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SEMINAIRE DE FORMATION

LES PACTES D’ACTIONNAIRES


Par ALEXIS CONSTANTIN

Agrégé des Facultés de droit

Professeur à l’unviersité de Rennes 1

Consultant

Table chronologique
de la jurisprudence reproduite

Années Références n° Juris.


1982 Cass. com. 8 février 1982, Badach c/ Teisseire 1
et autres
1983 Cass. com. 19 décembre 1983, Verchère c/ 2
Barnoin
1985 Cass. com. 2 juillet 1985, Cohen-Skalli et autres 3
c/ SA Lustucru et autres
1986 Cass. com. 27 mai 1986, n° 395 S, Florent c/ 4
Aury et autres
CA Paris 18 juin 1986, 1re ch. sect. A, SA 5
Lustucru et autres c/ Cohen-Skalli et autres
T. com. Paris 28 juillet 1986, Zylberg 6
Bidermann et autre c/ Primisteres
1987 Cass. com. 24 février 1987, Sté Lustucru et 7
autres c/ Robert Elie Cohen-Skalli et autres
1988 CA Paris 13 juillet 1988, 1re sect., Sté Emess 8
PLC c/ Sté Thorn EMI PLC
CA Angers 20 septembre 1988, 1re ch. A, 9
consorts Cointreau c/ consorts Cointreau et
autres
1989 Cass. com. 7 mars 1989, SA Saigmag c/ Peltié 10

1
Années Références n° Juris.
et autres
1991 T. com. Paris 12 février 1991, Sté Fruehauf 11
trailer corp. c/ Sté SESR, Banexi et autres
1993 CA Paris, 1re ch. CBV, 27 octobre 1993, 12
Balland c/ La Sucrerie Raffinerie de Chalon-
sur-Saône
1994 Cass. com. 15 février 1994, n° 460 D, Jouan et 13
autre c/ Cudennec et autres
Cass. com. 26 avril 1994, n° 983 P, SA 14
Gimenez c/ Crouzet et autre
1995 CA Paris 31 mars 1995, 4e ch. B, Lindemann c/ 15
Fayer
1997 Cass. 3e civ. 30 avril 1997, n° 691 PB, Sté 16
Office européen d'investissement (OFEI) c/
Association Médecins du Monde
1998 Cass. 3e civ. 24 juin 1998, n° 1106 D, Vanpeene 17
c/ Lefebvre
CA Paris 10 décembre 1998, 5e ch. B, Segui c/ 18
Toscan du Plantier
1999 Cass. 3 e civ. 24 mars 1999, n° 611 PBR, 19
Dumas de la Roque c/ Mudarres.
CA Rouen 9 décembre 1999, 2e ch. civ., Sté 20
OPE Intermarché c/ Malinge
2000 CA Versailles 29 juin 2000, 12e ch. 2e sect., Sté 21
Halisol c/ Sté Medix
2001 CA Paris 21 décembre 2001 n° 01-9384, 25e ch. 22
A, SA Banque de Vizille c/ Sté MGP Finance
2002 CA Paris 2 juillet 2002 n° 01-19901, 3e ch. A, 23
Patrimonio c/ Azzaro
CA Paris 12 novembre 2002 n° 01-00424, 2e ch. 24
civ., Becquet c/ Brizard
2003 Cass. com. 1er juillet 2003 n° 1095 F-D, Sté 25
Eurodec c/ Sté Groupe Choisy Inc.
Cass. com. 8 juillet 2003 n° 1114 F-D, Sté 26
Sollac Atlantique c/ Sté Raffinerie BP et Elf de
Dunkerque
CA Aix-en-Provence 5 décembre 2003 n° 02- 27
19692, 8e ch. B, SA Sofipharm c/ Sté financière
de Marcory

2
Années Références n° Juris.
2004 Cass. com. 7 janvier 2004 n° 15 F-D, Sté Ope 28
Intermarché c/ Malinge
Cass. com. 7 juillet 2004 n° 1156 F-D, Malard 29
c/ Malard
CA Paris 1er octobre 2004 n° 03-21420, 3e ch. 30
B, Sté Hybrigénics c/ Sté Kimed AG
CA Versailles 14 octobre 2004 n° 03-4586, 12e 31
ch. section 1, Peignot c/ SA Alliance
Développement et Conseil
CA Nancy 20 octobre 2004 n° 98-3311, 2e ch. 32
com., Rousselot c/ ITM Entreprises
Cass. com. 3 novembre 2004 n° 1530 F-D, 33
Vuillecard c/ Caisse régionale de Crédit
agricole de la Martinique
CA Paris 14 décembre 2004 n° 03-21818, 3e ch. 34
A, Vendrand c/ Gilliand
2005 CA Paris 21 janvier 2005 n° 02-20546, 3e ch. B, 35
Sté Vinci c/ Sté Bouygues Bâtiment
CA Paris 15 juin 2005 n° 03-3861, 16e ch. A, 36
Sté Balmain c/ Waintraub
CA Paris 6 septembre 2005 n° 04-9554, 3e ch. 37
A, Duc Duong Thanh c/ Sté EEM
Cass. com. 27 septembre 2005 n° 1138 F-D, Sté 38
Financière de Marcory c/ Sté Sofipharm
CA Paris 18 octobre 2005 n° 04-4322, 3e ch. A, 39
Hermann c/ Vileghe
CA Paris 16 novembre 2005 n° 05-19135, 14e 40
ch. A, SA Delia Systems c/ Cavelius

Cass. com., 22 nov. 2005, pourvoi n° 04- 41


12.183, arrêt n° 1463, P+B, Épx Lavaud c/
Sté Lavaud, JCP E. 2006 1463 Note
Constantin

2006 Cass. com. 23 mai 2006 n° 670 F-D, Dreano c/ 42


Partucci
Cass. ch. mixte 26 mai 2006 n° 240 PBRI, Pere 43
c/ Solari
CA Paris 15 décembre 2006 n° 06-18133, 3e ch. 44
B, SA Compagnie méridionale de participation

3
Années Références n° Juris.
(CMP) c/ SAS Compagnie générale de tourisme
et d'hôtellerie (CGTH)
2007 Cass. 3e civ. 31 janvier 2007 n° 05-21.071 (n° 45
81 FS-PB), Sté Aux Jardins de France c/ Sté
Capesterre
Cass. com. 20 février 2007 n° 05-18.882 (n° 46
324 F-PB), Waintraub c/ Sté Balmain
CA Paris 27 mars 2007 n° 05-19892, 3e ch. A, 47
Alquier c/ Gervais
T. com. Paris 25 juin 2007 n° 2004058819, 48
Morel c/ SA CDR Participations
Cass. soc. 18 octobre 2007 n° 06-45.331 (n° 49
2108 F-D), Sté FDI c/ Crozier
50
Cass. com., 18 déc. 2007, n° 05-19.397, F-D,
SAS BMA c/ Moal : JurisData n° 2007-042109
Cass. com. 6 novembre 2007 n° 07-10.620 (n° 51
1221 FS-D), Sté Compagnie générale de
tourisme et d'hôtellerie (CGTH) c/ Sté
Compagnie méridionale de participation, JCP E,
2008, 1829, note Constantin

2008 Cass. Com., 12 février 2008, n° 06-20.966 52

Cass. 3è civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721 53

Note A. Constantin sous Cass. 3è civ., 27 mars 54


2008, n° 07-11.721, JCP G, I, 218.

2009 Cass. Soc., 18 mars 2009, n° 07-45.212, Bull. 55


Joly Sept. 2009, note A. Constantin

Cass. Com., 3 mars 2009, n° 08-12.359 56

Cass. 3e civ., 25 mars 2009, n° 08-12.237 57

Cass. Com., 5 mai 2009, n° 08-17.465 58

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SEMINAIRE DE FORMATION

LES PACTES D’ACTIONNAIRES


Par ALEXIS CONSTANTIN

Agrégé des Facultés de droit

Professeur à l’unviersité de Rennes 1

Consultant

Jurisprudence reroduite

1. Cass. com. 8 février 1982, Badach c/ Teisseire et autres

associés - exclusion - convention extra-statutaire - clause de la convention soumettant


l'exclusion d'un associé à une décision prise à l'unanimité - clause réputée non écrite

(Extraits)

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris 26 avril 1979) les
actionnaires, docteurs en médecine, de la société anonyme « Clinique du Landy » (la
société) signèrent, le 10 février 1972, une convention, en vue d'organiser l'exercice de
leur activité professionnelle au sein de la clinique exploitée par la société ; que, selon
une clause de cette convention l'exclusion de la clinique ne pouvait intervenir que par
une décision prise à l'unanimité des signataires du contrat autres que le cocontractant
exclu ; que le docteur Badach, ayant fait l'objet d'une mesure d'exclusion non prise à
l'unanimité, réclama à ses cocontractants la réparation du préjudice qui lui avait été
causé ainsi que l'application des clauses de la convention relatives aux modalités du
droit de présentation d'un successeur ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré que la clause prévoyant l'exclusion
des activités médicales poursuivies au sein de la clinique, à l'unanimité des signataires
de la convention moins l'exclu, n'était pas opposable à la société et devait à l'égard de
celle-ci, être réputée non écrite, aux motifs, selon le pourvoi, que cette convention a
été signée par le président-directeur général à titre personnel, et non, ès qualités, il en
résulte que cette convention n'a pu avoir aucune valeur statutaire, ni tenir lieu de
règlement intérieur, qu'en admettant qu'elle ait été ratifiée implicitement par la société,

5
cette convention serait contraire aux règles générales des sociétés commerciales et au
droit commun des contrats, qu'en effet, elle violerait le principe de l'égalité des
associés en créant sans aucune contrepartie une catégorie d'actionnaires privilégiés et
le principe normal de la majorité en instituant des exigences exorbitantes d'unanimité ;
alors que, d'une part, le défaut d'indication de la qualité en laquelle une personne a
signé une convention ne constitue qu'un simple vice de forme, auquel il peut être
suppléé par la preuve de cette qualité, qu'en l'espèce, il résulte des propres
constatations de la cour d'appel que la société a exécuté pendant plusieurs années la
convention litigieuse, dont l'un des objets était la rétrocession par la société aux
médecins signataires, des honoraires payés par les organismes sociaux, que cet objet et
son exécution impliquaient l'acceptation de la société, au nom et pour le compte de
laquelle son président-directeur général avait signé la convention, qu'en décidant le
contraire, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations
et, par suite, a violé les textes susvisés ; et alors que, d'autre part, les actionnaires d'une
société anonyme où prédomine l'intuitu personae peuvent convenir d'une exclusion
d'un des leurs ou de l'agrément d'un cessionnaire à l'unanimité, que, dès lors, en faisant
grief à la convention litigieuse de n'avoir pas retenu le « principe normal de la majorité
», la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la convention litigieuse était distincte du
contrat de société liant par ailleurs les parties et constaté qu'elle n'avait pas été signée
par un représentant de la société ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la
cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant visé à la seconde branche du
moyen, ne se trouve sous le coup d'aucune des critiques de celui-ci ; qu'il n'est donc
pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

6
2. Cass. com. 19 décembre 1983, Verchère c/ Barnoin

assemblées générales - délibérations - administrateur - révocation - convention extra-


statutaire prévoyant la représentation égale de deux groupes d'actionnaires au conseil
d'administration - abus de droit caractérisé - actionnaire signataire - responsabilité

(Extraits)

Sur les deux premiers moyens réunis, pris en leurs diverses branches, et sur la
première branche du troisième moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon 4 février 1982) que le 10
février 1977 est intervenue entre les époux Verchère et M. Barnouin une convention
par laquelle il était prévu qu'après transformation de la société à responsabilité limitée
Société d'exploitation des établissements Verchère en société anonyme, M. Barnouin
bénéficierait de la cession, par les époux Verchère, d'un certain nombre d'actions, de
telle sorte que le groupe Verchère et le Groupe Barnouin possèdent chacun la moitié
du capital social, la convention précisant en outre que le conseil d'administration serait
composé par moitié d'administrateurs de chacun des deux groupes ; qu'en vertu des
accords passés, MM. Verchère et Barnoin devinrent respectivement, le premier,
administrateur et président de la société, le second, administrateur et directeur général
de celle-ci ; que le 30 novembre 1978 l'assemblée des actionnaires révoqua M.
Barnoin de ses fonctions d'administrateur, tandis que, le même jour, le conseil
d'administration mettait fin à ses fonctions de directeur général.

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité des époux Verchère
en relevant que M. Verchère avait proposé la révocation de M. Barnoin,
administrateur, sans que la question ait été inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée et
que « s'il résultait (de l'art. 160 de la loi du 24 juillet 1966) que la révocation d'un
administrateur peut être proposée à l'assemblée sans inscription à l'ordre du jour,
lorsque son comportement au cours des débats la justifie ou s'il est révélé des faits qui
la rendent nécessaire, il ne saurait en être de même si les causes de révocation
préexistent », alors, selon le pourvoi, de première part, que le pouvoir de révocation
des administrateurs au sein des sociétés anonymes appartient à la seule assemblée
générale des actionnaires ; que le délibération prise par celle-ci s'impose à tous les
actionnaires tant qu'elle n'a pas été annulée en justice ; que, par suite, la cour d'appel
ne pouvait retenir la responsabilité d'actionnaires pour la délibération prise par
l'assemblée générale sans qu'ait été au préalable sollicitée et obtenue l'annulation de la
résolution ; qu'elle a ainsi violé les articles 90 et 160 de la loi du 24 juillet 1966, que,
de deuxième part, est nulle toute convention tendant à porter atteinte à la libre
révocabilité des administrateurs de société anonyme ; qu'il s'ensuit qu'en retenant pour
faute la violation, par des actionnaires, d'une convocation dont la cour d'appel constate
elle-même que son exécution interdisait aux signataires, de proposer à l'assemblée
générale la révocation de certains administrateurs, dont le directeur général, la cour
d'appel a violé l'article 90 de la loi du 24 juillet l966, que, de troisième part, est nulle
toute convocation faisant échec au principe de la libre révocabilité des administrateurs
ou dirigeants sociaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel rappelle elle-même que la
convention, dont chaque élément était indissociable de l'ensemble, prévoyait une

7
égalité parfaite entre les deux groupes, tant dans la répartition du capital que dans
l'administration de la société, M. Verchère devant en être le président et M. Barnoin le
directeur général, et que l'établissement et le maintien de cette parité absolue
correspondait à la commune intention des parties ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel qui
constate elle-même que la convention avait pour but de prévoir le maintien d'une
parité absolue faisant nécessairement obstacle à la révocation des dirigeants sociaux,
ne pouvait considérer comme valide cette convention et retenir, pour manquement à
celle-ci, la responsabilité des époux Verchère, qu'elle a ainsi omis de tirer les
conséquences légales de ses propres constatations et entaché sa décision de manque de
base légale au regard de l'article 90 de la loi du 14 juillet 1966, qu'enfin, l'article 60 de
cette loi dispose que l'assemblée générale peut « en toutes circonstances » révoquer un
ou plusieurs administrateurs et procéder à leur remplacement ; qu'en ajoutant à ce
texte la condition que la cause de révocation ne soit pas préexistante à l'assemblée, la
cour d'appel l'a violé ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, en retenant les agissements de M.
Verchère pris, non comme actionnaire ou dirigeant social, mais comme partie à une
convention dont la violation était invoquée, a, par application de cette convention,
exactement décidé que celle-ci, qui prévoyait d'un côté la répartition égale du capital
social entre deux groupes d'actionnaires et de l'autre, une composition paritaire du
conseil d'administration, ne constituait pas un contrat faisant obstacle à la révocation à
tout moment d'un administrateur par l'assemblée des actionnaires ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a relevé que M. Verchère n'avait pas fait
inscrire la révocation de M. Barnoin à l'ordre du jour de l'assemblée alors qu'il l'avait «
largement préméditée » et qu'ainsi il avait commis « un abus de droit caractérisé » ;
qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite du motif visé à la première branche
du troisième moyen, la cour d'appel a pu retenir la responsabilité de M. Verchère ;

Que les premier et deuxième moyens pris en leurs divers branches et le troisième
moyen pris en sa première branche ne sont donc pas fondés ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir, pour retenir la responsabilité de M.
Verchère, déclaré que celui-ci, en votant la révocation de M. Barnoin, avait fait un
usage abusif d'un pouvoir à lui donné et que M. Barnoin était en droit de se plaindre de
l'inobservation du délai de convocation d'un actionnaire appartenant à son groupe
alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait légalement retenir un
abus de pouvoir du mandataire, sans constater que le mandant ait effectivement
contesté l'utilisation qui avait été faite de la procuration qu'il avait consentie ; qu'elle a
ainsi violé l'article 1984 du Code civil, alors, d'autre part, que l'inobservation du délai
de convocation de l'assemblée générale, qui incombe au conseil d'administration, est
imputable à tous les organes exécutifs de la société que, par suite, la cour d'appel ne
pouvait légalement faire peser sur le président, pris personnellement, une
responsabilité à ce titre à l'égard du directeur général, à qui, par ses fonctions,
incombait la même obligation ; que la cour d'appel a, ainsi, violé l'article 158 de la loi
du 24 juillet 1966 ;

8
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que la mandant avait reconnu,
peu après la tenue de l'assemblée, mais en se rétractant par la suite, que le mandat
donné à M. Verchère ne portait que sur les seules questions figurant à l'ordre du jour
de l'assemblée ; que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve
soumis à son examen qu'elle a retenu des deux affirmations contraires du mandant
celle que ces éléments lui faisaient apparaître comme la plus exacte ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu que l'inobservation d'un délai de
convocation devait être considérée, non en elle-même mais comme constituant par ses
effets, un élément de l'ensemble des agissements fautifs relevés à l'égard de M.
Verchère pris comme partie à la convention le liant à M. Barnoin ; que la cour d'appel
a légalement justifié sa décision, que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses
branches,

Sur le quatrième moyen ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt confirmatif d'avoir déclaré que les sommes allouées
à M. Barnoin, représentant les rémunérations qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas
été révoqué de ses fonctions, devaient produire des intérêts à compter du jour où la
société les avaient dues, alors, selon le pourvoi, qu'une créance indemnitaire ne peut
porter intérêts qu'à compter du jour où elle est judiciairement constatée ; que les juges
ne peuvent reporter à une date antérieure le point de départ des intérêts sans motiver
leur décision ; que la Cour, qui ne donne aucun motif à sa décision, a ainsi entaché
celle-ci d'un manque de base légale et violé l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que le moyen ait été
soulevé devant les juges du fond ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit, le
moyen est irrecevable ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi

9
3. Cass. com. 2 juillet 1985, Cohen-Skalli et autres c/ SA Lustucru et a

groupe de sociétés - clause relative à la gestion - licéité - convention extra-


statutaire - société holding - protocole visant la constitution puis la répartition des
sièges au sein du directoire et du conseil de surveillance - « clause claire et précise »

(Extraits)

Sur le cinquième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (CA Aix 18 mai 1984) que, par
un accord du 27 mai 1967 (le protocole), la société à responsabilité limitée Pâtes
Alimentaires Rivoire et Carret Manufacture de Pâtes et Produits Alimentaires (la
société à responsabilité limitée Rivoire et Carret), la Société Industrielle de Pâtes
Alimentaires et la Sarl Rivocca, d'une part, la société Lustucru (SA) ainsi qu'Albert,
Jean et Robert Cartier-Millon, actionnaires de cette dernière société, d'autre part, sont
convenus, pour aboutir à une gestion commune, que l'ensemble des sociétés Rivoire et
Carret concentrerait ses avoirs et participations dans la Sarl Rivocca, qui fut par la
suite transformée en société anonyme sous la dénomination société Produits
Alimentaires Rivoire et Carret (société parfois désignée par le sigle Soparec mais
dénommée société Rivoire et Carret dans la procédure et ci-après) ; que, selon les
conventions, la Sarl Rivoire et Carret détiendrait 70 % des actions de la société
Rivoire et Carret et 70 % des actions de la société Lustucru pour devenir ainsi une
société holding ; qu'en contrepartie de ces apports 58,70 % des actions de cette
holding seraient attribué au groupe familial Carret (les consorts Carret) et 41,30 % au
groupe Cartier-Millon, l'un et l'autre de ces groupes conservant 30 % des actions dans
chacune des filiales de la société holding ; que cette société fut transformée en société
anonyme le 1er juillet 1968 sous la dénomination Rivoire et Carret-Lustucru (la société
holding)- ; que le protocole prévoyait pour cette société « dans sa forme finale » un
conseil de surveillance « composé de dix membres : six désignés par Soparec, quatre
désignés par Lustucru » et « un directoire composé de quatre directeurs généraux :
deux désignés par Soparec, deux désignés par Lustucru » ; que les statuts de la société
ne retinrent pas la composition paritaire du directoire prévue par le protocole mais
disposèrent que cet organe serait composé de trois membres au moins et de cinq
membres au plus, que la présence de trois membres au moins était nécessaire pour la
validité des délibérations et que les décisions seraient prises à l'unanimité des voix des
membres présents ; que, s'agissant du conseil de surveillance, les statuts se bornèrent à
relever, relativement à sa composition, qu'il comprendrait trois membre au moins et
douze membres au plus ; que les actions détenues par les consorts Carret dans la
société holding et les actions détenues par le même groupe dans la société filiale
Rivoire et Carret (30 %) furent cédées en 1971 à des sociétés dans lesquelles le groupe
familial Cohen-Skalli était majoritaire ; qu'à la suite d'un désaccord survenu en 1980
entre l'ensemble des actionnaires Cohen-Skalli et l'ensemble des actionnaires Cartier-
Millon, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société holding
tenue le 18 mai 1981 a révoqué Jean Cartier-Millon de ses fonctions au conseil de
surveillance et nommé deux membres du groupe des actionnaires Cohen-Skalli ; que,
par la suite, le directoire de la société holding n'a plus comporté de membres
appartenant au groupe des actionnaires Cartier-Millon ; que MM. Bruno, Robert, Jean

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Jacques, Olivier Cartier - Millon, Mme Claude-Cartier-Millon née Guerre, M. Mme
François Chiron (les consorts Cartier-Millon) ainsi que la société Lustucru ont
introduit une demande tendant, d'une part, à l'annulation du protocole du 27 mai 1967
comme contenant une convention de vote portant atteinte aux droits des actionnaires
minoritaires dans la société Lustucru et, d'autre part, à l'annulation de la société
holding comme étant « l'instrument » d'une telle convention ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande au motif que le pacte
social « se doublait » d'une convention, le protocole, de sorte que découlait de cette
conjonction une « atteinte structurelle » au droit de vote des actionnaires, alors, selon
le pourvoi, que les consorts Cartier avaient demandé à voir prononcer la nullité du
protocole d'accord du 27 octobre 1967 et de la société holding pour atteinte prétendue
au droit de vote des actionnaires des sociétés filiales et non pas pour atteinte au droit
de vote des actionnaires de la société holding ; que, dès lors, en se fondant sur
l'atteinte à l'intérêt social du holding et au libre exercice du droit de vote des
actionnaires majoritaires de ce holding pour prononcer la nullité du protocole et de la
société holding, la cour d'appel a modifié les termes du litige dont elle se trouvait
saisie, violant ainsi l'article 4 du Nouveau Code de Procédure civile ; et alors, en tout
état de cause, qu'en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur le moyen qu'elle retenait
ainsi d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du Nouveau Code de Procédure
civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une demande tendant à l'annulation du
protocole et, par voie de conséquence, de la société holding alors que cette dernière
faisait valoir de son côté que le protocole ne contenait aucune convention de nature à
contraindre les actionnaires à voter dans un sens déterminé, n'a pas méconnu l'objet du
litige et n'était pas tenue d'inviter les parties à s'expliquer sur le moyen par elle retenu,
dès lors qu'elle se bornait à expliciter le fondement juridique de la demande ; que le
moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Mais, sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour prononcer la nullité du protocole et de la société holding, la cour


d'appel a retenu qu'une clause du protocole, qui prévoyait une composition paritaire du
directoire alors que les statuts retenaient la règle de l'unanimité des votes au sein du
même organe, constituait une « atteinte structurelle au droit de vote » des actionnaires,
rendant la société « non viable » ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a dénaturé une clause claire et précise de la
convention critiquée ;

Par ces motifs : Casse et renvoie devant CA Rouen.

11
4. Cass. com. 27 mai 1986, n° 395 S, Florent c/ Aury et autres

cession - cession de parts sociales - pacte de préférence - fraude - nullité

(Extraits)

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris 2 novembre 1984) que
Mmes Besnard et De Becque (les cédantes) ayant vendu leurs parts dans la société à
responsabilité limité France-Publication (la société) à M. Florent alors qu'elles
s'étaient engagées à les vendre par préférence à Mme Avry, cette dernière, à l'appui de
sa demande en annulation de la vente accordée à M. Florent a fait état d'une attestation
par laquelle M. Gabard-Solanski, expert-comptable de la société, faisait connaître que
le 17 novembre 1981, à la demande de M. Florent, celui-ci et Mme Avry s'étaient
réunis en son cabinet au sujet de l'engagement des cédantes, déclaration qui fut
renouvelée par l'intéressé lors d'une enquête ordonnée par les premiers juges ; que M.
Florent, après avoir fait appel du jugement accueillant la demande de Mme Avry, a
porté plainte contre M. Gabard-Solanski pour violation du secret professionnel ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir écarté la demande de sursis à statuer en
raison de cette plainte, présentée par M. Florent, au motif que la procédure pénale
engagée par celui-ci ne mettait pas en cause la véracité du témoignage de M. Gabard-
Solanski et qu'ainsi la décision pénale à intervenir n'était pas susceptible d'influer sur
la décision civile, alors selon le pourvoi, que les juges ne peuvent former leur
conviction que sur des éléments de preuve admis par la loi ; qu'ils ne peuvent, en
conséquence, fonder leur décision sur un élément de preuve consacrant une violation
du secret professionnel ; qu'il s'ensuit que la recevabilité de la seule preuve invoquée à
savoir l'attestation et le témoignage de l'expert-comptable, était subordonnée à l'issue
de l'instance pénale en cours ; qu'en fondant néanmoins sa décision sur cet élément de
preuve sans surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'instance pénale, l'arrêt attaqué a violé
l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt, abstraction faite des déclarations
de M. Gabard-Solanski, que ce dernier s'est borné à relater un fait - la connaissance
par M. Florent, avant la vente dont il bénéficia, de l'engagement des cédantes envers
Mme Avry - déjà connu par cette dernière, et déjà porté par celle-ci à la connaissance
des juges du fond ; qu'en l'état de ces énonciations, qui rendaient surabondant le motif
critiqué par le moyen, la cour d'appel a pu déclarer que la décision à intervenir sur
l'action publique n'était pas susceptible d'influencer celle de la juridiction civile et se
prononcer comme elle l'a fait ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il a encore fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que M. Florent connaissait
l'existence de l'engagement des cédantes envers Mme Avry par la seule révélation
verbale que lui fit cette dernière, le 17 novembre 1981, du contenu des deux missives
par lesquelles les cédantes avaient pris cet engagement et qu'en outre il n'ignorait pas

12
la volonté de Mme Avry de se prévaloir de l'engagement dont elle bénéficiait, alors,
selon le pourvoi, d'une part que la fraude consistant à traiter au mépris d'un pacte de
préférence suppose la connaissance certaine de la convention, qui ne peut qu'être une
connaissance directe à l'exclusion d'une relation verbale présentant nécessairement un
caractère vague et incertain ; qu'il résulte du procès-verbal d'enquête que le témoin
avait déclaré que lors de l'entretien du 17 novembre 1981, les lettres des 5 et 16
octobre 1981 n'avaient pas été communiquées à l'exposant, malgré son désir ; qu'en
admettant néanmoins que M. Florent ait pu avoir connaissance du pacte de préférence
qu'elles contenaient, la cour d'appel n'a pas établi la certitude que pouvait avoir M.
Florent de l'existence et de la teneur du pacte de préférence ; qu'elle a ainsi violé les
règles concernant le caractère conscient et délibéré de la fraude de celui qui agit au
mépris des droits d'autrui et par suite entaché sa décision d'un manque de base légale
au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors que, d'autre part, la fraude de
l'acquéreur n'est établie que s'il a su au moment de la signature de l'acte de vente que
le bénéficiaire du pacte de préférence avait manifesté l'intention d'acquérir ; que cette
intention ne se confond pas avec celle de se réserver l'usage éventuel du pacte d'option
qui résulte du contrat lui-même ; qu'en déduisant de ce que la bénéficiaire avait
entendu en rappelant le pacte s'en réserver l'usage éventuel la manifestation certaine de
son intention de n'en prévaloir l'arrêt attaqué a entaché sa décision de contradiction et
violé l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, alors enfin que M. Florent
avait rappelé dans ses conclusions devant la cour d'appel, que la bénéficiaire du pacte
avait volontairement dissimulé son intention de se prévaloir du pacte dans un but
spéculatif en tentant de minorer la valeur des parts, bien qu'en sa qualité de gérante
elle ait eu un devoir de clarté et de diligence particulière ; qu'en omettant de se
prononcer sur ce comportement qui était par sa seule ambiguïté de nature à exclure la
fraude de M. Florent, la cour d'appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de
procédure civile ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait soumis à
son examen que la cour d'appel, hors toute contradiction, et qui n'avait pas à suivre M.
Florent dans le détail de son argumentation, a retenu les éléments constitutifs de la
fraude de ce dernier ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est
donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen : Vu l'article 1583 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt, après avoir prononcé la nullité de la vente intervenue au profit de
M. Florent, a décidé que l'engagement pris par Mmes Besnard et De Becque de céder
leurs parts sociales à Mme Avry à un prix égal et à des conditions identiques aux
propositions faites par d'autres acquéreurs dans un délai courant à compter de la date à
laquelle Mme Avry aurait été informée de ces offres, emportait vente au profit de cette
dernière, dès lors que celle-ci avait manifesté la volonté d'acquérir dans le délai prévu
et que la vente consentie à M. Florent dans ce délai avait été annulée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'au moment où Mme Avry avait
manifesté sa volonté d'acquérir, Mmes Besnard et De Becque avaient déjà manifesté la
volonté de ne pas lui vendre les parts sociales qui faisaient l'objet de leur engagement,
la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé ;Par ces motifs : Casse et
annule, seulement en ce qu'il a décidé qu'il devait être procédé à la cession des parts

13
sociales de Mmes Besnard et De Becque au profit de Mme Avry, l'arrêt rendu le 2
novembre 1984, par la CA de Paris.

14
5. CA Paris 18 juin 1986, 1re ch. sect. A, SA Lustucru et autres c/ Cohen-
Skalli et autres

groupe de sociétés - clause relative à la gestion - convention extra-statutaire - société


holding - protocole visant la constitution puis la répartition des sièges au sein du
directoire et du conseil de surveillance - validité

(Extraits)

Faits et procédure :

Suivant une convention intitulée « Protocole d'accord » du 27 octobre 1967 les trois
sociétés du groupe Rivoire & Carret (Sarl « Pâtes Alimentaires Rivoire & Carret »,
manufactures de pâtes et produits alimentaires, SIPA, et la Sarl Rivocca,
ultérieurement Soparec) d'une part, la SA Lustucru et ses actionnaires principaux :
Albert Cartier Millon, Jean Cartier Millon, Robert Cartier Millon d'autre part ont
décidé d'organiser une gestion commune par la création d'une société holding appelée
à déterminer la politique du nouveau groupe et de ses filiales industrielles.

Selon ce protocole le holding serait doté, dans sa forme finale, soit au plus tard le 30
juin 1968 d'un conseil de surveillance composé de 10 membres :

 - désignés par Soparec (Rivoire & Carret)


 - désignés par Lustucru,

et d'un directoire composé de 4 directeurs généraux :

 - 2 désignés par Soparec (Rivoire & Carret)


 - 2 désignés par Lustucru.

La société holding a été créée le 19 juillet 1968 avec des statuts dont les dispositions
concernant les organes de direction différaient de celles du protocole.

En 1971, les actions détenues par les consorts Carret dans la société holding et celles
appartenant à ce même groupe dans la société filiale Rivoire & Carret ont été cédées
aux sociétés Semoulerie de Normandie et Grands Moulins Maurel (dans lesquelles la
famille Cohen Skalli est majoritaire) ainsi qu'à plusieurs membres de cette famille qui
ont ainsi acquis 56,22 % du capital de la société Rivoire & Carret - Lustucru et 30 %
des actions de la société Soparec - (Rivoire & Carret) ;

Ces modifications, bien qu'ayant entraîné une concentration verticale résultant de ce


que la Semoulerie devenait le fournisseur des fabricants de pâtes, demeura sans
influence sur le fonctionnement de la société holding pendant plusieurs années.

Le directoire de celle-ci notamment, composé de 4 membres, conserva une


composition paritaire, malgré le silence des statuts à cet égard. Toutefois ce nombre
fut modifié lors de l'assemblée générale du 24 juillet 1980 au cours de laquelle fut

15
décidée une nouvelle rédaction de l'article 14 des statuts prévoyant que ce directoire
serait composé de trois membres au moins et 5 membres au plus.

Dès 1979, le groupe ayant rencontré certaines difficultés économiques, s'était


préoccupé de rechercher les moyens à mettre en oeuvre pour faire face à la
concurrence.

A cet effet, à la suite d'une décision des quatre membres du directoire en fonction au
30 octobre 1979, le Boston Consulting Group s'était vu confier la mission de
rechercher « une définition de la stratégie du groupe ».

Au mois de juillet 1980, cet organisme a déposé un rapport qui préconisait la


restructuration du groupe par une fusion totale des filiales, l'établissement d'une
direction et d'une gestion uniques, ainsi qu'une concentration industrielle nécessitant
notamment le transfert de l'unité de production de Lustucru à Grenoble dans les unités
d'Ourscamps et de la Pomme.

Les représentants du groupe Lustucru, en particulier, Bruno Cartier Millon,


marquèrent leur opposition au regroupement recommandé.

Le 18 mai 1981, une assemblée générale de la société holding refusa de ratifier la


cooptation de Robert Cartier Millon en qualité de membre du conseil de surveillance,
nomma dans ces fonctions deux nouveaux membres : Robert Cohen-Skalli et Oscar
Goldstein, puis révoqua Jean Cartier Millon de ses fonctions de président du conseil
de surveillance pour le remplacer par Albert Cohen Skalli.

Par la suite, une nouvelle assemblée générale extraordinaire décida d'exclure Bruno
Cartier Millon du directoire, lequel ne fut plus alors composé que de membres du
groupe Cohen-Skalli.

C'est dans ces circonstances que les consorts Cartier Millon ont pris l'initiative de deux
procédures introduites les 27 et 29 mai 1981 :

1. 1° l'une, en référé, devant le président du tribunal de commerce de Grenoble,


qui, par ordonnance du 17 juin 1981, confirmée par un arrêt de la cour d'appel
de Grenoble du 21 janvier 1982, devenu irrévocable à la suite du rejet du
pourvoi en cassation, a désigné Pierre Coquet « en qualité d'administrateur
provisoire aux actions de la Société Lustucru propriété de la société Rivoire &
Carret Lustucru, avec mission de prendre part aux assemblées de la société
Lustucru, et, par son vote, d'éviter la création d'une situation irréversible en
attendant la décision du juge du fond à intervenir. »
2. 2° l'autre, au fond, devant le tribunal de commerce de Grenoble tendant à :

o - la résiliation du protocole d'accord du 27 octobre 1967 et l'annulation


de la société holding Rivoire & Carret Lustucru.

o - subsidiairement la dissolution de la société pour justes motifs sur le


fondement de l'article 1844-7 du Code civil,

16
o - la condamnation de la société Rivoire & Carret-Lustucru à payer un
franc de dommages-intérêts pour révocation abusive de Jean Cartier
Millon.

L'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Grenoble ayant été soulevée


par les consorts Cohen Skalli et la Société holding, la cour d'appel de Grenoble, sur
contredit, a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Marseille.

Ce tribunal, par le jugement entrepris, a rejeté les demandes des consorts Cartier
Millon, auxquels s'était jointe la société Lustucru, aux motifs essentiels que l'objet du
protocole d'accord qui était d'assurer la gestion commune des sociétés a été réalisé par
la création de la société holding en juillet 1968, qu'aucun élément ne permet
d'assimiler ce contrat à une convention de vote « résiliable » et que la société holding
qui n'était pas indissociable de ce protocole n'était ni illicite, ni fictive.

Le tribunal a estimé par ailleurs qu'il n'existait pas de justes motifs de dissolution de la
société holding et que la révocation de Jean Cartier Millon, membre du conseil de
surveillance, n'était pas abusive compte tenu des dispositions de l'article 134 de la loi
du 24 juillet 1966.

La cour d'appel d'Aix en Provence, par arrêt infirmatif du 18 mai 1984, a :

 - constaté que le protocole d'accord du 27 octobre 1967 et « la société holding


» Rivoire & Carret-Lustucru comportaient une atteinte illicite à la liberté de
vote des actionnaires,
 - prononcé en conséquence la nullité du protocole et de la Société holding
Rivoire & Carret - Lustucru ;

 - condamné en outre la société Rivoire & Carret - Lustucru à payer 1 franc de


dommages-intérêts à Jean Cartier Millon pour révocation abusive ;

 - prononcé, enfin, au profit des appelants, diverses condamnations en vertu de


l'article 700 du NCPC.

Cet arrêt a été cassé le 2 juillet 1985 par la Cour de cassation, chambre commerciale,
qui a statué en ces termes :

« Attendu que, pour prononcer la nullité du protocole et de la société holding, la cour


d'appel a retenu qu'une clause du protocole qui prévoyait une composition paritaire du
directoire alors que les statuts retenaient la règle de l'unanimité des votes au sein de ce
même organe constitue une atteinte structurelle au droit de vote des actionnaires
rendant la société non viable. »

« Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé une clause claire et précise de
la convention « critiquée. »

La Cour de céans, juridiction de renvoi, a été saisie :

1. 1° par deux déclarations remises l'une le 7 octobre 1985, l'autre


complémentaire le 11 mars 1986, au Greffe, au nom de :

17
- la société Rivoire & Carret Lustucru, (...)

2. 2° par deux déclarations remises l'une le 5 novembre 1985, l'autre


complémentaire le 13 mars 1986 au greffe au nom de :

- la S.A. Lustucru (...)

Par la suite se sont constitués dans la cause en qualité d'intimés :

- Jean Villard (...)

La Cour,

- Sur le protocole d'accord :

Considérant que le protocole d'accord avait pour objet la création avant une date
déterminée, d'une société anonyme holding devant définir la politique d'ensemble des
fabricants de pâtes Rivoire & Carret et Lustucru face à la concurrence ; qu'il précisait
non seulement les différentes opérations de concentration qui devaient précéder cette
création, mais le nombre et la répartition des sièges entre les représentants des
composantes du groupe au sein du directoire et du conseil de surveillance dans sa
phase finale ;

Que cette convention a été mise en oeuvre ainsi qu'il était prévu, en plusieurs étapes ;

1. 1° les trois sociétés du groupe Rivoire & Carret ont concentré leurs avoirs et
participations dans la société Rivoica Sarl qui devait changer sa dénomination
pour devenir Soparec et par la suite être transformée en société anonyme ;
2. 2° la société Rivoire & Carret, Manufactures de Pâtes et produits alimentaires,
Sarl, s'est transformée en société holding Sarl détenant 70 % des actions de la
société Rivoica (par la suite Sopare puis Rivoire & Carret SA) et 70 % du
capital de la société Lustucru ;

Qu'à la suite de ces apports, les actions du holding ont été attribuées comme
prévu pour 58,70 % aux actionnaires de Rivoire & Carret et pour 41,30 % à
ceux de Lustucru, l'un et l'autre groupe conservant 30 % des actions dans
chacune des filiales ;

3. 3° l'objet de la convention a été réalisé par la constitution de la société


anonyme Rivoire & Carret Lustucru dont les statuts ont été adoptés le 19 juillet
1968 lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société Rivoire & Carret
Manufacture de pâtes et produits alimentaires, qui, par application de leur
article 21, a désigné les 10 premiers membres du conseil de surveillance ;

Considérant que ces statuts ne faisaient aucune référence au protocole, qu'ils ne


comportaient aucune disposition concernant la représentation paritaire des deux
groupes dans le directoire et la répartition des sièges dans le conseil de surveillance ;
que leur article 14 indiquait seulement à l'origine que la société était dirigée sous le
contrôle d'un conseil de surveillance par un directoire de 4 membres (nombre prévu
par le protocole), personnes physiques pris ou non dans le personnel de la société, qui

18
peuvent être ou ne pas être actionnaires, tandis que l'article 17.III. prévoyait que la
présence de 3 au moins des membres du directoire était nécessaire pour la validité des
délibérations, les décisions étant prises à l'unanimité des membres présents ; que le
nombre des membres du conseil de surveillance était de 3 à 12 au lieu de 10 dans le
protocole ;

Considérant que la constitution du holding était l'objet même du protocole, que la


réalisation de cet objet selon des modalités qui dans l'ensemble ont été respectées,
faisait perdre à cet accord toute effectivité, la société n'étant régie que par ses seuls
statuts et non par une convention qui, son objet ayant été épuisé, ne pouvait plus
s'imposer ni aux signataires, ni aux tiers ;

Considérant dès lors que si de 1968 à 1981, une représentation paritaire a été
maintenue dans le directoire, ce n'était point par l'effet d'une convention de vote
inexistante, mais parce qu'elle correspondait à l'intérêt du groupe en dehors de tout
rattachement impératif au protocole ;

Considérant d'ailleurs que les dispositions de l'article 6 du protocole constituaient de


simples modalités de répartition des sièges au sein du conseil de surveillance et du
directoire pour assurer dans les meilleures conditions la gestion du Groupe et ne
peuvent être qualifiées de convention de vote tendant à dépouiller les actionnaires de
leur droit ou à restreindre leur liberté dans des conditions illicites ;

- Sur la licéité de la Société Rivoire & Carret Lustucru :

Considérant qu'il convient de rechercher si, bien que « le protocole et la société ne


soient pas indissociables » contrairement à ce que soutiennent à tort les appelants,
certaines modalités de l'organisation et du fonctionnement du holding ne rendraient
pas cette société elle-même illicite ;

Considérant que selon les consorts Cartier-Millon la création de la société holding


réaliserait le transfert du pouvoir de décision au niveau du holding devenu détenteur
de 70 % du capital de chacune des filiales, ce qui constituerait une atteinte au droit de
vote des actionnaires de ces sociétés ;

Mais considérant que les appelants posent ainsi le problème de la licéité de toute
société holding ;

qu'une telle forme de société n'est interdite par aucune disposition légale ou
réglementaire et que son rôle consiste précisément à exercer un contrôle sur les filiales
pour définir la politique économique de l'ensemble ;

qu'il y a lieu de souligner par ailleurs que les actionnaires des filiales Rivoire & Carret
d'une part, Lustucru d'autre part, ont continué à participer à la vie sociale dans la
proportion des capitaux dont ils disposaient ;

qu'ainsi n'est pas démontrée une atteinte illicite au droit de vote des actionnaires des
filiales, qui puisse entacher de nullité la société holding ;

-Sur la demande d'annulation des délibérations des 18 mai et 4 juin 1981 :

19
Considérant que cette demande n'a pas été formée devant les premiers juges, que les
appelants soutiennent qu'elle ne constitue pas une demande nouvelle, car elle entrerait,
selon eux, dans le domaine d'application de l'article 566 du NCPC ;

Qu'il n'apparaît pas cependant qu'elle ne fasse « qu'expliciter ou compléter les


prétentions qui étaient virtuellement comprises dans l'assignation », laquelle ne
concernait que la résiliation (en réalité l'annulation) du protocole d'accord, la nullité de
la société holding et subsidiairement sa dissolution ;

Que cette demande ne peut constituer davantage l'accessoire, la conséquence ou le


complément des prétentions initiales puisqu'elle trouverait son fondement dans la
sanction du non-respect du protocole d'accord dont les consorts Cartier Millon
sollicitent l'annulation ;

Qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel ;

- Sur la dissolution de la société pour justes motifs :

Considérant selon les dispositions de l'article 1844,7 du Code civil que la dissolution
anticipée d'une société peut être judiciairement prononcée, à la demande d'un associé,
au « cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre
associés paralysant le fonctionnement de la société » ;

Considérant que les appelants soutiennent à cet égard que l'abus de majorité manifeste,
consistant de la part des consorts Cohen Skalli à tenter d'évincer brutalement leurs
partenaires en feignant d'ignorer un protocole et à imposer ou tenter d'imposer aux
sociétés de fabrication de pâtes l'achat de semoules à des prix fixés dans le seul intérêt
des semouleries qu'ils contrôlent à 100 %, commanderait la dissolution pour justes
motifs de la société holding ;

qu'ils ajoutent que cette dissolution serait également justifiée par la grave mésentente
existant entre les associés ;

Considérant qu'il convient avant d'analyser la portée des difficultés survenues, de


rappeler qu'il ne peut être valablement fait grief aux consorts Cohen Skalli de ne pas
avoir respecté un protocole d'accord dont l'objet était épuisé et auquel ils n'ont pas été
parties ;

Considérant par ailleurs que la Cour de cassation a déclaré irrecevable le 7 e moyen du


pourvoi soutenu par les consorts Cohen Skalli attaquant les dispositions de l'arrêt de la
cour d'appel d'Aix en Provence condamnant la société holding à payer un franc de
dommages-intérêts pour révocation abusive de Jean Cartier Millon de son « poste au
conseil de surveillance » ; que cette disposition est donc devenue irrévocable ;

Considérant que les appelants voient dans les délibérations des 18 mai et 4 juin 1981 «
un coup de force des consorts Cohen Skalli » qui a abouti à l'élimination des consorts
Cartier Millon des organes de direction de la société holding ;

Considérant qu'il est exact qu'après avoir admis pendant plusieurs années le
fonctionnement paritaire des organes de direction du holding, les consorts Cohen

20
Skalli se sont, grâce à ces délibérations, fait investir du pouvoir de direction du
holding ;

Que sans méconnaître le caractère abusif de la révocation de Jean Cartier Millon, cette
prise de pouvoir doit être envisagée globalement et ne serait critiquable que si elle
avait eu pour objet de privilégier l'intérêt d'une filiale au mépris de l'intérêt du groupe
ou de l'autre filiale ;

Considérant qu'il convient de rappeler à cet égard que l'organisme extérieur consulté
sur décision du directoire du 30 octobre 1979, prise par les quatre directeurs (2
Cartier-Millon et 2 Cohen-Skalli) pour essayer de trouver les moyens de « résister au
développement impressionnant de la concurrence », le Boston Consulting Group avait
préconisé, pour améliorer la situation du groupe une restructuration rapide passant par
une fusion totale des filiales, l'établissement d'une direction générale unique et une
concentration industrielle nécessitant le transfert de l'unité de Grenoble, peu rentable,
dans les autres unités de groupe situées à Ourscamp et Marseille ;

Considérant que dans un premier temps les consorts Cartier Millon parurent adhérer à
ce projet de concentration, une note rédigée le 24 février 1981 par un conseiller
d'entreprise, membre de cette famille, précisant à cette époque « qu'il n'y a pas de
désaccord entre minoritaires et majoritaires », la présidence du groupe fusionné ayant
été même proposée à Jean Cartier Millon ;

Considérant que par la suite les consorts Cohen Skalli ont pu, à juste titre, estimer que
cet accord n'était qu'apparent, M. Bruno Cartier Millon négociant dans le même temps
l'obtention d'un prêt de l'Etat pour permettre non le simple renouvellement du matériel
mais le développement de la capacité de production dans le site de Grenoble qui serait
ainsi portée à 85 tonnes par jour en 1981, 95 tonnes par jour en 1982, 105 tonnes par
jour en 1983, tandis que Jean Cartier Millon retardait la convocation du conseil de
surveillance, malgré la demande de plusieurs de ses membres, qui désiraient voir
inscrite à l'ordre du jour l'étude des mesures à prendre au vu du diagnostic des
consultants ;

Considérant que c'est dans ces circonstances que les consorts Cohen Skalli, estimant
que des décisions rapides s'imposaient dans l'intérêt du groupe, ont agi de la manière
suivante :

 - La société des Grands Moulins Maurel et la société Semoulerie de


Normandie ont démissionné de leurs fonctions au conseil de surveillance
tandis que les actionnaires de la société Rivoire & Carret Lustucru étaient
convoqués à une assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement le 18
mai 1981 ;
 - que lors de cette assemblée (en l'absence de Jean, Robert et Bruno Cartier
Millon), Jean Cartier Millon a été révoqué de ses fonctions de président du
conseil de surveillance et trois nouveaux membres appartenant au groupe
Cohen Skalli ont été nommés :

Robert Cohen-Skalli, Oscar Goldstein et Albert Cohen-Skalli désigné comme


président de cet organisme.

21
Considérant que le 4 juin une nouvelle assemblée générale se réunit
extraordinairement au cours de laquelle les actionnaires décidèrent de mettre fin aux
fonctions de M. Bruno Cartier Millon au sein du directoire ; que le conseil de
surveillance, réuni le même jour, nommait un directoire homogène ne comprenant que
des membres du groupe Cohen-Skalli :

MM. Pierre Cohen Skalli

Bernard Cohen Skalli

Georges Zimeray

Considérant que cette prise de pouvoir par les actionnaires majoritaires malgré l'abus
relevé à l'égard de Jean Cartier Millon est pour l'essentiel conforme aux règles de
fonctionnement des sociétés anonymes et non contraire aux statuts de la société
holding, qu'elle ne saurait constituer un abus de majorité compte tenu des
circonstances de fait dans lesquelles elle est intervenue ;

Considérant en effet qu'elle n'a pas été dictée par la volonté de faire prévaloir
abusivement les intérêts d'une filiale par rapport à l'autre, mais par le désir de tenter
d'appliquer la politique préconisée par un organisme tiers dans l'intérêt du groupe, face
à l'obstruction plus ou moins avancée de certains dirigeants de la société holding
appartenant en même temps à la filiale dont la fermeture d'une des unités de
production, peu performante, aurait dû être envisagée.

Considérant certes que les événements ci-dessus rappelés traduisent une mésentente
grave entre les associés, mise encore en évidence par l'introduction de la présente
procédure et de procédures annexes, dont l'une a été engagée par les consorts Cartier
Millon « au sujet des achats de semoule imposés à la société Lustucru à un prix trop
élevé. » ;

Mais considérant d'une part que cette mésentente ne sera pas de nature à empêcher le
fonctionnement normal de la société holding dotée d'organes de Direction homogènes
lorsque la mesure provisoire de blocage des actions de cette société dans sa filiale
Lustucru aura été levée et considérant d'autre part que la source de cette mésentente ne
peut être trouvée contrairement à ce que soutiennent les consorts Cartier Millon dans
le prix des semoules vendues à la filiale Lustucru puisque ce prix a fait l'objet
d'adaptation concertée au cours des réunions du conseil de surveillance et du directoire
du holding et que les premières critiques de cet ordre n'ont été formulées qu'après le
début de la crise ;

Considérant dans ces conditions que les appelants ne peuvent trouver dans le
comportement des consorts Cohen Skalli la cause de difficultés rendant leur attitude
légitime ;

que les consorts Cartier Millon étant en définitive à l'origine du désaccord en raison de
leur résistance à la mise en application des mesures destinées à préserver les intérêts
supérieurs du groupe ne peuvent l'invoquer pour obtenir une dissolution qui ne
s'impose pas et à laquelle les consorts Cohen Skalli s'opposent ;

22
Considérant enfin, sur le plan économique, que grâce à la création de la société
holding s'étaient noués des liens industriels et commerciaux en évolution constante et
dont la rupture définitive aurait de lourdes conséquences ;

Qu'en effet, malgré les divergences actuelles, l'objectif initial de rapprochement des
sociétés Rivoire & Carret et Lustucru, pour mieux résister à la concurrence conserve
toute sa valeur compte tenu du dynamisme d'autres groupes français et des difficultés
sérieuses que connaissait chacune des filiales ;

Considérant en conséquence que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté


les appelants de leurs demandes principales ;

Par ces motifs :

 - Confirme le jugement rendu le 8 septembre 1983 par le tribunal de commerce


de Marseille, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de Jean
Cartier Millon et fait application de l'article 700 du NCPC.
 - Constate que la disposition de l'arrêt de la CA d'Aix en Provence du 18 mai
1984 qui a condamné la SA Rivoire & Carret-Lustucru à payer un franc de
dommages-intérêts à Jean Cartier Millon pour révocation abusive est passée en
force de chose jugée.

23
6. T. com. Paris 28 juillet 1986, Zylberg Bidermann et autre c/ Primisteres

cession - cession d'actions - convention réglant le comportement des membres du


pacte en cas d'OPA - engagements d'achat - validité

(Extraits)

I) Au moment où se sont déroulés les événements qui ont conduit au présent litige,
Radar SA, Société holding ayant subi des pertes considérables avait dû céder une
partie importante de son actif, notamment ses hypermarchés, et recentrer son activité
sur les trois domaines du succursalisme, des grands magasins et de l'immobilier.

Son capital était essentiellement détenu par quatre groupes :

 - Les Galeries Lafayette pour 29,28 %


 - Cora-Revillon pour 21,06 %

 - Gestimo (IDI) pour 17,21 %

 - Auxim et SFM (CCF) pour 12,16 %

auxquels s'ajoutait le groupe familial Gompel 2,96 %.

L'ensemble de ces actionnaires représentait ainsi un total de 82,67 %.

Ils étaient désireux de supprimer ou de réduire leurs participations. C'est ainsi que, en
commun ou séparément, ils avaient engagé des pourparlers avec les dirigeants de
Primisteres SA, et que ces pourparlers ont abouti à la conclusion de deux types
d'accords.

D'une part, entre les 4 et 7/11/85 et suivant une rédaction uniforme des options
irrévocables ont été conférées à Primisteres SA, par Cora-Revillon, Gestimo (IDI),
Auxim et SFM (CCF) sur la totalité des titres de Radar SA qu'ils détenaient, au prix
unitaire de 190 F.

Ces options étaient assujetties à la condition suspensive de l'obtention par Primisteres,


devenue Société étrangère, de l'autorisation de la Direction du Trésor, avant le 31/1/86
au plus tard.

Les accords prévoyaient en outre une démarche commune auprès de la Chambre


Syndicale des Agents de Change afin de déterminer les modalités de prise de contrôle
de Radar SA par Primisteres. Ils comportaient ainsi l'engagement des promettants de
signer un contrat optionnel pour le cas où la procédure correspondante serait retenue.

D'autre part, dans une lettre du 5/11/85, les Galeries Lafayette ont déclaré accéder à un
double désir exprimé par Primisteres.

24
Elles ont, en premier lieu, donné accord pour, aux mêmes conditions de prix que celles
acceptées en tout ou partie par les actionnaires ayant consenti des options, céder à
Primisteres la quotité de leur participation qui lui serait nécessaire pour contrôler, si
elle le souhaitait, le capital de Radar SA, à hauteur de 67 %.

En second lieu, les Galeries Lafayette, répondant au voeu de Primisteres de les voir
conserver, à ses côtés, leur participation dans Radar « à raison de la synergie qui
pourrait en résulter », ainsi qu'à son intention « d'affilier certains de ses magasins à
leur organisation », ont confirmé leur accord pour cette affiliation, affiliation à ses
services d'achat et en particulier à des Sociétés de service du groupe Monoprix, pour
ce qui concernait dix magasins de la région parisienne, aux conditions définies par une
annexe.

Cependant que se poursuit à la Direction du Trésor l'instruction de la demande


d'autorisation, les parties ont pris contact avec la Chambre Syndicale des Agents de
Change pour que soit exercé un choix entre la procédure de négociation d'un bloc de
contrôle et celle de l'Offre Publique d'Achat (OPA).

Les autorités boursières choisissent en l'espèce la procédure de l'Office Publique


d'Achat.

C'est pourquoi, avant que l'autorisation de la Direction du Trésor ait été délivrée le
28/1/86, la Société Générale et la BAIL ont saisi officiellement la Chambre Syndicale
des Agents de Change de l'Offre Publique d'Achat de Primisteres sur Radar SA, la
Chambre Syndicale a fait admettre à l'initiateur de porter le prix unitaire de son offre
de 190 à 210 F.

L'OPA de Primisteres est rendue publique, le 5/2/86, par l'avis n° 86-198 de la


Chambre Syndicale. Elle porte sur toutes quantités de titres de Radar SA, sous la
condition qu'un nombre minimal correspondant à 50,44 % du Capital soit proposé,
l'initiateur de l'offre se réservant, au cas où ce pourcentage ne serait pas atteint,
d'acquérir où de ne pas acquérir les titres présentés.

La note d'information précise que le groupe des actionnaires mentionnés plus haut,
représentant 53,4 % du Capital, s'est engagé à apporter ses titres en réponse à l'offre.
Elle indique qu'il est convenu avec les Galeries Lafayette qu'elles apporteront à
Primisteres, si cette société le demande, le nombre d'actions susceptible de lui
permettre de contrôler 67 % du capital de la Société Radar.

C'est alors que, le 6 février 1986, la banque de la Société Financière Europe et la


Banque Stern saisissent la Chambre Syndicale d'un projet concurrent de l'OPA de
Primisteres, formé par Monsieur Zylberg Bidermann, qui avait exprimé précédemment
son intérêt pour Radar à des actionnaires et, aussi aux pouvoirs publics. Le prix offert
de 230 F, sera porté le 3 mars à 250 F.

L'offre concurrente est déclarée recevable le 25/2/86 par la Chambre Syndicale des
Agents de Change et elle fait l'objet de l'avis n° 86-323 du même jour - Monsieur
Bidermann s'engage à acquérir, au prix indiqué plus haut, tous les titres présentés si
leur nombre correspond à 67,96 % du capital de Radar SA. Au cas où ce pourcentage
ne serait pas atteint, l'initiateur déciderait s'il donne suite à l'opération. Si ce

25
pourcentage était dépassé, l'initiateur se porterait acquéreur de tout le surplus offert
aux mêmes conditions de prix.

Le 28/2/86, la Chambre Syndicale publie un avis n° 86-350 faisant le point de la


situation, elle précise :

Que Primisteres a maintenu les termes de son offre ainsi que son calendrier, en
confirmant l'engagement déjà exprimé d'un maintien de cours au niveau de 210 F
pendant les 15 séances de bourse qui suivraient la publication du résultat,
éventuellement négatif, de l'OPA concurrente.

Que Primisteres a fait connaître que trois des principaux actionnaires de Radar, les
Galeries Lafayette, Gestimo-IDI et le CCF, détenant ensemble 58,65 % du capital de
Radar au 13/11/85, lui avaient confirmé leur décision de présenter leurs actions à
l'OPA originaire, dès que le maintien de celle-ci aurait été confirmé.

Que pour permettre de dénouer une situation conflictuelle dommageable aux sociétés
concernées, à leur personnel et à leurs actionnaires, la Chambre Syndicale a pris
plusieurs décisions d'organisation dont celles de demander aux actionnaires
mentionnés plus haut, de lui confirmer leur décision, et celle de faire connaître, le 12
mars, les mesures arrêtées pour préserver les intérêts de la Société Radar.

Pendant ce temps, après qu'il ait fait interroger la COB, sans obtenir de réponse
satisfaisante à ses yeux, sur le point de savoir si le dépôt de son offre concurrente a
rendu caduques les options des actionnaires de Radar, Monsieur Bidermann engage
deux instances en référé pour obtenir, d'abord que lui soit communiqué le texte des
accords de novembre 1985, ensuite, que soit prononcé le séquestre des actions Radar à
raison de la seconde action la COB décide de reporter les opérations au 20 mars. En
première instance dans le premier cas, en première instance et en appel dans le second
cas, les demandes sont rejetées.

Les 2 et 11 avril 1986, la Chambre Syndicale, enfin, a publié les avis de résultat des
deux OPA : celle de Primisteres l'a emporté avec 920 508 actions reçues et Monsieur
Bidermann a décidé de ne pas donner suite a son opération.

II) C'est dans ces circonstances que Monsieur Bidermann et France Valeurs ont décidé
de saisir au fond ce tribunal.

III) Sur les demandes de Monsieur Bidermann et de France Valeurs :

Sur le comportement de Primisteres SA, à l'égard de ses cocontractantes et des


actionnaires minoritaires :

A l'appui de l'importante demande de dommages-intérêts qu'ils se réservent de


présenter à l'encontre de Primisteres SA, et s'appuyant sur les principes qui imposent
la Décision Générale du 25/7/78 aux initiateurs d'Offres Publiques, M. Bidermann et
France Valeurs reprochent d'abord à Primisteres SA d'avoir de mauvaise foi, prétendu
se prévaloir d'options préalables alors qu'à leurs yeux, la survenance de leur OPA
concurrente frappait désormais ces engagements de caducité ; et ainsi d'avoir faussé le
déroulement de l'opération en contraignant les actionnaires précédemment engagés à

26
son égard à exécuter les accords antérieurs ainsi que d'avoir simultanément, entraîné la
violation de la règle d'égalité entre les actionnaires, notamment les actionnaires
minoritaires.

M. Bidermann et France Valeurs reprochent aussi à Primisteres SA d'avoir violé la


règle essentielle de l'information complète du public et des actionnaires en dissimulant
à la COB l'existence d'avantages particuliers consentis à l'une de ses cocontractantes et
en empêchant ainsi leur mention dans la note d'information visée par cet organisme,

Ces deux questions seront donc examinées successivement :

1°) Sur la mise en oeuvre par Primisteres des engagements antérieurs malgré les
Offres Publiques et ses conséquences sur les actionnaires minoritaires :

Les demandeurs estiment qu'il y a incompatibilité radicale entre, d'une part, des
options irrévocables consenties à un repreneur potentiel par des actionnaires, surtout
majoritaires et, d'autre part, le lancement d'une Offre Publique d'Achat par ce
repreneur devenu initiateur.

Cette incompatibilité est particulièrement évidente, à leurs yeux dès lors que, dans la
logique de l'institution, une OPA concurrente a été initiée à un prix supérieur à celui
de l'OPA originaire.

Il serait, pour les demandeurs, choquant et absurde de mettre en oeuvre le jeu des
enchères et de libre concurrence que comporte nécessairement le mécanisme de l'OPA
alors que la majorité des actionnaires - en l'espèce la majorité des deux tiers - resterait
contrainte de s'en tenir à l'offre originaire, donc de ne pas présenter ses titres à l'offre
concurrente, nettement plus intéressante, en vouant d'avance celle-ci à l'échec et en
privant ainsi du prix du meilleur enchérisseur les actionnaires minoritaires et non liés.

A l'appui de ces considérations qu'ils estiment de bon sens et d'équité, les demandeurs
font valoir plusieurs éléments, après avoir condamné « l'ambiguïté » des réponses de
la COB aux questions qu'eux-mêmes ou leurs banques présentatrices lui avaient
posées.

Dans sa décision générale du 25/7/78, reprenant d'ailleurs un principe du Code de


Conduite Européen annexé à la recommandation de la CEE en date du 27/7/77, la
COB insiste sur la nécessité, notamment pour les dirigeants, de ne pas empêcher que
tous les actionnaires soient placés, dans les faits comme en droit, dans des conditions
identiques, Or, il y aurait eu, en l'espèce, disparité entre les actionnaires et les
hésitations de Cora-Revillon en seraient l'aveu.

La COB dans une recommandation émise en janvier 1976, a déclaré souhaitable qu'un
engagement irrévocable antérieur à l'OPA soit au moins souscrit sous réserve d'une
offre concurrente. Ce non-respect de ce voeu par Primisteres constituerait un
manquement de sa part et permettrait à certains actionnaires de monnayer leur position
dominante contre des avantages particulier.

De toute façon, en lançant une OPA à 210 F l'action, l'initiateur Primisteres aurait
renoncé à se prévaloir des options consenties à 190 F l'action. En rehaussant son prix

27
qui représentait un élément essentiel des options, Primisteres aurait « extériorisé » sa
renonciation.

En outre, l'article 195 du Règlement de la Chambre Syndicale, édicte que la


publication à la cote officielle d'une OPA concurrente rend nuls et non avenus les
ordres de vente adressés aux intermédiaires ensuite de la publication de l'offre
antérieure, M. Bidermann et France Valeurs estiment que cette règle s'applique aux
engagements de vente passés entre l'initiateur de l'OPA initiale et des actionnaires.

Enfin M. Bidermann dit ne pas comprendre que les options irrévocables et majoritaires
conférées à Primisteres aient abouti à une OPA et non à une négociation de bloc de
contrôle. Il critique la mention par Primisteres des accords litigieux, « nuls ou
inefficaces », dit-il, dans la Note d'Information visée par la COB car elle aurait vicié le
consentement de bon nombre d'actionnaires.

Les défenderesses Primisteres, Galeries Lafayette, Gestimo, Auxim et SFM sont en


total désaccord avec les demandeurs. Les autorités boursières, selon elles, considèrent
comme entièrement régulières les OPA assorties d'options irrévocables par des actions
majoritaires et accompagnées de l'exécution normale de leurs engagements par ces
actionnaires. Elles affirment que de telles OPA sont courantes.

S'il est vrai, ajoutent-elles, que la COB estimait souhaitable en 1976 qu'un engagement
irrévocable antérieur à l'OPA fût souscrit sous réserve d'une offre concurrente, il s'agit
d'un voeu, non d'une instruction et il résulte à contrario de la recommandation qu'en
l'absence de la réserve suggérée, l'engagement irrévocable produit tous ses effets face
à une offre concurrente.

Les défenderesses mentionnées plus haut critiquent l'invocation par les demandeurs de
la décision générale du 25/11/78 et du Code de Conduite Européen sur la nécessité
d'offrir des conditions identiques à tous les actionnaires alors que, selon elles, l'OPA
litigieuse a respecté scrupuleusement cette règle.

L'élévation de 190 F l'action - prix convenu à 210 F l'action, qu'a acceptée Primisteres
avant l'OPA, sur la demande de la Chambre Syndicale, n'a rien changé, d'après ces
défenderesses, à l'irrévocabilité des engagements contractés. Elle n'aurait manifesté de
la part de l'initiateur aucune renonciation à s'en prévaloir, comme l'auraient montré ses
appels ultérieurs au respect de leurs engagements par les auteurs des options. Pour ces
derniers, le rehaussement du prix convenu aurait été une bonne nouvelle qu'ils
n'auraient fait aucune difficulté pour accepter.

Enfin, les défenderesses estiment très opportune l'annulation automatique, dans le


cadre de l'art. 195 du Règlement, des ordres de vente passés par des actionnaires au
prix de l'OPA originaire lorsque se manifeste une OPA concurrente car, en suppléant à
la passivité de certains actionnaires, elle met les deux offres sur le même plan.

En revanche, disent-elles, il n'existe aucune assimilation possible entre un ordre de


vente unilatéral et un engagement irrévocable accepté par un repreneur, devenu
initiateur d'une OPA. C'est pourquoi la règle dans ce cas, amènerait seulement l'auteur
d'un tel engagement à le respecter en renouvelant ses ordres de vente en faveur de son

28
cocontractant autant de fois qu'ils auraient fait l'objet d'une annulation automatique en
vertu de l'art. 195.

 - La Société Générale fait sienne l'argumentation de Primisteres.


 - La BAII et Cora-Revillon s'en rapportent à Justice.

Au moment des faits, cette dernière, constatant que la validité de ses engagements du
4/11/85 faisait l'objet de sérieuses contestations sur le plan juridique, a estimé dans
une lettre du 6/3/86 adressée à l'initiateur « ne pas pouvoir exécuter ses engagements
tels qu'ils avaient été formulés, sans risquer de porter atteinte aux intérêts des petits
actionnaires de Radar. Elle ajoutait qu'elle avait dès lors décidé de faire abstraction de
ces engagements, de se déterminer en se plaçant uniquement dans le cadre de l'OPA
et, sous le bénéfice des dispositions qui pourraient être appliquées en faveur des
actionnaires autres que ceux du bloc majoritaire, d'apporter ses titres à l'offre publique
de Primisteres.

Sur quoi :

1. a) Attendu que ce tribunal s'est reconnu plus haut incompétent pour statuer sur
le problème de la nullité de l'OPA, qui résulterait pour l'essentiel du maintien
d'options éventuellement caduques face à des offres publiques.

Attendu en revanche, qu'il doit, pour apprécier le caractère fautif ou non de


l'attitude de Primisteres, examiner la réglementation d'ordre général instituée
par la Commission des Opérations de Bourse et les décisions spécifiquement
prises par les Autorités Boursières dans la présente espèce.

Attendu qu'à cet égard, il est clair, dans l'état présent de la réglementation, que
les autorités boursières considèrent l'initiation d'une OPA, puis la survenance
d'une OPA concurrente comme n'affectant pas la validité d'engagements
irrévocables antérieurs au déclenchement de ces procédures ; et que, si elles
souhaitent l'inscription d'une réserve d'offre concurrente dans les engagements
irrévocables pris antérieurement à l'OPA, elles n'ont pas entendu, à ce jour,
l'imposer aux cocontractants,

Qu'ainsi, la Décision Générale du 25/7/78 a prescrit aux initiateurs d'indiquer


dans leurs notes d'information « les accords existant, à la connaissance des
Conseils d'administration respectifs sur les titres de la Société visée lorsqu'ils
peuvent avoir une incidence sur l'issue de l'opération (notamment,
engagements d'achat ou de vente...) les mêmes précisions sont publiées sans
délai, lorsque des accords sont conclus en cours d'offre, après l'établissement
de la note d'information ».

Attendu que ce texte s'est trouvé confirmé, littéralement, en plein déroulement


des OPA litigieuses, par la publication, le 13 mars 1986, du nouveau
Règlement n° 86-91 de la COB.

Et, qu'en imposant la mention des engagements d'achat antérieurs et même de


ceux qui seraient pris en cours de procédure, dès lors qu'ils peuvent avoir une

29
incidence sur l'issue de l'opération, la COB, en admet sans conteste la validité
maintenue face à des Offres Publiques.

Attendu, d'autre part que la prééminence de l'engagement de droit civil


antérieur à l'OPA est admise par les autorités boursières puisqu'une
interprétation contraire impliquerait la caducité des engagements d'achat
antérieurs alors qu'aux yeux de la COB ils sont susceptibles d'influer sur l'issue
de l'opération ;

Attendu que les autorités boursières sont mêmes allées plus loin dans cette voie
puisque, dans une espèce semblable (Banque Lazard, Ruche Picarde, Docks de
France) la Chambre Syndicale a déclaré le 31/1/80, l'offre concurrente
irrecevable, en fondant son rejet, dit l'ouvrage de Monsieur Pierre Bezard («
Les offres publiques d'Achat Masson, éditeur p. 67 ») sur le fait que les
actionnaires majoritaires de la Société visée, détenteurs ensemble de 55,47 %
de cette société, informés de cette surenchère, avaient confirmé qu'ils ne
voulaient pas y donner suite et qu'ils maintenaient leur décision d'apporter
leurs titres en réponse à l'OPE initiée par les Docks de France.

La Chambre relevait d'ailleurs que ces majoritaires avaient donné l'ordre


irrévocable de présenter leurs titres en réponse à cette OPE...

La Chambre Syndicale a considéré qu'il n'y avait pas lieu pour elle, dans ces
conditions, d'accepter la demande de surenchère faite par les initiateurs de
l'OPA concurrente dont la prise en considération risquait de perturber
anormalement le marché,

On relèvera, ajoute Monsieur Bezard, que les auteurs de la surenchère


n'avaient, devant l'attitude des majoritaires, aucune chance de prendre le
contrôle de la société ».

Attendu qu'au plan des décisions spécifiques à cette espèce, l'attitude des
autorités boursières a été conforme à la réglementation qu'elles appliquaient
précédemment et que, même si la réponse faite au nom du Comité de
Surveillance des Offres Publiques à Monsieur Bidermann s'est entourée de
circonlocutions de style administratif, elles ont assuré la poursuite des
opérations jusqu'à leur clôture, sans donner satisfaction aux requêtes de
l'initiateur de l'offre concurrente, et en imposant seulement à celui de l'offre
originaire diverses mesures pour permettre aux actionnaires de prendre leur
décision en tout état de cause.

2. b) Attendu, cela constaté, qu'à l'égard des actionnaires, ses cocontractants, il


convient de noter que Primisteres SA, a agi dans la logique d'une validité
maintenue des accords antérieurs passés avec eux, qui était celle des autorités
boursières ;

Qu'au surplus, il y a lieu de remarquer :

Que Cora-Revillon (21,06 % du capital), estimant devoir faire abstraction de


tout engagement antérieur, n'en a pas moins, pour des raisons qui lui

30
appartiennent, apporté et maintenu ses titres à l'OPA de Primisteres que les
Galeries Lafayette, engagées seulement à hauteur de la différence entre 67 %
du capital et les 53,4 % déjà garantis par les auteurs des options irrévocables,
ont, finalement, apporté et maintenu la totalité de leur part de capital, soit
29,28 % à l'OPA de Primisteres ; et qu'ainsi plus de 36 % du capital
appartenant au groupe majoritaire ont été apportés à cette OPA sans référence
à un engagement antérieur.

Que pour le reste, les actionnaires engagés avec Primisteres n'ont pas plus que
cette dernière, considéré comme un facteur d'annulation ou de novation
libératoire l'élévation à 210 F du prix unitaire convenu que la Chambre
Syndicale a fait accepter par l'initiateur ; que, dans le courant de l'opération,
ces mêmes actionnaires n'ont pas cherché à revenir sur leur décision afin de
tirer un meilleur rapport de leurs titres et qu'ils ont maintenu cette position au
cours de la présente procédure.

Attendu qu'il y a là des décisions dont, sous le contrôle habituel de leurs


propres actionnaires, elles sont les seuls juges, et qu'une réforme de la
réglementation, sans doute souhaitable, si elle entraînait la caducité des
engagements antérieurs à une OPA ne pourrait évidemment avoir pour effet de
contraindre les actionnaires précédemment engagés, à apporter leurs titres à
l'offre la mieux disante ;

3. c) Attendu, enfin, qu'à l'égard des actionnaires minoritaires et s'il n'est pas
discutable que ceux-ci, comme les majoritaires, auraient eu un intérêt
pécuniaire à retirer de leurs titres, le prix de 250 F de l'offre, concurrente, il
reste que, la réglementation appliquée étant ce qu'elle est, des conditions
identiques ont été offertes à l'ensemble de l'actionnariat et que les mesures
prises ont permis aux actionnaires, ayant répondu à l'offre concurrente qui
avait échoué, d'apporter leurs titres à l'OPA qui l'avait emporté.

(...)

Par ces motifs : Le tribunal statuant en premier ressort par jugement contradictoire.
(...)

En conséquence, se déclare incompétent sur ce point et renvoie les demandeurs à se


mieux pourvoir.

Dit recevables les autres demandes de Monsieur Zylberg Bidermann et de la société


France Valeurs.

Les dit mal fondées en l'état présent de la réglementation, quant aux griefs relatifs au
maintien par la société Primisteres de l'effet des engagements antérieurs aux Offres
Publiques et aux conséquences de ce maintien.

31
7. Cass. com. 24 février 1987, Sté Lustucru et autres c/ Robert Elie
Cohen-Skalli et autres

Groupe de sociétés - clause relative à la gestion - convention extra-statutaire - société


holding - protocole visant la constitution puis la répartition des sièges au sein du
directoire et du conseil de surveillance - validité - absence d'effet du fait de la
constitution de la holding

(Extraits)

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris 18 juin 1986), rendu sur
renvoi après cassation, que suivant un « protocole d'accord » du 27 octobre 1967 (le
protocole), les trois sociétés du groupe Rivoire et Carret, d'une part, la société
Lustucru et les membres de la famille Cartier-Millon, ses actionnaires principaux,
d'autre part, ont décidé d'organiser une gestion commune de ces entreprises par la
création d'une société holding chargée de déterminer la politique du nouveau groupe ;
que, selon ce protocole, le holding serait doté d'un conseil de surveillance et d'un
directoire dont les parties à l'accord se partageraient les mandats ; que la société
holding Rivoire et Carret-Lustucru a été créée le 19 juillet 1968 ; qu'en 1971, les
actions détenues par les membres de la famille Carret ont été cédées aux sociétés
Semoulerie de Normandie et Grands Moulins Maurel, dont la majorité des actions est
détenue par la famille Cohen Skalli, qui ont ainsi acquis plus de la moitié des actions
de la société holding ; qu'à la suite de difficultés financières et après consultation d'un
cabinet de conseils, il a été envisagé une restructuration du groupe ; que les
représentants des sociétés Lustucru et en particulier les membres de la famille Cartier-
Millon ont exprimé leur opposition aux modifications de structure recommandées ;
qu'à la suite d'assemblées générales du holding, les membres de la famille Cartier-
Millon ont été écartés de leurs postes au conseil de surveillance et au directoire pour
être remplacés par les membres du groupe Cohen Skalli ; qu'ils ont introduit une
instance tendant à faire prononcer la « résiliation » du protocole ainsi que l'annulation
de la société holding ou, subsidiairement, la dissolution de la société pour justes
motifs, et des dommages-intérêts pour révocation abusive de M. Jean Cartier-Millon ;
que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, infirmant une décision du tribunal de
commerce de Marseille, leur a donné satisfaction, mais que cette décision a été
cassée ;

Attendu qu'il est reproché à la Cour de renvoi, qui a confirmé le jugement, d'avoir
rejeté les demandes en nullité du protocole et de la société holding Rivoire et Carret-
Lustucru en donnant une interprétation insuffisante et erronée des conventions, alors,
selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit donner ou restituer leur exacte
qualification aux faits et actes litigieux ; qu'une convention comportant des
dispositions relatives à la répartition des postes entre deux groupes d'actionnaires au
sein des organes dirigeants d'une société anonyme s'analyse en une convention de
contrôle, destinée à régir l'exercice du pouvoir effectif de direction des affaires
sociales ; qu'il résulte en l'espèce des propres termes de l'arrêt attaqué que le protocole
litigieux comportait non seulement des dispositions relatives à la création de la société

32
holding mais prévoyait aussi « le nombre et la répartition des sièges entre les
représentants des composants du groupe au sein du directoire et du conseil de
surveillance » ;

qu'en relevant néanmoins que l'objet du protocole avait été épuisé par la constitution
de la société holding et que ses dispositions ne pouvaient dès lors plus s'imposer aux
signataires ou aux tiers, la cour d'appel a méconnu l'obligation qui lui est faite de
donner à la convention litigieuse son exacte qualification, en violation de l'article 12
du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que, selon les termes de
l'arrêt attaqué lui-même, le protocole prévoyait, d'une part, les modalités du
rapprochement des deux groupes par la création d'une société holding et, de l'autre, le
nombre de sièges au sein des organes dirigeants et la répartition de ceux-ci entre les
deux groupes d'actionnaires ; que la cour d'appel n'en a pas moins considéré que le
protocole avait pour seul objet la constitution d'une société holding et qu'il devenait
caduc à la date où cet objet était réalisé ;

qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a amputé la convention de toutes ses


dispositions relatives au pouvoir de contrôle des deux groupes d'actionnaires pendant
la durée de vie de la société, dénaturant par là même les termes clairs et précis du
protocole en violation de l'article 1134 du Code civil, et alors, enfin, que la
contradiction des motifs équivaut à une absence de motifs ; que l'arrêt attaqué
constate, d'un côté, que « les dispositions de l'article 6 du protocole constituaient de
simples modalités de répartitions des sièges... pour assurer dans les meilleures
conditions la gestion du groupe... » et, d'un autre côté, que « la constitution du groupe
était l'objet même du protocole, que la réalisation de cet objet... faisait perdre à cet
accord toute effectivité..., son objet ayant été épuisé... » ; qu'en affirmant dans le
même temps que le protocole prévoyait les modalités de gestion de la société et qu'il
n'avait pour seul objet que la constitution de cette même société, la cour d'appel a
entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau
Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le protocole ayant pour objet
la création, après différentes opérations de restructuration, d'une société holding, a
effectivement été mis en oeuvre d'abord par concentration et transformation des
sociétés du groupe Rivoire et Carret, puis par la constitution du holding Rivoire et
Carret-Lustucru et que les dispositions de cette convention prévoyant le nombre et la
répartition des sièges entre les représentants des composantes du groupe au sein du
directoire et du conseil de surveillance ont été prises en compte lors de l'adoption des
statuts de cette société et de la désignation des mandataires sociaux ; que la cour
d'appel a pu ainsi, hors toute dénaturation et sans contradiction, considérer que la
constitution de la société holding étant l'objet même du protocole, la réalisation de cet
objet avait fait perdre à cet accord tout autre effet, la société n'étant alors régie que par
ses seuls statuts ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

33
8. CA Paris 13 juillet 1988, 1re sect., Sté Emess PLC c/ Sté Thorn EMI
PLC

opérations sur titres de sociétés cotées et opérations de bourse - offres


publiques - offre publique d'achat - offre assortie d'une condition relative à
l'approbation par l'assemblée des actionnaires de l'opération - portée - conseil des
bourses de valeur - décision - nature - offre de surenchère - publicité - annonce non
officielle - validité

(Extraits)

Considérant que le Conseil des Bourses de Valeurs a été saisi de deux demandes
d'offres publiques d'achat sur la société Holophane, l'une de la société Thorn EMI PLC
(au prix unitaire de 1 222,00 Francs), déclarée recevable le 16 mai 1988, l'autre de la
société Emess PLC déposée le 2 juin 1988 (au prix unitaire de 1 500,00 Francs) ;

Que ces deux offres publiques, concurrentes l'une le l'autre, visaient la totalité des
actions composant le capital de la société Holophane ;

Considérant que, pour voir « concrétiser » la seconde offre publique (Emess PLC) et
avant de se prononcer sur sa recevabilité, le Conseil des Bourses de Valeurs a entendu
que soient levées, au préalable, deux conditions suspensives, l'une liée à l'accord de la
Direction du Trésor Public au titre des investissements étrangers en France, l'autre
étant relative à l'approbation de l'opération envisagée par l'Assemblée Générale des
actionnaires de Emess PLC et à l'augmentation de capital destinée à en assurer le
financement ;

Considérant que, le 8 juin 1988, la société Thorn EMI PLC a formé une demande
modificative des stipulations de son offre initiale et ainsi formé surenchère pour un
prix unitaire de 1 725, 00 Francs ;

Considérant, enfin, que, le 14 juin 1988, le Conseil des Bourses de Valeurs a été avisé
par les mandataires de Emess PLC (Le Crédit Commercial de France et la SG
Warburg), établissements bancaires présentateurs de l'offre, que les conditions
suspensives relatives à l'offre publique d'achat étaient « levées » et que, par voie de
conséquence, dès ce même jour (14 juin 1988), était garanti le caractère irrévocable de
l'offre formulée par cette même société Emess PLC, conformément à l'article 181 du
règlement général du Conseil des Bourses de Valeurs ;

Que c'est en cet état que, le 15 juin 1988, le Conseil des Bourses de Valeurs, ayant
déclaré recevable la surenchère de Thorn EMI PLC, a décidé de ne pas reprendre la
cotation des actions Holophane (et EUROPHANE) en Bourse de Paris « dans l'attente
de la décision d'Emess PLC relative à la surenchère de Thorn EMI PLC » ;

Considérant que, par déclaration remise au greffe de la Cour, le 17 juin 1988, la


société Emess PLC a formé un recours contre cette « décision » et en a demandé
l'annulation au motif qu'elle était entachée d'illégalité ;

34
Considérant que, dans le même temps, la société Emess PLC demandait au Premier
Président de la Cour, en application de l'article 5 de la loi du 22 janvier 1988 qu'il soit
sursis à l'exécution de la « décision » du 15 juin 1988, au motif que cette exécution, si
elle était poursuivie, était susceptible d'entraîner pour elle des « conséquences
manifestement excessives » ;

Que cette demande de sursis a été rejetée (ordonnance du 29 juin 1988) (...)

Sur quoi :

(Extraits)

IV sur le mérite au fond du recours

Considérant qu'aux termes de l'article 181 du règlement général du Conseil des


Bourses de Valeurs, l'offre publique d'achat est présentée par lettre adressée au
Conseil « spécifiant sous la signature du ou des établissements bancaires
présentateurs, le caractère irrévocable des engagements pris par l'initiateur et garantis
par lui » ;

Considérant qu'en l'espèce l'engagement a été subordonné à deux conditions, la


première concernant l'obtention de l'autorisation de la Direction du Trésor qui figure
dans l'offre d'Emess PLC, la seconde, faisant résulter l'irrévocabilité des engagements
pris par la société acheteuse de l'obligation pour ses dirigeants de proposer à
l'assemblée générale des actionnaires une résolution visant à décider l'émission de
titres pour rémunérer les vendeurs aux clauses et conditions prévues par l'offre
publique ;

Considérant qu'en assortissant son offre publique d'achat d'une condition relative à
l'approbation de l'opération par l'assemblée des actionnaires d'Emess PLC prévue pour
le 29 juin 1988, cette société a fait dépendre son engagement d'une condition exclue
par le règlement général et qui, plus qu'une condition, apparaît comme un élément
essentiel de la formation du consentement à l'offre puisqu'il s'agit de la décision de
l'organe délibérant et souverain de la société portant sur l'offre elle-même ; qu'elle s'est
donc réservé la possibilité de revenir sur l'offre laquelle n'avait pas, au 2 juin, le
caractère irrévocable requis pour être valablement présentée ;

Considérant que cette analyse est confirmée par les termes de la lettre adressée le 2
juin 1988 au Président du Conseil des Bourses de Valeurs par le CCF et la SG
Warburg SA, établissements bancaires présentateurs de l'offre qui, après avoir
mentionné que le projet était subordonné à l'approbation par l'assemblée des
actionnaires d'Emess PLC dont la réunion était prévue le 29 juin 1988, ont indiqué : «
le CCF et la SG Warburg France SA garantiront alors conformément à l'article 181 de
la SBF le caractère irrévocable de l'offre qu'il est clair que le 2 juin, à défaut d'un
engagement irrévocable, les établissements bancaires n'avaient pas donné leur garantie
à l'offre d'Emess PLC ;

Considérant que le 14 juin 1988, les deux établissements présentateurs ont donné par
lettre au Président du Conseil des Bourses de Valeurs les informations suivantes : « les
conditions suspensives relatives à l'offre qui a été déposée auprès du CBV sont levées.

35
Le CCF et la SG Warburg SA garantissent donc dès aujourd'hui le caractère
irrévocable de l'offre de cette société, conformément à l'article 181 du règlement
général du CBV » ;

Considérant qu'Emess PLC prétend que, le 14 juin 1988, les conditions suspensives
étaient réalisées et que, par l'effet rétroactif attaché à cette réalisation, l'offre devait
être réputée irrévocable, dès le 2 juin 1988 ;

Considérant que si tel peut être le cas de l'autorisation de la Direction du Trésor, il n'en
va pas de même de l'autre condition qui, selon les termes employés par les
établissements présentateurs, a été « levée » ainsi que s'en explique Emess PLC qui
indique avoir obtenu le 14 juin 1988 à titre exceptionnel l'autorisation par le comité
exécutif de l'International Stock Exchange du Royaume Uni et de la République
d'Irlande de lever par anticipation la condition relative à l'approbation de l'assemblée
générale des actionnaires ;

Considérant que seule la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel


l'engagement a été contracté ;

Que la suppression de la condition relative à l'approbation de l'offre par l'assemblée


des actionnaires a seulement permis aux établissements présentateurs de garantir le
caractère irrévocable de l'offre mais seulement à partir du 14 juin 1988, ainsi qu'ils le
précisent dans la lettre adressée au Président du Conseil des Bourses de Valeurs ;

Que ces établissements ne sauraient voir modifier la portée de leur garantie


indispensable à la présentation de l'offre, au-delà de l'engagement qu'ils ont pris, par la
simple invocation de la notion de « rétroactivité » ;

Que, d'ailleurs, le caractère irrévocable de l'offre dépendait moins de la survenance


d'une condition que d'un élément essentiel à la formation de l'offre puisqu'il s'agissait
de la manifestation même de la volonté de l'initiateur par l'approbation de l'assemblée
des actionnaires ;

Considérant qu'en ne faisant plus référence à cette exigence à partir du 14 juin 1988,
Emess PLC a rendu son offre conforme aux règles prévues pour sa présentation, selon
l'article 181 du règlement général, de telle sorte que sa recevabilité pouvait être alors
examinée par le Conseil des Bourses de Valeurs ;

Considérant qu'aucune discrimination ne peut être invoquée par Emess PLC du fait
que les conditions mises par le droit anglais pour la validité d'une OPA présentée par
une société anglaise, ne sont pas prises en compte pour déterminer les conditions de
présentation de cette offre ;

Que toute offre publique visant une société française est soumise à la réglementation
française des offres publiques laquelle s'applique de façon identique et non
discriminatoire aux initiateurs des offres, français ou étrangers et, en l'espèce, aux
deux initiateurs anglais des offres ;

Considérant que le Conseil des Bourses de Valeurs a déclaré le 15 juin recevable la


surenchère faite le 8 juin 1988 par Thorn EMI sur les stipulations de son offre initiale,

36
après avoir rappelé la chronologie des offres, souligné que, pour être « concrétisé », le
projet d'offre d'Emess PLC nécessitait la levée des conditions suspensives et pris acte
de la garantie donnée le 14 juin 1988 par les établissements présentateurs de l'offre
d'Emess PLC ;

Qu'il ressort de cette décision que, le Conseil des Bourses de Valeurs a estimé à juste
titre que le projet d'offre du 2 juin 1988 ne répondait pas aux exigences de l'article 181
du règlement général pour qu'il puisse procéder à l'examen de la recevabilité et a ainsi
conduit à admettre la recevabilité de la surenchère faite par Thorn EMI le 8 juin 1988,
date à laquelle il n'était valablement saisi d'aucune offre concurrente ;

Que la recevabilité de la surenchère a entraîné le rejet implicite de l'offre faite à un


prix inférieur par Emess PLC qui a été invitée par le Conseil des Bourses de Valeurs à
prendre position sur la surenchère ;

Considérant qu'Emess PLC reproche au Conseil des Bourses de Valeurs d'avoir


commis un « détournement » de ses pouvoirs pour rejeter son offre, en raison de
l'existence des promesses irrévocables qui lui auraient été consenties par certains
actionnaires de la société Holophane ;

Que cependant la décision ne fait aucune mention des promesses faites par les
actionnaires de la société Holophane et est suffisamment justifiée par la chronologie
des opérations et la comparaison des offres en présence ;

Que si le Comité de Surveillance des Offres Publiques a jugé utile de rappeler les
principes fondamentaux des offres publiques après avoir eu connaissance d'accords
conclus par des initiateurs d'offres avec certains actionnaires, il n'est pas démontré que
cette prise de position ait exercé une quelconque influence sur la décision du Conseil
des Bourses de Valeurs qui seule est soumise à l'examen de la Cour ;

Que le Conseil des Bourses de Valeurs n'ayant pas eu à se prononcer sur la validité des
promesses faites par les actionnaires, cette question ne saurait être soumise à la Cour
comme il a été dit ci-dessus ;

Considérant qu'Emess PLC soutient qu'en raison des promesses irrévocables qu'elle a
conclues avec les actionnaires de la société Holophane, Thorn EMI n'est plus en
mesure d'acquérir la quantité des titres compatibles avec l'objectif qu'elle poursuit par
son offre et que les actions, objet de promesses, étant indisponibles ne peuvent être
prises en compte pour la surenchère ;

Que toutefois aucun projet d'offre n'ayant été valablement présenté avant le dépôt par
Thorn EMI de la surenchère sur sa propre offre, cette objection ne saurait être
retenue ;

Qu'il convient en outre de rappeler que selon l'article 191 du règlement général : la
surenchère est valable dès lors qu'elle représente un montant en capitaux supérieur
d'au moins 5 % au montant en capitaux de l'offre précédente et que le calcul se fait en
multipliant le nombre de titres que l'initiateur s'engage à acquérir par le prix de l'offre
proposé sans qu'il y ait lieu de prendre en compte une prétendue indisponibilité des
titres ;

37
Considérant qu'Emess PLC invoque enfin le défaut de publication officielle de la
surenchère de Thorn EMI ;

Mais considérant que la surenchère est la modification de l'offre initiale, elle-même


régulièrement publiée et n'a pas été soumise à une règle de publicité particulière ;

Que l'autorisation donnée par le Conseil des Bourses de Valeurs à la société Thorn
EMI de faire publier elle-même les termes de sa surenchère (ce qu'elle a fait le 10 juin
1988) a permis de donner une information suffisante au public et de porter à la
connaissance d'Emess PLC cette initiative de Thorn EMI ;

Qu'aucun des griefs formulés par Emess PLC contre la surenchère présentée par Thorn
EMI ne peut être retenu ;

Par ces motifs :

Statuant en application des dispositions de la loi du 22 janvier 1988 ;

Rejette tous moyens et toutes demandes proposées par la société Emess PLC au
soutien de son recours ;

Dit que la « décision » prise le 15 juin 1988 par le Conseil des Bourses de Valeurs
produira son plein et entier effet.

38
9. CA Angers 20 septembre 1988, 1re ch. A, consorts Cointreau c/
consorts Cointreau et autres

cession - cession d'actions - convention extra-statutaire - clause de préemption - clause


de préférence - validité - durée du pacte

(Extraits)

La société Cointreau et Compagnie a été tout d'abord une société de personnes à


caractère familial, puis une Sarl dont les statuts comportaient pour la cession des parts
une clause d'agrément et de préemption dans le but proclamé de maintenir le caractère
familial de la société. Elle est devenue une société anonyme en mars 1978. Les statuts
de cette société anonyme ne prévoyaient pas de réglementation pour la cession des
actions mais précédemment, par un protocole du 29 décembre 1976, les trois gérants
de la Sarl, Pierre, Max et Robert Cointreau avaient décidé que la répartition du capital
devait être la même que dans la Sarl et qu'il y aurait maintien des clauses d'agrément et
de préemption, puis, par un avenant à ce protocole du 31 mars 1978, que la
réglementation de la transmission des actions de la société anonyme se ferait au
moyen d'un syndicat de blocage formé entre les porteurs des actions.

Le même jour, 31 mars 1978, a été signé entre les actionnaires un acte constituant le
règlement du « Syndicat de réglementation de transmission d'actions de la société
Cointreau Holding » et prévoyant des règles qui sont résumées dans le jugement dont
appel auquel il est référé : en substance la cession d'actions au bénéfice de tiers était
soumise à l'agrément des autres membres du syndicat à la majorité des 2/3.

Entre 1978 et 1982 diverses cessions ont été autorisées (notamment au profit de la
SCI, devenue ensuite Sarl Trocadero Bellevue ; assemblée générale du syndicat du 29
septembre 1980).

Puis deux autres actes sont intervenus le 30 mars 1982 et le 21 juillet 1982, signés
d'une partie des actionnaires de l'époque, intitulés l'un et l'autre « syndicat de
réglementation d'actions de la société Cointreau et Cie SA » décidant l'un et l'autre
qu'il était mis fin à la convention du 31 mars 1978 et à tous les actes et avenants
subséquents. Le premier prévoyait de soumettre toutes les cessions d'actions au droit
de préférence des signataires au prix de la cession projetée ; le deuxième décidait de
soumettre toutes les cessions d'actions à titre onéreux au droit de préemption des
signataires (ou de leurs conjoints ou enfants) au prix de la cession projetée, avec un
délai pour exercer cette préemption ramené de deux mois à 15 jours. Tous deux
stipulaient qu'au cas où plusieurs candidats viendraient à exercer le droit de priorité, le
cédant choisirait son cessionnaire.

Puis des divergences sont apparues. La branche Max Cointreau a été progressivement
exclue de la gestion de la société. La branche Pierre Cointreau, renforcée des groupes
Robert Cointreau puis Mercier, s'est efforcée de faire supprimer toute clause de nature
à entraver la libre cessibilité des actions en convoquant des assemblées conformes aux
règles du syndicat de 1978. L'une, réunie en décembre 1984, n'a pas permis un vote
réunissant les 2/3 des actions ; l'autre, convoquée pour janvier 1986, n'a pu donner lieu

39
à aucun vote, en raison d'une ordonnance de référé prise à la requête du groupe Max
Cointreau.

A la même époque le groupe Max Cointreau (constitué des actuels intimés) a assigné
Pierre et Robert Cointreau pour faire juger que l'acte du 21 juillet 1982 était valide et
que les défendeurs devaient le respecter ; les consorts Mercier, Denis Coullaud et la
société Cointreau étaient assignés en déclaration de jugement commun.

Tous les défendeurs, sauf Denis Coullaud qui s'est abstenu, ont conclu au rejet de ces
prétentions et ont demandé reconventionnellement que soit prononcée la nullité des
actes du 30 mars et du 21 juillet 1982, subsidiairement qu'il soit dit qu'en raison de
leur caractère illimité, il peut y être mis fin par révocation unilatérale, plus
subsidiairement qu'il soit dit qu'ils sont inopposables aux tiers, notamment à la société
Cointreau.

Par jugement du 20 mai 1986 le Tribunal de grande instance d'Angers a dit que l'acte
du 21 juillet 1982 est valide et a plein effet entre les parties qui l'ont signé, qu'il ne
peut être dénoncé que du consentement unanime des contractants. Il a condamné tous
les défendeurs aux dépens.

Ce jugement est frappé d'appel par tous les défendeurs.

La Cour,

Il n'est pas exact de dire que le tribunal a conduit la société Cointreau à une situation
inextricable en validant simultanément trois conventions incompatibles entre elles. De
même, contrairement à ce qu'affirment les appelants dans leurs dernières conclusions
en en tirant des déductions hasardeuses, les intimés n'ont jamais « avoué » qu'il y avait
indivisibilité entre les diverses conventions. Il est seulement question d'une évolution,
chacune des conventions remplaçant la précédente.

Pour plus de clarté ces conventions seront examinées successivement, y compris celle
du 30 mars 1982 que le tribunal n'a pas commentée particulièrement du fait qu'elle
était rendue caduque par la suivante.

I. Convention du syndicat de 1978 :

Elle a été considérée comme validée par le tribunal mais ce dernier a dit qu'elle avait
cessé de s'appliquer en raison du consentement unanime des signataires et que si la
modification n'a pas été réalisée conformément aux règles prévues pour le
fonctionnement du syndicat, il ne pourrait en résulter qu'une nullité relative, couverte
par le consentement de tous. Ces motifs peuvent être complétés par les observations
suivantes :

 - l'acte du 30 mars 1982 qui a déclaré mettre fin à la convention du 31 mars


1978 a été signé par les mêmes personnes que cette dernière sauf Jean Mercier
et Jacques Mercier Cointreau, mais ceux-ci ont signé l'acte du 21 juillet 1982
qui comporte la même résolution de « mettre fin à la convention du 31 mars
1978 et à tous les actes et avenants subséquents ». Il y avait donc bien le 21
juillet 1982 accord de tous les signataires pour supprimer cette convention de

40
1978 et c'est cette volonté qui compte, peu important les formes ; car si en
principe les parties à un contrat doivent pour le modifier ou le supprimer
respecter les règles qu'elles ont édictées elles-mêmes, il en va différemment si
elles sont toutes d'accord pour le supprimer sans formes ;
 - les appelants produisent, certes, l'avis d'un jurisconsulte selon lequel le
contrat innomé du 31 mars 1978 devrait par analogie suivre les règles de
l'institution la plus proche, à savoir le contrat de société, de sorte qu'il ne
pourrait être dérogé pour le modifier ou l'anéantir à la nécessité de réunir une
assemblée selon les formes prévues pour la convention initiale et de recueillir
le vote, l'unanimité réunie d'une autre manière étant inefficace. Mais il est
arbitraire de décider que ce contrat de 1978, dont tout le monde s'accorde à
dire qu'il n'est pas un contrat de société, doit être soumis aux règles des
sociétés, dérogatoires au droit commun. Il est au contraire soumis aux règles
générales des contrats et seules des difficultés de preuve, inexistantes en
l'espèce, pourraient rendre nécessaire de s'intéresser au formalisme ;

 - aucune des parties n'a invoqué un vice de consentement dans sa volonté


exprimée de faire disparaître la convention de 1978. Aucune n'a même changé
d'avis à ce sujet. Au contraire Pierre Cointreau suivi de Robert Cointreau a
encore affirmé cette volonté en convoquant en 1984 une assemblée générale «
du syndicat » avec pour premier point d'une résolution unique qui réunissait
des questions différentes de faire « ratifier les décisions de dissolution du
syndicat prises les 30 mars et 21 juillet 1982 » ratification d'ailleurs superflue ;

 - la convention de 1978 étant abolie d'un commun accord depuis 1982, la


demande nouvelle tendant à ce que soit autorisée « la convocation de
l'assemblée général du syndicat constitué par l'acte du 21 mars 1978 » est sans
objet.

II. Les conventions du 30 mars 1982 et du 21 juillet 1982. Problèmes communs :

Les conventions ne peuvent être déclarées nulles quant à la forme pour absence de
formalités obligatoires ainsi qu'il vient d'être dit.

Les nouvelles règles instaurées le 30 mars 1982 pour la cession des actions n'ont pas
reçu la signature des deux actionnaires Jean Mercier et Jacques Mercier-Cointreau, qui
ne peuvent être considérés comme ayant ratifié cette convention que pour la cessation
de la précédente. Mais la seule conséquence en est que ces règles ne les engageaient
pas, ce qui n'implique aucune nullité de la convention pour ceux qui l'ont signée. Cette
question est sans intérêt puisque quatre mois plus tard était signée la troisième
convention apportant des modifications tout en restant dans le même esprit.

Il est invoqué la nullité des deux conventions de 1982 au motif qu'elles constituent des
contre-lettres par rapport aux statuts.

Il est vrai qu'elles formulent des règles sur la transmission des actions qui ne se
trouvent pas dans les statuts, comme cela a déjà été le cas pour celle de 1978, qui a
expressément été conçue pour cela au moment même de la constitution de la société
sans que personne n'ait manifesté le moindre doute sur sa validité.

41
Mais le motif de nullité serait la fraude à la loi, d'où le recours aux textes généraux :
article 6, 1131 et 1133 du Code civil, et aux textes propres aux sociétés : article 274 et
article 360, paragraphe 2 de la loi du 24 juillet 1966.

L'article 274 de la loi de 1966 concerne l'insertion dans les statuts d'une clause
d'agrément pour la société. L'article 360, paragraphe 2, concerne la nullité d'actes ou
délibérations de la société.

Ces textes, pas plus d'ailleurs que les textes généraux, ne font obstacle à des pactes
extrastatutaires comportant des engagements personnels entre les signataires pour
l'exercice de leurs droits d'associés. Ces pactes n'ont ni le même champ d'application
quant aux personnes ni les mêmes effets que les statuts : de même que les deux
actionnaires n'ayant pas signé la convention du 30 mars 1982 n'étaient pas tenus par
les modalités de cession prévues dans cet acte, de même les ayants cause à titre
particulier des signataires, contrairement aux ayants cause à titre universel (art. 1122
du Code civil), ne sont pas tenus de plein droit des engagements de leur auteur ; ces
conventions ne prévoient d'ailleurs pas comme celle de 1978 des obligations à imposer
aux cessionnaires ; et il est rappelé que les cessions par voie de donation ne sont dans
le dernier état des conventions soumises à aucune limitation ; si bien qu'en définitive
un certain nombre d'actions échapperont au fil du temps au domaine de ces
conventions extra-statutaires. De plus, la violation de ces conventions n'entraîne pas
forcément la même conséquence que la violation d'une clause statutaire, et peut
consister en dommages-intérêts au lieu de nullité selon les cas d'espèce.

D'autre part, c'est à juste titre que le tribunal a constaté que la clause contenue dans les
conventions de 1982 était un pacte de préférence entre les signataires et non une
clause d'agrément par la société. Les conséquences en sont très différentes puisque le
cédant peut vendre quand il veut et au prix qu'il a convenu avec le cessionnaire
potentiel, alors que dans le cas de la clause d'agrément de la loi de 1966 (ou de la
clause d'agrément par le syndicat prévue en 1978), le refus d'agrément se traduit par
une obligation d'achat avec une procédure longue et compliquée pour la fixation d'un
juste prix ; puisque également la personne qui voudrait exercer la priorité n'a qu'un
délai restreint pour exprimer son intention et fournir des garanties équivalentes (acte
de juillet 1982). Il est donc faux que les actions soient devenues « pratiquement
incessibles », ou que l'accord de l'unanimité s'impose pour céder, cette prétendue
unanimité se traduisant par des prises de position individuelles, qui peuvent se
contrarier entre elles, qui exigent des conditions difficiles à remplir, et qui
n'empêchent pas de céder rapidement.

Contrairement à ce qui est indiqué dans les dernières conclusions des appelants, le
tribunal n'a pas dit qu'il fallait réserver les cessions familiales et les cessions aux
salariés, et il n'est pas vrai que les intimés ne peuvent plus contester ce point du fait
qu'ils ont conclu à la confirmation du jugement. Le tribunal a usé d'un motif non
dérisoire qu'il a qualifié lui-même de surabondant, pour envisager sans rien trancher la
possibilité au cas où l'hypothèse se réaliserait d'une limitation des effets de la clause,
cela hors du litige puisque seule la nullité totale des conventions est demandée.

Quant à la discussion instaurée par les appelants sur l'application de la clause entre
actionnaires, elle n'a de sens que si un signataire envisage de vendre à un actionnaire

42
non signataire puisque, en cas de conflit entre les signataires, le cédant choisit celui
qu'il veut.

C'est également à juste titre que le tribunal a dit qu'il n'y avait pas à statuer en fonction
de l'intérêt économique et familial d'ailleurs objet de controverse. Cette controverse se
poursuit et la Cour observe que les intimés font valoir avec pertinence que le caractère
familial de la société n'a pas empêché son développement et des accords commerciaux
importants et que la valeur des actions a plus de chance d'être augmentée que réduite
du fait du pacte de préférence ; et que l'argument selon lequel les actions ne peuvent
être cotées en bourse est discutable, surtout alors que les conventions (non statutaires)
sont extérieures au 20 janvier 1987, date à partir de laquelle la Commission des
opérations de bourse a pris des décisions restrictives pour les clauses d'agrément.

Les causes en nullité invoquées ne peuvent donc être admises pour ces conventions
non statutaires, liant les seuls signataires ainsi que leurs héritiers et ayants cause à titre
universel, pour le seul exercice du droit de préférence en cas de cession d'actions.

III. Convention du 21 juillet 1982. Problèmes propres à cette convention :

Cette convention n'a pas été signée en son temps par Max Cointreau et son groupe, car
il estimait que le délai pour exercer le droit de préférence était trop court. Et il est vrai
qu'encore en 1984 Max Cointreau entendait s'en tenir à la convention précédente.

Mais il est inexact que cette convention incomplète constitue une offre, qui serait
devenue caduque parce que Max Cointreau ne l'a pas signée dans un délai raisonnable.
Au contraire les signataires s'étaient engagés définitivement et il aurait fallu pour que
la ratification de Max Cointreau soit tardive que tous les autres signataires aient déjà
convenu entre eux d'annuler ce contrat.

C'est en vain que Pierre Cointreau invoque le vote de l'assemblée du « syndicat » qu'il
a fait réunir le 13 décembre 1984, en alléguant que ladite assemblée « a refusé » de
ratifier les actes du 30 mars 1982 et du 21 juillet 1982. Selon l'ordre du jour, rédigé
par lui-même, l'assemblée n'était pas réunie pour ratifier ces actes mais pour les
annuler, ce qu'elle a refusé de faire à défaut de réunir la majorité des 2/3 que Pierre
Cointreau estimait nécessaire.

Il apparaît d'ailleurs, d'après les résultats du vote et malgré les obscurités et


contradictions du procès-verbal, que deux des signataires de l'acte du 21 juillet 1982
figuraient alors parmi les opposants, à savoir Jacques et Richard Mercier-Cointreau
(dont le deuxième avait signé également l'acte de mars 1982) et que d'autres
signataires des actes de 1982 se sont abstenus. Il n'y avait donc pas unanimité des
signataires pour mettre fin à ces actes, lesquels restaient donc valables entre eux et
l'étaient lorsque Max Cointreau les a ratifiés.

Si par la suite le groupe Pierre et Robert Cointreau a pu renforcer sa majorité, d'où une
tentative de nouvelle assemblée générale en janvier 1986 pour obtenir « la dissolution
par anticipation du syndicat créé le 31 mars 1978, compte tenu de la nullité absolue
des actes du 30 mars 1982 et 21 juillet 1982 » (ordre du jour aussi critiquable que celui
de 1984 par la réunion dans une même résolution de questions différentes) c'était trop
tard puisque le 22 janvier 1986, lors de la convocation à cette assemblée générale,

43
Max Cointreau a décidé de ratifier l'acte du 21 juillet 1982 et qu'il aurait fallu alors son
accord pour le supprimer.

D'ailleurs si cet acte avait dû être considéré comme nul ou inexistant, il serait resté
celui du 30 mars 1982, plus restrictif quant à la cession des actions donc plus éloigné
encore des voeux du groupe Max et Robert Cointreau.

lV. Question de l'abus de droit :

Le tribunal a remarqué à juste titre que les consorts Max Cointreau n'exercent pas pour
le moment de droits résultant des conventions en litige mais se bornent à en faire
reconnaître la validité, ce qui ne laisse pas d'application pour la théorie de l'abus de
droit. C'est à tort que les appelants qualifient ce raisonnement de « grave confusion »
et soutiennent que les consorts Max Cointreau « affirment leur volonté d'exercer ce
droit pour eux-mêmes et pour le bénéfice de la société Trocadero Bellevue » alors qu'il
ne s'agit pour le moment de rien de tel, et qu'après tout le droit de préférence pourrait
être exercé aussi bien d'un côté que de l'autre.

Dans leurs premières conclusions d'appel, les consorts Pierre Cointreau paraissent
reprocher au groupe Max Cointreau d'avoir été l'instigateur des conventions de 1982,
et de l'avoir été dans son seul intérêt et au détriment de l'intérêt social, en abusant de sa
position de minoritaire. Il est bien précisé que « l'acte est en lui-même constitutif d'un
abus ».

Rien ne prouve que Max Cointreau ait été l'instigateur de l'acte de mars 1982 et il est
en tout cas certain qu'il n'aurait pu imposer à Pierre et Robert Cointreau la signature de
cet acte s'ils ne l'avaient pas jugé aussi conforme à leurs intérêts, et à l'intérêt social,
l'un n'étant pas forcément le contraire de l'autre.

Quant à l'acte de juillet 1982, il n'est pas possible de croire que le groupe Max
Cointreau en a été l'instigateur puisque c'est justement lui qui n'a pas voulu le signer à
l'origine.

L'affirmation que ces actes seraient contraires à l'intérêt social, inopérante et sujette à
controverse (voir plus haut) manifeste un changement d'opinion de Pierre et Robert
Cointreau par rapport aux intentions exprimées successivement par eux en 1976, 1978
et 1982.

Par leurs dernières conclusions les consorts Pierre Cointreau ne situent plus l'abus de
droit au stade de l'élaboration des conventions mais l'imputent à l'acceptation tardive
par Max Cointreau de l'acte de juillet 1982, qualifié d'« offre caduque », qui aurait été
donnée dans le but de nuire, pour bloquer la majorité.

L'acceptation a certes été donnée au moment où la menace se précisait d'une décision


prise à l'unanimité des signataires qui aurait tendu à annuler les conventions de 1982,
mais il n'en résulte pas que cette attitude de Max Cointreau ait été fautive. On ne peut
lui reprocher ni d'avoir voulu mettre en vigueur une convention déjà signée par les
autres parties, ni d'être resté, contrairement aux autres, fidèle à sa conception de
l'intérêt social, ni même de veiller à ses propres intérêts. Pierre et Robert Cointreau

44
sont irrecevables à se prévaloir de leur propre volonté de ne pas respecter leur
signature pour reprocher un abus de droit à celui qui veut le leur faire respecter.

Et, dès lors qu'ils situent maintenant cet abus de droit dans l'acceptation de la
convention de juillet 1982, ils ne peuvent combattre de ce chef celle de mars 1982 qui
reprendrait vigueur pour eux si la suivante était annulée.

V. Autres questions :

En ce qui concerne la durée de la convention, le tribunal a dit à juste titre qu'elle était
calquée sur celle de la société, dès lors que ladite convention concerne les actions de
cette société. Cette durée n'a rien de déraisonnable, étant précisé que contrairement à
ce qu'on lit dans les conclusions des appelants, la prorogation de la durée de la société
n'est pas censée entraîner la prorogation de la durée de la convention puisque les
parties ne pouvaient agir qu'en fonction de ce qui était prévisible, soit la date normale
de la fin de la société lors de la signature.

Par ailleurs, le tribunal a déjà dit que l'acte du 21 juillet 1982 ne pouvait avoir effet
qu'entre les parties qui l'ont signé, ce qui est inhérent à son caractère extra-statutaire.

Le jugement ne saurait être infirmé que sur un seul point : la charge des frais qui ne
peut être laissée à M. Coullaud, lequel ne fait que subir des querelles dans lesquelles il
n'a pris aucune part. Ces frais doivent rester à la charge des autres appelants.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement.

Confirme le jugement sauf sur la question des frais ;

Rejette toutes autres conclusions des parties.

45
10. Cass. com. 7 mars 1989, SA Saigmag c/ Peltié et autres

cession - cessions d'actions - pactes d'actionnaires - clause de


préemption - validité - option d'achat - portée

(Extraits)

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt (CA Paris 23 juin 1987) attaqué que le
28 décembre 1981, M. Schwich, président du conseil d'administration de la société
Schwich et Baizeau (S et B), société holding dont les actions sont cotées à la bourse de
Lyon, a proposé aux actionnaires majoritaires un pacte destiné à renforcer les liens
existant entre eux et organisant une procédure de préemption d'actions ; que ces
actionnaires ont apposé leur signature sur ce document, en particulier, MM. Peltié,
Martinez, Jean-Baizeau, Roger Baizeau, Jullien de Pommerol (les consorts Peltié)
ainsi que MM. Schwich et Dufour ; que les consorts Peltié ont appris par un avis
publié dans la presse par la chambre syndicale des agents de change le 13 août 1986,
que M. Schwich et divers autres actionnaires avaient accordé des options d'achat
irrévocables à la société Saigmag et que celle-ci, pouvant ainsi acquérir le contrôle de
la société S et B, offrait d'acheter en bourse toutes les actions qui lui seraient
présentées, au cours auquel la cession de bloc avait été fixée ; que les consorts Peltié
ont fait défense à la société Saigmag d'acquérir les actions en invoquant leur droit de
préemption et fait connaître à MM. Schwich et Dufour qu'ils étaient tenus de leur
remettre ces actions ; que, n'ayant pas obtenu satisfaction, ils les ont assignés ; que, par
l'arrêt confirmatif attaqué, la cour d'appel a reconnu la validité du droit de préemption
conféré aux consorts Peltié sur les actions de la société S et B qui avaient fait l'objet de
l'option d'achat accordée à la société Saigmag par MM. Schwich et Dufour, a ordonné
à ces derniers de remettre aux consorts Peltié les ordres de mouvement des actions
contre remise du prix et a dit, qu'à défaut d'exécution dans le délai imparti, la décision
vaudrait ordre de mouvement contre consignation du prix ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que les consorts Peltié soutiennent que les moyens du pourvoi formé par la
société Saigmag sont devenus irrecevables, faute d'intérêt à agir au jour où la Cour est
appelée à statuer ; qu'ils font valoir que MM. Schwich et Dufour se sont désistés du
pourvoi qu'ils avaient formé contre le même arrêt après que fût intervenue une
transaction signée entre eux-mêmes et MM. Schwich et Dufour, ainsi que M. Gros
agissant tant en son nom personnel qu'au nom des sociétés S et B, Solep et Sabla ;
qu'aux termes de cet accord, les parties ont renoncé à toutes actions engagées en
relation avec le litige les opposant, MM. Schwich et Dufour déclarant acquiescer au
jugement confirmé par l'arrêt ; qu'il s'en suivrait que le transfert des actions aux
consorts Peltié serait devenu irrévocable et que la situation nouvelle ainsi créée serait
opposable à la société Saigmag et la priverait désormais d'intérêt à agir en vue de
remettre en cause les dispositions de l'arrêt ;

Mais attendu qu'en dépit de la transaction susvisée, à laquelle elle n'était pas partie, la
société Saigmag conserve un intérêt à demander la cassation de l'arrêt attaqué en ce

46
qu'il aurait méconnu ses droits en violation de la loi ; que tel étant l'objet des moyens
proposés, le pourvoi demeure recevable ; (...)

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches, et le quatrième moyen, pris en ses
première, deuxième, cinquième et sixième branches, réunies :

Attendu que la société Saigmag fait aussi à la cour d'appel les griefs, et met en oeuvre
les moyens reproduits en annexe ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la convention de préemption s'appliquait
« en cas de cession d'actions », que ses signataires étaient tenus de ne pas céder leurs
actions à des tiers sans avoir préalablement offert à leurs cocontractants de s'en porter
acquéreur, et que l'engagement pris par MM. Schwich et Dufour en faveur de la
société Saigmag précisait qu'« en cas de levée de l'option, les actions S et B seront
retenues pour une valeur de 300 F et payées en actions Copargest » ; que de ces seules
énonciations, elle a déduit à bon droit, hors toute dénaturation, que les termes de
l'accord couvraient tout transfert de la propriété des actions, et qu'en particulier
l'échange emportait cession des titres à un prix déterminé ; que les moyens ne sont
fondés en aucune de leurs branches ; (...)

Mais, sur le troisième moyen, pris en ses trois branches et les troisième et quatrième
branches du quatrième moyen :

Vu l'article 1142 du Code civil ;

Attendu que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-


intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ;

Attendu qu'après avoir reconnu la validité du droit de préemption des consorts Peltié,
la cour d'appel a ordonné à MM. Schwich et Dufour de leur remettre les ordres de
mouvement dûment signés pour les actions qu'ils détenaient contre la remise du prix
correspondant ;

Attendu qu'en mettant ainsi à néant les conventions passées entre MM. Schwich et
Dufour et la société Saigmag, et en ordonnant la substitution des consorts Peltié à cette
société dans la propriété des actions, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que
l'acquisition des titres de la société S et B faite par la société Saigmag résultait d'une
collusion frauduleuse entre cédants et cessionnaire, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et renvoie devant CA Lyon.

47
11. T. com. Paris 12 février 1991, Sté Fruehauf trailer corp. c/ Sté
SESR, Banexi et autres

assemblée générale - protocole d'actionnaires - convention de


vote - effets - licéité - conditions - respect du droit des associés

(Extraits)

A) Les faits

1. - La société Fruehauf trailer corporation, qui avec 35 997 actions détenait la


minorité de blocage chez la société SESR, a cédé l'intégralité de ses actions le
13 juillet 1989. Cette cession a été considérée comme litigieuse par les autres
actionnaires qui le 3 juillet 1990 ont obtenu de ce tribunal une ordonnance de
référé désignant M. Facques, séquestre de ces actions. tout en leur conservant
leur droit de vote.
2. - La cour d'appel de Paris, par arrêt en date du 12 décembre 1990, confirma
cette ordonnance, restreignant cependant le droit de vote attaché aux actions
séquestrées aux seules résolutions pouvant mettre en cause l'avenir de la
société SESR ou les intérêts propres des actionnaires.
3. - Après requête accueillie par ce tribunal, l'assemblée générale ordinaire devant
approuver les comptes 1989 de la société SESR fut convoquée le 13 décembre
1990 et se tint le 28 décembre 1990 sur un ordre du jour arrêté lors d'un conseil
d'administration tenu en avril 1990.
4. - L'ordre du jour comportant entre autres une résolution prévoyant le
renouvellement en bloc du mandat des neuf administrateurs dont trois
représentaient les intérêts du minoritaire, Me Facques participa à cette
assemblée et y vota lors des résolutions pour lesquelles son vote pouvait être
effectué en respectant les décisions de l'arrêt de la Cour. Cette résolution fut
repoussée par 64 319 voix contre 36 000.
5. - En cours d'assemblée, ce qui fut adopté à l'unanimité, il fut décidé de
procéder à la réélection des administrateurs par résolutions individuelles. Les
trois résolutions concernant la réélection des administrateurs représentant les
intérêts de Fruehauf trailer corporation furent repoussées par 64 319 voix
contre 36 000 et, de ce fait, le conseil ne comporte actuellement que six
membres.

B) Les moyens des parties

1. - La société Fruehauf trailer corporation

1.1. Estimant que ces trois votes négatifs violent les dispositions de protocole
d'actionnaires du 26 mai 1989, elle demande que soit considérée comme
adoptée la résolution ayant repoussé la nomination en bloc des neuf
administrateurs ou à tout le moins que soit ordonnée la convocation d'une
nouvelle assemblée ordonnant aux actionnaires d'élire trois administrateurs
représentant les minoritaires sur une liste de six candidats.

48
1.2. Sa demande est pleinement justifiée car elle est en conformité avec les
dispositions du protocole d'actionnaires du 28 mai 1989 signé par toutes les
parties en cause et qui règle, entre les signataires représentant la quasi-totalité
du capital, notamment les modalités relatives au transfert des actions et leur
nantissement éventuel mais aussi la composition du conseil d'administration
qui doit obligatoirement comprendre :

o - 1/3 d'administrateurs représentant les investisseurs institutionnels ;


o - 1/3 d'administrateurs représentant les investisseurs dirigeants ;

o - 1/3 d'administrateurs représentant la société Fruehauf trailer


corporation,

et les dispositions de ce protocole ne peuvent être modifiées que par un accord


unanime.

1.3. Pour s'opposer à la nomination des trois administrateurs « Fruehauf », les


défendeurs tiennent pour acquis, ce qu'ils ne peuvent bien évidemment prouver
puisque le litige est pendant au fond devant la Cour arbitrale de la chambre de
commerce internationale qu'en cédant ses actions, la société Fruehauf trailer
corporation n'aurait pas respecté les dispositions dudit protocole. Elle a de ce
fait immédiatement saisi la Cour arbitrale de ce nouveau litige connexe à celui
dont elle a déjà connaissance.

1.4. Les nombreuses décisions de tribunaux et d'arrêts de cour d'appel ou de la


Cour de cassation, qu'elle joint à son dossier, montrent à l'évidence que la
jurisprudence a admis fréquemment le bien-fondé des positions qu'elle défend
et que tant le juge des référés que celui du fond ont parfaitement compétence
pour en connaître.

1.5. Depuis mai 1990, les défendeurs ne lui communiquent plus les états
financiers consolidés mensuels qu'elle recevait auparavant. Elle est bien fondée
à les réclamer car cette rétention d'information compromet l'exactitude des
comptes consolidés de sa société mère qui doivent inclure les résultats de la
société SESR et qui doivent être régulièrement communiqués à la SEC
(Services Exchange Comity) équivalent de notre COB.

2. - les défendeurs (Banexi, SESR et autres)

2.1. Ils opposent que le litige dont le fond est actuellement soumis à la Cour
arbitrale de la chambre de commerce internationale est consécutif à la
connaissance d'un document faisant apparaître que la vente par la société
Fruehauf trailer corporation de ses actions SESR n'a pas été réalisée au prix de
56 920 000 USD ce qui est contraire aux dispositions du protocole du 28 mai
1989 car ils ont été ainsi frauduleusement privés de leurs droits de préemption
car au prix où elles apparaissent dans les comptes du cessionnaire, ils auraient
exercé ce droit.

2.2. Ce protocole ne peut trouver application que dans la mesure où aucune


contestation n'existe sur la qualité d'actionnaire des signataires et la société

49
Fruehauf trailer corporation est bien mal venue de se réclamer d'un protocole
dont il a lui-même violé les dispositions. En outre, compte tenu des décisions
ressortant de l'arrêt de la Cour du 12 décembre 1990, il serait paradoxal qu'un
actionnaire privé de droits de vote puisse exercer des pouvoirs au sein du
conseil d'administration contre la volonté de l'assemblée des actionnaires.

2.3. Le juge du fond et a fortiori celui des référés n'ont pas le pouvoir de
renverser la majorité qui s'est prononcée sur une résolution en la défaveur de
celle-ci. Tout au plus peuvent-ils annuler une telle résolution, s'ils constatent
un abus flagrant de majorité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et ordonner la
convocation d'une nouvelle assemblée générale ordinaire ce qui dans le cas de
figure serait inopérant, les décisions n'ayant aucune chance d'être modifiées.

2.4. Un juge ne peut en aucun cas ordonner à une assemblée générale ordinaire
de nommer trois administrateurs sur une liste de six et ce d'autant plus qu'il
s'agit de mandataires sociaux qui ne sauraient être imposés à la majorité d'une
assemblée qui ne leur fait pas confiance.

2.5. La société Fruehauf trailer corporation n'ayant plus d'administrateurs, la


société SESR se bornera à lui communiquer régulièrement les documents
financiers dans les mêmes conditions qu'aux autres actionnaires non
administrateurs.

C) Sur l'exception d'incompétence

Cette exception soulevée par les défendeurs est recevable.

Cependant, il apparaît :

 - que l'existence d'une clause compromissoire ne peut, même si le tribunal


arbitral est déjà saisi, faire obstacle à l'exercice des pouvoirs de la juridiction
des référés, lorsqu'il s'agit, étant donné l'urgence, de prendre éventuellement
des mesures provisoires ou conservatoires (règl. arbitrage chambre commerce
internationale, art. 8-5) ;
 - que cette urgence découle clairement des dires des parties ;

 - que de ce fait cette exception est mal fondée et nous nous déclarerons
compétents

D) Sur ce, nous constatons.

1. - Sur les résolutions de l'assemblée générale ordinaire du 28 décembre 1990 :

1.1. Que la société Fruehauf trailer corporation justifie sa demande d'ordonner


comme adoptée la résolution relative à l'élection « en bloc » des
administrateurs et refusée par la majorité des associés par le non-respect des
engagements pris par toutes les parties présentes à cette instance lors de la
signature du protocole du 28 mai 1989 et qui, entre autres problèmes traités,
vaut convention de vote en ce qui concerne l'élection des membres du conseil
d'administration organe légal de gestion.

50
1.2. Qu'un tribunal peut effectivement annuler des décisions partielles ou
totales d'une assemblée générale ordinaire et ordonner la convocation d'une
nouvelle assemblée pour lui soumettre de nouvelles propositions : qu'il peut
arriver parfois qu'il indique que le contenu d'une résolution ne peut être accepté
tel qu'il fut voté, mais ces prérogatives de modifications éventuelles, ainsi
d'ailleurs que le montrent clairement les extraits de jurisprudence ou de
doctrine présentés par la société Fruehauf trailer corporation, n'ont jamais
concerné que des abus de minorité.

1.3. Qu'un tribunal, même en cas d'abus de majorité, si celui-ci est prouvé, n'a
pas le pouvoir de modifier une résolution prise à la majorité par une assemblée
légalement constituée car il se substituerait aux décisions prises par les
associés dans une assemblée qui est souveraine.

1.4. Que des conventions de vote sont fréquentes et ne sont généralement pas
illicites en soi.

1.4.1. Qu'il n'en reste pas moins que le droit de vote d'un associé est un droit
fondamental de l'associé et qu'il est d'ordre public ; qu'un principe,
incontournable, est que ce droit de vote doit être exercé librement lors de
l'assemblée par l'associé qui doit conserver sa liberté jusqu'au bout.

1.4.2. Que de ce fait, quels qu'aient pu être les engagements antérieurs qu'a pu
prendre l'associé, il reste libre de modifier son vote jusqu'à la dernière seconde
sauf éventuellement à engager sa responsabilité personnelle par rapport à ses
engagements contractuels antérieurs et qui sont étrangers aux dispositions de la
loi de 1966 applicables aux décisions des assemblées.

1.4.3. Que la solution d'un tel problème, qui n'est d'ailleurs pas soulevée en
l'espèce, ne relève pas du référé.

1.5. Que la société Fruehauf trailer corporation sollicite subsidiairement la


convocation d'une nouvelle assemblée ayant pour ordre du jour la nomination
de trois administrateurs représentant le groupe Fruehauf à choisir sur une liste
de six noms.

1.5.1. Qu'il arrive parfois que lors d'une assemblée, on procède à la réélection
des administrateurs par le moyen d'une seule résolution mais qu'une telle façon
de procéder n'est pas conforme aux dispositions de la loi de 1966 car elle peut
entraîner une limitation de la liberté de choix réservée à l'associé.

1.5.2. Qu'en l'espèce, l'assemblée a décidé à l'unanimité de se conformer aux


errements habituels et a finalement voté régulièrement en neuf résolutions
séparées la proposition de réélire chacun des neuf administrateurs ; que la
réélection des administrateurs « Fruehauf » a été refusée par la majorité des
associés ; que n'est pas prouvée la nécessité d'annuler des résolutions qui ne
sont entachées d'aucune irrégularité sur le plan légal et ce d'autant plus que l'on
ne voit pas pourquoi les associés, étant donné la profondeur du litige actuel,
prendraient, en revenant sur leur position, une décision contraire qu'en aucun
cas le tribunal ne peut leur imposer.

51
2. - Sur la communication des états financiers :

2.1. Que les défenderesses justifient leur refus de communiquer à la société


Fruehauf trailer corporation les états financiers habituellement fournis aux
administrateurs par le fait que celle-ci n'a plus de représentants au conseil et
qu'ils ne peuvent de ce fait que réclamer uniquement les documents que la
société SESR doit légalement adresser aux actionnaires lors d'une assemblée.

2.2. Que la société Fruehauf trailer corporation demande que la société SESR
continue à les lui fournir aux motifs qu'elle conteste sa non-réélection des
administrateurs la représentant, et aussi parce que ces renseignements sont
nécessaires à l'établissement des comptes consolidés de sa maison mère qui a
obligation de les transmettre régulièrement à la SEC, et ce manque
d'information, en obligeant sa maison mère à fournir des renseignements
erronés la met en infraction avec la législation américaine.

2.3. Que la société SESR ne fournit plus de renseignements à la société


Fruehauf trailer corporation depuis mai 1990, alors que les mandats
d'administrateurs « Fruehauf » n'ont été renouvelés qu'à l'assemblée du 28
décembre 1990.

2.4. Que compte tenu des errements antérieurs, du litige relatif tant à la
propriété des actions qu'au non-renouvellement des administrateurs « Fruehauf
» dont est saisie au fond la Cour arbitrale de la chambre de commerce
internationale, du préjudice éventuel que pourrait subir la maison mère de
Fruehauf vis-à-vis de SEC et de l'absence de préjudice, sauf à préjuger de la
décision du fond, qu'une telle communication pourrait causer à la société
SESR, la demande de la société Fruehauf à ce titre doit être favorablement
accueillie. (...)

Par ces motifs : Nous déclarons compétent.

Disons n'y avoir lieu à référé quant à la demande de la société Fruehauf trailer
corporation relative aux résolutions votées lors de l'assemblée générale
ordinaire de la société Européenne de semi-remorques du 28 décembre 1990
concernant la réélection des administrateurs représentant la société Fruehauf
trailer corporation et renvoyons la société Fruehauf trailer corporation à mieux
se pourvoir au fond.

Ordonnons à la société Européenne de semi-remorques « SESR » de


communiquer à Me Facques les états financiers consolidés de la société
Européenne de semi-remorques « SESR » établis selon des bases et des
périodicités identiques à celles réalisées antérieurement.

Déboutons les parties de toutes leurs autres demandes.

52
12. CA Paris, 1re ch. CBV, 27 octobre 1993, Balland c/ La Sucrerie
Raffinerie de Chalon-sur-Saône

convention de cession d'actions - offre publique d'achat - notification du


pacte - modalités

(Extraits)

Mme Ezratty, Prés.

Statuant en application de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs
et du décret n° 88-603 du 7 mai 1988 relatif aux recours exercés devant la cour d'appel
de Paris contre les décisions du conseil des marchés à terme et du conseil des bourses
de valeurs.

Et après avoir entendu les conseils des parties et du conseil des bourses de valeurs, le
représentant du président de la Commission des opérations de bourse et le Ministère
public en leurs observations.

Statuant en application de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs
et du décret n° 88-603 du 7 mai 1988 relatif aux recours exercés devant la cour d'appel
de Paris contre les décisions du conseil des marchés à terme et du conseil des bourses
de valeurs.

Et après avoir entendu les conseils des parties et du conseil des bourses de valeurs et le
Ministère public en leurs observations.

La Cour est saisie des recours en annulation formés :

 - le 16 juillet 1993 par M. Albert Balland, président du conseil d'administration


de la société Sucrerie-Raffinerie de Chalon-sur-Saône (ci-après « Sucrerie de
Chalon ») et par Mme Josèphe Wilhelem-Balland,
 - le 19 juillet 1993 par les comités d'entreprise de la Sucrerie-Raffinerie de
Brienon et de la Sucrerie-Raffinerie de Bourgogne,

contre la décision n° 93-1969 prise par le conseil des bourses de valeurs (le Conseil) le
7 juillet 1993 qui a déclaré recevable l'offre publique d'achat de l'Union Financière
Sucrière du Sud-Est (UFISUSE) visant la totalité des actions composant le capital de
la société Sucrerie-Raffinerie de Chalon-sur-Saône au prix unitaire de 3 025 F.

La durée de validité de l'offre était prévue du 12 juillet au 9 août 1993. Toutefois, en


raison du présent recours, le Conseil décidait, par un avis du 29 juillet 1993, de
reporter sine die la date de clôture de l'OPA.

Par application des dispositions de l'article 5 du décret du 7 mai 1988, ces recours ont
été dénoncés à la Sucrerie de Chalon visée par l'offre, à la Banque Demachy Worms,
établissement présentateur, à la société Ufisuse, initiatrice, à la Société mulhousienne
de participation et de gestion de portefeuilles (SOMUPAR) et à M. Louis Balland.

53
Conformément aux dispositions de l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre
1967, le président de la Commission des opérations de bourse a été appelé à déposer
des conclusions.

Selon les éléments soumis à l'appréciation de la Cour, les faits nécessaires à la solution
du litige peuvent se résumer comme suit :

Inscrite au marché hors cote de la Bourse de Lyon, la Sucrerie de Chalon est une
société anonyme au capital de 36 000 000 F composé de 180 000 actions d'un
nomimal de 200 F. 541 actionnaires se répartissent son capital à hauteur de 78,19 %
pour les actionnaires individuels, de 13,61 % pour la Compagnie industrielle et
financière ACE, et de 4,52 % pour la Somupar, le solde, soit 3,68 %, étant affecté à
l'auto-contrôle de la société.

La Sucrerie de Chalon est une sucrerie indépendante assurant la production et la


distribution de ses produits dans la région de Bourgogne ; elle emploie 150 salariés en
moyenne et a réalisé en 1993 un bénéfice net consolidé de 45 millions de francs pour
un chiffre d'affaires de 320 millions de francs.

Le 29 juin 1993 la Banque Demachy Worms & Cie, agissant pour le compte de la
société Ufisuse, saisissait le conseil des bourses de valeurs d'un projet d'offre publique
d'achat visant les actions de la société Sucrerie de Chalon.

La société Ufisuse, dont le capital est réparti à égalité entre la société Générale
Sucrière et la société Distillerie coopérative agricole de Corbeilles-en-Gâtinais,
proposait d'acquérir la totalité des actions composant le capital social pour le prix de 3
025 F par action.

La société initiatrice indiquait qu'elle ne détenait, au jour du dépôt de l'offre, aucun


titre de la Sucrerie de Chalon, mais qu'elle bénéficiait d'ores et déjà de deux promesses
de cession d'actions portant sur 10,66 % du capital.

Ces promesses de vente étaient consenties au profit d'Ufisuse, l'une par Somupar
représentée par son gérant M. Gérard Koch pour 8 144 actions, l'autre par M. Louis
Balland pour 11 040 actions. L'avis de dépôt de l'offre, qui était publié le jour même,
comportait, outre les indications habituelles, mention de ces promesses.

Par courrier du 2 juillet 1993 la Sucrerie de Chalon faisait connaître à la société des
bourses françaises que le projet d'offre publique d'achat ne pourrait, selon elle, qu'être
déclaré irrecevable pour deux motifs :

 - en raison, d'une part, du démarchage illicite de l'ensemble des actionnaires,


entrepris depuis le 26 mars 1993 par M. Gérard Koch en sa qualité de gérant de
la société Somupar, actionnaire minoritaire, en vue d'obtenir d'eux qu'ils
confient à la Financière de Courcelles un mandat de vendre leurs actions au
prix minimum de 3 000 F, étant précisé que le 1 er avril 1993, M. Albert Balland
et Mme Josèphe Wilhelem-Balland ont saisi d'une plainte avec constitution de
partie civile le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de
Mulhouse pour démarchage illicite ;

54
 - en raison du fait, d'autre part, que les 135 actionnaires qui auraient signé des
mandats exclusifs et irrévocables au profit de la Financière de Courcelles se
trouvaient mis dans l'impossibilité d'apporter leurs actions à l'offre publique.

Interrogée sur ce point par la société des Bourses françaises, la Financière de


Courcelles indiquait, par courrier du 7 juillet que, dès le 1 er juillet, elle avait avisé tous
les signataires des mandats qu'en raison du dépôt d'une OPA, elle considérait sa
mission suspendue jusqu'au résultat de celle-ci et qu'ils avaient donc toute liberté pour
répondre favorablement à cette offre.

Le conseil d'administration de la société Sucrerie de Chalon a publié dans une note


d'information du 27 juillet 1993, visée par la Commission des opérations de bourse, un
avis motivé recommandant aux actionnaires de ne pas apporter leurs actions à cette
offre incontestablement hostile.

Le Conseil a, par la décision du 7 juillet 1993 soumise à recours, déclaré l'offre


recevable, et la Commission des opérations de bourse a, le 8 juillet, apposé son visa
sur la note d'information établie par Ufisuse relative à cette opération.

De ces circonstances de fait, les requérants M. Albert Balland, M me Josèphe Wilhelem-


Balland et les comités d'entreprises des sociétés Sucrerie de Brienon et de Bourgogne,
déduisent les moyens suivants visant à l'annulation de la délibération du Conseil :

 - il appartenait au Conseil d'exercer un examen scrupuleux du projet d'offre au


regard des intérêts économiques et sociaux en cause, dès lors que l'objectif de
l'initiateur de l'offre publique d'achat apparaissait, aux termes mêmes de
l'appréciation faite par le ministre de l'Économie, comme « une pratique
prédatrice consistant à évincer un concurrent sain afin de récupérer ses quotas
sucriers » ;
 - les initiateurs de l'offre n'ont, en aucune façon, indiqué leurs intentions en ce
qui concerne le plan social pour les douze mois à venir et il incombait au
conseil des bourses de valeurs et à la Commission des opérations de bourse de
s'assurer de la loyauté des informations données au public lequel n'inclut pas
les seuls actionnaires de la société mais également les salariés de l'entreprise ;

 - la société Ufisuse n'a pas satisfait à l'obligation, qui lui est faite par l'article 4
du règlement n° 89-03 de la Commission des opérations de bourse, de notifier
au conseil d'administration de la Sucrerie de Chalon et de porter à la
connaissance du public par voie de publication, le texte intégral des promesses
de cessions d'actions dont elle bénéficiait de la part de M. Louis Balland et de
la Somupar ;

 - les deux promesses précitées, qui constituent des engagements irrévocables,


portent atteinte au principe du libre jeu des offres et des surenchères, et violent
de ce fait les dispositions de l'article 3 du règlement n° 89-03 de la
Commission des opérations de bourse ;

 - l'engagement de cession par deux actionnaires de 10,66 % du capital à


Ufisuse prive tout compétiteur du bénéfice fiscal résultant de l'article 223-A du
Code général des impôts qui permet à une société mère de se constituer seule

55
redevable de l'impôt sur les sociétés pour le résultat réalisé par le groupe
qu'elle forme avec d'autres sociétés, à condition d'en détenir directement ou
indirectement au moins 95 % du capital ;

 - enfin l'initiateur de l'OPA qui a agi de concert avec la SOMUPAR,


actionnaire de la société cible, ayant eu recours à la fois à un intermédiaire
financier et à des procédés de démarchage et de publicité pour le placement de
ses titres dans le cadre d'une cession, était solidairement tenu aux mêmes
obligations que Somupar, conformément aux dispositions de l'article 356-3-3
de la loi du 24 juillet 1966 ; Ufisuse a, dès lors, violé le règlement n° 92-02 de
la Commission des opérations de bourse en ne procédant pas au dépôt d'un
prospectus d'information exigé par ce règlement pour les opérations de
placement de valeurs mobilières qui, comme en l'espèce, n'ont pas fait l'objet
d'une demande d'admission à la cote officielle ou à celle du second marché.

La société Sucrerie de Chalon, à laquelle les recours ont été dénoncés, conclut, par
mémoire distinct de celui des requérants, qu'en ne notifiant pas à la Direction de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le dépôt du projet
d'OPA, au titre d'une opération de concentration, le Conseil a violé les dispositions
substantielles de l'article 5-2-1 de son règlement général.

Aux termes des mémoires qu'elles ont adressés à la Cour, la société Ufisuse et la
Banque Demachy Worms concluent au rejet des recours et font observer que :

 - les promesses de vente consenties à Ufisuse ne sont pas le produit d'un


démarchage illicite dont l'allégation n'affecte pas la recevabilité de l'offre ;
 - Ufisuse est l'initiateur d'une offre publique d'achat et non d'une offre au
public de cession de titres ;

 - la réglementation des offres publiques d'achat autorise la conclusion de


promesses irrévocables d'apport à une offre quel que soit le pourcentage du
capital sur lequel elles portent et qu'en toute hypothèse, des promesses, portant
sur 10,66 % du capital de la Sucrerie de Chalon, n'interdisent pas, a priori,
toute compétition ;

 - Ufisuse a exécuté les obligations d'information du public imposées à


l'initiateur d'une offre publique, tant en ce qui concerne l'information relative
aux promesses de cession qu'en ce qui concerne celle relative à ses intentions
sur la politique sociale de la Sucrerie de Chalon ;

 - Le conseil des bourses de valeurs ne peut se substituer à la Commission des


opérations de bourse dans le contrôle de l'information donnée au public ;

 - enfin, la Sucrerie de Chalon qui n'a pas déposé de recours à l'encontre de la


décision du Conseil est irrecevable à soutenir un moyen non soutenu par les
requérants, en l'espèce celui tiré de l'absence de notification du projet d'offre au
ministre de l'Économie ; que ce moyen serait en toute hypothèse mal fondé, le
défaut de cette notification n'étant pas une cause de nullité de la décision
attaquée.

56
La Banque Worms et la société Ufisuse demandent, chacune en ce qui la concerne, la
condamnation des requérants à son profit sur le fondement de l'article 700 du nouveau
Code de procédure civile. La société Ufisuse demande en outre la condamnation des
requérants au paiement d'une somme d'un million de francs pour recours abusif.

La Somupar demande, pour sa part, qu'il lui soit donné acte qu'elle n'entend pas
intervenir dans le débat, n'étant pas initiatrice de l'offre, mais qu'elle fait sienne, en
tant que de besoin, l'argumentation développée par Ufisuse.

Elle demande en outre à la Cour d'ordonner le bâtonnage des écrits diffamatoires


figurant en page 11 du mémoire des requérants M. Albert Balland et M me Josèphe
Wilhelem-Balland ainsi rédigés : « Ces mécanismes de répression pénale peuvent
d'autant mieux se justifier en l'espèce que le démarchage pratiqué par la Somupar a les
caractéristiques d'une tromperie des actionnaires de la Sucrerie Raffinerie de Chalon-
sur-Saône ».

Aux termes du mémoire qu'il a présenté au soutien de sa décision, le Conseil fait


valoir que :

 - les moyens tirés du désaccord économique ou d'opportunité des requérants


sur l'offre initiée par Ufisuse sont étrangers à l'appréciation de la validité
juridique de la décision de recevabilité prise par le Conseil ;
 - l'information sur les deux promesses de cession, telle qu'elle a été diffusée,
satisfait aux exigences de l'article 4 du règlement n° 89-03 de la Commission
des opérations de bourse ; celle-ci, en donnant son visa à la note d'information,
a estimé l'information suffisante, tant en ce qui concerne les promesses de
cession que les intentions d'Ufisuse relatives à la politique industrielle,
financière et sociale des sociétés concernées ; en tout état de cause, la note
d'information étant intervenue postérieurement à la décision de recevabilité ne
saurait, en outre, affecter la validité de celle-ci ;

 - aucune disposition réglementaire n'interdit la conclusion de promesses de


vente, lesquelles ne constituent pas une entrave au libre jeu des offres et des
surenchères ;

 - le règlement n° 92-02 de la Commission des opérations de bourse, dont la


violation est invoquée, est relatif au placement auprès du public de valeurs
mobilières et n'est donc pas applicable à l'opération initiée par Ufisuse qui est
une offre publique d'achat ;

 - enfin la Sucrerie de Chalon, qui n'a pas inscrit de recours dans le délai
prescrit, est irrecevable à soutenir un moyen non soutenu par les requérants,
tiré en l'espèce de la non-notification du projet d'OPA au ministre de
l'Économie ; à le supposer recevable, ce moyen ne serait pas fondé dès lors que
la recevabilité de l'offre au regard de la réglementation boursière est
indépendante de l'appréciation de l'opération au regard du droit des
concentrations.

57
Le Conseil demande à la Cour la condamnation des requérants sur le fondement de
l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une
indemnité pour recours abusif.

Dans ses conclusions, le Président de la Commission des opérations de bourse


expose :

 - que les obligations d'information du public qui incombent à la seule


Commission des opérations de bourse ont été respectées tant en ce qui
concerne les intentions d'Ufisuse en matière de politique sociale pour les douze
mois à venir, qu'en ce qui concerne les promesses de vente consenties par
Somupar et par M. Louis Balland ;
 - que le Conseil n'avait pas à apprécier des éléments extérieurs à l'offre et,
qu'en tout état de cause, l'existence d'un concert entre Somupar et Ufisuse, à la
supposer établie, ne pouvait avoir pour effet de mettre à la charge d'Ufisuse les
obligations résultant des actes de démarchage accomplis par Somupar ;

 - que les promesses de cession consenties à l'initiateur d'une OPA ne sont pas,
a priori, contraires aux règles des offres publiques et que le bénéfice de
l'intégration fiscale ne constitue pas un avantage déterminant.

A l'audience, le Ministère public a oralement conclu au rejet des recours.

Sur quoi, la Cour ;

(...) II - Sur le grief pris de la violation du règlement n° 92-02 de la COB :

Considérant que les requérants font valoir que Ufisuse a agi de concert avec Somupar
qui recherchait un acquéreur des actions qu'elle détenait et était, dès lors, tenue
solidairement aux mêmes obligations et notamment celle d'établir le « prospectus
simplifié » prévu aux articles 3 et suivants du règlement 92-02 de la COB, ce dont elle
ne s'est pas acquittée ;

Mais considérant que le règlement dont la violation est invoquée concerne les offres
publiques de placement de valeurs mobilières dans le public ; qu'il ne saurait donc être
applicable à Ufisuse qui était initiateur, non d'une offre de placement de valeurs
mobilières mais d'une offre publique d'achat ;

Qu'au surplus il ne résulte pas de la chronologie des événements et des pièces


communiquées qu'une action de concert aurait existé entre Ufisuse et Somupar ;

Qu'au mois de mars 1993, Somupar avait adressé une lettre aux actionnaires de la
Sucrerie de Chalon, les invitant à signer au bénéfice de la société Financière de
Courcelles un mandat de vente de leurs actions au profit d'un acquéreur que la
Financière de Courcelles avait pour mission de rechercher ;

Que dès le 1er juillet 1993, c'est-à-dire le lendemain même de la saisine du Conseil par
Ufisuse, la Financière de Courcelles a informé par lettre les 135 actionnaires de la
Sucrerie de Chalon lui ayant donné mandat, que sa mission était suspendue, compte

58
tenu des règles de la procédure d'OPA initiée, qui lui interdisaient de jouer un rôle
d'intermédiaire ;

Qu'ainsi les démarchages, à les supposer illicites, et les engagements d'actionnaires qui
en étaient la conséquence, étaient sans influence sur la validité de l'OPA, étant observé
que les actionnaires qui avaient donné mandat de vendre avaient recouvré leur liberté
de disposer librement de leurs actions dès avant la décision du conseil des bourses de
valeurs ;

III - Sur le grief de non-révélation par Ufisuse de ses intentions et sur les
conséquences économiques et sociales de l'OPA :

Considérant, d'une part, que les comités d'entreprise des Sucreries de Bourgogne et de
Brienon font valoir que la décision du Conseil doit être annulée au motif que
l'initiateur de l'offre n'aurait pas précisé ses intentions, pour les douze mois à venir,
relatives à la politique industrielle, financière et sociale des sociétés concernées ;

Considérant qu'il résulte de l'article 7 du règlement n° 89-03 de la Commission des


opérations de bourse que les intentions de l'initiateur pour les douze mois à venir
doivent être déclarées dans la note d'information soumise au visa de la Commission
des opérations de bourse ;

Mais considérant que la Cour constate que la note visée par la Commission contient
ces renseignements sous son paragraphe 4 intitulé « Motifs de l'opération - Intentions
de l'initiateur et de ses actionnaires » ;

Qu'aux termes de l'article 8 du règlement n° 89-03 de la COB, l'initiateur de l'offre


doit garantir l'exactitude des éléments donnés en application de l'article 7 de ce même
règlement ;

Qu'en accordant son visa, la COB, à qui il appartient d'exercer le contrôle de


l'information en vertu de l'article 7 précité, a nécessairement estimé que les
déclarations faites par l'initiateur étaient suffisantes pour satisfaire à son obligation
d'information sur ce point ;

Considérant, d'autre part, que les requérants font grief au Conseil d'avoir admis l'offre
publique alors que l'objectif principal de l'initiateur de cette offre n'était pas de
procéder à une restructuration industrielle assortie d'un plan social, mais seulement
d'évincer un concurrent sain dans le but de récupérer ses quotas de production de sucre
;

Mais considérant que s'il appartient au conseil des bourses de valeurs de vérifier la
régularité d'une offre publique au regard de la loyauté et de la transparence du marché
boursier, son contrôle ne porte pas sur celui de la finalité industrielle, commerciale et
sociale de l'opération ;

Qu'il y a lieu de relever, à cet égard, que le ministre de l'Économie a saisi de cette
question le Conseil de la concurrence au titre du contrôle des concentrations ;

59
(...) V - Sur le défaut de publication et de notification du texte intégral des promesses
unilatérales de cession :

Considérant que les requérants font valoir qu'en ne publiant pas et en ne notifiant pas
au conseil d'administration de la Sucrerie de Chalon le texte intégral des promesses de
cession, l'initiateur de l'offre a violé les dispositions de l'article 4 du règlement n° 89-
03 de la COB et n'a pas permis aux actionnaires, à l'exception des deux signataires, de
savoir dans quelle mesure précise lesdites promesses interdisaient aux deux
promettants d'apporter leurs titres à une éventuelle surenchère concurrente de l'offre
d'Ufisuse ;

Mais considérant d'une part que le texte intégral des accords a été communiqué par
Ufisuse au Conseil préalablement au prononcé de sa décision et à la Commission des
opérations de bourse préalablement au visa donné par elle à la note d'information ;

Considérant que la Commission et le Conseil ont pu ainsi s'assurer que l'information


donnée par Ufisuse dans sa note d'information publiée le 12 juillet comme dans l'avis
publié le 8 juillet dans le journal Les Échos reflétait exactement le degré d'engagement
des promettants et était suffisante au regard des exigences du règlement n° 89-03 sans
qu'il soit nécessaire de publier intégralement le texte de ces promesses ;

Considérant, d'autre part, que l'article 4 du règlement n° 89-03 de la COB n'impose


aucune forme particulière aux notifications qui doivent être faites au conseil
d'administration des sociétés concernées ;

Qu'en l'espèce les consorts Balland ne contestent pas, notamment en page 24 de leurs
conclusions où sont rappelés les termes de la lettre du 27 juillet émanant d'Ufisuse,
que les promesses de cession ont été portées à la connaissance du conseil
d'administration de la Sucrerie de Chalon dès le 29 juin par l'avis de la SBF n° 93-
1832, puis par la remise du projet de note d'information et enfin par la remise de la
note d'information elle-même ;

Considérant qu'en soulignant dans les avis portés à la connaissance du public et du


conseil d'administration de la Sucrerie de Chalon, que : « ces promesses valent
engagement irrévocable à l'offre publique initiée par Ufisuse », et encore que «
l'initiateur de l'offre se réserve la possibilité, au cas où il ne détiendrait pas 50,01 % du
capital à l'issue de l'offre, ou d'y renoncer, ou d'acquérir les titres offerts », Ufisuse a
informé sans ambiguïté les actionnaires de l'engagement précis et exact des
promettants de s'interdire d'apporter leurs titres à une offre concurrente ;

Considérant, en conséquence, que le moyen sera rejeté ;

VI - Sur la régularité des promesses de cession au regard de la réglementation


boursière :

Considérant que les requérants contestent, tant au regard du droit civil qu'au regard des
règlements boursiers, la validité des conventions de cession d'actions consenties au
profit d'Ufisuse par la Somupar à hauteur de 8 144 actions et par M. Louis Balland à
hauteur de 11 040 actions ;

60
Considérant que la Cour, statuant sur les recours formés contre une décision du conseil
des bourses de valeurs, n'est pas compétente pour connaître de la validité des
conventions de cession d'actions d'une société au regard des règles du droit civil ;

Considérant qu'aucune disposition de la réglementation boursière n'interdit la


conclusion de telles conventions ;

Considérant qu'en l'espèce les accords de cession, qui ont été conclus antérieurement
au dépôt du projet d'offre publique d'achat et ont donné lieu à une information
régulière du public, ne contreviennent pas aux dispositions du règlement n° 89-03 de
la COB et ne portent pas atteinte à la transparence du marché ;

Que portant sur 10,66 % du capital de la Sucrerie de Chalon, les promesses de cession,
faites à titre irrévocable, ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à rendre impossible
une prise de contrôle de la société cible par l'auteur d'une surenchère ; qu'ainsi elles
n'ont pu porter atteinte au libre jeu des offres et des surenchères ;

Considérant qu'il est encore soutenu que l'impossibilité pour un surenchérisseur


d'acquérir, en raison de ces conventions, au moins 95 % du capital, le priverait du
bénéfice de l'intégration fiscale de la société acquise et lui rendrait ainsi plus lourd le
financement de son acquisition ;

Mais considérant que la rupture d'égalité invoquée entre l'initiateur et un enchérisseur


est purement hypothétique, dès lors que l'acquisition préalable par voie contractuelle
de 10,66 % du capital ne confère à Ufisuse aucune certiude de détenir au moins 95 %
du capital de la Sucrerie de Chalon après clôture de l'OPA ;

Qu'à cet égard la note d'information, visée par la COB et publiée le 27 juillet par la
Sucrerie de Chalon, recommande d'ailleurs aux actionnaires de ne pas apporter leurs
actions à l'offre publique d'Ufisuse jugée hostile ;

Considérant que le recours doit en conséquence être rejeté ;

Considérant que les requérants ont, en exerçant leurs recours, fait usage d'un droit sans
qu'un abus de celui-ci soit démontré et qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer à leur
encontre une condamnation de ce chef à des dommages-intérêts ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du


nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Rejette les recours formés par M. Albert Balland, M me Josèphe
Wilhelem-Balland, le Comité d'entreprise de la Sucrerie-Raffinerie de Brienon et le
Comité d'entreprise de la Sucrerie-Raffinerie de Bourgogne (...).

61
13. Cass. com. 15 février 1994, n° 460 D, Jouan et autre c/ Cudennec et
autres

cession - cession d'actions - assemblée générale extraordinaire - augmentation de


capital - convention extra-statutaire - pacte de rachat entre une société tierce et des
actionnaires - droit de préemption - supériorité des statuts

(Extraits)

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (CA Rouen 9 janvier 1992, 2 e ch.), le capital de la
Société pour l'équipement technique (SETEC) était détenu principalement par Mme
Leibig, M. Vial, M. Cudennec et M. Jouan ; que le 21 juin 1978 une assemblée
générale extraordinaire a décidé d'augmenter le capital social, par l'émission d'actions
privilégiées dont la souscription serait réservée à la société de Développement régional
de Normandie (SDRN) ; qu'il a été indiqué, en marge du procès-verbal, que
l'assemblée avait accordé un droit de préférence pour le rachat de ces actions à M.
Cudennec qui s'était porté caution hypothécaire des engagements de la société ; que le
même jour les quatre principaux associés de SETEC ont promis à la société SDRN de
lui racheter ou faire racheter, à un prix fixé, les actions nouvelles, par tranches égales,
le 1er juin de chaque année de 1982 à 1988, l'acte précisant que les actions seraient
réparties pour « maintenir une égalité de droits entre les actionnaires » et que les
demandes de cession seraient présentées par un mandataire unique ; qu'à la suite du
décès de Mme Leibig, ses héritiers, représentés par Mme Chosson, ont chargé le
mandataire désigné, M. Cudennec de demander à la SDRN de leur céder les actions
devant leur revenir en vertu du protocole du 21 juin 1978 ; que M. Cudennec s'y est
refusé et a demandé à la SDRN de lui transférer la totalité des actions qu'elle détenait ;
que Mme Chosson a assigné devant le tribunal de commerce la SDRN et MM.
Cudennec, Jouan et Vial pour faire désigner un mandataire chargé de transmettre sa
demande à la SDRN, tandis que M. Cudennec a sollicité que la vente soit autorisée à
son profit ; que le tribunal a déclaré que M. Cudennec avait un droit préférentiel et a
autorisé la société SDRN à lui céder les actions qu'elle détenait ; que ce jugement a été
confirmé en appel ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches du pourvoi n° W/92-12.991 :

Attendu que la SDRN fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de lui donner acte de ce qu'elle
n'entendait pas procéder à la cession des actions lui appartenant, alors, selon le
pourvoi, d'une part, qu'aux termes du protocole du 21 juin 1978 : « les actionnaires
soussignés de la société SETEC s'engagent à racheter ou à faire racheter, par tranches
d'égal montant (...) le solde des titres restant en possession de SDRN » ; que cet acte
porte ainsi promesse unilatérale d'achat en sa faveur ; qu'en revanche elle-même ne
s'engage pas à vendre ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a dénaturé les
clauses claires et précises du contrat du 21 juin 1978, et, partant, a violé l'article 1134
du Code civil ; alors, d'autre part, que les demandes des parties s'apprécient selon le
dernier état de leurs conclusions ; qu'en lui opposant des conclusions qu'elle a
ultérieurement modifiées, la cour d'appel a violé l'article 65 du nouveau Code de
procédure civile et alors, enfin, qu'en énonçant que le sens des conclusions signifiées
le 18 octobre 1990 « semblerait » indiquer qu'elle était disposée à céder ses actions, la

62
cour d'appel s'est fondée sur un motif dubitatif et, de ce fait, a violé l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le contrat du 21 juin 1978, faisant obligation aux quatre principaux
actionnaires de la société SETEC de racheter ou de faire racheter à la SDRN les
actions qu'elle détenait avant un terme précis sans indiquer si la SDRN était tenue de
céder les actions dont l'achat devait lui être offert, présentait une ambiguïté qu'il
appartenait au juge de trancher dès lors qu'il existait une contestation à cet égard ;
qu'après avoir rappelé les principales clauses du contrat l'arrêt retient, à raison de la
cohérence d'ensemble de ses dispositions, l'existence d'une obligation de cession à la
charge de SDRN ; qu'ayant ainsi fondé son appréciation souveraine, abstraction faite
des motifs surabondants relatifs aux prétentions émises par la SDRN dans ses
conclusions du 18 octobre 1990, modifiées ultérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas
dénaturé le contrat, n'a pas encouru les critiques formulées au pourvoi ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le pourvoi n° C/92-12.330 et sur le pourvoi incident formé par Mme Chosson :

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Jouan, la société SETEC et Mme Chosson font grief à l'arrêt d'avoir
reconnu à M. Cudennec un droit préférentiel de rachat des actions souscrites par la
société SDRN alors, selon les pourvois, que la délibération d'une assemblée générale
extraordinaire de société anonyme constitue une décision sociale, qui ne peut tendre
qu'à régler des décisions intéressant la collectivité des associés ; qu'en l'espèce il
résulte des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part qu'une convention conclue entre
la SDRN et quatre actionnaires de la SETEC, MM. Vial, Jouan, Cudennec et Mme
Leibig, prévoyait le rachat des actions SETEC souscrites par la SDRN, d'autre part
qu'une assemblée extraordinaire de la SETEC avait décidé d'accorder à MM. Vial et
Cudennec un droit préférentiel sur le rachat des actions SETEC détenues par la
SDRN ; qu'il s'agissait ainsi par cette délibération, à la fois de limiter la liberté de
Mme Leibig et de M. Jouan d'acheter des actions SETEC à la SDRN, et d'organiser les
modalités d'exécution de la convention conclue avec la SDRN ; que seul un nouveau
contrat passé entre les quatre actionnaires de la SETEC concernés, et, le cas échéant,
la SDRN, aurait pu avoir cet objet ; qu'une décision sociale, prise au sein de la
SETEC, ne pouvait lui être substituée ; qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, la
cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le rapport du commissaire aux apports, chargé
d'apprécier les avantages particuliers stipulés au profit de certains actionnaires,
indiquait « au surplus, il est demandé aux associés d'accorder un droit préférentiel sur
le rachat des actions attribuées à la SDRN à MM. Vial et Cudennec qui se sont portés
caution hypothécaire de la société SETEC », la cour d'appel a pu décider que la
décision de l'assemblée générale ne constituait pas un acte modifiant le pacte de rachat
extra-statutaire conclu entre la société SDRN et quatre actionnaires de la société
SETEC, mais avait pour objet l'attribution à deux actionnaires, en raison de leurs
engagements personnels au profit de la société, d'un droit de préemption statutaire
s'imposant à l'ensemble des actionnaires ; que le moyen n'est pas fondé ;

63
Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Jouan, la société SETEC et Mme Chosson font grief à l'arrêt d'avoir
reconnu à M. Cudennec un droit préférentiel de rachat des actions souscrites par la
société SDRN alors, selon les pourvois que si l'action en nullité d'une assemblée
générale est soumise à la prescription triennale, l'exception de nullité est perpétuelle ;
qu'en l'espèce ils se bornaient à opposer la nullité de l'assemblée générale
extraordinaire de la société SETEC, tenue le 21 juin 1978, pour résister aux
prétentions de M. Cudennec qui se prévalait de cette délibération pour fonder un droit
préférentiel à l'acquisition des actions SETEC détenues par la SDRN ; qu'en
soumettant cette exception de nullité à la prescription triennale instituée par l'article
367 de la loi du 24 juillet 1966, la cour d'appel a violé, par fausse application, ce
texte ;

Mais attendu qu'à l'appui de l'exception de nullité n'étaient invoqués que


l'incompétence de l'assemblée générale extraordinaire et le défaut d'inscription de la
résolution litigieuse à l'ordre du jour ; que le premier moyen a été écarté ; que, de
même, l'arrêt, non critiqué de ce chef, a écarté le second grief en constatant que les
actionnaires avaient eu connaissance de ce qu'ils auraient à se prononcer sur
l'attribution d'un droit de préemption au profit de MM. Vial et Cudennec par la lettre,
prévoyant cette modalité de l'augmentation de capital, que le commissaire aux apports
leur avait adressée avant l'assemblée générale extraordinaire ; que le moyen est
inopérant ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Jouan, la société SETEC et Mme Chosson font grief à l'arrêt d'avoir
reconnu à M. Cudennec un droit préférentiel de rachat des actions souscrites par la
société SDRN alors, selon les pourvois, d'une part, que, pour conclure à la réalité de la
clause litigieuse, malgré le fait qu'elle n'eût pas été paraphée par les associés, la cour
d'appel s'est fondée notamment, sur sa reproduction dans la déclaration de souscription
et de versement du 20 décembre 1978 ; qu'il était acquis aux débats que M. Jouan
n'était pas présent à l'acte notarié ; qu'en omettant néanmoins de vérifier si la preuve
du droit préférentiel allégué par M. Cudennec était faite à l'égard de M. Jouan, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1341 du Code civil ;
alors, d'autre part, que la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil en se fondant
sur un acte notarié auquel l'exposant n'était pas partie pour affirmer l'existence à son
égard du droit préférentiel litigieux ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté l'existence d'une décision de
l'assemblée générale extraordinaire, laquelle s'impose à tous les associés, elle n'avait
pas à rechercher la preuve d'un engagement qui fût personnel à M. Jouan ; qu'ainsi le
moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois tant principaux qu'incident (...).

64
14. Cass. com. 26 avril 1994, n° 983 P, SA Gimenez c/ Crouzet et autre

cession - cession d'actions - pacte de référence - clause d'agrément - offre émanant


d'une société tierce - agrément demandé par un associé - délai de trois mois non
suspendu pas l'assignation en nullité de la demande d'agrément - notification de
l'acceptation ou du refus - société bénéficiaire du pacte - obligation

(Extraits)

Attendu selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 22 mai 1992), que Mme Crouzet,
détentrice de la moitié des actions de la société anonyme Gimenez frères a, nonobstant
un pacte de préférence consenti à la société Béton travaux, soumis à l'agrément de la
société Gimenez frères une offre d'acquisition de ses titres faite par la société
Luxembourgeoise de placements ; que se prévalant de la carence de Mme Crouzet à
lui fournir des informations complètes sur l'identité de l'acquéreur potentiel et
s'estimant de ce fait dans l'impossibilité de se prononcer en toute connaissance de
cause, la société Gimenez frères l'a assignée pour voir déclarer nulle la demande
d'agrément ; que parallèlement, Mme Crouzet, à l'expiration du délai de trois mois fixé
par l'article 275 de la loi du 24 juillet 1966, a demandé au tribunal la transcription
forcée sur les registres de la société Gimenez frères de la cession de ses titres à la
société Luxembourgeoise de placements ;

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Gimenez frères fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que, faute de
réponse dans le délai de trois mois à compter de la demande, l'agrément sollicité par
Mme Crouzet était réputé acquis, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour
d'appel n'a pu, sans violer l'article 275 de la loi du 24 juillet 1966, prendre en compte,
pour répondre à la question de savoir si la société Gimenez frères pouvait examiner
une demande d'agrément présentée le 29 mai 1991, un événement survenu le 9 octobre
1991, postérieurement à l'expiration du délai de trois mois prévu par la disposition
précitée, alors que, d'autre part, si l'affirmation, selon laquelle l'existence d'un pacte de
préférence notifié n'entrave pas l'incessibilité des actions, était tenue pour un motif
autonome de la décision, ce motif erroné en droit devrait être censuré ; que la cour
d'appel n'aurait pu, sans violer les articles 267 et suivants de la loi du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales, et 1134 du Code civil, méconnaître que l'existence d'un
pacte de préférence notifié à la société Gimenez frères excluait la faculté pour celle-ci
d'agréer une cession à une personne autre que le bénéficiaire du pacte de préférence ;

Mais attendu que, relevant que l'existence d'un pacte de préférence ne rendait pas
incessibles les actions sur lesquelles il porte, la cour d'appel a pu retenir, par ces seuls
motifs, que Mme Crouzet pouvait, en dépit de l'existence d'un tel pacte, présenter à
l'agrément de la société Gimenez une offre émanant d'une société tierce ; que le moyen
n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

65
Attendu que la société Gimenez frères fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il
a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société, dont l'agrément est requis, doit
être aussi précisément informée que le cessionnaire soit une personne physique, seule
hypothèse expressément visée par l'article 275 de la loi du 24 juillet 1966, ou une
personne morale ; que la seule indication de la dénomination et du siège social d'une
personne morale ne renseigne pas la société dont les actions sont en cause avec la
même précision que ne le fait, s'agissant d'une personne physique, l'indication des
nom, prénoms et adresse de celle-ci ; que la demande d'agrément de cession à une
personne morale doit permettre de connaître la réalité économique de cette dernière,
sans que la société à laquelle la demande est faite ait à la rechercher par ses propres
moyens ; qu'en le niant, la cour d'appel a violé l'article 275 de la loi du 24 juillet
1966 ; alors que, d'autre part, en retenant que la demande d'agrément satisfaisait aux
exigences statutaires, sans répondre à la question posée de savoir si ces exigences
n'excédaient pas celles de la loi, la cour d'appel, qui a procédé par vote de simple
affirmation, a méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors
que, la cour d'appel, en ignorant que l'article II des statuts de la société requiert en tout
état de cause quant à lui que la demande d'agrément contienne des indications relatives
à la réalité économique de la personne morale cessionnaire, a dénaturé cette
stipulation, et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que l'article II des statuts
prévoyait que « La demande d'agrément qui doit être notifiée à la société indique d'une
manière complète l'identité du cessionnaire, le nombre des actions dont la cession est
envisagée et le prix offert s'il s'agit d'une cession à titre onéreux, le conseil
d'administration doit notifier son agrément ou son refus avant l'expiration d'un délai de
trois mois à compter de la demande » ; que de ces constatations, la cour d'appel,
répondant ainsi hors toute dénaturation aux conclusions invoquées en les écartant, a pu
déduire qu'ayant mentionné dans sa demande d'agrément la forme et la dénomination
de la société cessionnaire ainsi que l'adresse de son siège social, Mme Crouzet avait
satisfait aux exigences imposées par la loi et les statuts ; que le moyen n'est fondé en
aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Gimenez frères fait également grief à l'arrêt d'avoir statué
comme il a fait, alors selon le pourvoi, que, méconnaissant qu'il résultait de ses
propres constatations que le délai de trois mois s'est trouvé suspendu par l'effet de
l'assignation qu'elle avait délivrée le 19 août 1991 à Mme Crouzet, assignation tendant
au prononcé de la nullité de la demande d'agrément, la cour d'appel a violé l'article
275 de la loi du 24 juillet 1966 et les articles 53 et suivants du nouveau Code de
procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la société Gimenez avait l'obligation de
notifier son acceptation ou son refus d'agrément dans un délai de trois mois à compter
de la notification de la demande, sauf à solliciter du juge la prolongation de ce délai, la
cour d'appel a pu retenir que, faute de réponse de la société Gimenez frères dans le
délai imparti, l'agrément était considéré comme étant donné ; que le moyen n'est pas
fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

66
Attendu que la société Gimenez frères fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à
payer à Mme Crouzet une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors selon le
pourvoi, que la décision ne comporte aucune constatation caractérisant l'abus du droit
d'agir en justice qu'elle aurait pu commettre et que l'arrêt est entaché d'un défaut de
base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient par motifs adoptés que la société Gimenez frères
possédait, par le canal de son conseil juridique, des détails sur l'identité de la société
Luxembourgeoise de placements, et par motifs propres, que par ses agissements la
société Gimenez frères n'avait eu pour but que de paralyser le déroulement normal de
la procédure d'agrément et d'autre dessein que de faire échec à la cession de ses
actions par Mme Crouzet sans avoir à en assumer les conséquences financières ;
qu'ainsi, caractérisant la faute commise par la société Gimenez frères ouvrant droit à
réparation du préjudice subi par Mme Crouzet, la cour d'appel a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

67
15. CA Paris 31 mars 1995, 4e ch. B, Lindemann c/ Fayer

société anonyme - conseil d'administration - pouvoirs - nomination du


président - promesse de nomination consentie par le président en exercice - effets

(Extraits)

La Cour statue sur les appels - ensemble les appels incidents des intimés - interjetés
par M. Lindemann le 14 juin 1991 à l'encontre des époux Fayer et des sociétés Jean
d'Aveze SA, Parfums Balmain techniques et produits cosmétiques SA, le 27
septembre 1993 à l'encontre de la Sté Jacomo France, d'un jugement rendu le 12 mars
1991 par le tribunal de commerce de Paris qui, entre autres dispositions, et après avoir
donné acte à M. Lindemann de sa renonciation à sa demande principale tendant à la
condamnation des défendeurs, intimés en appel, à procéder à sa désignation aux
fonctions de président-directeur général des sociétés Jacomo France, Jean D'Avèze,
Jean Desprez et de directeur général de la société Parfums Balmain, s'est déclaré
d'office incompétent sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse dirigée contre la Sté Jacomo, a débouté M. Lindemann de ses
demandes de condamnation solidaire des défendeurs, à lui payer la somme de 4 360
000 F de dommages-intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC, a
fait partiellement droit aux demandes reconventionnelles des défendeurs en allouant à
chacun la somme de 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre, en
application de l'article 700 du NCPC, 15 000 F aux époux Fayer et 15 000 F aux
sociétés défenderesses.

(...) Il sera rappelé qu'aux termes d'une lettre manuscrite en date du 31 octobre 1987,
signée par Mme Elisabeth Fayer avec les mentions « actionnaire resp. P-DG », et
contresignée « pour accord » par M. Lindemann, il était indiqué à ce dernier qu'il
serait président-directeur général des sociétés Jacomo, Jean d'Avèze, Jean Desprez et
directeur général des Parfums Pierre Balmain, avec une rémunération de 700 000 F.
M. Lindemann a le 2 novembre 1987 démissionné des fonctions de président-directeur
général de la société Les Parfums Maurice Blanchet. Il fut ensuite nommé directeur
général de la société Jacomo. Il ne fut pas élu président-directeur général des sociétés
énumérées, ses multiples demandes d'explications aux époux Fayer, même faites par
voie de sommation interpellative, étant demeurées vaines.

(...) Sur le fond, M. Lindemann soutient que les époux Fayer, tant à titre personnel
qu'en qualité de représentants des sociétés du groupe Balmain, ont conclu avec lui un
contrat synallagmatique suivant convention verbale et écrite en date du mois d'octobre
1987 ; qu'en contrepartie de sa nomination aux fonctions mentionnées dans la lettre du
31 octobre 1987, l'appelant s'était engagé à démissionner du poste de président-
directeur général qu'il occupait au sein de la société Blanchet, ce qu'il fit le 2
novembre 1987, afin de prendre immédiatement les fonctions promises par les époux
Fayer. Il sollicite en conséquence que soit reconnue comme telle la promesse de porte-
fort contenue dans la lettre du 31 octobre 1987, que soit reconnue recevable et fondée
son action contre les sociétés du groupe Balmain sur la base de l'article 113 alinéa 3 de
la loi du 24 juillet 1966, que soit déclarées résiliées aux torts des époux Fayer et des
quatre sociétés intimés dont ils ont le contrôle juridique et économique, les

68
conventions conclues en octobre 1987. En réparation du préjudice résultant de cette
résiliation et des manoeuvres dolosives dont les intimés auraient été les auteurs, et
compte tenu des services par lui rendus aux quatre sociétés indépendamment du
contrat de travail signé avec la Sté Jacomo ainsi que de son préjudice moral et de
carrière, M. Lindemann conclut à la condamnation solidaire des intimées au payement
de 4 360 000 F de dommages-intérêts, outre 50 000 F au titre de l'article 700 du
NCPC, ainsi qu'au débouté des appels incidents et au rejet des prétentions adverses.

(...) Sur le fond, les époux Fayer demandent la mise hors de cause de M. Fayer, selon
eux étranger au litige. Ils dénient avec les premiers juges l'existence même d'une
promesse de porte-fort. Pour le reste, ils basent leur argumentation sur la nullité
d'ordre public qui entâcherait l'acte du 31 octobre 1987 qui aurait pour effet de porter
atteinte au pouvoir collégial et à la liberté de vote du conseil d'administration, nullité
d'autant plus facilement encourue que le bénéficiaire de la convention prétend à une
contrepartie financière importante pour inexécution, influençant ainsi le choix des
actionnaires et administrateurs. A l'encontre de l'invocation par M. Lindemann du 3 e
alinéa de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 relatif au pouvoir du président du
conseil d'administration d'engager, par ses actes, la société qu'il représente, ils
opposent le 2e alinéa du même article et le fait que les actes en cause relèvent de ceux
spécialement réservés par la loi au conseil.

(...) Sur ce, la Cour,

Considérant, sur le fond, que l'acte du 31 octobre 1987, qui ne comporte d'obligation
qu'à l'égard de l'un des souscripteurs - Mme Fayer - constitue un contrat unilatéral,
même si la démission de M. Lindemann de ses fonctions au sein de la société Blanchet
a pu intervenir comme le soutient l'appelant en considération de cet engagement ;

Considérant que par cet engagement, rédigé en des termes dénués d'équivoque, Mme
Fayer s'est engagée seule et personnellement en promettant à M. Lindemann
l'exécution d'une prestation relevant, en vertu de la loi, de la décision exclusive des
conseils d'administration des sociétés concernées ;

Considérant qu'aucune nullité n'atteint cet engagement, dès lors d'une part qu'il
n'entraîne, ni directement ni indirectement, aucune restriction des pouvoirs des
organes légalement compétents, puisque, même en cas de nomination de l'intéressé
aux fonctions considérées, il n'existe aucune entrave à la faculté de révocation ad
nutum et sans indemnité, et d'autre part qu'il n'est pas allégué, et en tout cas pas
démontré, que les informations dont les époux Fayer font état et qui leur seraient
parvenues postérieurement à l'acte litigieux, portant sur les circonstances réelles du
départ de M. Lindemann de la société Blanchet, aient revêtu à l'époque, à leurs yeux,
un degré de certitude suffisant et été de nature à entâcher le consentement donné par
Mme Fayer d'un vice d'erreur ;

Considérant, sur le préjudice subi par M. Lindemann du fait de la non-exécution de la


promesse, qu'il se déduit des productions des parties que la situation de l'appelant dans
la société Blanchet était devenue précaire ; qu'il est fait état en particulier par M.
Brulé, successeur de l'appelant dans les fonctions de président-directeur général de
cette société, dans une lettre à M. Fayer du 24 juin 1992 que les investigations
comptables qui ont été faites après le départ de M. Lindemann, ont démontré la

69
fourniture par ce dernier au conseil d'administration de résultats erronés ; que des
mesures financières d'urgence ont dû être adoptées et que la société a en définitive été
cédée au début de 1988, soit deux ans après la prise de fonctions de M. Lindemann,
aux deux tiers de son prix d'acquisition à la même époque ; que M. Brulé considère la
démission de M. Lindemann comme « classique dans une telle situation » ; que cette
correspondance n'est pas autrement contestée que par l'invocation d'une plainte pénale
déposée contre son auteur, et la demande qu'elle soit écartée des débats au motif
qu'elle ne serait pas assortie d'une pièce d'identité, demande qui ne saurait être
accueillie dès lors qu'aucun grief ne s'attache en l'espèce à l'omission de cette formalité
prévue par l'article 202 du NCPC ; que par ailleurs, aucune preuve n'est rapportée par
l'appelant de l'existence d'actes de nature à jeter le discrédit sur l'appelant ou de
manoeuvres dolosives commises à son préjudice ; qu'en particulier, le contrat de
travail souscrit par M. Lindemann auprès de la Sté Jacomo ne saurait être, en soi,
considéré comme constitutif de manoeuvres dolosives comme le soutient vainement
l'appelant ; qu'enfin, aucune justification n'est fournie des services prétendus qu'aurait
pu rendre aux sociétés intimées indépendamment du contrat de louage de service
précité et au titre desquelles M. Lindemann prétend encore à indemnisation ; que la
Cour a les éléments pour évaluer au montant indiqué ci-après la réparation de la seule
perte de chance qui s'attache à l'inexécution de la promesse, à l'exclusion de tout
préjudice de carrière ;

Par ces motifs, statuant dans les limites de l'appel, Reçoit M. Lindemann en ses appels,

(...) Condamne Mme Fayer à payer à M. Lindemann la somme de 200 000 F à titre de
dommages-intérêts.

70
16. Cass. 3e civ. 30 avril 1997, n° 691 PB, Sté Office européen
d'investissement (OFEI) c/ Association Médecins du Monde

règles communes - pacte de préférence - violation - sanction - en cas de fraude de


l'acquéreur

(Extraits)

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Vu l'article 1142 du Code civil ;

Attendu que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-


intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris, 2 e ch. B, 7 avril 1995), que, suivant un acte du
13 novembre 1990, la société Imprimerie H. Plantin a donné à bail des locaux à
l'association Médecins du Monde (l'association) ; que l'acte comportait une clause aux
termes de laquelle « en cas de vente de l'immeuble le droit de préemption sera en
priorité accordé par le bailleur au preneur » ; que, par acte authentique du 13 février
1991, la société Imprimerie H. Plantin a vendu les locaux à la société Office européen
d'investissement (OFEI) moyennant un prix de 7 000 000 F ; que la société Sofal est
intervenue à l'acte pour consentir un prêt à l'acquéreur ; que, le 20 février 1991, la
société OFEI a fait une offre de vente des locaux à l'association moyennant le prix de
14 500 000 F ; qu'après avoir refusé d'acquérir les locaux en l'état, l'association a
donné son accord, le 28 octobre 1991, pour les acquérir au prix de 9 500 000 F, la
vente devant intervenir le 14 décembre 1991 au plus tard ; que l'association a assigné
les sociétés imprimerie H. Plantin et OFEI en annulation de la vente du 13 février
1991 et en substitution avec remboursement des sommes versées au titre des loyers ;
que la société Sofal est intervenue à l'instance ;

Attendu que pour dire que l'association est substituée à la société OFEI dans la vente
aux prix et conditions de celle-ci, l'arrêt retient que les droits du bénéficiaire d'un pacte
de préférence sont opposables au tiers acquéreur du bien dans la mesure où celui-ci a
commis une fraude, qu'en l'espèce, la collusion entre la société Imprimerie H. Plantin
et la société OFEI est évidente et leur mauvaise foi caractérisée et qu'il sera fait droit à
la demande de l'association tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné
sa substitution dans la vente litigieuse ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : renvoie devant CA Versailles.

71
17. Cass. 3e civ. 24 juin 1998, n° 1106 D, Vanpeene c/ Lefebvre

vente - pacte de préférence - violation - sanction - nullité de la vente - conditions

(Extraits)

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Douai 5 février 1996, 1 re ch. civ.), qu'aux termes de
l'acte passé en l'étude de M. Lefebvre, notaire, le 28 octobre 1970, les époux Vanpeene
bénéficiaient d'un droit de préférence pour acquérir, en cas de vente de celle-ci par les
consorts Lefebvre, la parcelle en nature de jardin, contiguë à leur propriété ; que par
acte du 22 avril 1983 dressé par M. Ducoin, notaire, les consorts Lefebvre ont vendu
la parcelle aux époux Denisselle ; que les époux Vanpeene ont assigné les époux
Denisselle et les consorts Lefebvre qui ont appelé en cause les notaires rédacteurs des
actes, pour faire prononcer l'annulation de la vente intervenue le 22 avril 1983 et juger
que les consorts Lefebvre devront leur consentir la vente aux clauses et conditions
stipulées au profit des époux Denisselle ;

Attendu que les époux Vanpeene font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors,
selon le moyen, 1° que le pacte de préférence a pour effet de mettre à la charge du
promettant, d'une part, l'obligation de proposer la vente au bénéficiaire et, d'autre part,
l'obligation de ne pas contracter avec un tiers tant que le bénéficiaire n'a pas refusé la
proposition qui lui a été adressée ; qu'il est constant qu'un tiers qui a connaissance
d'une convention créatrice de droits personnels doit s'abstenir d'y porter atteinte en se
rendant complice de la violation par un cocontractant de ses obligations
contractuelles ; qu'en l'espèce la cession intervenue entre les consorts Lefebvre et les
époux Denisselle l'a été en violation du pacte de préférence dont bénéficiaient les
époux Vanpeene ; que dès lors en considérant que la cession intervenue en fraude des
droits des époux Vanpeene qui bénéficiaient d'un pacte de préférence ne pouvait être
annulée faute d'une collusion frauduleuse entre le promettant et le tiers acquéreur, la
cour d'appel a, non seulement porté atteinte à la force obligatoire des contrats mais
aussi méconnu le principe de l'opposabilité des conventions aux tiers et ce faisant a
violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ; 2° que, dans la mesure où il est exigé,
pour prononcer l'annulation d'un acte passé en violation d'un pacte de préférence que
le demandeur rapporte la preuve de ce que le tiers avait connaissance non seulement
du pacte de préférence qui lui était consenti, mais aussi de l'intention de s'en prévaloir,
il appartient aux juges de constater que le bénéficiaire a eu la possibilité d'exprimer
l'intention dont on lui demande de rapporter la preuve que les tiers avaient
connaissance ; qu'en l'espèce le promettant s'étant gardé d'accomplir son obligation de
notification de sa volonté de contracter avec un tiers, les époux Vanpeene n'ont pu
exprimer leur intention de se prévaloir du droit de préférence qu'ils tenaient du pacte,
consenti en octobre 1970 ; que dès lors, la cour d'appel, qui, pour refuser de prononcer
l'annulation de l'acte, intervenu en violation du droit de préférence dont bénéficiaient
les époux Vanpeene a considéré qu'ils ne rapportaient pas la preuve de la connaissance
par le tiers acquéreur de leur intention de se prévaloir de leur droit, sans rechercher si
les époux Vanpeene avaient été mis en mesure d'exprimer cette intention, n'a pas
légalement fondé sa décision au regard de l'article 1143 ;

72
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les époux Vanpeene
ne rapportaient pas la preuve de ce que les époux Denisselle avaient eu connaissance
non seulement de l'existence du pacte de préférence, mais encore de l'intention des
époux Vanpeene de s'en prévaloir, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le pacte
de préférence étant une convention créant un droit personnel dont l'opposabilité aux
tiers relève de l'article 1165 du Code civil, le bénéficiaire ne pouvait faire annuler la
vente que si l'acquéreur avait contracté dans des conditions frauduleuses lesquelles
impliquaient non seulement la connaissance du pacte de préférence mais encore
l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, a, sans être tenue de procéder à une
recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision de
ce chef ;

(...) Par ces motifs : Casse partiellement [mais pour un autre motif].

73
18. CA Paris 10 décembre 1998, 5e ch. B, Segui c/ Toscan du Plantier

clauses de sortie - clauses de préemption et de rachat d'actions - mise en jeu de la


clause en cas de perte de la minorité de blocage - exécution forcée

(Extraits)

Considérant qu'Alain Segui, la société Pleyel and Co, anciennement Piano Holding, et
la société Whiteway House ont fait appel d'un jugement contradictoire du 26
novembre 1996 du tribunal de Commerce de Paris qui :

 - a déclaré Daniel Toscan du Plantier et Frédéric Sichler recevables et bien


fondés en leur action à l'encontre d'Alain Segui, de la société Whiteway House
et de la société Pleyel and Co (anciennement SA Piano Holding) mais
irrecevables à l'égard de Patricia Segui et Ginette Grimault, d'Alexandre Segui,
des sociétés Segifin et Egifin SRL,
 - a débouté Alain Segui, la société Whiteway House et la société Pleyel and Co
de leurs demandes,

 - a ordonné le rachat de la totalité des actions détenues par Daniel Toscan du


Plantier et Frédéric Sichler dans la société Pianos Rameau par Alain Segui, la
société Whiteway House, et la société Pleyel and Co,

 - a condamné solidairement Alain Segui, la société Whiteway House et la


société Pleyel and Co à payer respectivement 1 929 375 F à Daniel Toscan du
Plantier et 826 875 F à Frédéric Sichler avec intérêts au taux légal à compter
du jugement contre la remise d'ordres de mouvement des actions,

 - a débouté Daniel Toscan du Plantier et Frédéric Sichler de leur demande de


dommages intérêts,

 - a ordonné l'exécution provisoire de la décision sous réserve de garantie


bancaire,

 - a condamné solidairement Alain Segui et les sociétés Whiteway et Pleyel and


Co à verser à Daniel Toscan du Plantier et à Frédéric Sichler la somme globale
de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à
supporter les dépens.

Considérant que par « protocole d'accord d'augmentation de capital et de


modifications statutaires de la société anonyme Pianos Rameau » en date du 16
octobre 1992 les sept « cofondateurs » constituant désormais le groupe A ont convenu
avec Daniel Toscan du Plantier, Frédéric Sichler, Patrick Proisy et la société Hamm :

 - de porter de 250 000 à 7 000 000 F le capital de la société Pianos Rameau par
apports de 4 250 000 F de la société Pianos Holding et d'un total de 2 500 000
F de Daniel Toscan du Plantier, Frédéric Sichler, Patrick Proisy et la société
Hamm constituant à eux quatre le groupe d'actionnaire dit B,

74
 - de soumettre désormais tout agrément de cession consentie et toute
augmentation de capital ouverte à des tiers étrangers à la société à l'agrément
non plus du conseil d'administration mais de l'assemblée générale des
actionnaires, ce qui revenait à accorder aux actionnaires du groupe B possédant
35,71 % des actions et droits de vote la faculté, outre de s'opposer à toute
dilution de leur minorité, de bloquer l'entrée dans le capital d'un tiers étranger
jugé indésirable,

 - d'attribuer au groupe B minoritaire quatre des dix sièges du conseil


d'administration ;

Considérant que par « protocole d'accord des actionnaires de la société Pianos Rameau
» du même jour les actionnaires des groupes A et B ont convenu,

 - que les « mutations » (terme signifiant, « sans que cette énumération soit
limitative, aliénation des actions (promesse de cession ou cession totale ou
partielle de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit, mise en
nantissement,) apport à des tiers, personnes physiques ou morales, promesse de
cession ou cession de droits préférentiels de souscription attachés aux actions,
abandon volontaire ou forcé de droits préférentiels de souscription, création de
droits de vote double, émission d'obligations convertibles ou échangeables en
actions, d'obligations avec bons de souscription d'actions, de bons de
souscription autonomes ou non ») à titre onéreux ou gratuit étaient libres à
l'intérieur d'un même groupe d'actionnaires,
 - que les autres actionnaires d'un groupe disposeraient d'un droit de préemption
si l'un des actionnaires de ce groupe entendait céder ses actions à un membre
de l'autre groupe,

 - qu'au cas où « un membre du groupe A viendrait à acquérir des actions d'un


membre du groupe B, et que cette acquisition confère au groupe A une
majorité de contrôle, les membres du groupe A devront proposer aux autres
membres du groupe B le rachat au même prix de toutes leurs actions » et « les
autres membres du groupe B concernés auront la faculté individuellement
d'accepter cette mutation ou de conserver la propriété de leurs actions » et
devront notifier leur décision dans le mois de la notification de l'opération,
(article 2-1),

 - qu'au cas où « un membre du groupe B viendrait à acquérir des actions du


groupe A, de telle sorte que le groupe A viendrait à perdre son pourcentage de
contrôle, le cessionnaire devrait proposer à l'ensemble des autres membres du
groupe B le rachat au même prix de toutes leurs actions », (artilce 2-1),

 - que « toute mutation par un membre du groupe A à un tiers qui entraînerait


pour le groupe A la perte de son pourcentage de contrôle, outre le respect de la
procédure d'agrément prévue dans les statuts de la société, entraînerait
l'obligation pour le cédant de proposer l'acquisition par le tiers, ou toute
personne physique ou morale substituée de toutes les actions du groupe B au
même prix », (article 3-2),

75
 - que le « pourcentage de contrôle » s'entend de celui « des droits de vote
attachés aux actions permettant de détenir à tout moment le contrôle de la
société », et la « minorité de blocage » du « pourcentage des droits de vote
attachés aux actions permettant de bloquer une décision de la compétence de
l'assemblée générale extraordinaire » ;

Considérant que par délibération du conseil d'administration du 30 novembre 1994


ratifiée par assemblée générale extraordinaire et par protocole d'accord du 15
décembre 1994 les actionnaires des groupes A et B ont convenu :

 - de porter le capital social de 7 000 000 à 14 025 375 F par incorporation de


réserves et par augmentation de 3 000 375 F soit 19 050 actions nouvelles de
157,50 F réservée à la société Piano Holding par « renonciations individuelles
» des autres actionnaires à leurs droits de souscription, ce qui privait les
actionnaires du groupe B de leur minorité de blocage collective, leur
pourcentage de participation tombant de 35,73 à 28,08 % ,
 - « d'offrir aux actionnaires du groupe B la possibilité » de souscrire avant le
1er juillet 1995 à une augmentation de capital de 1 666 980 F qui leur est
réservée, afin de « leur permettre de conserver la minorité de blocage qu'ils
avaient acquise en souscrivant au capital de la société Pianos Rameau lors de
sa constitution »,

 - d'impartir aux actionnaires du groupe B un délai expirant le 31 mai 1995 pour


faire connaître leur décision concernant leur participation à l'augmentation de
capital qui leur était réservée ;

Considérant que Daniel Toscan du Plantier et Frédéric Sichler ont renoncé à


augmenter leurs participations au capital de la société Pianons Rameau ; que Frédéric
Sichler a écrit en leur nom le 11 avril 1995 à la société italienne Egifin, contrôlant de
fait la société Piano Holding, pour lui proposer d'acquérir ses participations « à un prix
raisonnable » plutôt que de les céder à des concurrents japonais ou coréens intéressés,
et de conserver au besoin des participations symboliques afin d'apporter leur aide à
une « vente de l'ensemble du groupe » ;

Considérant qu'appelants et intimés versent aux débats des consultations


contradictoires des professeurs agrégés des facultés de droit Laurent Aynes et Jacques
Ghestin ;

Que le professeur Aynes dénie toute considération personnelle et toute ambiguïté dans
les engagements contractuels des parties et en déduit, en dépit d'une définition fort
large de la « mutation » ouvrant aux actionnaires du groupe B la faculté d'exiger des
actionnaires du groupe A le rachat de leurs actions, que la modification de la
répartition du capital social entre les deux groupes d'actionnaires ne relève pas des
dispositions des articles 2-1 et 3-2 du « protocole d'accord d'actionnaires » du 16
octobre 1992 dont les termes ne sauraient être étendus par voie d'interprétation
contraire à l'article 1134 du Code civil ;

Que le professeur Ghestin souligne au contraire le caractère intuitu personae selon lui
des conventions liant des financiers gestionnaires à des professionnels de l'art et des
spectacles, la commune intention des parties d'assurer aux actionnaires du groupe B

76
une minorité de blocage et d'en préserver le maintien dans l'hypothèse d'une «
mutation » dont la définition contractuelle serait extensive, et l'absence de novation
des accords d'origine du fait des décisions prises en commun en novembre et
décembre 1994 ;

Considérant que Daniel Toscan du Plantier et Frédéric Sichler ne contestent nullement


cependant qu'ils exécutaient des obligations de réemploi de capitaux souscrites envers
les Pouvoirs publics lorsqu'ils ont participé à l'augmentation du capital de la société
Pianos Rameau d'octobre 1992 ;

Que les correspondances de 1992 et 1995 versées aux débats confirment qu'ils
opéraient un investissement financier ; que les actionnaires gestionnaires du groupe A
ont pu voir un grand intér êt, en particulier du fait de l'objet de la société Pianos
Rameau, à s'associer à des personnalités du monde des arts et des spectacles ; qu'il
n'est pas établi pour autant que les actionnaires du groupe B aient décidé de participer
à l'acquisition du fonds de commerce de la société Pianos de France Rameau en
redressement judiciaire pour des motifs autres que la réalisation d'un profit financier et
en particulier pour des considérations tenant à la personnalité même de leurs associés ;

Considérant que les professeurs Ghestin et Aynes s'accordent à reconnaître :

 - que les actionnaires des groupes A et B se sont consentis un droit réciproque


de préemption afin d'offrir aux actionnaires minoritaires la possibilité de céder
leurs participations en cas de perte par eux mêmes de leur minorité de blocage
ou par les actionnaires majoritaires du contrôle de l'entreprise,
 - qu'aucun des actionnaires du groupe B ne disposait à lui seul dela minorité de
blocage et que les dispositions contractuelles susvisées tendaient, à défaut
d'organisation de la minorité, à assurer la protection collective des minoritaires
de telle sorte qu'une « mutation » individuelle des droits d'un actionnaire du
groupe B en faveur d'un membre du groupe A suffisait à la mise en oeuvre de
la clause de rachat ;

Considérant que les actionnaires des deux groupes ont adopté le 16 octobre 1992 une
définition fort générale du terme « mutation » en incluant diverses hypothèses
n'impliquant nullement une cession d'actions telles que « l'abandon volontaire ou forcé
de droits préférentiels de souscription », en précisant que l'énumération contractuelle
de ces hypothèses n'était pas « limitative » et en ajoutant que la « mutation » pouvait
être onéreuse ou gratuite ; que l'exclusion du caractère limitatif de l'énumération
implique déjà que la commune intention des parties soit recherchée dans les
hypothèses se situant aux frontières de la définition de la « mutation » ;

Que le second protocole du 16 octobre comporte à l'évidence une erreur matérielle


lorsqu'il se réfère, pour la première des hypothèses qu'il envisage, à une acquisition de
la « majorité de contrôle » par les actionnaires du groupe A du fait d'une « mutation » ;
qu'ils la possèdent déjà avant toute « mutation » ; qu'il ne peut s'agir que de la perte de
la minorité de blocage par les actionnaires du groupe B du fait de l'acquisition
envisagée d'actions d'un membre du groupe B par un actionnaire du groupe A ;

Que les appelants ne sont pas fondés, du fait de la généralité des termes employés pour
définir la « mutation » ouvrant le droit au rachat, à prétendre que la commune

77
intention des actionnaires des deux groupes n'était pas de réserver aux minoritaires une
faculté de sortie quelle que soit l'hypothèse leur faisant perdre leur minorité de blocage
des décisions relevant de l'assemblée générale des actionnaires, et en particulier dans
l'hypothèses qui s'est réalisée, d'un abandon volontaire de droits préférentiels de
souscription à des augmentations de capital l'une réservée, l'autre de « rattrapage »
aboutissant à priver les actionnaires du groupe B de leur minorité de blocage ;

Que toute autre analyse introduirait dans cette définition de la mutation une ambiguïté
qui justifierait elle aussi une interprétation qui ne pourrait que conduire à reconnaître
que la décision prise le 15 décembre 1994 de réserver à la société Pianos Rameau,
actionnaire du groupe A, la totalité d'une augmentation de capital faisant tomber la
participation du groupe B en dessous du pourcentage de blocage, et la renonciation au
printemps de l'année 1995 de Daniel Toscan du Plantier et de Frédéric Sichler à
participer à l'augmentation de capital de « rattrapage » permettant aux actionnaires du
groupe B de retrouver leur minorité de blocage, aboutissaient, au sens que la commune
intention des parties a donné à ce terme, à une mutation offrant aux actionnaires du
groupe B et en particulier à Daniel Toscan du Plantier et à Frédéric Sichler la faculté
d'exiger le rachat de leurs actions « au même prix » que celui versé par la société
Pianos Rameau ;

Considérant que les appelants ne justifient d'aucune novation des conventions


d'origine par un accord de 1994 qui ne fait que définir des modalités d'une « mutation
» particulière ; qu'ils n'apportent pas davantage la preuve d'une renonciation de Daniel
Toscan du Plantier et de Frédéric Sichler à leurs droits individuels au rachat de leurs
participations du fait d'abandons successifs de leurs droits de souscription qu'ils étaient
libres de décider, ni d'une quelconque prescription de demandes qu'ils ont présentées
amiablement et en toute loyauté au plus tard dès le 11 avril 1995 même s'ils les ont
adressées à la société italienne contrôlant l'actionnaire majoritaire de la société Pianos
Rameau, seule capable apparemment d'assumer la charge du rachat ;

Qu'il ne saurait être fait grief à Daniel Toscan du Plantier et à Frédéric Sichler de
n'avoir pas « notifié » leur décision dans les trente jours d'une notification qui n'a
jamais existé sauf à qualifier de telle une décision prise en assemblée générale
extraordinaire ; que les appelants le peuvent d'autant moins que l'offre d'une faculté de
souscription à une augmentation de capital de « rattrapage » et l'octroi d'un délai
d'option expirant le 31 mai 1995 dispensaient contractuellement les actionnaires des
deux groupes d'échanger les notifications prévues par le protocole du 16 octobre 1992
concernant l'abandon des droits préférentiels de souscription à l'augmentation de
capital d'octobre 1994 ;

Considérant à l'inverse que la cession du contrôle de la société Segifin, actionnaire


majoritaire de la société Pleyel and Co, anciennement Pianos Holding, à la société
Egifin ne constituait nullement une « mutation » susceptible de justifier la mise en
oeuvre de l'obligation d'achat des titres des actionnaires du groupe B faute d'avoir une
incidence quelconque sur le pourcentage de blocage des minoritaires ; Que cette
cession interne au groupe A et étrangère aux accords litigieux, ne pouvait avoir d'effet
à l'égard des tiers qu'étaient Daniel Toscan du Plantier et Frédéric Sichler qui n'étaient
au surplus liés à la société cédante par aucune convention relevant pour eux de l'«
intuitu personae » ;

78
Considérant qu'il n'est justifié d'aucun engagement de la société Egifin envers Daniel
Toscan du Plantier et encore moins d'une faute quelconque ; que l'action des intimés à
l'encontre de la société Egifin est non pas irrecevable mais mal fondée ; Considérant
qu'il serait inéquitable que les intimés conservent la charge de leurs frais irrépétibles et
que les appelants supportent celle de la mise en cause en appel de la société Egifin ;

Par ces motifs :Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions concernées par
l'appel d'Alain Segui et des sociétés Pleyel and Co et Whiteway House, sous réserve
que la demande formulée à l'encontre de la société Egifin est déclarée infondée.

19. Cass. 3 e civ. 24 mars 1999, n° 611 PBR, Dumas de la Roque c/


Mudarres.

règles communes - pacte de préférence - nature

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Agen 19 mars 1996, 1 re ch.), que, suivant un acte du
10 novembre 1977, M. Pinel a vendu des parcelles de terre à M me Dumas de la Roque,
l'acte comprenant un pacte de préférence portant sur des parcelles contiguës et
stipulant que le pacte liait le vendeur, ses héritiers et représentants ; que, suivant un
acte du 22 février 1982, M. Pinel a vendu à M. Seilhan l'ensemble de sa propriété ; que
Mme Dumas de la Roque a fait publier le pacte de préférence à la conservation des
hypothèques ; que M. Seilhan ayant été mis en redressement judiciaire, une décision
du 10 juin 1992 a autorisé la cession de la propriété à M. Mudarres ; que M me Dumas
de la Roque a assigné M. Mudarres et M. Coumet, ès qualité de commissaire à
l'exécution du plan, en revendication des parcelles, objet du pacte de préférence ; qu'en
appel, Mme Dumas de la Roque a demandé qu'en cas de refus de cession, MM. Seilhan,
Mudarres et Coumet soient condamnés à lui verser des dommages et intérêts ;

Attendu que Mme Dumas de la Roque fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes
alors, selon le moyen, « 1° que le jugement du Tribunal de grande instance d'Auch du
10 juin 1992, arrêtant le plan de cession de l'exploitation de M. Seilhan déclaré en
redressement judiciaire a renvoyé M. Mudarres et M me Dumas de la Roque devant la
juridiction civile pour vider le litige existant entre eux quant à l'application du pacte de
préférence, demandant ainsi au juge civil de trancher la question de savoir si le pacte
de préférence permettait à Mme Dumas de la Roque d'aboutir dans sa revendication
contre M. Mudarres ; qu'en estimant que le juge de la procédure collective aurait exclu
l'application du pacte de préférence à la cession effectuée au profit de M. Mudarres, là
où il a au contraire réservé l'étendue des droits du repreneur en fonction de la décision
du juge civil auquel la connaissance de ce litige était dévolue, la cour d'appel a
méconnu la chose jugée par le jugement du 10 juin 1992, violant l'article 1351 du
Code civil, 2° que l'action en paiement d'une créance née régulièrement après le
jugement d'ouverture doit être dirigée contre le commissaire à l'exécution du plan,
désigné pour la durée de ce plan avec mission de veiller à son exécution ; que la
demande en paiement de dommages et intérêts pour inexécution du pacte de
préférence à raison de la cession intervenue dans le cadre du redressement judiciaire,
dirigée notamment contre le commissaire à l'exécution du plan de redressement de M.
Seilhan, et qui était partie en première instance, était dès lors parfaitement recevable,
quelle que soit la nouveauté de la demande dirigée directement contre M. Seilhan mis
en cause devant la cour d'appel ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a statué par un motif inopérant

79
et violé l'article 67, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 1985, 3° que toute obligation de
faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la
part du débiteur ; que l'inexécution donne lieu à dommages et intérêts, peu important
qu'elle n'ait pas été fautive ; qu'en se fondant, pour refuser de faire droit à la demande
de Mme Dumas de la Roque tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour
inexécution de l'obligation issue du pacte de préférence, sur l'absence de faute
commise par M. Seilhan ou par le commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel a
violé l'article 1142 du Code civil » ;

Mais attendu que le pacte de préférence constitue une créance de nature personnelle ;
que la cour d'appel, ayant retenu que le pacte de préférence avait été institué par M.
Pinel au profit de Mme Dumas de la Roque, cette dernière ne disposait d'aucun droit à
l'encontre de M. Seilhan pour l'inexécution de ce pacte auquel il n'était pas partie ; que
par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement
justifié ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

80
20. CA Rouen 9 décembre 1999, 2e ch. civ., Sté OPE Intermarché c/
Malinge

cession - règles communes à toutes ou plusieurs sociétés - associés - pacte


d'actionnaires - pacte de préférence - 1° validité - 2° violation - effets

(Extraits)

Les faits et la procédure :

Les fonds de commerce communément dénommés « Centre Leclerc » sont exploités


par des sociétés, entreprises indépendantes, responsables de leur gestion et regroupées
au sein de Coopératives d'achats régionales, dont la quasi-totalité du capital social est
détenu par leurs dirigeants qui sont membres d'une association loi de 1901, l'ACD Lec
(à l'Association des Centres Distributeurs Édouard Leclerc) et adhérent aux principes
et modes de commercialisation en grande distribution définis par M. Édouard Leclerc,
et à ce titre attributaires du panonceau et de l'usage des marques Leclerc.

Cette association confère (ou retire en cas de manquement) le droit pour ses membres
d'utiliser le panonceau et l'usage des marques Leclerc.

La société Évreux Distribution, dont le dirigeant était M. Lucien Barbier, a été


constituée pour exploiter un Hypermarché Leclerc à Évreux, M. Barbier ayant adhéré
en 1990 à l'ACD Lec.

La société Évreux Distribution était membre associé de la coopérative d'achats SCA


Normande et de la structure nationale d'achat Galec.

Les époux Barbier étaient titulaires de 2 880 actions au sein de la SA Évreux


Distribution, dont le capital social de 300 000 F était composé de 3 000 actions.

Les associés de la SA Évreux Distribution étaient convenus qu'ils bénéficieraient


chacun d'un droit de préférence si l'un d'eux désirait céder ses actions.

Ainsi, à la suite d'une assemblée générale extraordinaire en date du 27 août 1992,


l'article 12 des statuts a prévu notamment une procédure particulière permettant aux
associés d'être informés de tout projet de cession, d'en connaître le prix, le nombre des
actions dont la vente était projetée afin de se porter éventuellement acquéreur par
priorité à d'autres personnes étrangères à la société.

Par suite de cautions consenties par les sociétés Elbeuf Distribution, Caen Distribution
et Distribution de Menneval, à l'occasion d'un emprunt contracté par la SA Évreux
Distribution d'un montant de 6 000 000 F (et dont les époux Barbier étaient cautions
solidaires), les époux Barbier ont nanti leurs actions au profit desdites sociétés par acte
sous seing privé en date du 25 janvier 1993.

Par acte sous seing privé en date du 12 février 1993, M. et M me Barbier ont consenti à
M. Malinge Serge, M. Loysel, et M. Gruau, dirigeants des sociétés cautions, et «

81
parrains » (contrat de parrainage signé le 2 juillet 1992) une promesse de cession
d'actions.

Cette promesse était valable pour une durée courant à compter de la signature de l'acte
jusqu'à la tenue de l'assemblée générale ordinaire de la société Évreux Distribution,
ayant approuvé le deuxième exercice comptable successivement bénéficiaire et
comportait des conditions suspensives.

Suivant acte sous seing privé en date du 7 octobre 1993, les actionnaires de la société
Évreux Distribution ont signé un pacte d'actionnaires extra statutaire stipulant
notamment que tout projet de cession d'actions de ladite société doit faire l'objet d'une
offre préalable de cession aux autres actionnaires, parties à la convention, le prix étant
fixé à défaut d'accord amiable, à dire d'expert.

Il était expressément indiqué dans ce protocole, en référence à l'article 12 des statuts :

« Le texte de ce droit de préemption et de cette clause d'agrément, est apparu


insuffisamment protecteur des intérêts des actionnaires qui souhaitent s'assurer
individuellement un contrôle efficace de toutes les cessions d'actions au profit de tiers
sans pour autant porter préjudice à la libre négociabilité des actions de sociétés
anonymes, ni à la fixation d'un juste prix de vente.

C'est pourquoi les actionnaires soussignés de la SA Évreux Distribution sont convenus


d'instituer entre eux une procédure à respecter en cas de cession d'actions à des tiers...
»

C'est dans ces conditions que les époux Barbier ont souhaité pouvoir prendre leur
retraite et permettre à leur fils Emmanuel Barbier de leur succéder ; un refus verbal a
été opposé à la demande d'agrément de leur fils comme successeur ;

Ils ont fait savoir qu'ils souhaitaient dans ce cas vendre leurs actions dans la société
Évreux Distribution avant la fin de l'année 1995 ; des négociations amiables ont eu
lieu sur la base d'une évaluation faite par le cabinet Fiteco ; par courrier du 13 juillet,
conformément à la procédure du pacte de préférence, M. Malinge a demandé à M.
Barbier de prendre position sur les conditions financières, le cas échéant de notifier
son projet de vente et le nom de l'expert choisi pour évaluer le prix de vente ;

Les « parrains » et actionnaires ont attiré l'attention des époux Barbier sur les pactes
d'actionnaires existants. Diverses notifications par huissier furent faites :

- les 19 et 20 juillet 1995 aux tiers acquéreurs potentiels, M. Boutron, et autres


membres du réseau Intermarché, du pacte de préférence signé le 7 octobre 1993 et de
leur intention de le mettre en oeuvre et,

- le 25 août 1995 aux époux Barbier

Par courrier du 9 août 1995 M. Barbier a dénoncé unilatéralement auprès des


administrateurs, des parrains de l'ACDD-LEC, de la SCA Normandie, et du Galec les
différents accords qu'il avait signés : le contrat de parrainage du 2 juillet 1992, le pacte

82
de préférence du 2 juillet 1992, la promesse de cession du 12 février 1993 et le pacte
d'actionnaires du 7 octobre 1993.

Un protocole de cession est intervenu le 16 août 1995 prévoyant le transfert de


propriété au 4 septembre 1995 au bénéfice de leur fils pour deux actions, de OPE
Intermarché pour 2 870 actions, et de MM. Boutron, Senand, Chabanier,
Vandenkoornhuyse, membres de ce réseau pour quatre actions. Le protocole faisait
référence aux différents engagements et à leur dénonciation, et comprenait une
condition suspensive afférente au remboursement de l'emprunt contracté par la société
Évreux Distribution envers le CEPME à intervenir avant le 31 août 1995.

Le 7 septembre, M. et Mme Barbier confirmaient leur décision irrévocable de ne pas


tenir compte de la sommation du 25 août, ni de l'ordonnance en référé délivrée le 23
août par le Président du tribunal de commerce d'Évreux constatant leurs manquements
à la promesse de cession et au pacte d'actionnaires, ainsi que le fait que leurs actions
étaient nanties.

Ils ne tenaient pas plus compte de l'ordonnance du Président du tribunal du 22


septembre de désigner un séquestre avec mission de préserver et garantir les actions
appartenant à M. et Mme Barbier, telles qu'elles existaient à la date du 28 août 1995
jusqu'à l'issue des procédures judiciaires.

Le fonds de commerce n'était plus exploité sous l'enseigne « Leclerc » à partir de


septembre 1995 et était cédé au réseau Intermarché en violation du pacte de préférence
qui avait été consenti à la SCA Normande.

Les 9, 12 et 15 janvier 1996, MM. Boutron, Senand, Chabanier, Vandenkoornhuyse


faisaient assigner M. et Mme Barbier, Ope Intermarché et les autres cessionnaires
devant le tribunal de commerce d'Évreux qui par jugement rendu le 23 janvier 1997,
a:

- déclaré nul et de nul effet les cessions d'actions intervenues

- en outre condamné les appelants au paiement d'une somme de 70 000 F au titre des
frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Le 17 juillet 1997, M. et M me Barbier, Ope Intermarché et les autres cessionnaires ont


interjeté appel de cette décision.

(...) Sur la validité du pacte d'actionnaires

Attendu que les conventions entre actionnaires sont valables lorsqu'elles ne sont pas
contraires à une règle d'ordre public, à une stipulation impérative des statuts ou à
l'intérêt social ;

Que l'objet du pacte du 7 octobre 1993 en cas de projet de cession à des tiers de l'un
des actionnaires est d'instituer une procédure permettant d'accorder la préférence aux
autres actionnaires sans porter préjudice à la libre négociabilité des actions à un prix,
soit convenu conventionnellement entre les parties, à défaut déterminé à titre d'expert
choisi sur une liste agréée par elles, et n'est pas contraire à une règle d'ordre public, ni

83
aux dispositions statutaires auxquelles le pacte fait expressément référence, en
particulier à la clause d'agrément et de préemption régie par l'article 12 des statuts, ni à
l'intérêt social ;

Que la demande d'annulation du pacte devra donc être rejetée car mal fondée et le
jugement entrepris confirmé de ce chef ;

Sur les conditions de la cession des actions de la société Évreux Distribution à Ope
Intermarché et autres.

Attendu que la cession de leurs parts par les époux Barbier a eu pour effet un
changement d'enseigne d'un Hypermarché du mouvement Leclerc vers le groupe
concurrent Intermarché dans un contexte de gel du développement des surfaces de
grande distribution, donc de concurrence exacerbée entre les réseaux de distribution
inquiets pour leur pérennité ;

Attendu que les parrains et actionnaires de la société Évreux Distribution ont notifié
par huissier le 20 juillet 1995 aux cessionnaires d'Intermarché, M. Boutron et autres,
d'une part l'existence du pacte d'actionnaires du 7 octobre 1993 et d'autre part leur
intention de s'en prévaloir ;

Que si M. et Mme Barbier ont déclaré dans le protocole de cession de leurs actions en
date du 16 août l'existence de leurs divers engagements au sein du groupe Leclerc et la
résiliation qu'ils avaient notifiée le 9 août 1995 à leurs cocontractants, les
cessionnaires, très avisés sur le plan juridique, ne pouvaient ignorer que cette rupture
unilatérale de conventions synallagmatiques par acte extra judiciaire ne mettait pas fin
aux engagements en résultant et qu'ils ont donc sciemment entendu ignorer leur
violation par leur cosignataire ;

Attendu que M. et Mme Barbier et les cessionnaires d'Intermarché ont également


organisé la disparition des causes du pacte de préférence et de la promesse de cession
d'actions nanties au bénéfice des actionnaires parrains du mouvement Leclerc, et se
sont ensuite prévalu de la caducité des engagements de leur cocontractant sur le
fondement de l'absence de cause ;

Qu'ainsi le remboursement de l'emprunt du CEPME permettant la mainlevée des


cautions accordée par les parrains est stipulé comme condition suspensive de leur
engagement d'acquérir, dont la réalisation avant le 31 août a permis à Ope Intermarché
de qualifier comme n'ayant plus de cause à la date de l'exploit introductif d'instance la
promesse de cession d'actions et leur nantissement : qu'a contrario ils confirment tant
la validité de la promesse de cession comme ayant une cause que leur connaissance du
nantissement à la date de la signature du protocole et avant l'accomplissement de la
condition suspensive, le protocole de cession du 16 août ayant donc été signé en
violation de ladite promesse ;

Qu'ils ont procédé à la vente du fonds de commerce appartenant à la société Évreux


Distribution, nonobstant l'existence non contestée par les époux Barbier d'un accord de
préférence passé avec SCA Normandie, au détriment de l'intérêt social privé de cet
actif d'exploitation, puis allégué qu'il n'y avait plus de cause aux différents

84
engagements préférentiels puisqu'il n'y avait plus d'enseigne Leclerc à exploiter et
donc à protéger ;

Attendu que si la violation des engagements résultant du pacte de préférence et de la


promesse de cession d'actions par M. et M me Barbier au profit des cessionnaires a créé
un préjudice aux bénéficiaires du pacte et de la promesse susceptible d'ouvrir droit à
réparation, ce dont il leur est donné acte, les faits de la cause établissent de plus une
collusion frauduleuse entre les époux Barbier et les cessionnaires du groupe
Intermarché dont la sanction est la nullité des conventions en résultant ;

Attendu qu'au vu de ces divers éléments, il apparaît que c'est par une juste
appréciation des faits de la cause que les premiers juges, dont la décision sera de ce
chef confirmée, ont constaté la collusion frauduleuse et déclaré nulles et de nul effet
les cessions d'actions consenties par M. et M me Barbier au profit de leur fils et de MM.
Boutron, Senand, Chabanier, Vandenkoornhuyse ;

Sur la demande de substitution d'actionnaires et de bénéficiaires de la promesse de


cession

Attendu que l'annulation de la cession des actions à Ope Intermarché et autres ne


permet pas d'établir qu'un contrat de vente au profit de MM. Malinge, Loysel, Gruau
et Legoux soit intervenu ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la substitution
d'actionnaires ;

Attendu que l'option prévue à l'article 10 de la promesse de cession n'ayant pas été
levée avant que l'emprunt soit remboursé et la mainlevée des cautions accordées, MM.
Malinge, Loysel, Gruau et Legoux et leurs sociétés ne peuvent aujourd'hui s'en
prévaloir, la promesse étant devenue sans objet.

Attendu que le prix auquel les époux Barbier ont manifesté leur volonté de vendre
leurs actions est celui figurant dans le protocole de cession du 16 août 1995 ; qu'à
défaut d'accord de MM. Malinge, Loysel, Gruau et Legoux sur ce prix, M. et M me
Barbier devront mettre à exécution la procédure définie dans le pacte du 7 octobre
1993 et choisir un expert de la liste agréé d'un commun accord afin que le prix de
cession soit déterminé ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a


débouté MM. Malinge, Loysel, Gruau et Legoux de leur demande de substitution
d'actionnaires ;

Par ces motifs : La Cour : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
par substitution de motifs.

85
21. CA Versailles 29 juin 2000, 12e ch. 2e sect., Sté Halisol c/ Sté Medix

société anonyme - conseil d'administration - délibérations - délibération


frauduleuse - annulation - responsabilité des participants à la fraude

(Extraits)

Faits et procédure

La société anonyme Laboratoire Medix fabrique et distribue, entre autres produits


pharmaceutiques, un médicament contre les brûlures, dénommé « Biafine » protégé
jusqu'en octobre 1996 par brevets.

Cette société a été dirigée par M. Paul Wenmaekers, décédé en septembre 1994, et
ensuite par Mme Catherine Wenmaekers, sa veuve et leur fils Edmond, lesquels, avec
quelques actionnaires amis détenaient la majorité du capital.

D'autre part, Madame Catherine Wenmaekers et son fils sont devenus, à la suite du
décès de M. Paul Wenmaekers, copropriétaires des droits sur les marques et brevets «
Biafine » avec M. Michel Wenmaekers, frère de Paul et également actionnaire.

La société Halisol, qui se présente comme ayant vocation à prendre des participations
dans les laboratoires pharmaceutiques pour les fédérer et leur permettre ensuite de
faire face à la concurrence internationale, a fait part à M. Michel Wenmaekers, et
ultérieurement à Mme Catherine Wenmaekers de son désir d'acquérir leurs actions ainsi
que celles des autres actionnaires et les brevets et marques leur appartenant.

Pour se protéger de ce qu'elle considérait comme une action hostile, M me Catherine


Wenmaekers a mis en place, le 9 mars 1995, un pacte avec d'autres actionnaires, dont
MM. Clet-David et Retterrer porteurs respectivement de 12 et 11 % des actions, et, en
juin 1995, elle a refusé la proposition de la société Halisol. Cette dernière s'est alors
adressée, par courrier du 6 juin 1995, à tous les actionnaires pour leur faire part de son
offre d'acquisition ferme au prix de 6 500 F l'action, sous la double condition de la
cession de 100 % des actions et du rachat de tous les brevets et marques appartenant à
la famille Wenmaekers.

Dans ce contexte, lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 22 juin 1995, les
actionnaires de la société Laboratoire Medix ont voté à la majorité la révocation des
administrateurs en place et la nomination de nouveaux administrateurs. Au cours de la
même assemblée, il fut décidé de convoquer une nouvelle assemblée générale le 28
juillet 1995 pour délibérer sur l'ordre du jour qui n'avait pas été abordé.

L'assemblée générale du 28 juillet 1995 a été précédée, le même jour, d'une réunion du
conseil d'administration dans sa nouvelle formation, lequel a agréé la cession d'une
action par M. Michel Wenmaekers à la société Halisol et désigné cette dernière en
qualité d'administrateur.

86
Lors de l'assemblée générale qui suivit, les nouveaux administrateurs ont été à leur
tour révoqués et remplacés par Mme Catherine Wenmaekers et d'autres actionnaires
soutenant son action.

Par la suite la société Halisol a acquis le 9 août 1995, 60 actions vendues par M.
Bouchard, puis, ultérieurement de nouvelles actions de la société Laboratoire Medix, à
hauteur de 47 % du capital de cette société, acquisition que la société Laboratoire
Medix a refusé de transcrire dans ses registres, ce qui a entraîné plusieurs actions
devant le juge des référés.

Par ailleurs, et par assignation du 18 septembre 1995, la société Laboratoire Medix,


Mme Catherine Wenmaekers, M. Edouard Wenmaekers, M. Daniel Collard et M.
Jacques Marin ont assigné devant le tribunal de commerce de Versailles, M. Bernard
Clet-David, M. Michel Wenmaekers, M. Alain Moisset et la société Halisol pour voir
notamment :

- prononcer la nullité des délibérations du conseil d'administration de la société


Laboratoire Medix SA adoptées le 28 juillet 1995 et, plus particulièrement, l'agrément
de la société Halisol comme nouvel actionnaire de la société Laboratoire Medix ;

- déclarer inopposable à la société Laboratoire Medix SA la cession d'une action de


cette société intervenue entre la société Halisol et M. Michel Wenmaekers le 28 juillet
1995 ;

- ordonner la radiation pure et simple de ladite cession du registre des mouvements de


titres de la société Laboratoire Medix SA ;

- condamner solidairement MM. Michel Wenmaekers, Bernard Clet-David et Alain


Moisset à verser à la société Laboratoire Medix la somme de 10 000 000 F en
réparation du préjudice subi ;

- condamner la société Halisol à verser également 10 000 000 F de dommages et


intérêts à la société Laboratoire Medix.

(...) Par jugement en date du 20 septembre 1996 auquel il convient de se référer pour
plus ample exposé des éléments de la cause, la juridiction sus-désignée a statué dans
les termes ci-après :

- Reçoit la société Laboratoire Medix, M me Catherine Wenmaekers, M. Edmond


Wenmaekers, M. Daniel Collard et M. Jacques Marin en leur demande d'annulation
des délibérations du conseil d'administration de la société Laboratoire Medix du 28
juillet 1995, les dit mal fondés et les en déboute ;

(...) Appel de cette décision a été interjeté, d'une part par la société Halisol, et, d'autre
part, par la société Laboratoire Medix, Mme Catherine Wenmaekers, M. Edouard
Wenmaekers, M. Collard et M. Marin, et les procédures issues de ces actes d'appel
séparés ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9
septembre 1999.

87
À l'appui de son recours, la société Halisol prétend tout d'abord qu'il est de
jurisprudence constante que seul l'administrateur a qualité à agir pour solliciter
l'annulation de délibérations du conseil d'administration lorsque les griefs portent sur
de prétendues fraudes, manoeuvres ou sur un défaut d'information préalable de cet
administrateur et elle en déduit que la demande d'annulation de la délibération du
conseil d'administration qui s'est tenu le 28 juillet 1995, formée par la société
Laboratoire Medix et certains de ces actionnaires, doit être déclarée irrecevable.

Subsidairement, elle fait valoir que cette demande, à la supposer recevable, est
dépourvue de tout fondement et elle conclut à la confirmation du jugement déféré en
ce qu'il a confirmé la validité des délibérations du conseil d'administration qui s'est
tenu le 28 juillet 1995 et plus particulièrement en ce qu'il a été décidé, au cours de ce
conseil, de son agrément en qualité d'actionnaire de la société Laboratoire Medix. À
cet égard, elle soutient notamment que, contrairement à ce qui est prétendu, M. Michel
Retterer, actionnaire non mis en cause, a été régulièrement convoqué par télégramme à
participer au conseil d'administration en litige, que l'information préalable de
l'ensemble des membres du conseil d'administration a été respecté et que la cession
d'action dont elle a bénéficié au cours de ce conseil a été effectuée dans le strict
respect des statuts de la société Laboratoire Medix.

En revanche, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a


condamnée à payer des dommages et intérêts à la société Laboratoire Medix et en ce
qu'elle a rejeté sa propre demande de réparation. À cet égard, elle fait grief aux
premiers juges d'avoir retenu qu'elle avait diffusé une offre trompeuse d'acquisition
des actions de tous les actionnaires alors qu'elle savait que les conditions qu'elle avait
elle-même imposées ne seraient pas remplies. Elle soutient au contraire qu'elle a agi de
manière totalement loyale en présentant son offre, étant observé que les destinataires
de l'offre étaient libres de l'accepter ou de la refuser, et qu'elle n'a commis aucune
faute en offrant une garantie financière à MM. Retterer et Clet-David, signataires du
pacte d'actionnaire mis en place le 9 mars 1995. Elle estime par ailleurs que la société
Laboratoire Medix, Mme Catherine Wenmaekers, M. Edmond Wenmaekers, M.
Collard, et M. Marin lui ont, par leurs actions abusives, causé un préjudice important
et elle leur réclame en réparation la somme de 500 000 F ainsi qu'une indemnité de 50
000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

(...) Motifs de la décision

- Sur la prétendue irrecevabilité de l'action en nullité des délibérations du conseil


d'administration du 28 juillet 1995

Considérant qu'il est de principe qu'est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt
légitime, l'action tendant à faire déclarer la nullité d'un acte ou d'une délibération
affecté d'un vice de portée générale, tandis que la nullité ayant pour objet la protection
d'intérêts particuliers ne peut être invoquée que par la personne ou le groupe de
personnes dont la loi assure la protection ;

Considérant que la société Halisol et MM. Michel Wenmaekers, Bernard Clet-David


et Alain Moisset soutiennent que l'action en nullité introduite par M me Catherine
Wenmaekers, prise tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de la
société Laboratoire Medix, ainsi que par les autres associés agissant à ses côtés, doit

88
être déclarée irrecevable dès lors que cette action se fonde essentiellement sur un
défaut de convocation et d'information de M. Michel Retterer, alors membre du
conseil d'administration, et que seul M. Retterer, qui n'a pas cru devoir intervenir en la
cause, aurait pu se prévaloir de ces irrégularités ;

Mais considérant que les appelants invoquent non seulement les irrégularités de forme
susvisées, mais également le contexte frauduleux d'ensemble dans lequel s'est réuni le
conseil d'administration lequel a permis notamment selon eux à la société Halisol,
avec la complicité des administrateurs présents, d'acquérir une action de la société
Laboratoire Medix en vue de prendre ultérieurement le contrôle de celle-ci ; qu'il en
résulte que les droits des actionnaires étant susceptibles d'avoir été lésés de même que
ceux de la société Medix et en vertu du principe général du droit selon lequel la fraude
corrompt tout, l'action en nullité doit être déclarée recevable ;

- Sur le bien-fondé de l'action en nullité de la déclaration du conseil d'administration


du 28 juillet 1995

Considérant que, pour pouvoir déterminer si le conseil d'administration du 28 juillet


1995 s'est déroulé dans un contexte frauduleux, il convient d'analyser les circonstances
qui ont précédé et entouré la tenue de ce conseil ;

Considérant qu'il résulte des pièces des débats que, à la suite du décès de M. Paul
Wenmaekers, un différend est né entre ses héritiers, opposant d'une part M me Catherine
Wenmaekers soutenue par des actionnaires amis dont son fils Edouard, et d'autre part
M. Michel Wenmaekers soutenu également par un autre groupe d'actionnaires, ce
différend étant lié à la cession envisagée par M. Michel Wenmaekers de ses actions et
de ses droits de propriété industrielle, projet dont a été informé le notaire de M me
Catherine Wenmaekers, dès le mois de février 1995 ; que, pour consolider leur
position et prétendument passer un accord de partenariat avec un groupe américain,
Mme Catherine Wenmaekers, son fils Edmond et M. Collard, ont conclu, le 9 mars
1995 un pacte d'actionnaire avec les époux Marin, M. Michel Retterer et M. Bernard
Clet-David, ce pacte leur permettant de contrôler 62,29 % du capital de la société
Laboratoire Medix ; que dans le courant du mois d'avril 1995, M me Catherine
Wenmaekers a appris que la société Halisol était l'acquéreur éventuel des droits de M.
Michel Wenmaekers et reconnaît avoir rencontré le 18 avril 1995 un responsable de
cette société qui souhaitait acquérir la totalité des titres Medix ; que M me Catherine
Wenmaekers a décidé, le 6 juin 1995, de ne pas donner suite à cette proposition pour
se concentrer, selon ses dires, sur le partenariat susévoqué ; que, le même jour, la
société Halisol a adressé à tous les actionnaires de la société Medix une offre
d'acquisition de leurs titres au prix de 6 500 F l'action sous deux conditions, à savoir
que lui soient cédées 100 % des actions composant le capital de la société Medix et
que lui soient également cédés les marques et brevets relatifs à la Biafine, propriété
personnelle indivise de M. Michel et M me Catherine Wenmaekers ; que, pour s'assurer
du succès de cette tentative de prise de contrôle, sachant que l'article 13 des statuts de
la socité Medix contient une clause d'agrément en cas de cession d'actions à un tiers, la
société Halisol a passé le 21 juin 1993 une convention avec M. Michel Wenmaekers,
M. Retterer, M. Clet-David et M. Alain Moisset aux termes de laquelle la société
Halisol invitait les intéressés à dénoncer le pacte d'actionnaire moyennant une
indemnisation à hauteur de 3 millions de francs en cas de condamnation judiciaire
pour violation du pacte et à la condition que M. Michel Wenmaekers soit désigné

89
Président du conseil d'administration de la société Medix ; que conformément à la
stratégie ainsi mise en place et, après une réunion organisée par la société Halisol, M.
Retterer et M. Clet-David ont voté, lors de l'assemblée générale qui s'est tenue le 22
juin 1995 à l'instar de M. Michel Wenmaekers et M. Alain Moisset, la révocation des
administrateurs en place issus du groupe dirigé par M me Catherine Wenmaekers, leur
nomination en qualité de nouveaux administrateurs et la convocation d'une nouvelle
assemblée pour le 28 juillet 1995 pour évoquer les points de l'ordre du jour de cette
assemblée qui n'avaient pu être abordés ; que, dans les jours suivants, M. Michel
Retterer s'est désolidarisé du groupe dirigé par M. Michel Wenmaekers et a envisagé
de céder ses actions à M. Jacques Marin, allié de M me Catherine Wenmaekers ; que
c'est dans ce contexte que s'est tenue le 28 juillet 1995, une réunion du conseil
d'administration au cours de laquelle la société Halisol a été agréée en qualité de
nouvel actionnaire de la société Medix à raison d'une seule action cédée par M. Michel
Wenmaekers et autorisée à participer à l'assemblée générale qui s'est tenue aussitôt
après, assemblée au cours de laquelle, grâce à la procuration donnée par M. Retterer à
M. Édouard Wenmaekers, le groupe dirigé par M me Catherine Wenmaekers, fort de la
nouvelle majorité ainsi acquise, a renvoyé les dirigeants désignés lors de la précédente
assemblée du 22 juin 1995 ;

Considérant que les circonstances ci-dessus rappelées révèlent suffisamment en elles-


mêmes que le conseil d'administration du 28 juillet 1995 s'est déroulé dans un contexte
frauduleux ; qu'en effet, ce conseil, qui avait pour objectif de permettre d'agréer la
société Halisol en qualité d'actionnaire, a été tenu dans des conditions de précipitation
manifestement anormales dont l'objectif était d'écarter à l'évidence la participation de
M. Reterrer qui avait entre-temps, malgré les incitations déloyales dont il avait fait
l'objet de la part de la société Halisol, rejoint le groupe d'actionnaires dirigé par M me
Catherine Wenmaekers ; qu'à cet égard, force est de constater que M. Retterer, qui se
trouvait hors de Paris, a été convoqué, selon une attestation de France Télécom, par
télégramme téléphoné le 27 juillet 1997 à 15 h 17 dont il n'est pas acquis qu'il ait eu
personnellement connaissance, de sorte qu'il n'a pas été mis utilement en mesure de
participer à la réunion du conseil d'administration qui devait se tenir le lendemain à 9
heures, pas plus qu'il n'a été informé précisément de l'objet de cette réunion pourtant
capital pour l'avenir de la société Medix, le télégramme faisant seulement allusion à «
l'agrément d'un nouvel actionnaire » ;

Qu'il suit de là qu'il est suffisamment établi que le Conseil d'administration du 28 juin
1995 s'est tenu dans un contexte anormal ayant pour seule finalité, en l'absence voulue
et recherchée de M. Retterer, de permettre à la société Halisol dans des conditions
constitutives d'un abus de droit « d'entrée en force », avec l'aide d'une majorité factice,
dans le capital de la société Medix et d'en prendre ultérieurement progressivement le
contrôle, étant observé que cette société a dégagé en 1999 un bénéfice substantiel de
plus de 30 000 000 F et que le titre s'est fortement valorisé ; que dans ces conditions et
dès lors que les irrégularités constatées s'inscrivent dans une stratégie frauduleuse
d'ensemble, dépassant largement la protection des intérêts particuliers de M. Retterer
et affectant le fonctionnement même de la société, la nullité des délibérations du
conseil d'administration du 28 juillet 1995 sera prononcée et la cession d'action
consentie ce jour là à la société Halisol par M. Michel Wenmaekers déclarée
inopposable à la société Medix, le jugement déféré étant infirmé de ce premier chef ;

90
- Sur la responsabilité de MM. Michel Wenmaekers, Alain Moisset et Bernard Clet-
David

Considérant qu'il apparaît des pièces des débats et des constatations qui précèdent que
MM. Michel Wenmaekers, Alain Moisset et Bernard Clet-David ont commis des
fautes qui ont gravement nui à l'intérêt social de la société Medix, notamment en
participant et en favorisant l'entrée « en force » de la société Halisol dans le capital de
cette dernière et ce dans le seul but de réaliser une forte plus value en cédant leurs
actions à un partenaire qui n'aurait pas été agréé si une majorité régulièrement acquise
avait pu se dégager ; que tout d'abord, force est de constater que les intéressés ont
activement participé à l'action de déstabilisation entreprise déloyalement par la société
Halisol pour inciter certaines parties liées par le pacte d'actionnaires à le dénoncer
contre promesse d'indemnisation en cas de litige ; que, forts de cette entreprise de
déstabilisation, ils ont en outre voté dans des conditions déloyales la révocation des
dirigeants en place pour se substituer à eux ; qu'ils ont également participé, en leur
qualité de nouveaux administrateurs, à l'organisation du conseil d'administration du 28
juin 1995 qui a permis, dans des conditions frauduleuses, l'entrée d'un groupe
concurrent dans le capital de la société Medix ; que, dans ces conditions, c'est à juste
titre que la société Medix, victime de leurs agissements et dont l'intérêt social se
trouve ainsi gravement atteint, leur demande réparation ; que la somme de 10 000 000
F réclamés par cette dernière apparaît toutefois manifestement excessive ; que c'est à
bon droit que les premiers juges, en fonction des éléments dont ils disposaient, ont fixé
cette réparation à 1 500 000 F ;

- Sur la responsabilité de la société Halisol

Considérant que la société Halisol a, comme il a été dit, mené une entreprise de
déstabilisation empreinte d'une totale déloyauté pour s'imposer dans le capital de la
société Medix et en prendre progressivement le contrôle ; qu'à cet égard, force est de
constater qu'après avoir appris que Mme Catherine Wenmaekers n'entendait pas donner
suite à son offre, la société Halisol a incité, avec une promesse d'indemnisation en cas
de procès, les actionnaires liés par un pacte à la majorité alors en place, à violer leurs
engagements ; que, grâce à cette stratégie, elle a obtenu la révocation desdits
dirigeants et activement participé à la réunion précipitée et constitutive d'un abus de
droit d'un conseil d'administration lui permettant de se faire agréer comme nouvel
actionnaire ; qu'ayant ainsi gravement nui à l'intérêt social de la société Medix, celle-ci
est fondée à lui demander réparation ; que toutefois, la somme de 10 000 000 F qui lui
est réclamée par la société Medix apparaît excessive ; que c'est encore à bon droit que
les premiers juges, en fonction des éléments dont ils disposaient, ont fixé cette
réparation à 3 000 000 F.

91
22. CA Paris 21 décembre 2001 n° 01-9384, 25 e ch. A, SA Banque de
Vizille c/ Sté MGP Finance

clause de sortie - clause de cession forcée - exécution forcée

(Extraits)

Considérant qu'à l'occasion de la reprise de la société Merlin Gerin Provence (ci-après


MGP Instruments) spécialisée dans la fourniture d'instruments de mesure d'émission
radioactive et de décontamination nucléaire et de la société MGP Inc ayant une
activité de distribution, par les dirigeants des deux entreprises, la société Uriel
devenue MGP Finance (ci-après MGP Finance) a été constituée entre ces derniers et
un groupe d'investisseurs auquel appartenait la banque de Vizille, dans le cadre d'une
opération de LMBO, une augmentation de capital de la société MGP Finance portant
ce dernier à 100 000 actions d'un nominal de 100 F, 450 000 obligations convertibles
d'un nominal de 100 F étant parallèlement émises au cours de ces opérations ; que ces
fonds augmentés d'un prêt consenti à la société par le Crédit Agricole Indosuez ont
permis le rachat des deux sociétés pour un prix total de 92 500 000 F réglé comptant ;

Considérant qu'un protocole intitulé « Pacte d'actionnaires », fixant les conditions de


cette augmentation de capital a été conclu le 25 mai 1994, entre ces deux groupes
d'actionnaires, intitulés respectivement « actionnaires de catégorie A » et «
actionnaires de catégorie B » ainsi qu'avec la SNC Acland, constituée mandataire
commun pour l'application de certaines dispositions du contrat ;

Considérant que l'article 3 A de ce protocole stipule que tout transfert d'actions à un


autre actionnaire ou à un tiers « devra être subordonné à l'adhésion écrite du
bénéficiaire non actionnaire au présent contrat et à sa substitution aux droits et
obligations du cédant en tant que membre du même groupe... ainsi qu'au transfert
simultané en faveur du bénéficiaire du même pourcentage d'obligations convertibles
détenues par le cédant » ; que son paragraphe B institue un droit de préemption de
l'ensemble des actionnaires pour tout transfert de titres au profit d'un actionnaire ou
d'un tiers, tout projet de cession devant être préalablement notifié à la SNC Acland qui
procédera à sa notification à chacun des autres actionnaires, tout défaut de réponse
constituant une renonciation tacite à se prévaloir de ce droit de préemption ;

Que l'article 3 E, intitulé « Cession de la totalité des titres », stipule :

« Seul le conseil d'administration pourra consulter à tout moment les actionnaires qu'il
aura préalablement informés de son intention, aux fins de les interroger sur leur intérêt
pour une cession globale de la totalité des titres de la société. Le conseil
d'administration informera les actionnaires sur les négociations en cours, leurs termes
et leurs suivis et notamment quant au prix minimum de vente et aux engagements de
garantie qui pourraient être donnés, sachant que lesdites garanties devront être
compatibles avec les règles légales de fonctionnement des actionnaires, et notamment
des FCPR.

Le conseil d'administration devra respecter l'égalité entre les actionnaires.

92
Si les actionnaires représentant 51 % des titres notifient au conseil d'administration de
(sic) leur volonté de procéder à une cession globale de leurs titres, le conseil
d'administration recommandera celle-ci. Dans une telle hypothèse, le conseil
d'administration informera chacun des actionnaires.

À cet effet et dès à présent, chaque actionnaire de catégorie A et B s'engage


irrévocablement :

- soit à céder la totalité des titres qu'il détient aux conditions de la cession globale qui
lui auront été indiquées par le conseil d'administration, sous réserve de la production
de la notification des actionnaires représentant 51 % du capital,

- soit, dans l'hypothèse où il refuserait de céder ses titres, à racheter ou à faire racheter
la totalité des titres détenus par les autres actionnaires de catégorie A et B dans un
délai de 45 jours à compter de la notification du conseil d'administration, et ce aux
conditions au moins égales à celles de la cession globale qui lui auront été indiquées
par le conseil d'administration...,

- si plusieurs actionnaires refusent de vendre, ils se répartiront les actions à acheter


dans les conditions prévues à l'article 3 B...

Enfin chaque actionnaire s'engage irrévocablement à ne pas entamer de négociations


portant sur la cession ou l'apport de la totalité des titres sans l'autorisation préalable du
conseil d'administration » ;

Considérant qu'une nouvelle augmentation de capital par émission d'actions assortie


d'une émission d'obligations convertibles est intervenue en 1997, à laquelle la banque
de Vizille a souscrit ;

Considérant que de nouvelles difficultés étant apparues au cours de l'été 1999, le


principe du rééchelonnement de la dette a été accepté par le Crédit Agricole Indosuez
à la condition que les actionnaires de la société MGP Finance participent
financièrement au redressement du groupe ; qu'à cet effet la société MGP Instruments
a émis des obligations à bons de souscription d'actions (OBSA), pour un montant total
de 16 millions de francs, qui ont été souscrites par la plupart des actionnaires de la
société MGP Finance, à l'exception de la banque de Vizille qui a refusé de s'associer à
cette nouvelle opération de récapitalisation ;

Considérant que la société anonyme Acland a proposé, au début de l'année 2000, le


rachat par deux FCPR et son groupe et pour un franc symbolique, de la totalité des
actions et obligations convertibles émises par la société MGP Finance, s'engageant
pour le compte des deux FCPR à recapitaliser la société MGP Finance à hauteur de 87
300 000 F ainsi qu'à faire racheter par la société MGP Instruments les OBSA émises
en 1999 pour 16 000 000 F, et par la société MGP Finance les bons de souscriptions
d'actions attachés à ces obligations pour 46 209 302 F ; que ces propositions ont été
transmises par la société MGP Finance à ses actionnaires par lettre du 16 mai 2000 ;
que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2000, la société MGP
Finance a informé la banque de Vizille de ce que cette offre avait recueilli l'accord de
65,98 % des actionnaires et qu'en application des dispositions de l'article 3 E du

93
protocole signé le 25 mai 1994, il y avait lieu de considérer cette offre comme
acceptée par l'ensemble des actionnaires ;

Considérant que la banque de Vizille, souscripteur de 10 000 actions et de 45 000


obligations convertibles lors de l'augmentation de capital de la société MGP Finance
en 1994, soit un investissement total de 7 399 150 F, puis à nouveau des obligations
convertibles émises en 1997 pour 482 600 F, mais absente de la recapitalisation de la
société MGP Instruments réalisée en 1999, s'oppose à cette opération qu'elle qualifie
de manoeuvre de rétorsion destinée à l'évincer de la société MGP Finance tout en la
spoliant de l'investissement réalisé dans cette société, et fait valoir divers arguments
qu'il convient d'examiner ;

(...) Sur l'exécution forcée du pacte d'actionnaires

Considérant que la banque de Vizille fait valoir que l'exécution forcée des dispositions
du pacte d'actionnaires ordonnée par les premiers Juges se heurte aux dispositions de
l'article 1142 du Code civil, s'agissant d'une obligation de faire qui ne peut se résoudre
qu'en dommages intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ;

Mais considérant qu'ainsi que l'ont justement décidé les premiers Juges, ces
dispositions n'interdisent pas de recourir à l'exécution forcée lorsque comme en
l'espèce, aucune impossibilité matérielle, juridique ni morale ne lui fait obstacle, le
débiteur de l'obligation étant demeuré propriétaire des titres ; qu'il y a lieu de faire
droit aux demandes de la société Acland et de la société MGP Finance, et de confirmer
les dispositions de la décision entreprise ordonnant ce transfert sous astreinte, la
réduction du délai fixé par la décision attaquée et l'augmentation du montant de
l'astreinte, demandées en appel par les intimés, n'étant pas justifiées ;

(...) Par ces motifs : Confirme la décision entreprise.

94
23. CA Paris 2 juillet 2002 n° 01-19901, 3e ch. A, Patrimonio c/ Azzaro

cession - prêt de consommation d'actions - violation d'un pacte extra-statutaire


prévoyant un droit de préemption - allocation de dommages-intérêts aux bénéficiaires
du pacte

(Extrait)

(...)

Les faits sont les suivants :

La société Loris Azzaro, maison de couture détenue environ à 75 % par Michelle


Azzaro et à 25 % par Loris Azzaro, son époux, tire l'essentiel de ses revenus de son
activité parfum exploitée sous licence exclusive concédée à la société Clarins BV ;

Michelle Azzaro, Loris Azzaro et la société Clarins BV sont liés par un pacte
d'actionnaires signé le 25 juillet 1997 ;

Le 14 février 2001, Michelle Azzaro, qui venait d'être placée sous sauvegarde de
justice par ordonnance du 6 février 2001, a été révoquée de ses fonctions de président
directeur général et remplacée par sa fille, Catherine Azzaro. Michelle Azzaro est sous
curatelle depuis le 10 juillet 2001. Son curateur est M. Trochon ;

Une ordonnance de référé du 3 avril 2001 du tribunal de commerce de Paris a rejeté la


demande de Michelle Azzaro tendant à la désignation d'un mandataire chargé de
convoquer une assemblée générale ordinaire des actionnaires pour statuer sur la
gestion de la société et désigner un nouveau conseil d'administration, puis a nommé
Me Martin, administrateur judiciaire, pour la durée de la sauvegarde de justice, avec
mission de l'assister en tant qu'administratrice de la société Loris Azzaro, de prendre
connaissance de la situation et des perspectives de cette société et de prendre les
initiatives juridiques que la situation imposerait ;

Sur requête de Catherine Azzaro qui avait fait valoir qu'en raison de l'hospitalisation
de Michelle Azzaro et de la mesure de protection des incapables majeurs dont celle-ci
faisait l'objet l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes annuels ne
pourrait se tenir dans le délai légal, le juge chargé de la surveillance du Registre du
commerce de Paris a prorogé ce délai jusqu'au 31 août 2001 par une ordonnance du 28
juin 2001 ;

Le 29 juin 2001, Michelle Azzaro et son concubin, M. Rucli, informés par M e Martin
des termes des ordonnances des 3 avril et 28 juin 2001, ont néanmoins décidé de tenir
seuls une assemblée générale ordinaire et extraordinaire et ont, notamment, révoqué de
leurs mandats d'administrateurs Catherine Azzaro, Loris Azzaro et M. Engel, le
conseil d'administration étant composé désormais d'eux-mêmes et d'un représentant de
la société Clarins BV ;

95
Le 4 juillet 2001, un conseil d'administration a nommé M. Rucli au poste de président
du conseil d'administration de la société ;

Une ordonnance de référé du 7 août 2001 a désigné Me Lessertois avec mission


d'enquêter sur le conflit opposant les actionnaires, d'assister à l'assemblée générale du
24 août 2001 et de prendre contact avec le nouveau conseil d'administration et les
nouveaux représentants de la société ;

L'assemblée générale ordinaire du 24 août 2001 a confirmé la décision de révocation


des administrateurs prise le 29 juin 2001, puis a nommé en remplacement MM. Patat,
Maurette, Patrimonio et Mme Cherouat qui avaient obtenu chacun un prêt de
consommation d'une action de la société Loris Azzaro, ces prêts leur ayant été
consentis par actes séparés du 24 août 2001 par Michelle Azzaro, sans l'assistance de
son curateur ;

Le conseil d'administration du 24 août 2001 a nommé en remplacement de M. Rucli,


démissionnaire, M. Patat aux fonctions de président du conseil d'administration et de
directeur général ;

Le conseil d'administration du 27 septembre 2001 a accepté la démission de Michelle


Azzaro de son mandat d'administrateur ;

Lors des assemblées générales des 24 octobre et 6 décembre 2001 et 11 janvier 2002
ont été à nouveau confirmées la décision de révocation de Catherine et de Loris
Azzaro de leurs mandats d'administrateurs et leur remplacement par MM. Patat,
Maurette et Patrimonio et par Mme Cherouat ;

Les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2000 n'ont pas été approuvés lors de
l'assemblée générale du 11 janvier 2002, la résolution proposée en ce sens ayant été
rejetée. Cette approbation est intervenue lors de l'assemblée générale du 28 mars
2002 ;

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris a été saisi par Loris,
Catherine et Béatrice Azzaro de deux procédures tendant à l'annulation des assemblées
générales précitées et des résolutions du conseil d'administration qui en sont la suite ;

Postérieurement aux jugements critiqués, le 5 février 2002, Michelle Azzaro a notifié


à Loris Azzaro et à la société Clarins BV la dénonciation du pacte d'actionnaires ;

(...) Sur la nullité du transfert d'actions

Considérant que, par actes séparés du 24 août 2001, Michelle Azzaro a consenti à
MM. Patat, Patrimonio et Maurette et à M me Cherouat chacun un prêt de
consommation d'une action prenant effet immédiatement et s'achevant à la fin du
mandat d'administrateur de l'emprunteur ;

Que l'assemblée générale des actionnaires du même jour a confirmé la révocation des
mandats d'administrateur de Catherine et Loris Azzaro et de M. Engel et a nommé les
nouveaux actionnaires au conseil d'administration ;

96
Que la démission de Michelle Azzaro de son mandat d'administrateur a été entérinée
par un conseil d'administration du 27 septembre 2001 ;

Qu'il doit être observé que, depuis son placement sous curatelle, le 10 juillet 2001,
Michelle Azzaro n'avait plus la capacité juridique nécessaire pour exercer un mandat
d'administration d'une société anonyme ;

Que Loris et Béatrice Azzaro font valoir que les transferts d'actions sont nuls parce
qu'ils ont été faits en violation du pacte d'actionnaires et de la clause statutaire relative
à l'agrément des nouveaux actionnaires ;

Que Michelle Azzaro et M. Patat se bornent à répliquer, la première, qu'elle n'a fait
qu'exercer ses droits d'actionnaire majoritaire et, le second, qu'il ne s'agissait que de
prêts d'actions ne nécessitant pas d'agrément de la société ;

Que la cour observe, cependant, qu'il est indiqué dans chaque acte de prêt de
consommation que « conformément aux dispositions de l'article 1893 du Code civil, la
convention a pour effet de transférer la propriété de l'action prêtée au profit de
l'emprunteur », que « l'emprunteur reçoit l'action empruntée pour en disposer comme
il l'entend en pleine propriété » et qu'il dispose « de tous les droits qui y sont attachés,
notamment du droit de vote et du droit de percevoir des dividendes » ;

Que ces prêts de consommation d'actions sont des cessions d'actions consenties en
violation du pacte d'actionnaires, qui fait obligation à la partie qui envisage de céder
tout ou partie de ses titres à un nouvel actionnaire ou à un tiers d'en informer
immédiatement l'autre partie par LRAR et de lui permettre d'exercer son droit de
préemption, procédure qui n'a pas été respectée par Michelle Azzaro ;

Que cette violation, dès lors que le pacte d'actionnaires n'est pas inscrit dans les statuts
de la société, n'est pas de nature à entraîner l'annulation des transferts d'actions et des
assemblées générales contestées ;

Qu'elle ne peut qu'ouvrir droit à des dommages et intérêts comme il sera dit plus loin ;

Qu'il n'y a pas lieu en conséquence de prononcer l'annulation des cessions ni de les
déclarer inopposables à Loris Azzaro, observation étant faite, par ailleurs, que si les
transferts d'actions ont été réalisés sans l'assistance du curateur de Michelle Azzaro,
leur annulation n'est pas demandée sur le fondement de l'article 510-1 du Code civil ;

Considérant, dès lors, que la désignation de MM. Patat, Patrimonio et Maurette et de


Mme Cherouat comme actionnaires puis comme membres du conseil d'administration
est régulière au regard des articles 11-2 et 15 des statuts qui n'exigent que la propriété
d'une action pour devenir administrateur et dispensent de l'agrément de la société celui
qui acquiert une action en vue de devenir administrateur.

97
24. CA Paris 12 novembre 2002 n° 01-00424, 2e ch. civ., Becquet c/
Brizard

pacte d'actionnaires - clause d'inaliénabilité des titres et de clause de rupture - validité

(...) Attendu que pour permettre la transformation de la société à responsabilité limitée


Ateliers du Val d'Or au capital de 50 000 F, en société anonyme le 23 juillet 1997, les
parties, toutes cadres dans la dite société, hormis l'appelant Bouyer qui n'est intervenu
que plus tard, procédaient à l'acquisition d'une part sociale chacun ; que le 21 juillet
précédent ces mêmes parties signaient un protocole d'accord aux termes duquel ils
décidaient le rachat des actions de la société anonyme à venir ; que par acte sous seing
privé du 1er août suivant ils créaient la société à responsabilité limitée Avo Industrie
dont l'objet social consistait particulièrement dans le rachat des titres de la dite société
anonyme ; que le 4 septembre 1997 par assemblée générale extraordinaire, il était
décidé de porter le capital de la société à responsabilité limitée Avo Industrie à 1 000
000 F par une augmentation de 950 000 F ;

Attendu que par acte sous seing privé du 10 septembre 1997 lesdits associés ont
convenu de l'incessibilité des parts leur appartenant durant trois ans et de la qualité de
salarié ou de gérant comme condition pour devenir et demeurer porteur de part ; qu'il
était plus précisément stipulé que si l'un des titulaires perdait « pour quelque motif que
ce soit » la qualité pour rester porteur de parts, il s'engageait à « céder ses parts
sociales à première demande exprimée par un autre associé », « soit aux autres
associés » au prorata des parts détenues par chacun, « soit à la société elle-même » qui
suite à ce rachat réduirait son capital d'autant ; que le 25 novembre 1997 les salariés de
la société anonyme Atelier du Val d'Or ont été repris par la société à responsabilité
limitée Avo Industrie ; que le 18 février 1998, Bouyer non salarié est devenu associé
de cette société, adhérant au pacte du 10 septembre 1997 relativement à l'incessibilité
temporaire des actions ; que le 8 avril 1998 par assemblée générale extraordinaire, la
société à responsabilité limitée Avo Industrie s'est muée en société anonyme sous la
même dénomination ; que les associés de cette nouvelle société dont le nouvel entrant
ont réitéré le pacte du 10 septembre 1997 quant à, notamment, l'inaliénabilité
temporaire des actions ;

Attendu que le 17 avril 1998 Brizard était convoqué dans les formes requises par
Becquet ès qualités de directeur général de la société pour un entretien préalable à son
licenciement ; que suite à cet entretien qui s'est tenu le 28, le licenciement de Brizard
lui était notifié par lettre du 30 avril 1998 ; que le 4 mai 1998 ces parties convenaient
d'une transaction réglant les conséquences du licenciement ; que par lettre du 6 mai
1998, le même appelant imposait à l'intimé le rachat de ses actions dans la société
anonyme Avo Industrie société pour le prix de 72 272 F et son action dans la société
anonyme Atelier Val d'Or pour le prix de 28 345 F ; qu'en payement de ce prix
Becquet lui adressa mensuellement à compter du 22 février 1999 des chèques des
montants correspondants ; que Brizard encaissa ces chèques ;

Attendu que refusant ce qu'il estimait constituer une vente forcée de ses parts, cet
intimé fit assigner par exploit du 16 avril 1998, les signataires du pacte du 8 avril 1998
aux fins retenues par le premier juge dans le jugement querellé ;

98
(...) lI : la nullité :

A- : la liberté de cession :

Attendu que pour se référer au fondement proposé par Brizard, l'article 274 de la loi
du 24 juillet 1966 énonce que sauf en cas de succession, de liquidation de
communauté de biens entre époux, ou de cession d'action soit à un conjoint soit à un
ascendant ou à un descendant, la cession d'actions à un tiers à quelque titre que ce soit
peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts que les actions
doivent alors revêtir la forme nominative ; que ce texte ajoute que lorsque la société ne
faisant pas publiquement appel à l'épargne réserve des actions aux salariés de la
société, il peut être stipulé une clause d'agrément interdite par les dispositions
précédentes dès lors que cette clause a pour objet d'éviter que les dites actions soient
dévolues ou cédées à des personnes n'ayant pas la qualité de salarié de la société, que
ce texte prévoit enfin que toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément
figurant dans les statuts est nulle ;

Attendu au préalable qu'il doit être observé que les statuts des sociétés en cause ne
prévoient aucune modalité particulière de cession des actions ; que le pacte litigieux
comme les autres qui l'ont précédé ne constituent pas des clauses statutaires ; qu'en
outre ces accords entre associés ne portent atteinte au principe de la libre cessibilité
des actions que de manière temporaire ; que de plus, rien n'interdit aux fondateurs
d'une société anonyme de se réserver les parts ou actions d'une société et de soumettre
tout nouvel arrivant à leur convention ; qu'il est acquis, étant donné le soin avec lequel
les parties, en ce compris Brizard, ont réitéré le pacte initial de septembre 1997
prévoyant la limitation de la cessibilité des parts et les modalités de rachat des parts de
l'associé qui ne remplirait plus les conditions pour rester actionnaire, à chaque
circonstance où un événement, une décision venait modifier la vie sociale, que les
parties ont voulu de manière parfaitement affirmée contrôler, autrement que par des
dispositions statutaires, le développement de la société fondé sur des changements
importants de sa structure ; qu'il n'est pas démontré que ce type de pacte viole la
législation susvisée, spécialement en ce qu'il aboutit à porter atteinte à la libre cession
des actions ou parts, d'autant que Brizard a été en fait conduit à réitérer sa
renonciation, le 10 septembre 1997 puis le 8 avril 1998 ;

B- : l'égalité entre actionnaires :

Attendu que le pacte litigieux auquel Brizard a contribué à donner sa force et qui
s'impose aux parties par application de l'article 1134 du Code civil, a en fait introduit
pour une durée de trois ans, une rigoureuse procédure d'agrément des nouveaux
associés non salariés dans la société fondée sur l'unanimité des porteurs en parts viriles
; que l'obligation faite le 21 juillet 1997 aux associés initiaux de rachat des actions de
la société anonyme à venir, suivi du pacte du 10 septembre 1997 imposant des
conditions qui ne s'appliquaient qu'aux signataires de ne pas céder leurs titres,
imposait en fait l'accord unanime des pactisants pour recevoir tout nouvel associé non
salarié ; que Bouyer a bénéficié de cet agrément ; que Brizard a donné son accord et l'a
répété le 8 avril 1997 ; que cet intimé qui ne démontre pas en quoi cette succession de
pactes ou protocole d'accord violerait la loi de 1966 susvisée, doit s'y conformer sans
pouvoir fonder une prétendue nullité sur l'agrément donné à l'unanimité des porteurs,

99
dont Brizard, au motif que le nouvel associé n'exerçait aucune fonction salariale au
sein des sociétés dont s'agit ;

C- : le dol :

Attendu que l'article 1116 du Code civil énonce que le dol est cause de nullité de la
convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est
évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que ce texte
précise que ce vice du consentement ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en la
cause Brizard, à qui revient la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence d'un
dol à l'encontre de quiconque et particulièrment pas à l'encontre de Becquet pris en sa
double qualité tant de dirigeant social et de coassocié copactisant ;

Attendu que rien ne permet en effet de déduire du rapprochement des dates : celle du 8
avril 1998 correspondant au pacte litigieux et celle du 17 avril 1998 correspondant à
l'envoi de la lettre ouvrant la procédure de licenciement à son encontre, l'existence
d'un dol, même par réticence, qui aurait déterminé Brizard à signer le pacte en cause ;

Attendu en premier lieu que rien ne permet d'affirmer que le 8 avril la procédure de
licenciement de Brizard était déjà décidée dans l'esprit de la direction sociale et
particulièrement de Becquet ;

Attendu que s'il peut paraître évident en second lieu que Brizard n'aurait pas signé le
pacte du 8 avril s'il avait su son licenciement probable, il ne démontre cependant pas
en quoi cette connaissance pouvait influencer son propre consentement quant à l'objet
même de l'accord recherché concernant le contrôle unanime par les coassociés de toute
nouvelle entrée d'un non-salarié dans les sociétés ; qu'en effet il doit être souligné que
concernant Brizard comme tous ses coassociés (hormis Bouyer) le pacte de septembre
1997 qui ne peut être suspecté de dol en raison de sa relative ancienneté, continuait de
régir les rapports entre ses signataires et que dès lors l'intimé n'a pas eu à souffrir
quant à la libre disposition de ses actions ou parts du pacte qu'il dénonce ; que
d'ailleurs Bouyer en se ralliant à ce pacte du point de vue de la transmission des parts
qu'il acquérait, sans attendre le 8 avril 1998, s'y soumettait à l'instar de ses coassociés ;
que le pacte du 8 avril manifestait s'il en était besoin l'intérêt que ces derniers dont
Brizard y attachaient en dépit des changements rapides et nombreux qui ont affecté les
sociétés dites des Ateliers du Val d'Or au cours de la période considérée ;

Attendu en conséquence qu'en l'absence de dol il ne convient pas d'annuler le pacte du


8 avril 1998 ; que le jugement doit donc être de ce fait réformé ;

(...) Par ces motifs, la cour, réforme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé
l'annulation du pacte d'associés du 8 avril 1998 et condamné Becquet, Fradet & autres
à payer quelconque somme à Brizard.

100
25. Cass. com. 1er juillet 2003 n° 1095 F-D, Sté Eurodec c/ Sté Groupe
Choisy Inc.

Pacte d'actionnaires - conclusion - dol - appréciation

(...) Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris 2 juillet 1999, 5 e ch. civ. sect. C), que les
sociétés Groupe Choisy et Laboratoires Choisy, qui fabriquent et commercialisent des
produits destinés au nettoyage des sols et à l'hygiène des industries et des collectivités,
sont entrées en 1990 au capital de la société Eurodec, distributrice de produits
d'entretien pour collectivités ; que dans le cadre de cette opération, différents
protocoles sociaux et financiers ont été signés entre les sociétés Groupe Choisy et
Laboratoires Choisy et les autres sociétés actionnaires de la société Eurodec, parmi
lesquelles les sociétés Chimiotechnic et Lyon participations, ainsi qu'un contrat
d'approvisionnement non exclusif de la société Eurodec par la société Groupe Choisy
(le Groupe Choisy) ; qu'en raison des difficultés rencontrées par la société Eurodec, un
protocole du 8 septembre 1994 a été signé entre actionnaires qui, d'une part, a organisé
une réduction des participations et engagements du Groupe Choisy dans la société
Eurodec jusqu'au seuil de 15 % d'un capital social diminué avec confirmation d'un
droit de retrait, et, d'autre part, a modifié le contrat d'approvisionnement qui a été
assorti d'uneclause d'exclusivité ; qu'à la suite d'un désaccord dans l'exécution de ce
protocole et des engagements commerciaux, le Groupe Choisy et les Laboratoires
Choisy ont assigné, le 22 août 1996, les sociétés Eurodec, Chimiotechnic et Lyon
participations en mainlevée des engagements du Groupe Choisy visés à l'article 1 er du
protocole du 8 septembre 1994 et en condamnation solidaire à réparer leur préjudice,
au titre notamment de quotas non atteints dans le cadre du contrat
d'approvisionnement ; qu'en cours d'instance, le Groupe Choisy et les Laboratoires
Choisy ont demandé la condamnation de ces mêmes sociétés au titre d'une
concurrence déloyale, constituée par la commercialisation, via la société Eurodec, de
produits de la société Chimiotechnic concurrents de ceux du Groupe Choisy sous une
dénomination semblable ; qu'ils ont également fait valoir qu'ils avaient été victimes
d'un dol lors de la conclusion du protocole du 8 septembre 1994 en ce qu'ils ont
découvert de manière rétroactive que le groupe majoritaire avait signé deux mois plus
tôt à leur insu un pacte d'actionnaires avec les sociétés minoritaires BTL et Anios, en
violation d'un pacte du 26 mai 1992 qui liait tous les actionnaires, et qu'ils n'auraient
jamais accepté les nouvelles conditions du prix de leur participation dans le capital
d'Eurodec, si ce pacte avait été porté à temps à leur connaissance ;

(...) Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que « les sociétés Eurodec,
Chimiotechnic et Lyon participations ont commis une manoeuvre déloyale en signant,
le 4 juillet 1994, avec les sociétés BTL et Anios un pacte d'actionnaires à l'insu du
Groupe Choisy », alors, selon le moyen :

1° que la demande de la société Groupe Choisy concernant le dol prétendument


commis lors de la signature du protocole du 8 septembre 1994 du fait de la
dissimulation alléguée du pacte antérieurement conclu, la cour d'appel ne pouvait
déclarer déloyale et fautive la signature elle-même de ce pacte le 4 juillet 1994 sans

101
méconnaître les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de
procédure civile ;

2° qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi « les nouvelles facultés de retrait négociées


par les sociétés BTL et Anios faisaient basculer le groupe minoritaire dans les mains
du groupe majoritaire », ce qui seul justifiait qu'il dût être notifié au Groupe Choisy, la
cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des articles 1116 et 1134 du Code
civil ;

Mais attendu, d'une part, que le Groupe Choisy se prévalait de ce que lui avait été
cachée la signature, le 4 juillet 1994, d'un pacte d'actionnaires, dont la connaissance
l'aurait conduit à exercer le droit de retrait qui lui était reconnu par un protocole du 26
mai 1992, et à ne pas signer le protocole du 8 septembre 1994, lequel était moins
avantageux pour lui ; qu'il s'en déduit que la cour d'appel, qui a retenu que les sociétés
Eurodec, Chimiotechnic et Lyon participations ont commis une manoeuvre déloyale
en signant, le 4 juillet 1994, avec les sociétés BTL et Anios, un pacte d'actionnaires à
l'insu du Groupe Choisy, retenant ainsi la faute tirée de la dissimulation du pacte
litigieux au Groupe Choisy, n'a pas violé l'objet du litige ;

Et attendu, d'autre part, qu'en l'état des écritures des sociétés Eurodec, Chimiotechnic
et Lyon participations qui se contentaient de soutenir que le pacte critiqué n'entrait pas
dans le champ d'application de l'obligation d'information prévue au protocole du 26
mai 1992, sans faire valoir qu'il n'avait pas en outre pour effet d'entraîner une perte de
majorité pour le groupe majoritaire ou de minorité de blocage pour le groupe
minoritaire, la cour d'appel, qui a constaté que tel était l'effet du pacte litigieux, a
motivé sa décision ;

Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

102
26. Cass. com. 8 juillet 2003 n° 1114 F-D, Sté Sollac Atlantique c/ Sté
Raffinerie BP et Elf de Dunkerque

extinction du contrat - arrivée du terme - 1° tacite reconduction du contrat - effets - 2°


prorogation - effets

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Versailles 15 février 2001, 12 e ch. sect. 2), que, par
contrat du 31 mars 1987 et avenant du 1er avril 1987, la société Usinor aciers (société
Usinor) s'est engagée à fournir du gaz à la société BP France (société BP) pendant une
durée de dix ans, ce contrat étant renouvable par tacite reconduction par période d'un
an avec préavis de résiliation de deux ans ; que le contrat a été reconduit tacitement le
1er avril 1997, puis le 1er avril 1998 ; que, par lettre recommandée avec avis de
réception du 26 mars 1999, la société Sollac, qui vient aux droits de la société Usinor,
l'a résilié à cet effet au 31 mars 2001 ; que la société La Raffinerie BP et ELF de
Dunkerque (SRD), qui vient aux droits de la société BP, a assigné les sociétés Sollac
et Sideco, qui viennent aux droits de la société Usinor, pour faire annuler les factures
de régularisation de la société Sideco correspondant aux livraisons de gaz des mois
d'avril 1997 à octobre 1998 et enjoindre à cette société et à la société Sollac de lui
remettre des factures de gaz livré à compter du 1 er avril 1997 sur la base d'un prix
correspondant à la première formule de prix et de continuer à lui livrer le gaz à ce prix
pendant la durée du contrat reconduit ;

Attendu que la société Sollac atlantique, qui vient aux droits des sociétés Sideco et
Sollac, reproche à l'arrêt d'avoir accueilli ses demandes, alors, selon le moyen :

1° que s'agissant de la période antérieure à la résiliation, ayant elle-même admis à


juste titre que toute minoration du prix du gaz était devenue caduque au moment de la
reconduction du contrat, prive sa décision de base légale au regard des articles 1134,
1376 et 1583 du Code civil et de l'arrêté de compte, l'arrêt qui déduit des factures
minorées émises par la société Sollac après cette date, que celle-ci aurait manifesté
sans équivoque sa volonté de pratiquer un tel prix, et qui considère, par conséquent
comme dépourvues de toute valeur les facturations de régularisation émises pour
réparer l'erreur de compte résultant des précédentes factures ;

2° qu'après avoir admis que le prix contractuel excluait toute minoration à compter du
1er avril 1997 et que le contrat devait se poursuivre aux mêmes conditions pendant la
période de préavis, viole l'article 1134 du Code civil, l'arrêt qui sans constater aucune
novation, impose à la société Sollac de livrer sur ladite période, du gaz au prix minoré,
lequel n'avait été, selon l'arrêt lui-même, accepté par les parties que pour une
reconduction annuelle ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que pendant la durée de la première
reconduction du contrat et une partie de la durée de la seconde reconduction, la société
Sollac avait facturé à la SDR le gaz à un prix identique à celui résultant de la première
formule du contrat précédent et qu'elle avait reçu le montant de ces factures sans
protestation, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la
commune intention des parties que la cour d'appel a estimé que la société Sollac avait
manifesté sa volonté d'appliquer ce prix, lequel avait été accepté par la SRD ;

103
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que par lettre recommandée avec avis de
réception du 26 mars 1999, la société Sideco avait résilié le contrat reconduit à effet au
31 mars 2001 ce dont il résulte que ce contrat a été prorogé jusqu'à cette date aux
mêmes conditions, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le prix pratiqué au cours
de la seconde reconduction était applicable pendant toute la période de préavis ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

104
27. CA Aix-en-Provence 5 décembre 2003 n° 02-19692, 8 e ch. B, SA
Sofipharm c/ Sté financière de Marcory

pacte d'actionnaires - validité et absence de caducité de certaines clauses du pacte

(Extraits)

Faits et procédure

Courant 1997 les cadres salariés d'une unité de production pharmaceutique


appartenant au Groupe Glaxo se sont portés candidats à la reprise de son activité ;

Le Groupe Glaxo a constitué deux sociétés auxquelles il a consenti des apports partiels
d'actifs : la société Elaiapharm, qui exerce l'activité, et la société Foncière Sophia
Antipolis, qui détient les immeubles où elle est exercée ;

Il a cédé ses droits dans ces deux sociétés à la société Sofipharm, holding du Groupe
Elaiapharm ;

Le capital de la société Sofipharm était détenu :

- à hauteur de 35,20 % par la société Financière de Marcory et son gérant, Monsieur


Melieres ;

- à hauteur de 30,80 % par Messieurs Delepine, Mac Intosh, Tedeschi, Armoiry et


Foucaud ;

- à hauteur de 34 % par les sociétés FCPR Eurofund, 3 I Europe Investment Partners


n° 1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2 ;

Le 28 février 1997 tous ont signé une charte d'actionnaires, complétée le 20 janvier
1999 par un avenant (qui seront ici ensemble désignés « le pacte »), « régissant leur(s)
rapport(s) au sein de la société Sofipharm » (cf. le préambule de l'avenant) ;

Ce pacte comporte des clauses de préemption ;

Les sociétés Elaiapharm et Sofipharm ayant été déclarées en redressement judiciaire,


Monsieur Melieres a présenté un plan de continuation, qui a été arrêté par le tribunal ;

Les sociétés FCPR Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe


Investment Partners n° 2 s'étant montrées « disposées à céder leur(s) participations et
leur(s) créances dans la société Sofipharm » (cf. la lettre de leur Conseil du 3 août
2000), des tractations ont été engagées, qui ont abouti le 19 mars 2001 à une offre
d'acquisition de titres de Monsieur Muller « sous réserve que les autres actionnaires
auront ... renoncé aux prérogatives à eux reconnu(e)s par » le pacte ;

105
Le 21 mars 2001 les sociétés FCPR Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et
3 I Europe Investment Partners n° 2 ont notifié le projet de mutation à tous les autres
actionnaires ;

Messieurs Delepine, Mac Intosh, Tedeschi, Armoiry et Foucaud ayant exercé le droit
de préemption, la vente des actions est intervenue à leur profit ;

La société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller l'ont contestée ;

Par jugement du 16 septembre 2002 le tribunal de commerce de Grasse a :

- dit que l'assignation est régulière en la forme ;

- donné acte à la société 3 I Gestion qu'elle n'est pas la représentante des sociétés 3 I
Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2 ;

- déclaré le pacte valide et de plein effet au regard des rapports entre actionnaires de la
société Sofipharm ;

- dit que c'est à juste titre que Messieurs Delepine, Mac Intosh, Tedeschi, Armoiry et
Foucaud ont exercé le droit de préemption ;

- confirmé la transcription dans les registres de la société Sofipharm des mutations


intervenues suite à la cession de la totalité des titres détenus par les sociétés FCPR
Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2
à hauteur de 38 665 titres répartis selon ordres de mouvements établis le 19 septembre
2001 ;

- débouté la société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller de leurs


demandes ;

- débouté la société Sofipharm des siennes ;

- condamné la société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller à verser


chacun la somme de 2 000 € à la société 3 I Gestion en tant que société de gestion de
la société FCPR Eurofund à titre d'indemnité pour procédure abusive ;

- ordonné l'exécution provisoire nonobstant opposition ou appel et sans caution ;

- condamné la société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller à verser


chacun la somme de 1 500 € à la société 3 I Gestion en tant que société de gestion de
la société FCPR Eurofund, et à Messieurs Delepine, Mac Intosh, Tedeschi, Armoiry et
Foucaud sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- débouté ces derniers de leurs autres demandes ;

La société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller ont relevé appel de


cette décision le 8 octobre 2002, et la société Sofipharm le 18 octobre 2002 ;

(...) Motifs de la décision

106
Les appels sont réguliers en la forme et ont été interjetés dans les délais ; ils sont
recevables ;

Le pacte a été signé entre la société Financière de Marcory et Monsieur Melieres


(Actionnaires A), les sociétés 3 I (FCPR Eurofund), 3 I Europe Investment Partners n°
1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2 (Actionnaires B), Messieurs Delepine, Mac
Intosh, Armoiry et Foucaud (Actionnaires C), et Monsieur Tedeschi (Actionnaire D) ;

La société Sofipharm n'y est pas partie ; de ce fait il ne lui est pas opposable ; dès lors
si, dans le cadre de l'instance à laquelle elle a été appelée par la société Financière de
Marcory et Messieurs Melieres et Muller elle a un intérêt, non discuté, à faire
connaître son « opinion » sur son efficacité, elle n'en a aucun à en demander la nullité
totale ou partielle, ou la caducité ; il convient d'ailleurs de relever qu'au terme de ses
conclusions d'appel elle se borne à réclamer la réformation du jugement entrepris, et
une indemnité pour frais irrépétibles ;

Si l'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut
avoir aucun effet, l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où
elle est souscrite ;

Il n'est ni contestable, ni contesté, que le pacte était causé lors de sa signature ; le fait
que par la suite certaines des circonstances l'entourant aient changé est sans effet sur
sa validité ; au demeurant :

- la société Financière de Marcory et Messieurs Melieres et Muller, ce dernier n'y étant


pas non plus partie, ne peuvent tirer argument du fait que les Actionnaires C et D ne
prendraient plus part à l'activité, alors que : d'une part cette hypothèse a été
expressément envisagée (cf. notamment l'article 14 alinéa 2 : « La présente charte
cessera de produire ses effets à l'égard de tout Actionnaire A, B, C ou D qui viendrait
à perdre sa qualité d'actionnaire ... ») ; d'autre part Messieurs Delepine, Mac Intosh,
Tedeschi, Armoiry et Foucaud ont été licenciés, non renouvelés dans leurs fonctions
ou « démissionnés » par Monsieur Melieres lui-même ;

- la société Sofipharm ne peut invoquer le fait que la « cause déterminante de


l'engagement du Groupe 3 I » aurait disparu, alors que les sociétés FCPR Eurofund, 3
I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2, qui seules
pourraient s'en prévaloir, ne le font pas ;

Les obligations des signataires du pacte ne sont donc pas nulles pour défaut de cause ;

Tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie
s'oblige à faire ou à ne pas faire ;

L'objet du pacte était de « définir les rapports de partenariat au sein de la société » ; il


n'a pas disparu parce que :

- la société Sofipharm a été déclarée en redressement judiciaire, alors que : tout


d'abord elle a été admise au bénéfice d'un plan de continuation présenté, non par
Monsieur Melieres personnellement, mais par « les dirigeants du groupe » (cf. la page
32 du projet de plan de la société Elaiapharm) ; ensuite le tribunal a précisé que ce

107
plan devra être respecté « quels que soient les administrateurs en charge de la société »
; enfin cette hypothèse a été envisagée a contrario (cf. l'article 14 alinéa 1- 2° : « La
présente charte ... deviendra caduque le jour ... où une décision judiciaire acceptera ...
un plan de cession de la totalité des actifs ... ») ;

- l'actionnariat a changé, alors que cette hypothèse est à la base même des clauses
traitant des « mutations », définies comme « toute(s) opération(s) susceptible(s) de
modifier, immédiatement ou à terme, directement ou indirectement, la répartition du
capital ... » ;

Le pacte n'est donc pas devenu caduc pour défaut d'objet ;

Par ailleurs celui-ci ne heurte pas l'intérêt social ; il tend au contraire à établir une
meilleure synergie entre groupes d'actionnaires aux intérêts divergents ;

Lorsque l'administrateur envisage de proposer au tribunal un plan de continuation


prévoyant une modification du capital, il demande au conseil d'administration, au
directoire ou aux gérants, selon le cas, de convoquer l'assemblée générale
extraordinaire ou l'assemblée des associés ; si, du fait des pertes constatées dans les
documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital
social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer ces capitaux à concurrence du
montant proposé par l'administrateur et qui ne peut être inférieur à la moitié du capital
social ; elle peut également être appelée à décider la réduction et l'augmentation du
capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan ; les
engagements pris par les actionnaires ou associés ou par de nouveaux souscripteurs
sont subordonnés dans leur exécution à l'acceptation du plan par le tribunal ; les
clauses d'agrément sont réputées non écrites ;

La cession de parts par des actionnaires n'impliquant pas de modification du capital au


sens de ce texte, celui-ci n'est pas applicable ;

Le plan de continuation ne prévoit aucune modification des statuts ; au surplus le


tribunal a rejeté la requête de la société Sofipharm « ayant pour objet de réputer non
écrit le pacte », en précisant que ce plan devra être respecté « quels que soient les
administrateurs en charge de la société » :

Le pacte n'est donc incompatible ni avec le droit des procédures collectives, ni avec
les décisions du tribunal en charge de la procédure collective ;

Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative des textes régissant les
sociétés, dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée
non écrite ;

La même sanction serait applicable aux clauses du pacte, étant observé que ses
signataires ont eux-même convenu que « pour le cas où une ou plusieurs stipulations
seraient frappées de nullité, les autres dispositions conserveront leur pleine et entière
validité, les parties s'engageant alors à se rencontrer pour remplacer, dans le même
esprit, la stipulation ainsi frappée de nullité » (cf. l'article 18) ;

108
Il n'y aurait donc pas lieu à nullité du pacte tout entier en cas d'illicéité d'une de ses
clauses ;

Le pacte a été conclu pour une durée de vingt ans ; il n'en résulte pas pour ses
signataires un engagement perpétuel, ni même d'une durée déraisonnable, puisque
chacun d'eux peut vendre ses parts à tout moment, ce qui s'est d'ailleurs produit avec le
départ de l'Actionnaire B ;

Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

Les dispositions du pacte qui restreignent la liberté de vote de certains actionnaires


dans des cas bien spécifiés ne heurtent pas l'intérêt social par cela seul qu'elles visent à
protéger l'Actionnaire B dans son statut particulier d'établissement de capital risque ;
elles tendent au contraire a assurer la pérennité du « projet d'entreprise » commun à
tous les associés, en maintenant les conditions sans lesquelles les sociétés FCPR
Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe Investment Partners n° 2
n'auraient pas souscrit au plan de développement proposé par les Actionnaires A et C
(cf. l'exposé des motifs du pacte, et son annexe 2) ;

Elles sont par ailleurs dénuées de fraude, et renfermées dans des limites précises ; ainsi
notamment si l'article 10 prévoit que « les Actionnaires A, C et D se portent fort de ce
que les assemblées générales ordinaires des sociétés filiales ... voteront chaque année
lors de l'approbation des comptes une résolution visant à une distribution des résultats
à ... la société mère d'un montant ... tel (qu'il lui) permette de faire face à l'ensemble de
ses obligations contractuelles et statutaires », ce qui n'est guère surprenant s'agissant
d'une holding, ce n'est que « dans la mesure où les bénéfices constatés le permettent
»;

La société Financière de Marcory, Messieurs Melieres et Muller et la société


Sofipharm n'invoquent d'ailleurs aucune circonstance précise où ces dispositions se
seraient révélées non conformes à l'intérêt social ; or désormais le problème ne se pose
plus, puisque l'Actionnaire B a cédé la totalité de ses parts à Messieurs Delepine, Mac
Intosh, Tedeschi, Armoiry et Foucaud ;

Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

De la même manière ces dispositions, ou encore la clause d'information renforcée, ne


portent pas atteinte au principe d'égalité entre les associés, et ne heurtent pas l'intérêt
social, par cela seul qu'elles visent à traiter l'Actionnaire B dans son statut particulier
d'établissement de capital risque différemment des autres ; elles tendent au contraire à
organiser « les rapports de partenariat au sein de la société » entre tous les associés,
qui sont tellement conscients d'appartenir à des groupes distincts qu'ils se sont eux-
mêmes répartis par catégories : Actionnaires A (« Groupe Melieres »), B (« société de
capital investissement »), C (« management ») et D (cf. le préambule du pacte, et son
annexe 2) ;

Là encore : elles sont dénuées de fraude et limitées ; la société Financière de Marcory,


Messieurs Melieres et Muller et la société Sofipharm n'invoquent aucune circonstance
précise où ces dispositions se seraient révélées non conformes à l'intérêt social ;
désormais le problème ne se pose plus ;

109
Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

Les dispositions du pacte ne portent pas atteinte au principe de hiérarchie des pouvoirs
sociaux ; ainsi, si l'article 9 stipule que « les Actionnaires A, C et D s'engagent à ce
que la société et/ou (une) de ses filiales ne prennent aucune des décisions » qu'il
énumère « sans l'avis favorable préalable et écrit des actionnaires B ou uniquement
des conseils de surveillance de chaque société concernée, si les Actionnaires B le
souhaitent », l'article 8 précise que « le terme avis ne peut en aucun cas être considéré
comme un nécessaire accord préalable à une décision de gestion des organes
compétents de la société et/ou de l'une ou plusieurs de ses filiales et, en conséquence,
une possibilité d'immixtion des Actionnaires B dans ladite gestion ... cet avis ne
concerne et n'a d'incidence que sur les relations d'actionnaire des parties » au pacte ;

De la même manière, l'article 14 alinéa 3 prévoit qu'« en cas de révocation de


Monsieur Melieres de ses fonctions de membre du directoire de la société et de
Elaiapharm, les parties se rapprocheront pour déterminer les amendements à
apporter ... sans que les discussions relatives à ces amendements ne puissent
restreindre ou interdire la révocation elle-même qui ne dépendra que d'une décision
des organes compétents de la société concernée », et l'article 15.6 visant les «
opérations spéciales » qu'« en cas de décision favorable de l'assemblée générale
ordinaire, les Actionnaires s'engagent ... » ;

Là encore la société Financière de Marcory, Messieurs Melieres et Muller et la société


Sofipharm n'invoquent aucune circonstance précise où ces dispositions se seraient
révélées non conformes aux principes de hiérarchie et de compétence des organes
sociaux ;

Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

Une clause de préemption ne porte pas atteinte au principe de libre négociation des
actions, dans la mesure où elle assure un juste prix au cédant, et où à défaut d'exercice
du droit de préemption celui-ci à la faculté de poursuivre son projet de cession ; il n'est
pas discuté que tel est le cas en l'espèce ;

Aucune prescription légale n'interdit l'instauration d'un droit de préemption en cas de


cession d'actions entre les actionnaires d'une société anonyme ; les dispositions du
pacte qui instaurent un tel droit ne constituent pas une clause d'agrément déguisée,
prohibée en pareil cas, dès lors qu'elles ne subordonnent pas la cession à une décision
d'un organe social, et que l'obligation faite au cédant d'indiquer le nom du cessionnaire
n'a d'autre objet que de permettre aux actionnaires de vérifier la réalité, le sérieux et
les conditions du projet de cession, pour ensuite « participer effectivement aux
négociations » (cf. l'article 2.1) ;

Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

Au demeurant cela n'affecterait en rien les cessions intervenues entre les sociétés
FCPR Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe Investment
Partners n° 2, et Messieurs Delepine, Mac Intosh, Tedeschi, Armoiry et Foucaud,
puisque ceux-ci ont exercé le droit de préemption à l'occasion d'un projet de cession
d'actions à un tiers, Monsieur Muller ;

110
Le pacte prévoit que « le ou les actionnaires cédants s'engage(nt) irrévocablement à
céder les titres objet de la préemption aux actionnaires ayant préempté » ;

Au demeurant le caractère éventuellement potestatif de telle autre de ses clauses


n'affecterait en rien les cessions intervenues ;

Il n'y a donc aucune illicéité de ce chef ;

La « notification du projet de mutation » par l'Actionnaire B à tous les autres


actionnaires non parties à ce projet, y compris ceux désignés sous le nom
d'Actionnaire A, précisait l'identité de l'auteur de l'offre d'acquisition, le prix,
parfaitement déterminé, et les conditions de la cession ; le pacte précise lui-même le
délai dans lequel le droit de préemption doit être exercé ;

La procédure mise en oeuvre est donc régulière ;

La société Financière de Marcory, Messieurs Melieres et Muller et la société


Sofipharm ne démontrent pas l'existence d'une fraude ou d'un abus de droit qui aurait
eu pour objet et/ou pour effet de fausser le libre jeu de la préemption et/ou de
détourner le « profit » du plan de continuation ;

Il convient au contraire, après avoir rappelé que ce plan a été présenté, non par
Monsieur Melieres personnellement, mais par « les dirigeants du groupe », et que le
tribunal en charge de la procédure collective a précisé qu'il devra être respecté « quels
que soient les administrateurs en charge de la société », de relever :

- que les sociétés FCPR Eurofund, 3 I Europe Investment Partners n° 1 et 3 I Europe


Investment Partners n° 2 ont toujours subordonné la vente de leurs actions au respect
du pacte (cf. notamment les lettres de leur Conseil des 3 août, 7 et 13 septembre et 17
novembre 2000), ce qui a été accepté ;

- qu'elles ont laissé la possibilité à Monsieur Muller, et à travers lui à la société


Financière de Marcory et à Monsieur Melieres, assistés du même Conseil, d'obtenir la
renonciation des autres actionnaires à leur droit de préemption, et faire ainsi «
l'économie d'une notification » (cf. les lettres de leur Conseil des 22 janvier, 8 mars et
surtout 23 mai 2001 : « je regrette que les pourparlers que vous m'aviez annoncés qui
laissaient augurer une acquisition globale par vos clients n 'aient pas été couronnés de
succès ») ;

- que c'est en pleine connaissance des risques engendrés par cette situation que
Monsieur Muller a formulé son offre d'acquisition le 19 mars 2001, et a déclenché la
notification du projet de mutation à tous les autres actionnaires non parties à ce projet ;

La procédure mise en oeuvre n'est donc pas viciée ;

Par ces motifs : La Cour (...) Confirme le jugement entrepris (...).

111
28. Cass. com. 7 janvier 2004 n° 15 F-D, Sté Ope Intermarché c/
Malinge

Pacte d'actionnaires - pacte de préférence - violation

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, (CA Rouen 9 décembre 1999, 2 e ch. civ.),
que les époux Barbier, détenteurs de 2 880 des 3 000 parts composant le capital de la
société Evreux Distribution, ont conclu entre janvier 1992 et 1993 avec les autres
associés de cette société, MM. Loysel, Malinge, Legoux et Gruau, les sociétés de
Distribution de Menneval, Elbeuf Distribution, L'Aigle Distribution et Caen
Distribution, plusieurs conventions notamment, une convention de parrainage avec
MM. Malinge et Loysel, un pacte de préférence avec la SCA Normande, présidée par
M. Malinge, le 7 octobre 1993, un pacte d'actionnaires autorisant tout actionnaire
cédant à proposer ses parts aux autres actionnaires à un prix à déterminer amiablement
ou par expertise, un contrat de nantissement des parts détenues par les époux Barbier
en garantie des cautionnements donnés par MM. Malinge et Loysel et la SCA
Normande lors d'un emprunt contracté en 1993 par la société Evreux Distribution et
enfin, le 11 février 1993, une promesse de cession de parts au profit des « parrains »,
MM. Malinge, Loysel et la SCA Normande ; que le 20 juillet 1995, les « parrains » et
actionnaires de la société Evreux Distribution ont notifié par acte d'huissier aux futurs
acquéreurs des parts des époux Barbier l'existence du pacte d'actionnaires du 7 octobre
1993 et leur intention de s'en prévaloir ; que le 16 août 1995, les époux Barbier ont
conclu avec la société Ope Intermarché un protocole d'accord prévoyant la cession de
leurs parts dans la société Evreux Distribution sous la condition suspensive du
remboursement de l'emprunt souscrit par cette société en 1993, lequel remboursement
était nécessaire à la mainlevée du nantissement consenti le 25 janvier 1993 ; que le
transfert de parts s'est opéré le 4 septembre 1995 ; que sur les 2880 parts, 2870 ont été
transférées à la société OPE Intermarché, le restant étant partagé entre MM.
Emmanuel Barbier, Boutron, Chabanier, Senand et Vandenkoornhuyse ; que par actes
des 9, 12 et 15 janvier 1996, MM. Malinge, Loysel, Gruau et Legoux, agissant tant en
leur nom personnel que pour le compte respectivement des sociétés Elbeuf
Distribution, SDM, Caen Distribution et L'Aigle Distribution ont fait assigner en
nullité des cessions de parts, la société OPE Intermarché, MM. Boutron, Senand,
Chabanier et Vandenkoornhuyse ainsi que les époux Barbier et leur fils Emmanuel ;
que le tribunal, puis la cour d'appel ont accueilli cette demande ;

(...) Sur le deuxième moyen du pourvoi principal pris en ses deux branches et le
troisième moyen du pourvoi incident pris en ses deuxième et troisième branches,
rédigés en termes identiques, sur le deuxième moyen du pourvoi incident pris en sa
deuxième branche et sur le troisième moyen du pourvoi incident pris en ses première
et quatrième branches, réunis :

Attendu qu'il est encore fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°) qu'est nulle toute convention qui oblige un actionnaire désireux de céder ses parts à
un tiers à faire une offre de vente aux autres actionnaires à un prix à déterminer sans
ménager au cédant une faculté de rétractation ; que, dès lors, en déclarant valable le
pacte d'actionnaires du 7 octobre 1993 qui oblige tout actionnaire cédant de la société

112
Evreux Distribution à proposer ses parts aux autres actionnaires à un prix à déterminer
amiablement ou par expertise sans l'autoriser à rétracter son offre de vente « avant
l'acceptation ou le refus exprès ou tacite par le bénéficiaire », la cour d'appel a violé
les articles 1582 et 1583 du Code civil, ensemble les articles 274 et 275 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 ;

2°) que, contrairement au pacte d'actionnaires du 7 octobre 1993, l'article 12 des


statuts de la société Evreux Distribution autorise l'actionnaire cédant à retirer son offre
si son projet de cession à un tiers n'a pas été accepté et qu'il n'agrée pas les conditions
de la vente à intervenir avec un ou plusieurs des autres actionnaires ; que, dès lors, en
énonçant que ledit pacte d'actionnaires n'est pas contraire aux statuts sur ce point, la
cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

3°) qu'en vertu des articles 274 et 275 de la loi du 24 juillet 1966, sont nulles les
clauses d'agrément ou de préemption qui portent une atteinte disproportionnée au
principe de libre négociabilité des actions ; que tel est le cas d'une clause qui prévoit
que l'actionnaire ne retrouvera sa liberté de céder qu'après un délai de 12 mois après
avoir initialisé la procédure de préemption ; que, dès lors, en l'espèce, en ne
recherchant pas comme elle y était invitée si la clause litigieuse ne portait pas une
atteinte disproportionnée au principe de libre négociabilité des actions, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

4°) qu'enfin, en annulant les cessions prétendument faites en violation d'un acte extra
statutaire dont la nullité était demandée au motif que les époux Barbier contestant la
validité de leur consentement, alors qu'ils avaient demandé reconventionnellement
dans leurs conclusions, la nullité pour violence de cette convention, la cour d'appel a
violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

5°) qu'en tout état de cause, en annulant les cessions prétendument faites en violation
d'une promesse dont la nullité était demandée, au motif que les époux Barbier
n'avaient engagé aucune procédure contestant la validité de leur consentement, alors
qu'ils avaient demandé reconventionnellement dans leurs conclusions, la nullité pour
violence de cette convention, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de
procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que les conventions entre actionnaires
sont valables lorsqu'elles ne sont pas contraires à une règle d'ordre public, à une
stipulation impérative des statuts ou à l'intérêt social ; que l'objet du pacte du 7 octobre
1993 en cas de projet de cession à des tiers de l'un des actionnaires est d'instituer une
procédure permettant d'accorder la préférence aux autres actionnaires sans porter
préjudice à la libre négociabilité des actions à un prix, soit convenu
conventionnellement entre les parties, soit, à défaut, déterminé à dire d'expert choisi
sur une liste agréée par elles, et n'est pas contraire à une règle d'ordre public, ni aux
dispositions statutaires auxquelles le pacte fait expressément référence, en particulier à
la clause d'agrément et de préemption régie par l'article 12 des statuts, ni à l'intérêt
social ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel qui n'avait pas d'autres
recherches à faire, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient qu'il n'est justifié d'aucune procédure
contestant la validité du consentement des époux Barbier aux conventions critiquées ;

113
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal pris en ses première, deuxième et


troisième branches et sur le quatrième moyen du pourvoi incident pris en ses
deuxième, troisième et quatrième branches, rédigés en des termes identiques et sur la
quatrième branche du troisième moyen du pourvoi principal et la première branche du
quatrième moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu qu'il est encore fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°) que l'acte notifié le 19 juillet 1995 aux cocontractants des époux Barbier par
différents actionnaires de la société Evreux Distribution ne contient aucune
énonciation manifestant la volonté de ces derniers de faire usage de la procédure de
préemption stipulée à leur bénéfice par le pacte d'actionnaires du 7 octobre 1993 ;
qu'en considérant néanmoins que cette notification avait informé ses destinataires de
l'intention des actionnaires de la société Evreux Distribution de se prévaloir du dit
pacte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) que l'obligation qui, contractée sous condition suspensive, dépend d'un événement
futur et incertain ne peut être exécutée qu'après la survenance de cet événement ; que
le protocole d'accord du 16 août 1995 ayant été conclu sous condition suspensive du
remboursement anticipé du prêt souscrit par la société Evreux Distribution auprès du
CEPME, c'est à la date de ce remboursement, auquel était subordonnée la réalisation
des cessions projetées, que devait être appréciée la bonne ou mauvaise foi des
cocontractants ; qu'en déduisant leur mauvaise foi du fait que, le 16 août 1995, ils
avaient signé un protocole d'accord en violation d'une promesse de vente consentie par
les époux Barbier, la cour d'appel a violé l'article 1181 du Code civil ;

3°) qu'en faisant grief à la société OPE Intermarché ainsi qu'aux autres cessionnaires
des titres détenus par les époux Barbier d'avoir méconnu un pacte de préférence
conclu avec la SCA Normande, bien que cette société n'ait pas sollicité l'annulation
des cessions litigieuses, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant qui
prive sa décision de tout fondement légal au regard de l'article 1142 du Code civil ;

4°) que la violation d'une obligation de faire est sanctionnée par l'allocation de
dommages-intérêts et, le cas échéant, par l'annulation de la vente conclue à l'encontre
des droits du bénéficiaire, cette annulation étant facultative ; que, dès lors, en
considérant que la collusion frauduleuse qu'elle a imputée aux cocontractants du
protocole d'accord du 16 août 1995 avait nécessairement pour sanction « la nullité des
conventions en résultant », la cour d'appel a violé l'article 1142 du Code civil ;

5°) qu'en vertu de l'article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou de ne pas
faire se résout en dommages-intérêts ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les époux
Barbier avaient rétracté leur consentement à la promesse de cession d'actions et au
pacte de préférence entre actionnaires, avant de consentir à la cession des dites actions
à un tiers, la cour d'appel ne pouvait pas annuler ladite cession comme faite en
violation d'actes qui n'étaient plus susceptibles que d'exécution par équivalent, du fait
de la rétractation antérieure du promettant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;

114
Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une exacte analyse des faits que la cour
d'appel a pu décider que la notification faite par huissier aux futurs cessionnaires des
parts de la société Evreux Distribution détenues par les époux Barbier caractérisait
l'intention des actionnaires de la société Evreux et notamment celle de M. Malinge,
qui exerçait entre autre les fonctions de président de la SCA Normande, de se
prévaloir du pacte de préférence qui avait été conclu entre les actionnaires ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que les cédants et les cessionnaires ont
également organisé la disparition des causes du pacte de préférence et de la promesse
de cession d'actions nanties au bénéfice des actionnaires « parrains » du mouvement
Leclerc, et se sont ensuite prévalus de la caducité des engagements de leur
cocontractant sur le fondement de l'absence de cause ; qu'ainsi le remboursement de
l'emprunt du CEPME permettant la mainlevée des cautionnements accordés par les «
parrains » est stipulé comme condition suspensive de leur engagement d'acquérir, dont
la réalisation avant le 31 août a permis à OPE Intermarché de qualifier comme n'ayant
plus de cause, à la date de l'exploit introductif d'instance, la promesse de cession
d'actions et leur nantissement : qu'à contrario, ils confirment tant la validité de la
promesse de cession comme ayant une cause que leur connaissance du nantissement à
la date de la signature du protocole et avant l'accomplissement de la condition
suspensive, le protocole de cession ayant donc été signé en violation de ladite
promesse ;

Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient que les époux Barbier ont procédé à la
vente du fonds de commerce appartenant à la société Evreux Distribution, nonobstant
l'existence non contestée par eux d'un accord de préférence passé avec SCA
Normande, au détriment de l'intérêt de la société, privée de cet actif d'exploitation,
puis allégué qu'il n'y avait plus de cause aux différents engagements préférentiels
puisqu'il n'y avait plus d'enseigne à exploiter et donc à protéger ;

Attendu, en quatrième lieu, que c'est par une juste appréciation des faits que la cour
d'appel a décidé que si la violation des engagements résultant du pacte de préférence et
de la promesse de cession d'actions par les époux Barbier au profit des cessionnaires a
créé un préjudice aux bénéficiaires du pacte et de la promesse susceptible d'ouvrir
droit à réparation, les faits de la cause établissent de plus une collusion frauduleuse
entre les époux Barbier et les cessionnaires dont la sanction doit être la nullité des
conventions en résultant ;

D'où il suit que la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est
fondé en aucune de ses branches ;

(...) Par ces motifs : Rejette les pourvois.

115
29. Cass. com. 7 juillet 2004 n° 1156 F-D, Malard c/ Malard

règles communes - associés - pacte d'associés - caducité

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches et le second moyen, pris en ses trois
branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (CA Paris 17 mai 2002, 25 e ch. A), que, le 23
décembre 1977, MM. Jacques et Raoul Malard, M mes Nelly de la Brosse et Ginette
Radin, nées Malard, ainsi que leur mère, M me Christory, veuve Malard, associés de la
société à responsabilité limitée Hol Mag, ont conclu un pacte d'associés par lequel ils
s'engageaient à ne décider de vendre le domaine des Aspres, propriété immobilière de
la société, que, par une assemblée générale extraordinaire de la société, à laquelle
participerait l'usufruitière, la décision devant être prise à la majorité des trois quarts du
capital social ; que quelques jours plus tard, le 30 décembre 1977, M me Christory,
veuve Malard, a procédé à une donation-partage à ses quatre enfants de la nue-
propriété de la quasi-totalité de ses parts, tout en conservant les droits de vote qui y
étaient attachés ; qu'estimant que le pacte du 23 décembre 1977, avait pour seul objet
la protection des intérêts de Mme Christory, veuve Malard, décédée en 1990, Mme de la
Brosse, qui souhaitait procéder à la vente du domaine des Aspres, tandis que son frère,
Jacques Malard, s'y opposait, a assigné ses frères et soeur pour voir constater la
caducité de ce pacte ;

Attendu que M. Jacques Malard fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré caduc l'acte du 23
décembre 1977, alors selon le moyen :

1°) que par acte du 23 décembre 1977, tous les associés de la société Hol Mag
décidaient de ne pas vendre le domaine des Aspres si ce n'est par une décision d'une
assemblée générale extraordinaire qui voterait le principe de la vente à la majorité des
trois quarts ; que tous les associés signaient l'acte et qu'il était en outre précisé à l'acte
que Mme Christory, veuve Malard, intervenait à l'acte et qu'elle déclarait expressément
y souscrire ; qu'une telle décision intéressant l'actif social et prise à l'unanimité des
associés, constituait une modification des statuts de la société s'imposant aux associés
comme aux tiers, avec le caractère de permanence inhérent aux statuts ; qu'en refusant
de donner effet à une telle disposition statutaire et en déclarant qu'elle était devenue
caduque en raison du décès de Mme Christory, veuve Malard, la cour d'appel a violé les
articles 1835 et 1836 du Code civil ainsi que les articles L 223-14 et L 223-30 du Code
de commerce et l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) que la décision unanime des associés prise le 23 décembre 1977 et requérant le
vote, à la majorité des trois quarts, d'une assemblée générale pour vendre l'actif social
immobilier, était ferme et autonome, n'étant soumise à aucune condition suspensive ou
résolutoire qui s'attacherait à la personne de M me Christory, veuve Malard ; qu'en
énonçant que la décision susvisée, prise à l'unanimité des associé le 23 décembre
1977, était devenue caduque en raison du décès de M me Christory, la cour d'appel a
violé les articles 1168, 1835 et 1836 du Code civil ;

116
3°) que la décision unanime des associés de requérir le vote d'une assemblée générale
extraordinaire pour vendre l'actif social immobilier ne comportait aucun terme
extinctif attaché à la personne de M me Christory, veuve Malard ; qu'en statuant comme
elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 1168 et 1836 du Code civil ;

4°) que l'acte du 23 décembre 1977 comportait deux stipulations, la première de nature
statutaire modifiant les statuts par l'exigence du vote de l'assemblée générale
extraordinaire pour vendre le domaine des Aspres, la seconde valant engagement des
associés à l'égard Mme Christory, veuve Malard, d'intéresser cette dernière à la
distribution du prix de vente du bien dans l'hypothèse où l'assemblée générale
extraordinaire aurait voté le principe de la cession ; que seule la seconde stipulation
intéressait Mme Christory et comprenait un terme extinctif lié à M me Christory ; qu'en
déclarant néanmoins caduc l'acte du 23 décembre 1977 dans son intégralité, la cour
d'appel a violé les articles 1134, 1168 et 1836 du Code civil ;

5°) que la déclaration de volonté, claire et dépourvue d'ambiguïté exclut toute


recherche de l'intention des parties ; que les juges ne peuvent interpréter un acte clair
en suscitant un obscurité que les termes clairs ne comportent pas ; qu'en l'espèce, l'acte
du 23 décembre 1977 précisait clairement que les associés soumettaient la vente du
domaine des Aspres au vote, à la majorité des trois quarts, de l'assemblée générale
extraordinaire ; qu'en considérant qu'il y avait lieu d'interpréter une telle stipulation
dépourvue de toute équivoque par la recherche de l'intention des associés, la cour
d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

6°) que l'acte du 30 décembre 1977 soumettait la donation par M me Christory de la


nue-propriété de ses parts à la condition de son maintien du droit de vote dans les
assemblées générales ordinaires et extraordinaires ; qu'en considérant que cet acte du
30 décembre 1977 entachait d'équivoque la stipulation du 23 décembre 1977, relative
à l'exigence du vote de l'assemblée générale extraordinaire pour vendre l'actif social
immobilier, alors que la donation n'empêchait ni n'excluait la réunion de l'assemblée
générale extraordinaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

7°) que le juge ne peut s'immiscer dans la vie des sociétés et changer l'ordre des
compétences établi par les statuts en interprétant ces derniers, prétexte pris de la
prétendue recherche de l'intention des associés ; qu'en l'espèce, par acte du 23
décembre 1977, les associés de la société Hol Mag avaient, à l'unanimité, modifié
l'article 18 des statuts en soumettant la vente de l'actif immobilier social au vote de
l'assemblée générale extraordinaire ; qu'en refusant de donner effet à l'engagement
unanime des associés, relativement à l'ordre des compétences au sein de la société, la
cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violant les articles 1835 et 1836 du Code civil,
ainsi que les articles L 223-14 et L 223-30 du Code de commerce ;

Mais attendu que c'est par une interprétation que rendait nécessaire le rapprochement des actes
qui lui étaient soumis que la cour d'appel a par des motifs propres et adaptés, souverainement
estimé, sans excéder ses pouvoirs et par une décision motivée, que, d'un côté, le pacte
d'associés auquel Mme Christory, veuve Malard, est intervenue et apparaît comme la
bénéficiaire d'un engagement pris par ses enfants et la donation-partage l'ayant suivi
constituent un ensemble contractuel destiné à garantir à M me Christory, veuve Malard, la
jouissance de la propriété des Aspres jusqu'à la fin de ses jours, en contrepartie de la donation-
partage consentie à ses enfants et, de l'autre, que les dispositions contenues dans le pacte du 23
décembre 1977 ayant épuisé leurs effets lors du décès de leur bénéficiaire intervenu le 2

117
décembre 1990, ce pacte est devenu caduc à compter de cette date ; d'où il suit que le moyen
n'est fondé en aucune de ses branches ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

30. CA Paris 1er octobre 2004 n° 03-21420, 3e ch. B, Sté Hybrigénics c/


Sté Kimed AG

pacte d'actionnaires - engagement de souscrire à une augmentation de


capital - violation - dommages-intérêts

Vu le jugement rendu le 24 septembre 2003 par le Tribunal de commerce de Paris,


rejetant la demande présentée par la société « Hybrigénics », ordonnant la mainlevée
de la saisie conservatoire opérée par cette société le 13 juin 2002, et déboutant la
société « Kimed » de sa demande de dommages et intérêts.

Vu les dernières conclusions déposées le 20 février 2004 par la société « Hybrigénics


», appelante, aux termes desquelles il est demandé une infirmation du jugement et la
condamnation de la société « Médicis AG » à lui payer la somme de 150 000 € à titre
de dommages et intérêts et celle de 5 000 € à titre d'indemnité de procédure ;

vu les dernières conclusions déposées le 27 avril 2004 par la société « Kimed AG »


anciennement dénommée société « Médicis AG » aux termes desquelles il est
demandé la confirmation du jugement dont appel, la condamnation de la société «
Hybrigénics » à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et celle
de 3 000 € à titre d'indemnité de procédure ;

Faits et procédure :

Aux termes d'un pacte d'actionnaires en date du 17 septembre 2000, des droits de
souscription devait intervenir dans les trente jours suivant la demande formulée par le
conseil d'administration. Aux termes de ses délibérations en assemblée générale
extraordinaire, le 3 octobre 2000, la société « Hybrigénics » a décidé d'émettre des
bons de souscription d'actions ; l'exercice des droits attachés à ces bons était définis de
la manière suivante : « chaque bon de souscription d'action conférera à son titulaire le
droit de souscrire à une action ordinaire de la société... à tout moment au cours d'une
période expirant le 31 décembre 2001 ». La société « Médicis AG » s'est vu attribuer
1847, sur un total de 9 236. L'échéance fixée pour la souscription était le 31 décembre
2001.

Le 3 octobre 2001, une assemblée générale extraordinaire décidait de réaliser une


augmentation de capital ; il était précisé que « les titulaires des bons devaient, pour
mettre en oeuvre leurs droits, notifier le nombre de bons qu'ils souhaitaient exercer »
et « qu'à défaut d'une telle notification, les titulaires de bons perdraient leurs droits le
31 décembre 2001 » ; le 5 octobre 2001, le conseil d'administration de la société «
Hybrigénics » a décidé d'adresser une lettre aux détenteurs de bons de souscription
pour leur demander d'exécuter leurs obligations.

Il était demandé à la société « Médicis AG » de souscrire pour 1847 bons de


souscription, soit 149 976,40 € par une lettre en date du 21 novembre 2001. La société
« Hybrigénics » n'obtenait pas satisfaction, non plus que sur réitération de sa demande

118
le 16 janvier 2002. Un chèque du montant demandé, daté du 24 décembre 2001 remis
à la société « Hybrigénics » n'a pas été payé, du fait aux dires du tiré, de l'opposition
du tireur.

Motifs :

considérant que les articles 10 et 11 du pacte d'actionnaires prévoient clairement que


la société « Médicis AG » contractait une obligation de souscription des actions qui lui
sont réservées ; que les délibérations des 3 et 5 octobre 2001 ne dispensent pas la
société « Médicis AG » de son engagement qu'elle a nommément souscrit, et qui peut
coexister avec une faculté de renonciation au droit de souscription au bénéfice des
autres actionnaires

considérant que la circonstance que la décision du conseil d'administration de procéder


à l'appel des souscriptions n'ait été porté qu'avec retard à la connaissance de la société
« Médicis AG » n'est pas de nature à l'exonérer de ses obligations ; qu'en effet, le
dépassement du délai de notification est de faible ampleur (du 5 novembre au 21
novembre), et n'a pas empêché les autres actionnaires de souscrire ; qu'au reste telle a
bien été l'intention de la société « Médicis AG », puisqu'elle a émis un chèque
couvrant la souscription, avant de l'annuler ;

considérant que dans ces conditions, il reste que la société « Médicis AG » a manqué à
ses obligations ; qu'elle a en outre adopté un comportement fautif en souscrivant par
un chèque ensuite annulé, ce qui constitue une attitude qui n'a pu que conduire la
société « Hybrigénics » à s'interroger sur les intentions réelles de son partenaire, et
causer ainsi un trouble dans leurs relations ;

considérant que l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2001 permet certes à


des actionnaires de ne pas souscrire, (§ I.1-b) puisqu'il définit très précisément les
modalités que doivent suivre les titulaires des bons de souscription ; mais que cette
faculté ne vaut que pour les titulaires ordinaires de bons de souscription ; que la
société « Médicis AG » a pris des engagements de souscription dans le cadre du pacte
d'actionnaire, lesquels engagements sont personnels et individualisés comme pesant
isolément sur elle et l'exceptant de la faculté de ne pas souscrire ; que cette procédure
n'a pas été suivi par la société Médicis AG ;

considérant que cette contravention aux décisions du conseil d'administration et au


pacte d'actionnaires n'a entraîné qu'un préjudice lié à la perte de temps de la société «
Hybrigénics » dans la recherche d'une nouvelle source de financement, dans un délai
raisonnable, qui peut être évalué à 6 mois ; que sur la base du taux de base bancaire
moyen au premier semestre 2002 soit 6,60 % l'an ; que le préjudice est donc de 4 950
€;

considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de la société « Kimed AG »


la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure
Civile, considérant que la société « Kimed AG » supportera les dépens ;

Par ces motifs : La Cour,

- infirme le jugement dont appel,

119
- statuant à nouveau, condamne la société « Kimed AG » à payer à la société «
Hybrigénics » la somme de 4.950 € à titre de dommages et intérêts (...).

120
31. CA Versailles 14 octobre 2004 n° 03-4586, 12e ch. section 1, Peignot
c/ SA Alliance Développement et Conseil

pacte d'actionnaires - droit de sortie des minoritaires - exécution

(Extraits)

Jusqu'au 6 mars 2001, la SA Projipe, au capital de 500.000 € réparti en 10 000 actions


était contrôlée à hauteur de 38,2 % par son président, Monsieur Jacques Peignot, et de
20 % par la Sarl Groupe Projipe Participation (GPP) dont il était l'associé majoritaire.
Cette société développait une activité dans le domaine des prestations de services
informatiques de la vente de matériels informatiques.

Par ailleurs, la SAS « Adéquation aux Besoins du Client » (ABC), dont le capital de
100 000 € était divisé en 100 000 actions, était contrôlée à hauteur de 60 % par son
fondateur, Monsieur François Hauser, directeur commercial de la société, 20 % par
Madame Touati et 20 % par la société « Alliance Développement Capital » (ADC),
société de capital risque.

1) Le 6 mars 2001, Monsieur Hauser a cédé à la société Projipe 33.469 actions ABC
pour 6 millions de F, tandis que Madame Touati et la société ADC cédaient chacun 11
157 actions ABC pour 2 millions de F. La société Projipe acquérait ainsi 55 783 des
100 000 actions ABC pour une somme totale de 10 millions de F, dont le paiement n'a
pas donné lieu à difficulté.

2) Le même jour, Monsieur Hauser, Madame Touati et la société ADC ont consenti à
la société Projipe, représentée par Monsieur Peignot, des promesses d'apport de 23 531
actions ABC pour Monsieur Hauser et de 7 843 actions ABC chacun pour Madame
Touati et la société ADC, contre remise pour l'ensemble de 481 actions nouvelles de la
société Projipe. A défaut de réalisation de cette opération pour le 15 mai 2001, la
société Projipe s'engageait à acheter les 39 217 actions de la société ABC au prix de 7
030 300 F.

En dépit du dépassement de la date convenue, la réalisation de cet apport a eu lieu.

3) En outre, par une convention qualifiée de « promesse unilatérale d'achat d'actions »,


la société Projipe s'engageait envers les trois actionnaires de la société ABC à leur
racheter les 5 % d'actions ABC restantes entre le 30 décembre 2001 et le 30 janvier
2002, s'ils en faisaient la demande à un prix dont les composantes étaient précisées.
Dans l'hypothèse où l'introduction en Bourse ou la cession à un tiers de la société
Projipe ne serait pas intervenue avant le 1 er janvier 2004, la société Projipe s'engageait
à reprendre ses actions détenues par les trois bénéficiaires à un prix égal au total des
valeurs qui leur étaient attribuées lors de l'apport d'actions ABC et lors de la
réalisation de la promesse d'achat du solde de ces mêmes actions, le tout étant majoré
d'un intérêt de 4 % l'an à compter du 1er janvier 2002.

4) Enfin, un pacte d'actionnaires était conclu entre d'une part Monsieur Peignot, en sa
qualité d'actionnaire majoritaire de la société Projipe (directement ou indirectement) et

121
la société Projipe, représentée par son PDG, Monsieur Peignot, et d'autre part,
Monsieur Hauser, Madame Touati et la société ADC désignés comme actionnaires
minoritaires.

Ce pacte énonçait qu'en cas de cession partielle ou totale comme en cas d'introduction
sur un marché de valeurs mobilières, les majoritaires s'engageaient à faire en sorte que
les minoritaires « puissent, à leur convenance, céder prioritairement tout ou partie des
titres Projipe qu'ils détiennent ». Il était en outre convenu qu' à défaut d'introduction de
la société Projipe sur le marché boursier ou d'une cession à un tiers avant le 1 er janvier
2004, Projipe s'oblige ... à racheter aux minoritaires les actions qu'ils possèdent de la
société Projipe pour un prix égal au total des valeurs attribuées à ces actions lors de
l'apport d'actions ABC et lors de la réalisation de la promesse d'achat du solde de ces
mêmes actions, le tout majoré d'un intérêt de 4 % par an à compter du 1er janvier 2002.

Le 11 juillet 2002, la société Groupe Projipe Participation, devenue SA Groupe


Projipe Participation (GPP) a tenu une assemblée générale mixte qui a augmenté son
capital de 4 917 800 € à 6 355 800 € par ouverture de celui-ci à un fonds commun de
placement à risque dénommé Quartus Capital Partners I, en lui permettant de souscrire
14 380 actions nouvelles de 100 € assorties d'une prime d'émission de 108,62 € par
action. Cette assemblée qui autorisait également l'émission de 42 019 obligations
convertibles en actions du nominal de 218,95 €, réservées à ce même fonds commun
de placement.

Cette même assemblée générale mixte approuvait l'achat à Monsieur Peignot et à


Monsieur Cornette, actionnaire de Projipe, respectivement de 1 276 et 343 actions
Projipe au prix unitaire de 2 598,40 €, le prix ayant fait l'objet d'un rapport dans les
conditions prévues à l'article L 225-101 du Code de commerce.

A la suite de ces mouvements de capitaux, la société Projipe et Monsieur Peignot ont


refusé d'exécuter la promesse unilatérale d'achat (visée ci-dessus au point 3).

Quant à Monsieur Peignot, il a considéré que les conditions de mise en oeuvre du


pacte d'actionnaires n'étaient pas réunies et qu'il n'y avait donc pas lieu de l'exécuter.

C'est dans ces conditions que Monsieur Hauser et Madame Touati d'une part, la
société ADC d'autre part, ont assigné, par des procédures distinctes, la société Projipe
aux fins d'exécution forcée de la promesse unilatérale d'achat des actions ABC
détenues par eux, et du pacte d'actionnaires.

Par jugement du 27 mai 2003, rectifié le 3 juillet 2003, le tribunal de commerce de


Nanterre, statuant sur la demande concernant la promesse d'achat, a condamné la
société Projipe à payer à Monsieur Hauser la somme de 862 805,52 € avec intérêts au
taux légal à compter du 7 juin 2002 contre remise d'un bon de transfert de 3 000
actions ABC au profit de Projipe, et à Madame Touati et à la société ADC, chacun, la
somme de 287 601,84 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2002 contre
remise par l'un et l'autre d'un bon de transfert de 1 000 actions ABC au profit de
Projipe.

Statuant sur la demande tendant à l'exécution forcée du pacte d'actionnaires, le tribunal


a condamné Monsieur Jacques Peignot à payer à Monsieur Hauser la somme de 750

122
937,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2002 contre remise par lui
d'un bon de transfert de 289 actions Projipe au profit de Monsieur Peignot, et à payer à
Madame Touati et à la société ADC chacun, la somme de 249 446 € avec intérêts au
taux légal à compter du 11 juillet 2002 contre remise par l'un et l'autre d'un bon de
transfert de 96 actions Projipe au profit de Monsieur Jacques Peignot.

(...) Sur le pacte d'actionnaires :

Considérant que le 6 mars 2001, parallèlement à la signature de la promesse d'achat


d'actions, Monsieur Hauser, Madame Touati et la société de capital risque ADC,
actionnaires cédants de la société ABC, ont conclu avec Monsieur Peignot, intervenant
en qualité d'actionnaire majoritaire de la société Projipe, « directement et
indirectement », une « convention d'actionnaires » dont l'objet était de préserver les
droits des nouveaux actionnaires minoritaires qui avaient reçu des titres Projipe à
l'occasion de la cession des actions qu'ils détenaient dans la société ABC.

Considérant que Monsieur Hauser, Madame Touati et la société ADC avaient bien la
qualité d'actionnaires minoritaires de la société Projipe.

Considérant que cette convention, à laquelle la société GPP était étrangère, contenait
une clause ainsi rédigée :

« 2. Projipe

En cas de cession partielle ou totale comme en cas d'introduction sur un marché de


valeurs mobilières, les majoritaires s'engagent à faire en sorte que les minoritaires
puissent à leur convenance céder prioritairement tout ou partie des titres Projipe qu 'ils
détiennent. »

Considérant que l'assemblée générale mixte de la société GPP, qui s'est tenue le 11
juillet 2001 a approuvé l'achat par la société GPP des 1 276 dernières actions Projipe
détenues par Monsieur Peignot au prix unitaire de 2 598,40 € soit un prix total de 3
315 558,40 € qui a été encaissé par Monsieur Peignot.

Considérant que ce dernier prétend que la convention d'actionnaires et le droit de


sortie prioritaire des actionnaires minoritaires qu'elle institue ne seraient pas
applicables au motif qu'après cette cession, il restait indirectement majoritaire de la
société Projipe par l'intermédiaire de sa participation à la société GPP, et que seule une
cession entraînant un changement de contrôle de la société Projipe ouvrirait pour les
actionnaires minoritaires un droit de sortie prioritaire.

Mais considérant que la clause susrappelée, rédigée en termes généraux, ne contient


aucune disposition restrictive du droit de sortie des actionnaires minoritaires.

Considérant qu'elle doit recevoir application en cas de « cession partielle ou totale »,


sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cession emporte directement ou
indirectement cession de contrôle, et quelle que soit l'identité du cessionnaire.

Considérant que les premiers juges ont à juste titre écarté l'application du protocole
préparatoire du 24 octobre 2000, qui a été remplacé par la convention du 6 mars 2001.

123
Considérant que par un motif que la cour fait sien, ils ont en effet décidé que « le
préambule de ce protocole établi par Monsieur Peignot, en sa qualité de président-
directeur général de Projipe, et les trois actionnaires de la SAS ABC, avant la création
prochaine de GPP et sans en faire mention, n 'avait que la valeur d'une déclaration
d'intention, que la perte de contrôle par Monsieur Peignot n 'est pas reprise à la
convention d'actionnaires, tandis que les événements du 11 juillet 2002 ont montré que
Monsieur Peignot ne se tenait pas aux deux autres intentions exprimées dans le texte
du 24 octobre 2000 puisque l'introduction en bourse n 'était plus à envisager que pour
GPP et qu 'un autre apporteur de capitaux était préféré à ADC ».

Considérant que le protocole du 24 octobre 2000 ne peut donc être utilement invoqué
par Monsieur Peignot pour justifier son refus d'exécuter ses engagements.

Considérant par ailleurs que la cession par Monsieur Peignot de ses titre Projipe à la
société GPP ne peut être analysée comme une simple opération de reclassement de sa
participation dans la société Projipe, cette cession ayant donné lieu à la perception en
espèces d'une somme de 3 315 558,40 €, financée par voie d'augmentation de capital
réservé au nouvel actionnaire Quartus.

Considérant que Monsieur Hauser et Madame Touati observent avec pertinence que
les titres de Monsieur Peignot dans la société GPP se trouvaient par l'effet de
l'opération survalorisés, cette société étant recapitalisée à hauteur de 1 438 000 € et
bénéficiant d'un emprunt obligataire destiné à financer ses opérations de croissance
externes à concurrence de 9 200 600 €.

Considérant enfin que si l'obligation découlant de la convention d'actionnaires


s'analyse comme une obligation de faire, il n'est pas établi que l'exécution forcée de
cette obligation se heurterait à une impossibilité matérielle, juridique ou morale.

Qu'il y a donc lieu de faire droit, comme l'ont décidé les premiers juges, à la demande
des intimés de rachat des 481 actions Projipe au prix unitaire de 2 598,40 €, avec
intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2002, date de l'opération litigieuse.

Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

(...) Par ces motifs, La Cour : (...) Confirme en toutes ses dispositions le jugement
entrepris.

124
32. CA Nancy 20 octobre 2004 n° 98-3311, 2e ch. com., Rousselot c/
ITM Entreprises

pacte d'actionnaires - pacte de préférence - validité - appréciation

(Extraits)

Bases contractuelles du litige

Faits constants et procédure

La participation au mouvement Leclerc implique, d'une part, l'adhésion du dirigeant de


magasin, en tant que personne physique, à l'Association des Centres Distributeurs
Edouard Leclerc (ci-après ACD.Lec), association régie par la loi de 1901, et la
souscription d'un contrat d'attribution de panonceau autorisant l'adhérent à utiliser les
marques et logos Leclerc et, d'autre part, l'adhésion à deux coopératives : le
Groupement d'Achats des Centres Distributeurs Leclerc (Galec), qui constitue une
centrale nationale de référencement, et une centrale régionale d'achats, en l'espèce, la
Société Coopérative d'Approvisionnement Paris-Est - Scapest.

Le 22 novembre 1975, les époux Michel Godefroy-Jacqueline Vigneron ont constitué


la SA Sonedis en vue d'exploiter un hypermarché sous l'enseigne Leclerc à Neuves
Maisons (Meurthe et Moselle).

Le 24 mars 1977, M. Michel Godefroy, président directeur général de la SA Sonedis, a


signé avec l'ACD.Lec un contrat d'attribution de panonceau (pièce N° 170 de la
Scapest).

Envisageant d'agrandir la surface des magasins de la SA Sonedis et de la SA


Tomblaine Distribution, M. Michel Godefroy devait obtenir l'agrément de l'ACD.Lec
sur avis de la commission régionale.

Par lettre du 27 avril 1994, M. Michel Godefroy a été convoqué devant la commission
d'agrément de l'ACD.Lec qui devait se réunir le 10 mai 1994.

Le 5 mai 1994, les époux Godefroy-Vigneron ont signé une promesse de cession
d'actions au profit de la Scapest (pièce N° 9 de la Scapest) et une convention de
parrainage.

Le 10 mai 1994, condamnant la réalisation des travaux d'agrandissement de la SA


Sonedis (Neuves Maisons), la commission d'agrément de l'ACD.Lec a reporté à 6
mois l'examen des demandes d'agrément (pièce N° 174 de la Scapest).

Par lettre du 27 juin 1994, M. Michel Godefroy s'est engagé à différer l'ouverture de la
surface résultant de l'agrandissement jusqu'au 1 er décembre 1994 (pièce N° 177 de la
Scapest).

125
Mais en réalité, la surface obtenue par l'agrandissement du magasin de Tomblaine a
été ouverte au commerce courant septembre 1994.

La commission d'agrément de l'ACD.Lec réunie le 28 septembre 1994 constatait cet


état de fait. Pour éviter la sanction encourue, M. Michel Godefroy proposait de céder
l'un des deux magasins lui appartenant.

Le conseil d'administration de l'ACD.Lec du 18 octobre 1994 entérinait cette


proposition (pièce N° 181 de la Scapest).

Les cabinets Van Den Bossche et Michel Fouques étaient chargés de l'estimation des
magasins.

Le 9 janvier 1995, M. Michel Godefroy démissionnait, en son nom personnel, et au


nom de la SA Tomblaine Distribution et de la SA Sonedis, tout à la fois de l'ACD.Lec,
de la Scapest et du Galec avec effet au 31 janvier 1995 (pièces N° 18, 19 et 20 des
époux Godefroy-Vigneron).

Le 16 janvier 1995, M. Michel Godefroy convoquait le conseil d'administration de la


SA Sonedis pour le 20 janvier 1995 afin de préparer une assemblée générale
extraordinaire appelée à statuer sur la révocation des administrateurs, la nomination de
nouveaux administrateurs et l'agrément de nouveaux actionnaires.

Par lettre du 26 janvier la Scapest se prévalait de la convocation du conseil


d'administration du 20 janvier 1995 pour lever l'option conformément à l'article 10 de
la promesse de cession d'actions et se substituait la SA Lunedis.

Dès le 1er février 1995, le magasin de Neuves Maisons était exploité sous l'enseigne
Continent (Groupe Promodes)

Le 1er février 1996, les époux Godefroy-Vigneron ont cédé à la SA ITM Entreprises
les 12 870 actions de la SA Sonedis qu'ils possédaient sur 13 000 formant le capital
social.

La SA Tomblaine Distribution et la SA Sonedis ont assigné la Scapest le 21 octobre


1995 devant le Tribunal de commerce de Châlons en Champagne en paiement des
ristournes qui leur étaient dues en qualité d'adhérentes. Reconventionnellement, la
Scapest a réclamé les pénalités statutaires prévues en cas d'exclusion d'un adhérent.

Cette procédure a donné lieu à un jugement du Tribunal de commerce de Châlons en


Champagne du 19 mars 1998 qui a partiellement fait droit à la demande de la SA
Tomblaine Distribution et de la SA Sonedis en condamnant, notamment, la Scapest à
payer à titre de ristournes, respectivement, 4 062 782 F à la SA Sonedis et 5.597 168 à
la SA Tomblaine Distribution et en déboutant la Scapest de sa demande de pénalités
encourues en application des articles 11 des statuts et 6 du règlement intérieur de la
Scapest.

Par arrêt du 15 juillet 2003, la Cour d'appel de Reims a infirmé le jugement en ce qu'il
avait retenu des manoeuvres dolosives de la Scapest entraînant la rupture des contrats
la liant à la SA Sonedis et à la SA Tomblaine Distribution à ses torts et griefs, a dit

126
pour droit que la responsabilité de la rupture et du retrait subséquent des SA Sonedis et
SA Tomblaine Distribution incombe à ces dernières et a confirmé le jugement pour le
surplus, déboutant les parties de leurs plus amples conclusions.

(...) Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy le 12 octobre 1998


qui, après jonction des instances, a :

- déclaré nulle la promesse de cession d'actions de la SA Sonedis consentie le 5 mai


1994 par les époux Godefroy-Vigneron au bénéfice de la Scapest,

- débouté la SA Lunedis et la Scapest de leur demande d'immatriculation de la SA


Lunedis comme propriétaire des actions de la SA Tomblaine Distribution
précédemment détenues par les époux Godefroy-Vigneron,

(...) Vu l'appel de ce jugement interjeté le 20 novembre 1998 par la SA Lunedis, la


Scapest, M. Bernard Costalonga et M. Jacques Rousselot,

(...) Motifs

Attendu qu'il importe d'abord de rappeler, pour l'essentiel, les termes de la « promesse
de cession d'actions » souscrite le 5 mai 1994 par les époux Godefroy-Vigneron, d'une
part, et par M. Jean-Paul Pageau, président de la Scapest, d'autre part :

« [...] le promettant [...] et le bénéficiaire [...]

sont convenus d'établir dans les conditions du présent acte une promesse de cession
d'actions et un pacte de préférence.

Préalablement, les promettants [...] ont exposé ce qui suit :

(les caractéristiques de la SA Sonedis)

« A - Promesse de cession

« Article 1er - Promesse de cession

Par les présentes, les promettants confèrent au bénéficiaire, qui accepte, la faculté
d'acquérir, si bon lui semble, savoir : les droits ci-après-définis dans le paragraphe «
objet de la promesse ». Ainsi que ces droits existent sans aucune exception ni réserve,
en ce compris tout droit à tout dividende, etc

En conséquence, le promettant prend l'engagement, pour lui et ses héritiers [...] de


céder lesdites actions au bénéficiaire, qui accepte expressément, la présente promesse
de cession, en tant que promesse, le bénéficiaire se réservant la faculté d'en demander
ou non la réalisation, selon qu'il avisera.

(...) « Article 13 - Prix

a) Principes

127
Les parties réaffirment leur intention de ne pas subordonner les effets de la cession des
droits sociaux au paiement du prix, pas même à sa détermination laquelle peut, dans
certains cas s'avérer compliquée.

b) Détermination du prix

Les parties conviennent de se référer, pour la détermination du prix, à la valeur


mathématique des droits sociaux. Elles définissent cette valeur mathématique de la
manière suivante :

- Chaque droit social est égal au produit de la division de l'actif net divisé par le
nombre d'actions.

- L'actif net se définit comme l'actif brut diminué du passif à l'égard des tiers.

c) Organe de détermination

1. En cas d'accord amiable entre les parties, il sera fait application, purement et
simplement de cet accord.

2. En l'absence d'accord entre les parties :

- il est convenu que le prix sera déterminé par un collège arbitral comprenant au moins
deux personnes, l'une désignée par l'ensemble des cessionnaires, l'autre par l'ensemble
des cédants.

Sur les points sur lesquels ils ne se mettraient pas d'accord, et sur ceux-là uniquement,
les deux arbitres feront appel à un tiers arbitre choisi d'un commun accord ; à défaut
d'accord pour ce choix, le tiers arbitre serait désigné par ordonnance rendue par le
Tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé le siège social.

Les arbitres suivront les principes directeurs qui vont être énoncés ci-après :

d) Principes d'application

[...]

1. Règles générales applicables : les règles en usage au sein du mouvement Leclerc


seront respectées.

2. Date d'évaluation : l'évaluation se fera au jour de la date d'effet de la cession, donc


au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception contenant la
levée d'option.

3. Les marchandises seront évaluées au prix de facture, sur inventaire.

4. Les matériels, outillages et éléments d'équipement divers seront évalués à une


valeur égale à leur valeur comptable résiduelle.

128
L'amortissement retenu sera le plus rapide possible eu égard aux règles fiscales ; il ne
s'agira pas forcément de l'amortissement effectivement pratiqué dans la société en
cause.

5. Les immeubles acquis-construits depuis moins de 5 ans seront évalués à leur prix de
revient revu par application de l'indice Insee du coût de la construction [...]

6. Le fonds de commerce (ainsi que les droits au bail ou-et autres éléments
incorporels), sera évalué en fonction des résultats de l'activité de la société :

- en cas de pertes excédant après six mois d'activité effective, un montant supérieur à
10 jours de chiffre d'affaires moyen hors taxes, le fonds de commerce sera retenu pour
une valeur symbolique de 1 F.

- en l'absence de perte, ou si les pertes n'ont pas atteint ce seuil, et dans tous les autres
cas, le fonds de commerce sera évalué en faisant application des règles posées par le
Mouvement Leclerc.

e) paiement du prix

Le prix sera payable comptant, en totalité, dans les 8 jours suivant sa détermination.
[...]

En tout état de cause, la détermination du prix ne doit pas, pour l'ensemble des
éléments en cause, excéder un délai de 6 mois à compter du jour d'effet de la cession.

« Article 14 - Garantie de passif

Tout passif fiscal ou social non déclaré, non provisionné mais existant à la date
retenue [...] Tout passif ayant une cause antérieure à cette même date mais qui se
révélerait postérieurement, donnera lieu à versement par les promettants d'une
indemnité aux cessionnaires [...]

« Article 15 - Acceptation de la promesse en tant que telle

Le bénéficiaire déclare accepter cette promesse de cession en tant que promesse, se


réservant [...] le droit d'en demander l'exécution [...] Toutefois, la présente promesse
de vente est donnée au profit du bénéficiaire en garantie d'engagements pris par
ailleurs par les promettants, dans le cadre de la réglementation et des usages
applicables à l'ensemble des adhérents Centre Distributeur Edouard Leclerc.

Ces engagements sont relatifs au respect des conditions strictes de fonctionnement du


groupe, les cédants en ayant une connaissance parfaite, au respect des charges et
conditions des différents contrats de financement de la société et au respect des
engagements envers les adhérents parrains, au titre des cautionnements financiers et
moraux qu'ils ont pu donner à la société. En conséquence, la réalisation de la promesse
est soumise à la réalisation notamment de l'une au moins des conditions suivantes :

• non-respect des engagements moraux, juridiques, économiques, sociaux et financiers


de la société ;

129
• non-respect des obligations de l'adhérent envers la Centrale et envers les autres
organes regroupant les adhérents Centre Distributeur Edouard Leclerc ;

• non-respect des engagements contractés auprès des établissements financiers ayant


contribué au financement de la société pouvant mettre en oeuvre les cautions données
par les parrains, eux-mêmes adhérents Edouard Leclerc ou pouvant perturber le bon
fonctionnement de la société.

• non-respect de l'investissement prévu pour l'agrandissement du magasin,

• non-remboursement des prêts consentis à la société par d'autres adhérents de la


Centrale.

• non-respect des règles prévues en matière d'intéressement et de participation des


salariés.

• non-participation aux travaux collectifs.

• non-certification des comptes de la société par le commissaire aux comptes.

• en cas d'incidents bancaires répétés,

• en cas de fermeture administrative ou judiciaire du fonds de commerce exploité par


la société,

• en cas de location ou d'apport du fonds de commerce à un tiers.

• au cas où la cotation à l'OPUS ferait apparaître pour l'exploitation du magasin un


indice moyen pondéré supérieur à 97.

• en cas de retrait du panonceau Centre Distributeur Edouard Leclerc.

Toutes ces conditions sont stipulées en faveur du bénéficiaire qui pourra toujours
éventuellement y renoncer.

(...) Sur la validité de la promesse de cession d'actions,

(...) La détermination du prix

Attendu que les modalités de fixation du prix, la désignation des personnes habilitées à
fixer le prix en l'absence d'accord amiable et les conditions de paiement du prix sont
régies par l'article 13 de la promesse de cession d'actions cité ci-dessus ;

Attendu que les intimés ont présentement renoncé à soutenir - comme c'était
notamment le cas dans leurs conclusions du 4 novembre 2003 (p. 60) - que les tiers
chargés d'estimer la valeur des actions, respectivement désignés par l'ensemble des
cessionnaires et l'ensemble des cédants, avaient le statut d'arbitre, au sens des articles
1451 à 1459 du Nouveau Code de Procédure Civile et que la clause d'arbitrage
introduite dans la promesse était nulle pour violation de l'article 1453 du nouveau
Code de procédure civile ;

130
Qu'en l'état des dernières conclusions des intimés (N° 5 du 5 décembre 2003), il n'est
plus contesté que les termes « collège arbitral », « arbitres », « arbitrage » et « tiers
arbitre » ont été improprement employés dans l'article 13 pour qualifier les tiers
désignés pour déterminer le prix de la chose vendue selon les prévisions des articles
1592 et 1843-4 du Code civil ;

Qu'il y a donc lieu de ne pas s'arrêter à l'argumentation développée et maintenue sur ce


point par les appelants dans leurs dernières conclusions pour s'opposer aux moyens
abandonnés par les intimés ;

Attendu que, d'une part, l'article 13 susvisé dispose que le « collège arbitral »
comprendra au moins « deux personnes, l'une désignée par l'ensemble des
cessionnaires, l'autre par l'ensemble des cédants », précisant que « sur les points sur
lesquels ils ne se mettraient pas d'accord, et sur ceux-là uniquement, les deux arbitres
feront appel à un tiers arbitre choisi d'un commun accord » ; Que, d'autre part, l'article
13, conformément à l'article 1843-4 du Code civil, prévoit qu'à défaut d'accord pour le
choix du « tiers arbitre », celui-ci sera « désigné par ordonnance rendue par le
président du tribunal de commerce [...] » ;

Attendu que la fixation du prix des actions par un ou plusieurs tiers, qui sont les
mandataires des parties, répond aux exigences des articles 1591 et 1592 du Code civil,
à condition que ce ou ces tiers soient impartiaux et indépendants des parties ;

Attendu que, même si les tiers chargés de l'estimation devaient être désignés,
respectivement, par l'ensemble des cessionnaires et l'ensemble des cédants, il n'est pas
allégué et encore moins établi par les intimés que le collège, ainsi formé par ces
personnes, ne présenterait pas toutes garanties d'indépendance ;

Attendu que les règles d'évaluation édictées quant à la date d'estimation, quant aux
marchandises, aux matériels, aux outillages, aux éléments d'équipement et aux
immeubles sont suffisamment précises pour permettre la fixation du prix par les
tierces personnes qui seraient désignées ;

Mais attendu que, sous la rubrique « règles générales applicables » l'acte se borne à
indiquer que « les règles en usage au sein du Mouvement Leclerc seront respectées » ;
Que, pour l'évaluation du fonds de commerce, des droits au bail et autres éléments
incorporels, en l'absence de perte supérieure à 10 jours de chiffre d'affaires, la
promesse prévoit de « [faire] application des règles posées par le mouvement Leclerc
»;

Or attendu que, dans un cas comme dans l'autre, la seule référence aux « règles en
usage au sein du mouvement Leclerc » ou aux « règles posées par le mouvement
Leclerc » est dépourvue de précision suffisante et ne garantit pas que le prix sera
estimé en fonction d'éléments extérieurs à la volonté du cessionnaire ;

Attendu, en effet, que ni la promesse de cession d'actions ni aucun document existant


au plus tard à la date de la promesse, même versé ultérieurement, ne précise la
consistance des règles fixées par le mouvement Leclerc en matière d'évaluation de
fonds de commerce ou plus généralement d'évaluation de droits sociaux ;

131
Attendu que les appelants se bornent à affirmer que les « règles en vigueur au sein du
mouvement Leclerc » « résultent d'une pratique contractuelle appliquée sur une large
échelle en raison du nombre important de cessions intervenant au sein du mouvement
» en faisant référence à un « tableau des cessions » présenté comme rassemblant des «
éléments de référence utiles, parfaitement objectivables sur lesquels les experts
pourront s'appuyer » (dernières conclusions, p. 63) ;

Or attendu que ce tableau des « cessions/reprises par centrale depuis le 1 er janvier 1990
» (pièce N° 222) énumère sur 12 feuillets les dates, noms des sociétés et adhérents
concernés, villes et codes postaux, à l'exclusion, notamment, de toute information sur
la surface des magasins, leurs chiffres d'affaires, leurs résultats annuels, le capital
social des sociétés et les prix des titres cédés ;

Qu'il n'est donc possible de dégager de cette pièce aucune règle précise applicable en
matière d'évaluation de fonds de commerce ;

Que, bien plus, les « règles en usage au sein du mouvement Leclerc » ou les « règles
posées par le mouvement Leclerc », n'étant pas recensées et recueillies de manière
complète et objective, ne pouvaient être connues qu'à travers les pratiques des
adhérents du mouvement ;

Or attendu qu'il y a lieu de craindre que, si elles avaient été consultées sur ces
pratiques, les associations ou sociétés créées pour assurer la solidarité des adhérents du
mouvement Leclerc n'aient directement influencé la détermination du prix dans un
sens favorable au bénéficiaire de la cession ;

Attendu, par ailleurs, que la référence aux « règles en usage au sein du mouvement
Leclerc » ou aux « règles posées par le mouvement Leclerc » ne laissait pas au collège
des tiers estimateurs la liberté de fixer la valeur des titres en « fonction de l'évolution
des résultats et de la valeur réelle de l'entreprise au moment de chaque transaction »,
selon une formule admise par la jurisprudence (Cass. com. 10 mars 1998, Bull. IV N°
99, p. 81) ;

Qu'il s'ensuit que les clauses litigieuses ne permettaient pas de déterminer le prix de
façon indépendante de la volonté de l'une ou l'autre partie (en ce sens, Cass. civ. 1ère,
6 octobre 1965, Bull. I, N° 517) ;

Attendu, en outre, que, dans la mesure où le collège des tiers chargé de l'estimation
aurait dû tenir compte des prix de cessions d'actions pratiqués dans le cas d'adhérents
quittant prématurément le Galec et les coopératives d'approvisionnement, sans
respecter leur engagement de fidélité, il apparaît que ces prix ont été injustement
minorés du fait de l'application des pénalités consistant, notamment, en la rétention
des ristournes ;

Qu'en effet, l'indemnité forfaitaire due en cas de retrait anticipé ou d'exclusion


comprend « la perte, au jour de la décision de retrait, de tout droit à ristournes directes,
non encore payées, qui seront acquises au Galec [...] » (article 12 des statuts du Galec)
et « toute somme encaissée ou à recevoir restant à verser à l'adhérent [...] au titre des
ristournes, avoirs à recevoir sur cotisations, boni de gestion, produits financiers,
excédents de toute nature et, notamment des participations publicitaires, produits

132
accessoires commerciaux et, en général de tous autres avantages différés, sans en avoir
à en justifier au préalable » (article 11 des statuts de la Scapest mis à jour le 22 juillet
1993, pièce N° 89 des appelants) ;

Or attendu que la majorité des juridictions appelées à se prononcer sur l'application de


ces pénalités a condamné la pratique consistant à priver les sociétés adhérentes des
ristournes directes ou indirectes non encore payées, considérant « qu'il existait une
incertitude sur les modalités objectives de décompte des ristournes dues par la société
Galec au jour de l'exclusion des sociétés en cause, par suite de la possibilité pour la
société Galec de différer la restitution des ristournes et de laisser les adhérents dans
l'ignorance de l'existence des redevances confidentielles qu'elle avait perçues pour leur
compte et, par conséquent, sur la portée de l'engagement souscrit par les sociétés [...] »
(Cass. com. 22 février 2000, statuant entre le Galec et le GIE Paris Sud Expansion,
d'une part et d'anciens adhérents de la banlieue ouest de Paris) ;

Que la Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 28 juin 2001, non frappé de
pourvoi, statuant dans les rapports entre la SA Tomblaine Distribution et la SA
Sonedis, d'une part et le Galec, d'autre part, a retenu que ces sommes étaient
indéterminées puisque le Galec avait la possibilité de différer le paiement de ces
ristournes - qui avait souvent lieu avec retard - et qu'il existait des ristournes dites «
confidentielles » négociées avec les fournisseurs, sans que les adhérents puissent en
connaître le montant exact (solution identique dans 13 autres arrêts de la Cour d'appel
de Versailles du même jour, non frappés de pourvoi, dans des instances opposant le
Galec à d'anciens adhérents exclus de 1993 à 1996) ;

Que, concernant les ristournes réclamées à la Scapest par la SA Sonedis et la SA


Tomblaine Distribution, l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 15 juillet 2003 a adopté
la même position, en déboutant la Scapest de sa demande de pénalité et en confirmant
la condamnation de la Scapest au paiement au titre des ristournes, respectivement, de 5
597 168 F (soit 853 282 €) à la SA Tomblaine Distribution et de 4 072 782 F (soit 620
891,53 €) à la SA Sonedis ;

Que cette forme de pénalité avait nécessairement pour effet de fausser


substantiellement les données de référence devant servir de base à l'établissement du
prix des actions cédées et d'empêcher définitivement les tiers estimateurs de
reconstituer ces données puisque les contentieux évoqués s'étalent dans le temps et
portent sur un grand nombre de magasins situés sur tout le territoire (en ce sens, Cass.
2e civ. 8 avril 1999, JCP 1999 II N° 10136) ;

Attendu qu'en qualité de mandataire commun des parties, se substituant aux parties à
la convention pour fixer à leur place le prix des actions - qui est un élément essentiel
de la vente - le collège de tiers chargé de l'estimation était donc, dès l'origine, empêché
d'accomplir sa mission en raison des procédés illégitimes généralement employés par
la centrale de référencement et par les coopératives régionales d'approvisionnement ;

Qu'il s'ensuit que, contrairement aux motifs des premiers juges, la promesse de cession
d'actions est nulle, à défaut de prix déterminable ;

133
Par ces motifs et, adoptant ceux non contraires des premiers juges, La Cour, statuant
publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré
en toutes ses dispositions (...).

33. Cass. com. 3 novembre 2004 n° 1530 F-D, Vuillecard c/ Caisse


régionale de Crédit agricole de la Martinique

pacte d'actionnaires - extinction - résolution unilatérale

Sur le premier moyen : Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Fort-de-France 10 décembre 1999, ch. civ.), que le
20 mars 1995, à l'occasion d'une augmentation de capital de la société anonyme
Compagnie de la Baie de Saint-Pierre (la société CBSP), entièrement souscrite par un
des actionnaires, la Caisse régionale de Crédit agricole de la Martinique (la CRCAM),
qui devenait ainsi majoritaire, a été signé entre cette dernière, d'une part, MM.
Vuillecard et Sidi et la société Financière de Montmorency (les actionnaires
minoritaires), d'autre part, pour une durée de cinq ans, un pacte d'actionnaires aux
termes duquel les minoritaires renonçaient à leur droit de souscription de
l'augmentation de capital et à la distribution de dividendes tandis que selon l'article 3,
en considération de l'apport des actionnaires minoritaires, promoteurs du projet mis en
oeuvre par la société et en contrepartie de la prise de majorité par la CRCAM, celle-ci
s'engageait pendant la durée du pacte à maintenir dans leurs statuts et leurs fonctions,
sauf faute grave caractérisée, MM. Vuillecard et Sidi, à ne pas voter de nouvelles
modifications de capital ni céder à un tiers ses actions sans l'accord exprès des
actionnaires minoritaires et à céder à chacun des minoritaires à sa demande ses actions
; qu'il était également prévu à l'article 5 que la CRCAM pourrait rompre le pacte en
rachetant l'ensemble des actions détenues par les minoritaires, avant mise en jeu de
l'article 3, pour une valeur égale à quatre fois la valeur nominale desdites actions et
qu'enfin, l'article 7 prévoyait que le pacte pouvait être rompu en cas d'inexécution par
l'une des parties de ses engagements ; qu'ainsi le manquement à l'un quelconque des
engagements pris par la CRCAM vaudrait rupture du pacte et entraînerait l'application
des conditions visées à l'article 5, tandis que le manquement à l'un quelconque des
engagements pris par les minoritaires vaudrait pour les minoritaires concernés rupture
du pacte et entraînerait pour ceux-ci la perte de tout bénéfice au titre du pacte ; que le
1er décembre 1995, la CRCAM a dénoncé le pacte en application des articles 7 et 3
visant les fautes de gestion de MM. Vuillecard et Sidi ; que la liquidation judiciaire de
la société a été prononcée le 17 décembre 1995 ; que les actionnaires minoritaires ont
fait assigner la CRCAM pour la voir condamner, pour dénonciation abusive du pacte,
à leur acheter les actions dans les termes de l'article 5 ;

Attendu que pour rejeter les demandes des actionnaires minoritaires, l'arrêt retient que
la CRCAM, par l'application combinée des articles 3 et 7 du pacte d'actionnaires, était
en droit de le résoudre unilatéralement en invoquant le comportement fautif de MM.
Vuillecard et Sidi dans l'exercice de leurs fonctions de dirigeants et échappait ainsi à
l'obligation de rachat des actions telle que prévue à l'article 5 du pacte ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi alors qu'il n'était pas soutenu que MM. Vuillecard
et Sidi et la société Financière de Montmorency aient manqué aux engagements par

134
eux souscrits dans le pacte d'actionnaires, la cour d'appel a ajouté à la loi des parties
un cas de résolution unilatérale que celle-ci ne prévoyait pas et dénaturé ledit pacte ;

Par ces motifs : Casse et renvoie devant CA Basse-Terre.

34. CA Paris 14 décembre 2004 n° 03-21818, 3 e ch. A, Vendrand c/


Gilliand

pacte d'actionnaires - engagement de rester en fonction et de céder ses actions à un


euro en cas de rupture anticipée - mise en oeuvre en cas de rupture de la période
d'essai

(Extraits)

Vu le jugement du 27 mai 2003, par lequel le tribunal de commerce de Paris a :

- annulé le transfert des 4 000 actions de Mme Maillet à Mme Debras, Mme
Hecketsweiler et à M. Brusley, réalisé le 7 août 2001,

- ordonné la régularisation du registre des mouvements de titres, sous astreinte de 100


euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et durant une
période d'un mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- condamné solidairement Mme Debras, Mme Hecketsweiler et M. Brusley à payer à


Mme Maillet la somme de 2 000 euros, à titre de dommages-intérêts, ainsi que
l'indemnité de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure
civile,

- débouté les parties de toutes leurs demandes ;

(...) Sur ce La Cour :

Considérant que Mme Maillet, Debras, Hecktsweiler et M. Brusley, en avril 2001, ont
créé avec d'autres personnes la société BCDV, ayant pour objet le conseil en
communication et marketing ; que le 29 mai 2001, ils ont signé avec les autres
actionnaires une convention dans laquelle ils sont qualifiés de fondateurs ;

considérant qu'il est précisé, dans l'exposé préalable de cette convention, que chacun
des actionnaires constatant que le développement et la réussite de l'activité de la
société repose essentiellement sur l'implication des fondateurs, l'ensemble des
actionnaires a jugé, pour favoriser et optimiser la réalisation de l'objectif commun de
développement, d'organiser plus précisément leurs relations en complétant les
dispositions légales et statutaires ;

considérant que les fondateurs, à l'article 3.1 de la convention, se sont engagés à


demeurer en fonction au sein de la société au moins jusqu'au 31 décembre 2004 ; que
l'article 3.2 stipule que « si, avant l'expiration du délai susvisé au point 3.1, un membre
du groupe fondateurs décidait de mettre fin à ses fonctions (contrat de travail et/ou
qualité de membre du directoire) par démission dûment notifiée, ou s'il était l'objet

135
d'une révocation ou d'un licenciement pour quelque motif que ce soit, il promet
irrévocablement de céder pour un (1) euro l'intégralité de ses titres de la société aux
autres membres du groupe fondateurs, si ceux-ci lui en font la demande, qui les
répartiront le cas échéant dans la limite de leur demande et à proportion de leur
participation dans le capital de la société » ;

considérant que la société BCDV, par contrat de travail du 2 mai 2001, avait
embauché Mme Maillet en qualité de directeur commercial, avec une période d'essai
de trois mois non renouvelable ; que le 23 juillet 2001, elle a mis fin à la période
d'essai ; que Mme Debras, Mme Hecketsweiler et M. Brusley, par lettre du 1 er août
2001, ont informé Mme Maillet que, en conformité avec l'article 3.2 du pacte
d'actionnaires, ils lui confirmaient lever l'option d'achat de l'intégralité des 4 000
actions qu'elle détenait dans la société ; que Mme Maillet leur a répondu, le 3 août
2001, qu'elle ne partageait pas leur interprétation de l'article 3.2 du pacte, visant
exclusivement les cas de démission, licenciement et révocation et ne s'appliquant pas
dans l'hypothèse de la rupture de sa période d'essai ; qu'elle leur a proposé la cession
de ses actions, mais sur la base de leur valeur nominale, soit pour le prix total de 4 000
euros ; que le 8 août 2001, ses interlocuteurs lui ont adressé un chèque de 1 euro
qu'elle a renvoyé, en réitérant son offre de cession ; que le 20 septembre 2001, M.
Brusley lui a transmis copie du registre des mouvements de titres, concrétisant selon
lui la perte de sa qualité d'actionnaire à la date du 7 août 2001 ;

considérant que Mme Maillet, estimant qu'elle avait été irrégulièrement dépossédée de
ses actions, a fait assigner Mme Debras, Mme Hecketsweiler, M. Brusley et la société
BCVD, devant le tribunal de commerce de Paris le 11 octobre 2001 ; que la société
BCVD a été mise en redressement judiciaire le 31 octobre 2002, puis en liquidation
judiciaire le 5 août 2003 ; que le tribunal, par le jugement déféré, a fait droit aux
demandes de Mme Maillet, en évaluant son préjudice à la somme de 2 000 euros ;

1) Sur les dispositions du pacte en litige :

considérant que Mme Maillet se fonde sur l'article 1134 du Code civil et prétend que
l'article 3.2 du pacte du 29 mai 2001 ne requiert aucune interprétation ; que selon elle,
il énonce limitativement les cas de cession des actions aux membres fondateurs, soit la
démission, la révocation ou le licenciement, sans mentionner la rupture de la période
d'essai ; qu'elle fait observer, notamment, que l'obligation de cession des actions
énoncées à l'article 3.2 est uniquement conditionnée par les hypothèses qui y sont
visées et non par les effets éventuels de ces hypothèses en droit du travail ;

considérant que Mmes Debras et Hecketsweiler ainsi que M. Brusley font valoir, pour
l'essentiel, que l'article 3.2 du pacte d'actionnaires doit s'interpréter en fonction de la
commune intention des parties ; qu'ils soulignent, se référant au préambule de ce pacte
et à l'article 3.1, que les parties signataires ont voulu lier la détention d'actions au sein
de la société BCVD à la qualité de salarié de la société ;

Considérant que, selon M. Brusley, les termes licenciement ou révocation doivent


s'interpréter comme l'ensemble des cas de rupture des relations contractuelles ; qu'il
ajoute que la société aurait pu tout aussi bien se séparer de Mme Maillet, dans le cadre
d'une procédure de licenciement à l'issue de la période d'essai, sans qu'elle puisse
émettre le moindre grief ;

136
considérant que, selon Mme Debras et Hecketsweiler, c'est à tort que le tribunal a
retenu que l'interruption de la période d'essai relevait de la décision unilatérale du
directoire de la société, c'est-à-dire les autres membres fondateurs signataires du pacte,
et que l'extension de l'article 3.2 à ce cas donnerait à cette disposition le caractère
d'une clause purement potestative à l'égard de Mme Maillet ; qu'elles soulignent que
cet article s'applique à toutes les hypothèses où les membres du groupe des fondateurs
auraient été amenés à quitter prématurément la société, soit de leur propre initiative,
soit à l'initiative du directoire de la société ; qu'elles exposent que l'interruption
anticipée de la période d'essai aurait pu être également décidée par Mme Maillet, que
les situations de départ visées par l'article 3.2 procèdent toutes du pouvoir
discrétionnaire, soit d'un membre du groupe des fondateurs, soit des organes de la
société, que le licenciement de Mme Maillet aurait pu être décidé de la même façon
que la rupture de son contrat de travail en période d'essai et que M. Brusley, qui
n'appartenait pas au directoire, a estimé à juste titre que l'article 3.2 devait s'appliquer ;

mais considérant qu'il convient d'interpréter l'article 3.2 du pacte d'actionnaire pour
déterminer s'il doit recevoir application, non seulement en cas de licenciement, mais
aussi en cas de rupture de la période d'essai prévue dans le contrat de travail de Mme
Maillet ; que l'engagement souscrit par les fondateurs de céder leurs actions aux autres
membres du groupe des fondateurs de la société pour la somme symbolique de un euro
n'a été stipulé à l'article 3.2 que dans des cas bien déterminés ; que conformément à
l'article 1156 du Code civil, dans le doute, la convention doit s'interpréter en faveur de
celui qui a contracté l'obligation, soit au cas présent en faveur de Mme Maillet ; qu'il y
a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le transfert des 4 000 actions
de Mme Maillet au prix de 1 euro et a ordonné la régularisation du registre des
mouvements de titres ;

(...) Par ces motifs, confirme le jugement en ce qu'il a annulé le transfert des 4 000
actions de Mme Maillet à Mme Debras, à Mme Hecketsweiler et à M. Brusley, et en
ce qu'il a ordonné la régularisation du registre des mouvements de titres (...).

137
35. CA Paris 21 janvier 2005 n° 02-20546, 3 e ch. B, Sté Vinci c/ Sté
Bouygues Bâtiment

pacte d'actionnaires - pacte de préférence - violation - sanction

(...) Faits de l'espèce

La société Bouygues (aujourd'hui société « Bouygues Bâtiment ») la société « Dumez


SA » et la société « SGE » ont conclu le 3 août 1990 une convention pour étudier la
faisabilité du projet de construction, en association entre elles, du stade de France à
Tremblay en France. l'Etat français était le concédant dans la perspective d'une
exploitation future des installations.

La constitution de la société constructrice, la société « Consortium du Grand Stade »


faisait appel à des capitaux répartis par tiers entre les trois promotrices du projet,
correspondant aussi à une répartition à égalité des pouvoirs.

L'accord du 3 août 1990, comme l'avenant qui y a été apporté en 1993 stipule : « les
soussignés participeront chacun par tiers aux supports de la société à constituer ;
chaque soussigné pourra demander l'introduction d'autres sociétés de son groupe, étant
entendu ... qu'elle se fera par prélèvement sur la part du demandeur ... ».

Les statuts de la société « Consortium du Grand Stade » prévoient les cas de cession
des parts qui pourraient intervenir. Ils définissent comme cession : « toute opération de
quelque nature qu'elle soit (et notamment, sans que cette énumération ait un caractère
limitatif : cession, échange, fusion nantissement, dation en paiement, et c.)aboutissant
au transfert de la propriété ... des titres de la société par l'une des parties au profit soit
d'un actionnaire, soit d'un tiers ».

Les statuts de la société prévoient les modalités d'exercice du droit de préemption


institué en cas de cession de titres y compris entre actionnaires ; selon :

- l'article 8-5 toute cession de titres détenus par une partie à une société de son groupe
sera libre sous réserve de l'accord du concédant et de la conservation de la qualité de
membre du groupe de la société cédante

- cette liberté de cession entre sociétés du même groupe s'entend de toute société dont
une partie détient une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à 75 %, ou
toute société qui détient directement ou indirectement le contrôle d'une partie au sens
de l'article 355-1 du Code des Sociétés.

Par acte du 29 avril 1995, chacun des actionnaires de la société « Consortium du


Grand Stade » s'engageait personnellement à réaliser l'ouvrage par lui-même ou par les
sociétés de son groupe. Une convention d'actionnaires du 29 juillet 1995 comporte les
stipulations suivantes :

- article 6-1 (reprise exacte de l'article 8-5 des statuts)

138
- article 6-3 : limitation du droit de cession jusqu'à la mise en service de l'ouvrage

- article 6-4 droit de préemption : toute cession des titres au profit d'un tiers ou d'un
autre actionnaire ne pourra être réalisée que si les parties ont été préalablement
invitées à exercer leur droit de préemption dans les conditions prévues ci-après
(suivent les énonciations de diverses formalités)

- article 6-5 cession intra-groupe : toute cession de titres détenus par une partie, à une
société de son groupe sera libre ... et ne sera pas soumise à la procédure de préemption
visée à l'article 6-4 à la double condition (...identique à celle visée dans les statuts)

- ce même article : « par société de son groupe, il faut entendre toute société dont une
partie détient une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à 75 %, ou toute
société qui détient directement ou indirectement le contrôle d'une partie au sens de
l'article 355-1 alinéa 1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les Sociétés Commerciales ; par
exception à la règle exposée ci-dessus, les parties acceptent expressément de donner
leur accord préalable à la cession éventuelle par Dumez des titres qu'elle détient de la
société « GTM Entrepose », sous la condition que la société « Lyonnaise des Eaux »
conserve le contrôle de société « GTM Entrepose » tel qu'il existe à la date de la
signature des présentes ou tout au moins au sens de l'article 355-1 alinéa 1 de la loi du
24 juillet 1966 »

La situation des parties a ensuite évolué ainsi qu'il suit :

Sur un plan formel :

- la société « Bouygues » a regroupé ses activités pour devenir la société « Bouygues


Bâtiment »

- la société « SGE » a pris la dénomination de société « Vinci ».

Sur le plan des structures des sociétés :

- la société « Vinci » a présenté une offre publique d'échange sur la totalité des actions
composant le capital de la société « Groupe GTM », qui l'a mise en possession de
97,44 % du capital des droits de vote de cette société

- le 19 décembre 2000, cette offre publique d'échange étant réalisée a été suivie par
une fusion-absorption entre les deux sociétés,

- à l'issue de laquelle la société « Bouygues Bâtiment » détenait certes toujours 1/3 du


capital de la société « Consortium du Grand Stade » (649 998 actions), mais la société
« Vinci » en détenait les 2/3 (1 299 997 actions).

La société « Bouygues Bâtiment » ayant prétendu qu'elle pouvait exercer un droit de


préemption pour maintenir un équilibre entre actionnaires de la société « Consortium
du Grand Stade », des discussions se sont nouées entre les parties, qui n'ont pas eu de
succès favorable. Une trace des discussions consiste dans une lettre du 23 mars 2001,
aux termes de laquelle la société « Vinci » indique « Suite à nos entretiens successifs,
je vous confirme notre intention d'accepter le rééquilibrage que vous proposez dans le

139
capital du « Consortium du Grand Stade ». Au delà de la lecture des textes, il me
semble que cette décision doit être guidée essentiellement par le souci de situer les
relations entre nos deux groupes tant sur le plan général que sur celui du stade de
France proprement dit, dans un climat [...] conforme à la fois à nos responsabilités
respectives dans la profession et à la nécessité d'assurer un fonctionnement
harmonieux à la gestion du Stade de France. Je vous remercie, dans ce contexte, de
bien vouloir accepter (... la suite de la phrase est occultée sur le document produit aux
débats) je souhaite simplement qu'on évalue de façon normale la valeur d'un outil qui
produit aujourd'hui un résultat convenable, en acceptant naturellement, qu'en cas de
résiliation par l'Etat ... nous soyons amenés à rectifier la valorisation de la partie
transférée maintenant du capital, en fonction d'une éventuelle indemnisation de l'Etat.
Je vous remercie de bien vouloir me marquer votre accord sur ma demande ... »

Le 27 mars 2001, la société « Bouygues Bâtiment », en réponse au courrier précédent,


acceptait dans le principe un rééquilibrage du capital de la société « Consortium du
Grand Stade » aboutissant à un partage 50/50 du capital entre les deux sociétés, le prix
à payer pour rééquilibrer la participation de la société « Bouygues Bâtiment » étant
fixé sur la base de la cession antérieure société « Dumez SA »/« GTM Entrepose »

Motifs :

considérant qu'il ne peut être déduit de l'échange de lettres incomplet et non conclusif
des 21 et 23 mars 2001 que les parties sont parvenues à s'entendre sur ce fait que les
actions de la société « Consortium du Grand Stade » devaient être réparties à égalité
entre les associés subsistant ; qu'une telle conclusion est rendue impossible d'une part,
par le fait qu'une partie du texte de chaque lettre est bâtonné, et d'autre part, en raison
de ce qu'un désaccord apparaît toujours dans ce qui reste lisible, portant sur les
conditions financières de la répartition et de ses conséquences médiates sur d'éventuels
événements contractuels ultérieurs ;

considérant qu'en conséquence la société « Bouygues Bâtiment » ne peut soutenir


qu'elle a obtenu de la société « Vinci » la reconnaissance d'un droit de préemption sur
les titres cédés dans le cadre de cet échange de correspondance ;

considérant que dès lors, il y a lieu de rechercher dans le texte des accords contractuels
quelle a été la volonté des parties quant à la pérennisation de la répartition ternaire du
capital ;

considérant que tant les accords que les statuts montrent une inspiration commune,
entre les trois sociétés fondatrices, dans la démarche de construction et les projets
d'exploitation de la société « Consortium du Grand Stade » ; qu'elle l'est alors, et
jusqu'à la fusion-absorption de la société « Groupe GTM » par la société « Vinci » ;
qu'elle se traduit dans la répartition égalitaire des capitaux et des pouvoirs dans la
société « Consortium du Grand Stade » ;

Considérant que toutefois, rien, ni dans les statuts, ni dans la convention d'actionnaires
du 29 avril 1995 ne permet d'exclure une répartition inégalitaire des actions entre les
sociétés associées ; que si elles avaient entendu rendre impossible la réalisation d'une
telle éventualité, elles l'auraient prévu pour l'exclure ; que tout au contraire, la
possibilité donnée à chaque société de céder librement des actions à des sociétés

140
filiales de son groupe ou contrôlées par elle implique nécessairement une
fragmentation du capital même si ses conséquences sont limitées par le maintien des
filiales bénéficiaires des cessions dans le groupe cédant ; que sur le plan des personnes
en présence au sein de la société « Consortium du Grand Stade » il y a certainement
dans un tel cas de figure, une multiplication d'intérêts potentiellement divergents ;

considérant qu'en corollaire, il doit être constaté que la société « Bouygues Bâtiment »
ne peut fonder ses prétentions à un maintien de la parité entre associés ni sur la
convention d'actionnaires ni sur les statuts ;

considérant qu'il échet dès lors de rechercher si la société « Bouygues Bâtiment »


pouvait prétendre à un droit de préemption ;

considérant que cette recherche passe par une analyse de l'application de la convention
d'actionnaires ;

considérant que l'opération de fusion-absorption constitue une opération de cession


précisément désignée par l'article 6-1 de la convention ;

considérant qu'en principe, toute opération de cession, même entre associés, ouvre un
droit de préemption ;

mais considérant que l'article 6-5 § 1 de la convention d'associés prévoit que la cession
de titres détenus par une partie à une société de son groupe est libre ; que lorsque par
l'effet de la fusion, les titres propriété de la société « Groupe GTM » sont devenus la
propriété de la société « Vinci » ce cas de figure s'est réalisé, même si c'était hors des
prévisions initiales des parties, puisqu'il en est résulté une concentration de la
propriété de la majorité des titres entre les mains d'une seule d'entre elles, mais
toutefois dans le même groupe ;

considérant qu'il y a lieu d'observer que les parties à l'acte ont envisagé de telles
situations, puisque la convention d'actionnaires prévoit que le droit de préemption,
quand il existe, doit s'exercer sur la totalité des titres objet de la cession (article 6-5 §
5) ce qui comporte la possibilité de mettre un préempteur en possession d'un nombre
de titres supérieur à celui des autres associés originaires ; que l'existence même d'un
droit de préemption implique qu'il peut s'exercer et rompre ainsi les équilibres initiaux
dans la répartition du capital ;

Sur le préjudice :

Considérant que la convention d'actionnaires prévoit une obligation de soumission de


la cession des actions détenues par des actionnaires, dans des conditions qui sont
constituées en l'espèce, à une obligation d'offrir préalablement les parts à céder à la
préemption des autres actionnaires ; que la violation de ces stipulations contractuelles
ne pourrait se résoudre qu'en une obligation au paiement de dommages et intérêts si
elles ne s'étaient pas constituées de telle manière qu'elles puissent avoir leur
application ; qu'en l'espèce, l'offre publique d'échange ne permettait pas à la société «
Bouygues Bâtiment » d'exercer son droit de préemption ; que la réalisation de la
fusion aurait dû donner lieu à l'offre, par la société « Vinci » à la société « Bouygues
Bâtiment » de l'exercice du droit de préemption ; qu'en n'accomplissant pas cette

141
formalité contractuelle la société « Vinci » a violé les termes du pacte ; que c'est le 19
décembre 2000, par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du groupe
Vinci que l'opération de fusion s'est close, et que la violation du droit de préemption
de la société « Bouygues Bâtiment » s'est caractérisée ; que par la suite, il est établi par
l'existence de correspondances échangées entre les parties que la société « Bouygues
Bâtiment » n'a pas renoncé à réclamer la cession préférentielle des actions de la
société « Consortium du Grand Stade » ; que cette demande caractérise sa volonté
d'exercer le droit de préemption dont elle bénéficiait ; que l'exercice de ce droit
s'impose au débiteur la société « Vinci », qui est tenue à la cession des actions
réclamées ;

considérant que la cession ne s'est pas réalisée par l'accord de volonté des parties faute
de détermination d'un montant pour la cession, soit dans le cadre des opérations de
fusion, soit dans le cours de la procédure où la société « Bouygues Bâtiment » a agi
pour exercer ce droit de préemption ;

considérant que dans ces conditions, il ne peut y avoir de substitution dans la propriété
des titres ; mais que la société « Bouygues Bâtiment » est par contre fondée à
poursuivre l'indemnisation de la violation de ses droits ; que son préjudice résulte du
manquement de la société « Vinci » à une obligation de faire, en l'espèce, soumettre à
la société « Bouygues Bâtiment » les actions objet de la cession ;

considérant que ce préjudice se décompose en une perte de droits au sein de la société


« Consortium du Grand Stade » pour ce qui concerne tant sa gestion, les orientations à
arrêter, que les revenus tirés de l'activité sociale ;

considérant qu'en ce qui concerne ces derniers, la Cour trouve dans le rapport établi
par Isabelle de Kerviler, expert judiciaire, des éléments d'appréciation ; qu'en premier
lieu le rapport d'expertise mentionne dans ses pages 37 à 47 l'évolution du revenu brut
d'exploitation sur la base des chiffres connus au 30 décembre 2003, qui s'établissent en
chiffres effectifs ou en projections dont le sérieux est vérifié par l'expert, à un montant
allant de 30,1 M € en 2001 à 30,3 M € en 2003 ; que la progression d'activité est
estimée à 5 % l'an jusqu'en 2005 et ensuite à 1,5 % par an ;

considérant que l'évolution de la société « Consortium du Grand Stade » se présentait


d'une manière très favorable, que la suite de son exploitation a confirmée ; que les
chiffres contenus dans le rapport d'expertise permettent de constater que la valeur des
actions reflétant la valeur de la société au jour de la fusion était de 93 000 000 €,
montant qui peut être retenu comme étant celui que la société « Bouygues Bâtiment »
aurait dû payer si elle avait exercé son droit de préemption, et qui représente donc
l'investissement qui lui aurait alors incombé pour 1/6 e, soit 15 500 000 €, sur la base
duquel se calcule le gain manqué ; considérant que cet investissement aurait permis à
la société « Bouygues Bâtiment », dont nul ne conteste qu'elle était en état de le
réaliser, d'enregistrer des résultats nets annuels de 4 500 000 € par an, évalués sur la
base de ceux constatés pour les trois premières années d'exploitation, suivant le
rapport d'expertise ; que le gain manqué par la société « Bouygues Bâtiment »
s'élèverait ainsi à la somme de 18 750 000 € dont il faut déduire l'investissement
supplémentaire de 15 500 000 €, ramenant l'évaluation de la perte à 3 750 000 €.

142
Considérant que le non-respect par la société « Vinci » de la clause de préemption a eu
pour conséquence de priver la société « Bouygues Bâtiment » d'une position
d'actionnaire égalitaire, qui était évidemment avantageuse pour l'exploitation de la
société « Consortium du Grand Stade », et ouvrait des possibilités de gestion qu'elle a
définitivement perdues ; que cette perte de pouvoirs au sein de la société « Consortium
du Grand Stade » constitue un préjudice, puisqu'elle est intervenue sans sa volonté, et
qu'elle [a] diminué sa position au sein de la société, dont l'existence est prévue pour
une durée très longue ; qu'en outre, il est certain que les titres ne peuvent plus être
vendus par la société « Bouygues Bâtiment » comme un ensemble ayant un poids
décisionnel dans la vie de la société ; que ce préjudice qui constitue non seulement un
préjudice matériel consistant dans une perte de négociabilité des titres, mais aussi un
préjudice moral supplémentaire par rapport à la perte de revenu ; que le tout est
évaluable à la somme de 300 000 € ;

Considérant que par ailleurs, la société « Bouygues Bâtiment » peut à juste titre faire
valoir qu'elle subit une atteinte à son image du fait de la violation fautive, de la part de
la société « Vinci » de ses droits à se maintenir à parité avec cette dernière dans la
société « Consortium du Grand Stade » ; que ce préjudice est certes essentiellement
moral ; qu'il n'empêche que la société « Bouygues Bâtiment » paraît en cette
occurrence, pour ses partenaires commerciaux à venir, avoir manqué de capacité de
réaction, ce qui ne peut qu'abaisser leur degré de confiance, alors pourtant qu'il ne peut
lui être reproché de faute ou de négligence ; que ce préjudice peut être réparé par
l'allocation d'une somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts ;

considérant que dans ces conditions, le montant de la condamnation à prononcer à


l'encontre de la société « Vinci » s'élève à la somme de 4 200 000 € ;

(...) Par ces motifs : La Cour, Infirme le jugement dont appel ; Rejette la demande de
substitution de la société « Bouygues Bâtiment » dans les droits d'actionnaire de la
société « Vinci » pour 325 000 actions de la société « Consortium du Grand Stade » ;
Statuant à nouveau, Condamne la société « Vinci » à payer à la société « Bouygues
Bâtiment » la somme de 4 200 000 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts au
taux légal à compter du jour du présent arrêt (...).

143
36. CA Paris 15 juin 2005 n° 03-3861, 16e ch. A, Sté Balmain c/
Waintraub

pacte d'actionnaires - violation - appréciation

(Extraits)

(...) Le 12 novembre 1998, M. Waintraub a donné en location -gérance à la société


Kuc, pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, le fonds de
commerce de fabrication d'articles de maroquinerie « Créations DP » dont il est
propriétaire.

Par actes datés des 16 novembre et 20 novembre 1998, M. Waintraub s'est engagé, en
cas de poursuite de la location-gérance et au plus tôt le 1 er janvier 2004, à vendre son
fonds de commerce à la société Kuc au prix de 1 000 000 F, la société Kuc s'engageant
de son côté à acquérir à compter du 1 er janvier 2004 le fonds de commerce de M.
Waintraub moyennant le prix de 1 000 000 F.

Le 19 novembre 1998, M. Waintraub s'est engagé envers M. Hivelin, la société


Financière de Développement Industriel (Fidéi), la société Balmain, et la société
Financière Tuileries Holding (FTH), actionnaires majoritaires de la société Kuc, à
acquérir dans le mois de la réalisation de la cession de son fonds de commerce, un
nombre d'actions de la société Kuc représentant 20 % du capital social existant à la
date de signature de cet acte.

Le 27 novembre 1998, M. Waintraub a été élu administrateur de la société Kuc, puis


président du conseil d'administration.

Aux termes d'un pacte d'actionnaires conclu le 30 novembre 1998 entre d'une part M.
Hivelin, la société Balmain, la société Fidéi et la société FTH, d'autre part M.
Waintraub, les quatre actionnaires majoritaires de la société Kuc se sont engagés à
céder les 20 % du capital social objet de la promesse d'achat conclue le 19 novembre,
et « à faire en sorte que les besoins de trésorerie de la société soient assurés au mieux
» pendant une durée d'une année.

Arguant de ce que M. Hivelin, la société Balmain, la société Fidéi, et la société FTH


lui avaient, au prix de manoeuvres dolosives, dissimulé la réalité de la situation de la
société Kuc lors de la conclusion des diverses conventions établies entre les parties au
mois de novembre 1998, et n'avaient ensuite pas respecté l'engagement de trésorerie
qu'ils avaient souscrit aux termes du pacte conclu le 30 novembre 1998, M. Waintraub
les a assignés devant le Tribunal de commerce de Paris en réparation de son préjudice,
et c'est dans ces circonstances, après que M. Waintraub se fut désisté de son action à
l'encontre de la société Fidéi, que le jugement dont appel a été rendu (...).

(...) Sur ce La Cour,

(...) Sur l'inexécution fautive du pacte d'actionnaires :

144
Considérant que M. Waintraub fait valoir que les premiers juges ont exactement
décidé que les actionnaires de la société Kuc n'avaient pas respecté l'engagement de
trésorerie qu'ils avaient pris le 30 novembre 1998 ; qu'il soutient en substance que cet
engagement ne constituait pas une déclaration d'intention mais un engagement précis,
s'analysant en une obligation de résultat, qu'il n'y avait donc pas de limite quant au
montant des engagements pris, que les versements effectués par les actionnaires ont
été inférieurs à la perte nette de l'exercice précédent, que la mise en redressement
judiciaire suivie par la liquidation de la société prouve que l'apport en trésorerie n'a
pas été suffisant, et qu'ainsi l'engagement n'a pas été honoré, qu'enfin, seule la somme
de 792 298 F a été versée sur l'augmentation de capital décidée le 18 mars 1999 à
hauteur de 2 228 468 F ;

Considérant cependant que les actionnaires de la société Kuc ont pris l'engagement le
30 novembre 1998, et pour une année de « faire en sorte que les besoins de trésorerie
de la société Kuc soient assurés au mieux » ;

Considérant qu'en contractant ainsi l'obligation d'assurer « au mieux » les besoins de


trésorerie de la société Kuc, les actionnaires ont pris l'engagement de se donner les
moyens les plus opérants pour que les besoins en trésorerie de la société soient
couverts ; que l'utilisation de l'expression « au mieux » exprime la volonté d'une
limitation de cet engagement à ce qui est possible ou raisonnable ; que cet engagement
s'analyse ainsi en une obligation de moyens ;

Que M. Waintraub ne peut par conséquent utilement soutenir que les actionnaires
avaient souscrit l'obligation d'assurer sans limitation tous les besoins de trésorerie de la
société Kuc et que partant, la constatation de l'état de cessation des paiements de la
société au mois de novembre 1999 établirait la défaillance des actionnaires dans
l'exécution de leur engagement ;

Considérant que lors de l'élaboration du budget prévisionnel au mois d'octobre 1998,


les besoins de trésorerie de la société Kuc étaient évalués à une somme comprise entre
600 000 F et 900 000 F ; qu'il n'est pas discuté que c'est au vu de ces prévisions que
les actionnaires ont souscrit l'engagement présentement litigieux ;

Qu'également, si la perte comptable de l'exercice précédent s'élevait alors à la somme


de 1 666 165 F, une provision pour risques d'un montant de 890 000 F était inscrite au
bilan, dont le financement n'était donc pas nécessaire ;

Que M. Waintraub ne peut donc soutenir que le besoin en trésorerie immédiat s'élevait
au montant de la perte comptable de l'exercice précédent ;

Qu'il est constant que dès janvier 1999, en réponse à l'information de M. Waintraub
selon laquelle le besoin de trésorerie pour l'exercice à venir serait de l'ordre de 1 000 à
1 500 KF, la société Fidéi a apporté en compte courant la somme de 500 000 F ;

Qu'il est également établi que M. Waintraub a ensuite présenté une demande
d'augmentation de capital à hauteur de 2 000 000 F, et que le conseil d'administration
de la société qui s'est tenu le 18 mars 1999 a, conformément à la proposition de M.
Hivelin, décidé de porter cette augmentation de capital à la somme de 2 228 468 F ;

145
Qu'eu égard à l'apport en compte courant précité de la société Fidéi, cette
augmentation a été souscrite à hauteur de la somme de 1 292 278 F par les
cocontractants de M. Waintraub, et non à hauteur de 792 278 F comme il le prétend ;

Que la somme ainsi apportée à la date du 10 mai 1999 s' avère supérieure aux
prévisions faites par les parties pour l'ensemble de l'exercice 1999, dans un temps où
les actionnaires étaient en droit d'attendre l'amorce d'un rétablissement de la situation
de la société, tant du rapprochement avec la société Créations DP, que du
renforcement des investissements commerciaux (publicité, foires-expositions) dont
atteste l'examen du compte d'exploitation établi au 30 septembre 1999 ;

Qu'à cette dernière date cependant, le résultat d'exploitation enregistrait une perte de 4
051 999 F (+ 96,84 % par rapport à la perte enregistrée sur les douze mois précédents)
pour un chiffre d'affaire s'élevant à 8 559 854 F (- 59,85 % par rapport à l'exercice
précédent) ;

Que face à cette nouvelle dégradation de la situation financière de la société, les


appelants ont alors pu légitimement estimer que tout nouvel apport en trésorerie serait
effectué en pure perte ;

Considérant que du tout, il résulte que la preuve n'est pas rapportée d'une faute
commise par M. Hivelin et la société Balmain à l'égard de M. Waintraub dans
l'exécution de l'engagement qu'ils avaient souscrit le 30 novembre 1998 d'assurer au
mieux les besoins de trésorerie de la société Kuc ;

Que le jugement sera par conséquent infirmé et M. Waintraub débouté des termes de
son action (...).

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en


toutes ses dispositions (...).

146
37. CA Paris 6 septembre 2005 n° 04-9554, 3e ch. A, Duc Duong Thanh
c/ Sté EEM

pacte d'actionnaires - contenu du pacte - condition suspensive - réalisation de la


condition - défaut - effets

(Extraits)

(...) Sur ce la cour

Considérant que M. Duc Duong Thanh, en novembre 1990, a créé avec d'autres
personnes physiques la société HDH ayant pour objet la prise d'intérêts ou de
participation dans toutes sociétés ou entreprises ; qu'en 1994, il a voulu développer des
activités dans le domaine hôtelier au Vietnam ; que la société de droit vietnamien Phan
Thiet bungalows resort (PTBR) a ainsi été constituée pour construire et exploiter un
complexe hôtelier ; que le capital de cette société était réparti entre HDH pour 70 % et
le partenaire vietnamien pour 30 % ; que M. Duc Duong Thanh en était le directeur
général ; que la société Electricité et eaux de Madagascar (EEM) s'est déclarée
intéressée par l'opération et plus généralement par une coopération avec M. Duc
Duong Thanh pour d'autres projets au Vietnam ; que c'est dans ces circonstances que
tous deux ont signé un protocole le 17 janvier 1995, modifié le 24 mai 1995, ainsi
qu'un pacte d'actionnaires à cette même date ; que EEM a acquis 66 % des actions de
HDH, M. Duc Duong Thanh conservant le solde ; qu'il était prévu que EEM
effectuerait des avances en compte courant pour financer la réalisation du complexe
hôtelier de Phan Thiet, à concurrence de la somme de 1 500 000 US $, portée ensuite à
1 675 563 US ($) ; que le 24 octobre 1995, EEM et M. Duc Duong Thanh ont signé un
contrat de services par lequel M. Duc Duong Thanh s'engageait à apporter son
assistance pour la réalisation d'un autre complexe hôtelier et la construction de
navettes fluviales destinées au transport des clients ;

Considérant que, à la suite d'un audit des comptes de PTBR réalisé au 30 septembre
1997, M. Duc Duong Thanh a été révoqué de ses fonctions de directeur général de
cette société en décembre 1997 ; que les comptes de la société HDH pour l'exercice
clos le 31 décembre 1997 ont fait apparaître un montant de capitaux propres négatif de
12 740 018 F ; que les actionnaires de HDH, réunis en assemblée générale mixte le 26
octobre 1998, ont décidé de ne pas renouveler le mandat d'administrateur de M. Duc
Duong Thanh et de procéder à une augmentation du capital social par création de 130
500 actions de 100 F chacune, à souscrire en numéraire ou le cas échéant par
incorporation de créances liquides, certaines et exigibles sur la société ; que le conseil
d'administration de HDH a constaté le 1er février 1999 que EEM avait souscrit
l'intégralité de l'augmentation du capital par incorporation d'une créance certaine
liquide et exigible sur HDH ; que par la suite, les actionnaires de HDH, réunis en
assemblée générale mixte le 29 juin 2001, ont approuvé le procès-verbal de la réunion
du conseil d'administration du 10 juillet 2001, lequel avait décidé de porter le capital,
après réduction à zéro franc pour apurer les pertes, à 3 000 000 F par l'émission, au
pair, de 30 000 actions de 100 F de nominal à souscrire en numéraire, le cas échéant
par incorporation de créances certaines liquides et exigibles sur la société ; qu'à la

147
clôture de la période de souscription, seule EEM avait souscrit 29 997 actions pour la
somme de 2 999 700 F, par compensation avec ses créances sur HDH ;

Considérant que c'est dans ces circonstances que M. Duc Duong Thanh a saisi le
tribunal de commerce de Paris, le 18 juin 2002, notamment pour se voir indemniser du
préjudice résultant de la perte de ses droits dans HDH, sa participation ayant été
réduite de 34 % à 0 % ;

Considérant que M. Duc Duong Thanh ne reprend pas devant la cour sa demande en
dommages-intérêts pour révocation de ses fonctions de directeur général de PTBR,
bien qu'il indique en page 12 de ses conclusions que EEM l'a arbitrairement écarté de
la direction de PTBR comme des négociations avec le groupe Francorosso, avant de
provoquer la dilution irrémédiable de sa minorité de blocage dans le capital de HDH ;
qu'en toute hypothèse, c'est par des motifs pertinents que le tribunal a déclaré
irrecevable ce chef de demande, en précisant que l'article 9 des statuts de PTBR
stipulait que la révocation du directeur général ne pouvait être décidée qu'à l'unanimité
du conseil d'administration et que si M. Duc Duong Thanh estimait sa révocation
abusive, c'est à l'encontre de PTBR qu'il pouvait agir et non d'un seul de ses associés,
HDH, ou EEM ;

Considérant que l'appelant ne remet pas en cause devant la cour la régularité et la


validité de l'assemblée générale mixte des actionnaires de HDH du 26 octobre 1998 ;
que se fondant sur le pacte d'actionnaires, qu'il estime devenu effectif, et invoquant sa
violation par les intimées, il demande des dommages-intérêts, d'une part pour le non-
renouvellement de ses fonctions d'administrateur de HDH, d'autre part pour la perte de
ses droits dans HDH ;

Considérant que les intimées, pour s'opposer à ces prétentions, soutiennent que le
pacte d'actionnaires n'est pas entré en vigueur et qu'il a été mis fin régulièrement au
mandat d'administrateur de l'appelant ; qu'elles font valoir, subsidiairement, que
l'augmentation de capital intervenue en octobre 1998 n'était pas contraire au pacte et
que M. Duc Duong Phanh n'a subi aucun préjudice ;

Considérant que le pacte d'actionnaires du 24 mai 1995, conclu pour une durée de
quatre ans, rappelle que EEM a acquis 66 % du capital de HDH, que cette société
participera à une « joint venture » avec un partenaire vietnamien et que les parties
souhaitent régler leurs relations en tant qu'actionnaires ; qu'il prévoyait que EEM
financerait le projet par des avances en compte courant, sous certaines conditions
résolutoires ; que l'entrée en vigueur de ce pacte était soumise à la réalisation de
diverses conditions suspensives visées à l'article 9, et notamment la condition suivante
: « le conseil d'administration de la joint venture Phan Thiet Bungalows resort aura
décidé par une délibération d'arrêter l'échéancier de remboursement du prêt sans
intérêt que la société (HDH) consentira à la joint venture et d'affecter par priorité le
résultat d'exploitation de cette société au remboursement de ce prêt avant toute
distribution de dividendes ; l'actionnaire (M. Duc Duong Thanh) aura communiqué à
EEM une copie certifiée conforme du procès-verbal contenant cette délibération » ;
qu'il résulte du rapport d'audit élaboré par Ernst et Young sur les comptes de PTBR
arrêtés au 30 septembre 1997 que le prêt consenti par HDH n'a jamais été autorisé par
la banque d'Etat du Vietnam, et qu'en fait aucun contrat de prêt n'a été rédigé et aucun
échéancier de remboursement défini ; que M. Duc Duong Thanh n'a jamais

148
communiqué copie du procès-verbal du conseil d'administration contenant la
délibération approuvant le prêt et son échéancier ; que c'est en vain que l'appelant
objecte que la réalisation de la condition relevait à titre principal de la responsabilité
du conseil d'administration de PTBR et que les parties ont exécuté les dispositions
principales du pacte ; qu'en effet l'une des conditions suspensives n'ayant pas été
remplie, l'appelant ne peut valablement invoquer la teneur du pacte et sa violation ;

Considérant que, à supposer même que le pacte d'actionnaires soit applicable, M. Duc
Duong Thanh devrait être débouté de toutes ses demandes en dommages-intérêts ;
qu'en effet, aucune convention ne pouvait avoir pour effet de restreindre la révocation
« ad nutum » du mandat d'administrateur de M. Duc Duong Thanh, lequel ne
démontre aucun abus dans la décision de non-renouvellement de son mandat ; que par
ailleurs, l'augmentation de capital du 26 octobre 1998 était ouverte à l'ensemble des
actionnaires, que M. Duc Duong Thanh pouvait y participer et n'a donc pas été exclu
frauduleusement du projet de complexe touristique comme il le prétend ; que de
surcroît, il ne démontre pas la réalité de son préjudice, qu'il calcule sur la base de la
valeur du complexe touristique ou subsidiairement du prix du terrain au 24 octobre
1998, alors que les capitaux propres de la société HDH étaient négatifs de 12 740 018
F au 31 décembre 1997 et que c'est EEM qui a procédé aux investissements et aux
opérations de recapitalisation pour sauver le projet ;

Considérant, en conséquence, que le jugement doit être confirmé, sauf en ce qu'il a dit
que le pacte d'actionnaires était devenu définitif et que EMM n'avait pas respecté
toutes ses dispositions au préjudice de M. Duc Duong Thanh ; que ce dernier devra
verser l'indemnité supplémentaire de 3 000 euros à chacune des intimés ;

Par ces motifs

Réforme le jugement seulement en ce qu'il a dit que le pacte d'actionnaires était


devenu définitif et que EMM n'avait pas respecté toutes ses dispositions au préjudice
de M. Duc Duong Thanh,

Le confirme en toutes ses autres dispositions (...)

149
38. Cass. com. 27 septembre 2005 n° 1138 F-D, Sté Financière de
Marcory c/ Sté Sofipharm

pacte d'actionnaires - durée - validité

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (CA Aix-en-Provence 5 décembre 2003, 8 e


ch. B, arrêt n° 647), que les actionnaires de la société Sofipharm ont conclu un pacte
d'actionnaires stipulant notamment un droit de préemption réciproque en cas de
cession des titres et répartissant les actionnaires en quatre catégories ; que les
actionnaires A étaient la société Financière de Marcory et son gérant, M. Mélières, les
actionnaires B étaient les sociétés FCPR Eurofund, 3 I Europe investment partners n°
1 et 3 I Europe investment partners n° 2, les actionnaires C étaient MM. Delépine,
Mac Intosh, Armoiry et Foucaud et l'actionnaire D était M. Tedeschi ; qu'après que la
société Sofipharm eut été mise en redressement judiciaire et qu'un plan de
continuation eut été arrêté par le tribunal, les actionnaires B ont projeté de céder leur
participation à M. Muller ; que les actionnaires C et D ayant exercé leur droit de
préemption, les actionnaires A ainsi que M. Muller ont contesté la validité de ce droit
ainsi que la régularité de sa mise en oeuvre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Financière de Marcory et M. Mélières font grief à l'arrêt d'avoir
déclaré le pacte d'actionnaires valide et de plein effet et dit que c'est à juste titre que
MM. Tedeschi, Delépine, Mac Intosh, Armoiry et Foucaud ont exercé leur droit de
préemption alors, selon le moyen, qu'en se déterminant de la sorte, à partir de motifs
inopérants relatifs aux effets de la clause de préemption, sans rechercher, ainsi qu'elle
y était invitée, si la durée, de vingt années, pour laquelle la charte d'actionnaires avait
été conclue n'était pas excessive, eu égard à ses diverses stipulations, relatives, tant à
la cession des actions qu'aux modalités d'exercice du droit de vote et des pouvoirs
propres des organes sociaux, compte tenu, notamment, de l'âge des actionnaires, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 1134 du Code
civil, ensemble les articles 1832 et 1833 du même Code ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le pacte d'actionnaires stipulait qu'il cesserait de
produire effet à l'égard de tout actionnaire qui viendrait à perdre cette qualité et relevé
que chacun des actionnaires avait la faculté de céder ses titres à tout moment, la cour
d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas
fondé ;

(...) Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

150
39. CA Paris 18 octobre 2005 n° 04-4322, 3e ch. A, Hermann c/ Vileghe

pacte d'actionnaires - 1° validité - appréciation - 2° promesse de


vente - violation - sanctions - existence d'un contrat de vente définitif - réalisation
forcée

(Extraits)

(...) Considérant que le 19 février 1999, MM. Vlieghe, Nasseri, Lengaigne, Rousselle,
Fradier, Hermann et Mme Pourrastegar-Ducamus, ces trois derniers salariés de PMT,
ont constitué la société anonyme PP2 à l'effet de prendre le contrôle de la société PMT
ayant pour activité la réalisation de logiciels appliqués au secteur de la banque et des
assurances ;

que le même jour, a été signé entre MM. Vlieghe, Nasseri et Rousselle, désignés
comme « actionnaires mandataires », et MM. Hermann, Fradier et Mme Pourrastegar-
Ducamus désignés comme « actionnaires salariés »), un pacte précisant les modalités
de prise de participation et de cessions des actions de PP2 ;

que le 16 mai 2000, a été signé un avenant au pacte d'actionnaires par les mêmes
intervenants et par M. Dereumaux, nouvel actionnaire de PP2, avenant constatant que
les engagements de l'article 2 du pacte du 19 février étaient remplis par anticipation et
entérinant l'adhésion de M. Dereumaux aux dispositions de ce pacte en qualité «
d'actionnaire salarié » ;

que le 18 décembre 2000, est intervenue la fusion-absorption de PP2 par PMT et que
le 14 décembre 2001 a été signé un avenant par les mêmes intervenants et par la
société 3D Nexus (Nexus) au lieu et place de M. Rousselle, avenant entérinant
l'adhésion de Nexus et l'application du pacte d'actionnaires de 1999 aux mêmes
actionnaires devenus actionnaires de PMT à la suite de la fusion ;

qu'à l'issue de l'opération, qualifiée de « LBO », M. Hermann détenait 20 040 actions


de PMT ;

Considérant qu' ayant, à la suite de son licenciement intervenu le 13 février 2002,


refusé de transférer aux signataires du pacte d'actionnaires et de ses avenants les
actions de PMT qu'il détenait comme prévu par l'article 6 du pacte du 19 février 1999,
au motif que son engagement de céder ses actions n' était pas valable comme
concernant des actions de PP2 et non celles de PMT et que les parties avaient omis de
prévoir le cas de fusion, M. Hermann a engagé une instance devant le tribunal de
commercé de Paris en nullité du pacte du 19 février 1999 et de ses avenants des 16
mai 2000 et 14 décembre 2001, en nullité de ses engagements et pour voir juger
abusive la demande de MM. Vlieghe et Nasseri à son égard de vendre ses actions à un
prix de surcroît très inférieur à leur valeur ;

Considérant que par le jugement déféré, le tribunal s'est prononcé dans les termes ci-
avant reproduits ;

151
Considérant que M. Hermann a aussi engagé devant le tribunal de commerce de
Nanterre une action en nullité des souscriptions et libérations selon lui fictives et des
augmentations de capital correspondantes de mai et juillet 2000 ; que par jugement du
17 décembre 2004, ce tribunal s'est dessaisi au profit de la cour ;

(...)

Sur le fond :

1° sur la nullité du pacte et de ses avenants :

Considérant que l'appelant soutient d'abord que le pacte du 19 février 1999 et ses
avenants sont nuls pour fausse cause et à raison du dol dont il a été victime ;

Considérant que, sur le premier moyen, il expose qu'en participant à la souscription


d'actions de PP2, il espérait bénéficier de l'accroissement de valeur de celles-ci
découlant du développement d'une entreprise auquel il entendait contribuer non
seulement par ses apports en capital mais aussi par son industrie et que le pacte
proposé à sa signature allait à l'encontre de ses intentions et des buts officiellement
exposés puisqu'il se voyait contraint, en cas de licenciement nécessairement opéré par
les dirigeants, d'offrir ses actions aux « actionnaires salariés », puis aux actionnaires «
mandataires », pour un prix contestable, ajoutant que l'actionnaire « exproprié » se
voyait tenu d'offrir la cession de ses actions alors que les bénéficiaires de cette offre
étaient libres de l'accepter ou de la refuser ; que ces avantages consentis à sens unique
ont abouti à un acte nul pour fausse cause ;

Mais considérant qu'un pacte d'actionnaires est une convention par laquelle ces
derniers cherchent à régler le contrôle de la conduite des affaires et la composition du
capital de leur société ; que les intimés répliquent à juste raison que la cause du pacte
litigieux et de ses avenants, clairement déterminée et classique en la matière, est le
désir d'établir une procédure de sortie de la société ; qu'il a été prévu à cet effet de
maintenir les actions entre les mains des actionnaires mais aussi de proposer le rachat
par priorité aux « actionnaires salariés » pour conserver, si faire se peut, l'équilibre
initial entre « actionnaires salariés » et « actionnaires mandataires » ; que la cause d'un
pacte d'actionnaires ne se confond pas avec les mobiles de l'actionnaire non plus
qu'avec les chances de succès de l'opération ; que les conditions du retrait critiquées
par M. Hermann sont étrangères à la notion de cause invoquée ; que la démonstration
d'une fausse cause de nature à provoquer la nullité du pacte et de ses avenants n'est pas
faite ;

Considérant qu' au soutien de son moyen relevé du dol, M. Hermann soutient que, s'il
a, pour sa part, libéré les actions souscrites lors de l'augmentation de capital avec ses
fonds propres, il n'en a pas été de même des autres « actionnaires salariés » qui,
n'ayant pas les moyens de respecter cet engagement (dont, selon l'appelant, on peut
même penser qu'il était fictif) ont bénéficié de « prêts illicites et clandestins » ; qu'il
prétend que, s'il avait su pouvoir obtenir de tels prêts, il n'aurait pas manqué lui aussi
d'en solliciter pour bénéficier des mêmes avantages que les autres ; qu'outre la
violation de l'obligation d'information pesant sur les dirigeants quant à l'existence de
ces prêts, il estime avoir été victime de la mauvaise foi des autres actionnaires ;

152
Mais considérant que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; que dans le cas
présent, si l'on devait considérer que M. Hermann n'était pas au courant de ces prêts, il
ne met aux débats aucun élément de nature à établir l'existence de manoeuvres
dolosives de la part des autres actionnaires ou même un défaut d'information de la part
des dirigeants ayant pour objet de le tromper pour l'amener à contracter ; que par
ailleurs M. Hermann n'apporte pas la preuve de ce qu'il n'aurait pas contracté comme il
l'a fait s'il avait eu connaissance de la possibilité qui lui était offerte d'obtenir un prêt
aux mêmes conditions que les autres salariés ;

Considérant que l'appelant se prévaut encore de la nullité du pacte faute de limitation


dans le temps de ses effets et à raison des causes et modalités de sortie qui y figurent ;
qu'il prétend aussi que ces actes sont devenus inapplicables par suite de la fusion ;

Considérant sur ce dernier point que, dans l'avenant du 14 décembre 2001, il est
précisé « la société PP2 a été absorbée par PMT. Les dispositions du pacte
d'actionnaires signé le 19 février 1999 et de son avenant n° 1 signé le 16 mai 2000
s'appliquent depuis cette fusion aux actions PMT reçues en échange des actions PP2
détenues par les signataires du pacte dont M. Hermann ; que la fusion des sociétés a eu
pour conséquence que les actionnaires de PP2 sont devenus actionnaires de PMT et
que les actions PMT sont depuis cet événement soumises au pacte et à ses avenants ;
que de plus, en dépit de ce que prétend l'appelant, les salariés de PMT sont restés
salariés de la même société après la fusion et que les « actionnaires salariés », dont M.
Hermann, pouvaient faire l'objet d'un licenciement par PMT ;

Considérant que l'absence de limitation dans le temps des effets du pacte n'est pas une
cause de nullité ;

Considérant pour le surplus que M. Hermann critique d'abord la clause du pacte en ce


que, loin de s'analyser en une promesse de vente, elle contraint l'actionnaire à « offrir
» ses actions aux autres associés et constitue un processus d'exclusion contraire au
droit européen comme au droit français ;

que, se référant à l'article 36 de la directive européenne n° 77/91/CE du 13 décembre


1976, M. Hermann prétend que le retrait forcé d'actions « doit être prescrit et autorisé
par les statuts avant la souscription des actions qui font l'objet du retrait » ; qu'il
soutient que le pacte du 19 février 1999 était contraire aux statuts de PP2 qui ne
prévoyaient pas d'exclusion, que les motifs d'exclusion n'étaient pas objectivement
prévus, que l'exclusion n'a pas été soumise à la vérification par le juge quant à son
motif et quant à la compétence de l'organe ayant décidé l'exclusion, que les droits de la
défense n'ont pas été respectés et que le bénéficiaire éventuel du rachat forcé doit être
déterminé ou désigné par l'organe compétent de la société ;

Considérant cependant que tout associé est libre de s'engager, lorsqu'il acquiert ses
titres, à ce que ses actions lui soient un jour rachetées soit à un prix déterminé, soit à
un prix déterminable et que les intimés répondent à bon droit que la clause litigieuse
n'est pas une clause d'exclusion contraire aux statuts mais une promesse unilatérale de
cession d'actions par laquelle les « actionnaires salariés » s'engageaient à céder leurs
actions en cas de cessation de leurs fonctions, quelle qu'en soit la cause au sein de la
société ; qu'il s'agit donc d'une promesse de vente, conclue sous la condition
suspensive qu'un événement déterminé survienne, telle en l'espèce la perte de la

153
qualité de salarié, qui n'est dès lors pas soumise aux dispositions de la directive visée
par l'appelant, non plus qu'aux autres principes rappelés ci-dessus par l'appelant ;

Considérant que M. Hermann conclut ensuite à la nullité du pacte au regard de la


clause de fixation du prix par application des articles 1589 et 1591 du Code civil ; qu'il
relève que cette clause, nulle dès l'origine parce qu'elle ne prévoyait pas une seule
formule objective mais plusieurs formules distinctes privilégiant les dirigeants
majoritaires, l'est de plus fort à raison de ce que la détermination du prix n'est pas
libérée de l'intervention arbitraire de la volonté de l'acheteur dès lors que les dirigeants
majoritaires de PP2 pouvaient licencier abusivement un salarié et que la formule
utilisée fait référence à des bénéfices « non distribués » que les dirigeants majoritaires
étaient à même de fixer ; qu'il ajoute que la clause est, par suite de la fusion et de la
disparition de PP2 sur la valeur de laquelle était appuyée la fixation du prix, devenue
inapplicable pour la revente d'actions PMT et que le transfert de propriété doit en toute
hypothèse être opéré moyennant « un prix en rapport avec la valeur du bien » ;

Mais considérant que l'existence de plusieurs formules de détermination du prix n'est


pas en elle-même critiquable puisqu'elles correspondent à des situations de fait et de
droit différentes ; que, comme il a été rappelé ci-avant, l'avenant du 14 décembre 2001
a, d'accord entre toutes les parties signataires au nombre desquelles figure M.
Hermann, prévu que les dispositions du pacte initial et de l'avenant s'appliqueront à
compter de la fusion aux actions PMT reçues en échange des actions PP2 ; qu'il
s'ensuit que les formules de détermination du prix de rachat ont été validées pour le
rachat des titres PMT et spécialement la valorisation de la société devenue PMT, cette
valorisation comportant, pour tenir compte des changements à intervenir, un correctif
se référant à l'ensemble des sociétés du groupe, à savoir une augmentation du prix de
base de la société (25 millions de francs) constitué du surplus des bénéfices non
distribués de toutes les sociétés du groupe à compter de l'exercice 1999 ; qu'en outre la
détermination des bénéfices non distribués se fonde sur des éléments indépendants de
la volonté des parties au rachat d'actions dès lors que la distribution de bénéfices ou
l'affectation de ceux-ci en réserve relèvent de la décision non des dirigeants mais de
l'assemblée générale des actionnaires et qu'il en est de même des rémunérations des
dirigeants (qualifiées par l'appelant d'exorbitantes) dont le montant est fixé par les
organes sociaux (assemblée générale ou conseil d'administration) ; qu'enfin concernant
la condition relative au licenciement, s'il émane du dirigeant de la société, il ne
demeure pas sans contrôle puisqu'il peut être contesté devant les juridictions
compétentes, ce qui a été le cas pour M. Hermann dont le licenciement a été reconnu,
par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 16 mars 2005 devenu irrévocable, comme
opéré pour cause réelle et sérieuse ; que la nullité tirée de l'existence d'une clause «
potestative » n'est donc pas encourue ;

Considérant enfin qu'en dépit de ce que soutient M. Hermann, les bénéficiaires de la


clause sont déterminés et qu'il n'importe que la proportion d'une éventuelle répartition
entre eux ne soit pas précisée ;

D'où il suit que ni le pacte ni ses avenants ne sont entachés de nullité et que la clause
prévue à l'article 6 du pacte doit recevoir application ;

2°) Sur les demandes formulées devant le tribunal de commerce de Nanterre

154
(...) Sur les demandes reconventionnelles des intimés :

Considérant sur la demande de M. Fradier et Mme Pourrastegar-Ducamus que le pacte


d'actionnaires et ses avenants doit au regard de ce qui précède recevoir application ;

Considérant que M. Hermann fait encore valoir que, contrairement à l'opinion du


tribunal, l'article 1142 du Code civil aux termes duquel toute obligation de faire ou de
ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du
débiteur, s'oppose à tout transfert forcé d'actions ;

Mais considérant que dans une promesse de vente, l'obligation du promettant ne


demeure une obligation de faire que pour autant que les bénéficiaires n'ont pas déclaré
acquérir et lever l'option avant la rétractation du promettant ; que, se bornant à
rappeler un principe, l'appelant n'allègue même pas avoir rétracté son offre avant la
levée d'option ; que celle-ci s'est au demeurant matérialisée par l'envoi d'une lettre
recommandée AR de MM. Vlieghe et Nasseri en date du 4 mars 2002, lettre qui
rappelait la clause 6 du pacte prévoyant la cession par ordre de priorité aux autres «
actionnaires salariés », puis aux « actionnaires mandataires », le nombre des actions en
cause et le prix de 107 622,53 euros, au demeurant supérieur à celui résultant de
l'application de la clause susvisée qui conduit à un prix de 4,90 euros l'action alors que
le prix proposé s'établit à 5,37 euros ; que cette levée d'option, ratifiée en tant que de
besoin par les « actionnaires salariés » dans leurs conclusions déposées devant le
tribunal le 29 octobre 2002, étant intervenue avant le refus de M. Hermann de se
conformer à sa promesse exprimé par lettre du 12 mars 2002, la vente était parfaite
avant la rétractation du promettant et que l'article 1142 du Code civil invoquée par
l'appelant ne trouve plus matière à s'appliquer ;

(...) Par ces motifs (...) Confirme le jugement déféré, sauf sur l'irrecevabilité de
l'intervention de M. Dereumaux (...).

155
40. CA Paris 16 novembre 2005 n° 05-19135, 14e ch. A, SA Delia
Systems c/ Cavelius

société anonyme - dirigeant - indemnité de départ prévue dans un pacte d'actionnaires

(...) Considérant que, faisant valoir qu'il avait été révoqué le 31 mai 2005 de ses
fonctions de président du conseil d'administration de la société Delia et se prévalant du
pacte d'actionnaires conclu le 22 juin 2004 qui prévoyait que dans cette hypothèse il
percevrait une indemnité de 80 000 €, Monsieur Cavelius a assigné la société Delia
devant le juge des référés commercial, qui a statué par la décision déférée ;

Considérant qu'au soutien de son appel la société Delia fait valoir :

- sur la demande de Monsieur Cavelius, que son appréciation excède les pouvoirs du
juge des référés au vu des contestations sérieuses qu'elle oppose, tenant à la violation
du principe de la révocabilité ad nutum du mandataire social posé par l'article L 225-
47 alinéa 3 du Code de commerce eu égard au caractère manifestement dissuasif de
l'indemnité convenue, au fait qu'elle est contraire à l'intérêt social et qu'elle s'analyse
en une rémunération qui doit être préalablement autorisée par le conseil
d'administration conformément aux dispositions de l'article L 225-47 du Code de
commerce, ou, si la procédure de l'article L 225-38 était jugée applicable, qu'elle n'a
pas fait l'objet de la procédure de contrôle prévue,

- sur sa demande reconventionnelle en répétition de l'indu que Monsieur Cavelius a


perçu, à titre de rémunération variable et de primes, des sommes qui n'ont jamais été
soumises à délibération du conseil d'administration ;

Que Monsieur Cavelius réplique que l'indemnité dont il sollicite le paiement est
prévue par un pacte d'actionnaires auquel étaient parties l'ensemble des
administrateurs de la société, qu'elle était destinée à couvrir le délai de carence durant
lequel la garantie sociale du chef d'entreprise (GSC) n'avait pas vocation à s'appliquer,
et que son montant est justifié et proportionné eu égard au fait que, démissionnant
concomitamment de son poste de directeur général, il renonçait au bénéfice de son
contrat de travail ; qu'il soulève l'absence de fondement de la demande en répétition de
l'indu s'agissant de sommes dont le paiement n'a pas été fait par erreur et sans cause
mais qui correspondent à des rémunérations non seulement autorisées par le conseil
d'administration mais encore validées par les commissaires aux comptes et l'audit
effectué à la demande de la société ;

Considérant qu'il est constant qu'embauché par la société Delia par contrat de travail
du 9 avril 2002 en qualité de directeur général chargé des opérations Laurent Cavelius
a été nommé le 6 mai 2002 aux fonctions de directeur général et président du conseil
d'administration, son contrat de travail étant suspendu et son mandat social rémunéré
par une somme annuelle fixe de 146 500 € à laquelle s'ajoutait une partie variable
devant être déterminée chaque année en fonction d'objectifs définis par le conseil
d'administration en accord avec lui, d'un montant brut maximum de 37 000 € ; que le
22 juin 2004 Monsieur Cavelius a démissionné de ses fonctions salariées « sous
réserve de la signature du pacte d'actionnaires ce jour entre Ile de France

156
Developpement, Togeth'up, La Finances, ... et de la réalisation de l'augmentation de
capital qui est prévue » et renoncé aux avantages liés à son contrat de travail ;

Considérant que ce pacte d'actionnaires a effectivement été signé le 22 juin 2004 ;


qu'aux termes de son article 10 la société s'engage à souscrire une assurance « garantie
sociale du chef d'entreprise » (GSC) au bénéfice du dirigeant pour une couverture de
18 mois après une période de carence minimum de 12 mois et 2 mois de franchise et
accorde au dirigeant « une indemnité contractuelle de révocation d'un montant de 80
000 € net, étant précisé que cette indemnité aura vocation à être diminuée, à due
concurrence, du montant de l'indemnisation dont bénéficierait le dirigeant au titre du
régime de la GSC », un tableau faisant apparaître que d'un montant de 80 000 € dans
les 14 mois suivants elle serait réduite à 38 408 € du 14 ème au 17ème mois, puis à 17 612
€ jusqu'au 20ème mois pour disparaître au-delà ; que l'article 14, relatif à la composition
du conseil d'administration, précise que celui-ci sera composé de 5 membres :
Monsieur Cavelius, La Finances, Spef Venture, Rendex Partners et Grand Ouest
Gestion ; que l'extrait K bis de la société délivré le 4 août 2005 atteste de l'effectivité
de cette composition ;

Considérant que l'octroi d'une indemnité de départ au dirigeant évincé ne constitue pas
une rémunération mais s'analyse en une convention soumise à la procédure
d'autorisation des articles L 225-38 et suivants du Code de commerce ; qu'en l'espèce
il a été prévu par le pacte d'actionnaires conclu, notamment, par l'ensemble des
administrateurs de la société, qu'en vain la société Delia lui fait grief de faire obstacle
au principe de révocabilité « ad nutum » posé par l'article L 225-47 alinéa 3 et d'être
contraire à l'intérêt social alors que l'indemnité de 80 000 € accordée à Monsieur
Cavelius ne présente aucun caractère dissuasif dès lors qu'elle correspond à environ
quatre mois de salaires et charges de l'intéressé, que si Monsieur Cavelius n'avait pas
renoncé au bénéfice de son contrat de travail pour obtenir cet avantage la société Delia
aurait dû lui verser une indemnité de licenciement d'un montant comparable, et qu'en
toute hypothèse cette indemnité était provisoire et destinée à disparaître au bout de 20
mois ;

Que l'obligation de la société Delia n'est donc pas sérieusement contestable ;

Considérant que tel n'est pas le cas de la demande de restitution de primes et parts
variables de rémunération indûment perçues selon la société Delia, alors que sont
versées aux débats par Monsieur Cavelius diverses pièces (procès-verbaux de réunions
du conseil d'administration, courriers d'administrateurs) justifiant de l'accord du
conseil d'administration pour qu'il perçoive les sommes contestées ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance


entreprise.

(...) Par ces motifs : La Cour, Confirme l'ordonnance entreprise.

157
41. La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 11, 16 Mars
2006, 1463
Qualification de promesse synallagmatique appliquée à deux promesses
croisées de vente et d'achat d'actions
Commentaire par Alexis Constantin
professeur agrégé à la faculté de droit de Rennes
Centre de droit des affaires, du patrimoine et de la responsabilité

Le cédant et le cessionnaire d'actions s'étaient engagés par deux promesses croisées à acheter
et à vendre le reliquat d'actions pour un prix fixé, au plus tard à une date précisée. Pour rejeter
la demande du cédant en exécution forcée de son engagement par le cessionnaire, la cour
d'appel a retenu que les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de
vente et d'achat devenues caduques à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour
lever l'option.
En statuant ainsi, alors que l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse
unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès
lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les
mêmes termes, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1589 du Code civil.

Cass. com., 22 nov. 2005, pourvoi n° 04-12.183, arrêt n° 1463, P+B, Épx Lavaud c/
Sté Lavaud : Juris-Data n° 2005-030850

LA COUR (...) Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu les articles 1134 et 1589 du Code civil ;

• Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les consorts Lavaud ont cédé, le 22 juillet 1986, aux
consorts Such 1 350 des 1 500 actions qu'ils détenaient dans le capital de la société
Lavaud ; que, sous l'intitulé « engagement au 31 décembre 1987 », l'article 4 du contrat
de cession stipulait deux promesses de vente et d'achat rédigées dans les termes suivants :
« Le groupe Such s'engage d'une façon solidaire et indivisible à acquérir au plus tard le
31 décembre 1987 les 10 % restants, soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs
de manière à porter sa participation à 100 %, les consorts Lavaud s'engagent d'une façon
solidaire et indivisible à vendre au plus tard le 31 décembre 1987, les 10 % restants, soit
150 actions au prix définitif de 140 000 francs » ; que les consorts Lavaud ont fait
assigner le 30 octobre 1997 les consorts Such et la société Lavaud devant le tribunal de
commerce en exécution forcée de cet engagement ;

• Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a retenu que les engagements
constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et d'achat devenues caduques
à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l'option ;

• Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et
d'une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant
vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elle
sont stipulées dans les mêmes termes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : – Casse et annule,
dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2003, entre les parties, par la
cour d'appel d'Aix-en-Provence ; (...) les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier
(...).

M. Tricot, prés., Mme Betch, rapp., M. Main, av. gén. ; SCP Boullez, SCP Boré et Salve
de Bruneton, av.
Note :

158
Observations critiques sur la valeur conférée, par la Cour de cassation, aux
promesses unilatérales croisées.
La conclusion « croisée » de deux promesses unilatérales, l'une d'achat et l'autre de vente,
prévoyant des conditions identiques et ayant le même objet, entraîne-t-elle la formation
d'une promesse synallagmatique de vente valant vente au sens de l'article 1589 du Code
civil ? À cette question, délicate et discutée, l'arrêt rapporté rendu par la chambre
commerciale de la Cour de cassation le 22 novembre 2005 apporte une réponse
incontestablement positive, ce que l'on nous permettra de regretter.
En juillet 1986, les consorts Lavaud ont cédé aux consorts Such 1 350 des 1 500 actions
qu'ils détenaient dans le capital de la société Lavaud. Envisageant le transfert différé du
solde des titres, l'un des articles du contrat de cession stipulait deux promesses de vente
et d'achat aux termes desquelles « le groupe Such s'engage d'une façon solidaire et
indivisible à acquérir au plus tard le 31 décembre 1987 les 10 % restants, soit 150
actions au prix définitif de 140 000 francs de manière à porter sa participation à
100 % ; les consorts Lavaud s'engagent d'une façon solidaire et indivisible à vendre au
plus tard le 31 décembre 1987, les 10 % restants, soit 150 actions au prix définitif de
140 000 francs ». Estimant que les cessionnaires n'avaient pas honoré leur engagement,
les cédants les ont assignés en exécution forcée de la vente. Par un arrêt en date du
19 septembre 2003, la cour d'appel d'Aix a refusé de faire droit à la demande des consorts
Lavaud, au motif que l'acte constituait un échange de promesses unilatérales de vente et
d'achat devenues caduques à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever
l'option. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré cette décision au
motif que « l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse unilatérale de
vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que
les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les
mêmes termes ».
La Haute juridiction fait donc prévaloir l'article 1589 du Code civil, lequel énonce que
« la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux
parties sur la chose et le prix ». Ce faisant, son arrêt vient se placer dans le sillage d'une
jurisprudence incertaine, quoique dans l'ensemble plutôt favorable à cette même solution
(V. en faveur de celle-ci : CA Paris, 20 nov. 1987 : DS 1989, somm. 326, obs. Vasseur. –
CA Paris, 1er juin 1993 : Dr. sociétés 1993, n° 226, obs. H. Le Nabasque. – Cass. com.,
18 juill. 1989 : Bull. Joly 1989, p. 822, note crit. C. Bacrot et P. Berger, qui cependant
qualifient les deux promesses croisées « d'engagement synallagmatique » et non de vente.
– Cass. com., 19 déc. 1989 : Dr. sociétés 1990, n° 62. – Cass. com. 16 janv. 1990 : Bull.
Joly 1990, p. 272, note crit. Y. Streiff ; Dr. sociétés 1990, n° 97, note M. Germain ; JCP
G 1991, II, 21748, note Ch. Hannoun ; RJ com. 1990, p. 167, note F. Cherchouly-Sicard ;
D. 1992, som. 177, obs. J.-C. Bousquet ; RTD civ. 1990, 462, obs. J. Mestre. – Contra :
CA Douai, 15 juin 1992, Dr. Sociétés, nov. 1992, n° 232, obs. H. Le Nabasque ; D. 1992,
p. 231, note J. Moury ; A. Bac, L'échange des promesses unilatérales ne vaut pas vente :
JCP E 1993, pan. p. 240).
L'arrêt rapporté, destiné aux honneurs du Bulletin, est donc important. Il dissipe les
incertitudes de la jurisprudence passée et consacre, sans réserve, l'absence d'autonomie
des promesses réciproques d'achat et de vente ayant le même objet et conclues dans les
mêmes termes. Pour autant, la position de la Cour de cassation ne nous semble devoir
mériter aucune approbation, ni en fait (1), ni en droit (2).
1. En fait : la solution méconnaît l'utilité du mécanisme, dont elle condamne
inexorablement la pratique

159
Aux termes des promesses croisées, chaque promettant s'oblige à conclure le contrat si
l'autre partie, bénéficiaire, en manifeste le souhait. Le promettant vendeur s'oblige à ne
pas vendre les biens promis à une autre personne que le bénéficiaire. Ce dernier s'engage
pour sa part à acquérir ces mêmes biens si le premier le désire. Chacune des deux parties
est donc investie d'un droit d'option qui lui permet de former le contrat. Le mécanisme
associe de la sorte incertitude et sécurité. L'un et l'autre des contractants sont assurés de
pouvoir réaliser la vente si telle est finalement leur intention définitive, avec l'avantage
de n'être pas subordonné au bon vouloir de leur cocontractant. Mais il n'est pas certain,
au jour de l'échange des promesses, que la vente définitive se réalisera. Il est parfaitement
possible, en effet, qu'aucune des deux parties ne lève jamais l'option dont elle est
bénéficiaire.

La pratique des promesses croisées présente une utilité indéniable, dans des domaines
économiques très divers. On les rencontre par exemple en matière de ventes de
marchandises, de transferts de technologie, de transactions immobilières, etc. Elles
complètent alors souvent une vente principale, en créant la possibilité de la vente
ultérieure d'un bien accessoire ou complémentaire (par exemple des terrains attenant à
une propriété principale).

Mais c'est sans doute dans le domaine des transferts de droits sociaux qu'elles sont
employées le plus fréquemment. C'est ce dont témoigne d'ailleurs l'arrêt rapporté, qui
illustre bien l'usage qui peut en être fait dans le cadre des cessions de contrôle
échelonnées. Pour diverses raisons, par exemple, il est possible que l'acquéreur de la
majorité des titres n'ait pas voulu ou pu acheter la totalité des titres offerts, et que cette
acquisition ultérieure soit rendue possible par l'initiative de l'une ou l'autre des parties,
sans qu'elle soit certaine.
De manière voisine le mécanisme est également employé, assez souvent, pour aménager
des situations de rupture, de séparation ou d'exclusion, dans le cadre de pactes conclus
entre les partenaires de joint ventures (V. Pironon, Les joint ventures : Dalloz, 2004,
n° 200 , p. 101.) et de filiales communes, ou entre les participants à des opérations de
capital-investissement (V. not. Les remarquables développements de H. Le Nabasque,
L'exécution forcée des pactes d'actionnaires, avec le concours de G. Terrier : Droit des
sociétés, Actes pratiques, n° 14, 1994, spéc. n° 35 et s., p. 18 et s.). Les promesses
croisées permettent notamment, dans ces circonstances, d'attribuer des droits distincts –
mais d'une certaine manière équilibrés – aux associés. Ainsi le bénéficiaire de la
promesse de vente des droits sociaux peut-il, si le besoin s'en fait sentir, lever l'option
(dans le délai de celle-ci) afin d'exclure le promettant de la société. Mais ce dernier est
également bénéficiaire d'une promesse d'achat, qui lui permet quand bon lui semble
(mais toujours à l'intérieur du délai d'option), de sortir de la société, en forçant son
cocontractant à lui racheter ses titres.
Enfin ce mécanisme des promesses réciproques est l'un des plus utilisés afin d'assurer le
dénouement des opérations de portage. Leur conclusion entre le donneur d'ordre et le
porteur permet que ce dernier soit le seul propriétaire des titres jusqu'à la levée de
l'option par l'une des parties, ce qui est conforme à la finalité du portage. Mais elle
procure surtout à l'opération une sécurité optimale. Chacun des deux contractants étant
bénéficiaire d'une promesse, il est certain de pouvoir dénouer l'opération par sa volonté
unilatérale en exerçant le droit d'option dont il dispose, sans dépendre de son
cocontractant. Le donneur d'ordre est de la sorte assuré de s'approprier les titres et le
porteur de s'en séparer (V. en ce sens, F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de
valeurs mobilières : LGDJ, 1997, n° 122, p. 65 ; P. Soumrani, Le portage d'actions :
LGDJ, 1996, n° 784, p. 510. En jurisprudence : Cass. com., 24 mai 1994 : Bull. Joly

160
1994, § 214, note P. Le Cannu ; Dr. sociétés 1994, comm. 141, note H. Le Nabasque ;
D. 1994, p. 503, note A. Couret ; Rev. sociétés, 1994, p. 708, note Y. Reinhard ; cet arrêt
semblait même subordonner la validité des conventions de portage à l'existence de telles
promesses croisées).

Encore ne sont-ce là que quelques exemples, parmi les plus classiques, d'utilisation des
promesses croisées, lesquelles, participant de la technique contractuelle, voire de
l'ingénierie juridique et financière, peuvent encore rendre bien d'autres services.

Quel que soit l'usage que l'on souhaite faire des promesses réciproques de vente et
d'achat, la position de la Cour de cassation consistant à les assimiler à une promesse
synallagmatique valant vente, en condamne inexorablement la pratique. L'association
subtile entre sécurité et incertitude, qu'offrait la réciprocité des promesses, est balayée en
faveur d'une translation immédiate et grossière, qui ne correspond évidemment plus à
l'objectif global des parties.
Pour rester dans le seul domaine du droit des sociétés, la position de la Cour de cassation
conduit, dans le cadre de certaines clauses de rupture stipulées au sein de pactes
d'actionnaires, à supprimer purement et simplement le caractère incertain que les associés
contractants eux-mêmes ont voulu donner à la formation de la vente et à la sortie
corrélative de la société par l'un d'entre eux. De même cette solution aboutit-elle, en
matière de portage, à détruire la « dissociation des phases » (P. Soumrani, préc., n° 788)
telle qu'elle se trouve recherchée par les contractants, et à attribuer immédiatement au
donneur d'ordre une propriété des titres qu'il était au contraire dans la nature du portage
d'attribuer au porteur pendant un temps déterminé (V. not. CA Paris, 20 nov. 1987, préc.
– Cass. com., 19 déc. 1989 : Dr. sociétés 1990, n° 62, et dans la même affaire Cass. com.,
7 déc. 1993 : RJDA 1994, p. 322, n° 417 ; Bull. Joly 1994, p. 180, § 43, note
T. Lambert ; Dr. sociétés 1994, n° 117, obs. H. Le Nabasque ; Rev. sociétés 1994, p. 72,
note Y. Chartier). Comme l'exprime justement F.X. Lucas, « si l'échange des promesses
d'achat et de vente vaut vente, il en résulte que le porteur n'acquiert jamais la propriété
des titres puisque le même acte qui les lui transfère stipule lesdites promesses dont il
résulte un retour immédiat des titres dans le patrimoine du donneur d'ordre ou du
bénéficiaire. L'entrée et la sortie du portage produisent leurs effets simultanément pour
finalement se neutraliser et ne produire aucun effet » (F.-X. Lucas, préc., n° 123).
Certes, notre collègue évoque quelques solutions permettant d'éviter cet effet désastreux.
Néanmoins, il est indéniable que les moyens proposés complexifient encore davantage un
montage qui n'a pas besoin de cela, et ne procurent pas nécessairement une grande
sécurité juridique.

Au regard de l'intérêt indéniable que présentent, en pratique, les promesses croisées, on


ne peut que regretter la position de la Cour de cassation. Sans doute l'amertume serait-
elle moins grande si la solution était fondée en droit. Cela ne nous semble
malheureusement pas être le cas.
2. En droit : la solution néglige le rôle de la volonté des parties, ainsi que la nature et
le régime des promesses unilatérales

Pour la Cour de cassation, deux promesses unilatérales croisées constituent de plein droit
une promesse synallagmatique de vente valant vente, à moins – et telle est la seule
exception possible – que les deux promesses réciproques n'aient pas le même objet ou
bien qu'elles soient conclues à des conditions différentes.
Il est incontestable que dans cette dernière hypothèse, et « sauf habileté excessive », il n'y
a aucune raison de nier l'indépendance des deux promesses (V. en ce sens, Cass. 3e civ.,

161
26 juin 2002 : Defrénois 2002, art. 37607, p. 1261, note E. Savaux ; RTD civ. 2003,
p. 77, obs. J. Mestre et B. Fages). Comme le fait observer le Professeur Le Nabasque,
« chaque engagement ayant sa cause, son terme, ses conditions ou son objet particuliers,
doit demeurer soumis au régime qui eût dû, logiquement, être le sien s'il avait été souscrit
indépendamment de l'engagement corrélatif. Seule la fraude, le déguisement,
l'insignifiance des conditions prétendument particulières pourraient remettre en cause
l'autonomie de chaque promesse » (H. Le Nabasque, L'exécution forcée des pactes
d'actionnaires : Dr. sociétés, Actes pratiques, préc., spéc. n° 38-2, p. 19).
Il est en revanche beaucoup plus discutable de nier, comme le font les Hauts magistrats,
la possibilité d'une autonomie des promesses réciproques d'achat et de vente ayant le
même objet et conclus dans les mêmes termes. L'affirmation revient à conférer à
l'article 1589 du Code civil une puissance qu'il n'a pas, à en surestimer la portée, au
détriment de la liberté contractuelle. Que l'on sache, l'article 1589 du Code civil n'est pas
d'ordre public, et l'on reconnaît aux parties le pouvoir, alors pourtant qu'elles sont
d'accord sur la chose et sur le prix, de subordonner la formation même de la vente à un
élément complémentaire (V. A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils et
commerciaux : Montchrestien, 6e éd., 2004, n° 102 ; J. Huet, Traité de droit civil sous
la direction de J. Ghestin, Les principaux contrats spéciaux, 2e éd. 2001, n° 11176,
p. 134 et 135. – Rappr. J. Mestre : RTD civ. 1990, p. 463, qui note à propos des
promesses croisées que « si les parties ont vraiment voulu différer le moment de
l'engagement définitif, la qualification de promesse synallagmatique doit être écartée »).

Tout devrait donc, sur ce point, être une question de volonté des parties. Il faut interpréter
les actes que celles-ci ont passés en fonction du but, de l'objectif, qu'elles se sont fixé, et
de l'opération globale qu'elles ont voulu réaliser.
Encore faut-il procéder à cette recherche des intentions ou, s'agissant de la Cour de
cassation, accepter l'hypothèse même qu'une telle recherche soit pertinente de la part des
juges du fond. Or, tel n'est absolument pas le signal que l'arrêt rapporté envoie à ces
derniers. La cassation n'y repose pas, en effet, sur un manque de base légale, mais bien
sur une violation de la loi. Il n'est pas fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas
suffisamment recherché si l'intention des parties n'était pas de conclure une vente. Il lui
est reproché purement et simplement, au visa de l'article 1589 du Code civil (ainsi qu'à
celui de l'article 1134, ce qui est pour le moins audacieux !) de ne pas avoir déduit de
l'existence de deux promesses croisées de vente et d'achat ayant le même objet et les
mêmes conditions, la conclusion d'une promesse synallagmatique de vente valant vente.
Il est pourtant regrettable que les Hauts magistrats n'aient pas accordé à la volonté des
contractants la place qu'elle mérite. Car ils auraient alors pu constater que, sous l'angle de
l'échange des consentements – qui est la condition sine qua non de l'existence d'une
vente, et de son avatar pré-contractuel – deux promesses croisées ne constituent pas
nécessairement une promesse synallagmatique. Ce faisant, leur décision aurait été
également plus conforme aux principes les mieux admis relativement à la nature et au
régime des promesses unilatérales.
En effet, la formation d'un contrat de vente n'exige pas seulement que l'on soit convenu
de la chose et du prix ; il faut également qu'une offre rencontre une acceptation réelle, et
qu'il y ait une concordance exacte entre l'une et l'autre. Or, la promesse unilatérale de
vente constitue un véritable contrat dont l'objet est de fixer une offre de vente pendant un
délai convenu (V. J. Ghestin et B. Desché, Traité des contrats, La vente : LGDJ, 1990,
n° 145, p. 156). L'inverse est également vrai pour la promesse d'achat, qui fixe une offre
d'acquisition. Telle est d'ailleurs l'analyse à laquelle se range la jurisprudence, qui décide
qu'avant la levée de l'option le promettant n'est tenu que d'une obligation de faire

162
(maintenir son offre), et le bénéficiaire de la promesse ne dispose que d'un droit
personnel de créance et non d'un droit direct et réel sur la chose (V. Cass.3e civ., 15 déc.
1993 : Bull. civ. 1993, III, n° 174. – Cass. 3e civ., 5 avr. 1995 : Bull. civ. 1995, III,
n° 101. – Cass. 3e civ., 26 juin 1996 : Bull. civ. 1996, III, n° 165. – Une autre question
est de savoir si le promettant peut se rétracter unilatéralement, ou comment il faut le
sanctionner en cette hypothèse, et si la jurisprudence est satisfaisante sur ce point. V. à
cet égard l'avant projet de réforme du régime général des obligations, dirigé par M. P.
Catala, qui prévoit dans un nouvel article 1154 du Code civil que « l'obligation de faire
s'exécute si possible en nature » : V. Revue des contrats, 2006-1, n° spéc. p. 223).
La seule interrogation qui vaille est dès lors la suivante : l'offre d'achat fixée dans la
promesse d'achat peut-elle valoir acceptation de l'offre de vente fixée dans la promesse de
vente (et vice-versa) ? La réponse est évidemment négative (V. égal. en ce sens, P.
Soumrani, préc., n° 794 et s.) et non seulement parce que l'on ne voit pas par quelle
étrange alchimie une offre pourrait se transformer en acceptation, mais également et
surtout en raison du droit d'option que les parties s'accordent mutuellement. L'existence
d'options réciproques – loin d'entraîner leur destruction respective, contrairement à ce
que soutiennent certains auteurs (par ex. H. Le Nabasque, L'exécution forcée des pactes
d'actionnaires, Actes pratiques, préc., spéc. n° 38-3, p. 20) – traduit au contraire la
volonté des parties de s'accorder un délai pour accepter l'offre qui leur est faite, ce qui
démontre suffisamment que l'offre fixée dans la promesse de l'un (de vendre ou
d'acheter) ne peut constituer l'acceptation de l'offre fixée dans la promesse de l'autre
(d'acheter ou de vendre).
Tout réside donc dans ce mécanisme d'option, qui est au coeur du jeu des promesses
unilatérales croisées (rappr. A. Bénabent, préc., n° 100). Cette conception des choses a le
mérite, par surcroît, d'être beaucoup plus proche de l'intention réelle des parties, pour
lesquelles l'option est précisément en principe un élément essentiel de leur engagement
dans l'opération.
La conclusion de deux promesses réciproques devrait dès lors, selon nous, cesser de
constituer cette présomption irréfragable de conclusion d'une vente, à laquelle aboutit la
Cour de cassation, pour, tout au contraire, constituer la présomption inverse que les
parties n'ont pas entendu conclure une vente immédiate et parfaite. Présomption simple
susceptible naturellement de céder devant la démonstration d'une fraude, d'un abus de
droit, d'une dissimulation ou d'un déguisement d'une vente parfaite (ce qui était parfois le
cas dans le passé, où le recours aux promesses croisées pouvait s'expliquer pour des
raisons fiscales, à savoir le contournement de l'article 726-1 CGI. – V. P. Le Cannu, Les
actes portant cession d'actions au sens de l'article 726 CGI : Bull. Joly 1989, p. 663. –
Cass. com., 17 oct. 1995 : Dr. sociétés 1996, n° 21, obs. D. Vidal), ou devant la preuve
que les contractants ont en réalité voulu, en dépit des termes de l'instrumentum, conclure
une vente définitive, ou même, selon les cas, une vente à terme ou sous condition.
En attendant que la Cour de cassation revienne éventuellement à de meilleures
dispositions, l'on ne saurait trop conseiller aux praticiens qui persévéreraient à utiliser ce
mécanisme, de respecter le judicieux conseil proposé par d'éminents auteurs : indiquer
expressément dans chaque promesse que celle-ci n'entraînera la vente parfaite qu'à partir
de la levée de l'une ou l'autre des options dans le délai et selon les formes convenues et
qu'à défaut, l'accord deviendra caduc (B. Mercadal et Ph. Janin, A. Couret et
A. Charveriat, Mémento Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, 2006, n° 2871. –
Egalement BRDA 24/05, p. 6).

163
L'on n'ose croire que devant une manifestation de volonté aussi claire de la part des
contractants – ce qui n'était certes pas vraiment le cas dans l'espèce rapportée – la Cour
de cassation persisterait dans sa position.

Alexis Constantin

164
42. Cass. com. 23 mai 2006 n° 670 F-D, Dreano c/ Partucci

associé - vice du consentement - dol - réparation du préjudice - étendue

Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris 19 novembre 2004, 3 e ch. B), que par acte du
16 janvier 1998, M. Dreano a constitué, avec MM. Partucci et Ausserey, la société
DCP Process (la société) ; que M. Dreano a versé, outre la somme de 20 000 F à titre
d'apport initial, d'autres sommes en exécution d'un pacte d'associés signé le 30
décembre 1997, par lequel il s'est engagé à financer la société par des versements en
compte courant pour un montant maximal de 200 000 F ; que la société a été mise en
liquidation judiciaire le 26 juillet 1999 ; que par acte du 8 décembre 2000, M. Dreano
a assigné M. Partucci en invoquant à son encontre des manoeuvres frauduleuses
l'ayant déterminé à s'associer à la constitution de la société et a sollicité sa
condamnation à lui payer des dommages-intérêts ;

Attendu que pour limiter la réparation du préjudice de M. Dreano, l'arrêt retient que la
réticence dolosive de M. Partucci, qui avait dissimulé à M. Dreano son intention de
démarcher la clientèle de la société qui l'avait précédemment employé, a vicié le
consentement de ce dernier et que seul le préjudice correspondant au montant de
l'apport versé lors de la création de la société était la conséquence directe du dol
commis, à l'exclusion de celui correspondant aux sommes remises, après la
constitution de la société, en vue de son fonctionnement, qui est lié à la liquidation
judiciaire et n'est pas la conséquence directe du dol allégué ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'une réticence
dolosive lors de la constitution de la société tout en constatant que M. Dreano s'était
engagé au même moment dans un pacte d'associés à financer la société par des
versements en compte courant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations et a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse partiellement et renvoie devant CA Paris.

165
43. Cass. ch. mixte 26 mai 2006 n° 240 PBRI, Pere c/ Solari

pacte de préférence - violation - sanctions

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Papeete 13 février 2003, ch. civ.), qu'un acte de
donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence a
attribué à Mme Adèle Amaru un bien immobilier situé à Haapiti ; qu'une parcelle
dépendant de ce bien a été transmise, par donation-partage du 7 août 1985, rappelant
le pacte de préférence, à M. Ruini Amaru, qui l'a ensuite vendue le 3 décembre 1985 à
la SCI Emeraude, par acte de M. Solari, notaire ; qu'invoquant une violation du pacte
de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en
tant qu'attributaire, Mme Pere a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de
l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts ; Attendu que les
consorts Pere font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à obtenir une
substitution dans les droits de la société Emeraude alors, selon le moyen :

1°) que l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution


en nature est impossible, pour des raisons tenant à l'impossibilité de contraindre le
débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement ; qu'en dehors d'une telle
impossibilité, la réparation doit s'entendre au premier chef comme une réparation en
nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les
parties au litige, la cour d'appel a fait de l'article 1142 du code civil, qu'elle a ainsi
violé, une fausse application ;

2°) qu'un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d'un immeuble à en
proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analyse en l'octroi d'un droit de
préemption, et donc en obligation de donner, dont la violation doit entraîner
l'inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution
du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette
substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se
heurte à aucune impossibilité ; qu'en la refusant, la cour d'appel a violé les articles
1134, 1138 et 1147 du code civil ;

3°) qu'en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables
aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu'en subordonnant
le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition
inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait
l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel a violé les
articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 ;

Mais attendu que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger
l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir
sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance,
lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société
Emeraude savait que Mme Pere avait l'intention de se prévaloir de son droit de
préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de
la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

166
44. CA Paris 15 décembre 2006 n° 06-18133, 3e ch. B, SA Compagnie
méridionale de participation (CMP) c/ SAS Compagnie générale
de tourisme et d'hôtellerie (CGTH)

pacte d'actionnaires - durée du pacte - durée non fixée dans le


pacte - conséquence - possibilité de résilier le pacte unilatéralement (Extraits)

La Cour : (...) Sur quoi,

Considérant qu'il suffit de retenir, pour l'exposé et la compréhension du présent litige,


que la desserte maritime de la Corse a fait l'objet, à compter de l'année 1956, d'une
coopération entre la Société Nationale Maritime Corse-Méditerranée (SNCM), et la
Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) ; qu'en 1992 la SNCM est entrée dans
le capital social de la CMN, détenant la majorité des droits financiers alors que les
actionnaires privés en gardaient toutefois le contrôle effectif ; qu'à cette fin un
partenariat à étages a été créé avec la constitution de deux sociétés holdings, d'une
part, la Compagnie Méridionale Financière qui sera absorbée par la CMN, ce qui
entraînera une participation directe de la SNCM dans la CMN à hauteur de 45 %,
d'autre part, la Compagnie Méridionale de Participation (CMP) qui sera détenue à
hauteur de 45 % par la SNCM via sa filiale la Compagnie Générale de Tourisme et
d'Hôtellerie (CGTH) et à hauteur de 55 % par la STM, anciennement Compagnie de
Navigation d'Orbigny (CNO) ; que la SNCM et la CMN ont, le 5 mars 1992, signé un
nouvel accord de coopération ; que la SNCM et la CNO ont, le 7 juillet 1992, signé un
pacte d'actionnaires, lequel comprend quatre parties ; que l'article 1 er de la IIIe partie
intitulée « Engagement réciproque » est ainsi libellé :

« Les prises de participation de CNO et SNCM dans les sociétés Cie Méridionale de
Participation et Cie Méridionale Financière ont été conçues dans un esprit de
coopération qui s'est traduit notamment par un accord de coopération en date du 5
mars 1992 entre la Compagnie Méridionale de Navigation et la SNCM. Dans le cas où
l'une ou l'autre des parties aux présentes serait à l'origine d'une prise de décision ayant
pour conséquence un manquement important audit accord de coopération ou un
changement substantiel de la politique de la Cie Méridionale de Navigation, entraînant
un profond désaccord entre la SNCM et la CNO, la partie à l'origine de cette décision
s'engage à première demande de l'autre, et au choix de l'autre : soit à lui vendre tout ou
partie des titres qu'elle détiendra dans les Sociétés Compagnie Méridionale de
Participation et Compagnie Méridionale Financière, soit à lui acheter tout ou partie des
siens. Ces cessions ou acquisitions seront réalisées à un prix égal à la quote-part d'actif
net réévalué de chacune des sociétés sans application d'une quelconque décote de
holding ni de prime de majorité. En cas de désaccord sur le prix celui-ci sera fixé par
expertise conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du Code Civil » ;

que le pacte a fait l'objet d'un avenant en date du 27 juillet 1992 par suite de la
substitution de la CGTH à la SNCM ; que l'accord de coopération du 5 mars 1992 est
venu à expiration le 31 décembre 2001 et n'a pas été renouvelé ; que la STIM a
dénoncé le pacte d'actionnaires par lettre adressée le 15 mars 2006 à la SNCM dont la
privatisation deviendra effective le 31 mai 2006 ; que, par lettre à en-tête commun du
21 juillet 2006, la SNCM et la CGTH ont notifié à la STIM qu'elles exerçaient l'option

167
prévue à l'article 2 de la IIIe partie du pacte d'actionnaires, entendant ainsi acquérir «
105 000 actions détenues dans la CMP par votre société ou toute entité ou personne de
votre groupe » ;

Considérant que la CMP et la STM se sont opposées à la levée d'option et que c'est
dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré dont le dispositif a été
précédemment rappelé, la SNCM et la CGTH ayant été autorisées à assigner à bref
délai ; (...) Considérant que la CMP et la STIM soutiennent ensuite que le pacte
d'actionnaires du 7 juillet 1992 est un contrat à durée indéterminée et qu'il a été
valablement dénoncé le 15 mars 2006 ;

Considérant que force est de constater qu'aucune disposition du pacte litigieux n'est
relative à son terme ; que l'article 3 des dispositions générales énonce seulement : «
Les dispositions du présent pacte s'appliqueront aussi longtemps que la CNO et la
SNCM ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires de la Compagnie
Méridionale de Participation ou de La Compagnie Méridionale Financière » ;

Considérant que la SNCM et la CGTH soutiennent pour leur part que le pacte a été
conclu pour une durée déterminée, laquelle correspond à son objet, à savoir organiser
les relations entre les parties signataires ; qu'elles font valoir que les premiers juges ont
justement relevé que la durée du contrat était « soumise à une limite de fait : la qualité
réciproque d'actionnaires », que la qualité d'actionnaire n'est pas perpétuelle puisque
chacune des parties peut à tout moment céder ses actions, que la perte de la qualité
d'actionnaire, même si est inconnue la date à laquelle cet événement arrivera, est
certaine puisque « cette perte de qualité interviendra nécessairement au plus tard à la
fin de la société, dont la durée est au maximum de 99 ans », qu'un terme incertain
quant à la date de réalisation reste un terme et non une condition ;

Mais considérant que la perte, par l'un ou l'autre des cocontractants, de sa qualité
d'actionnaire ne présente aucun caractère de certitude, quand bien même l'un ou l'autre
peut-il à tout moment céder ses actions ; que la clause précitée ne fixe en tout cas
aucun terme, même incertain quant à sa date de réalisation ; que les intimées sont bien
conscientes de la difficulté puisqu'elle invoquent « la fin de la société, dont la durée
est au maximum de 99 ans », sans préciser véritablement s'il s'agit de la fin de la CMN
dans laquelle elles sont actionnaires ou de la leur ; Considérant en toute hypothèse
que, pour un contrat de société, l'arrivée du terme convenu n'est pas inéluctable ou
encore une fatalité puisque les associés ont la possibilité, avant la date fatidique, d'en
décider la prorogation ;

Considérant que le pacte litigieux a ainsi été conclu pour une durée indéterminée ;
qu'il s'ensuit qu'il pouvait être résilié unilatéralement ; que la dénonciation a été
valablement faite par la STIM le 15 mars 2006, étant observé que la SNCM et la
CGTH ne formulent aucune prétention relative à l'absence de préavis dont la question,
à supposer qu'un préavis ait un sens en l'espèce, n'a été soulevée que par le seul
ministère public ;

Considérant qu'il s'ensuit encore que le pacte du 7 juillet 1992 n'était plus en vigueur
le 21 juillet 2006, jour de la levée d'option par la SNCM et la CGTH, lesquelles seront
déboutées de toutes leurs demandes, le jugement déféré étant infirmé ;

168
Par ces motifs : Infirme le jugement déféré.

45. Cass. 3e civ. 31 janvier 2007 n° 05-21.071 (n° 81 FS-PB), Sté Aux
Jardins de France c/ Sté Capesterre

pacte de préférence - violation - sanction - nullité du contrat passé avec un tiers et


substitution du bénéficiaire du pacte au tiers si ce dernier a eu connaissance du pacte et
de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Colmar 23 août 2005, 2 e ch. civ. sect. B), que par
acte notarié du 1er septembre 1999, Mme Coornaert, aux droits de laquelle se trouvent
les consorts Coornaert, a vendu un immeuble à la société Capesterre ; que la société
Aux Jardins de France, preneur à bail de divers locaux commerciaux, les a assignés en
nullité de la vente pour violation du pacte de préférence stipulé dans le contrat de bail
et a demandé le transfert de propriété à son profit ;

Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :

Attendu que la société Aux Jardins de France fait grief à l'arrêt de rejeter ses
demandes en annulation de la vente et en substitution d'acquéreur et de ne lui allouer
que des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°) que le droit de préférence prévu au profit du preneur par une clause du contrat de
bail subsiste tant que celui-ci est légitimement maintenu dans les lieux à défaut de
paiement de l'indemnité d'éviction ; qu'ayant constaté que la société Capesterre, tiers
acquéreur, avait eu connaissance du pacte de préférence et que, depuis une décision de
la cour de cassation du 16 juin 1999, le droit de préférence conserve sa pleine
efficacité tant que le preneur est maintenu dans les lieux, la cour d'appel ne pouvait
exclure la collusion frauduleuse de l'acquéreur avec le vendeur du seul fait de la
mention dans l'acte de vente notarié du congé délivré ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas
tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L
145-28 du Code de commerce et 1134 du Code civil ;

2°) que la cour d'appel ne pouvait affirmer que la preuve de la collusion frauduleuse
entre la société Capesterre et Mme Coornaert n'était pas rapportée, sans rechercher,
comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de Jardins de France, si les
circonstances précisément énumérées (congé donné le 21 janvier 1999 sans précision
de l'intention de vendre, liens unissant le vendeur au tiers acquéreur, déclaration
d'intention d'aliéner adressée dès le 26 mai 1999, vraisemblance qu'un acte sous seing
privé avait précédé l'acte de vente du 1er septembre 1999 mentionnant que le bail avait
d'ores et déjà été remis au tiers acquéreur) ne caractérisaient pas « un faisceau de
présomptions graves, précises et concordantes » démontrant d'une part que le congé
avait été donné dans le seul but d'anéantir le pacte de préférence, et d'autre part que
l'effet ainsi désiré ne s'étant pas produit, les parties à la vente étaient passées outre, en
fraude des droits de la SA Aux Jardins de France, qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa
décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du Nouveau
Code de procédure civile ;

169
3°) que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être
révoquées que par leur consentement mutuel ; que le bailleur qui s'engage, aux termes
d'un pacte de préférence, à ne vendre qu'au preneur, ne peut revenir sur cet
engagement irrévocable dont l'exécution, dans l'hypothèse où il décide de vendre son
bien, dépend de la seule volonté du bénéficiaire ; qu'en refusant à celui-ci la possibilité
de se substituer au tiers acquéreur avec lequel le vendeur a finalement contracté, la
cour d'appel a violé les articles 1134, alinéas 1 et 2 du Code civil ;

4°) que l'exécution de l'engagement irrévocable du bailleur de ne vendre son bien


qu'au preneur ne peut être paralysée par la négligence du bailleur à transmettre son
offre de prix au titulaire du droit de préférence ; qu'en déniant au bénéficiaire le droit
de se voir substituer au tiers acquéreur au motif que l'expression de sa volonté
d'acquérir avait été faite à une époque à laquelle le vendeur n'avait formulé aucune
proposition de vente ni offre de prix, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs
inopérants en violation de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger
l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir
sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance,
lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant souverainement retenu qu'il n'existait aucune
preuve de ce que la société Capesterre aurait eu connaissance de l'intention de la
société Aux Jardins de France de faire usage de son droit de préférence, la cour
d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait
d'écarter, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à une
éventuelle levée de l'option par le bénéficiaire du pacte, que la violation du droit de
préférence ne pouvait être sanctionnée que par l'allocation de dommages-intérêts ;

(...) Par ces motifs : Rejette le pourvoi.

170
46. Cass. com. 20 février 2007 n° 05-18.882 (n° 324 F-PB), Waintraub
c/ Sté Balmain

pacte d'actionnaires - violation - oui - actionnaires majoritaires ayant souscrit à l'égard du minoritaire un engagement de
soutien financier de la société s'analysant en une obligation de résultat et n'ayant pas exécuté cet engagement

Vu l'article 1134 du Code civil : Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris 15 juin 2005,
16e ch. A), que la société Kuc (la société), dont M. Hivelin, la société Balmain, la
société Financière de développement industriel (Fidei), et la société Financière
tuileries holdings (FHT) étaient actionnaires, a, en novembre 1998, pris en location-
gérance le fonds de commerce de fabrication d'articles de maroquinerie « Créations
DP » dont M. Waintraub était propriétaire ; que, par plusieurs actes signés à la même
époque, ce dernier s'est engagé à vendre son fonds de commerce à la société, au plus
tôt le 1er janvier 2004 et à acquérir 20 % du capital de celle-ci ; que, parallèlement, aux
termes d'un pacte d'actionnaires du 30 novembre 1998, les quatre actionnaires
majoritaires de la société se sont engagés à céder les 20 % du capital objet de la
promesse d'achat et « à faire en sorte que les besoins de trésorerie de la société soient
assurés au mieux » pendant une durée d'une année ; que, le 27 novembre 1998, M.
Waintraub a été nommé administrateur de la société et président de son conseil
d'administration ; qu'il a démissionné de ses mandats, le 11 octobre 1999, estimant
qu'il ne disposait pas des moyens permettant de couvrir les besoins de trésorerie de la
société ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 19 novembre 1999, et
en liquidation judiciaire le 7 mars 2000 ; que M. Waintraub a alors saisi le tribunal en
réparation de son préjudice ; qu'en cours d'instance, il s'est désisté de son action à
l'encontre de la société Fidei ; que le tribunal a condamné M. Hivelin, la société
Balmain, la société FHT à payer chacun une certaine somme à M. Waintraub ; que la
société Balmain et M. Hivelin ont fait appel de cette décision ; que pendant le cours de
l'instance d'appel, la société Balmain ayant été mise en redressement judiciaire, M.
Chavaux a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire, et la société MJA
désignée en qualité de représentant des créanciers ;

Attendu que pour infirmer le jugement et rejeter les demandes de M. Waintraub, l'arrêt
retient qu'en contractant l'obligation d'assurer « au mieux » les besoins de trésorerie de
la société, les actionnaires ont pris l'engagement de se donner les moyens les plus
opérants pour que les besoins en trésorerie de la société soient couverts, l'utilisation de
l'expression « au mieux » exprimant la volonté d'une limitation de cet engagement à ce
qui est possible ou raisonnable ; qu'il en déduit que cet engagement s'analyse en une
obligation de moyens et que, par conséquent, M. Waintraub ne peut utilement soutenir
que la constatation de l'état de cessation des paiements de la société au mois de
novembre 1999 établirait la défaillance des actionnaires dans l'exécution de leur
engagement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse contenait l'engagement des
actionnaires majoritaires de la société de faire en sorte que les besoins de trésorerie de
celle-ci soient couverts au mieux pendant une durée d'une année, ce dont il se déduit
que ceux-ci s'obligeaient à l'obtention de ce résultat, la cour d'appel a méconnu la loi
des parties ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et renvoie
devant CA Paris.

171
47. CA Paris 27 mars 2007 n° 05-19892, 3e ch. A, Alquier c/ Gervais

pacte d'actionnaires - violation - sanction - actionnaire se plaignant que les réunions


d'informations prévues par le pacte n'avaient pas eu lieu

M. Michel Alquier est appelant d'un jugement du 12 octobre 2004 du tribunal de


cornmerce de Paris qui l'a débouté de sa demande en résiliation du pacte d'actionnaires
signé le 4 février 2000 et l'a condamné à payer, sur le fondement de l'article 700 du
Nouveau Code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à chacun de M. Bernard
Gervais et de la société financière Alquier, celle de 2 000 euros à la société Ardens
finance et celle de 1 500 euros à chacune des sociétés Grand Sud-Ouest capital,
Delambre invest, Socadif, Alliance entreprendre et Ouest entreprise. Il précise que la
société Financière Alquier a été acquise le 26 janvier 2000 pour acheter la société
Alquier colles et gélatines appartenant à sa famille depuis 1958, cette seconde
acquisition étant intervenue le 4 février 2000, et qu'il a lui-même investi dans la
société financière en achetant 1 500 actions et en souscrivant 8 800 obligations mais
qu'il a soumis sa participation à un tel investissement à certaines conditions inscrites
dans le pacte d'actionnaires signé le 4 février 2000, notamment l'instauration par le
président d'une réunion semestrielle du groupe investisseur et un "reporting"
trimestriel permettant à chaque actionnaire de suivre l'activité et les performances de
la filiale. Il reproche au président, M. Gervais, de n'avoir pas respecté ses engagements
et de l'avoir systématiquement tenu à l'écart. Il soutient que les différents actionnaires
ont reconnu l'inobservation des obligations mises à leur charge dans le pacte
d'actionnaires dont le respect constituait pour lui, qui était l'ancien dirigeant, la
condition essentielle de son investissement. Il estime que les informations, qui ont pu
lui être données et sont les informations obligatoires des associés, ne sauraient
équivaloir aux réunions programmées qui n'ont pas été tenues. Il demande, en
conséquence de la résolution du pacte d'actionnaires, le remboursement des sommes
qu'il a investies, soit la somme de 169 625,88 euros qu'il estime être en relation
directe. Il invoque encore un préjudice moral important équivalent au montant de son
investissement qui a été perdu en raison de l'incurie des nouveaux dirigeants et de leur
gestion restée obscure. A titre subsidiaire, il invoque le dol et la nullité consécutive du
pacte d'actionnaires, le rôle actif qu'il devait jouer au sein de la société n'ayant pu être
tenu. Il conteste sa condamnation au paiement de sommes au titre de l'article 700 du
Nouveau Code de procédure civile dès lors qu'il a été reconnu que les obligations du
pacte d'actionnaires n'avaient pas été respectées. Il sollicite 3 000 euros en
remboursement de ses frais de procédure. M. Bernard Gervais, qui a été président du
conseil d'administration de la société Ardens finance et président du directoire de la
société Financière Alquier, la société financière Alquier et la société Ardens finance,
qui possède 12,98 % du capital de la société financière Alquier, reprochent à
1'appelant de n'avoir pas lui-même respecté le pacte d'actionnaires en s'opposant à la
nomination d'un directeur. Ils soutiennent qu'ils ont eux-mêmes répondu à toutes les
demandes d'informations présentées par M. Michel Alquier qui a obtenu toutes les
informations prévues, que le pacte d'actionnaires avait surtout pour but de régler les
difficultés nées de changements d'actionnaires, que l'absence de tenue des réunions
prévues dans le pacte ne constituait pas une obligation essentielle et que l'inexécution
de cette partie des obligations ne peut entraîner la résolution du pacte. Ils estiment que
la résolution du pacte d'actionnaires ne saurait entraîner le remboursement des

172
sommes apportées par M. Alquier qui a obtenu en contrepartie les actions et
obligations, que l'appelant ne justifie d'aucun préjudice moral pas plus que d'un dol. Ils
sollicitent 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que
leur a causé le comportement fautif et abusif de l'appelant et 5 000 euros au titre de la
procédure d'appel abusive et dilatoire. Ils demandent 5 000 euros au titre de leurs frais
irrépétibles d'appel. Les sociétés Socadif, Ouest entreprise, Delambre invest, Grand
Sud-Ouest capital et Alliance entreprendre, actionnaires minoritaires et investisseurs
financiers de la société financière Alquier, soutiennent que le pacte d'actionnaires
mettait à la charge de M. Gervais les obligations d'information des actionnaires et
qu'elles n'ont elles-mêmes enfreint aucune de ces obligations. Elles estiment infondée
la demande de résiliation du pacte et allèguent que M. Alquier ne justifie d'aucun lien
de causalité entre la nullité invoquée du pacte et ses demandes en remboursement des
sommes investies pas plus qu'il ne justifie d'un préjudice moral. Elles demandent 2
000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et 2 000
euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

MM. Buchalet, assigné à l'étude de l'huissier, Bernard Alquier, assigné à l'étude de


l'huissier, Bory, assigné à l'étranger et Mignon, assigné à domicile, autres actionnaires
de la société financière Alquier n'ont pas constitué avoué.

Sur ce la cour,

Considérant que le 26 janvier 2000, la société financière Alquier a été achetée par des
investisseurs et les actionnaires de la société familiale Alquier colles et gélatines pour
acquérir les titres de cette dernière ; qu'il a été procédé à cette acquisition et que le 4
février 2000, il a été décidé une augmentation du capital de la société financière
Alquier à laquelle les actionnaires ont souscrit ; que, notamment, M. Michel Alquier a
souscrit 1 375 actions et 8 800 obligations et devenait ainsi actionnaire à 2,5 % ; que le
même jour, a été signé un pacte d'actionnaires répartis en deux groupes, le groupe
management dont faisait partie M. Bernard Gervais, président du conseil
d'administration, et le groupe investisseur dont faisait partie M. Michel Alquier ; que
par ce pacte les actionnaires ont entendu « prendre les dispositions qu'ils jugeraient le
mieux appropriées au cas où la répartition du capital pourrait changer et dans le cadre
de la bonne poursuite de leurs relations » ; que l'article 1-1 met à la charge de M.
Gervais, en sa qualité de président, l'organisation d'une réunion semestrielle avec le
groupe investisseur durant laquelle il fournira toutes informations, avis et documents
nécessaires concernant la marche et les activités de la filiale Alquier colles et gélatines
et un système de « reporting » trimestriel permettant à chaque actionnaire de suivre
l'activité et les performances de la filiale ;

Considérant que les intimés ne contestent pas que les réunions semestrielles et
trimestrielles n'ont pas été tenues dans les formes prévues au pacte d'actionnaires ; que
M. Michel Alquier ne conteste pas avoir eu les informations prévues par la loi ou
celles qu'il avait expressément demandées ; que toutefois ces informations données en
dehors des réunions prévues n'ont pas permis à M. Alquier de faire entendre son point
de vue sur les nouvelles orientations données par la nouvelle direction et d'en discuter
avec les autres associés ; qu'il ne démontre toutefois pas que la clause du pacte
d'actionnaires prévoyant ces réunions constituait une clause essentielle pour les
actionnaires minoritaires du groupe des investisseurs, M Michel Alquier étant le seul à
l'invoquer ; qu'il n'a lui-même à aucun moment indiqué que cette clause était pour lui

173
essentielle, seules les informations promises et données l'étant ; que l'inobservation de
la clause n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifierait la résolution du pacte ; M.
Michel Alquier justifie seulement d'un préjudice moral pour n'avoir pas pu comme
prévu faire valoir son point de vue dans le cadre de réunions semestrielles et
trimestrielles ; que le préjudice subi sera réparé par l'allocation d'une somme de 4 000
euros ; que l'appelant ne justifie pas du dol qu'il invoque et doit être concomitant à la
signature ;

Considérant que seul M, Gervais, en sa qualité de dirigeant de la société financière


Alquier, avait l'obligation de provoquer les réunions et « r eportings » ; que les autres
associés, qui ne se sont pas plaints de leur absence et n' avaient pas à imposer leur
tenue au dirigeant, ne sauraient être condamnés le réparer le préjudice subi par M.
Alquier ; que la société financière Alquier sera seule condamnée à verser la somme de
4 000 euros à M. Michel Alquier ; qu'il n'est pas invoqué que M. Gervais aurait
commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant de la société financière
Alquier ; qu'il ne saurait être condamné solidairement avec elle ;

Considérant qu'il ne peut être imputé à faute à M. Michel Alquier d'en avoir pas
accepté la nomination du dirigeant qui lui était présente ; qu'en effet, il ne s'était pas
engagé à accepter la personne qui était présentée à ce poste et a seulement usé de la
faculté de refuser la désignation d'une personne qui ne lui paraissait pas apte à la
fonction ;

Considérant que la procédure conduite à l'égard des actionnaires n'est pas abusive ;
que ceux-ci ne justifient par ailleurs d'aucun préjudice qu'il est équitable d'allouer à M.
Michel Alquier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau
Code de procédure civile ; que les sommes allouées sur ce fondement par le premier
juge aux sociétés Ardens finance, Grand Ouest capital, Delambre invest, Socadif
Alliance entreprendre et SCA Ouest entreprise seront réduites à la somme de 1 000
euros à chacune, M. Gervais et la société financière Alquier étant déboutés de toute
demande faite à ce titre ;

Par ces motifs, réforme partiellement le jugement déféré ; condamne la société


financière Alquier à verser à M. Michel Alquier les sommes de 4 000 et 2 000 euros ;
condamne M. Michel Alquier à payer à chacune des sociétés Ardens finance » Grand
ouest capital, Delambre invest, Socadif, Alliance entreprendre et SCA ouest entreprise
la somme de 1 000 euros ; déboute ces sociétés de leurs demandes en dommages et
intérêts.

174
48. T. com. Paris 25 juin 2007 n° 2004058819, Morel c/ SA CDR
Participations

pacte de préférence - cession de parts sociales - droit de


préemption - violation - sanction - nullité du contrat passé avec un tiers et substitution
du bénéficiaire du pacte au tiers si ce dernier a eu connaissance du pacte et de
l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir

(Extraits)

Les faits

M. Henri Morel est le président et principal actionnaire de SFPI, société anonyme au


capital de 30 030 420 €, dont il détient directement 42,70 % du capital et dont la
société Arc Management, qu'il contrôle à 67 %, détient 18,32 %.

Les autres actionnaires sont :

• Spring Management (20 %) dont M. J.-B. Prot est président,

• le CDR, venant aux droits de CDR Participations, elle-même venant aux droits de
Clinvest (11,43 %),

• et Natexis (7,55 %).

Le 30 juin 1993 avait été conclu, entre d'une part MM. Morel et Prot, les «
Majoritaires » et, d'autre part, Clinvest, l'Investisseur, un pacte d'actionnaires
conférant notamment, en cas de cession de ses titres par l'une des parties, un droit de
préférence au profit des autres parties, par ailleurs, les statuts de la société SFPI
contiennent une clause d'agrément.

Aux termes d'un protocole du 6 août 2003, le CDR cédait à l'IDI la participation qu'il
détenait dans SFPI, dans un « bouquet » de participations, au prix global de 30
millions d'euros.

M. Morel, estimant que cette cession s'est faite en violation de ses droits, saisit le
Tribunal de céans.

La procédure

Par un jugement du 17 janvier 2006, auquel on se reportera pour prendre connaissance


de la procédure jusqu'à cette date, le Tribunal de céans, après qu'eut été évoquée, à
l'audience du 13 décembre 2005, la possibilité d'obtenir du Président du CDR une
déclaration sur l'honneur relative aux conditions de négociation et de fixation de la
valeur de la participation litigieuse, et aucune opposition n'ayant été formulée par les
parties,

• A pris acte de la proposition du CDR,

175
• A fixé au 14 février 2006, au plus tard, la remise du courrier proposé,

• Et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 28 février 2006 pour indication.

- Par ordonnance de référé du 3 février 2004, le Président du Tribunal de céans a, à la


demande subsidiaire de M. Henri Morel, désigné M e Chevrier de Zitter, huissier
audiencier, afin de se faire remettre par le CDR « copie du protocole et des actes
portant sur la cession des actions de la société SFPI » et de « vérifier s'il existe une ou
plusieurs dispositions du protocole ou de tout autre acte ayant pour objet ou pour effet
de modifier immédiatement ou à terme, le prix notifié par la SAS CDR
Participations... » ;

- Le 18 mars 2004, l'huissier audiencier établissait un procès-verbal de constat, où,


après avoir reconnu que « la lecture de ces documents est délicate, compte tenu de la
complexité des divers contrats », elle faisait état du prix de 6 millions d'euros pour les
228 803 actions SFPI, de l'absence de clause de garantie de passif ou de toute autre
clause concernant le prix, et de ce que ce prix, notifié à M. Morel n'était « pas
susceptible d'être modifié immédiatement ou à terme » ;

- Par ordonnance de référé du 31 mars 2004, considérant que l'huissier audiencier avait
exécuté sa mission, le Président du Tribunal déboutait M. Morel de sa demande de
communication des actes du 6 août 2003 ;

- Par arrêt du 3 décembre 2004, la cour d'appel de Paris confirmait l'ordonnance du 31


mars 2004, considérant notamment que le pacte d'actionnaires n'imposait pas au CDR
« de communiquer à ses associés la copie elle-même du projet de contrat de cession,
en l'espèce, le protocole signé » avec l'IDI ;

- Par ailleurs, le 16 avril 2004, SFPI demandait en référé dans le cadre de la clause
d'agrément prévue par ses statuts, une prolongation de trois mois du délai laissé à la
société pour faire racheter les actions litigieuses, ce délai venant à expiration le 22
avril 2004, demande qui fut refusée par ordonnance du 27 avril 2004 ;

- Enfin, par ordonnance sur requête, rendue le 8 juin 2004 à la demande de SFPI, les
actions litigieuses ont été mises sous séquestre, mais sur appel de l'IDI, la cour d'appel
de Paris, par un arrêt du 2 février 2005, réformait l'ordonnance, donnait mainlevée du
séquestre et ordonnait la transcription, dans les registres de mouvement des titres de
SFPI, de la cession intervenue entre CDR et l'IDI, l'inscription de l'IDI dans ses
comptes d'actionnaires et la délivrance à l'IDI d'une attestation d'inscription en
compte. Par arrêt du 1er février 2006, la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par
M. Morel et la SFPI contre l'arrêt de la cour de Paris.

Dans la présente procédure, le Tribunal a tenu une audience collégiale le 20 décembre


2006, sous la présidence de Jean-René Maillard, en présence des juges Bernard
Auberger et Edith Merle et du greffier M. Tant. Ayant entendu les parties, il a pris acte
de ce que :

• Le protocole du 6 août 2003 ne sera pas versé aux débats,

176
• La déclaration sur l'honneur de M. Jean-Pierre Aubert, Président du CDR, ne sera
pas produite - déclaration relative aux conditions de négociation et de fixation de la
valeur de la participation du CDR dans SFPI, communication que le CDR avait
proposée lors de l'audience du 13 décembre 2005, et à propos de laquelle le CDR, par
lettre du 10 janvier 2006, annonçait au Président du délibéré qu'il adresserait un
courrier répondant à cette demande et sollicitait un délai pour ce faire,

Et dit que les parties devraient répondre par note en délibéré, au plus tard le 20 janvier
2007, aux questions suivantes posées par le Tribunal :

• Existe-t-il un avenant au contrat du 6 août 2003 ?

• Y a-t-il un prix global qui y figure, existe-t-il ?

• Y a-t-il une ventilation de ce prix ? Pouvez-vous la verser aux débats ?

• Le prix de la participation SFPI y figure-t-il ? Quel est le montant qui y est inscrit ?

• A l'article 2-3 prévoyant une variation de 15 % du montant du prix, par rapport à


quel montant s'effectue cette variation ?

• Pouvez-vous communiquer l'article 3-2-4 relatant les conditions suspensives


(agrément et préemption) ?

• Pour les autres participations cédées dans l'acte, les conditions relatives à des clauses
d'agrément ou de préemption ont-elles joué ? Quels en sont les montants ?

• Question à l'IDI : vous réclamez 600 000 € de dommages-intérêts, pouvez-vous en


justifier ?

• L'IDI a-t-il une copie de la lettre du 14 novembre 2003 ?

• L'acte du 6 août 2003 est-il un contrat ou un projet de contrat ?

• Pouvez-vous produire les modalités de paiement des actions et leur date ?

A l'issue de l'audience le Président a ordonné la clôture des débats, pour mise en


délibéré le 5 février 2007 et annoncé que le jugement serait prononcé le 12 mars 2007
à l'audience publique de la 1e Chambre B. Puis, par jugement du 12 mars 2007, le
Tribunal a réouvert les débats pour plaidoirie devant une nouvelle formation de
jugement et renvoyé la cause au 26 mars 2007 pour indication. A la suite de l'audience
de plaidoirie du 21 mai 2007, le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le
25 juin 2007. Le CDR et l'IDI ont, chacun, adressé une note en délibéré le 1 er juin. M.
Morel a répondu le 4 juin. L'IDI a répliqué le 6. M. Morel a répliqué le 8 juin,

(...) Sur ce, Le Tribunal

(...) Attendu que le pacte d'actionnaires du 30 juin 1993, qui lie notamment M. Morel
et le CDR, contient un article 5 intitulé « Droit de préférence » rédigé comme suit :

177
« ...

5. Si une partie à la présente convention (ci-après le « cédant ») souhaite procéder à la


cession de tout ou partie de ses titres, il devra, préalablement, notifier son projet de
cession aux autres membres de la présente convention en indiquant le nombre de titres
concernés, le prix de cession envisagé, ainsi que l'identité du bénéficiaire de ce projet
(ci-après le « cessionnaire ») et, de façon générale, toutes les clauses et conditions,
notamment de prix, de ce projet de cession.

6. Les parties à la présente convention qui désireront exercer leur droit de préférence
(ci-après les « exerçants ») notifieront leur intention au cédant, en indiquant le nombre
de titres qu'ils entendront acheter, dans le délai de trente jours à compter de la
réception de la notification émanant du cédant.

7. Si la cession est une vente contre numéraire, le prix d'achat des titres à payer par les
exerçants et les conditions de paiement de ce prix seront ceux proposés par le
cessionnaire... »

Attendu que les défendeurs indiquent que, par protocole du 6 août 2003, le CDR a
cédé à l'IDI la participation qu'il détenait dans SFPI, dans le cadre de la cession d'un «
bouquet » de participations pour un prix global,

Attendu que devant le refus des défendeurs de communiquer l'acte de cession au nom
du secret des affaires, le Président du Tribunal de céans a, par ordonnance du 3 février
2004, désigné un huissier-audiencier en la personne de M e Chevrier de Zitter, avec
pour mission de « vérifier s'il existe une ou plusieurs dispositions au protocole ou de
tout autre acte ayant pour objet ou pour effet de modifier immédiatement ou à terme,
le prix notifié par la SAS CDR Participations eu égard à la cession envisagée » ;

Attendu que dans son procès-verbal de constat du 18 mars 2004, l'huissier-audiencier


cite successivement trois articles de l'acte de cession globale du 6 août 2003 :

L'article 2 - Prix : « Pour les besoins de cette opération, le prix de cession ne sera en
aucun cas modifié ou révisé dans le cas où les prix individuels des participations
conditionnées communiquées définitivement par le cessionnaire s'avéreraient
différents dans le cadre des procédures décrites à l'article 3.2.a » (procédures
d'agrément, de préemption),

Ce qui conduit à penser que le prix global est définitif,

L'article 2.3. = Fixation des prix des quatre participations et de la participation Incom :
« Le prix définitif de chacune des quatre participations et de la participation Incom ne
pourra varier en plus ou en moins de 15 % du prix transmis ce jour par le cessionnaire
pour chacune d'entre elles... », ce qui conduit à penser que le prix de la participation
SFPI est susceptible de varier de 15 % au maximum, mais sans que les conditions de
cette variation ni son amplitude ne soit définies, ce qui empêche de déterminer le prix
de cession ;

178
L'article 5 (Acquisition de participations conditionnées par un tiers), dont l'article 5.2
Indemnisation versée au cessionnaire cédant : « Une indemnité forfaitaire et définitive
pourra être versée par les cédants au cessionnaire :

- en cas d'absence d'agrément du cessionnaire,

- en cas de préemption totale ou partielle d'une ou plusieurs des quatre participations.


»,

Ce qui signifie qu'une indemnité peut venir en déduction du prix global pour
dédommager I'IDI en cas de non-agrément de l'IDI ou si M. Morel exerce son droit de
préemption, ce qui contredit les termes du premier article cité, que cette indemnité, qui
entre nécessairement dans les éléments d'appréciation du prix, fait partie, comme les
deux autres, des conditions de la cession dont M. Morel aurait dû avoir connaissance,
puisqu'ils pouvaient avoir « pour effet de modifier, immédiatement ou à terme, le prix
de cession (à l'IDI), notifié par la SAS CDR Participations »,

Attendu que l'ordonnance de référé du 31 mars 2004 a constaté que l'huissier-


audiencier avait rempli sa mission de vérification de ces éléments de prix et a débouté
M. Morel de sa demande de communication de l'entier protocole, mais ne pouvait ni
n'avait pour objet de répondre à la question de fond, objet du présent litige,

Attendu que dans la présente procédure au fond, le prix de 6 millions annoncé par le
CDR et l'IDI pour la participation SFPI est contesté, que les trois articles du protocole
du 6 août 2003, cités dans le procès-verbal de l'huissier-audiencier, comportent des
contradictions entre eux, que la seule indication de l'amplitude de la variation de 30 %
(15 % en plus et 15 % en moins) citée dans l'article 2.3 ne permet pas de compléter
utilement la détermination du prix de cession, qu'aux termes du troisième article le
montant de l'indemnité prévue n'est ni déterminé ni déterminable, qu'enfin les
dispositions de ces articles ne permettent pas de distinguer clairement si ces éléments
auraient un effet sur le prix global ou sur le prix de cession de la seule participation
litigieuse, ce qui ne permet pas à M. Morel d'avoir connaissance d'un prix déterminé
ou déterminable de cession ;

Qu'un prix comportant une incertitude de 30 % ne peut être considéré comme « notifié
»;

Que les parties défenderesses n'ont pas voulu répondre à la demande du Tribunal
d'indiquer le prix transmis par le CDR à l'IDI conformément à l'article 2.3 ;

Attendu, en conséquence, que M. Morel n'a pas été en mesure d'exercer son droit de
préemption en toute connaissance de cause ;

Attendu qu'en n'ayant pas notifié dans les conditions prévues par le pacte
d'actionnaires le projet de cession et en refusant, à tous les stades de la discussion et
des procédures ci-dessus rappelées, d'indiquer « de façon générale, toutes les clauses
et conditions, notamment de prix de ce projet de cession », comme l'y obligeait le
pacte, le CDR, en ne faisant connaître à M. Morel que le seul montant de 6 millions
d'euros comme prix de cession de la participation litigieuse, le mode de paiement

179
(comptant) et le nom du cessionnaire, n'a jamais mis M. Morel en mesure d'exercer
son droit de préférence de manière éclairée et a violé ses obligations contractuelles ;

Attendu que le CDR ne peut se retrancher, a posteriori, derrière le secret des affaires
pour refuser de faire face à ses obligations antérieurement contractées envers M.
Morel, qu'il n'a pas exécuté de bonne foi ses obligations en rendant la cession globale
incompatible avec l'exercice du droit de préférence consenti au demandeur ;

Attendu que l'IDI affirme dans ses écritures qu'il « avait connaissance de l'existence du
droit de préférence de Monsieur Henri Morel » (conclusions récapitulatives IDI, p. 24,
8e paragraphe), qu'en signant la cession globale, au surplus dans les termes et avec les
conséquences ci-dessus décrits, malgré sa connaissance des droits du demandeur et en
opposant le même refus que le CDR, tout au long de la procédure, en sachant que M.
Morel avait l'intention d'exercer son droit de préemption, alors qu'au surplus l'IDI est
un professionnel averti des acquisitions et cessions de participations et des clauses
usuelles en la matière, l'IDI s'est rendu coupable de collusion avec le CDR, au mépris
des droits du demandeur ;

En conséquence, le Tribunal annulera la cession des actions détenues par le CDR au


profit de l'IDI, le CDR cédant n'ayant pas respecté le droit de préemption au profit de
M. Morel et l'IDI, cessionnaire, ayant eu connaissance de l'existence de ce droit et de
l'intention de M. Morel de s'en prévaloir. Il replacera les parties dans l'état où elles se
trouvaient le 5 août 2003. Il annulera la transcription de la cession dans les comptes
d'actionnaires et dans le registre des transferts de la société SFPI. M. Morel,
recouvrant les droits découlant du pacte d'actionnaires du 30 juin 1993, pourra exercer
son droit de préférence au prix déterminable à la date du 6 août 2003. A défaut
d'accord entre les parties, le prix sera déterminé dans les conditions prévues à l'article
1843-4 du Code civil :

« Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé (...), la
valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit
par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du
tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ».

(...) Par ces motifs : Le Tribunal, Statuant publiquement en premier ressort, par
jugement contradictoire, Annule la cession par le CDR à l'IDI de ses actions SFPI,
Replace les parties dans l'état où elles se trouvaient au 5 août 2003, Ordonne
l'annulation de la transcription de la cession à l'IDI dans les comptes d'actionnaires et
dans le registre des transferts de la société SA Financière de participation industrielle
SFPI.

180
49. Cass. soc. 18 octobre 2007 n° 06-45.331 (n° 2108 F-D), Sté FDI c/
Crozier

pacte d'actionnaires - contentieux - tribunal compétent - tribunal de commerce pour


statuer sur les conditions de mise en oeuvre d'un pacte d'actionnaires

(Extraits)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Chambéry 19 septembre 2006, ch. soc.), que M.
Crozier a été engagé en qualité de comptable le 22 février 1980 par la société Bourgey
Montreuil ; qu'à compter du 1 er avril 1985, son contrat de travail a été transféré à la
société FDI et qu'il a été nommé responsable administratif et comptable ; qu'il est
devenu actionnaire de la société en 1999 et membre du directoire le 22 janvier 1999 ;
que le 5 janvier 2005, il lui a été confié la direction générale des opérations
comptables et fiscales du groupe, la direction trésorerie et contrôle de gestion du
groupe étant confié à M. Journe embauché le 3 janvier 2005 ; que M. Crozier n'a pas
accepté cette nouvelle organisation et a été licencié le 9 mars 2005 ; que contestant le
bien-fondé de son licenciement et sollicitant l'indemnisation du préjudice résultant de
sa qualité d'actionnaire, M. Crozier a saisi la juridiction prud'homale ;

(...) Sur le second moyen :

Vu l'article L 511-1 du Code du travail ;

Attendu que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur les
conditions de mise en oeuvre d'un pacte d'actionnaires qui ne constitue pas un
accessoire au contrat de travail ;

Attendu que pour décider que le conseil de prud'hommes de Chambéry était compétent
pour statuer sur la demande du salarié relative à sa qualité d'actionnaire, l'arrêt retient
qu'en l'espèce les demandes tendaient à obtenir l'évaluation d'un préjudice résultant de
la mise en oeuvre de la levée d'options par les investisseurs, le prix de vente des
actions variant selon que la cessation du contrat de travail procède d'un licenciement
ou d'une démission ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en vertu de l'article 627, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile,
la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par
application de la règle de droit appropriée ;

Par ces motifs, casse sans renvoi.

181
50. Cass. com., 18 déc. 2007, n° 05-19.397, F-D, SAS BMA c/ Moal :
JurisData n° 2007-042109

LA COUR (...) :
o Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que s'estimant victime de divers actes de
concurrence déloyale qui auraient été commis par son ancien président, directeur
commercial et actionnaire, M. Moal, ainsi que par la société ITGS PR (la société ITGS),
créée le 5 août 2002, qui a embauché celui-ci le 15 septembre suivant après la révocation
de ses fonctions de président le 3 avril précédent et son licenciement le 19 août 2002, à la
suite desquels il a perdu sa qualité d'actionnaire le 20 novembre de la même année, la
société BMA, qui exerce une activité concurrente dans le secteur de la communication, a
assigné M. Moal et la société ITGS en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
o Attendu que la société BMA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en
indemnisation, formée à l'encontre de la société ITGS, pour des actes de concurrence
déloyale par détournement de sa clientèle alors, selon le moyen, que ne relève pas de la
compétence exclusive de la juridiction prud'homale l'action en concurrence déloyale d'un
employeur contre le nouvel employeur de son salarié ; qu'en l'espèce, si une instance
pendante devant la juridiction prud'homale entre la société BMA et M. Moal faisait
obstacle en la cause à toute indemnisation pour les actes déloyaux accomplis durant
l'exécution du contrat de travail qui les liait, celle-ci n'empêchait pas les juges du fond
d'accueillir la demande d'indemnisation des actes de concurrence déloyale accomplis par
son nouvel employeur, la société ITGS, au détriment de la société BMA ; qu'en limitant
ainsi l'examen de la demande d'indemnisation de la société BMA aux seuls actes déloyaux
de la société ITGS postérieurs à la rupture du contrat de travail entre le société BMA et M.
Moal, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 511-1 du code du travail ;
o Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu'un litige prud'homal
opposait les parties pour des faits, notamment de détournement de clientèle, qui auraient
été commis par M. Moal pendant l'exécution de son contrat de travail et qui
constitueraient la cause de son licenciement et qu'ayant énoncé que la juridiction
prud'homale détenait une compétence exclusive pour statuer sur les circonstances dans
lesquelles il avait été mis fin au contrat, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir le
caractère préalable de la question relative à l'éventuelle commission par M. Moal d'actes
de détournement de clientèle, par rapport à la demande dont elle était saisie, fondée sur la
prétendue complicité de la société ITGS pour de tels faits, a, à bon droit, statué
uniquement sur la partie de la demande relative à la complicité de cette société des faits de
détournement de clientèle qui auraient été commis postérieurement à la rupture du contrat
de travail entre M. Moal et son ancien employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1165 et 1382 du code civil ;
o Attendu que, pour rejeter la demande formée par la société BMA en réparation du
préjudice résultant de la violation par M. Moal de la clause d'exclusivité figurant dans le
pacte d'actionnaires auquel il avait souscrit et dont la société ITGS se serait rendue

182
complice, l'arrêt retient que cette clause n'a pas été signée par la société BMA, de sorte
que cette dernière ne peut s'en prévaloir ;
o Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le
fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage, la cour d'appel a violé, par fausse application
l'article 1165 du code civil et, par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen : -
Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société
BMA, à l'encontre de M. Moal et de la société ITGS, en réparation du préjudice résultant
de la violation par ce dernier de la clause d'exclusivité figurant dans le pacte
d'actionnaires auquel il avait souscrit et dont cette dernière société se serait rendue
complice, l'arrêt rendu le 30 juin 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
(...) les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée (...).
Mmes Favre, prés., Maitrepierre, rapp. ; SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Boulloche, av.

183
51. La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 25, 19 Juin 2008, 1829
Illustration de la résiliation unilatérale d'un pacte d'actionnaires en raison de sa
durée indéterminée
Commentaire par Alexis Constantin
professeur à l'université de Rennes I

Le pacte d'actionnaires litigieux n'étant affecté d'aucun terme, même incertain, il


doit être considéré comme ayant été conclu pour une durée indéterminée et peut
être régulièrement résilié unilatéralement, peu important à cet égard que la société
ayant pris l'initiative de la résiliation ait également disposé de la faculté de céder ses
actions.

Cass. com., 6 nov. 2007, n° 07-10.620 et 07-10.785, FS D, SAS Cie générale de


tourisme et d'hôtellerie c/ SA Cie méridionale de participation : JurisData n° 2007-
041276

LA COUR (...) Sur le moyen unique du pourvoi n° P 07-10.620 et le moyen unique


du pourvoi n° T 07-10.785, réunis :
• AttenduNote 1 que le 7 juillet 1992, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (la
SNCM), à laquelle a ultérieurement été substituée sa filiale la société Compagnie
générale de tourisme et d'hôtellerie (la CGTH) a conclu avec la Compagnie de navigation
d'Orbigny (la CNO), devenue la Société de travaux industriels et maritimes d'Orbigny (la
STIM), un pacte d'actionnaires précisant qu'il s'appliquerait aussi longtemps que ces
sociétés ou leurs substitués demeureraient ensemble actionnaires de la Compagnie
méridionale de participation (la CMP), laquelle détenait la majorité des actions
composant le capital de la Compagnie méridionale de navigation (la CMN) ; que ce pacte
comportait notamment une clause stipulant que celle des parties qui serait à l'origine
d'une décision ayant pour conséquence un manquement important à l'accord de
coopération conclu entre la SNCM et la CMN ou un changement substantiel de la
politique de la CMN entraînant entre elles un profond désaccord s'engageait, à première
demande de l'autre et au choix de celle-ci, soit à lui céder tout ou partie des titres détenus
dans cette société, soit à lui acheter tout ou partie des siens ; que par lettre adressée à la
SNCM le 15 mars 2006, la STIM a dénoncé le pacte d'actionnaires ; que par lettre du
21 juillet 2006, la SNCM et la CGTH ont notifié à la STIM qu'elles exerçaient l'option
prévue par la clause susmentionnée, entendant ainsi acquérir un certain nombre des
actions détenues par cette société dans le capital de la CMP ; que la STIM s'étant opposée
à l'exercice de l'option, la SNCM et la CGTH ont demandé en justice que soit constatée
la cession et ordonné le transfert des titres ;

• Attendu que la CGTH et la SNCM font grief à l'arrêt d'avoir dit que le pacte
d'actionnaires du 7 juillet 1992 avait été conclu pour une durée indéterminée et qu'il avait
été valablement dénoncé par la STIM, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est pris pour une durée déterminée l'engagement dont le terme est fixé par
référence à un événement futur, même si la date de réalisation de cet événement est
inconnue dès lors que cette réalisation n'est pas aléatoire en son principe ; que la clause
fixant le terme du pacte à la date à laquelle les parties cesseront d'être ensemble

184
actionnaires de la CMP constitue un terme incertain, ce pacte ayant ainsi pour limite la
durée de la société, peu important que celle-ci puisse être ultérieurement prorogée
comme peut l'être tout contrat ; qu'en jugeant que le pacte avait une durée indéterminée
au prétexte que "pour un contrat de société, l'arrivée du terme convenu n'est pas
inéluctable ou encore une fatalité puisque les associés ont la possibilité, avant la date
fatidique, d'en décider la prorogation", cependant que cette faculté ouverte dans tous les
contrats à durée indéterminée, ne leur fait pas perdre pour autant ce caractère, la cour
d'appel a violé les articles 1134, 1185 et 1838 du code civil et L. 210-2 du code de
commerce ;
2°/ que, dès lors que l'objet même d'un pacte d'actionnaires est, comme l'avait rappelé le
tribunal, de "fixer les relations entre les signataires pour la durée de leur participation
commune dans une société", ce pacte, qui n'est pas plus à durée indéterminée que ne l'est
la société elle-même, ne peut pas être dénoncé unilatéralement par une partie qui
entendrait demeurer associée en s'affranchissant des obligations corrélatives définies par
le pacte ; qu'en validant une telle dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du
code civil ;
3°/ que la faculté de dénonciation unilatérale des contrats à durée indéterminée, qui
procède de la prohibition des engagements perpétuels, est sans application dès lors que le
contrat lui-même ouvre à chacune des parties le moyen de mettre fin à son engagement ;
que dès lors que le pacte stipulait qu'il ne durerait qu'autant que les parties demeureraient
ensemble actionnaires de la CMP et qu'il n'était pas contesté que chacun des actionnaires
avait la faculté de céder ses titres à tout moment, et de mettre ainsi fin aux obligations
nées de ce pacte, la cour d'appel ne pouvait décider que le pacte avait été valablement
dénoncé le 15 mars 2006 sans violer les articles 1134 et 1184 du code civil ;
4°/ que la clause par laquelle les signataires d'un pacte d'actionnaires conviennent que ses
dispositions s'appliqueront aussi longtemps qu'ils demeureront ensemble engagés dans
les liens du contrat de société suffit à conférer à leur convention un caractère extinctif,
calqué, au plus tard, sur celui du contrat de société ; qu'il importe peu, à cet égard, que le
contrat de société puisse être ultérieurement prorogé, dès lors que cette décision, qui peut
être votée à la majorité requise pour la modification des statuts, n'a pas pour effet de
proroger les accords extrastatutaires qu'ont pu conclure les associés entre eux ; qu'en
jugeant, au contraire, que la clause du pacte d'actionnaires du 7 juillet 1992 qui prévoyait
que ses dispositions s'appliqueraient aussi longtemps que ses signataires demeureraient
actionnaires de la CMP n'était pas de nature à imprimer un terme à leur convention, au
motif inopérant que les actionnaires d'une société ont toujours la possibilité de proroger
le contrat de société, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1185 du code civil,
ensemble l'article L. 210-2 du code de commerce ;
5°/ que les conventions légalement formées font la loi des parties et ne peuvent être
révoquées que d'un commun accord ; que seuls les contrats à exécution successive dans
lesquels aucun terme n'a été prévu peuvent, par exception, faire l'objet d'une résiliation
unilatérale par chacun des contractants ; que tel n'est pas le caractère des droits de
préférence et des promesses de vente ou d'achat convenus dans un pacte d'actionnaires,
lesquels font naître, dès leur souscription, une faculté d'option irrévocablement acquise à
leur bénéficiaire en cas de cession des actions dont ces pactes sont l'objet ; qu'en l'espèce,
il résultait tant des constatations de l'arrêt attaqué que des conclusions convergentes des
parties que le pacte d'actionnaires litigieux renfermait seulement des droits de préférence
et des droits d'option réciproques, susceptibles d'être exercés dans l'éventualité d'une
cession de titres ou d'un différend opposant les associés fondateurs de la CMP sur un
changement substantiel de la politique de la société ; que la cour d'appel qui, sans avoir
égard à la nature des engagements que renfermait le pacte en cause, reconnaît à chacune

185
des parties la faculté de dénoncer unilatéralement celui-ci, au seul motif que ce pacte
avait été stipulé à durée indéterminée, viole l'article 1134 du code civil ;
6°/ que la faculté exceptionnelle et dérogatoire de dénoncer unilatéralement un contrat
dans lequel aucun terme n'a été prévu ne se justifie qu'en considération du risque
d'atteinte excessive à la liberté individuelle qu'un engagement perpétuel pourrait faire
peser sur l'une ou l'autre des parties ; que cette faculté est donc sans application lorsque le
contrat ménage à chacune d'entre elles d'autres voies pour se délier de son engagement ;
qu'après avoir rappelé que le pacte d'actionnaires litigieux stipulait que les engagements
réciproques qu'il renfermait ne s'appliqueraient qu'autant que les parties demeureraient
ensemble actionnaires de la société, la cour d'appel a constaté que l'un et l'autre des
cocontractants conservaient à tout moment la liberté de céder ses actions et de
s'affranchir par là des obligations nées de ce pacte ; qu'en jugeant néanmoins que la
STIM d'Orbigny était fondée à dénoncer unilatéralement le pacte, la cour d'appel n'a pas
tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de
l'article 1134 du code civil ;
7°/ qu'un pacte d'actionnaires que les parties ont entendu maintenir en vigueur pour toute
la durée de la participation commune de ses souscripteurs dans la société ne peut être
répudié indépendamment de la qualité d'actionnaire en considération de laquelle ont été
souscrits les engagements réciproques qu'il renferme ; qu'en jugeant néanmoins que la
STIM d'Orbigny était fondée à dénoncer unilatéralement le pacte sans abdiquer sa qualité
d'associé, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1134 du code civil ;

• Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de leurs conclusions ni de l'arrêt que la
CGTH ou la SNCM aient soutenu devant la cour d'appel le moyen qu'invoque la
cinquième branche ; que ce moyen est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de
droit ;

• Et attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté qu'aucune disposition du pacte


litigieux n'est relative à son terme, l'arrêt relève que l'article 3 des dispositions générales
énonce seulement que "Les dispositions du présent pacte s'appliqueront aussi longtemps
que la CNO et la SNCM ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires" de la
CMP ; que l'arrêt retient encore que la perte, par l'un ou l'autre des cocontractants, de la
qualité d'actionnaire ne présente aucun caractère de certitude, quand bien même l'un ou
l'autre peut-il à tout moment céder ses actions ; que l'arrêt relève enfin que la SNCM et la
CGTH se bornent à invoquer la fin de la société, dont la durée est au maximum de
quatre-vingt dix neuf ans, sans préciser s'il s'agit de la fin de la société dans laquelle elles
sont actionnaires ou de la leur ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont elle
a exactement déduit que le pacte d'actionnaires du 7 juillet 1992 n'étant affecté d'aucun
terme, même incertain, avait été conclu pour une durée indéterminée, et abstraction faite
du motif surabondant critiqué par les première et quatrième branches, c'est à bon droit
que la cour d'appel a décidé que ce pacte avait été régulièrement résilié par la volonté
unilatérale de la STIM, peu important à cet égard que celle-ci ait également disposé de la
faculté de céder ses actions ;

• D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa cinquième branche et ne peut être
accueilli en ses première et quatrième branches, est pour le surplus non fondé ;
Par ces motifs (...) : – Rejette le pourvoi (...).

Mme Favre, prés., MM. Petit, rapp., Mellottée, premier av. gén. ; SCP Thomas-Raquin et
Bénabent, avocat de la société CGTH, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP
Gatineau, av.

186
Note :
La délicate question de la durée des pactes d'actionnaires.
Les pactes d'actionnaires, par lesquels les parties cherchent notamment à aménager le
fonctionnement futur de leur société, à contrôler la répartition du capital et son évolution
et à discipliner leurs rapports au sein ou hors du groupement, illustrent parfaitement l'idée
selon laquelle le contrat est un formidable instrument d'anticipation et d'organisation de
l'avenir. Encore faut-il que les parties aient mis à leur rédaction un soin minutieux et une
précision suffisante, pour limiter le risque de voir leurs prévisions déjouées. Il en va tout
particulièrement ainsi de la détermination de la durée de ces pactes, laquelle apparaît
comme une question aussi essentielle que délicate, ce dont témoigne l'arrêt rapporté qui,
bien que non destiné à être publié au bulletin, n'en présente pas moins une portée
théorique et pratique importante (Cass. com., 6 nov. 2007, n° 07-10.620 et 07-10.785 :
JCP E 2008, 1280, § 5, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; D. 2007,
p. 3016 ; Dr. sociétés 2008, comm. 10, obs. H. Hovasse ; Bull. Joly Sociétés 2008,
p. 125, note X. Vamparys ; RJDA 2008, p. 149).
En l'espèce, deux sociétés associées au sein d'une filiale commune avaient conclu un
pacte extra-statutaire, sans stipuler de clause expresse relative à son terme, mais en
prévoyant dans des « dispositions générales » qu'il s'appliquerait aussi longtemps que les
cocontractants demeureraient actionnaires de cette filiale. Au moment où l'une des parties
s'apprêtait à en demander l'exécution, la seconde dénonça unilatéralement ce pacte, au
motif qu'il avait été conclu pour une durée indéterminée. Le tribunal de commerce de
Paris estima que « le pacte d'actionnaires étant un contrat spécifique qui a pour objet de
fixer les relations entre ses signataires pour la durée de leur participation commune dans
une société, sa durée n'est pas limitée par une date précise mais soumise à une limite de
fait, à savoir la qualité réciproque d'actionnaires », ce dont il déduit l'impossibilité de le
résilier unilatéralement (T. com. Paris, 2e ch., 17 oct. 2006 : JurisData n° 2006-332037 ;
Bull. Joly Sociétés 2007, p. 72, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés 2007, comm. 137, note
H. Hovasse). Au contraire, la cour d'appel de Paris décida que « le pacte litigieux a été
conçu pour une durée indéterminée (de sorte) qu'il pouvait être résilié unilatéralement »,
et rejeta l'argument selon lequel le terme extinctif du pacte est nécessairement calqué, au
plus tard, sur celui de la société (CA Paris, 3e ch. B, 15 déc. 2006 : JurisData n° 2006-
321501 ; Bull. Joly Sociétés 2007, p. 479, note F.-X. Lucas ; RTD com. 2007, p. 169,
obs. P. Le Cannu. – Adde Ph. Delebecque, Les pactes d'actionnaires en danger : Les
Échos 23-24 nov. 2007, p. 12. – J. Moury, Remarques sur la qualification, quant à leur
durée, des pactes d'associés : D. 2007, p. 2045).

Par l'arrêt de rejet rapporté la Cour de cassation, s'appuyant sur les constatations des
juges du fond, a jugé que le pacte, « n'étant affecté d'aucun terme, même incertain »,
avait été conclu pour une durée indéterminée et qu'il avait été régulièrement résilié par la
volonté unilatérale de l'un des actionnaires, dès lors, d'une part, « qu'aucune disposition
du pacte litigieux n'est relative à son terme », d'autre part, que « la perte, par l'un ou
l'autre des cocontractants, de la qualité d'actionnaire ne présente aucun caractère de
certitude, quand bien même l'un ou l'autre peut-il à tout moment céder ses actions », et
enfin que les sociétés actionnaires « se bornent à invoquer la fin de la société, dont la
durée est au maximum de 99 ans, sans préciser s'il s'agit de la fin de la société dans
laquelle elles sont actionnaires ou de la leur ». Les Hauts magistrats ont par ailleurs jugé
surabondant le motif de l'arrêt d'appel selon lequel la faculté de proroger la société ne
permet pas que la référence à la durée limitée de la société puisse imprimer un terme à la
convention, et refusé d'accueillir les moyens articulés par le pourvoi à son encontre.

187
L'espèce, intéressante, incite à rappeler les principes en cause avant d'analyser
l'application qui a pu en être faite ici.
Lorsqu'un contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie est en principe
libre de le résilier à tout moment, sous réserve du respect d'un préavis raisonnable et
d'une mise en oeuvre de ce droit de bonne foi (V. J. Ghestin (dir.), C. Jamin et
M. Billiau, Traité de droit civil, Les effets du contrat : LGDJ, 3e éd., 2001, n° 262 et s.
et les arrêts cités). Cette faculté de se dégager d'une convention à durée indéterminée
procède moins de la prohibition des engagements perpétuels (V. cep. J. Flour, J.-L.
Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, L'acte juridique : Armand Colin, 11e
éd., 2004, p. 296, n° 380), que du primat de la liberté de l'individu, lequel ne saurait être
entravé par une convention que pour le temps où il le décide. Or, dans un contrat conclu
pour un temps indéterminé aucun accord explicite n'a eu lieu sur sa durée (J. Ghestin,
C. Jamin et M. Billiau, op. cit., n° 264). Enfin le terme est un événement futur et certain,
auquel est subordonnée l'exigibilité ou l'extinction d'une obligation, même si la date à
laquelle l'événement doit se produire est incertaine (J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau,
op. cit., n° 219 et s.).
Pour la cour d'appel et la Cour de cassation, la disposition selon laquelle le pacte
s'appliquera aussi longtemps que les cocontractants demeureront actionnaires de la
société, ne peut constituer un terme valable. Les juges font une application stricte des
principes précités, qui paraît légitime puisqu'il n'y a en effet aucune certitude que la
qualité d'actionnaire sera nécessairement perdue à un moment ou un autre. À cette aune,
l'argument du pourvoi selon lequel le pacte comportait une clause de sortie (buy or sell)
permettant à l'un ou l'autre des associés de céder ses actions à tout moment, ne pouvait
prospérer. Ce fait n'apporte pas davantage de certitude à l'événement, car il se peut que
cette clause ne joue jamais. Pour autant, l'on peut se demander si les magistrats n'ont pas
ici péché par une excessive rigidité d'appréciation : car après tout, si un contrat est à
durée indéterminée lorsque les parties ne se sont pas explicitement accordées sur sa
durée, un pacte dont les parties ont expressément souhaité qu'il s'applique durant le temps
où ils sont actionnaires de la société concernée, paraît bien comporter une durée
déterminée... fût-elle perpétuelle, ce qui est un autre problème.
Le pourvoi arguait par ailleurs que le terme extinctif du pacte est nécessairement calqué,
au plus tard, sur celui de la société. Quelques décisions avaient d'ailleurs déjà eu
l'occasion de statuer en ce sens (Cass. com., 10 mars 1981 : Bull. Joly Sociétés 1981,
p. 449, § 229. – CA Angers, 1re ch. A, 20 sept. 1988 : Bull. Joly Sociétés 1988, p. 850,
§ 271). L'argument repose sur la considération de la durée légale d'une société fixée par
la loi, en l'absence de toute précision dans les statuts, au maximum à 99 ans (C. civ.,
art. 1838 et C. com., art. L. 210-9). Peut-on considérer que le pacte pourrait avoir pour
terme l'expiration de la durée légale ou statutaire de la société au sein de laquelle les
parties sont associées ? (on mettra de côté la prohibition des engagements perpétuels, qui
ne devrait pas s'appliquer dans un tel cas, au moins lorsque les contractants sont des
personnes morales, V. nos obs. ss Cass. 1re civ., 19 mars 2002, n° 99-21.209 : JurisData
n° 2002-013635 ; JCP G 2003, I, 122, n° 15 à 24, obs. A. Constantin).
La cour d'appel a, dans la présente affaire, jugé que ce terme n'est pas inéluctable,
puisque les actionnaires peuvent toujours décider de proroger la durée de la société. Cette
affirmation a été critiquée par une partie de la doctrine, et la Cour de cassation a jugé ce
motif de l'arrêt surabondant. La position des seconds juges est effectivement discutable,
lorsque la durée du pacte est déterminée par référence au terme statutaire de la société
(puisqu'il est incontestable, d'une part, que des contrats dont la durée est déterminée par
référence à celle d'un autre constituent bien des contrats à durée déterminée, V. J.
Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, op. cit., n° 227, p. 280, d'autre part, que le contrat de

188
société est lui-même nécessairement à durée déterminée et enfin que la durée du pacte n'a
pas de raison de subir la prorogation de la société si les parties ne l'ont pas prévue, ou
même l'ont implicitement exclue en visant seulement la durée légale ou statutaire de la
société). Mais il est vrai que la durée du pacte était ici déterminée par référence à la
qualité d'actionnaire de la société, ce qui est différend.
Pour le reste, l'arrêt rapporté suggère par ses motifs qu'un pacte possède une durée
déterminée lorsqu'il n'est pas subordonné à la qualité d'actionnaire, mais au terme
statutaire de la société, à condition que ce terme soit expressément prévu dans le pacte, le
rattachement à la durée de la société ne pouvant pas jouer de plein droit pour déterminer,
même implicitement, le terme de cette convention (V. également en ce sens, P. Larrieu,
L'interprétation des pactes extra-statutaires : Rev. sociétés 2007, p. 697, spéc. n° 12). Il
constitue ce faisant un appel à la rigueur et à la précision dans la rédaction des clauses
relatives à la durée des pactes d'actionnaires.

Il est néanmoins permis de regretter que la Cour de cassation n'ait pas été plus sensible à
l'économie du pacte d'actionnaires, sa cause et son objet. Toutes choses en effet qui
permettent de penser qu'il n'est pas illogique qu'un pacte voit sa durée expressément
calquée sur celle de la qualité d'associé, ou implicitement sur celle de la société. Et toutes
choses dont la prise en compte pourrait éviter, comme en l'espèce, cette prime à la
mauvaise foi que constitue, pour l'associé qui veut sortir d'une convention dont
l'exécution risque maintenant de lui nuire, la possibilité de résilier celle-ci au prétexte de
l'indétermination de sa durée, et dont l'admission laisse tout de même le sentiment d'un
affaiblissement de la force obligatoire des conventions.

Alexis Constantin

189
52. Cour de cassation chambre commerciale

Audience publique du 12 février 2008

N° de pourvoi: 06-20966

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Favre (président), président

Me Georges, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 19 septembre 2006), que la société civile
d’exploitation agricole du Domaine de Cabriac (la SCEA) a été constituée en janvier 1962,
par l’apport des consorts X... de Y..., de divers immeubles qui constituaient ce domaine ; que
l’article 8 des statuts de la SCEA précisait, d’une part, que “les parts sociales ne pouvaient
être cédées à une personne étrangère à la société, que du consentement des associés
représentant les trois quarts du capital social, d’autre part, que les dispositions relatives aux
cessions à des personnes étrangères à la société, étaient applicables à tous les cas de cessions,
même aux cessions par adjudication publique en vertu d’ordonnance de justice, et aux
mutations au profit d’héritier en ligne directe” ; que la société Château Chasse Spleen,
titulaire depuis 1990 de 283 des 566 parts sociales de la SCEA, devenue par changement de
dénomination sociale la société Bernard Z... Domaine a été absorbée en décembre 1993 par
voie de fusion par la société Bernard Z... Vins, filiale de la société Bernard Z... France ;
qu’ainsi, depuis 1997, le capital de la SCEA était détenu par M. Jean de X... de Y..., Mme
Michèle de Y... et la société Bernard Z... Vins, laquelle a été absorbée, le 1er janvier 2000, par
voie de fusion par la société Bernard Z... France ; qu’en l’absence de convocation aux
assemblées générales de la SCEA, la société Bernard Z... France a saisi en décembre 2003, le
tribunal de grande instance pour voir juger que, titulaire de 283 parts sociales de la SCEA,
elle était fondée à exercer ses droits d’associée; que la cour d’appel a accueilli sa demande ;

Attendu que la SCEA fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

190
1°/ que dans une société civile dominée par l’intuitu personae, les parts sociales ne peuvent
être transférées à un tiers par voie de fusion absorption qu’avec l’agrément des autres associés
; qu’ainsi, en décidant que la transmission des parts sociales de la SCEA Domaine de Cabriac,
détenues par la société Chasse Spleen à la société Bernard Z... France, par fusion-absorption,
n’était pas soumise à l’agrément des autres associés de la SCEA Domaine de Cabriac, la cour
d’appel a violé les dispositions de l’article 1861 du code civil ;

2°/ qu’en toute hypothèse, selon l’article 8 des statuts de la SCEA Domaine de Cabriac, d’une
part, les parts sociales peuvent être librement cédées entre associés mais “ne peuvent être
cédées à une personne étrangère à la société que du consentement des associés représentant
les ¾ du capital social” et, d’autre part, “les dispositions ... relatives aux cessions à des
personnes étrangères à la société sont applicables à tous les cas de cession” ; que cette
stipulation n’était ni claire, ni précise ; qu’ainsi, en refusant de rechercher si, dans l’intention
des associés, ils n’avaient pas entendu soumettre à leur agrément toutes transmission des parts
sociales de la SCEA Domaine de Cabriac à un tiers, fût-ce par voie de fusion-absorption de la
société détentrice des titres, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c’est par une appréciation souveraine du sens et de la portée de l’article 8
des statuts de la SCEA que la cour d’appel a retenu que la clause litigieuse ne visait que la
cession à une personne étrangère à la société et ne saurait être appliquée à la transmission des
parts par voie de fusion-absorption de sociétés dont le mécanisme est différent de la cession ;
que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Domaine de Cabriac aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Domaine de Cabriac à


payer à la société Bernard Z... France la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et
prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille huit. Décision
attaquée : Cour d’appel de Montpellier du 19 septembre 2006

191
53.
Cour de cassation, chambre civile 3

Audience publique du 27 mars 2008

N° de pourvoi: 07-11721

Non publié au bulletin

Cassation partielle sans renvoi

M. Weber (président), président

Me Ricard, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la société Ogic du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la
société Brioni France, la société Axa banque, la société EII Equities limited, la société Milhac
Reynis Haguel, la Selafa MJA, la société Catchband developpements limited et la société
Glenside management limited ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris,26 octobre 2006) que par acte notarié du 30 juillet 1999,
la société Foncière Costa a consenti à la société Ogic une promesse unilatérale de vente
portant sur un immeuble sis... à Paris et sur la commercialité attachée à l’immeuble sis au
numéro 35 de la même avenue ; que la promesse expirait le 15 octobre 1999 avec stipulation
d’une prorogation automatique jusqu’au 28 février 2000 et de deux conditions suspensives
relatives à l’absence d’hypothèque et à la justification par la venderesse d’un titre de propriété
incommutable sur le bien vendu ; que la société Ogic a renoncé à la première condition alors
que la seconde s’est réalisée ensuite d’un arrêt du 3 janvier 2003 consacrant définitivement le
droit de propriété de la société Foncière Costa ; que le 22 septembre 1999 les parties sont
convenues de proroger la durée de la promesse jusqu’au 30 juin 2000 sauf à remplacer la
délivrance d’une garantie de paiement à première demande par celle d’une caution fournie par
la société Axa banque ; que par acte du 29 mars 2000 la société Foncière Costa a consenti une
promesse synallagmatique de bail à la société Brioni portant sur l’immeuble sis ... ; qu’un bail
commercial étant intervenu le 1er octobre 2000, la société Foncière Costa a refusé de signer
l’acte authentique de vente avec la société Ogic ;

Sur le premier moyen :

192
Attendu que la société Ogic fait grief à l’arrêt de dire qu’elle n’avait pas levé l’option d’achat
contenue dans la promesse unilatérale de vente du 30 juillet 1999, alors, selon le moyen :

1° / que la levée de l’option d’achat par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente
n’est soumise à aucune condition de forme ; que le contrat de vente est formé dès lors que le
bénéficiaire de la promesse a manifesté sa volonté de réaliser la vente, dans les conditions
stipulées dans la promesse, que celle-ci soit ou non assortie de conditions suspensives ; qu’en
l’espèce, la cour d’appel a relevé que par conclusions en date du 17 septembre 1999, la
société Ogic avait déclaré sa volonté de réaliser la vente de l’immeuble sis... ; qu’en jugeant
toutefois que par ces écritures, la société Ogic n’avait pas levé l’option, mais avait seulement
“ confirmé qu’elle avait l’intention de réaliser la vente ultérieurement, lorsque les conditions
suspensives seraient accomplies “, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations, violant ainsi l’article 1134 du code civil ;

2° / que le fait que la société Ogic ait cru bon, postérieurement à la levée de l’option de
proroger la promesse ou d’indiquer aux services fiscaux qu’elle “ envisageait d’acquérir
l’immeuble “ constituait autant d’actes ou diligences nécessairement dépourvus de toutes
conséquences juridiques, en l’état d’une vente qui, par hypothèse, était déjà conclue, en sorte
que la cour d’appel, qui se fonde sur ces faits ou événements pour nier l’existence d’une vente
ferme, lesquels faits ou événements n’auraient pu utilement être pris en considération que si la
volonté de la société Ogic antérieurement exprimée de lever l’option avait été équivoque, se
détermine par des motifs inopérants et, derechef, viole les articles 1134 et 1589 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant souverainement retenu qu’aux termes de ses conclusions d’intervention
signifiées les 17 septembre 1999 et 23 février 2000, dans le litige opposant la société Foncière
Costa à son vendeur la société Paris participations, la société Ogic s’était bornée à solliciter
qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle réitérait, si besoin était, sa volonté de réaliser la
promesse de vente du 30 juillet 1999 et de payer le prix dès réalisation des conditions
suspensives, qu’à la date de ces conclusions la société Foncière Costa ne détenait pas de titre
de propriété sur les biens objet de la promesse de vente du 30 juillet 1999, qu’elle n’avait été
utilement titrée qu’au jour de la publication du jugement du 15 décembre 1998, les 7 avril et 9
juin 2000, et le titre n’étant devenu irrévocable que par arrêt de la Cour de cassation du 31
mars 2005, que postérieurement à ces écritures, la société Ogic avait arrêté avec la venderesse
des dispositions incompatibles avec une vente parfaite, consécutive à une levée d’option, la
cour d’appel en a déduit que la société Ogic n’avait pas levé l’option mais avait seulement
confirmé qu’elle avait l’intention de réaliser la vente ultérieurement ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Ogic fait grief à l’arrêt de juger que le défaut d’exécution par la société

193
Foncière Costa de son engagement de vendre ne pouvait se résoudre qu’en dommages-
intérêts, alors, selon le moyen, que s’il est de principe que le manquement du promettant à son
obligation de vendre l’immeuble objet d’une promesse unilatérale de vente constitue la
violation d’une obligation de faire qui ne peut se résoudre, en application de l’article 1142 du
code civil, que par l’allocation de dommages-intérêts, les parties ont la faculté de stipuler que
par exception, la vente de l’immeuble pourra être exécutée de manière forcée sur décision de
justice ; qu’en l’espèce, il résultait des termes clairs et précis de la promesse de vente du 30
juillet 1999 qu’en cas de carence du promettant, la vente de l’immeuble sis... pourrait
intervenir sur décision de justice ; qu’ainsi les parties avaient expréssement convenu que le
juge pourrait sanctionner par la réalisation judiciaire de la vente la carence du promettant à
conclure la vente ; qu’en rejetant la demande de la société Ogic tendant à ce qu’il soit constaté
que la vente de l’immeuble sis... soit réputée parfaite, au motif que les parties n’avaient pas
stipulé que l’inexécution par la société Foncière Costa de sa “ promesse ferme “ de vendre se
résoudrait par une voie autre que celle prévue par l’article 1142 du code civil, la cour d’appel
a dénaturé les termes clairs et précis de la promesse de vente du 30 juillet 1999, en violation
de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu que si les parties à une promesse unilatérale de vente étaient
libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son engagement de vendre
pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente, force était de relever
que les actes conclus entre la société Foncière Costa et la société Ogic n’avaient pas stipulé
que l’inexécution par la société Foncière Costa de sa “ promesse ferme “ et de son “
engagement ferme et définitif “ de vendre se résoudrait par une autre voie que celle prévue à
l’article 1142 du code civil, la cour d’appel, sans dénaturation, en a exactement déduit que la
société Ogic n’était pas fondée à prétendre à une exécution en nature et que la société
Foncière Costa devait réparer le dommage que l’inexécution de son obligation de vendre avait
pu causer à la société Ogic ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l’article 1134 du code civil, ensemble l’article 1589 du même code ;

Attendu que pour constater, par motifs adoptés, la caducité de la promesse de vente consentie
le 30 juillet 1999 par la société Foncière Costa à la société Ogic, l’arrêt retient, d’une part, que
la rétractation de l’engagement de vendre souscrit par la société Foncière Costa est intervenue
avant la levée de l’option par la société Ogic et, d’autre part, que le jugement du 26 juin 2002
est confirmé en ce qu’il a constaté la caducité de la promesse ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs contradictoires et sans tirer les conséquences légales de
ses propres constatations, la cour d’appel a violé les textes sus-visés ;

194
Vu l’article 627 du code de procédure civile ;

Attendu que l’arrêt du 4 avril 2003 ayant fait l’objet d’un précédent pourvoi, rejeté par arrêt
de la troisième chambre civile en date du 31 mars 2005, le pourvoi en ce qu’il est dirigé
contre cet arrêt est irrecevable ;

Attendu qu’aucun grief n’est dirigé contre l’arrêt du 11 mars 2004 ;

PAR CES MOTIFS :

-déclare irrecevable le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 4 avril 2003 ;

-rejette le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre l’arrêt du 11 mars 2004 ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement mais seulement en ce qu’il a constaté la


caducité de la promesse de vente consentie le 30 juillet 1999 par la société Foncière Costa à la
société Ogic, l’arrêt rendu le 26 octobre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Foncière Costa aux dépens du présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu de modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Foncière Costa,
la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Ogic ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera
transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille huit.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 26 octobre 2006

195
54. La Semaine Juridique Edition Générale n° 49, 3 Décembre
2008, I 218
Droit des obligations
Chronique sous la direction de Jacques Ghestin
professeur émérite de l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne

Alexis Constantin
professeur à l'université de Rennes I

1. - L'aménagement conventionnel de l'exécution forcée en nature dans les


promesses de vente. - L'arrêt rapporté, bien que non publié au Bulletin (Cass. 3e civ.,
27 mars 2008, n° 07-11.721, FS D, Sté Ogic c/ SCI Foncière Costa : JurisData n° 2008-
043404 ; JCP G 2008, II, 10147, note G. Pillet ; RDC 2008, p. 734, obs. D. Mazeaud ;
LPA 13 oct. 2008, p. 13, note A. Lebois), est indéniablement de nature à retenir
l'attention, par les interrogations théoriques qu'il suscite aussi bien que par ses
implications pratiques. La troisième chambre civile de la Cour de cassation y consacre en
effet la possibilité pour les parties d'insérer dans une promesse unilatérale de vente une
clause d'exécution forcée en nature.
L'espèce est simple et classique : une société a consenti à une autre une promesse
unilatérale de vente portant sur un immeuble, puis s'est rétractée quelque temps plus tard.
La société bénéficiaire, après avoir levé l'option, a demandé la constatation judiciaire de
la vente, au motif que les stipulations de la promesse lui permettaient de solliciter non
plus seulement des dommages et intérêts, mais l'exécution forcée du contrat. Elle fut
déboutée en cause d'appel (CA Paris, 2e ch., sect. B, 26 oct. 2006 : JurisData n° 2006-
314982 ; RDC 2007, p. 795, obs. F. Collart Dutilleul). Sur pourvoi, la Cour suprême a
confirmé la décision d'appel en considérant que si les parties à une promesse sont libres
de convenir que le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vendre
peut se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente, une telle stipulation
n'existait pas en l'espèce, la précision selon laquelle l'engagement de vendre du
promettant est « ferme et définitif » ne permettant pas d'en déduire à elle seule que
l'inexécution de cet engagement se résoudrait par la voie, différente de celle prévue à
l'article 1142 du Code civil, de l'exécution forcée en nature.
2. - La solution apparaît incontestablement en retrait par rapport au revirement de
jurisprudence opéré, en matière de pacte de préférence, par la décision d'une chambre
mixte du 26 mai 2006 relative aux pactes de préférence (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006,
n° 03-19.376 et 03-19.495 : JurisData n° 2006-033690 ; JCP G 2006, II, 10142, note
L. Leveneur ; RDC 2006, p. 1080, obs. D. Mazeaud ; D. 2006, p. 1861, note P.-Y
Gauthier et D. Mainguy ; D. 2006, p. 2644, obs. B. Fauvarque-Cosson ; Defrénois 2006,
p. 1206, obs. É. Savaux ; RTD civ. 2006, p. 550, obs. J. Mestre et B. Fages) qui a bel et
bien consacré la possibilité pour le bénéficiaire d'un tel pacte d'en demander l'exécution
forcée, dans le cas où le promettant aurait conclu l'opération avec un tiers en violation de
la convention, dès lors que la mauvaise foi de ce tiers est établie par la double
démonstration de sa connaissance de l'existence du pacte et de l'intention du bénéficiaire
de s'en prévaloir.
L'arrêt rapporté se situe en revanche dans le sillage de la jurisprudence de la troisième
chambre civile de la Cour de cassation, laquelle depuis une décision de 1993 considère,
en matière de promesse de vente, que la rétractation d'une telle promesse avant la levée
de l'option ne peut être sanctionnée que par l'allocation de dommages et intérêts (Cass. 3e
civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199 : JurisData n° 1993-002405 ; Bull. civ. 1993, III,

196
n° 174 ; JCP G 1995, II, 22366, note D. Mazeaud ; D. 1994, somm. comm. p. 230, obs.
O. Tournafond ; D. 1995, somm. comm. p. 230, obs. L. Aynès ; Defrénois 1994, p. 795,
obs. Ph. Delebecque ; RTD civ. 1994, p. 588, obs. J. Mestre). Cette jurisprudence, fondée
sur une lecture contestable de l'article 1142 du Code civil, repose sur l'idée que le
promettant est seulement tenu d'une obligation de faire, de sorte qu'en cas de rétractation
de son engagement avant que le bénéficiaire ne lève l'option, aucune exécution forcée de
la vente ne peut être prononcée, l'inexécution ne pouvant se résoudre que par la
réparation financière du préjudice subi par ce dernier (V. également Cass. 3e civ., 28 oct.
2003, n° 02-14.459 : JurisData n° 2003-020753)
3. - On ne reviendra pas ici sur le vif débat doctrinal que cette jurisprudence a suscité (V.
J. Schmidt-Szalewski, La force obligatoire à l'épreuve des avant-contrats : RTD civ.
2000, p. 25 ; D. Mainguy, L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter :
RTD civ. 2004, p. 1, spéc. p. 18 ; M. Fabre-Magnan, Les obligations : PUF, coll. Thémis
2004, p. 218 s. ; D. Mazeaud, Exécution des contrats préparatoires : RDC 2005, p. 61), et
l'on se contentera de faire quatre remarques sur celle-ci.
En premier lieu, il est aujourd'hui quasi unanimement admis que l'article 1142 du Code
civil ne fait pas obstacle à l'exécution forcée en nature des obligations de faire, surtout
lorsque, comme en la matière, la liberté des individus n'est pas en cause, ou si l'on préfère
lorsque ce n'est pas l'être qui est en jeu mais l'avoir.
En second lieu, on ne peut raisonnablement approuver cette jurisprudence en arguant du
fait que la rétractation du promettant traduirait sa volonté de ne plus vendre, laquelle ne
pourrait pas être négligée (V. en ce sens, D. Mainguy, art. préc. ; M. Fabre-Magnan, op.
cit. ; F.-X. Lucas, obs. ss CA Paris, 25e ch., sect. A, 21 déc. 2001 : RDC 2003, p. 165).
Cette acceptation de la rétractation néglige beaucoup plus gravement le fait que, quelle
que soit la nature que l'on attribue à la promesse (fixation de l'offre pendant un délai
déterminé, V. J. Ghestin et B. Desché, Traité des contrats, La vente : LGDJ, 1990,
n° 145 s., ou bien convention ayant une force obligatoire indépendamment de son
contenu obligationnel, V. la célèbre distinction opérée par P. Ancel, Force obligatoire et
contenu obligationnel du contrat : RTD civ. 1999, p. 771), le consentement du promettant
à la vente est définitif et n'a nul besoin d'être réitéré. L'on devrait considérer la
rétractation comme non avenue et inefficace.
En troisième lieu, cette jurisprudence inaugurée en 1993 et jamais démentie favorise les
fautes lucratives et le calcul économique dans l'inexécution et fragilise considérablement
l'efficacité des avant-contrats en déjouant les prévisions des parties, dans des domaines
aussi divers et importants économiquement que les ventes mobilières ou immobilières,
ou bien les cessions de contrôle et les pactes d'associés. L'octroi judiciaire de dommages
et intérêts ne peut être sérieusement considéré comme satisfaisant (sans compter que la
difficulté de les établir et l'absence de principe des dommages et intérêts punitifs en droit
français les rendent parfois dérisoires), en tout cas pas dans toutes les situations (contra,
D. Mainguy, art. préc. ; M. Fabre-Magnan, op. cit.). « La personne qui attendait de son
contrat un accès privilégié et sûr à la propriété d'un bien singulier, auquel elle peut
d'ailleurs être attachée, ne voit pas dans l'allocation d'une somme d'argent l'exact
équivalent de l'avantage perdu » (G. Pillet, art. préc.). En matière de cession de droits
sociaux par exemple, il peut résulter de la violation de la promesse un basculement du
contrôle de la société, ou au moins un bouleversement de la géographie du capital, contre
lesquels la promesse insérée dans le pacte d'associés avait précisément pour but de lutter.
Ces conséquences ne seront pas atténuées par l'allocation de dommages et intérêts,
fussent-ils élevés. Quant à l'utilisation de certains mécanismes afin de sécuriser
l'exécution de la promesse, tels que la clause pénale ou la mise en gage du bien objet de

197
l'avant-contrat, ils ne sont que des pis-aller eux-mêmes fragiles (V. par ex. la réduction
des clauses pénales excessives).
Enfin, cette jurisprudence crée de sérieuses incohérences dans la matière des avant-
contrats, par rapport aux solutions actuelles posées à propos non seulement des pactes de
préférence, mais également des offres de contracter assorties d'un délai (qui ne peuvent
être rétractées valablement, V. Cass. 3e civ., 7 mai 2008, n° 07-11.690 : JurisData
n° 2008-043796 ; Bull. civ. 2008, III, n° 79 ; cette chron. : JCP G 2008, I, 179, n° 2).
4. - Face à cette jurisprudence jusqu'à présent intangible, la question s'est donc posée de
savoir s'il était ou non permis de stipuler une clause d'exécution forcée dans la promesse
elle-même (sur la clause d'exécution en nature : Y.-M. Laithier, La prétendue primauté de
l'exécution en nature : RDC 2005, p. 161, spéc. p. 165). C'est à cette question que l'arrêt
rapporté répond indéniablement de manière positive.
L'on s'en réjouira certainement, en observant cependant qu'il conviendra d'être vigilant
dans la rédaction de cette clause, l'efficacité d'un aménagement conventionnel de
l'exécution forcée en nature étant en effet subordonnée à une rédaction conforme à la
solution dégagée par l'arrêt rapporté. Contrairement à ce que soutenait le pourvoi et à ce
qu'avait laissé penser une décision de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 25e ch., sect. A,
21 déc. 2001 : JurisData n° 2001-174009 ; RDC 2003, p. 165, obs. F.-X. Lucas), la
simple formulation d'une « promesse ferme », d'un « engagement ferme et définitif » ou
encore de toutes clauses qui se limiteraient à interdire ou à déclarer inefficace une
éventuelle rétractation, ne produirait aucun effet. Il est certain que les professionnels du
droit qui engagent leur responsabilité à défaut d'efficacité de l'acte ne manqueront pas de
proposer l'insertion d'une clause claire en ce sens, au point sans doute d'en faire une
clause de style. Si la clause est valable, le juge devra constater la vente sans pouvoir
apprécier l'opportunité de cette mesure, et ce quelle que soit la forme que prendra la
défaillance du promettant (G. Pillet, art. préc.). Quant à la question de savoir quelle sera
la portée de ces clauses d'exécution forcée face aux droits consentis à un tiers, celle-ci
demeure. La nullité de la vente devrait pouvoir être prononcée en cas de mauvaise foi de
ce dernier, caractérisée par la simple connaissance de la promesse de vente.
5. - Mais on ne peut s'empêcher de regretter tout de même que la Cour de cassation ait
reporté sur les parties la responsabilité d'assurer la force obligatoire et l'exécution de leur
convention, alors que cette mission lui revient de droit sur le fondement de l'article 1134
du Code civil. L'on peut espérer que l'arrêt rapporté constituera les prémisses d'un
revirement, fort attendu. À moins que la solution ne vienne du législateur : on rappellera
que les articles 1106, alinéa 3, et 1106-1, alinéa 3, de l'avant-projet de réforme du droit
des obligations et de la prescription soumettent la promesse et le pacte de préférence au
même traitement, en privant leur violation d'effet sous réserve de la bonne foi du tiers
éventuellement impliqué (V. S. Messaï-Bahri, Les sanctions de l'inexécution des avant-
contrats au lendemain de l'avant-projet de réforme du droit des obligations : LPA 24 juill.
2006, p. 12).

Alexis Constantin

198
55. Bulletin Joly Sociétés, 01 septembre 2009 n° 9, P. 786 - Tous droits réservés

Droit des sociétés

Note – Opposabilité d’un pacte


d’actionnaires par un salarié licencié.
Les salariés concernés par un licenciement, qu’un pacte d’actionnaires soumet à autorisation
du conseil de surveillance à une majorité déterminée de ses membres, peuvent se prévaloir de
cette clause, dont le non-respect rend leur licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-45212 (n° 547 FD)


La cour

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T. X. a été engagé à compter du 5 janvier 1998 en
qualité de clerc généalogiste par M. F. X., qui gérait avec M. J.-M. X. une étude de généalogie
successorale ; qu'à compter du 1er avril 2003, cette activité a été confiée en location-gérance à
la société par actions simplifiée à directoire et conseil de surveillance archives généalogiques
X. ; que M. T. X. a été licencié le 10 juin 2004 pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. T. X. sans cause
réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer diverses sommes et d'ordonner le
remboursement à l'Assedic d'indemnités de chômage, alors, selon le moyen :

1°/ que ne constitue pas une garantie de fond rendant le licenciement dénué de cause réelle et
sérieuse une disposition d'un pacte d'actionnaires qui régit les seuls rapports des actionnaires
signataires de ce pacte ; qu'en décidant que le licenciement de M. T. X. est sans cause réelle et
sérieuse du seul fait qu'il est intervenu sans l'autorisation du conseil de surveillance, à la
majorité des deux tiers de ses membres, pour le licenciement d'un cadre supérieur, telle que
prévue par une clause du pacte d'actionnaires signé le 27 février 2003, entre MM. J.-M. X. et
F. X., auquel M. T. X. n'est pas partie et qui est sans relation avec son contrat de travail, la
cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil et L. 122-14-3 du Code du travail ;

2°/ qu'aux termes du pacte d'actionnaires du 27 février 2003, l'autorisation à la majorité des
deux tiers des membres du conseil de surveillance n'est exigée que pour le licenciement d'un
salarié qui a la qualité de cadre supérieur ; que faute d'avoir constaté que M. T. X. était cadre
supérieur, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 122-14-3 du Code du
travail ;

Mais attendu, d'abord, que dès lors qu'un pacte d'actionnaires prévoit que le licenciement de
certains de ses salariés doit être autorisé par le conseil de surveillance à une majorité
déterminée de ses membres, les salariés concernés sont en droit de se prévaloir de cette
clause, dont le non-respect rend leur licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

199
Attendu, ensuite, que l'employeur n'a pas soutenu devant la cour d'appel que le salarié n'avait
pas la qualité de cadre supérieur ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche comme nouveau et mélangé de
fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 122-14-4, alinéa 1, recodifié sous le n° L. 1235-3 du Code du travail ;

Attendu que, selon ce texte, l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne


se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la cour d'appel, qui a accordé à M. T. X. une indemnité pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse et une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, a
violé ce texte ;

Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du Code de procédure civile,
de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il alloue à M. Thomas X... une indemnité pour non-
respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 27 septembre 2007, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. T. X. de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de


licenciement.

Note – Opposabilité d’un pacte d’actionnaires par un salarié


licencié.

Bien qu’il ne soit pas publié au Bulletin, cet arrêt rendu par la Chambre sociale le 18 mars
2009 présente un intérêt théorique aussi bien que pratique indéniable.

Il apporte sa pierre à un édifice relativement récent, celui des relations qu’entretiennent droit
des pactes d’actionnaires et droit du travail 1 . Ces relations s’intensifient manifestement
aujourd’hui et ne devraient pas manquer de se développer encore dans l’avenir. Les situations
où une même personne est à la fois salariée et actionnaire d’une société tendent en effet à se
multiplier, notamment avec le développement de l’actionnariat salarié. La question est par
ailleurs au c?ur des opérations de LMBO, dont on sait qu’elles associent le management aux
fonds d’investissement, au travers de structures sociétaires et de pactes d’associés.

Pour autant, la décision rapportée est porteuse d’une solution aussi surprenante et discutable
qu’inquiétante pour les praticiens. Qu’on en juge : elle décide qu’un salarié peut opposer à
son employeur, dans le cadre de son licenciement, les termes d’un pacte d’actionnaires auquel
ni ce salarié ni la société qui l’emploie ne sont parties !

200
En l’espèce, M. T. X. a été engagé en 1998, en qualité de clerc généalogiste, par son père M.
F. X., qui gérait avec son oncle M. J.-M. X. une étude de généalogie successorale bien
connue. À compter de 2003, cette activité a été confiée en location-gérance à la société par
actions simplifiée à directoire et conseil de surveillance « Archives généalogiques A. ». En
2004 le salarié a été licencié pour faute grave, sur fond de dissensions familiales. Il a alors
contesté la validité de son licenciement au motif que le pacte d’actionnaires, conclu entre
MM. F. et J.-M. X. au moment de la création de la SAS subordonnait toute décision de
licenciement d’un cadre supérieur à une autorisation du conseil de surveillance à la majorité
des deux-tiers de ses membres et n’avait pas été respecté.

La cour d’appel a accédé aux demandes du salarié et condamné l’employeur, la SAS A., à lui
verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité
de préavis et de congés payés afférents et une indemnité pour non-respect de la procédure de
licenciement. L’employeur s’est alors pourvu en cassation.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le premier moyen développé par ce


dernier 2 , selon lequel « ne constitue pas une garantie de fond rendant le licenciement dénué
de cause réelle et sérieuse une disposition d’un pacte d’actionnaires qui régit les seuls rapports
des actionnaires signataires de ce pacte » et qu’en décidant le contraire « la cour d’appel a
violé les articles 1134 et 1165 du Code civil et L. 122-14-3 du Code du travail ».

La Haute juridiction a considéré au contraire que « dès lors qu’un pacte d’actionnaires prévoit
que le licenciement de certains de ses salariés doit être autorisé par le conseil de surveillance à
une majorité déterminée de ses membres, les salariés concernés sont en droit de se prévaloir
de cette clause, dont le non-respect rend leur licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Mais elle a rejeté ce moyen sans viser aucun texte du Code civil ou du Code du travail, ce qui
invite à s’interroger sur les fondements de la solution retenue de la sorte par la Cour de
cassation. L’on conduira cette interrogation en trois points, en examinant la question de
l’opposabilité du pacte d’actionnaires au regard successivement de la qualité des parties (I),
de son exécution dommageable à l’égard du salarié (II) et de la qualification, propre au droit
du travail, de « garantie de fond » de la stipulation litigieuse prévue dans ce pacte (III).

I – L’opposabilité du pacte d’actionnaires et la qualité des parties

Le principe de l’effet relatif des contrats prévu par les articles 1119 et 1165 du Code civil
devrait en principe conduire à considérer que les pactes extrastatutaires conclus entre associés
sont inopposables aux tiers, y compris à la société elle-même 3 et que, réciproquement, seuls
les parties aux pactes peuvent invoquer à leur profit l’exécution ou l’inexécution des
obligations qui y sont stipulées.

Or, l’on est bien forcé de constater qu’en l’espèce, semble-t-il, ni le salarié (M. T. X.), ni la
société employeur (la SAS Archives généalogiques A.), ne sont parties au pacte
d’actionnaires, lequel lie exclusivement les actionnaires principaux de la SAS (les deux frères
J.-M. et F. X.). Cette observation, comme nous le verrons, est déterminante parce qu’elle
implique non seulement que le salarié est un tiers au pacte d’actionnaires, mais également que
ce tiers se prévaut des dispositions de ce contrat à l’égard d’un autre tiers, qui est son
employeur. S’agissant plus précisément de la SAS, rien ne permet juridiquement d’accréditer
l’idée qu’elle est partie au pacte d’actionnaires. Ni le fait qu’il a été conclu par ses deux
associés principaux, ni davantage le fait qu’il a pu avoir pour objet le fonctionnement de la

201
société, autrement dit qu’il a pu être conclu societatis causa. Ces considérations peuvent
éventuellement avoir une incidence juridique réelle, notamment sur la validité ou l’exécution
du pacte, mais pas plus. Car pour le reste, c’est bien le principe d’autonomie de la personne
morale qui prévaut et celle-ci n’a été en l’espèce ni présente ni représentée au pacte.

S’agissant maintenant du salarié, il n’est pas davantage contestable qu’il est un tiers absolu à
l’égard du pacte d’actionnaires, ce que le pourvoi ne manquait pas de soulever. Non
seulement il ne peut être formellement considéré comme ayant participé à la formation de ce
contrat, mais il n’est en outre ni un ayant-cause à titre universel d’une des parties, ni un ayant-
cause à titre particulier. On ne saurait non plus invoquer le régime des groupes de contrats, car
il est impossible de dire que le contrat de travail conclu entre le salarié et son employeur est
lié au pacte d’actionnaires, puisqu’ils ne portent pas sur le même objet et ne concourent pas au
même but 4 .

Pourrait-on considérer alors que le pacte comporte une stipulation pour autrui au bénéfice du
salarié ? Comme chacun le sait, il y a stipulation pour autrui « lorsque, dans un contrat, une
des parties, appelée le stipulant, obtient de l’autre, appelée le promettant, l’engagement
qu’elle donnera ou fera quelque chose au profit d’un tiers étranger à la convention, le
bénéficiaire, qui devient ainsi créancier sans avoir été partie au contrat » 5 . Il est fréquent
qu’un pacte d’associés fasse naître une stipulation pour autrui, généralement au profit de la
société, à laquelle il confère le droit d’en obtenir l’exécution forcée. C’est le cas, par exemple,
lorsque le pacte stipule que les parties ou certaines d’entre elles s’engagent à prêter à la
société des fonds en compte courant, ou à faire en sorte que les besoins en trésorerie de la
société soient couverts au mieux pendant une période donnée 6 , ou encore à souscrire une
augmentation de capital dans des circonstances préalablement définies 7 . Certaines garanties
de passif, appelées alors clauses de reconstitution du patrimoine, reposent également sur ce
mécanisme 8 .

Pour autant, il est permis de douter, d’une part, qu’une telle stipulation ait pu exister dans le
pacte et, d’autre part et corrélativement, que la Cour de cassation ait pu fonder sa solution sur
l’article 1121 du Code civil, que son arrêt ne vise d’ailleurs nullement. Les parties doivent en
effet avoir la volonté de stipuler pour autrui 9 , ce qui ne semble guère être le cas en l’espèce
où l’on peut au contraire estimer que, comme il est classique en ce domaine, les parties au
pacte ont cherché par diverses dispositions - y compris la clause litigieuse - à protéger leurs
intérêts propres 10 . Certes, la volonté des parties aurait pu être tacite ou implicite 11 . La
jurisprudence l’a parfois admis afin de mieux assurer l’intérêt de certaines personnes, en
étendant le cercle des tiers auxquels un contrat peut profiter. Mais ces cas restent
exceptionnels et interviennent généralement dans des domaines où il en va de la sécurité des
tiers, ce qui n’est pas la situation d’espèce 12 . Mais surtout, dans la stipulation pour autrui, le
tiers bénéficiaire acquiert un droit direct de créance contre le promettant 13 . Ce qui signifie,
qu’à supposer même que l’on reconnaisse l’existence en l’espèce d’une telle stipulation
implicite, le salarié « bénéficiaire » n’aurait eu de droit que contre une des parties au pacte
d’actionnaires et non, comme cela a été jugé, contre la société qui est son employeur et qui,
on l’a dit, n’est pas partie au pacte.

Ceci étant, l’on sait que la jurisprudence permet aujourd’hui aux tiers de se prévaloir du seul
manquement contractuel d’un contractant pour mettre en cause sa responsabilité civile. Il
convient dès lors de se demander si l’arrêt rapporté ne se fonde pas en réalité sur cette
solution.

202
II – L’opposabilité du pacte d’actionnaires par le salarié sur le
fondement de l’inexécution dommageable de celui-ci à son égard

De même que les parties peuvent opposer aux tiers la situation née du contrat, de même en va-
t-il des tiers lorsqu’ils y ont intérêt 14 . C’est ainsi que la jurisprudence en est venue
progressivement à considérer que l’inexécution de l’obligation contractuelle suffit à fonder
l’existence d’une faute délictuelle. Cette question a même été récemment résolue au plus haut
niveau par l’assemblée plénière de la Cour de cassation en ces termes : « mais attendu que le
tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » 15 . Plusieurs
fois repris depuis par la Cour régulatrice 16 , cet attendu « consacre un courant désormais
puissant et sans déviance, reconnaissant à tout tiers à un contrat le droit d’obtenir
indemnisation sur le terrain délictuel du préjudice causé par la seule inexécution du contrat.
L’inexécution, le préjudice et le lien de causalité sont donc les seuls éléments qui suffisent à
un tiers au contrat pour obtenir réparation, sans avoir à établir l’existence d’un manquement à
une obligation générale de prudence et de diligence. Bref, aucune faute délictuelle autonome
n’a à être établie : la faute délictuelle est assimilée à la faute contractuelle » 17 .

La Cour de cassation a fait d’ailleurs application de ce principe d’opposabilité du contrat par


les tiers dans des affaires qui concernaient précisément la violation d’une clause figurant dans
un pacte d’actionnaires 18 .

Ce n’est évidemment pas le lieu de s’interroger sur le bien-fondé d’une telle solution. On
notera seulement que, d’une part, celle-ci, « sous couvert d’opposabilité du contrat », porte
directement atteinte au principe de l’effet relatif des contrats 19 et que, d’autre part, elle est
susceptible d’avoir en droit des sociétés des conséquences diaboliques 20 .

Cette admission de l’opposabilité du contrat aux parties par les tiers pourrait a priori
expliquer l’arrêt rapporté 21 . L’on pourrait en effet admettre que la responsabilité délictuelle
du signataire du pacte à l’égard du salarié vienne se fondre dans l’appréciation, propre au
droit du travail, du dommage subi par ce dernier du fait de son licenciement. Sous cet angle,
la violation du pacte aurait fait perdre au salarié une chance de ne pas être licencié, préjudice
parfaitement indemnisable. Or, cette perte de chance ressemble fort au cas dans lequel le
salarié n’a pas pu s’expliquer devant une commission conventionnellement instituée pour
donner son avis ou autoriser le licenciement, situation qui constitue, on le verra, la violation
d’une garantie de fond rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour autant, il nous semble impossible de considérer qu’en l’espèce la Cour de cassation ait
pu fonder son arrêt sur cette solution consacrée par l’assemblée plénière. Car l’employeur
condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est ici tout simplement pas le
contractant responsable de l’inexécution du pacte d’actionnaires, puisqu’il n’est pas, on l’a
dit, partie à celui-ci.

Reste alors à se demander si l’opposabilité du pacte aux actionnaires par le salarié ne trouve
pas son fondement dans les règles propres au droit du travail et dans les exigences de
protection du salarié qui animent celui-ci, parfois au risque de son détachement des principes
fondamentaux du droit des obligations.

203
III – L’opposabilité d’une disposition du pacte d’actionnaires
constitutive d’une garantie de fond pour le salarié licencié

La société demanderesse au pourvoi contestait que la disposition du pacte d’actionnaires, qui


subordonnait toute décision de licenciement d’un cadre supérieur à une autorisation du conseil
de surveillance à la majorité des deux-tiers de ses membres, puisse constituer « une garantie
de fond » dont le non-respect rendrait le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Curieusement, si la Cour de cassation a rejeté clairement ce moyen, elle l’a fait sans viser
aucun texte, et singulièrement pas l’article L. 1235-1 (ancien art. L. 122-14-3) du Code du
travail qui est normalement l’un des fondements normatifs principaux des solutions relatives
aux garanties de fond.

Pour autant, il semble bien que tel soit le sens de la position qu’elle a adoptée, puisqu’elle
juge que les salariés concernés par la clause du pacte sont en droit de se prévaloir de celle-ci,
« dont le non-respect rend leur licenciement sans cause réelle et sérieuse », selon une formule
exactement semblable à celle retenue dans la plupart des affaires relatives aux garanties de
fond des salariés en cas de licenciement.

On sait en effet que les dispositions des Livres I et III du Code du travail prévoient les
différentes procédures applicables en matière de licenciement. Le Code détermine également
la sanction de la violation de ces procédures. Mais il ne prévoit rien s’agissant des procédures
d’origine non légale ou conventionnelle qui, conformément à l’article L. 2251-1 du Code du
travail, peuvent comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions
légales en vigueur. La jurisprudence a donc élaboré un ensemble de solutions distinguant les
règles dont la violation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, de celles qui ne
constituent qu’une simple irrégularité procédurale.

Jusqu’en 1999 la Cour de cassation considérait que la violation de dispositions


conventionnelles relatives à la procédure de licenciement n’était pas de nature à priver celui-ci
de cause réelle et sérieuse 22 . Puis, dans une décision en date du 23 mars 1999 23 , la Chambre
sociale a, par un revirement de sa jurisprudence, jugé que « l’intervention d’une commission
disciplinaire prévue par une convention collective constitue une garantie de fond pour le
salarié et que le licenciement décidé sans que la commission ait statué au préalable, ne peut
avoir de cause réelle et sérieuse ». Cette jurisprudence a, depuis, été confirmée à de
nombreuses reprises. La Cour de cassation réaffirme régulièrement que la consultation d’un
organe - quelle que soit d’ailleurs sa dénomination (commission, conseil, etc.) - chargé, en
vertu d’une disposition conventionnelle ou du règlement intérieur d’une entreprise, de donner
son avis sur la mesure disciplinaire ou le licenciement envisagés par l’employeur constitue
pour le salarié une garantie de fond et la Haute juridiction s’efforce également de préciser plus
généralement quelles sont les règles qui constituent ou non pour le salarié une telle garantie 24 .

En l’espèce, il est permis de penser que l’arrêt rapporté se place dans le sillage de cette
jurisprudence nourrie. Pour autant, la solution de la Haute juridiction n’est pas à l’abri de la
critique, laquelle peut être faite rationae materiae et rationae personae.

Rationae materiae, tout d’abord, et au-delà même des critiques régulièrement adressées par
une partie de la doctrine à cette jurisprudence jugée parfois excessive dans ses applications,
force est de constater que les procédures d’origine non légale qui génèrent ces solutions
trouvent généralement leur source dans un accord collectif de travail ou dans un règlement

204
intérieur d’entreprise 25 , c’est-à-dire en principe dans des « conventions » qui ont directement
pour objet de régir le statut du personnel de l’entreprise, le plus souvent pour améliorer les
droits des salariés et qui sont donc en relation directe avec le contrat de travail de ces derniers.

Or, tel n’est en principe pas le cas d’un pacte d’actionnaires, qui ne vise classiquement qu’à
protéger les intérêts des parties actionnaires et est extérieur au fonctionnement de l’entreprise,
même s’il peut avoir sur lui certains effets. En l’espèce, et comme l’affirmait d’ailleurs le
pourvoi, le pacte était sans relation directe avec le contrat de travail du salarié licencié.

Certes, quelques arrêts ont pu voir dans les statuts d’une association attribuant à un organe
dirigeant la compétence de procéder à un licenciement une garantie de fond pour les salariés 26
. Ce qui montre que les règles non légales constitutives de garanties de fond n’ont pas leur
siège de manière exclusive dans des accords collectifs de travail mais peuvent également
résulter des statuts de personnes morales 27 ou bien encore de ce que l’on appelle des accords
atypiques 28 .

Mais de là à faire d’un pacte extrastatutaire entre associés une telle convention susceptible de
générer des garanties de fond pour les salariés, il y a un pas que la Cour de cassation a
manifestement franchi, d’une manière d’autant plus contestable, de notre point de vue, qu’elle
étend ainsi dangereusement la notion de garantie de fond 29 .

Rationae personae, et c’est la seconde critique que l’on peut adresser à l’arrêt sur ce point, il
convient d’observer que les garanties de fond sont toujours des procédures conventionnelles
mises en place par l’employeur lui-même, soit directement 30 , soit indirectement 31 . Et ce
constat s’impose y compris dans les arrêts précités relatifs aux statuts des personnes morales 32
.

Or, en l’espèce, force est d’observer que le pacte n’a pas été conclu par la société employeur,
qui est restée totalement tierce à cette convention. L’arrêt rapporté étend donc, là encore de
manière fort critiquable, le champ des garanties de fond en estimant qu’un salarié peut
invoquer une procédure conventionnelle qui n’a pas été mise en place par l’employeur lui-
même, à laquelle ce dernier n’a pas adhéré, qui lui est juridiquement étrangère et dont les
obligations ne peuvent lui être imposées.

En conclusion cet arrêt, bien que non publié, constitue une invitation pour les praticiens à
avoir pleinement conscience du fait que les dispositions d’un pacte d’actionnaires peuvent
étendre leurs effets obligatoires bien au-delà du cercle des parties, et donc à redoubler de
vigilance dans la rédaction de ces conventions.

Alexis Constantin

1 1. Sur le problème de la compétence des prud’hommes pour connaître d’un pacte


d’actionnaires, V. les réponses plutôt contradictoires apportées par Cass. soc., 18 oct. 2007 :
Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 119, § 29, note C. Neau-Leduc qui juge le conseil incompétent
pour statuer sur une demande de réparation du préjudice subi, en sa qualité d’actionnaire
contraint de céder ses titres, par un salarié licencié ; Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 06-45800, qui
juge l’inverse.

205
2 2. En revanche, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel
au motif que l’indemnisation pour non-respect de la procédure et l’indemnisation pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumule pas, la seconde l’emportant alors sur la
première (hormis l’hypothèse où le salarié a moins de deux ans d’ancienneté et/ou
l’employeur occupe habituellement moins de 11 salariés (C. trav., art. L. 1235-5). Nous
n’aborderons pas cette question.

3 3. Y. Guyon, Aménagements statutaires et conventions entre associés, Traité des


contrats, LGDJ, 5e éd., 2002, n° 201 et n° 205 ; D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-
statutaires entre associés, PUAM, 1993, n° 308.

4 4. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit des obligations, Dalloz, 9e éd., 2005, n° 503, p.
506.

5 5. Ibid, n° 511, p. 514.

6 6. Cass. com., 20 févr. 2007 : Bull. Joly Sociétés, 2007, p. 719, § 195, note Ph. Briand.

7 7. V. en ce sens, H. Hovasse, note sous Cass. com., 18 déc. 2007 : Dr. sociétés, 2008,
comm. n° 55.

8 8. Cass. com., 7 oct. 1997 : Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 1058, § 381, note P. Mousseron ;
JCP G, 1998, I, n° 131, spéc. n° 6, obs. J.-J. Caussain et A. Viandier ; CA Paris, 3e ch. A, 30
août 2005 : JCP G, 2006, I, n° 168, obs. Fl. Deboissy et G. Wicker.

9 9. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, préc., n° 517, p. 519.

10 10. Ainsi, l’on sait que dans les opérations de capital risque au sein des sociétés de
croissance, les investisseurs entendent souvent limiter ou contrôler le licenciement de salariés
dont les compétences peuvent être essentielles pour le développement de l’entreprise.

11 11. On ne peut ainsi exclure en l’espèce que la clause litigieuse ait été imposée par l’un des
actionnaires, F. X. afin de protéger son fils, qu’il avait recruté précédemment, contre un
éventuel licenciement ordonné par l’autre actionnaire. Mais la rédaction de la clause ne laisse
rien transparaître de cette éventuelle volonté, dès lors aussi parfaitement hypothétique que
juridiquement inefficace.

12 12. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, préc.., n° 517.

13 13. Ibid, n° 526.

14 14. Ibid, n° 495.

15 15. Cass. ass. plén., 6 oct. 2006 : JCP G, 2006, II, n° 10181, avis A. Gariazzo, note M.
Billiau ; JCP E 2007, p. 1000, note F. Auque ; RTD civ., 2007, p. 115, obs. J. Mestre et B.
Fages et p. 123, obs. P. Jourdain ; Rev. Lamy dr. aff., janv. 2007, p. 19, note A.
Reygrobellet ; Contrats, conc. consom., mars 2007, p. 11, obs. L. Leveneur ; RDC, 2007, p.
269, note D. Mazeaud et p. 379, note J.-B. Seube ; Dr. et patr., sept. 2007, p. 87, obs. Ph.
Stoffel-Munck.

206
16 16. Cass. 3e civ., 12 sept. 2007 : BRDA, 2007/19, inf. 12 ; Cass. com., 6 mars 2007 :
BRDA, 2007/9, inf. 9 ; Cass. com., 18 déc. 2007 : Dr. sociétés, 2008, comm. n° 55, obs. H.
Hovasse.

17 17. R. Mortier, préc.

18 18. Cass. com., 18 déc. 2007 : Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 493, § 493, note S. Messaï-
Bahri ; Dr. sociétés, 2008, comm. n° 55, obs. H. Hovasse ; ibid. avr. 2008, p. 33, obs. R.
Mortier ; RTD civ., 2008, p. 297, obs. B. Fages.

19 19. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, précit., n° 495, p. 497.

20 20. V. I. Arnaud-Grossi et J. Mestre, « Les piliers du droit des sociétés pourront-ils résister
longtemps à la responsabilité délictuelle pour simple manquement contractuel ? » : Rev.
Lamy dr. aff., févr. 2008, p. 10, n° 1425.

21 21. La solution de l’assemblée plénière pourrait-elle être appliquée à la violation des


dispositions statutaires ? En principe, les statuts ont une opposabilité relative. En effet, s’ils
sont en principe opposables aux tiers en raison de leur publicité, certaines dispositions ne le
sont pas, telles les clauses limitant les pouvoirs légaux des dirigeants sociaux (dans les SAS,
v. C. com., art. L. 227-6, al. 4). Toutefois, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que
les tiers peuvent opposer aux dirigeants les règles statutaires auxquelles ceux-ci sont soumis
(Cass. 2e civ., 23 oct. 1985 : Bull. civ., II, n° 159 ; Bull. Joly Sociétés, 1986, p. 510, § 135 ;
D., 1987, comm. n° 32, obs. J.-Cl. Bousquet ; Rev. sociétés, 1986, p. 408, note B. Bouloc ;
RTD civ., 1986, p. 180, obs. R. Perrot ; Cass. soc., 11 juin 1997 : Dr. sociétés, 1997, comm.
n° 143, obs. D. Vidal ; RJDA, 1997, n° 1222). Or, cette opposabilité par les tiers nous semble
renforcée par la jurisprudence actuelle, v. Cass. com., 4 nov. 2008 : Bull. Joly Sociétés, 2009,
p. 382, § 75, note P. Le Cannu. Opposabilité des statuts de SA à ses dirigeants par un tiers.
Pour l’auteur le véritable fondement de l’arrêt se trouve dans la violation directe de l’article
des statuts imposant une autorisation du conseil de surveillance, et dans la possibilité pour un
tiers d’invoquer la violation d’un contrat par une des parties.

22 22. Cass. soc., 7 févr. 1995 : Dr. soc., 1995, p. 388, obs. F. Favennec.

23 23. Cass. soc., 23 mars 1999 : Dr. soc. 1999, p. 634, obs. J. Savatier.

24 24. Cass. soc., 11 juill. 2000 : Dr. soc., 2000, p. 1027, obs. Ch. Radé ; D., 2001, p. 417,
note S. Frossard ; Cass. soc. 16 janv. 2001 : RJS, 2001/4, n° 431 ; Bull. civ., V, n° 9 ; Cass.
soc., 8 janv. 2002 : Dr. soc., 2002, p. 466, obs. J. Savatier ; Cass. soc., 13 sept. 2005 : JCP S,
2005, p. 1374, note C. Pizzio-Delaporte ; Cass. soc., 9 juill. 2008 : JCP S, 2008, p. 1614, note
L. Drai et F. Méreau ; Cass. soc., 16 sept. 2008 : RJS, 2008, n° 1078 ; JCP S, 2008, p. 1615,
note L. Dauxerre. ; Cass. soc., 21 janv. 2009 : JCP S, 2009, p. 1189, note P.-Y. Verkindt.

25 25. Cass. soc., 28 mars 2000 : Dr. soc., 2000, p. 653, obs. J. Savatier.

26 26. Cass. soc., 4 avr. 2006 : Bull. civ., 2006, V, n° 134 ; Cass. soc., 25 nov. 2003 : Bull.
civ., 2003, V, n° 292 ; Cass. soc., 29 sept. 2004 : Bull. civ., 2004, V, n° 236.

27 27. V. cep. Cass. soc., 16 mai 2007 : Juris-Data n° 2007-039147 ; JCP S, 2007, p. 1607.
L’exigence de recueillir l’accord d’une assemblée de copropriétaires pour le licenciement

207
d’un gardien, exigence prévue par le règlement de copropriété, ne constitue pas une garantie
de fond, de sorte que les juges doivent se prononcer sur le motif de licenciement invoqué par
l’employeur.

28 28. Rappr. Cass. soc., 23 oct. 1991 : Bull. civ.,V, n° 433.

29 29. Il est permis de se demander si la Cour de cassation ne rattache pas le pacte


d’actionnaires au pacte social, entendu au sens large, en l’institutionnalisant de la sorte.
D’autant qu’on ne peut nier que le pacte est souvent conclu societatis causa, et se trouve sans
doute dans la dépendance des statuts, ou tout au moins dans une position inférieure et
subordonnée. Une telle conception serait toutefois la négation excessive de la dimension
contractuelle et de l’autonomie naturelle du pacte. Ce serait anéantir toute l’utilité de ces
derniers, dont les parties ont précisément en vue d’éviter de subir les contraintes statutaires, et
la volonté de profiter de toute la souplesse contractuelle du mécanisme extra-statutaire. Il faut
considérer que les actes conclus entre associés sont des actes extra-statutaires qui se situent en
dehors de l’ensemble normatif circonscrit par les statuts, v. en ce sens, P. Le Cannu, « Le
règlement intérieur des sociétés » : Bull. Joly Sociétés, 1986, p. 723, Doct., spéc. n° 3.

30 30. Règlement intérieur d’entreprise par exemple.

31 31. Par ex. une convention collective nationale s’imposant sur le plan normatif à toute
entreprise du secteur.

32 32. La solution de cet arrêt risque de pouvoir s’appliquer non seulement aux dispositions
statutaires des sociétés, mais également aux clauses d’un règlement intérieur de société.

208
56. Bulletin Joly Sociétés, 01 juin 2009 n° 6, P. 583

Retour sur le caractère (non) léonin des promesses d’achat d’actions à prix minimum
garanti.

Les bénéficiaires des promesses litigieuses n’ayant consenti à souscrire à l’augmentation du


capital qu’en contrepartie de l’engagement de rachat des actions pris par les promettants,
dirigeants de la société, membres du groupe majoritaire et titulaires avant cette augmentation
du capital de 50 % de celui-ci, les promesses d’achat ne sont donc que la contrepartie du
service financier qui leur a été rendu par la souscription des bénéficiaires à l’augmentation du
capital.

Ainsi les promesses d’achat d’actions litigieuses, qui ont eu pour objet d’assurer l’équilibre
des engagements en garantissant aux bénéficiaires, qui ont été avant tout dans cette opération
des bailleurs de fonds, le remboursement de l’investissement auquel ils n’auraient pas
consenti sans lesdites promesses, ne contrevenaient pas aux dispositions de l’article 1844-1 du
Code civil.

Cass. com, 3 mars 2009, n° 08-12359 (n° 170 FD), X. et a. c/ Sté Fontanot participations
et a.

LA COUR

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Douai, 21 décembre 2007), que MM. X. et Y. (les
promettants), dirigeants et fondateurs de la société Kilidis, ont consenti aux sociétés Idia
participations, aux droits de laquelle vient la société Crédit agricole capital investissement et
finance, et Fontanot participations (les bénéficiaires) une promesse d'achat portant sur les
actions souscrites par ces deux dernières sociétés lors d'une augmentation du capital de la
société Kilidis ; qu'après avoir levé l'option, les bénéficiaires ont demandé que les promettants
soient condamnés à leur payer le prix convenu ;

Attendu que les promettants font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le
moyen :

1° / qu'ils faisaient valoir que les promesses d'achat et de vente d'actions, ce qu'avait relevé le
tribunal, avaient pour effet de permettre aux bénéficiaires associés de se retirer de la société
avec la certitude de recouvrer une somme déterminée à l'avance outre une rémunération, le
pacte ayant pour finalité de leur permettre d'échapper à toute contribution au passif relative
aux actions acquises lors de l'augmentation du capital du 23 novembre 2001 ; qu'ils ont
précisé que les promesses litigieuses n'avaient pas pour objet de permettre la rétrocession
d'actions, la clause ne visant pas à assurer l'équilibre de conventions conclues par ailleurs
entre les parties et encore moins moyennant un prix librement débattu dès lors qu'aucune autre
convention n'avait été conclue entre les parties, ces promesses constituant un pur mécanisme
de garantie financière comme l'avaient reconnu les bénéficiaires ; qu'ayant relevé que les

209
promesses d'achat d'actions l'ont été dans le cadre d'une nouvelle augmentation de capital, que
les bénéficiaires ont consenti à la souscription des actions dans le cadre de cette augmentation
de capital en contrepartie de la promesse par laquelle les promettants, dirigeants sociaux de la
société, membres du groupe majoritaire et titulaires avant cette augmentation de capital de 50
% du capital social s'obligeaient personnellement et irrévocablement à racheter les actions
acquises lors de cette augmentation de capital, que l'achat n'est intervenu que par souscription
d'actions nouvelles dans le cadre d'une augmentation de capital, que l'objet des promesses
étaient les actions souscrites dans cette opération au prix déterminé dans les promesses, ce qui
était la contrepartie du service financier rendu par la souscription des bénéficiaires pour cette
nouvelle opération d'augmentation de capital, ce pourquoi les promettants ont promis ce
rachat de sorte que les promesses litigieuses ont eu pour objet d'assurer l'équilibre des
engagements en garantissant aux bénéficiaires, qui ont été avant tout pour cette opération des
bailleurs de fonds le remboursement de l'investissement auquel ils n'auraient pas consenti sans
lesdites promesses, tout en relevant que les bénéficiaires ne sortaient pas de la société puisque
les actions acquises lors de l'augmentation de capital ne faisaient que s'ajouter à celles déjà
acquises pour lesquelles le pacte d'actionnaires avait été convenu, pour en déduire que ces
promesses qui n'ont eu pour objet que d'assurer moyennant un prix convenu, fût-il variable en
fonction de la date de la levée de l'option, la transmission de droits sociaux entre associés est
sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports
sociaux de sorte qu'elles ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 1844-1 du Code
civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ces constatations dont
il ressortait que pour les actions acquises lors de l'augmentation de capital, les promesses
n'avaient pas pour objet la transmission de droits sociaux entre associés mais avaient pour
objet de permettre aux bénéficiaires le remboursement de leurs investissements et, partant,
elle a violé l'article 1844-1 du Code civil ;

2° / qu'ils faisaient valoir que les promesses d'achat et de vente conclues le 23 novembre 2001
au profit d'associés ayant participé à l'augmentation de capital, ayant pour objet les actions
acquises lors de cette augmentation de capital exonéraient les bénéficiaires en toute
circonstance des pertes sociales, les promesses ayant pour objet de garantir les
investissements réalisés par ces associés lors de l'augmentation de capital ; qu'ayant constaté
que les promesses d'achat d'actions l'ont été dans le cadre d'une nouvelle augmentation de
capital, que les bénéficiaires des promesses ont consenti à la souscription des actions dans le
cadre de cette augmentation de capital en contrepartie de ces promesses par lesquelles les
promettants, dirigeants sociaux de la société s'obligeaient personnellement et irrévocablement
à racheter les titres acquis dans le cadre de cette augmentation de capital à prix prédéterminé,
que même si l'achat de ces actions a eu pour effet de renforcer la position des bénéficiaires,
l'achat n'est intervenu que par souscription d'actions nouvelles dans le cadre d'une
augmentation de capital rendue nécessaire de sorte que les promesses litigieuses par lesquelles
les dirigeants de la société s'obligeaient au rachat en cas de levée de l'option des seules actions
ainsi souscrites dans cette opération au prix déterminé dans les promesses, ne sont que la
contrepartie du service financier qui leur a été rendu par la souscription des bénéficiaires, pour
cette nouvelle opération d'augmentation de capital, ce pourquoi ils ont promis ce rachat, de
sorte que ces promesses avaient eu pour objet d'assurer l'équilibre des engagements en
garantissant aux bénéficiaires qui ont été avant tout pour cette opération des bailleurs de
fonds, le remboursement de l'investissement auquel ils n'auraient pas consenti sans lesdites
promesses, qu'il y a lieu de relever que par la levée de l'option les bénéficiaires ne sortaient
pas de la société puisque les actions qu'ils avaient acquises par la souscription de cette
augmentation de capital ne faisaient que s'ajouter à celles déjà acquises à la suite de
l'augmentation de capital précédente pour laquelle le pacte d'actionnaires avait été convenu,

210
pour en déduire que ces promesses qui n'ont eu pour objet que d'assurer moyennant un prix
convenu la transmission des droits sociaux entre associés est sans incidence sur la
participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports sociaux de sorte
qu'elles ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 1844-1 du Code civil, sans préciser
en quoi la participation par des associés à l'augmentation de capital, opération pour laquelle la
cour d'appel les qualifie de bailleurs de fonds, ne permettait pas de constater qu'à hauteur de
ce qui constituait l'objet de la promesse ces associés étaient exonérés de toute participation
aux bénéfices et aux pertes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de
l'article 1844-1 du Code civil ;

3° / qu'ils faisaient valoir que le rachat des actions n'avait aucune contrepartie à leur profit
matérialisé par une autre convention, la convention litigieuse n'ayant trouvé sa contrepartie
dans aucun autre acte au profit des promettants qui aurait eu pour effet d'assurer les droits
respectifs des parties et de les équilibrer selon les règles posées par la Cour de cassation, dès
lors que ce ne sont pas les promettants qui ont retiré bénéfice des investissements des
bénéficiaires mais la société qui ainsi trouvait une source de financement, les promettants
supportant seuls tous les risques de l'opération ; qu'en affirmant que l'achat intervenu par
souscription d'actions nouvelles l'a été dans le cadre d'une augmentation de capital rendue
nécessaire par le fait qu'une banque a arrêté de dispenser son crédit à la société de sorte que
les promesses par lesquelles les dirigeants de la société qui en sont les fondateurs s'obligeaient
au rachat, en cas de levée de l'option, des seules actions ainsi souscrites dans ces opérations au
prix déterminé dans les promesses ne sont que la contrepartie du service financier qui a été
rendu par la souscription des bénéficiaires pour cette nouvelle opération d'augmentation de
capital, ce pourquoi les promettants ont promis ce rachat, de sorte que les promesses
litigieuses ont eu pour objet d'assurer l'équilibre des engagements garantissant aux
bénéficiaires, qui ont été avant tout pour cette opération des bailleurs de fonds le
remboursement de l'investissement auquel ils n'auraient pas consenti sans lesdites promesses,
sans préciser en quoi avait consisté le service financier rendu aux promettants, personnes
physiques distinctes de la personne morale, seule bénéficiaire de ce service financier, la cour
d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les bénéficiaires des promesses litigieuses n'avaient consenti
à souscrire à l'augmentation du capital qu'en contrepartie de l'engagement de rachat des
actions pris par les promettants, dirigeants de la société Kilidis, membres du groupe
majoritaire et titulaires avant cette augmentation du capital de 50 % de celui-ci, que les
promesses d'achat ne sont donc que la contrepartie du service financier qui leur a été rendu
par la souscription des bénéficiaires à l'augmentation du capital et qu'ainsi lesdites promesses
ont eu pour objet d'assurer l'équilibre des engagements en garantissant aux bénéficiaires, qui
ont été avant tout dans cette opération des bailleurs de fonds, le remboursement de
l'investissement auquel ils n'auraient pas consenti sans lesdites promesses, la cour d'appel, qui
a ainsi répondu aux conclusions dont elle était saisie, a retenu à bon droit, abstraction faite du
motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que les promesses d'achat d'actions
litigieuses ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article 1844-1 du Code civil ; que le
moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi.

211
57.
Cour de cassation , chambre civile 3

Audience publique du 25 mars 2009

N° de pourvoi: 08-12237

Publié au bulletin

Cassation

M. Lacabarats, président

Mme Nési, conseiller apporteur

M. Cuinat, avocat général

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Roger et Sevaux, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1101 et 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 29 novembre 2007), que les époux X... ont consenti le
20 août 2004 à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’Alsace (SAFER)
une promesse unilatérale de vente de diverses parcelles de terre, enregistrée à l’initiative de la
SAFER le 23 août 2004 ; qu’ils ont retiré cette promesse le 25 août 2004 ; que la SAFER a
levé l’option par lettre recommandée du 7 septembre 2004 ; que la SAFER a assigné les
époux X... en réalisation forcée de la vente ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient qu’en l’absence de délai imparti à la
SAFER pour lever l’option, il appartenait aux époux X..., qui souhaitaient revenir sur leurs
engagements, de mettre préalablement en demeure le bénéficiaire de la promesse d’accepter
ou de refuser celle-ci ; qu’en l’absence de cette formalité leur “dénonciation” de leur
promesse était sans effet sur l’acceptation de la bénéficiaire, régulièrement intervenue le 7
septembre 2004 ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si le retrait par les époux
X... de leur promesse unilatérale de vente n’avait pas été notifié à la SAFER avant que celle-ci
ne déclare l’accepter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

212
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 novembre 2007, entre
les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d’appel de Colmar, autrement composée ;

Condamne la SAFER d’Alsace aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SAFER d’Alsace à payer à M. et


Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SAFER d’Alsace ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera
transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.

213
58.
Cour de cassation chambre commerciale

Audience publique du 5 mai 2009

N° de pourvoi: 08-17465

Publié au bulletin

Cassation

Mme Favre, président

Mme Michel-Amsellem, conseiller apporteur

Mme Batut, avocat général

Me Blanc, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que MM. X..., Y..., Z..., A..., C..., D..., E..., F... et Mme B... (les
consorts X...), associés de la société civile des Mousquetaires (la société des Mousquetaires),
en ont été exclus par différentes assemblées générales de 1998 à 2003 ; que le président du
Tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a, sur le fondement de l’article
1843-4 du code civil, désigné un expert avec pour mission de déterminer la valeur de rachat
des parts sociales ; que la cour d’appel a jugé que le président du tribunal avait excédé ses
pouvoirs en précisant dans sa motivation que l’expert devait “ procéder en toute liberté “ et “
écarter l’application de la méthode de calcul prévue par les statuts “ ; qu’elle a en
conséquence annulé l’ordonnance entreprise et, en vertu de l’effet dévolutif, a désigné le
même tiers évaluateur ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que la société des Mousquetaires soutient que le pourvoi formé par les consorts X...
est irrecevable en application de l’article 1843-4 du code civil qui précise que la décision par
laquelle le président du tribunal statue sur la demande de désignation d’un expert en
application de ce texte est sans recours possible ;

Mais attendu que le pourvoi est recevable contre une décision qui constate un excès de
pouvoir et en tire les conséquences qui s’imposent ;

214
Attendu que la société des Mousquetaires soutient encore que le pourvoi formé par les
consorts X... est irrecevable faute d’intérêt à agir puisque leur demande de désignation d’un
expert a été accueillie ;

Mais attendu que l’arrêt qui sanctionne la décision en ce qu’elle se prononce sur la méthode
d’évaluation du prix des parts par le tiers évaluateur fait grief aux consorts X... ;

D’où il suit que le pourvoi dirigé contre l’arrêt en ce qu’il a annulé pour excès de pouvoir la
décision désignant l’expert est recevable ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1843-4 du code civil ;

Attendu que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le
rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation,
par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du
président du tribunal statuant en la forme des référés ; que seul l’expert détermine les critères
qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer
ceux prévus par les statuts ;

Attendu que pour annuler l’ordonnance désignant l’expert, l’arrêt retient qu’en précisant dans
sa motivation que l’expert devait procéder en toute liberté et écarter l’application de la
méthode de calcul prévue par les statuts, alors, au contraire, que ce sont justement les statuts
qui doivent le guider, le président du tribunal a excédé ses pouvoirs ;

Attendu qu’en précisant la méthode à suivre par l’expert, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 novembre 2007, entre
les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société civile des Mousquetaires aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Publication : Bulletin 2009, IV, n° 61


Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 14 novembre 2007
Précédents jurisprudentiels : Sur les critères de fixation de la valeur des droits sociaux d’un
associé, dans le même sens que :Com., 19 avril 2005, pourvoi n° 03-11.790, Bull. 2005, IV,
n° 95 (rejet) A rapprocher :Com., 4 décembre 2007, pourvoi n° 06-13.912, Bull. 2007, IV, n°
258 (cassation partielle)

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