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La pierre brute, le maillet et le ciseau

Que symbolisent la pierre brute, le maillet et le ciseau en franc-


maçonnerie ? Pourquoi faut-il dégrossir la pierre brute ? Voici une planche
maçonnique au premier degré.

Après l’initiation, le premier travail de l’Apprenti consiste à frapper trois coups


symboliques avec le maillet et le ciseau sur la pierre brute.

Ainsi, le travail de l’Apprenti consiste à dégrossir la pierre brute, à lui donner


une forme géométrique (elle est destinée à devenir un cube), c’est-à-dire
un sens et une utilité, ce qui lui permettra de s’insérer dans l’édifice, autrement
dit le cosmos.

Dans l’instruction au Premier degré, on peut lire :

A quoi travaillent les Apprentis ?


A dégrossir la Pierre brute afin de la dépouiller de ses aspérités et à la
rapprocher d’une forme en rapport avec sa destination.
Quelle est donc cette Pierre brute ?
C’est le Profane, produit grossier de la nature, que l’Art de la Franc-
Maçonnerie doit polir et transformer.

La pierre brute serait donc l’image de l’individu non-initié, non encore


transformé. C’est l’idée que cet individu porte en lui la perfection, mais sous
une forme pour l’instant inconnue et invisible : il lui faudra retirer une certaine
quantité de matière pour trouver ce qu’il y a de « vrai » au fond de lui.

Reste à savoir de quoi est réellement faite la pierre brute, et quelle est la nature
de cette « matière en trop » qui cache la perfection.
Avant de tenter de répondre à ces questions, notons que le symbolisme de la
pierre brute, du maillet et du ciseau emprunte à deux traditions :

 celle des bâtisseurs de cathédrales,


 mais aussi la tradition hermétique : en effet, le but de l’alchimie
spirituelle est la transformation de l’être, ou Grand Oeuvre. L’Oeuvre au
noir consiste en particulier à opérer une séparation au coeur de la
matière : le Corps est transformé en cendres afin que l’Esprit puisse
s’élever, ce qui renvoie directement au symbolisme de la taille de la
pierre.

Entrons dans le symbolisme de la pierre brute, du maillet et du ciseau.

La pierre brute, le maillet et le ciseau : interprétation de ces


outils et symboles.
Avant d’aborder le symbolisme du maillet et du ciseau, il convient de bien
comprendre ce qu’est la pierre brute et ce qu’elle est destinée à devenir.

La pierre brute en franc-maçonnerie.

La pierre brute est l’état de l’individu avant qu’il ait commencé le travail sur lui-
même. Le profane est assimilé à la pierre « grossière » ou « vulgaire » car :

 il ne se connaît pas lui-même : il ignore que la plupart de ses pensées


sont subies, conditionnées par une infinité de facteurs inconnus et non
maîtrisés, parmi lesquels les prédispositions génétiques, l’éducation reçue,
l’héritage culturel, social et familial, les habitudes, les fréquentations, le
vécu, etc.
 il vit dans l’illusion : il se croit un être séparé et autonome ; il pense
avoir raison, il croit détenir la vérité et la connaissance contre les autres.

Au final, l’être grossier (« brut ») est inconscient et orgueilleux. Il ignore ce qui


le détermine. Il est esclave de ces certitudes et de ses préjugés. Il se met au-
dessus ou à l’écart des autres : sa personnalité ne peut s’insérer dans l’édifice
humain.
Par conséquent, si la pierre brute est passive et inconsciente, la pierre
taillée est au contraire active et consciente. Sa forme régulière constitue son
sens et son utilité. Ainsi le franc-maçon peut trouver sa place dans le monde
ainsi que le sens de sa vie.

Tailler sa pierre, c’est opérer un recentrage par rapport aux lois de l’univers.
C’est faire preuve de lucidité et d’humilité en reconnaissant la part de vérité
chez l’autre autant qu’en soi-même. C’est tenter de comprendre au lieu de
rejeter et de juger. C’est abandonner tout ce qui peut faire obstacle à l’évidence :
l’orgueil, les préjugés, les certitudes.

Le passage de la pierre brute à la pierre taillée symbolise donc l’individu qui est
passé de l’état profane (être obscur dans un monde ténébreux selon Goethe) à
celui d’initié, c’est-à-dire d’être conscient de ce qu’il est, et donc de sa véritable
place dans le monde.

La pierre brute et VITRIOL.

Tailler la pierre brute, c’est faire l’effort de mieux se connaître. Cela renvoie
directement à la formule VITRIOL : Visita Interiora Terrae Rectificando
Invenies Occultum Lapidem, autrement dit : “Visite l’intérieur de la terre et en
rectifiant tu trouveras la pierre cachée”.

La « pierre cachée » est la pierre cubique qui se trouve prise, invisible, dans la
pierre brute. C’est celle qui s’insérera parfaitement dans l’édifice cosmique, une
fois que le franc-maçon aura trouvé le chemin de la vérité.

En alchimie, cette pierre est la Pierre philosophale. La Pierre philosophale


n’est pas une substance mystérieuse qui permettrait le transformer le plomb en
or, mais le résultat de la transformation de l’alchimiste lui-même : auparavant
pierre brute, il est devenu Pierre philosophale, c’est-à-dire pierre universelle,
ouverte, lucide et désillusionnée.

Il s’agit d’une pierre translucide, qui se laisse traverser par toutes les énergies du
cosmos : plus rien désormais ne fait obstacle à la Lumière, puisque l’ego a été
dissout.
A présent, voyons comment le maillet et le ciseau agissent sur cette pierre
brute.

Le maillet et le ciseau.

Le rituel du Premier degré dit : Le Maillet symbolise la volonté de


perfectionnement qui doit nous animer. Le Ciseau, qui vient parfaite l’Oeuvre,
en rendant la Pierre tout à fait conforme à son emploi, symbolise la méthode
maçonnique, grâce à laquelle nous devenons des membres utiles et conscients
de la société.

Le maillet symbolise donc la volonté agissante qui fait que le profane souhaite
œuvrer pour se transformer en être éveillé. Chaque coup est une impulsion, un
afflux de cette volonté, une opportunité supplémentaire d’ouvrir sa conscience.
Le maillet peut aussi symboliser l’intuition, qui pousse à aller plus loin et à
explorer de nouveaux chemins de connaissance.

Car la recherche de la vérité est avant tout liée à un effort : contrairement


au savoir, la connaissance ne s’hérite pas ; elle s’obtient par une quête active.

Le ciseau vient parfaire et réaliser cette volonté. Il constitue un filtre entre le


maillet et la pierre brute. Il transforme la volonté en réalisation. Il est un
intermédiaire : on pourrait y voir un cadre ou une méthode. Il peut s’agit de la
méthode maçonnique (la « tradition ») ou de toute autre méthode :
philosophique, géométrique, mathématique, scientifique, spirituelle ou
religieuse. Cette méthode devra s’appuyer entre autres sur le raisonnement.

Conclusion sur la pierre brute, le maillet et le ciseau.


Au final, dégrossir la pierre brute, c’est tenter de trouver la perfection qui se
cache en soi. Chacun de nous est en effet porteur de la « chose mystérieuse »,
du phénomène de la vie et du principe supérieur et universel qui organise les
êtres et le monde.

Tailler sa pierre, c’est reconnaître l’ordre du monde en soi et tenter de s’y


insérer, loin de tout orgueil et de toute culpabilité. Au bout du chemin, il y a
l’individu calme et serein, capable de tout accepter, même ses propres défauts.

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