hésita longtemps, comme s'il eût
éprouvé au fond de son cœur un pressen-
timent secret des malheurs qui allaient fon-
dre sur lui. Il ne put même retenir ses lar-
mesen entendant un discours si différent de
ceux qu'ils lui avaient tenu jusqu'alors. Il
céda néanmoins à regret, après avoir invo-
qué le serment de ses leudes. Mummol et
les autres complices, n'écoutant que leur pro-
pre intérêt, n'hésitèrent pas à le rassurer en
lui prêtant de nouveaux serments de fidélité;
et ce malheureux sortit sans armes pour al-
ler se joindre à l'escorte d'honneur que Gon-
tran était censé lui envoyer. A peine eut-il
franchi le seuil fatal de la porte, que Mum-
mol se hâta de la refermer sur lui, et l'aban-
donna seul à la rage de ses ennemis. Gondo-
wald, se voyant ainsi trahi, éleva soudain ses -
mains et ses yeux vers le ciel pour demander
vengeance d'une telle perfidie. Peu d'instants
après, comme il descendait le coteau fatal
pour se rendre au camp de l'ennemi, il tomba
massacré, par Ollon, comte de Bourges, et
quelques soldats de Bourgogne. Son corps
fut longtemps traîné autour du camp, au mi-
lieu des cris et des outrages les plus atroces,
et demeura sans sépulture au lieu même où
il avait trouvé la mort. Telle fut, au mois de
mai de l'année 585, la fin misérable de Gon-
dowald, victime de la plus honteuse et la

;
plus lâche trahison. La ville ne fut pas de
suite livrée aux soldats la nuit entière fut
employée à mettre à l'abri du pillage les
trésors qu'elle renfermait. Dès que le jour
parut, jour de deuil et de désolation, on
ouvrit les portes. Les soldats s'élancèrent
furieux dans cette ville coupable, et alors
commença l'œuvre de destruction. Rien ne fut
épargné dans ce jour de lugubre mémoire,
pas même les traîtres qui avaient livré Gon -
dowald, et qui, dans l'ivresse de leur délire,
buvaient à l'exécrable d'énouement de leur
trahison. Mummol fut tué à la porte de sa mai-
;
son Sagittaire, s'étant déguisé pour s'enfuir,
fut reconnu par les soldats et massacré au
lieu même où était tombé celui qu'il avait
trahi. Tous les habitants furent passés au fil
de l'épée, les prêtres égorgés au pied des au-
tels, les édifices démolis et incendiés. Saint
Grégoire de Tours, qui a décrit très au long
ce lugubre épisode de l'histoire de Lugdu-
num, diten propres termes, qu'il n'en resta
que le sol nu, nihil ibi prœter humum va-
cuam relinquentes. Telle fut la fin de Lyon-
de-Comminges, qui avait fleuri depuis le
siècle de Pompée jusqu'à celui de Clovis, et
qui ne devait renaître de ses cendres que
cinq siècles plus tard, à la voix de saint Ber-
trand. A partir de cette époque, un silence
profond se fait dans son histoire, semblable
à celui de la mort. Lugdunum ne présente
plus aux regards affligés, qu'un monceau de
ruines qui annoncent une affreuse désolation.
On ne trouve même plus le nom de ses évê-
ques pendant une suite de deux cents ans, et
l'on ignore pareillement où résidèrent ceux
qui - administrèrent ce diocèse avant saint-
Bertrand.
CHAPITRE II
Divinités locales. — Monuments religieux trouvés à
Lugdunum. — Saint Saturnin, apôtre de Commm-
ges. — Saint Exupère et Vigilance — Invasion des
Vandales, des Goths et Visigoths. — Martyre de
- -
saint Gaudens. Invasion des Sarrasins. Martyre
de saint Aventin.

Formés à l'école des Romains, les Convenœ


adorèrent d'abord, comme leurs maîtres, les
grands dieux de la mythologie, comme le
prouvent certaines inscriptions gravées sur
la pierre.
Outre ces dieux de premier ordre, les Con-
venæ, à l'imitation des anciens peuples,

:
dressèrent aussi des autels à des divinités
secondaires; savoir au soleil, à la terre,
aux vents, aux montagnes, aux fontaines, aux
bois de leur patrie, aux génies protecteurs de
certaines localités. Comme il nous serait très
difficile, même impossible d'énumérer ici les
divers monuments qui constatent cette vé-
rité, attendu que plusieurs ont disparu, et
d'autres gisent encore enfouis dans des
que
lieux ignorés, nous nous contenterons d'en
citer ici un petit nombre que nous avons
choisi parmi celles qui sont les plus con-
nues:
4* Abelfon, cité par d'anciens auteurs
comme une de leurs principales divinités.
2° Smrsa, trouvé dans un lieu nommé
lars«us,àTikiran.
3* Smcserte, extrait d'un oratoire païen,
salué à une petite distance de la croix dite
àm Basert, lequel fut consacré, plus tard, à
la gloire de la reine des cieux.
4* Arteoe, à Saint-Pé-d'Artet ou d'Ardet.
S» Averan, sur la montagne même de ce
nom, qui se trouve près de Melles, frontière
d'Espagne.
€• Luxoni, à Luchon: Lunae, à Lunax:
Iakae, à Francon.
7* jEdelMti, dans un lieu nommé Adeillan,
paraisse de Luçan.
3,6 ApWli, à Polignan.
te Ararn, dans la vallée d'Aran.
Malgré les plus sévères recherches aux-
quelles je me suis livré, il m'a été absolument
impossible de déterminer l'origine de ces cul-
tasdivers.
en conserve encore à saint Bertrand une
table ronde en marbre, qu'on trouva dans
te territoire de cette ville, sur laquelle on
offrait aux dieux des sacrifices. Autour de

e*lettres abrégées :
@téta table est gravée l'inscription suivante
Tib. Publ. Sabinus vi-
canis. vici Florentini. mensas. cum basi-
» S. P.
bus. » F. C Cette inscription signifie
que Tiberius, Publius, Sabinus a fait faire à
ses frais, pour les habitants du bourg Floren-
tin, ces tables avec leurs vases.
Ce monument est l'unique, dans ce genre,
qu'on ait conservé dans les Gaules.
Tout près de Valcabrère, on trouva aussi
une pierre informe et mal travaillée, au bout
de laquelle était gravée la figure d'une déesse
avec un collier, et de l'autre celle d'un loup,
avec cette épigraphe barbare : Alfia hohisi.
G.Bulluca.
Telles furent quelques-unes des divinités
adorées à Lyon-de-Comminges. Ce peuple
infortuné, que Dieu avait tant protégé dès
les premiers jours de son existence, et qu'il
réservait néanmoins pour les plus tristes
scènes et les plus affreux malheurs, brûla
pendant longtemps un encens sacrilége de-
vant de vaines idoles. -

Saint Saturnin, premier évêque de Tou-


louse, envoyé, suivant l'opinion la plus accré-
ditée, par l'apôtre saint Pierre, avec six au-
tres évêques, qui se partagèrent les Gaules,

nous lisons que cet apôtre bâtit


;
semble avoir été le premier qui ait porté le
flambeau de la foi dans cette contrée
une
car
église
dans la ville du Maz (aujourd'hui Saint-Gau-
dens), en l'honneur du prince des apôtres,
el qu'il dédia un autel à la vierge Marie dans
celle de Lugdunum.
Deux siècles environ avant la ruine de
cette cité, c'est-à-dire vers l'an 400, paru-
rent parmi nos pères deux hommes sur les-
quels je ne peux garder le silence, parce
que nous les considérons, à juste raison,
l'un comme une des gloires, l'autre comme
une des hontes de notre pays. Le premier
est saint Exupère, évêque deToulouse, né,
suivant plusieurs graves auteurs, à Arrau,
dans la vallée d'Aure, diocèse de Commin-
ges, que saint Jérôme proclamait comme un
des plus grands évêques de son temps. Il
mourut à Blagnac; ses reliques furent trans-
férées à Toulouse, où une église lui est dé-
diée. Sa fête se célèbre le 28 septembre.
L'autre est Vigilance, d'abord hôtelier
puis prêtre de Barcelonne, né à Calagorris
,
(aint-Martory), suivant d'autres au Fourc,
près de l'embouchure du Salat. — Il attaqua
la virginité, l'état monastique, le célibat des
prêtres, etc., et mourut dans ses erreurs,
sans avoir eu la consolation de compter
parmi ses partisans un seul de ses compa-
triotes.
Vers le même temps, on vit fondre sur
notre pays des nuées de barbares, se dispu-
tant, les uns après les autres, les lambeaux
de l'empire romain. Les Vandales parurent
d'abord, vers l'an 408, après avoir semé par-
tout sous leurs pas la ruine, la désolation et
la mort.
Peu de temps après, les Goths et les Visi-
goths inondèrent aussi nos contrées méridio-
nales, et fondèrent un empire puissant et
étendu dont Toulouse fut la capitale. Leur
règne dura de 419 à 508. Lugdunum eut
beaucoup à souffrir des diverses incursions
de ces barbares, mais ses remparts et ses
fortes murailles la mirent en partie à couvert
de leur rage et de leur fureur.
Parmi les têtes principales qui tombèrent
sous leurs coups, je citerai notamment un
jeune berger du Maz, nommé Gaudens, le-
quel aima mieux obéir à Dieu et à sa cons-
cience, que d'abjurer sa foi; aussi la cou-
ronne du martyre fut-elle le prix de sa
résistance et de son généreux amour. Cette
cité reconnaissante voulut, en prenant son
nom, l'adopter pour son protecteur, et Ber-
nard, évêque de Comminges, éleva sur son
tombeau, au onzième siècle, ce temple ma-
gnifique qui sera à jamais l'honneur et la
gloire des habitants de Saint-Gaudens.
Ce fut environ vers la même époque que-9
les Francs commencèrent à paraitre dans
nos Gaules. Clovis, leur roi, était alors le
;
seul prince catholique de l'univers aussi les
peuples et le clergé lui tendaient les bras de
tous côtés, souhaitant tous ardemment de
pouvoir vivre sous sa domination. A sa mort,
qui arriva en 512, le Commingeois ne dé-
pendait plus de ces barbares, mais il relevait
du royaume d'Orléans.
,
Deux siècles plus tard, les Sarrasins ces
cruels ennemis des chrétiens, franchirent les
Pyrénées, et, ne trouvant rien à prendre
dans la cité de Lugdunum, ruinée un siècle

;
auparavant, s'en dédommagèrent en pillant
et saccageant toute la contrée ils brûlèrent

;
quantité d'églises, de monastères et de villes
qui se trouvèrent sur leur passage ils firent
aussi beaucoup de martyrs dans les Gaules.
C'est sous leur domination qu'il faut placer,
entre autres, le martyre de saint Aventin,
honoré dans une magnifique église que nos
pères lui dédièrent, au sein de nos monta-
gnes, pour éterniser parmi nous la gloire de
son nom et ses nombreux bienfaits.
CHAPITRE III

;
Naissance de saint Bertrand. — Son éducation; sas-
études — Il suit la carrière des armes les quitte
pour le service des autels. — Il devient chanoine et
archidiacre de Toulouse.

Bertrand naquit en Gascogne, vers le


milieu du onzième siècle, de noble Aton
Raymond de lia, seigneur d'Ictium Castrum
ou Castellum Jecium, et d'une fille de Guil-
laume III dit Taillefer, comte de Toulouse,
dont on ignore le nom. Aton eut deux autres
fils, Raymond, père de Jourdain, lequel bàiit
autour du château paternel une ville qui prit
son nom, Insula Jordanis, et dans la langue
du pays, la hille ou fille de Jourdain, et fit
partie de la première croisade, à la suite du
comte de Toulouse, son suzerain et son pa-
rent; et Aton d'Andoufielle (nom d'une terre
qui fut son apanage), qui épousa la fille du
baron de Montaut, dont il eut Guillaume,
archevêque d'Auch. (-1)

(1) La tradition a conservé à l'Isle le souvenir du


lieu où naquit notre saint. Le château de son père a
disparu depuis bien des siècles, mais la maison
bâtie sur son emplacement porte encore le nom de
maison de saint Bertrand.
Notre saint montra dès sa plus tendre en-
fance les plus heureuses dispositions pour la
vertu; aussi les augustes auteurs de ses
jours, qui n'étaient pas moins recomman-
.dables par leur piété que célèbres parleur

le précepte de l'apôtre,
naissance, songèrent de bonne heure, suivant
à donner au jeune
Bertrand une éducation toute chrétienne.
Son père lui enseignait l'amour de la sagesse,

;
en la pratiquant. Sa vertueuse mère lui fai-
sait sucer son lait et sa vertu il ne parlait
point encore, et déjà ils lui apprenaient à bé-
gayer les noms si tendres et si doux de
Jésus et de Marie. Ils savaient que les enfants
sont comme une cire molle qui reçoit et qui

;
conserve toujours la première empreinte

;
qu'on lui donne aussi, fidèles à ces premières
maximes ils joignaient toujours l'exemple
aux leçons de vertu qu'ils lui donnaient, et
marchaient sans cesse devant lui dans le
chemin royal de la justice et du ciel.
Tant de soins de leur part ne furent point
infructueux. Sans parler des grandes et émi-
nentes vertus qui en furent le fruit, la re-
connaissance et l'affection d'un si bon fils fu-
rent, dès ici-bas, pour ses parents, une bien
douce récompense. Le souvenir de son père,
et principalement de sa tendre mère, ne s'ef-
faça jamais de son cœur bon et sensible.
Jusque dans ses dernières années, Bertrand
n'en parlait jamais qu'avec vénération et at-
tendrissement, et lorsque, du haut de la
chaire sacrée, il expliquait les devoirs des
pères et mères envers les enfants, c'était
toujours l'exemple et la conduite de sa pieuse
mère qu'il aimait à citer. Souvent, bien sou-

une mère semblable ;


vent, il bénissait le ciel de lui avoir donné
son cœur de fils s'é-
panouissait encore de tendresse et de recon-
naissance, et épanchait sur tout son auditoire

se disait involontairement:
un langage si suave de piété filiale, que l'on
Heureuse mère,
dont le nom est si délicieusement béni par
;
réciproquement :
un tel fils mais aussi on pouvait bien dire
Heureux fils, dont les pre-
miers pas dans la vie ont été dirigés par une
telle mère.
Docile à ses leçons, le jeune Bertrand mon-
tra, dès le plus bas âge, cette douceur de
mœurs et cette aménité de caractère qui le
distinguèrent si bien dans la suite de sa vie : -

dès lors on ne remarqua jamais en lui aucun


penchant pour ce qui aurait pu le dissiper,
ni aucun éloignement pour tout ce qui a
coutume de gêner les inclinations des enfants.
Toujours attentif, au contraire, aux sages con-
seils de sa pieuse mère, il ouvrait sans peine
son âme pure et innocente à toutes les im-
pressions de la vertu, et ainsi il acquérait
peu à peu cette haute intelligence qui devait
unjour, suivant la promesse de l'Ecriture,
lui mériter l'art de gouverner. C'est pourquoi
son vertueux oncle, Bernard de Montaut, ar-
chevêque d'Auch, prélat aussi distingué par
ses largesses que par ses éminentes vertus,
instruit de la piété naissante de son neveu,
et convaincu que l'innocence d'un enfant est
semblable à une tendre fleur, qui, trans-
plantée trop tôt dans une terre étrangère,
se fane et périt, se hâta de l'appeler auprès
de lui pour perfectionner cette âme naturel-
lement chrétienne, et l'élever insensiblement
à de plus hautes connaissances.
C'est là que ce précieux enfant va croître,

:
comme un autre Samuel, à l'ombre de ce

;
nouvel Héli c'est là qu'il deviendra, comme
lui, l'espérance et la joie d'Israël comme lui
aussi, il sera orné de tous les dons du ciel,
parce que le Seigneur lui-même aura pris
soin de le former et de l'instruire. Suivons
donc pas à pas la marche de la divine Pro-
vidence sur cet enfant d'élite et de bénédic-
tion. Avant de le voir prêtre et pontife à
Faute!, examinons d'abord comment il se
prépare, durant le cours de ses études, à ce
grand apostolat qu'il devait un jour exercer
avec tant d'éclat et de fruit pour les âmes.
Ce fut d'abord auprès de son oncle que le
jeune Bertrand apprit les premiers éléments
de la langue française et latine, et les belles-
lettres. Ses rapides progrès dans les sciences
répondirent à son application constante au

;
travail, jointe à la finesse naturelle de son
esprit mais, ce qui est infiniment plus pré-
cieux et plus estimable, c'est qu'il apprit en
même temps à connaître, à aimer, à servir
Dieu et à ne vivre que pour lui seul Ce
saint prélat, qui considérait d'un œil de com-
plaisance et presque de jalousie tant de belles
qualités réunies en son jeune élève, eut en-
core la douce,consolation de le voir profiter
avidement des bons exemples et des leçons
de vertu qu'il lui donnait chaque jour, avec
autant de plaisir que de bonheur.

digne d'être admis à la première communion


ses vertueux parents, surtout son vénérable
:
Aussi, dès l'âge le plus tendre, il fut jugé

oncle, le préparaient depuis longtemps à cette


grande action, la lui faisant envisager comme
le comble du bonheur, le but de tous ses

;
efforts, le motif le plus puissant de bien
faire toutes choses et le pieux enfant entrait
de toute son âme dans ces saintes pensées.
Aussi la réception du pain eucharistique fit-
elle sur son cœur tendre et sensible, l'im-
pression la plus profonde et la plus durable.
Touché de l'amour de son Dieu, il renonça,
dès ce moment, à tous les plaisirs, à toutes
les jouissances de son âge. Tous ses goûts se
portèrent uniquement vers une vie de mor-
tification, de charité et de prière.
Peu de temps après, le vénéré prélat, pré-
sageant déjà ce que plus tard il devait être
dans l'Eglise, et ne voulant lui laisser rien
ignorer de ce qui composaitalors l'ensemble
de la science tant humainequ'ecclésiastique,
le plaça entre les mains des religieux de
Cîteaux, dans le monastère de l'Escale-Dieu,
dont l'abbaye se trouvait à Capatur, vers les
sources de l'Adour.
C'est dans ce pieux asile, dirigé par des
hommes d'une vertu et d'une piété con-
sommée, que fut conduit le jeune Bertrand,
après avoir sucé le lait de la foi dans une
famille chrétienne, et avoir été initié aux
usages de l'Eglise et aux premières notions
des connaissances humaines par son ver-
tueux oncle. C'est là qu'animée par l'exem-
ple de ces bons solitaires, et éclairée par les
beautés sublimes des divines Ecritures, l'âme
deBertrand s'embrasa comme une flamme
étincelante, et finit de se former à la pratique
de toutes les vertus.
Notre jeune étudiant ne fit pas moins de
progrès dans l'étude des belles-lettres et de
la philosophie que dans celle de la religion.
Doué d'une mémoire prodigieuse, il possédait
toujours parfaitement les leçons assignées,
retenait les explications et les enseignements
de ses maîtres, et n'oubliait rien de ce qu'il
avait une fois appris. D'une pénétration
d'esprit non moins remarquable, il savait
saisir le nœud d'une difficulté, démêler le
vrai sens d'un passage obscur et difficile ;
;
trouver la pensée convenable et le mot propre
pour la rendre d'une justesse de goût par-
faite, il savait apprécier les beautés litté-
raires et se les graver dans le souvenir,
moins encore par l'effort de sa mémoire que
parle tact de son esprit, qui, en les saisis-
sant vivement, se les imprimait pour tou-
jours. Parvenu en philosophie, il ne se dis-
tingua pas moins que dans les classes des
helles-lettres, et la solidité de son jugement
parut égale aux grâces de son esprit. Tant
de qualités, si heureuses et si belles, se-
condées par une application soutenue, lui
méritèrent toujours l'estime et l'affection de
ses condisciples et de ses maîtres. Supérieur
à tous ses condisciples, il ne rencontra ja-
mais aucun rival. Néanmoins cette supériorité
ne le rendit jamais ni fier, ni orgueilleux.:
modeste et sans hauteur, il était l'ami de
;
tous excellent camarade, il se prêtait avec
une grâce tout à fait aimable à tous leurs
jeux, à tous leurs modes de récréation, sou-

le charme et tous les frais :


vent même il en était l'âme et en faisait tout
aussi pas un
qui ne fît haute profession de l'aimer, mais
d'une amitié si franche et si sincère, que
l'occasion de lui en donner des preuves fut
toujours saisie avec empressement, avec
bonheur.
Après avoir terminé le cours de ses études,
le jeune Bertrand rentra dans le sein de sa
et
famille, embrassa la carrière militaire,
que lui indiquaient, sans doute, la volonté
de ses parents et les traditions de sa famille.
Notre jeune héros ne tarda pas longtemps à
se distinguer, parmi ses frères d'armes, au-
tant par sa bravoure que par l'aménité de
,
;
ses mœurs et sa générosité envers les pau-
pauvres et, malgré la licence des camps,
semblable à ce magnanime guerrier, dont il
est parlé aux Actes des Apôtres, qui craignait
Dieu en servant César, il sut prouver à tous
ses compagnons, par une conduite pure et
irréprochable, qu'on peut être à la fois bon
soldat et bon chrétien.
Mais le tumulte des armes ne pouvait, en
aucune manière, convenir à cette âme pure
et fidèle. Soldat de Jésus-Christ, il se sentait
appelé à d'autres combats que ceux où il
voyait couler le sang de ses frères. 'Cédant
donc à l'empire de la vocation, il quitta le
service militaire, et renonça, sans regret, à
tous les avantages que la noblesse et les biens
de sa famille pouvaient lui procurer dans le
monde, pour se consacrer entièrement au
service des autels. Dès ce moment, il ne son-
gea plus qu'à plaire désormais à Celui qui
l'avait enrôlé, par son baptême, dans cette
milice sainte.
Toutefois, comme personne, d'après saint
Paul, ne doit s'immiscer de soi-même dans
le sacerdoce divin, sans y être véritablement
appelé de Dieu, comme Aaron, Bertrand,
instruit de cette vérité, n'eut jamais garde
de vouloir s'ériger en arbitre de sa destinée.
Quelque belles, d'ailleurs, que fussent les
qualités qu'il avait reçues de la nature, quel-
que noble que fût l'éducation qu'il avait re-
çue dans son enfance, quelqu'ardent que
fût le désir qui battait au fond de son cœur
de travailler au salut de ses frères et à sa
propre sanctification, il priait néanmoins, il
jeûnait, il attendait avec une humble sou-
mission les ordres du Ciel.
L'éclat de ses vertus parvint bientôt à
l'oreille de son évêque. Il l'appela, il ouvrit
devant lui les portes du sanctuaire, et le força
d'y entrer. Bertrand, comme un autre Au- !
gustin, obéit en tremblant, et il eut le bon-
heur, si rare dans notre siècle, d'apporter à
l'étal ecclésiastique sa première innocence.
Les talents et la sagesse de ce jeune et
pieux serviteur de Dieu percèrent bientôt le
voile épais dont son humilité le tenait cou-
vert. Isarn, évêque de Toulouse, prélat animé
d'ungrand zèle pour la gloire de Dieu et
l'avancement spirituel de son clergé, venait
de persuader à tous les membres de son cha-
pitre d'embrasser la règle des chanoines ré-
guliers de Saint-Augustin, qui déjà avait été
introduite en plusieurs églises de France avec
beaucoup de succès. Pour soutenir ce nouvel
établissement dans tout l'éclat qu'il voulait
lui donner, il lui fallait un homme dont le
nom, le génie et les vertus pussent servir de
soutien à la piété chancelante des uns, et
d'aiguillon à la piété rétive des autres. Il
trouva dans Bertrand de l'Isle toutes les
qualités qu'il pouvait désirer pour cela la:
naissance, la doctrine, la sainteté et un zèle
des plus ardents pour la gloire de Dieu et le
salut des âmes. Isarn lui communiqua son
dessein, le pria de se joindre à lui et d'entrer
dans son chapitre. L'humble disciple de Jésus-
Christ, croyant entendre la voix même de
Dieu s'exprimer par celle de son évêque,
quitta aussitôt son diocèse, ses parents et
ses amis pour se rendre à Toulouse, et ce fut
avec une égale satifaction de part et d'autre
qu'il reçut solennellement l'habit de chanoine
régulier des mains du vénérable pontife.
Mais la régularité de notre saint, la ferveur
de sa dévotion, l'intégrité de ses mœurs, et
sa fidélité à observer scrupuleusement jus-
qu'aux moindres choses dans le service di-
vin, engagèrent bientôt le vertueux prélat
à employer sa sagesse et ses lumières dans
l'administration de son diocèse. Ill'éleva donc
à la dignité d'archidiacre, pour partager dé-
sormais avec lui le soin des fonctions épisco-
pales. Confus de tant d'honneur, de tant de
bontés, Bertrand comprit alors mieux que
jamais que de nouveaux engagements récla-
maient aussi de sa part plus de zèle et de
fidélité dans l'accomplissement de ses de-
voirs. C'est pourquoi il apporta le plus grand
soin à remplir les devoirs de sa nouvelle
charge, ne négligeant jamais rien de ce qui
pouvait contribuer le plus à la gloire de Dieu,
à l'honneur de la religion et au bien des
âmes. Sur ces entrefaites, Otger, évêque de
Comminges, termina sa glorieuse carrière, et
laissa, en mourant, à son successeur, un vaste
champ à cultiver, et une abondante moisson
à recueillir.
CHAPITRE IV.
Bertrand élu évèque de Comminges. — Relève sa ca-
thédrale. — Construit une nouvelle ville. — Sa
mort.

Jésus-Christ, qui avait promis à son Eglise


d'être constamment avec elle jusqu'à la con-
sommation des siècles, ne tarda point à faire
connaître celui qui devait relever de ses
ruines la malheureuse Lugdunum, et la
consoler en même temps de la perte de son
vénéré pasteur. La sainteté du pieux archi-
diacre était déjà trop connue pour qu'on jetât
les yeux sur un autre que lui. Toutes les voix
le proclament à l'envi évêque de Commin-
ges: mais pendant que tout le monde se
réjouit, dans son bonheur, de sa promotion

;
future, lui seul, plein de crainte et d'humi-
lité, tremble, hésite et pleure il regarde la
mitre comme un poids accablant et non
comme un trophée glorieux. Il craint d'être
du nombre de ces pasteurs mercenaires que
l'amour-propre séduit, en se glissant sous le
manteau de la charité, et qui ne gardent un
troupeau que pour s'enrichir de ses dépouil-
les. Il examine avec soin' les qualités que
saint Paul prescrit à un saint évêque, et ne
pouvant se persuader qu'il les ait, ou que,

;
les ayant, il puisse les conserver, il prononce
décidément son refus mais le peuple et le
clergé réitèrent avec plus de force leur de-
<

;
mande. Sa résistance ne sert qu'à donner
plus d'éclat à sa vertu quelqu'effort qu'il
puisse faire pour se tenir à la dernière place,
-

; ,
le maître du festin lui commande de monter
plus haut il accepte en tremblant, le su-
blime ministère de l'épiscopat, et se dispose
;

ainsi avec une piété et une ferveur vraiment


angélique au sacre épiscopal, qui eut lieu,
sous le règne de Philippe Ier, dans la métro-
pole d'Auch, vers l'an 1076, et qu'il reçut des
mains de ce même oncle, qui avait eu tant
de part à son éducation cléricale et à son per-
fectionnement. Nous verrons bientôt qu'il
n'accepta l'épiscopat que parce qu'il vit beau- -
coup de bien à faire et beaucoup de croix à
porter.
Si la vie que j'ai entrepris d'écrire était un
peu moins riche et un peu moins belle, je
dirais d'abord combien grande dut être la
joie de ce vénérable vieillard quand il posa
cette tête
ses mains faibles et
!
défaillantes sur
si humble et si chère et avec quelle foi il
dut prier le Dieu tout-puissant que ce nou- 1

veau pontife fût. du nombre de ces bons


pasteurs que Dieu a promis à son peuple
dans des jours de grâce et de miséricorde,
suivant cette parole prophétique : « Je leur
« donnerai des pasteurs selon mon cœur. »
Je dirais aussi combien pénibles et doulou-
reux durent être les adieux de saint Ber-

;
trand à son évêque, qui l'entourait de tant
d'estime, de confiance et d'affection à ses
confrères, qui s'édifiaient ensemble et trou-
vaient toujours en lui une consolation dans

;
leurs peines et un modèle accompli en toutes
socles de vertus aux fidèles, enfin, qu'il for-

!
tifiailpar sa parole, éclairait par ses conseils
et secourait dans leur malheur J'essaierais
encore d'exprimer la joie que dût éprouver
l'infortuné peuple de Comminges quand il
,
vit arriver au milieu de lui son jeune pas-
teur, les hommages qu'on lui rendit, les bé-
nédictions qu'on appela sur lui, lorsqu'il entra
dans sa cathédrale presque ruinée. « Béni
« soit, s'écriait-on, de toutes parts, béni soit
« celui qui vient au nom du Seigneur. —
« Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël, parce
« qu'il a visité et racheté son peuple. » Il
pouvait bien répondre, comme autrefois Sa-
muel aux habitants de Bethléem qui lui

tonnement
« elle
:
demandaient avec un air de surprise et d'é-
« Votre entrée parmi nous est-
;
pacifique? Oui, elle est toute pacifique
« car il venait leur apporter la paix de Notre-
« Seigneur, et la bénédiction avec la lumière
« de la vie.»

Mais des pensées plus graves doivent en


ce moment nous occuper. Pour bien com-
prendre dans quel déplorable état gisait ce
malheureux pays lorsque Dieu fit éclater sur
lui ce faible rayon de sa miséricorde, il ne

Comminges ,
faut que rappeler d'un côté cet état d'abandon
et de décadence où était tombée Lyon-de-

;
depuis le jour fatal qui avait
éclairé sa destruction de l'autre, cet affreux
débordement de mœurs, qui semblait avoir
gagné indistinctement tous les âges, tous les
rangs, toutes les conditions. Toutefois, pour
l'honneur de l'Eglise et le bien de la religion,
ne conviendrait-il pas de taire ici de pareils
désordres, de pareilles abominations? Non,
non, il faut découvrir toute la grandeur du
mal, pour faire mieux apprécier l'adresse de
la main compatissante qui sut y porter re-
mède; et c'est ici, qu'il me soit permis de le
-
dire en passant, que nous admirons avec
orgueil la puissance de la religion chrétienne
et la grandeur de ses pontifes, lorsqu'ils ont
pu, comme saint Bertrand,
,
rappeler les
mes des ténèbres à la lumière réparer les
ruines du sanctuaire, bâtir de nouveau des
hom-

villes, et, par de sages institutions, assurer


pour des siècles le bien qu'ils ont fait à leurs
semblables.
Pour ne rien exagérer, ni rien diminuer
dans une page aussi délicate et aussi diffi-
cile, laissons parler un instant à notre place
un des historiens de sa vie, et il nous dira,
avec son langage sévère et impartial, « que la
« coutume de s'établir sans vocation semblait
«avoir prescrit contre la nécessité d'être
«appelé de Dieu, comme Aaron. On ne fai-
te
sait, pour ainsi dire, aucun apprentissage
«du plus saint, du plus redoutable des états.
«La piété était regardée comme inutile et par
«conséquent négligée, et la science, si néces-
«saire à ceux qui doivent être la lumière du
« monde, avait fait place à une profonde
«ignorance. Ce n'était pas l'Eglise que l'on
«aimait, que l'on servait, c'étaient ses hon-
;
«neurs et ses richesses que l'on ambition-
-
«nait et chacun oubliait les intérêts de
«Jésus-Christ et des âmes, pour ne penser
« qu'aux siens propres ; les uns vivaient dans
«un lâche repos, les autres se perdaient dans
«l'embarras des affaires séculières. Le sa-
« crement de Pénitence était
;
administré
«caprice plutôt que par charité les peuples
« vivaient sans instruction, les ministres
par

(fsans régularité; en un mot, le prêtre était


a comme le peuple, et l'on voyait partout
« ce sel affadi, qui n'est plus propre qu'à
« être foulé aux pieds. »
Quand le nouvel évêque eut vu ces affreu-
ses misères avec sa sagesse et sa prudence
consommée, il ne se dissimula point toute
l'étendue des racines du mal, et les difficul-
tés innombrables qu'il rencontrerait de tou-
tes parts pour arrêter ce torrent dévastateur.
Mais cette vue, qui eût ébranlé un courage
ordinaire, une âme commune, ne fit, au con-
traire, que raffermir sa résolution d'y porter
au plus tôt un souverain remède. Bertrand
s'occupa d'abord à réparer les murs de sa
cathédrale, qui avait été saccagée à la même
époque où la ville fut incendiée. Une por-
tion de ses revenus, une partie de ceux du
chapitre, et les aumônes des fidèles durent
probablement suffire pour accomplir un
tel œuvre. Cette restauration fut bientôt
suivie d'une autre bien plus importante en-
core. Le saint évêque, qui brûlait de zèle
pour la prospérité de son diocèse, ne pouvait
voir une seule fois l'état déplorable de sa
ville épiscopale sans en être ému jusqu'aux
larmes; et, comme en lui la compassion
n'était jamais stérile, il trouva bientôt le
moyen d'exécuter son projet. Déjà de nom-
breuses mains travaillaient chaque jour à
réparer les ruines de l'ancienne Lugdunum.
Le cœur de Bertrand battait en voyant naî-
tre une ville en quelque sorte nouvelle. Elle
:
était, sans doute, moins grande et moins
riche que la première mais aussi le Seigneur
y était servi, adoré et béni avec plus de
zèle et de ferveur. Il n'épargna rien pour lui
donner un éclat digne de son ancienne ori-
gine, de son ancienne splendeur. Il engagea
les anciens habitants, dispersés dans les en-
virons, à venir reprendre leurs premières

;
demeures, et leur donna lui-même le moyen
de les relever il attira aussi d'autres familles
pauvres en leur accordant des secours pas-
sagers pour s'établir en cette ville, et comme
sa situation la rendait nécessaire à toute la
contrée, dès que l'élan fut donné, les bourgs
voisins, sans se dépeupler, fournirent aussi
des habitants à cette cité nouvelle. Ainsi, en
peu d'années, les anciennes ruines de Lugdu-
num. disparurent, l'ordre et l'animation re-
prirent leur première place, et bientôt l'on
oublia qu'il avait passé sur elle plusieurs
siècles de destruction, et de mort. Cette cité
reconnaissante des bienfaits de Bertrand, le
considérait déjà comme son second fonda-
teur.
Cependant Bertrand travaillait sans relâ-
che au salut des âmes qui lui étaient con-
fiées. Il veillait comme un bon père au salut
;
de tous mais il veillait principalement à la
sanctification de son clergé. Tout embrasé
d'amour pour eux, il ne pouvait tolérer plus
longtemps que les lois de leur condition
fussent violées, et que, chargés de montrer
aux hommes les voies de la justice et du
ciel, ils fussent eux-mêmes esclaves de Satan,
indifférents au bien des âmes, et vécussent
d'une manière tout à fait contraire à leur
profession et à leurs engagements sacrés.
Les exemples et les vertus d'un aussi saint
évêque ranimèrent bientôt, en tous lieux, le
zèle des bons prêtres, et ceux qui jusque-là
avaient négligé d'instruire et de prêcher, se
virent comme forcés de secouer leur coupa-
ble indolence, et de remplir désormais les
fonctions sublimes de leur minstoceavec plus
de zèle, de décence et de ferveur. Ily avait,
d'ailleurs, dans ces temps que nous sommes
accoutumés à regarder comme barbares, un
grand fond de foi qui n'avait besoin que
d'être cultivé pour porter de beaux fruits, et
l'autorité épiscopale était alors si grande, si
vénérée, que tout ce qu'ils ordonnaient dans
l'intérêt de la religion et pour le bien des
âmes, était toujours reçu avec un respec-
tueux empressement.
Non content d'avoir travaillé à la réforme
de son clergé pastoral, Bertrand entreprit
encore de réformer le clergé de sa cathé-
drale. Touché des dangers innombrables qui
entourent la vertu dans le monde, il assem-
bla un jour son chapitre, et lui exposa avec
tant de force et de sagesse la nécessité de
marcher dans les voies de la perfection, de
vivre et de prier en commun, que sa parole,
si puissante, si énergique, opéra immédiate-
ment sur eux tout ce qu'il désirait. Il pro-
posa donc aux chanoines la vie commune
qu'il avait lui-même menée à Saint-Etienne,
et dont il connaissait les précieux avantages.
Les chanoines, quoique accoutumés à vivre
sans discipline et a l'ombre de leurs privilè-
ges, se soumirent, sans aucune résistance, à
l'observation rigide de ses ordonnances et de
ses règlements. Bertrand forçait les volontés
les plus rebelles avec autant de facilité que

susceptibles de défense ;
les conquérants forcent les villes les moins
nouveau Josias,
comme lui, il ne songeait qu'à rendre au
culte sa décence et sa dignité, aux autels
leur gloire et leur splendeur, aux ministres
leur sainteté et leur première ferveur. Pour
lever tous les obstacles, il fit bâtir aussi un
cloître avec des logements convenables pour
tous les membres de son chapitre, qu'il sou-
mit à la règledes chanoines réguliers de Saint-
Augustin. Enfin, aussi jaloux de sa propre
sanctification que de celle des autres, il se
soumit lui-même à l'observance de cette
même règle, pour les animer tous, par son
exemple, à la suivre encore avec plus d'exac-
titude et de ponctualité. Ainsi la vie clois-
trale fut introduite dans la cathédrale de

;
Comminges, comme elle l'avait été dans-plu-
sieurs cathédrales de l'Occident et le saint
évêque eut le bonheur de voir fleurir la piété
dans son chapitre, qui devint bientôt, par

clergé de son diocèse :


sa science et sa régularité, la lumière du
et cette maison de
prière, placée comme un phare sur la mon-
tagne, attira sur le saint évêque et sur tout
son clergé de si abondantes bénédictions qu'il
sembla que le ciel voulait couronner toutes
ses entreprises.
Après avoir admiré tant de belles oeuvres
si dignes de faire bénir à jamais son nom et
sa mémoire, que dirai-je encore de cette
piété si vive et si ardente qui animait toutes
ses actions, de cette charité sans bornes qui
embrassait toutes les classes des malheureux,
de cette pureté vraiment angélique qui le
rendait si doux et si aimable, et dont il ne
ternit jamais l'éclat radieux.
Mais surtout, qui pourrait dire jusqu'à
quel point il possédait le beau trésor de l'hu-

?
milité cette vertu caractéristique des saints,
sans laquelle il n'y a point d'âme sainte, et
avec laquelle les dons les plus éminents de
science, de grâce et de génie ne sauraient
nuire jamais à une âme, parce qu'étant toute
absorbée dans son néant et sa misère, elle
ne pense continuellement qu'à bénir et glo-
rifier Dieu, à s'anéantir sans cesse devant
Sa Majesté Suprême, et à lui rapporter fidè-
lement toute la gloire des bonnes œuvres,
comme un bien qui ne lui appartient point,
et dont elle se croit tout à fait indigne. Son
humilité était si grande, qu'il se regardait
constamment comme le dernier des hom-
mes, comme le dernier des pontifes. Il mou-
rait à chaque instant de regret et d'envie
de ne pouvoir se dérober à l'odeur de l'en-
cens que brûlait à ses pieds la vénération
publique. Le monarque l'entourait de son
estime, le Souverain-Pontife de son affec-
tion. Son nom, ses vertus et ses lumières
étaient admirées de tout le monde, et igno-
rées uniquement de lui seul.
Mais si la piété d'un simple chrétien ne
peut être solide sans l'accomplissement exact
de ses devoirs, celle d'un évèque l'est encore
bien moins, lui qui est obligé de porter, cha-
que jour, devant le trône de l'Agneau, les
iniquités de son peuple, et de s'offrir lui-
même comme victime à la justice de Dieu.
Convaincu de cette vérité, saint Bertrand les
accomplit toujours à la rigueur, en entrepre-
nant la visite de ses églises paroissiales, pour
donner plus d'étendue à son zèle, plus d'élan
à son amour.
Ce travail considérable des visites pasto-
rales fut pour lui l'ouvrage de toute sa viet
parce qu'il comprit que son absence faisai,
bientôt reparaître les abus qu'il avait dé-
truits, que son œil vigilant était nécessaire à
son troupeau pour lui aplanir les voies de
-
la vertu, et que, n'ayant point des récom-
penses à décerner en ce monde, il devait
s'appliquer à le rendre chaque jour plus fer-
vent et plus sensible aux attraits si puissants
du divin amour. C'est pourquoi, parcourir
son diocèse en tous les sens, en connaitre les
pasteurs, en étudier les besoins, en remar-
quer l'esprit, et dispenser par la confirma-
tion les grâces dont l'évèque est le ministre,
c'était là ce qu'il regardait comme le premier
et le plus sacré de ses devoirs, et il s'en ac-
quitta toujours avec un zèle infatigable. Il
visita tour à tour les diverses paroisses de
son diocèse jusqu'à ses derniers ans, obser-
vant tout avec soin, mais en même temps
avec prudence, sans précipiter le blâme ou
la réforme, prêchant partout, et partout va-
riant ses instructions suivant les lieux et les
circonstances. Partout il allait, et souvent à
pied, confirmer les malades qui n'avaient
pu se rendre à l'église, réconcilier les per-
sonnes ou les familles divisées, sans être
jamais arrêté, ou par la distance des lieux,
oupar l'incommodité des chemins, ou par
l'intempérie. Il s'estimait heureux de pou-
voir annoncer, suivant les prédictions des
prophètes, la paix et les autres biens qui
l'accompagnent sur les montagnes et les col-
lines. Il disait même souvent, qu'après les
courses que Jésus-Christ a faites sur la terre,
aucun chemin ne doit paraître rude et es-
carpé à un vrai pasteur desâmes. Aussi
recueillit-il de ces visites les plus douces
consolations. Quelque part qu'il allât, par-
tout il était reçu.avec le même empressement
et le même enthousiasme. Ce n'était point
un évêque que l'on croyait recevoir, c'était
Jésus-Christ même qui visitait ses contrées,
ses cabanes, ses hameaux, ses églises et la
pauvre maison où il était reçu. Aussi que de
bénédictions il recevait en entrant! Elles
s'accroissaient encore à sa sortie, par la re-
connaissance due à ses bienfaits nouveaux.
Toutefois, comme la vraie charité ne con-
naît point de bornes, son zèle prudent et
actif ne pouvait se renfermer dans les limi-
tes étroites de son diocèse, et le feu de la
parole divine qui l'enflammait, le portait sans
cesse à la répandre dans les vallées voisines
qui aboutissent à ses chères montagnes. La

;
nature des choses semblait amener toute
seule ces sortes de voyages mais les des-
seins de Dieu, que saint Bertrand consultait
en tout, le dirigeaient encore bien davan-
;
tage
;
car l'histoire de sa vie nous a conservé
les fruits bienfaisants de ses prédications et
si quelquefois sa parole était méprisée, le
ciel même apprenait à ces chrétiens rebelles
et indociles, par des fléaux extraordinaires,
quelle était la vraie cause de leurs malheurs.
Témoin, un événement mémorable, transmis
à la postérité par une pieuse tradition, et
constaté par un hommage annuel, payé à la
personne de saint Bertrand pendant sa vie
et à sa mémoire depuis sa mort.
Les habitants de la vallée d'Azun avaient
maltraité leurs voisins, et leur avaient enlevé
une partie de leurs biens, contre toute jus-
tice. Bertrand se rendit au milieu d'eux pour
les engager à réparer leurs injustes rapines.
Les habitants, encore pleins de feu et d'exal-
tation, s'obstinèrent à garder le fruit de leur
brigandage. Ils y répondirent même par
d'horribles insultes, et, dans leur fureur, ils
portèrent leur insolence jusqu'à couper la
queue de sa mule. Bertrand, ne pouvant vain-
cre l'obstination des habitants d'Azun, frappa
d'interdit toute cette contrée. L'anathème
ne fut pas plutôt porté, que le ciel devint
d'airain et la terre de fer. Cinq ans s'écoulè-
rent, et les plantes et les arbres ne donnaient
plus de fruits. Les animaux même, frappés
de stérilité, périssaient tristement dans leurs
bergeries. Dans une telle désolation, ce peu-
ple malheureux recourut à saint Bertrand,
lequel, touché de tant de larmes, éleva,
comme un autre Moïse, ses mains vers le
ciel, et le fléau cessa.
Lepeuple de la vallée d'Azun, pour témoi-

,
gner au saint évêque sa vive reconnaissance,
fit vœu de donner, chaque année, à la ca-
thédrale de Comminges tout le beurre qui

la Pentecôte. Fidèles à ces promesses ,


pourrait être fait pendant la semaine d'avant

pieuses populations ont continué de porter


ces

ces offrandes pendant plus de six cents ans,


jusqu'à l'époque de la Révolution française.
L'église deComminges posséda environ cin-
quante ans son bien-aimé pasteur, et, pen-
dant ce demi-siècle, il dirigea constamment
dans les voies du Seigneur le peuple confié à
ses soins, l'instruisant, priant pour lui, l'édi-
fiant par ses exemples, et guérissant toutes
sortes de maladies par la vertu de ses mi-
racles.
Saint Bertrand visitait encore les parois-
ses de son diocèse, lorsqu'il se sentit atteint
d'une fièvre violente. Il comprit, en voyant
ses forces l'abandonner, qu'il touchait à sa
fin dernière, et que dans peu il allait quitter
pour toujours cette vallée d'exil et de misè-
res. Comme le prophète Elie mangea du pain
avant que d'entreprendre le voyage du mont
Horeb, ainsi saint Bertrand voulut se nour-
rir du pain de vie avant que de gravir les
montagnes célestes. Un ange conduisit Tobie
quand il alla demander à Gabélus l'argent
qu'il devait à son père; Jésus va conduire
dans l'éternité saint Bertrand qui va deman-
der au Dieu très bon et très miséricordieux
la couronne de justice qu'il doit à sa fidélité.
Déjà le saint évêque n'avait plus qu'un souffle
de vie, il voulut qu'on recommandât son âme
à Dieu. Après cette cérémonie, il témoigna le
désir d'être porté devant l'autel de la très
sainte Vierge, pour laquelle il avaiteu, durant
sa vie, la plus tendre dévotion. Il offrit res-
pectueusement sa prière à la Mère de Dieu,
et bénit pour la dernière fois son peuple
bien-aimé qui, pleurant autour de lui, de-
mandait instamment à Dieu de ne point sitit
le faire mourir.
Un instant après, le saint vieillard, plein
de jours et de mérites, consumé de travaux
et d'austérités, s'endormit dans la paix du
Seigneur. Il expira paisiblement, en regar-
dant le ciel qui lui était ouvert, où il devait
éternellement se rassasier de paix et d'amour,
et chanter, dans l'ivresse d'une joie toujours
nouvelle, le cantique des anges et l'hymne
éternel du bonheur. Ainsi mourut, le 16 oc-
tobre 1130 (1), notreillustre pontife, nous
laissant dans sa longue carrière l'exemple de
toutes les vertus, mais principalement d'une
chasteté parfaite, d'une humilité profonde et
sincère, et d'une charité inépuisable. Son
corps bienheureux fut enseveli au pied de
l'autel de la très sainte Vierge, comme il
l'avait expressément recommandé peu de
temps avant de mourir. Les membres de son
chapitre, les prêtres de son diocèse, les en-
fants qu'il avait instruits et les pauvres qu'il
avait soulagés, inconsolables de sa perte,
firent, parleurs bénédictions et par leurs lar-
mes, l'ornement le plus beau de sa pompe
funèbre. C'était comme une multitude d'an-
ges terreslres qui accompagnaient son corpsà
sa dernière demeure, et qui semblaient riva-
liser de zèle avec les anges du ciel qui por-
taient son âme bienheureuse dans le sein de
l'éternité.
(1) Divers auteurs ont fait varier l'époque de sa mort
de 1124 à 1130.
Les habitants de Lyon-de-Comminges,
pleins de gratitude pour tant de bienfaits de
saint Bertrand, ôtèrent à leur ville le nom
qu'elle portait, et voulurent qu'elle s'appelât
désormais Saint-Bertrand, du nom de son
bienfaiteur. Ils voulurent aussi le prendre
pour patron de leur église, à cause de la
sainteté de sa vie et de l'éclat de ses miracles.
Le cours des exploits des héros se termine
inévitablement à leur tombe; mais le cours

au-delà du tombeau :
des actions des saints s'étend toujours bien
tel est le glorieux pri-
vilége dont saint Bertrand jouit après sa
mort, comme il est facile de s'en convaincre
par le chapitre suivant.

CHAPITRE V
Miracles de saint Bertrand.

La vie de saint Bertrand s'étant paisible-


ment écoulée dans les actes fréquents d'hu-
milité et de bienfaisance,. Dieu avait récom-
pensé du don des miracles ces deux vertus
qui sont si nécessaires au chrétien, et qui
sont le fondement de toutes les autres. Saint
Bertrand n'était plus depuis longtemps, et les -
Commingeois, accoutumés à recourir à lui
dans leur détresse, venaient souvent prier
sursa tombe bénie, et leurs vœux étaient
souvent exaucés. Examinons doncuninstant,
pour notre édification commune, quelques-
uns des principaux miracles de notre saint.
I. Possédée guérie. — Une dame, de haute
naissance et d'une brillante fortune, était
étrangement tourmentée par le démon, qui
s'était emparé d'elle. Le saint évêque, touché
des larmes de sa famille, se rendit un di-
manche à la basilique de Saint-Just, à Val-

que temps avec la plus grande ferveur ,


cabrère, où elle jeûnait et priait depuis quel-

dans l'espoir d'obtenir sa délivrance. Aussitôt


que notre saint eut jeté de l'eau bénite sur
elle, le démon, furieux d'être obligé de quit-
ter sa victime, excita en elle des mouve-
ments si violents qu'ils furent immédiate-
ment suivis d'un grand vomissement de
sang. A cette vue, tous les assistants tressail-
lirent de joie, et particulièrement les parents

;
de cette pauvre dame qui racontaient par-
tout ce miracle elle-même, ayant peu à peu
recouvré sa santé et la tranquillité de son
âme, fut plusieurs années encore, après la
mort du saint homme, un témoignage vi-
vant et irrécusable de sa puissance et de
sa charité.
II. Femme adultère. — Une femme accu-
sée par son mari du crime d'adultère dont
elle était coupable, pour le cacher, en appela
avec serment à la sainteté du saint. Vou-
lant prendre la main de saint Bertrand,
aussitôt sa main sécha et demeura depuis
immobile comme si elle eût été frappée de
paralysie. Bien différente en cela de la
femme de l'Evangile qui, accusée du même
crime, obtint son pardon de la bouche du
Sauveur, par l'humilité et la franchise de son
aveu.
III. Epreuve de Veau froide. — Un autre
jour, saint Bertrand, pour convaincre un
homme d'un crime dont il s'était rendu cou-
pable, et qu'il niait opiniâtrement, lui com-
manda, au nom de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, de tirer une pierre d'un vase d'eau
froide qu'il avait eu soin de bénir aupara-
vant. Cette eau, toute froide qu'elle était,
eut la vertu miraculeuse de brûler la main
sacrilége de cet imposteur. Alors il confessa,
à sa grande honte, son crime, et tous furent
saisis de crainte et d'étonnement en voyant
ainsi l'imposture confondue.
IV. Diacre repentant. — Un diacre, tra-
vaillant à la conversion d'une femme de
mauvaise vie, se laissa prendre un jour par
ses attraits
:
séducteurs, au grand scandale
ée tout le monde mais, touché d'un repen-
tir sincère, il tomba aux genoux de son évê-
qmç, lui avoua humblement sa faute, et en
obtint son pardon. Sa malheureuse complice,
bien loin de profiter de sa bonté, méprisa,
au contraire, ses salutaires avertissements,
et bientôt, en punition de son endurcisse-
ment, elle fut livrée à l'esprit impur qui la
tourmenta en différentes manières, et expira
misérablement sous les yeux des assistants
effrayés,
V. Usurpateur puni. — Un habitant de

;
Saint-Gaudens avait usurpé une partie d'un
cimetière pour y bâtir une maison refusant
d'obtempérer, quelque raison qu'on alléguât,
Bertrand le frappa d'excommunication, et il
fut saisi à l'instant même d'une maladie lan-
guissante qui le fit bientôt périr.
VI. Noyer béni. — Un homme, ayant con-
vié notre saint à manger, lui servit son repas
sous un noyer, et lorsqu'ils eurentterminé,
il le pria de bénir l'arbre qui les avait abri-
tés contre les ardeurs du soleil. Saint Ber-
trand le fit, et, depuis, ce noyer se montra,
même dans les années stériles, d'une mer-
veilleuse fécondité.
VIL — Saint Bertrand ne fut pas moins
illustre par les miracles qu'il opéra après sa
mort que par ceux qu'il opéra pendant sa
vie. Comme le détail nous mènerait ici trop
loin, il nous suffira de dire qu'une foule d'in-
firmes et de malades eurent souvent recours
à sa tombe vénérée, et que plusieurs y trou-
vèrent l'entière guérison de leurs souffrances
et de leurs infirmités. Ils déposaient alors
sur sa tombe bénie les instruments qui
avaient servi à soutenir leur marche chan-
celante, et ils rentraient au sein de leurs fa-
milles, en rendant gloire à Dieu et au glo-
rieux saint Bertrand.
VIII. — L'éclat des vertus et des miracles
de saint Bertrand s'étendit même au-delà
des mers. On vit un jour, humblement pros-
terné sur sa tombe chérie, un jeune Anglais
qui paraissait appartenir à une famille dis-
tinguée. Depuis longtemps une cruelle ma-
ladie le minait, et semblait faire craindre
pour ses jours. Saint Thomas de Cantorbéry,
qui l'aimait beaucoup, lui conseilla de venir
se recommander à saint Bertrand de Com-
minges. Il le fit, et par son entremise, il
obtint une parfaite guérison.
IX. —Enfin, nous terminerons cette série
abrégée de miracles par ce trait si remar-
quable de Sanctius Sparra. C'était un capi-
taine du roi d'Espagne, qui, s'étantjeté dans
les Pyrénées, ravageait, avec les troupes du
comte de Bigorre, en guerre avec celui de
Comminges, les vallées d'Auzun et de Lavé-
dan, et réduisait toute la frontière, par ses
concussions et ses brigandages, dans la der-
nière désolation. Saint Bertrand, touché des
larmes et de la détresse de son peuple, passa
dans le camp ennemi, et alla se présenter à
la tente de Sanctius. Il conjura le terrible
général d'éloigner son armée, et de se relâ-
cher des droits de la guerre en faveur de
son pauvre peuple. Il lui prédit même, dans
un transport prophétique, que la victoire et
la fortune le trahiraient un jour, et qu'alors,
s'il daignait exaucer sa prière, il saurait lui
donner des marques certaines de sa recon-
naissance et de son amour. Sanctius ne put
résister à la demande de notre saint, non
plus qu'autrefois le superbe Attila, à l'élo-
quence persuasive de saint Léon, qui lui de-
mandait la délivrance et la conservation de
la Ville-Eternelle. Vaincu par sa prière, il
laissa en paix la contrée de Commingee, et
alla signaler son intrépidité et son courage
en d'autres climats et contre d'autres en-
nemis.
Au bout de quelque temps, Bertrand mou-
rut, et Sanctius s'en alla, plus tard, combat-
tre les Sarrasins en Espagne. Il fut fait pri-
sonnier, chargé de fers et jeté, sans pitié,
dans un sombre cachot, d'où on devait le
transporter avec d'autres compagnons d'in-
fortune sur le rivage brûlant d'Afrique. Une
nuit qu'il gémissait sur son triste sort, il se
ressouvint de la prédiction et de la promesse
du saint évêque de Comminges. Le malheu-
reux général tendit aussitôt ses bras vers
saint Bertrand, et l'invoqua dans son ex-
trême misère. Notre saint entendit, du fond
de son tombeau, la voix du général captif.
Dès la nuit même, il vola, l'arracha à son
cachot, et transporta sur la montagne d'Es-
quito, près d'Olcie, dans la vallée d'Aspe, cet
illustre prisonnier, étonné de rétrouver sa
patrie et sa liberté.
Plein de reconnaissance pour un tel bien-
fait, le général espagnol fonda un ermitage
près de Barcelonne, sur le mont Jouï. Il
existe encore. Pendant longtemps on vit les
Barcelonnais s'y rendre en procession solem-
nelle, et célébrer une fête en l'honneur de
saint Bertrand.
Ce ne fut point assez pour Sanctius : il se
rendit encore, tous les ans, jusqu'à sa mort,
au tombeau de son libérateur, pour y ré-
pandre le tribut de ses larmes et de son
amour.
Ce fait est attesté pat un grand nombre
de monuments authentiques, et la fête qu'on
célèbre, chaque année, le 2 mai, sous le titre
d'apparition de saint Bertrand, met le der-
Bier sceau à la certitude de cet événement.

;
On attribue encore beaucoup d'autres pro-
diges à saint Bertrand mais comme ils n'ont
d'autre fondement que la tradition populaire,
et que, d'ailleurs, cette tradition n'est ap-
puyée par aucun monument respectable, je
les abandonne à l'oubli, dont leur peu d'au-
thenticité les rend dignes. Les miracles que
j'ai rapportés sont plus que suffisants pour
convaincre l'homme le plus incroyant, que le
vertueux évêque mérite d'être compté, non-
seulement parmi les saints, mais encore
parmi les thaumaturges.

CHAPITRE VI

De ki canonisation de saint Bertrand. — Ciément V


visite son ancienne cathédrale, et accorde un
Jubilé.

C'est un oracle de l'Esprit saint, prononcé


par la bouche d'un grand roi, que la mé-
jours chère, toujours bénie et vénérée ;
moire du juste lui survivra éternellement tou-
au
lieu que celle des pécheurs périt tous les
jours, et périra à jamais toujours odieuse,
toujours maudite et abhorrée.
En effet, que sont devenus, depuis tant de
siècles, tant de vaillants guerriers, de sages
politiques, d'illustres magistrats, qui, au mi-
lieu de leurs actions bonnes ou mauvaises,
ne songeaient uniquement qu'à plaire au
monde et à se faire sur la terre un nom im-
?
mortel !
Hélas ils ont disparu, et, en dispa-
raissant, toute leur fortune et toute leur
gloire se sont, dans un instant, entièrement
évanouies. Aujourd'hui même on ne parle
plus d'eux, et, si on cite parfois le nom de
quelques-uns, ce n'est point pour célébrer

;
leurs fêtes, pour chanter leurs louanges
pour implorer leurs secours
,
tandis que la
gloire des saints est une gloire solide et à
jamais inaltérable. Sans avoir jamais cherché
à briller dans le monde, notre saint y est
cependant plus connu et plus vénéré que
tous les monarques de l'Univers. En effet, à
peine eut-il fermé les yeux à la lumière, que
bientôt le parfum de ses vertus, s'exhalant de
son tombeau, proclama hautement la gloire
du souverain Roi dans l'humilité de son ser-
viteur. Trente ans s'étaient à peine écoulés
depuis le jour béni de sa mort, que, frappés
de tant de prodiges qui s'opéraient journel-
lement sur sa tombe glorieuse, les membres
de son clergé et plusieurs évêques voisins,
entre autres le cardinal Hyacinthe, et Guil-
laume d'Andoufielle, archevêque d'Auch et
neveu de saint Bertrand, se réunirent en-
semble pour solliciter auprès du pape sa
canonisation, ou pour mieux dire sa béatifi-
fication. Pour y parvenir plus facilement,
Alexandre III nomma Vital, prêtre de l'église
d'Auch, protonotaire apostolique, pour faire
les recherches préliminaires qu'il dressa en
écrivant sa vie. Cette vie estimable, écrite
en latin, publiée jadis par Edouard Martène,
vient de l'être de nouveau dans la savante
et immense collection des BoUandistes. Son
travail terminé, Vital en fit lecture dans la
vénérable église de Latran, en présence du
pape, des cardinaux et des évêques réunis
en concile. Cette auguste assemblée, ayant
reconnu l'authenticité des faits qui lui étaient
rapportés, le saint Pontife consacra solen-
nellementla mémoire de saint Bertrand, en
le proposant au culte des fidèles.

Après qu'Alexandre III l'eut déclaré bien-


heureux, plusieurs églises célébrèrent à l'envi
l'anniversaire de sa mort, comme Toulouse,
Auch, Narbonne, Reims, Tarbes et Lectoure:
mais cette fête devint encore bien plus solen-
nelle après la translation de ses reliques, qui
se fit vers le milieu du douzième siècle.
Environ deux cents ans après la mort de
notre saint, l'église de Saint-Bertrand vit, avec
un bonheur digne d'envie, un de ses évêques
s'asseoir sur la chaire éternelle. Bertrand de
Goth, né à Villandran, diocèse de Bordeaux,
après avoir gouverné, pendant neuf ans, les
deux sièges de Comminges et de Bordeaux
avec autant de zèle que de prudence, fut
élu pape et couronné à Lyon sous le nom de
Clément V.
Quatre ans après son élévation au suprême
pontificat, ce pieux pontife, informé des
grands miracles qui continuaient de s'opérer
au tombeau de saint Bertrand, résolut de
venir lui-même visiter sa première église,
et d'incliner sa triple couronne devant l'hu-
milité de notre saint. Il fit son entrée dans
cette cité glorieuse au milieu d'un cortège
splendide et innombrable de pontifes, de
princes et de peuple. Il avait avec lui cinq
cardinaux de l'Eglise romaine, les archevê-
ques deRouenetd'Auch; les évêques de Tou-

minges;
louse, Albi, Montpellier, Aix, Tarbes et Com-
les abbés de Bonnefond, Nizors
l'Escale-Dieu, Simorre et Fontfroide. Une
,
multitude prodigieuse de peuple était aussi
accourue de toutes parts pour être témoin
de l'auguste cérémonie que ce pape devait
faire. L'air retentissait de joyeuses acclama-
tions, de pieux chants d'allégresse. L'airain
sacré ne cessait aussi de faire entendre au
loin ses bruyants et solennels tintements.
À son entrée dans la cathédrale, Clément
alla s'agenouiller sur le tombeau de saint Ber-
trand, qui n'était encore couvert que d'une
simple pierre tumulaire. Il y pria quelques
moments avec .foi et ferveur, puis il fit ouvrir
le sépulcre, et, levant lui-même ses osse-
ments du lieu où ils roposaient, il les plaça
ensuite dans une magnifique châsse qu'il
avait fait préparer tout exprès à ses pro-
pres dépens. Ensuite les portant en triomphe
dans l'église et autour du cloître, illa déposa
sur l'autel de Notre-Dame, dont la chapelle
devint dès lors celle de saint Bertrand.
D'après le décret qui fut rendu alors avec
toutes les formalités requises, et quel'on con-
serve encore dans les archives de cette église,
cette cérémonie eut lieu le 16 janvier de
l'an 1309, cent quatre-vingts ans après le
décretde sa béatification.
Pour perpétuer la mémoire de ce grand

:
jour, Clément établit aussi trois fêtes en
l'honneur de ce saint la première au 16 oc-
tobre, qui est le jour anniversaire de sa
bienheureuse mort et de son triomphe dans
le ciel; la seconde est la fête de sa transla-
tion au 16 janvier, jour auquel le saint fut

publique ;
tiré du tombeau et exposé à la vénération
la troisième, enfin, est la fête du
2 mai, qu'il établit en mémoire de son ap-
parition.
Il fit aussi de riches dons à la cathédrale,
et accorda de nombreuses indulgences à tous
ceux qui contribueraient, par leurs largesses,
à l'érection du nouvel édifice. Enfin il ac-
accorda à son ancienne cathédrale un jubilé,
désigné dans la dévotion des peuples sous le
nom de grand pardon, pour être célébré à
perpétuité dans l'église cathédrale de Com-
minges, toutes les fois que l'invention de la
Sainte-Croix tomberait un vendredi, et qui
durerait depuis les premières vêpres de l'ap-
parition, Ier mai, jusqu'aux secondes vê-
pres de l'invention de la Sainte-Croix, 3 mai.
Le jubilé de saint Bertrand est le second
du monde chrétien, et le premier qui ait été
établi dans une église particulière.
A toutes les époques, la, plus grande pompe
été déployée pour la célébration de ju-
a
;
bilé les évêques de Comminges en annon-
ce

çaient l'ouverture par le son descloches, qui


ne cessaient de se faire entendre pendant les
les trois jours. Pour gagner cette indulgence,
il fallait, dès le principe, se confesser et com-
munier dans l'intérieur de la ville et dans les
trois jours de sa durée. Le pape Pie VI, en
prolongea sa durée jusqu'à sept jours. Gré-
goire XVI, par un induit du 17 septem-
bre 1839, étendit cette grâce à tous ceux
qui visiteraient cette église dans les trois -
jours, pourvu qu'ils se fussent confessés et
eussent communié dans les huit jours qui
précèdent l'ouverture, ou pendant sa durée,
en quel lieu que ce fût. -

Enfin le jubilé se termine par une proces-


sion générale dans laquelle on porte autour
de la ville la grande châsse, où est renfermé
le corps de saint Bertrand, et qui ne sort
que dans cette unique circonstance.

CHAPITRE VII
Translation d'une relique de saint Bertrand à l'Isle-
Jourdam. — Révolution. — Suppression du siège
épiscopal.

En 1733, saint Bertrand reçut un hom-


mage éclatant de la part de ses compatriotes.
Depuis longtemps l'Isle-Jourdain désirait ar-
demment posséder une de ses reliques qu'elle
avait toujours sollicité en vain. Néanmoins,
après bien d'instances et de prières, ses vœux
furent enfin exaucés. Le jour convenu pour
le départ étant arrivé, ils partent de l'Isle,
après avoir décidé de se réunir tous ensem-
ble à Valcabrère, dans un couvent des Cdw,
deliers. Les principaux de la députation pas-
sèrent à Garaison pour consacrer leur ville
à la Mère de Dieu. Etant arrivés à Valcabrère,
ils se reposèrent quelques instants; puis,
s'étant rangés en procession, ils partirent au
son des cloches du couvent. A l'instant même,
les cloches de la cathédrale firent entendre
leurs sons bruyants et majestueux, et ainsi
ils firent leur entrée solennelle dans l'antique
cathédrale de Comminges. Quatre d'entreeux
portaient un riche pavillon où se trouvait un
buste d'argent destiné à recevoir la relique.
On se rangea autour du tombeau de saint
Bertrand pour y chanter ùn hymne composé
en son honneur, et, après les vêpres, qui
furent chantées avec la plus grande solen-
nité, l'évêque de Comminges, en présence
de celui de Tarbes et d'un nombreux clergé,
ouvrit la châsse, en retira deux ossements et
les mit dans le buste. C'étaient une côte dite
costa légitima, et un os vertébral du thorax.
Le buste fut scellé avec soin et renfermé dans
le tombeau jusqu'au l'endemain.
Le lendemain, après les offices qui furent
célébrés avec autant de pompe que la veille,
-
les deux pontifes bénirent le pieux cortège,
qui se remit en marche en faisant retentir
les airs d'hymnes de joie et d'allégresse. Dans
un trajet d'environ dix-huit lieues, partout
ils furent accueillis par les populations diver-
ses avec les plus grandes marques d'honneur
et de piété. Arrivés sur le pont de la Clau, où
commence le territoire de l'Isle, le cortége
s'arrêta et entonna le Te Deum à genoux. A
une petite distance de là, on posa le pavillon
dans un magnifique oratoire, disposé par les
sains d'un riche propriétaire voisin. A l'ins-
tant même la relique fut saluée par une dé-
charge d'artillerie. A ce signal, la ville en-
tière accourut en toute hâte, la bourgeoisie
en tête, sous les armes, précédée d'un corps
nombreux de musiciens. Après elle venaient
les confrères du Saint-Sacrement, les Frères
du Tiers-Ordre, les Cordeliers de Saint-An-
loine. Elle fit ainsi son entrée triomphante au
milieu des acclamations et des applaudisse-
ments publics, à travers les rues jonchées de
fleurs et de verdure. On la plaça sur le grand
autel de -cette église, qu'on entoura de six
gardes pendant qu'on chantait les Vêpres,
puis on porta le buste dans la chapelle qu'on
avait préparée.
;
Le soir, toute la ville fut illuminée des
feux de joie brillèrent sur toutes les places
publiques: la musique fit entendre les con-

;
certs les plus bruyants et les plus harmo-
nieux tout le monde était dans la jôie, dans
la plus vive allégresse. C'était le 9 septem-
bre, cinquième jour de la translation, dont
les fêtes durèrent encore pendant trois jours,
durant lesquels on vit arriver les processions
de toutes les paroisses voisines, avides aussi
de vénérer celui qui était le fils de leurs,
comtes et la gloire de leur pays.
L'Isle-Jourdain conserve encore aujour-

:
d'hui une grande dévotion envers notre

;
saint sa fête s'y célèbre tous les ans avec la
plus grande pompe ses reliques sont por-
tées en procession à travers les rues de la
ville, dans le riche pavillon qui vint les cher-
cher à Saint-Bertrand. Enfin son antienne est
chantée tous les dimanches après Vêpres de-
vant sa chapelle.
Peu d'années après cette mémorable céré-
monie, éclata parmi nous une affreuse tem-
pête, préparée par deux hommes que nos
pères avaient longtemps, dans leur délire, en-
censé comme deux idoles. En ces jours de

;
lamentable mémoire, nos prêtres et nos pon-
tifes furent exilés ou mis à mort nos tem-
ples furent fermés ou changés en des lieux
de prostitution: nos autels renversés, nos
tabernacles profanés, nos maisons de re-
traite violées de la manière la plus indigne
Mfin, après toutes ces horreurs et une infi-
:
nité d'autres que la décence et la pudeur
m'empêchent de nommer, on vit, quand la
rage des sicaires fut pleinement assouvie, on
vit avec une profonde douleur plusieurs siè-
ges épiscopaux supprimés, parmi lesquels
on compte malheureusement celui de Saint-
Bertrand.
Aujourd'hui, tristement assise sur les dé-
bris de douze siècles écoulés, l'antique cathé-
drale_de Comminges, veuve de ses pontifes,
leve encore son front majestueux vers le
cimme pour dire aux pauvres mortels
que tout ici-bas n'est que néant et vanité, et
qu'il n'y a que Dieu seul dont le souvenir
sera à jamais permanent et éternel.

CHAPITRE VIII
Notice historique sur les évêques de Comminges.

506. Suavis est le premier évêque de



Comminges dont l'existence nous soit connue
il est cependant probable qu'il en existait
;
dansle troisième, le quatrième, le cinquième
siècle, puisque nous savons par saint Si-
doine Apollinaire, évêque de Clermont,
qu'Evarix, roi des Goths, fit mourir dans les
plus affreux tourments l'évêque de Lugdu-
num.
2. — 533. Prsesidius assista au second con-
cile d'Orléans, convoqué par les trois fils de
Clovis.
3. — 540. Saint-Afrique, obligé de fuir de
son diocèse à cause des persécutions des Vi-
sigoths, se retira dans celui de Rhodez, où il
fit de nombreuses conversions.
4. — 549. Amélius assista au cinquième
concile d'Orléans, assemblé contre les er-
reurs de Nestorius et d'Eutichés.
5. — 585. Rufin était évêque de Commin-
ges, lorsque Lugdunum fut prise et saccagée;
il assista au second concile de Mâcon en 585.
Après lui, lesiège demeura vacant pendant
environ deux cents ans.
6. — 788. Abraham assista au concile de
Narbonne qui condamna L'erreur de Félix
d'Urgel, qui soutenait, avec son disciple de
Tolède, que Jésus-Christ, selon la nature
humaine, n'était fils de Dieu que par adop-
tion.
7. — 835. Involatus fut un des quatre
évêques du pays auxquels le pape Jean VIII
écrivit à raison de l'administration de leurs
diocèses.
8.- 845. Maxime accompagna à Auch
saint Taurin, forcé d'abandonner sa métro-
pole d'Eauze, à cause des ravages des Nor-
mands.
9. — 950. Ato. On présume que cet évê-
que appartenait à la même famille que saint
Bertrand.
10. — 980. Ariolus. Il est fait mention de
ce prélat dans la donation qui fut faite, au
prieuré de saint Béat, de l'église de Saint-
Médard, et d'une partie de celle de Boutz.
41. — 990. Bernard 1er fonda, vers la fin
du dixième siècle, un chapitre à Saint-Gau-
dens, et bâtit près de l'église un cloître pour
y réunir les chanoines.
12. — 1003. Pierre descendait des comtes
de Carcassonne. Ce fut sous son épiscopat
que Sance Atton et son épouse firent bâtir
une belle église à Cazeneuve-d'Aurignac, en
l'honneur de la Mère de Dieu, et y fondèrent
un chapitre qui devait jouir de riches re-
venus.
13. — 1035. Arnaud 1er assista à la dona-

;
tion- de l'église de Tramesaygues à l'abbaye
de Coxan, en Roussillon il assista aussi à un
concile tenu dans cette abbaye.
14. — 1040. Guillaume 1er confirma la sus-
dite donation.
15. — 1056. Bernard II assista au troi-
sième concile de Toulouse, qui eut lieu prin-
cipalement pour le rétablissement de la dis-
cipline.
à
16. — 1063. Guillaume II assista la dé-
dicace de l'église abbatiale de Moissac, et se
trouva, en 1068, aux conciles de Toulouse et
de Gironne.
17. — 1078. Otger remit Pons, évêque de
Tarbes, en possession du prieuré de Sarran-
colin.
18. — 1082. Saint Bertrand. Voir sa vie
et ses miracles, pages 28 et 56.
19. — 1136. Roger de Nuro, de la maison
de Montaut, est connu pour avoir fait un
grand nombre de fondations.
20. — 1153. Arnaud Roger fit, en 1158,
la dédicace de l'église de Lézat, et donna ses
biens de Mortère à l'abbaye de Bonnefond,
fondée par son prédécesseur.
21. — 1179. Arsius assista au concile gé-
néral de Latran, convoqué par Alexandre III.
Ce fut sous son épiscopat que fut fondée
l'abbaye de Nizors, en 1186. Il se démit de
son siège en 1188.
22. — 1180. Raymond-Arnaud combattit
avec zèle, en 1212, l'hérésie des Albigeois
qui faisait de grands ravages dans son dio-
cèse.
23. —1203. Spiragueou Hisparicius était
évêque de Comminges, lorsque les coutumes
et usages de la ville de Saint-Gaudens furent
autorisés et cohfirmés par Bernard III, comte
de Comminges.
24. — 1207. Adémar de Castellione fit des
règlements intitulés Coutumes de la cité de
Comminges, lesquels furent confirmés dans
la suite par plusieurs évêques.
25. — 1210. Garsias de l'Hort fut un pré-

;;
lat rempli de l'esprit de Dieu et d'un cou-
rage héroïque pour la défense de la vérité il
assista au concile de Montpellier en 1213
quatre ans après, il fut appelé au siège mé-
tropolitain d'Auch, où il mourut en odeur
de sainteté.
26.-1215. Grimoald, abbé de Granselve,
travailla beaucoup au maintien de la foi et
de la paix publique, et mourut le 20 juin
1240.
27. — 1241. Arnaud-Roger, fils de Ber-
nard, comte de Comminges, fut un évêque
très charitable. Il se démit de son siège en
1259, après avoir fait aux pauvres de son
église de grandes libéralités.
-
28. 1260. Guillaume III d'Audiran fit
bâtir une maison épiscopale près de Saint-
Frajou, où il possédait un bien considérable.
Il mourut à Condom et fut enseveli dans
l'église de Sainte-Catherine de cette ville.
29. — 1263. Bertrand 11 de Miramont
mourut dans sa ville épiscopale, après avoir
fondé un obit en faveur de son église. H fut
enterré dans la chapelle des Cardinaux.
-
30. 1269. Guillaume IV. On trouve le
nom de cet évêque dans trois actes différents
du chapitre de Saint-Gaudens.
31. — 1276. Bertrand III était évêque de
Comminges en 1276.
32. — 1279. Raymond II l'était en 1279.
33. — 1282. Bertrand IV l'était en 1282
et 1285, d'après deux transactions tirées des
archives du château d'Alan.
34. — 1294. Arnaud II de Mascaron était
évêque de Comminges lors de la fondation
des Dominicains à Saint-Gaudens.
35. — 1296. Bertrand de Goth, néau
château de Villandrant, dans le diocèse de
Bazas, était archidiacre de Bordeaux lors-
qu'il fut appelé, en 1295, au siège épiscopal
de Comminges par Boniface VIII. Quatre ans
après, il fut transféré à celui de Bordeaux.
Parvenu à la papauté en 1305, il prit le nom
de Clément V. Il mourut le 20 avril 1344,
et fut enseveli dans l'église d'Uzeste, sa pa-
trie, dans un magnifique tombeau de jaspe,
de marbre et d'albâtre. En 1577, les hugue-
nots rompirent son cercueil, et livrèrent son
corps aux flammes.
36. —1300. GuillaumeVestqualifiéd'évê-
que dans un acte du chapitre de Sainl-Gau-
dens,en1300.
37. — 1306. Boson de Salignac, élu évè-
que de Comminges, assista en cette qualité
au concile de Vienne en 1311, et mourut en
1314, après avoir fait plusieurs donations à
divers monastères.
38. — 1317. Pierre Vital deMilliario, de
l'ordre des Dominicains, mourut le 14 jan-
vier 1318, avant d'avoir pris possession de
son poste.
39. — 1318. Scot de Linariis est connu
pour avoir assisté" un évêque de Marseille
dans l'exécution d'une sentence d'inquisiteur,
qui condamnait quatre Frères Mineurs pour
crime d'hérésie.
40. — 1325. Guillaume VI de Larvo fut
un zélé défenseur des libertés de l'Eglise
gallicane; il mourut en 1335.
41. — 1333. Hugues de Castellione fonda
une rente pour entretenir jour et nuit une
lampe devant l'autel de Saint-Bertrand, et
acheva la construction de la cathédrale. Il
mourut le 4 octobre 1352.
42. — 1352. Bertrand VI de Cosnac, évê-
que de Comminges en 1352, fut fait cardi-
nal en 1371, et mourut à Avignon le 17 juin
1374.
43. — 1374. Guillaume VII d'Espagne fut
nommé évêque de Comminges en 4374, et
mourut en 1385, après avoir fondé quatre
bénéfices dans l'église de Saint-Frajou, dont
deux seulement dépendaient des fonds de
son patrimoine.
44. — 1382. Amélius II de Lautrec, évê-
que de Couserans en 1351, et de Commiu-
ges en 1384, fut fait cardinal par le pape
Clément VII, et mourut le 7 juin 1390.
45. — 1390. Manaud de Barbazanoccupa
le siège de Comminges de 1390 à 1421.
46. — 1422. Pierre de Foix, de l'illustre
maison de ce nom, fut promu à l'évêché de
Lescar en 1405, et à celui de Comminges M~
1426. Il avait à peine vingt-deux ans quand
il fut nommé cardinal. Il fit construire le
tombeau de saint Bertrand, travailla au châ-
teau d'Alan, bâtit l'église des Cordeliers, à
Toulouse, et fonda dans cette ville le collège
de Foix, qui porte aujourd'hui le nom de
couvent de la Compassion. Plus tard il de-
vint évêque de Tarbes, d'Albatro, archevê-

;
que d'Arles, légat dans plusieurs provinces
où il mérita le titre de bon légat enfin il
mourut à Avignon le 4 décembre 1464, à
l'âge de quatre-vingt-cinq ans, après soixante-
cinq ans de cardinalat.et cinquante-neuf ans
d'épiscopat.
47. — 1442. Grimoald II. On n'a aucun
acte de cet évêque. Il paraît qu'il occupa le
siège de Comminges pendant l'administration
du cardinal de Foix.
48. — 4446. Arnaud-Raymond d'Espagne,
d'abord évêque d'Oleron, administra le dio-
cèse de Comminges de 1450 à 4462. Le siège
épiscopal demeura ensuite vacant pendant
environ trois ans.
49. — 4460. Jean Ier de Foix, d'abord abbé
de Saint-Sever, fut évêque d'Acgs en 4460,
et de Comminges en 4467. A sa mort, qui
arriva en 1501, il légua tous ses biens au
chapitre de sa cathédrale.
50.-1502. Gailhard de l'Hôpital, d'abord
chanoine deComminges, fut élu parle chapitre
en 1501, et sacré à Montauban. Il eut pour
compétiteur le cardinal d'Albret, nommé par
le pape, et éprouva de grandes difficultés à
se faire reconnaître. Néanmoins sa fermeté et
la persistance du chapitre l'emportèrent. Il
fut enterré dans la chapelle des Cardinaux.
M. — 1515. Jean II de Mauléon, nommé
évêque de'Comminges en 1545, n'obtint ses
lettres qu'en 1523. Il répara le cloître de
-Bonnefond, dont il avait été abbé, bâtit une
maison épiscopale àSaint-Gaudens, etchangea
l'aspect intérieur de la cathédrale de Saint-
Bertrand, en élevant le jubé, le chœur, l'au-
tel du sanctuaire, le buffet de l'orgue, les
stalles, les chapelles Notre-Dame et Sainte-
Marguerite. On lui attribue aussi l'érection
du mausolée de Hugues de Castellione. If
mourut en 1551, et fut enterré dans le cou-
vent des Frères Mineurs de Valcabrère,
comme il l'avait expressément recommandé.
Il fut le dernier évêque élu par le chapitre.
52. — 1551. Jean III de Bertrandi fut
d'abord président au Parlement de Toulouse,
ensuite premier président de celui de Paris,
et garde des sceaux. Devenu veuf, Bertrandi
entra dans l'état ecclésiastique, et y brilla
par des vertus qui le firent appeler à l'évê-
ché de Comminges en 1552, à l'archevêché
de Sens en 1555, et au cardinalat en 1557.
Il mourut en 1560, âgé de quatre-vingt-
dix ans, très estimé du pape et des cardi-
naux.
53. — 1556. Charles 1er Caraffe fut évê-
que de Comminges en 1556, par la démission
de son prédécesseur. Il éprouva toutes les
vicissitudes de la fortune et mourut en 1560.
54. — 1561. Pierre IIId'Albret, fils de
Jean, roi de Navarre, assista comme êvêque
de Comminges au concile de Trente. Quel-
ques chronologistes disent qu'il fut fait car-
dinal. On ne connaît ni le lieu ni l'année de
sa mort.
55. — 1569. Charles II de Bourbon occupa
le siège de Comminges en 1569. Il passa la
même année à celui de Lectoure. Il succéda
à son oncle le cardinal de Bourbon, arche-
vêque de Rouen.
56. — 1580. Urbain de Saint-Gelais de
Lansac, évêque de Comminges en 1580, fut
envoyé comme ambassadeur en Portugal, et
assista aux Etats deBloi's en 1588. Il occupa
le siège pendant trente-trois ans. Depuis sa
conversion, le roi Henri IV l'honora d'une
estime particulière. Il mourut en 1613.
57. — 1614. Gilles de Souvray, fils du
maréchal de ce nom, fut élevé à l'évêché de
Comminges en 1614, et assista, comme évê-
que élu, aux Etats généraux tenus cette
année. Ilne fut sacré qu'en 1617, et passa
en 1623 au siège d'Auxerre.
58. — 1623. François de Donadieu, se
trouvant atteint d'une maladie grave, avant
d'avoir pris possession de son poste, fit nom-
mer à sa place son neveu, dont il fut un
des vicaires généraux et auquel il survécut.
Il mourut en 1643 et fut enterré devant le
grand autel de la cathédrale.
-
59. — 1625. Barthélemy de Donadieu de
Griet naquit à Montesquieu-Volvestre le 24
août 1592. Pour plaire à ses parents, il sui-
vit d'abord la carrière militaire et fut sacré
évêque de Comminges en 1625. Ce prélat
fut constamment le père de son peuple, le
soutien du pauvre, le modèle et le confident
de son clergé qui l'aimait autant qu'il le
vénérait. Il mourut à Alan le 1er novembre
1637, et fut enseveli dans sa cathédrale, au
pied de l'autel du Saint-Sacrement, où l'on
voit son buste. Son cœur fut porté dans la
collégiale de Saint-Gaudens.
60. — 1640. Hugues II deLabatut mérita
par sa piété et son application que son pré-
décesseur, sur le point de mourir, le de-
mandât au roi pour son successeur. Cette
demande fut agréée, et en 1637 Hugues prit
possession du diocèse de Comminges qu'il
n'administra que sept ans. Il mourut le jour
des Cendres, 10 février 1644, et fut inhumé
à côté du vénérable Barthélémy. Il avait
établi les religieuses de Notre-Dame à Saint-

-
Gaudens, en 1642.
61. 1644. Gilbert de Choiseul du Ples-
sis-Praslin, fut nommé évêque de Comminges
en 1644, et sacré au mois d'avril 164-6. Il

;
remplit avec le plus grand zèle les devoirs
les plus pénibles de l'épiscopat il établit un
séminaire dans son propre palais de Saint-

teau d'Alan. En 1671 ,


Gaudens, et rebâtit presque en entier le châ-
ce grand évêque,
après avoir refusé l'archevêché de Narbonne,
fut transféré à Tournai. Peu de temps après,
il quitta ce siège pour se retirer a Paris, ou
il mourut en 1689, laissant la réputation
d'un prélat plein de science et de piété.
62. — 1671. Louis de Rechigne-Voisin de
Guron, docteur de Sorbonne, occupa le siège
deComminges pendant vingt-trois ans. Il
murut à Alan le 19 mai 1693, et fut enterré
dans sa cathédrale, à gauche du grand au-
tel. Il avait près de quatre-vingts ans.
63. — 1693. Jean-François de Brizay
de Denonville, vicaire général de Chartres,
s'attacha constamment à fournir les parois-
ses de pasteurs dignes et zélés. Il confia le
séminaire de Saint-Gaudens aux Pères Jésui-
tes, lui assigna le riche prieuré de Bérat et
lui donna tous ses biens. Il mourut, après
une maladie de trois ans, le 12 avril 1710,
et fut enseveli dans sa cathédrale. Son cœur
fut porté à la chapelle du séminaire.
64. — 1710. Gabriel Olivier de Lubière du
Bouchet, fut constamment, pendant les trente
années de son épiscopat, le modèle des prê-
tres et le père des pauvres auxquels il dis-
tribuait les secours les plus abondants. Il
mourut à Alan le 9 septembre 1740, et fut
inhumé à l'hospice de Notre-Dame de Lorette
qu'il avait fondé près d'Alan. Peu de temps
avant sa mort, il s'était démis de ses fonc-
tions en faveur du suivant.
65. — 1740. Antoine de Lastio, après avoir
administré son diocèse pendant vingt-trois
ans, avec un zèle vraiment digne d'admira-
tion, fut appelé en 1763 au siège de Cbâlons.
sur-Marne, et mourut à Paris au mois de
décembre de la même année, deux jours après
sa préconisation à Rome.
66. — 1763. Charles-Antoine-Gabrield'Os-
mond de Médavy, vicaire général d'Auxerre,
comte de Lyon, fut l'ami en même temps que
-
le supérieur de son clergé. Ce fut un prélat
plein d'esprit, de science et de piété. En 1785,
il se démit de ses fonctions en faveur deson
neveu.
67. — 1785. Antoine-Eustached'Osmond,
né le 6 février 1754 à Saint-Domingue, prit
possession du diocèse de Comminges le 15 oc-
tobre 1785, et fixa sa résidence au sémi-
naire de Saint-Gaudens. Il se démit de ses
fonctions entre les mains du pape en 1801,
et fut promu à l'évêché de Nancy en 1802.
Il mourut en cette ville au mois de septem-
bre 1824.
CHAPITRE IX

De l'Eglise cathédrale. — Quel en a été le fondateur.



Epoque où a
elle été terminée. — Description de
ce monument. — Du cloître.

D'après la relation de Vital, Bertrand s'oc-


cupa, dès les premiers temps de son épisco-
pat, à reconstruire sa cathédrale, qui avait
été incendiée par les Bourguignons, avec la
ville tout entière, en 585.
Bertrand de Goth, qui avait été plusieurs
fois témoin de l'affluence des pèlerins au tom-
beau de saint Bertrand, songea, dès avant soii
élévation au trône pontifical, d'élever, en
l'honneur de son prédécesseur, une église
digne de son nom et de sa mémoire. Il jeta
les fondements de ce nouvel édifice en 1304,
l'année même qui précéda son élection et ;
lorsqu'il vint, en 1309, faire la translation de
ses reliques, il dut, sans doute, trouver les
travaux déjà bien avancés. De la première
basilique fondée par notre saint, il ne reste
aujourd'hui que la porte, les deux grandes
piles qui supportent la tour, et le mur percé
de petites fenêtres jusqu'aux chapelles Notre-
et
Dame Sainte-Marguerite.
Ce bâtiment fut terminé par Hugues de
Castelhone, évêque de Comminges. Pierre demau- :
Foix construisit, un siècle plus lard, le
solée de saint Bertrand. Enfin, Jean de Mau-
léon, dont Pascal fait l'éloge dans ses Lettres,
changea complétement l'aspect intérieur i
l'église, comme nous l'avons dit ci-desffls.
Il n'est donc pas étonnant que cette église
présente plusieurs caractères, plusieurs sty-
les, depuis le style roman simple et majes- :
tueux, jusqu'à l'art national de la période
ogivale qui finit au seizième siècle.
La cathédrale de Saint-Bertrand s'élève
hardiment sur le point culminant de la col-
line où fut bâtie l'antique Lugdunum. Elle
<

n'est pas extrêmement spacieuse ni large,


mais elle est très longue et très élevée. Elle
est surtout remarquable par la hardiesse de
sa voûte qui se trouve soutenue sans piliers
au dedans. Il yen a seize au dehors qui sont
d'une grandeur énorme et plus élevés «jue le
couvert. Cet édifice est tout de marbre blaIc:
il est taillé, uni et cimenté avec tant d'art et
d'adresse, qu'à le considérer attentivement,
il est rare de trouver une église où il paraisse
plus de génie dans le plan et plus de trava
dans l'exécution. Le prix de ses murailles -

;
vient de leur antiquité, et leur antiquité fait
en quelque sorte toute leur solidité car,
tandis que les autres ouvrages, qui ont été -1
1
construits dans les siècles précédents, dépé-
rissent chaque jour en vieillissant, celui-ci,
au contraire, semble acquérir de jour en jour
plus de fermeté, de force et de consistance.
La façade de la cathédrale présente une
surface plane, coupée au milieu par une tour
carrée: au pied de cette tour se trouve la
porte principale, dominant lesol de quatorze
marches. Cette porte, divisée en deux baies,
est ornée de colonnes et de figures, dont
quelques-unes ont été mutilées pendant les
jours désastreux de la Révolution. Elle re-
monte au onzième siècle. Sur son tympan, on
voit, à côté des douze apôtres, représentés
en relief, une adoration des mages surmon-
tée d'un groupe d'anges qui encensent l'en-
fant Jésus et son auguste Mère. A côté de
de celle-ci, on remarque un évêque bénis-
sant. Sur le mur, à droite, on voit encore
deux pierres tumulaires avec des inscriptions
dont les dates sont antérieures au christia-
nisme.
,
-
Dans l'intérieur de l'édifice, la partie infé-
rieure est du plein-cintre, tandis que les
fenêtres et la partie supérieure sont du style
ogival.Les quinze grandes fenêtres, qui éclai-

en couleur;
rent l'église, ont du avoir toutes des vitraux
une seule a conservé le sien
complet, c'est celle du chevet, au-dessus-de
la chapelle du Sacré-Cœur. Il représente la
Nativité de Notre-Seigneur. Les deux autres,
placées à droite et à gauche de celles-ci, n'of-
frent presque plus que des débris. Ces pein-
tures ont conservé toute leur fraîcheur, les
desseins en sont magnifiques et fondus avec
le verre.
On admire encore dans cette église les
boiseries remarquables du chœur et surtout
le buffet de l'orgue, qui sont un vrai monu-
ment de la libéralité de Jean de Mauléon. Il
serait, je crois, bien difficile de trouver en
ce genre un ouvrage plus délicat et plus fini.
Les boiseries furent sculptées sous le règne
de François 1er, qui favorisa les sciences et
les arts par tous les moyens possibles.
On conserve encore dans cette église une
belle croix de cristal, un bâton d'ivoire percé
d'un bout à l'autre qui, d'après quelques
savants, est une corne de licorne; suivant
d'autres, une défense de narvar. En outre,
l'anneau pastoral de saint Bertrand, sur-
monté d'une pierre précieuse, ses pantoufles,
deux chapes données par Clément V, et plu-
sieurs autres ornements antiques que les
richesses rendent vénérables aux visiteurs.
On remarque encore avec un sentiment
de vraie satisfaction le magnifique autel ou
tombeau de saint Bertrand qui s'élève au
fond du chœur. Il est tout entier en pierre

niches dans la partie supérieure ,


de taille. Dans ce tombeau, il y a trois

-plus grande renferme la grande châsse


dont la

d'ébène et d'argent, et qui ne sort qu'aux


époques du Jubilé. Cette niche est accom-
pagnée de deux autres bien plus petites, où
sont déposées les châsses renfermant les re-

;
liques des divers saints. Ces niches sont fer-
mées par des grilles fort simples mais on
y voit des gonds qui, probablement, étaient
destinés à en recevoir d'autres bien plus ri-
ches et bien plus belles. Sur la partie infé-
rieure, il y a aussi trois niches égales à plein-
cintre avec portes et verroux. Les autres
faces du mausolée sont couvertes de peintu-
res et de tableaux qui reproduisent, d'une
manière assez curieuse et ilssez originale, les
différentes actions de la vie denotre saint.
Dans l'intérieur de cette église, on remar-
que encore beaucoup d'épitaphes consacrées
à la mémoire deplusieurs évêques et autres
éminents personnages du diocèse de Com-
minges qui s'étaient distingués par leurs
vertus, leur science ou leur intrépidité.
Mais le monument le plus remarquable de
tous, est, sans contredit, le tombeau de Hu-
gues de Castellione, mort en 1352. Ce magni-
fique sarcophage, placé dans la chapelle de
Notre-Dame de Pitié que ce pontife avaitfait
bâtir à ses frais, est, d'après le jugement de
célèbres artistes, un des plus beaux monu-
ments, non-seulement de cette église, mais
encore de son siècle.
Près de l'autel dela paroisse, on voit en-
core suspendu, au mur de droite, un énorme
crocodile dont la gueule béante laisse entre-
voir ses dents aiguës. Plusieurs fois, s'il esta
permis d'ajouter foi à une pieuse tradition,
on avait essayé de détruire ce monstre fé-
roce, qui se tenait caché au milieu d'une
épaisse forêt voisine, et qui semblait trouver
ses délices à se nourrir de chair humaine.
Mais le crocodile, couvert d'écaillés impéné-
trables, se riait de leurs constants efforts.
Saint Bertrand, attendri au spectacle des
pertes et des larmes de son peuple, forme
le généreux projet de le délivrer de ce fléau-
au risque d'en être dévoré lui-même. Il -
s'avance donc un jour, à la tête de son peu-
ple, vers le monstre affamé qui menaça aus-
sitôt de s'élancer sur lui. On dit que, dans
ce moment, le vénéré pontife, armé de la
puissance du ciel, le frappa d'un faible coup,
et le dragon tomba et expira à ses pieds.
Suivant les Bollandistes et autres grauafeH
auteurs, ce crocodile aurait été apporté, du_«
!
*
temps des croisades, des déserts de la Pales-
tine par quelque chevalier commingeois.
A droite de la porte principale, on voit
encore une petite porte, pleine de grâce et
chargée d'ornements, qui conduit au cloître.
Dans cette partie réservée, on rencontre une
foule de tombes et d'inscriptions qui rappel-
lent la mémoire de certains prêtres qui
avaient été employés dans cette église. Dans
ce cloître il y a même un caveau rempli
ossements toujours fermé, lequel servait à
ia sépulture des membres du chapitre. Quant
aux comtes de Comminges, ils avaient soin
de faire transporter leurs dépouilles mortel-
les dans l'église de Bonnefond. Parmi tant
de tombes, il estsurprenant de n'y voir
qu'un seul tombeau de chevalier, et encore
Pécusson, gravé sur sa cotte d'armes, an-
nonce qu'il n'appartenait pas à la famille des
comtes.
Le cloître était autrefois recouvert, et l'on
y voyait trois salles magnifiques ornées de
sculptures tout à fait remarquables. Aujour-
d'hui tout git dans un état déplorable de ruine
ai de dégradation. Le peu de ressources de
l'égliseet la crainte mal fondée de ne pouvoir
entretenir cette partie du bâtiment furent,
sans doute, cause d'un tel acte de destruction.
Tout semble conspirer pour rappeler aux
Commingeois et aux pieux pèlerins la tris.
destinée des choses de ce monde, et multi-
plier devant eux les sombres images de la
destruction et de la mort. Seule, au
de tant de débris qui l'entourent de toutes
mi
parts, la demeure du saint demeure fèrme
et inébranlable, et semble défier le temps,
ce mortel ennemi des monuments des hom-
mes.

CHAPITRE X
Etat du diocèse de Comminges lors de la suppression
de son siège épiscopal.

A l'époque où le siège de Comminges dis-


parut dans la tourmente révolutionnaire, ce
diocèse brillait d'abord par son chapitreet
ensuite par une foule détablissements reli-
gieux dus en partie à la libéralité de ses évê-
ques, ou à la piété des simples fidèles.
Ce diocèse, qui renfermait près de 480,(MIL-

: :,
âmes, se divisait en dernier lieu en vina~&_.
deux archiprètrés savoir Saint-Bertrand,
Saint-Gaudens, Montréjeau Troubat (Ba-
rousse), Alan, Saint-Frajou, Boulogne, Saint-
Plancard, Montoussé (Neste), Azet, Gênos,
Cazaux, Saint-Paul (Oueil), Sales (Luchon),
Marignac (Layrisse), Arlos, Fronsac , Izaut
(d'Aspet), Salies, Lez et Gessa (dans la vallée
d'Aran).
Le chapitre de la cathédrale se composait
de la manière suivante :
L'évèque, cinq archidiacres, quatre offices,
un précenteur, un grand ouvrier, un sacris-
tain, un théologal, treize chanoines, quatre
hebdomadiers, vingt-huit prébandiers, un
maître de cérémonies, six enfants de chœur,
un maître de musique avec un nombre suf-
fisant de musiciens.
Le chapitre en corps, composé de plus de
soixante bénéficiers, partageait avec l'évê-
la suzeraineté du comté. L'évêque était

,
que
encore seigneur d'Alan, de Montoulieu, de
Cazeneuve de Saint-Frajou,. de Saint-Pé-
d'Ardet. Il portait aussi le titre de comte
(le Comminges, titre qui avait été attaché à
ce siège par le roi Clovis.
Nos évêques possédaient encore à Alan
une magnifique villa, dont il subsiste encore
de beaux restes. Quoiqu'on ignore l'époque
précise de sa fondation, il est indubitable
qu'elle existait avant Clément Y. Son église
n'offre rien de remarquable, si ce n'est son
clocher en éventail flanqué de deux tourelles.

:
Le diocèse de Comminges possédait encore
cinq églises collégiales Saint-Gaudens, Ba-
gnères-de-Luchon, Saint-Just, Aspet, Saint-
Frajou.
:
Trois abbayes de l'ordre de Citeaux l'ab-
baye de Bonnefond, fondée en 1136; cette
abbaye fut très célèbre et mère de plusieurs
monastères. L'abbaye de Notre-Dame de Ni-
zors, fondée en 1186, sous les auspices d'Ar-
sius, évêque de Comminges. Enfin l'abbaye
de Fabas, fondée par Guillaume. Garsias, et
richement dotée par Bernard, comte de Com-
minges, en 1204. La pieuse bergère de Garai-
son y mourut en odeur de sainteté.
Il y avait dans ce diocèse neuf couvents,
dont deux de Cordeliers de Saint-Antoine,
un à Valcabrère, et l'autre à Polignace; deux
;
de Dominicains, un à Saint-Gaudens et l'au-

;
tre à l'Isle-en-Dodon deux des Pères de la
Merci, un à Aurignac et l'autre à Salies un

res à Saint-Gaudens ;
desAugustins àMontréjeau; un des Trinitai-
un des religieuses de

;
Notre-Dame à Saint-Gaudens, fondé par,
Hugues de Labatut, en 1642 un magnifique

; :
séminaire à Saint-Gaudens, fondé par Mon-
seigneur de Brizay enfin trois hôpitaux un
à Saint-Bertrand, un autre à Saint-Gaudens
et un troisième à Alan.
Une commanderie de Malte à Montsau-
nés, où il existe encore une église très remar-
quable.
Il y avait aussi plusieurs prieurés de divers
ordres, situés à Saint-Béat, Sarrancolin, Ya-
lentine, Aulon, Peyrissac, Saint-Martory,
Arbas, Saint-Laurent, etc., etc. Ce dernier
avait ceci de particulier, que son abbesse
était supérieure générale de tout l'ordre. Le
diocèse de Comminges compte encore une
foule de lieux de dévotion et de pèlerinage,
lesquels sont presque tous dédiés à la Mère
de Dieu ou à des saints qui sont nés parmi
nous. Notre-Dame de Polignan, le Bout-du-

Bernard,
Puy, Sainte-Marie, Sainte-Radegonde, Saint-
près d'Aurignac, Saint-Aventin,
Saiut-Ewipère Il en est plusieurs qui
rappellent des souvenirs touchants, dont la
mémoire s'efface chaque jour avec le temps
qui découle et s'enfuit.

CHAPITRE XI

De eeui. qui ont possédé le comté de Comminges.

Bendant dix-huit siècles, le comté de Com-


couronne impériale, et accorda aux habi-
tants de Comminges les mêmes privilèges
qu'il avait accordés à ceux d'Auch, métro-
pole de la Novempopulanie. Les empereurs
païens gouvernèrent les Gaules jusqu'à Théo-
dose. Après fea mort, les Goths et Les Visi-
goths, peuplades sorties des forêts du Nord,
voyant qu'Arcadius et Honorius, ses enfants
et ses successeurs, méprisaient l'alliance que
leur père avait faite avec eux, nommèrent
Alaric pour leur roi et envahirent les Gau-
les. Honorius, craignant de perdre le beau
royaume d'Italie, aima mieux leur aban-
donner l'Espagne et les Gaules, déjà quasi
ruinées par les courses des Vandales. Atul-
phe, successeur d'Alaric et premier roi des

;
Visigoths, choisit Toulouse pour le siège de
sa capitale mais Clovis, premier roi chré-
tien, chassa peu de temps après ces barbares
du royaume, et conquit leur pays par la
force des armes. A partir de cette époque,
les rois de France demeurèrent seuls maî-
tres de Comminges jusqu'au neuvième siècle,
ce qui n'empêcha pas que, pendant leur

;
règne, cette contrée n'eût beaucoup à souf-
frir des incursions des Sarrasins car, ayant
soumis l'Espagne, ils s'emparèrent aussi-
tôt de tout ce que les Goths possédaient
en deçà des Pyrénées. Ils prirent d'abord
Narbonne avec les autres villes dalentour,
ils échouèrent devant Toulouse, attaquèrent
l'Aquitaine, ravagèrent la Gascogne et le
Béarn, prirent Bordeaux, et firent beaucoup
de martyrs dans les Gaules. Enfin, Charles-
Martel étant venu au secours d'Eudes, leur
chef fut tué dans cette fameuse bataille, qui
se donna près de Poitiers en 730. Les per-
sécutions de ces barbares engagèrent nos

principales sujettes à leurs incursions


gouverneurs pouvaient être renvoyés ou
:
rois à établir des gouverneurs dans les villes
ces

changés à volonté, et, en récompense de


leurs services et de leur fidélité, ils étaient
nommés comtes

Ce fut vers 900 que commencèrent les


comtes de Comminges. Charles III régnait
alors sur la France. Le partage du royaume
avait cessé. L'histoire nous apprend que la
maison de Comminges se fit remarquer, dans
tous les temps, par son courage dans les com-
bats, par ses alliances avec des maisons sou-
veraines, par les cardinaux, lesévêques et les
religieux qu'elle donna à l'Eglise, et par les
établissements de toute espèce dont elle dota
notre pays. Les comtes de Comminges ne
paraissent point avoir jamais résidé dans la
cité de Lugdunum, dont la suzeraineté ap-
partenait exclusivement à l'évêquè et au cha-
pitre.
Le comté de Comminges était d'une si
grande étendue qu'il renfermait plus de 400

,
villes ou villages, divisés enneufchâtellenies
:
Aspet, Boutz, Castillon, Fronsac, SaliesJ
risle-en-Dodon Samatan, Saint-Julien et
Muret. Notre pays conserve encore de nobles
restes de son ancienne splendeur, tels que
tours, châteaux, vieux remparts, témoins
muets mais irrécusables des révolutions qui
ont bouleversé nos contrées, sanspourtant
les enrichir.
Amarius fut le premier comte de Com-
minges et de Couserans. Arnaud Ier, Ro-
ger 1er et Garsias, qui fut le chef de la bran-
che des comtes d'Aure, lui succédèrent.
Roger II, qui vint après, se fit principale-
ment remarquer par sa prudence et sa sa-
gesse. En l'année 1026, une sérieuse contes-
tation s'étant élevée entre Eudes, abbé de
Simorre, et Aymeric, abbé de Lézat, au su-
jet de l'abbaye de Notre-Dame de Peyrissas,
que chacun de ces deux abbés prétendait
appartenir à son monastère, Roger fut choisi
pour arbitre. L'assemblée eut lieu à Fus-
tignac, annexe de Lucan, en présence de
plusieurs seigneurs et de plusieurs prélats.
L'abbé de Lézat prouva que Peyrissas avait
été fondé et donné à son abbaye par le comte
Amarius qui y avait été reçu religieux, et
qui en fut abbé vers 845, et le monastère
fut adjugé à celui de Lézat qui fut maintenu
dans sa possession. Cette abbaye ne sub-
siste plus depuis longtemps. Aujourd'hui il
ne reste plus de ce riche prieuré qu'une
petite partie de son ancienne chapelle.
Raymond Odon, comte de Comminges,
qui avait fait bâtir le château de Benque,
dans le dessein de venger la mort de son
père, que le comté d'Astarac avait assassiné,
fut enterré dans ce couvent en 1075.
Il y eut une assez longue suite héréditaire
de comtes. Elle se prolongea jusqu'à l'infor-
tunée Marguerite, qui épousa en troisièmes
noces Mathieu, comte de Foix, et qui, après
avoir été retenue pendant vingt-trois ans
par son mari dans une sombre prison, et se
voyant sans postérité, donna le comté au
roi de France Charles VII, en 1462. Il paraît
que ces comtes s'étaient, dès l'origine, ren-
dus souverains et indépendants.
Après sa mort, qui arriva peu de temps
après cette donation, Mathieu de Foix, sou-
tenu du comte d'Armagnac, s'empara du
comté de Comminges et des autres terres
que la comtesse possédait: mais il ne les
garda pas longtemps, car le roi, irrité de ce
que le comte d'Armagnac s'était lié avec
lui pour l'aider à se défendre, envoya, dans
son dépit, le dauphin pour leur faire la
guerre. Le comte d'Armagnac fut pris dans-
le château de l'Isle-en-Jourdain et mené pri-
sonnier. Charles voulait le punir sévèrement;
mais, à la prière du comte de Foix et de plu-
sieurs autres amis, il le mit en linerté. Alors.-
Mathieu, se voyant impuissant pour résister,
renonça librement à tout ce qu'il prétendait
de sa femme.
Charles, content de la soumission de Ma-
thieu, lui céda trois chàtellenies pour en jouir
;
durant sa vie il réunit le comté de Com-
minges à la couronne, et dès ce moment
Comminges n'eut plus de comtes.
Depuis cette époque, il y a eu en France

le nom de Comminges ;
plusieurs familles quiont porté avec orgueil
mais ces familles me
permettront de leur dire ici, en passant,
qu'elles n'ont jamais pu, et qu'elles ne pour-
ront jamais, pour prouver leur descendance,
offrir d'autres titres que leur nom.
ANTIENNE
Que le chapitre chantait, tous les jours, après mati
nés, devant J'autel de Saint-Bertrand, et que l'on
chante à présent après la messe de paroisse et après
vêpres.
Sanctus Bertcandus Clemens dulcisque benignus,
Prudens et Justus, fortis, mitisque modestuS;
SoLvat vincla reis, et reddat lumina csecis ;
Infirmos sanet, cunctisque petita ministret.
Prudens et justus, fortis mitisque modestus (bis).
Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto.
Prudens et justus, fortis mitisque modestus (bis).
t. Ora pro nobis sancte Bertrande,
r. Ut digni efficiamus promissionibus
Christi.
OREMUS.
Deus qui solus es bonus, et sine quo nullus
est bonus, vel sanctus, meritis et interces-
sione sancti Bertrandi, confessoris tui atque
ponlificis,-jube nos talesfieri qui non dc-
beamus tuâ bonitate privari : per Christura
Dominum nostrum. Amen.
Traduction libre de cette antienne.
0 vous qui êtes plein de clémence, de dou-
ceur, de bonté, de prudence, de justice, de
force, d'aménité, de modestie, glorieux saint
Bertrand, rompez les liens qui nous attachent
au péché, dissipez les ténèbres de notre

res:
;
esprit, guérissez nos âmes du mal qui les
ronge et les séduit enfin, exaucez nos priè-
faites aussi que nous soyons, à votre
exemple, cléments, doux, charitables, pru-
dents, justes, modestes, humbles et forts, et
que, par vous, gloire soit rendue au Père, au
, Fils et au Saint-Esprit.
f. Priez pour nous, ô saint Bertrand,
Rj. Afin que nous méritions d'avoir part
aux promesses de Jésus-Christ.
ORAISON.
0 Dieu qui êtes seul bon, et sans lequel
nul ne peut être bon ni saint, nous vous
prions, par les mérites du bienheureux Ber-
trand, votre saint confesseur et pontife, de
nous rendre dignes de ressentir toujours les
effets de votre bonté infinie, au nom de
Jésus-Christ Noire-Seigneur. Ainsi soit-il.
3 ilIAl

FETE DE INVENTION DE LA SAINTE CROIX.

Double de classe.

A LA MESSE. — INTROIT.
,
Nos autem gloriari oportet in Crucc Do-
mini nostri Jesu Christi, in quo est salus,
vita et resurreclio nostra, per quem salvati

;
et liberati sumus. Alleluia, alleluia. Ps. Deus
misereatur nostri, et benedicat nobis illu-
minet vultum suum super nos, et misereatur
nostri. f. Gloria Patri. Nos autem.
Coll. Deus, qui in præclara salutiferæ Cru-
cis Inventione Passionis tuæ miracula sus-
citasti : concede ut vitalis ligni pretio, æter-
nse vitae suffragia consequamur : Qui vivis.
Lectio Epistolce beati Pauli Apostoli ad
Philip. — Cap. 2.
Fratres : hoc enim sentite in vobis, quod
et in Christo Jesu, qui, cum in forma Dei
esset, non rapinam arbitratus est esse se
æqualem Deo : sed semetipsum exinavit,
formam servi accipiens, in similitudinem
hominum factus et habitu inventus ut homo.
Humiliavit semetipsum, factus obediens us-
que ad mortem, mortem autem Crucis: Prop-

illi nomen, quod est super omne nomen :


ter quod et Deus exaltavit ilium, et donavit

in nomine Jesu omne genu flectatur coeles-


ut
tium, terrestrium et infernorum; et omnis
lingua confiteatur, quia Dominus Jésus Chris-
tus in gloria est Dei Patris.
Alleluia, alleluia. y. Dicite in gentibus
quia Dominus regnavit a ligno. Alleluia.
f. Dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens
pondera : quæ sola fuisti digna sustinere
Regem coelorum, et Dominum. Alleluia.
SequentiasanctiEvangeliisecundumJoann.—

:
In illo tempore
Cap. 3.
Erat homo ex pharisaeis,

:
Nicodemus nomine, princeps Judaeorum. Hie
venit ad Jesum nocte, et dixitei Rabbi,
scimus quia a Deo venisti magister: nemo
enim potest hæc signa facere quæ tu facis,

:
nisi fuerit Deus cum eo. Respondit Jesus, et
dixitei Amen, amen dico tibi, nisi quis re-

Dei. Dicit ad eum Nicodemus :


natus fuerit denuo, non potest videre regnum
Quomodo
potest homo nasci, cum sit senex? Numquid
potest in ventrem matris suæ iterato introire,
et renasci? Respondit Jesus Amen, amen
dico tibi, nisi quis renatus fuerit ex aqua et
Spiritu Sancto, non potest introire in re-
gnum Dei. Quod natum est ex carne, caro
est : et quod natum est ex Spiritu, spiritus
est. Non mireris quia dixi tibi : Oportet vos

: ;
nasci denuo. Spiritus ubi vult spirat, et vo-
cem ejus audis sed nescis unde veniat, aut
quo vadat sic est omnis qui natus est ex
Spiritu. Respondit Nicodemus, et dixit ei :

:
Quomudo possunthsec fieri Respondit Jesus,
et dixitei Tu es magister in Israel, et hsec
ignoras? Amen, amen dico tibi, quia quod
scimus loquimur, et quod vidimus testamur,
et testimonium nostrum non accipitis. Si
terrena dixi vobis, et non creditis, quomodo
si dixero vobis coelestia, credetis ? Et nemo
ascendit in coelum, nisi qui desceodit de
coelo, Filius hominis, qui est in coelo. Et
sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto
ita exaltari oportet Filium hominis : ut om-
nis qui credit in ipsum, non pereat, sed ha-
beat vitam aeternam.
Offert. Dextera Domini fecit virtutem,
dextera Domini exaltavit me non moriar,
sed vivam, et narrabo opera Domini. Alle-
luia.
Seer. Sacrificium, Domine, quod tibi im-
molamus, placatus intende, ut ab omni nos
eruat bellorum nequitia, et per vexillum
sanctse Crucis Filii tui, ad conterendas po-
testatis adversae insidias, nos in tuae protec-
tionis securitate constituant : Per Dominum.

PREFACE.

Vere dignum et justum est, sequum et sa-


lutare, nos tibi semper etubique gratias agere,
Domine sancte Pater monipotens, aeterne
Deus, qui salutem humani generis in ligno j
Crucis constituisti : ut unde mors oriebatur,
inde vita resurgeret, et qui in ligno vincebat,
in ligno quoque vinceretur, per Christum Do- M

j
minum nostrum. Per quem Majestatem tuam'"
laudant Angeli, adorant Dominationes, tre-
muntPotestates; Coeli, Coelorumque Virtutes,

dicentes
ac beata Seraphim, socia exsultatione conce-
lebrant; cum quibus et nostras voces ut ad-
mitti jubeas deprecamur, supplici confessione ,
Comm. Per signum Crucis, de inimicis
nostris libera nos, Deus noster. Alleluia.
Postcomm. Repleti alimonia coelesti, et
spiritali poculo recreati, quaesumus, omni-
potens Deus, ut ab hoste maligno défendas j
quos per lignum sanctae Crucis Filii tui, j
arma justitiae pro salute mundi, triumphare 1
jussisti : Per.
1
A VÈPRES.

Ant. 0 magnum pietatis opus 1 Mors mor-


tua tunc est in ligno, quando mortua vita
fuit. Alleluia.
psaume 109.
Dixit Dominus Domino meo :•
* Sede a dex-
tris meis.
Donec ponam inimicos tuos * scabellum
pedum tuorum.
Virgam virtutis tuæ emittet Dominus ex
Sicn : * dominare in medio inimicorum tuo-
rum.
Tecum principium in die virtutis tuæ in
splendoribus Sanctorum : * ex utero ante
luciferum genui te.
Jaravit Dominus, et non poenitebit eum * :

111 es Sacerdos in æternum secundum or-


jinem Melchisedech.
Dominus a dextris tuis, * confregit in die
irye suæ reges.
Judicabit in nationibus, implebit ruinas * :
conquassabitcapita in terra multorum.
De torrente in via bibet: * propterea exal-
tabit capuL
Gloria Patri et Sicut erat.
0 magnum, etc.
Ant. Salva nos, Christesalvator, per vir-
tutemCrucis. Quisalvasti Petrum inni
miserere nobis. Alleluia.

PSAUME 110.
Confitebor tibi, Domine, in toto cord
J 1

meo, * in concilio justorum et congregatione


Magna opera Domini, * exquisita in omnc
voluntates ejus.
Confessio. et magnificentia opus ejus, * (
justitia ejus manet in seculum seculi.

:
Memoriam fecit mirabilium suorum mise
ricors et miserator Dominus * escam ded
timentibus se.
Memor erit in seculum testamenti sui:
virtutem operum suorum annuntiabit popul
suo:
Ut det illis haereditatem gentium : * oper
manuum ejus veritas et judicium.
Fidelia omnia mandata ejus, confirmat
in seculum seculi, * facta in veritate et sequ
tate.
Redemptionem misit populo suo; * mar

:
davit in æternum testamentum suum.
Sanctum et terribile nomen ejus * ini
tium sapientiee timor Domini.
Intellectus bonus omnibus facientibu
eum : * laudatio ejus manet in seculum se
culi.
Salva nos, etc.
:
Ant. Ecce Crucem Domini: fugite1 partes
adversse vicit leo de tribu Juda, radix Da-
vid. Alleluia.

PSALME III.
Beatus vir qui timet Dominum, * in man-
datis ejus volet nimis.
:
Potens in terra erit semen ejus * gene-
ratio rectorum benedicetur.
:
Gloria et divitiae in domo ejus * et justitia
ejus manet in seculum seculi.
Exortum est in tenebris lumen rectis *
misericors, et miserator, et justus.
:
:Jucundus homo, qui miseretur et commo-
dat disponetsermones suosinjudieio :*quia
in seternum non commovebitur.
:
in memoria eeterna erit justus * ab audi-
tione mala non timebit.
Paratum cor ejus sperare in Domino, con-
firmatum est cor ejus : * non commovebitur,
donee despiciat inimicos suos.
Dispersit, dedit pauperibus; justitia ejus
manet in seculum seculi : * cornu ejus exal-
tabitur in gloria.

:
Peccator videbit, et irascetur, dentibus
suis fremet, et tabescet * desiderium pec-
calarum peribit.
Eccecrucem, etc.
Ant. Nos autem gloriari oportet in Cruce
Domini nostri Jesu Christi. Alleluia.

PSAUME 1-125.

Laudate, pueri, Dominum: * laudate no-


men Domini.
Sit nomen Domini benedictum, * ex hoc
nunc, et usque in seculum.
- A solis ortu usque ad occasum, * laudabile
nomen Domini.
Excelsus super omnes gentes Domiiius, *
et super coelos gloria ejus.
Quis sicut Dominus Deus noster, qui in
altis habitat, * et humilia respicit in coelo et
in terra ?
Suscitans a terra inopem, * et de stercore
erigens pauperem ;
Ut- collecet eum cum principibus, * cum
principibus populi sui.
Qui habitare facit sterilem in domo, * ma-
trem filiorum Isetanlem.
Nos autem, etc.
Ant. Per signum Crucis de inimicis nos-
tris libera nos, Deus noster. Alleluia.

116.
PSAUME

Laudate Dominum, omnes gentes


date eum, omnes populi;
: * lau-
Quoniam connrmata est super nos mise-
ricordia ejus, * et veritas Domini manet in
eeternum.
Per signum, etc.
Capit. Fratres, hoc enim sentite in vobis,
quod et in Christo Jesu, qui, cum in forma
Dei esset, non rapinam arbitratus est esse se
sequalem Deo; sed semetipsum exinanivit,
formam servi accipiens, in similitudinem ho-
minum factus, et babitu inventus ut homo.

HTMNE.

Vexilla Regis prodeunt:


Fulget Crucis mysLetium,
Qua vita mortem pertulit,
Et morte vitam protulit
Quæ vulnerata lanccoe
Mucrone diro, criminum
Ut nos lavaret sordibus,
Manavit unda et sanguine
Impletasunt quae concinit
David fideli carmine,
Dicendo nationibus :
Regnavit a ligno Deus.
Arbor decora et fulgida,
Ornata Regis purpura,
Electa digno stipite,
Tam sanctamembra tangere.
Beata cujus brachiis
Pretium pependit seculi,
Staterafactacorporis,
Tulitque preedam tartari.
0 Crux, ave, spes unica ;

Paschale quæfers gaudium,


Piis adauge gratiam,
Reisque dele crimina.
Te, fons salutis, Trinitas,
Collaudet omnis spiritus,
Quibus Crucis victoriam
Largiris, adde prsemium. Amen.
f. Hoc signum Crucis erit in coelo, Alle-
luia. r!. Cum Domimusad judicandumvene-
rit. Alleluia.
A Magnificat.
Ant. Crucem sanctam subiit qui infernuh^
confregit : accintus est potentia, surrexit
dietertin.Alleluia.

CANTIQUE DE LA SAINTR YlERGE.

Magnificat * auima mea Dominum ;


Et exsultavit spiritus meus * in Deo salu-
tarimeo
Quia
:respexit
humilitatem ancillae suae : -.L
ecce enim ex hoc beatam me dicent omhes-
enerationes.
Quia fecit mihi magna qui potens est, * et
sanctum nomen ejus.
Et misericordia ejus a progenie in proge-
nies * timentibus eum.
:
Fecit potentiam in brachio suo * disper-
sit superbos mente cordis sui.
Deposuit potentss de sede, * et exaltavit
humiles.
Esurientes implevit bonis, * et divites di-
misit inanes.
Suscepit Israel puerum suum, * recorda-
tus misericordiae suae.
Sicutlocutus est ad patres nostros, * Abra-
ham, et semini ejus in secula.

OREMLS.

Deus qui in proclava salutiferse crucis cru-


cis inventione, passionis tuac miracula susci-
tasti : concede ut vitalis ligui pretio, æternæ
vitae suffragia consequamur : Qui vivis.
Benedicamus domino,
Deo gratias.

ANTIENNE.

Regina coeli lætare, Alleluia,


Quia quem meruisti portare, Alleluia,
Resurrexit sicut dixit, Alleluia.
Orapro nobis Deum, Alleluia.
y. Gaude et lætare, Virgo Maria, Alleluia,
l. Quia surrexitDominus vere; Alleluia.
OREMCS. -

Deus, qui per Resurrectionem Filii tui Do-


mini
-
nostri Jesu Christi mundum lsetificare
dignatus es : præsta, qutesumus, ut per -

ejus Genitricem Yirginern Mariam perpetuae


capiamus gaudia vitse : Per eumdem Chris-
tum Dominum nostrum.

FIN
TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CET OUVHAIRK

PREFACE.
, , , ,
DÉDlCACE.
5
7

CHAPITRE PREMIER
Origine de Lyon-de-Comminges, sonnom, son
agrandissement, son siége et sa destruction. 9

CHAPITRE II
Divinités locales. — Monuments religieux trou-
vés à Lugdunum. — Saint Salurnin, apSlre
de Comminges. — Saint Exupère et Vigi-

.,.,
lance. — Invasion des Vandalcs, des Goths
et des Visigoths — Martyre de saint Gau-

de saintA ventin. ,
dens. — invasion des Sarrasins.
— Martyre
22

CHAPITRE 111

Naissance de saint Bertrand.— Son éducation,


ses 6tudes. — 11 suit la cariiere des armes;
les quitte pour le service des autels, -II
devient chanoine et archidiacre de Toulouse. 28

CHAPITRE IV
Saint Bertrand 61u évêque de Comminges. Re-

6glise -Sa mort.


lève sa cathédrale.
— Construit une nouvdle
39
Miraclesdesaint
CHAPITRE V
Bertrand
CHAPITRE VI
* 56

mentV
accorde jubílé.
De la canonisation de saint Bertrand.

Cle-
visite son ancienne cnthédrale. et
un"

CHAPITRE VII
63

Translation d'une relique de saint Bertrand a


('Isle-JourJain. — Révolution Suppres-
siondasi£geepiscopal — --
69

tre.
CHAPITRE Vlll
Notice historique sur les évèques de Comminges 73
CHAPITRE IX
Del'éßlisecathédrale.
-
dateur. Ipoque
-Quel en a-été Ie fon-
où elleaété terming.—
Description de ce monument. — Du cloî-

87
CHAPITRE X -

État du diocèse de Comminges lors de


pression dusiége épiscopal. la sup-
94
CHAPITRE XI -

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