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La solidarité à travers les produits:


l'achat-geste écologique
Patricia Seror

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Market ing et responsabilit é sociét ale de l'ent reprise: Ent re civisme et cynisme
Pat ricia Seror

DEFERRAN
Nahla Hamdi

Différent iat ion des mot ivat ions à la consommat ion de produit s engagés et circuit s de dist ribut ion ut il…
fallat e soufian
XIIème CONGRES DE L'AFM

POITIERS - 22 et 23 mai 1996

La solidarité à travers les produits :


l'achat-geste écologique
Patricia THIERY-SEROR
IUT B - Département T.C.
17, rue de France
69 627 Villeurbanne Cedex
Tél : 78 03 43 55
Fax : 78 03 43 53

Résumé

Ce travail tente d'élargir les perspectives de recherche du comportement du


consommateur de produits écologiques en faisant intervenir une notion essentielle: la
solidarité. Elle peut s'exprimer à travers des produits de consommation associés à
une cause, qu'elle soit écologique, sociale ou humanitaire et servir ainsi de
fondement commun à l'existence de produits verts et de produits-partage. Nous
introduirons l'achat-geste, acte d'achat doublé d'un geste de solidarité, pour éclairer
notre approche. Puis, nous explorerons les conditions d'expression de l'achat-geste
écologique en tant que révélateur de valeurs sociétales émergentes.

Abstract

This work proposes to bring a new perspective on consumer behavior towards


ecological products by outlining an essential concept, that of solidarity. This solidarity
may be expressed through the purchase of products which are cause-related, be it
ecological, social or humanitarian. The concept of "cause-concerned" purchase will
be introduced to account for the emergence of new societal values expressed by
consumers through their purchase acts.
12e CONGRES DE L'AFM POITIERS - 22 et 23 mai 1996

"Nous produisons des choses et des hommes qui deviennent aussitôt


les conditions globales de notre vie à venir." Michel Serres (1992)

Introduction

Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons aux achats de produits associés à une
cause. Il peut s'agir de la cause écologique véhiculée par les produits verts, ou bien d'une
cause de solidarité sociale, ou humanitaire véhiculée par des produits dont une part des
bénéfices est reversée à un organisme caritatif. Nous ferons appel à une nouvelle notion,
l'achat-geste, pour décrire ce phénomène qui correspond à un acte d'achat doublé d'un geste de
solidarité. Il est à ce titre révélateur de valeurs sociétales émergentes en France (Cairncross
1993). Après avoir introduit l'achat-geste, nous concentrerons notre travail sur l'exemple
particulier de l'achat-geste écologique. Nous essaierons de le mettre en scène, c'est-à-dire de
décrire le contexte dans lequel il interviendra comme une possibilité nouvelle d'expression de
la solidarité à travers l'univers familier de la consommation. Nous interrogerons les notions de
conscience écologique et de valeur environnementale pour mieux en tracer les contours.
D'autres concepts essentiels comme la confiance et le sentiment de responsabilité, seront
autant de paramètres décisifs dans l'accomplissement de l'achat-geste. Enfin, une fois l'achat-
geste inscrit dans son contexte, quel sens peut-on envisager de lui donner ?

1. L'achat-geste

1.1. L'achat-geste, mode d'expression de valeurs

Dans un contexte d'échanges mondiaux où les produits les plus lointains nous parviennent au
quotidien, jamais le consommateur n'a disposé d'un tel choix. La variété de combinaisons
d'attributs des produits commercialisés inspire autant la liberté de choix qu'elle ne sème la
confusion. L'association d'une cause à un produit, en lui ajoutant une composante symbolique
forte, permet au consommateur d'exprimer certaines de ses valeurs comme élément de
préférence dans sa consommation. Ainsi en est-il de l'achat-geste, c'est-à-dire d'un achat qui,
au-delà de la satisfaction de ses besoins, permet à l'individu d'exprimer ses valeurs et d'y rester
fidèle. Notre conception de l'achat-geste nécessite que les produits concernés ne soient pas
uniquement le prétexte à une bonne action de la part de l'acheteur, mais répondent à un besoin
fonctionnel et que le soutien d'une cause se greffe à ce besoin initial. L'exemple classique est
celui des produits d'entretien respectueux de l'environnement. Ce sont des produits de grande
consommation en univers concurrentiel qui se distinguent des autres par leur fonction
symbolique de soutien de la cause écologique.
De nombreux travaux récents (Cairncross 1993, Miller 1994, Peixoto 1991, Rochefort 1995)
mettent en évidence l'importance croissante prise par ces gestes qui semblent montrer un
changement d'attitude de l'être humain à l'égard de son environnement. Ainsi, le philosophe et
historien des sciences Michel Serres (1992), a mis en évidence des changements
fondamentaux dans le rapport que l'homme entretient avec la terre, et notamment
l'élargissement à l'infini de la sphère des préoccupations et des responsabilités de l'individu. Il
met ainsi en évidence le difficile arbitrage entre le proche et le lointain, entre ce qui nous
touche directement et ce qui parait abstrait. Ceci remet en cause le précepte de Marc-Aurèle
selon lequel il y a des choses qui dépendent de nous, d'autres qui ne dépendent pas de nous, la
sagesse étant l'art de ne se préoccuper que des premières, précepte qui a gouverné la morale
occidentale jusqu'à nos jours.

THIERY-SEROR Patricia. La solidarité à travers les produits : l'achat-geste écologique.


12e CONGRES DE L'AFM POITIERS - 22 et 23 mai 1996

Dans l'élargissement de la sphère de nos préoccupations, les achats-gestes peuvent concerner


des causes nationales (solidarité sociale, médicale, ou économique), mondiales (l'aide
humanitaire), voire planétaires (l'écologie) et traduisent "la recherche d'une harmonie avec la
nature et les autres peuples, à l'échelle d'une planète devenue soudain si petite" (Maresca
1993 in Rochefort 1995, p.161).
Les achats de produits made in la nation du consommateur traduisent, il est vrai, un geste de
solidarité sociale et économique souvent destiné à protéger les emplois des compatriotes. Le
point commun avec les autres formes de solidarité réside dans un geste destiné à autrui ou à la
planète, en d’autres termes des bénéficiaires lointains et non-identifiables. Cependant une
nuance l’en distingue; les achats ethnocentriques, par définition, tendent à “privilégier le
groupe social auquel on appartient et à en faire le seul groupe de référence” (Le Nouveau Petit
Robert 1993, p.831). De fait, la coexistence de préoccupations humanitaires et
ethnocentriques laisse deviner, à l’intérieur même du concept d’achat-geste, des
comportements potentiellement complémentaires, mais vraisemblablement opposés.
Par ailleurs, la même réflexion mériterait d’être menée à propos des gestes en faveur de
l’humanité ou de la planète. La vision anthropocentrique de l’aide humanitaire semblerait
s’opposer à la vision planétaire de l’écologie. Et pourtant ne s’agit-il pas de notre planète et ne
la protégeons-nous pas pour mieux en bénéficier ? Et les autres hommes ne font-ils pas partie
de la nature et de la planète ?
Décidément, cette solidarité à distance peut s’exercer à différents niveaux sans doute
imbriqués et interdépendants, et cette distance n’est pas tant kilométrique que psychologique.

1.2. L'achat-geste, acte de solidarité à travers les produits

L'achat-geste est un acte d'achat doublé d'un geste de solidarité. Cette approche suggère une
dimension citoyenne de l'individu en situation de consommation. "En s'associant à des causes
humanitaires et sociales, les marques de produits de consommation et les distributeurs leur
proposent (aux consommateurs) des actes de petite solidarité faciles à réaliser." (Rochefort
1995). Cette petite solidarité dont parle le directeur du Crédoc est également applicable aux
produits verts, qui soutiennent la cause écologique du respect de l'environnement. Il s'agit là
d'inscrire au quotidien, jusque dans sa consommation privée, un geste de petite solidarité pour
une grande cause, ou plutôt plusieurs petits gestes répétés de solidarité, ancrés dans le
quotidien de la consommation, temple de l'individualisme. Comme la télévision fait entrer au
coeur des foyers les grands phénomènes de société (Miller 1995), la distribution y fait entrer
les grandes causes sociales par l'entremise de produits. Ces produits sont un mode
d'objectification d'une cause à travers un acte d'achat, dont la dimension symbolique prend le
pas sur la dimension fonctionnelle. Dans le cas d'un produit peu impliquant, le produit peut
être relié aux valeurs du consommateur par l'intermédiaire du symbole, par sa valeur de signe.
Dans le cadre de l'achat-geste, la forte implication peut concerner le symbole plus que l'objet.
Les lessives sans phosphates ou des piles électriques sans mercure en sont un exemple
probant. L’implication peut alors devenir plus forte lorsqu’un produit de consommation
courante s’associe à une cause. Les consommateurs disposent ainsi d'une nouvelle forme de
"pouvoir d'achat" qui s'apparente à un vote en faveur d’une cause.

L'entreprise joue un rôle médiateur essentiel dans la relation de l'homme à son environnement,
et en s'engageant pour des causes, les entreprises pratiquent le marketing sociétal. Serait-ce
une façon de se légitimer ? Quoiqu'il en soit, le choix de l'argument humaniste ou écologique
correspond à une tendance de fond, à une orientation vers un aspect non utilitaire (au sens
économique du terme) du produit, véhicule de symboles plus forts. Même si l'impulsion vient

THIERY-SEROR Patricia. La solidarité à travers les produits : l'achat-geste écologique.


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de l'entreprise (sous contrainte ou spontanément), il revient aux consommateurs de décider ou


non de l'encourager. En ont-ils vraiment conscience ?

1.3. Produit-geste, produit-partage

La différence essentielle entre le produit-geste et le produit-partage tient dans la façon dont


l'engagement de l'entreprise se manifeste. Le produit-geste est issu de l'engagement de
l'entreprise pour une cause. Le produit-partage est le résultat de l'association entre une
entreprise et un organisme soutenant une cause, produits dont une petite partie des bénéfices
est affectée à celle-ci soit directement, soit par l'intermédiaire du consommateur qui doit
renvoyer un coupon figurant sur l'étiquette du produit. Les définitions des produits-gestes et
des produits-partages sont à envisager sous l'angle de l'entreprise, car c'est elle qui décide
d'associer ses produits à une cause, même si le consommateur ne les perçoit pas toujours
comme tel. Ces produits existent dans plusieurs pays, mais nous citerons ici quelques
exemples français recensés par le directeur du Crédoc (Rochefort 1995) :
- en 1993, la marque de café Stentor reverse 50 centimes par paquet de café de 1 kg vendu à
l'association Pharmaciens Sans Frontières (Résultat : 500 000 Francs ), puis à Enfance et
Partage et au Secours Populaire dans un deuxième temps;
- pour Noël 1993, Lancôme a reversé 10F par produit vendu de la ligne Trésor à la fondation
Abbé Pierre (Résultat : 2 millions de francs)
- La même année, la marque d'eau minérale Evian (groupe Danone) a inventé le "libre choix"
humanitaire en reversant 20 centimes à l'association choisie par le consommateur parmi quatre
proposées. (Résultat : 8 millions d'étiquettes collectées pour les Restos du coeur, l'Unicef,
Médecins Sans Frontières et la Croix Rouge).
Quant à Mac Donald, il réalise dans certaines régions de France depuis maintenant 10 ans, une
opération similaire mais plus ponctuelle (le Big Mac Don) en reversant 10F par Big Mac
acheté un jour J à un ou plusieurs organismes d'aide à l'enfance.

1.4. L'achat-geste, acte volontaire et conscient

Un constat s'impose : les produits-partage concernent souvent des causes humanitaires et


sociales alors que le même principe peut également s'appliquer à des causes écologiques,
comme par exemple la protection des animaux sauvages (Schlegelmilch 1994). En effet, la
cause écologique est plus souvent promue par des produits-gestes comme les éco-produits ou
les éco-recharges. Pour clarifier notre approche, nous distinguerons plusieurs types d'éco-
produits. Dans un cas, c'est la composition du produit qui est conçue pour respecter
l'environnement : les lessives sans phosphate, les piles sans mercure, les produits d'entretien à
fort taux de biodégradabilité; dans l'autre cas, c'est l'emballage qui joue ce rôle : emballage
recyclable, emballage biodégradable, emballage "allégé" (éco-recharges). Il arrive que les
deux éléments écologiques se combinent sous forme d'un emballage et d'un produit plus
respectueux de l'environnement. Nous excluerons du champ de nos investigations les produits
dont l'achat ne correspond pas à une démarche volontaire et engagée du consommateur dans le
sens où il n'effectue pas de choix en univers concurrentiel. Citons l'exemple de l'essence sans
plomb qui est imposée aux automobilistes en possession d'une voiture récente, ou celui des
produits dont l'emballage est recyclable mais n'intervient pas de manière déterminante dans
l'acte de vente.

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Les produits dont le procédé de fabrication ou de transport est écologique nous intéressent
dans la mesure où l’entreprise communique sur cet aspect auprès du grand public, ce qui ne
représente pas la majorité des cas. Ces produits ne peuvent pas faire l'objet d'un achat-geste.
L'achat-geste se distingue du simple acte d'achat du fait du consommateur qui effectue alors
un achat engagé, volontaire et conscient de soutenir une cause.

1.5. Un engagement légitime ?

Les bénéfices liés aux ventes du produit-geste reviennent dans leur intégralité à l'entreprise
qui s'engage pour une cause; alors qu'une partie des bénéfices est reversée à une association
indépendante de l'entreprise dans le cas d'un produit-partage. Dans le premier cas,
l'engagement de l'entreprise est permanent et c'est l'entreprise que les consommateurs
encouragent en achetant le produit, dans l'autre il a un caractère plus ou moins ponctuel et
l'encouragement s'adresse plutôt aux organismes soutenant une cause. Bien entendu, on peut
objecter que certains consommateurs achètent ce type de produits sans nécessairement vouloir
soutenir une cause mais uniquement pour les autres composantes de ces produits.
Une des limites des produits-partage tient au fait que l'immatériel humanitaire est plaqué
artificiellement sur un produit (Rochefort 1995), ce qui pose la question de la légitimité et
donc de la crédibilité de l'élan humanitaire de ces entreprises qui pourraient être soupçonnées,
parfois à juste titre, d'utiliser une cause pour mieux vendre leur produit. Est-ce, dans ce cas, le
produit qui soutient la cause ou la cause qui soutient les ventes du produit ? Et pourquoi pas
une synergie bénéfique aux deux parties prenantes ? Cette stratégie risque toutefois de se
retourner contre l'entreprise émettrice, si elle agit en contradiction avec ses engagements en
dehors de l'opération.
Les produits verts tiennent leur spécificité de l'indissociabilité des produits à la cause
écologique. L'indissociabilité physique se vérifie lorsque la composante écologique fait partie
de l'écoproduit, mais pas dans le cas des éco-recharges où la composante écologique est dans
le conditionnement mais pas systématiquement dans le produit. L'indissociabilité symbolique
semble acquise si l'on considère que tout produit est potentiellement polluant. La légitimité de
ces actions apparaît plus clairement, si ce n'est qu'il peut paraître difficile d'admettre qu'un
produit soit à la fois la cause d'un problème et un acteur de sa solution. Le problème de la
crédibilité aussi reste entier quant à la réelle détermination des entreprises concernées à
protéger l'environnement et à la cohérence de leur comportement d'ensemble avec les valeurs
promues à travers leurs produits. Ces deux formes de solidarité (produit-geste et produit-
partage) peuvent bien sûr se combiner.

Une autre forme de solidarité proposée à travers l'achat de produits se manifeste par
l'engagement d'une entreprise dans une charte sociale. La marque de jeans Levi's en est un
exemple intéressant (Rochefort 1995). Elle s'est engagée à ne fabriquer ses jeans que dans des
pays respectant un minimum les droits de l'homme comme l'absence de travail des enfants ou
des prisonniers. Dans de tels cas, la légitimité devient possible et l'engagement chargé de
sens. Ces jeans s'apparentent alors à des produits-gestes mais leurs acheteurs n'effectueront un
achat-geste que dans la mesure où Levis communiquera sur cet engagement et où les clients
choisiront et achèteront ces jeans en connaissance de cause. Cet engagement par
l'intermédiaire d'une charte est également envisageable pour les éco-produits.

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Conclusion

Le champ d'action de l'achat-geste semble vaste, comme nous venons de le montrer, et c'est
pourquoi nous nous limiterons dans cet article à l'étude de l'achat-geste écologique. L'écologie
appelant à s'intéresser à la sphère la plus large de nos préoccupations, elle sera choisie comme
thème dominant dans ce travail. "Le champ ouvert par l'écologie est de ce fait extrêmement
large, il va de l'aspiration au bien-être, qui recouvre un ensemble de préoccupations
individuelles, à une philosophie de la nature dont le contenu varie en fonction des
caractéristiques socio-culturelles" (Maresca 1993 in Rochefort 1995, p.161).

2. Impact de la conscience écologique sur l'acte d'achat

2.1. Ecologie, environnement, nature : la confusion

Quand faut-il parler d'écologie, d'environnement et de nature? Avant d'aller plus loin dans
l'étude des conditions de développement de l'achat-geste, il convient d'explorer les nuances de
la terminologie, révélatrices de modes de pensée divergents à l'égard du rapport homme-
nature.

L'environnement est "l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques)


et culturelles (sociologiques) dans lesquels les organismes vivants (en particulier l'homme) se
développent." (Le Nouveau Petit Robert 1993, p.787)
La nature est "ce qui, dans l'univers, se produit spontanément, sans intervention de
l'homme." (Le Nouveau Petit Robert 1993, pp.1472-1473). Elle serait donc pure extériorité.
L'environnement se distingue de la nature en ce sens qu'il est constitué par la nature et le
construit humain (Maldonado 1972), c'est-à-dire que la nature est pensée par l'homme à
travers une culture et que cette réfraction constitue la notion d'environnement.
Dans un article intitulé Crimes against the ecosphere, Stan Rowe commente ainsi le rapport
de 1985 proposé par la commission de réforme des lois au Canada (Ferry 1992):
"Le rapport intitulé "Crimes contre l'environnement" accepte le parti pris anthropocentriste
(homocentrique) traditionnel selon lequel l'environnement n'est rien d'autre que ce suggère son
étymologie : le simple contexte qui entoure les choses de plus grande valeur - à savoir les
gens. En ce sens vulgaire, l'environnement n'est que périphérique et son concept est
intrinsèquement péjoratif. Il est donc logique, dans ces conditions, que la défense de
l'environnement ne soit conçue qu'en termes d'utilité pour les hommes. Il n'est qu'une valeur
sociale et un droit, non une chose possédant une valeur intrinsèque." Dans les discours relatifs
à l'écologie, le terme "nature" est progressivement remplacé par le terme "environnement",
signe de la prééminence de la vision anthropocentriste classique dans notre culture des
rapports homme-nature. Rappelons l'origine du mot écologie. Forgé vers 1866 par un
biologiste allemand, Ernst Haeckel, il résulte de la fusion de deux racines grecques : oikos
(maison,habitat) et logos (discours). Etymologiquement, l'écologie est donc la science étudiant
les interactions entre les organismes (êtres vivants) et leur milieu de vie.

Le choix du terme environnement dans ce document n'est effectivement pas neutre mais
semble être le plus adapté à notre sujet dans son acception de vision humaine de la nature et
pouvant supporter l'idée de leur interaction. Ainsi au fil de ce travail, le terme environnement
prédominera dans le souci d'être en phase avec le vocabulaire usuel et celui des différentes
recherches dans ce domaine. Une exception sera faite lors de l'étude des rapports de l'homme
avec la nature pour distinguer plus aisément les différentes conceptions existantes de

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l'environnement. Par ailleurs, précisons que les individus peuvent avoir une conception
explicite ou implicite de la notion d'environnement et qu'elle est susceptible d'évoluer dans le
temps.

2.2. L'environnement, une donnée de consommation

A la recherche de références solides, notre société a hissé l'environnement au rang de valeur.


Son respect prend une dimension d'engagement pour une cause. La conscience
environnementale des consommateurs est vue comme la tendance marketing de notre
décennie (Ottman 1992, Kirkpatrick 1990). "Le marketing est en train de changer
d'orientation. Il s'éloigne de la vision selon laquelle il représente uniquement les intérêts des
entreprises, à savoir : que produire et comment le vendre ? Maintenant,...(il s'intéresse) au
bien-être des producteurs, des consommateurs et de la société dans sa
globalité" (Schlegelmilch 1994). Vivre dans le respect de l'environnement va influencer le
quotidien des français, et donc leur mode de consommation. Lors de la "révolution verte " des
années 80, les entreprises françaises ont assisté à un changement radical du comportement des
consommateurs avertis des dangers des CFC (les chlorofluorocarbones sont suspectés de nuire
à la couche d’ozone de la stratosphère) et des pesticides. Cette mobilisation des
consommateurs, largement initiée et relayée par les médias, a été une des premières
manifestations du pouvoir et de la volonté des consommateurs en termes environnementaux.
Depuis, les consommateurs français semblent s'être démobilisés. Mais, à l'instar de leurs
voisins européens (ex : l'Allemagne), ils pourraient devenir plus explicites dans leurs
demandes et utiliser leur pouvoir d'achat comme un vote économique afin d'initier un
changement social et environnemental (Dembkowski et Hanmer-Lloyd 1994). Ce type de
comportement s'apparente à celui du consommateur doté d'une conscience sociale (Socially
conscious consumer) qui "prend en compte les conséquences publiques de sa consommation
privée ou qui essaye d'utiliser son pouvoir d'achat pour amener des changements dans la
société" (Webster 1975 in Joy et Auchinachie 1994).

Selon un sondage CSA (Science et Avenir 1990) de Juin 1990, 81 % des français déclarent
que la protection de la nature est plus importante que la croissance économique et 57 %
estiment que l'environnement est un des problèmes majeurs de l'avenir de notre société (contre
35 % en 1988). Trois années plus tard, une étude réalisée par l'Ined (Population & Société
1993) à la demande du ministère de l'environnement livre qu'une très grande majorité des
personnes interrogées (82 % sur 4179 répondants), et en particulier les plus jeunes, perçoivent
la situation de l'environnement comme "réellement inquiétante". Seulement 15 %, plutôt des
personnes âgées, pensent qu'on exagère la gravité des problèmes environnementaux. Les
français ont une sensibilité environnementale de plus en plus forte. Selon une enquête de
consommation du Crédoc en 1994 (in Rochefort 1995, pp.165-166), 38% des consommateurs
français pensent acheter plus de produits verts que maintenant, 48% autant et seulement 7%
moins. En achetant ces produits, 60% pensent contribuer d'une façon très ou assez importante
à la protection de l'environnement, contre 36% qui sont d'un avis contraire. Pourtant, les
produits verts représentent en France moins de 1% de la consommation totale des ménages en
1993 et environ 7% des ventes de produits (Levi 1993).
Bien que de nombreuses études insistent sur le fait qu'une large majorité des populations
industrialisées se sente généralement concernée par l'environnement, il reste qu'une part
marginale de ces préoccupations se traduit par des achats de produits verts. Le marché français
des consommateurs verts semble donc encore à l'état de marché potentiel.
Tout au long du travail qui va suivre, nous nous emploierons à comprendre les moteurs et les

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freins de l'achat-geste écologique .

2.3. Conceptualisation de la conscience environnementale

2.3.1. Revue de la littérature

Depuis les années 70, l'environnement est devenu une question importante pour le grand
public. Elle a généré des recherches sur les attitudes des gens face aux questions
environnementales ainsi que des mesures de la préoccupation environnementale du public. De
nombreuses échelles d'attitude sur ce thème font intervenir des notions comme les croyances,
le degré de connaissance, les intentions et les comportements du consommateur. Les
recherches réalisées en sociologie se distinguent par plusieurs aspects (Van Liere et Dunlap
1981)
1) d'une part, certaines études prennent en compte différents aspects de l'environnement
séparément (ex : pollution, ressources naturelles, protection de la vie sauvage, ou population),
alors que d'autres les agrègent pour former une mesure unique de ce construit ;
2) d'autre part, les mesures existantes diffèrent dans leur conceptualisation théorique. Ces
variations sont dues aux différentes hypothèses de ce qui constitue la sensibilité
environnementale :

- la perception de la gravité des problèmes environnementaux,


- le degré de connaissance des problèmes environnementaux,
- le soutien aux dépenses gouvernementales pour la protection de l'environnement,
- le soutien des réformes pour la protection de la qualité de l'environnement, et/ou
- l'implication réelle dans des comportements pro-environnementaux.
3) A cela s'ajoute le fait que les construits n'étant pas mesurés sur les mêmes bases, il y a peu
de corrélations entre les mesures. De plus, les études sont souvent basées sur des échantillons
assez homogènes, d'où la difficulté d'isoler des variables socio-démographiques...

Après étude des différentes recherches effectuées sur ce thème et pour toutes les raisons
évoquées plus haut, Van Liere et Dunlap en concluent qu'il n'y a pas équivalence entre les
différents types de mesures de la sensibilité environnementale. Sans vraiment poser la
question cruciale de la définition de ce construit, les chercheurs s'opposent dans leurs
propositions pour son évaluation : est-il unidimensionnel (Dunlap and Van Liere 1978) ou
tripartite ? (Banerjee et Mc Keage 1994) La revue de la littérature réalisée par Martin et
Simintiras (1994) met en lumière la convergence vers une multidimensionnalité du construit
de conscience environnementale, celle-ci ayant été conceptualisée dans bien des cas comme
une attitude avec ses trois composantes : cognitive, affective, conative.

L'hétérogénéité dans la conceptualisation de la sensibilité environnementale et les difficultés


rencontrées dans la recherche de corrélations entre cette sensibilité et le comportement d'achat
montrent que ce construit n'a pas encore trouvé de contours et de contenu clair et satisfaisant.
Alors que se dessine l'idée selon laquelle la solution aux problèmes passe plus par l'étude des
comportements pro-environnementaux que des attitudes pro-environnementales, les raisons
d'une faible relation entre les attitudes et les comportements environnementaux et les
conditions dans lesquelles elles peuvent se renforcer méritent réflexion.

2.3.2. Définition de la conscience écologique


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Tout d'abord, il est important de clarifier le terme de conscience écologique qui est
indifféremment employé en lieu et place de la sensibilité environnementale, de la conscience
environnementale ou de l'environnementalisme. Que choisir ? Ces notions n'ont pas de
définition consensuelle dans la "littérature" internationale, ce terme étant né d'un langage
politique et du langage de tous les jours. Il s'agit néanmoins d'un des principaux construits
utilisés pour expliquer le comportement du consommateur conscient de son environnement. A
ce titre, le choix d'une terminologie cohérente en correspondance avec la terminologie anglo-
saxonne s'impose.

Les anglo-saxons parlent de environmental concern, mais ils utilisent aussi les termes de
ecologically concerned consumer ou ecologically conscious consumer dès lors qu'il s'agit des
individus. Ainsi, ils introduisent parfois la notion de conscience et l'assimilent implicitement à
la préoccupation ou à la sensibilité. En langue française, environmental concern n'a pas
d'équivalent immédiat évident et l'on utilise plus facilement les termes de sensibilité
environnementale, de conscience écoloqigue ou éventuellement de préoccupation
environnementale et on parle des individus en tant que consommateurs verts.

L'environnementalisme, dérivé de l'anglais environmentalism est défini comme la "science de


l'environnement" (Robert & Collins compact 1993, p.719), et sort par conséquent du thème de
cette réflexion. Quant à la sensibilité environnementale, elle relève plutôt de la réaction
affective, de la sensation et semble à cet égard une notion incomplète.
Par contre, le terme de conscience est chargé de sens et il convient de s'interroger sur la
pertinence de son emploi dans de telles recherches. Conscience vient du latin conscientia,
connaissance. Elle est définie comme "la faculté qu'a l'homme de connaître sa propre réalité et
de la juger" (Le Nouveau Petit Robert 1993, p.445). Dans le cadre d'une réflexion sur l'achat-
geste écologique, cette notion nous intéresse dans sa double acception :
- la conscience psychologique en tant qu'"ensemble des opinions, des convictions, des
croyances de quelqu'un" et dans le sens où l'on réalise l'importance d'un phénomène, et
- la conscience morale en tant que faculté ou fait de porter des jugements de valeur sur ses
actes" et dans le sens où certains de nos actes liés à l'environnement sont teintés selon les cas
de bonne ou mauvaise conscience.
Rabelais ne disait-il pas : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" ?
Nous emploierons donc indifféremment les termes de conscience environnementale ou
écologique dans le sens où écologique signifie dans le language courant "respectueux de
l'environnement" (Le Nouveau Petit Robert 1993, p.711).

Banerjee et Mc Keage (1994) proposent alors une conceptualisation intéressante de ce qu'ils


nomment l'environnementalisme sous forme de 4 types de croyances :
1) Croyance en la relation homme-nature : L'environnementalisme "traduit" la croyance selon
laquelle l'humanité et l'environnement biophysique sont interdépendants rejetant la vision
selon laquelle les hommes ont l'intention de dominer la nature,
2) Croyance de l'importance de l'environnement pour soi. Cela implique une utilité
personnelle, un intérêt pour les questions environnementales, et le sentiment de connexion
avec l'environnement,

3) Croyance que les conditions environnementales actuelles sont un problème sérieux auquel

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le monde doit faire face,


4) Croyance que des changements radicaux dans le mode de vie courante et les systèmes
économiques sont nécessaires pour éviter la dégradation de l'environnement.
Cette conceptualisation permet des variations dans les degrés d'environnementalisme selon la
force de leurs convictions.

Quelques remarques s'imposent sur cette définition :


1) La croyance de la relation homme-nature nous semble plutôt intervenir au niveau des
conceptions de l'homme dans son rapport au monde, ce que nous considérons comme
important mais distinct du concept de conscience écologique.
3) La définition de Banerjee et Mc Keage semble complète et claire mais elle est lourde à
manipuler et ressemble plus à une opérationnalisation d'un concept destinée à le tester qu'à
une définition parcimonieuse.
4) La volonté d'action en faveur de l'environnement n'est pas le corrollaire systématique de la
conscience écologique. Est souvent faite l'hypothèse implicite de la reconnaissance d'un
problème ou d'un phénomène entraînant la volonté d'agir en conséquence. Cette hypothèse
forte reste à démontrer.

Compte-tenu de ces remarques, voici notre conception de la conscience écologique :


la conscience écologique est la conscience des menaces qui pèsent sur l'environnement du fait
de l'amplification des activités humaine et économique sur la planète.

2.4. Conceptualisation du consommateur écoconscient

Nous sommes de plus en plus confrontés à la controverse écologie/marché. Un facteur-clé de


cette controverse est le consommateur qui, par ses décisions personnelles de consommation,
va contribuer à préserver l'environnement ou à le détériorer. Pour les écologistes engagés, le
consommateur vert est un paradoxe puisque pour eux il s'agit de consommer moins et non pas
autrement !... Dans une optique marketing, nous nous intéresserons aux consommateurs qui
choisissent des produits plus propres en lieu et place de produits polluants.

Nous emploierons indifféremment les termes éco-produits et produits verts dans ce document
selon la définition suivante : "Un éco-produit doit respecter l'environnement à tous les stades
de vie : depuis l'extraction des matières premières jusqu'aux conditions de son élimination.
Ces stades peuvent être décrits de la façon suivante : extraction des matières premières,
production, distribution, utilisation, entretien, possibilité de récupération et de
recyclage. ..." (Ventere 1989)

2.4.1. Revue de la littérature

Une étude BVA de 1991 (Peixoto 1991) propose une typologie des consommateurs selon leur
attitude face à l'environnement. Ils sont répartis en écogroupes qui peuvent toutefois varier
selon les segments de marché des produits verts et selon le type de produit impliqué. L'étude
distingue 5 écogroupes :

- Les "écoresponsables" (18%) vivent l'environnement avec une forte implication dans les

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gestes quotidiens. Ce sont eux qui respectent le plus l'environnement. Ils achètent
systématiquement des produits dits écologiques même s'ils n'ont pas de label tout en sachant
qu'ils peuvent être dupés, et ce, pour témoigner de leur engagement.
- Les "écodurs" (15%) sont contre tout ce qui a trait au progrès, à la société d'abondance. Ils
rejettent tout produit vert s'il n'a pas de label contresigné par une association écologique qui
crédibilise son positionnement.
- Les "désabusés" (25%) font des compromis car ils acceptent la société de progrès même si
elle génère des pollutions. Ils refusent d'acheter des produits verts s'ils sont plus chers.
- Les "écoconfiants" (22%) ont plutôt un haut niveau de vie. Ils font confiance aux industriels
et aux pouvoirs publics pour trouver des solutions aux problèmes d'environnement. Ils
adhèreront aux labels mais ne voudront pas de produits moins séduisants
- Les "écodistants" (20%) ne font pas de l'environnement une priorité. Ecologie et économie
sont selon eux incompatibles. Ils mettront en doute l'efficacité des éco-produits.

Kinnear, Taylor et Ahmed (1974) ont essayé de dégager le profil des consommateurs
concernés par l'écologie à partir d'une étude empirique sur les relations entre les
caractéristiques socio-démographiques, les traits de personnalité des consommateurs et leur
sensibilité à l'écologie. Ils ont mesuré le concept de sensibilité environnementale par l'attitude
exprimée par les consommateurs sur l'environnement ainsi que par le déclaratif sur leurs
comportements d'achat. Il en ressort que les variables socio-démographiques sont de piètres
indicateurs du degré de sensibilité à l'écologie, et que les traits de personnalité semblent un
peu plus révélateurs. Dans leur revue de la littérature, Joy et Auchinachie (1994) ont fait état
des recherches sur les variables de segmentation pour obtenir des profils de consommateurs
sensibles à l'environnement (ecologically concerned consumers).
Ils ont recensé 16 articles proposant des variables de segmentation pour déterminer leur
profil : socio-économiques, personnalité, attitude, orientation politique, race, degré de
connaissance, cycle de vie, sexisme, etc... Ils en concluent que les résultats ne sont ni
significatifs ni cohérents.

2.4.2. Définition du consommateur écoconscient

Il est difficile de traduire ecologically concerned consumer à moins de dire : consommateur


concerné par l'environnement dont la terminologie est lourde et où la notion de conscience
disparaît. Il existe aussi ecologically conscious consumer pour établir le parallèle avec
socially conscious consumer et qui pourrait se traduire par consommateur écologiquement
conscient ce qui présente l'avantage de cohérence avec la notion de conscience mais n'est pas
très élégant. L'appellation consommateur vert correspondrait à un raccourci appréciable de ce
concept mais à condition que le terme vert n'implique pas obligatoirement une action en
faveur de l'environnement. Il serait intéressant d'employer une nouvelle terminologie capable
de satisfaire toutes ces exigences; le terme écoconscient en serait une intéressante.

Un consommateur écoconscient est un consommateur doté d'une conscience écologique, c'est-


à-dire, en reprenant le concept du socially conscious consumer décrit plus haut et en
l'adaptant, "un consommateur qui prend en compte les conséquences environnementales
collectives de sa consommation individuelle ou qui serait susceptible d'utiliser son pouvoir
d'achat pour contribuer à la protection de l'environnement".
Par contre, si l'on fait abstraction de la notion de consommation, l'individu doté d'une
conscience écologique sera appelé individu écoconscient.

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Maintenant que les concepts de conscience écologique et de consommateur écoconscient sont


clarifiés, se pose la question de savoir quelles sont les conditions pour que la conscience
écologique s'exprime à travers un achat-geste parmi d'autres modes d'expression possibles ?

3. Les conditions d'expression de l'achat-geste écologique

3.1. Cadre théorique

La sensibilité environnementale peut être liée aux valeurs centrales d'une personnalité, aux
attitudes envers les produits ou encore au comportement visible (Böcker, Hausruckinger et
Herke 1991). Seront étudiées ici les relations entre valeurs, attitudes et comportements pour
tenter d'expliquer comment cette "nouvelle" valeur est susceptible d'influencer le
comportement du consommateur. Ce travail s'inscrit dans le courant de recherche des modèles
moyens-fins que Gutman (1982) définit comme "des modèles qui tentent d'expliquer en quoi
le choix d'un produit ou service contribue à la réalisation d'états finals désirés".

Le modèle de Vinson, Scott et Lamont (1977) essaye de tracer des liens entre les principaux
attributs d'un produit perçus par le consommateur, les actes d'achat et les valeurs.
Dembkowski et Hanmer-Lloyd (1994) étudient le système Wimmer, qui propose une
application du système Valeurs-Attitudes de Vinson, Scott et Lamont pour expliquer les
comportements d'achat et de consommation liés à une conscience environnementale en
intégrant les influences du système de valeurs individuel. Les trois niveaux du modèle
forment un réseau hiérarchique inter-relié et représentent différents degrés d'abstraction :
- Les valeurs générales (culturelles) qui concernent les états finals désirés de l'existence et les
comportements associés,
- Les valeurs spécifiques à un domaine, et notamment les croyances relatives aux activités de
consommation (de produits respectueux ou non de l'environnement),
- Les évaluations d'attributs de produits.
Filser (1994) souligne qu'une conséquence importante de cette analyse est de reconnaître une
relative autonomie au comportement du consommateur par rapport aux valeurs culturelles :
"... la lenteur des évolutions culturelles est telle que l'essentiel des changements dans les
comportements de consommation n'est pas directement influencé par la culture."

En s'appuyant sur cette hiérarchie des valeurs proposée par Vinson, Scott et Lamont (1977), la
réflexion que nous soumettons ici introduit plusieurs notions essentielles : le concept de soi, la
notion de responsabilité, et le degré de confiance. Ces concepts se combinent à la conscience
écologique pour aboutir à différents modes d'expression des convictions des consommateurs.
L'attachement à la cause écologique peut s'exprimer à travers l'acte d'achat et correspond à la
fois à la satisfaction personnelle immédiate d'être fidèle à ses valeurs jusque dans ses actes de
consommation et à la satisfaction médiate d'avoir un jour un impact en faveur de cette cause.

3.2. Valeurs, valeur

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3.2.1. Le système de valeurs

Les sciences sociales font classiquement appel aux travaux de Kluckhohn (1951) pour définir
les valeurs, "conceptions implicites ou explicites du désirable, propres à un individu ou à un
groupe, qui influencent le choix parmi les modes, moyens ou fins possibles de l'action". Le
concept de valeurs intègre des éléments socio-culturels et personnels. Rokeach (1968) définit
une valeur comme "une conviction persistante qui guide les actions et jugements au travers de
situations spécifiques et au-delà d'objectifs immédiats vers de plus ultimes états finals de
l'existence". Rokeach ajoute que les valeurs ne reposent pas seulement sur les besoins des
individus mais prennent aussi en compte des facteurs sociétaux et autres facteurs extérieurs.
Ces valeurs sont considérées comme des principes importants guidant les comportements de
quelqu'un tout au long de sa vie. Dans ses travaux, Rokeach (1968, 1973) a distingué les
valeurs finales (objectifs poursuivis) des valeurs instrumentales (les moyens de les atteindre).
La valeur environnement propre s'apparente à une valeur finale selon sa terminologie alors
que le comportement est instrumental pour la réalisation d'états de valeurs spécifiques.
Rokeach propose 18 valeurs finales et 18 valeurs instrumentales dans sa RVS (Rokeach
Value Survey). Les valeurs qu'il propose sont des valeurs très générales. Elles ont été traduites
et adaptées par Aurifeille (1993) ainsi que par Schwartz et Bilsky (1993).

3.2.2. La valeur environnementale

Le préalable à la volonté de protéger l'environnement est la prise de conscience du phénomène


environnemental, c'est-à-dire la reconnaissance d'un problème.
Deux attitudes s'opposent :
- celle des individus qui considèrent que l'environnement est un faux problème ou que la
question est exagérée, ou encore qu'il faut laisser le soin aux générations futures de résoudre
leurs problèmes, et
- celle des individus qui perçoivent la situation de l'environnement comme réellement
inquiétante et qui se rattachent à notre définition de la conscience écologique.

Parmi les individus préoccupés par la situation de l’environnement, certains n’oeuvrent pas en
faveur de sa protection pour de multiples raisons :
- soit parce qu’ils estiment que la nature est capable de s'adapter aux modifications apportées
par l'homme. Les créationnistes peuvent être définis comme des personnes qui croient que les
ressources sont illimitées puisque les hommes ont la capacité de créer de nouvelles ressources
par le biais de la technologie et de la créativité (Joy et Auchinachie 1994). Les recherches en
marketing ont confirmé qu'une large part de la population adhère aux idées créationnistes et
croit qu'il n'y a aucune crise puisque la technologie viendra toujours à bout des dilemmes
environnementaux actuels;
- soit parce qu'ils sont face à une double-contrainte telle que la décrit Terrasson (1991) :
"Toute société, tout individu a tendance à définir la nature comme étant ce qui ne dépend pas
de notre volonté. Or, la protection de la nature est une intervention volontaire...Protéger, c'est
détruire";
- soit parce qu'ils sont en situation d'indécidabilité, face aux incertitudes des scientifiques qui
ne sont pas toujours unanimes quant à l'impact des activités humaines sur l'environnement.

Van Raaij (1995) a proposé une hiérarchie des excuses mises en avant par les individus pour
expliquer leur absence de comportements pro-environnementaux. Il distingue huit stages qui
représentent des lignes de défense et de résistance au changement susceptibles de tomber les

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unes après les autres grâce à la prise de conscience de plus en plus grande des liens de cause à
effet entre leur comportement de consommateurs et la dégradation de l'environnement.
Ces huit étapes sont :
1) Ignorer le problème; le considérer comme un faux problème
2) Changer ses connaissances et ses attitudes, mais dissonance du comportement
3) Accuser les autres acteurs, leur attribuer le phénomène par manque de motivation
4) Faire confiance aux solutions technologiques
5) Déformer le problème, minimiser ses propres possibilités
6) Accepter son manque de motivation et se sentir coupable
7) Céder partiellement, seulement pour les changements à faible coût comportemental
8) Changer de comportement, même pour ceux qui ont des coûts comportementaux élevés.

Nous venons de le voir, ne pas effectuer d'achat-geste ne signifie pas être incohérent avec ses
valeurs et convictions. Par ailleurs, ne pas s'exprimer en faveur de l'environnement (appelé ici
non-expression) ne signifie pas être contre l'environnement mais y être indifférent, manquer
de confiance, ou alors être en situation d'indécidabilité due à des informations floues,
controversées et parfois insuffisantes. Une vision manichéenne et systématique du monde
consiste à "comprendre le monde en fonction de paires de concepts opposés" (Watzlawick
1988). S'abstenir ou nier l'opposé n'ont pas la même signification. C'est ce que tente
d'expliquer le philosophe norvégien J. Elster (cité dans Watzlawick 1988) avec les concepts
kantiens de négation passive et de négation active. Cette situation alimente la métaphore du
vote et représente ainsi l’abstentionnisme.

Quant aux individus écoconscients, ils pensent qu'il faut protéger l'environnement pour une
vie meilleure présente et future sur la planète et intégrent la valeur "environnement propre"
dans leur système de valeurs personnel. Celle-ci peut révéler de multiples facettes, liées à
l’interprétation que chacun lui donnera.

3.2.3. Les différentes facettes de la valeur environnementale

Les différentes interprétations de cette valeur passent par les différentes représentations que
l'homme se fait de la nature et de son rapport au monde. La croyance en la capacité
d'adaptation de l'espèce humaine à la dégradation de l'environnement est remise en cause du
fait même de l'évolution du concept de soi et de la nature comme une extension de soi. Cette
réflexion est importante dans la mesure où "notre orientation envers la nature va influencer
nos idées sur ce que sont les comportements appropriés à son égard." (Joy et Auchinachie
1994). Plusieurs typologies du rapport homme-nature ont été proposées par différents auteurs
(Evernden 1989 in Joy et Auchinachie 1994; Ferry 1992; Terrasson 1991) et leur étude nous a
permis de dégager des registres alternatifs et de les associer pour former des schémas de
pensées cohérents, autant de façons différentes d'envisager la valeur environnementale.

Plusieurs thèmes récurrents et inter-dépendants ont été organisés au sein d'un tableau
synthétique faisant naître trois registres et trois systèmes de relations :
1) Le registre de l'appartenance qui peut se décliner sur le mode de la séparation, de

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l'interaction, ou de l'intégration de l'homme à la nature.


2) Le registre de l'affectif, de l'émotionnel : méfiance, respect, admiration de la nature
3) Le registre des rapports de force : domination de l'homme, équilibre, harmonie.
Les différents éléments de chaque registre semblent pouvoir se combiner entre eux sous forme
de trois systèmes de pensée : Exploitation, Gestion de la nature par l'homme et Parité entre
homme et nature :

SYSTEMES

REGISTRES EXPLOITATION GESTION PARITE

APPARTENANCE
Séparation Interaction Intégration

EMOTION
Méfiance Respect Admiration

RAPPORT DE FORCE
Domination Equilibre Harmonie

La protection de la nature interviendrait dans le premier système d'une manière instrumentale


donc destinée à protéger l'homme des réactions néfastes de son environnement. Il s'agit de la
vision anthropocentrique classique qui a dominé jusqu'à notre siècle.
Dans le deuxième système, l'homme pense qu'il peut perturber définitivement son équilibre et
qu'une gestion de ses ressources assurerait sa pérennité pour les hommes ainsi que pour les
autres espèces vivantes sur terre. Il s'agit ici d'une vision biocentrique.
Le dernier système considère la nature comme un sujet de droit au même titre que l'homme et
les autres espèces vivantes, et des notions de réciprocité et d'échange interviennent. C'est
l'objet du "contrat naturel" de Michel Serres (1990).

Ces différents systèmes mettent au jour les différentes facettes de la valeur environnementale,
dont les interprétations sont multiples. Kluckhohn (1951) souligne en effet que les individus
peuvent avoir leur propre interprétation d'une valeur.
L'aspect fondamental de l'évolution de la vision occidentale des problèmes d'environnement
repose sur la modification de la relation de l'individu avec la terre en un glissement d'une
relation de domination (datant du siècle de Descartes) vers une relation de respect. L'écologie
dans sa forme idéologique propose une vision du monde systémique. Entre le cartésianisme
qui nous veut "maîtres et possesseurs de la nature" et un retour vers une vie vraie, frugale,
libérée de tous les artifices de la culture moderne (le mythe du paradis perdu), la sensibilité
écologiste moyenne aspire à une certaine qualité de vie passant par un souci de soi (culte de la
forme et du corps) et une recherche d'authenticité.

En situation concrète, plusieurs valeurs incompatibles peuvent s'affronter et l'individu


tranchera en fonction de l'importance qu'il accordera aux différentes valeurs (Cotgrove et Duff
1981). La valeur environnementale peut se trouver renforcée par des valeurs connexes, mais
aussi entrer en conflit avec des valeurs concurrentes. Essayons de trouver celles susceptibles
d'entrer en conflit avec elles.

3.2.4. Les valeurs conflictuelles

3.2.4.1. Valeurs matérielles


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Une étude de Banerjee et Mc Keage (1994) a tenté d'opposer deux valeurs a priori
conflictuelles : l'environnementalisme et une valeur de consommation, le matérialisme (au
sens galvaudé du terme philosophique). Ils se sont inspirés de différentes échelles existantes :
les résultats montrent que les femmes semblent plus concernées que les hommes par
l'environnement et qu'il y a, quoique faible, une corrélation négative entre matérialisme et
environnementalisme.

Moschis et Churchill (1978) posent que "l'attitude matérialiste est définie comme des
orientations accordant de l'importance aux biens (possessions) et à l'argent pour contribuer au
bonheur personnel et au progrès social". Dans un travail récent, le matérialisme a été
conceptualisé comme une valeur économique du consommateur (Richins and Dawson 1992)
mettant l'accent sur le type et la qualité des biens consommés. Sur le continuum matérialisme-
post matérialisme, le post matérialisme met l'accent sur l'auto-expression, l'appartenance et la
qualité de vie et rejette la notion selon laquelle les possessions sont la source du bonheur. La
protection de l'environnement coïncide donc avec les valeurs post matérialistes (Knutsen
1990). La prolifération des biens de consommation a généré une culture orientée vers
l'acquisition de biens matériels comme une fin en soi, et non plus comme un instrument pour
atteindre d'autres objectifs sociaux. Ceci revient à mettre en conflit les objectifs personnels de
consommation et les objectifs sociétaux comme la protection de l'environnement. Il semble y
avoir contradiction entre les exigences de qualité et de confort des consommateurs et les
exigences de l'environnement. Les produits jetables correspondent à une évolution de la
société où temps et confort sont les maîtres mots et si le prix de la gestion des déchets reste
non-facturé ou sous-évalué, les gens continueront à substituer les marchandises au temps. Par
ailleurs, les consommateurs semblent refuser d'acheter des produits verts si leurs
performances sont inférieures aux autres produits.

3.2.4.2. Les valeurs de progrès


"L'écologie politique sort l'homo oeconomicus de son cadre étriqué de travailleur-
consommateur pour le considérer comme un être unique doué de désirs et d'une culture. La
notion de mieux-être s'oppose à celle de plus avoir, le progrès n'est pas réductible à la
croissance économique. Les écologistes ne s'interrogent pas seulement sur les modes de
production, mais aussi sur la nature du progrès et proposent d'inventer un développement
durable qui tiendrait compte de la nouvelle réalité de la planète, désormais entièrement
colonisée, avec des ressources limitées, air, eau, espace, qu'il faut faire prospérer." (Simonnet
1994)
Nous possédons les moyens technologiques d'anéantir toute vie sur la terre, mais notre
connaissance ne nous permet pas toujours de mesurer les conséquences de nos décisions
technologiques, économiques et politiques. Le développement technologique a ceci de
paradoxal qu'il est à la fois une cause majeure des dommages écologiques et le principal
moyen d'y remédier...tout en créant de nouvelles nuisances parfois insoupçonnées. Les valeurs
de progrès prônent l'amélioration du bien-être de l'humanité par de nouvelles générations de
technologies destinées à épargner l'environnement et que seule l'industrie peut mettre au point.

Conclusion

Les différentes facettes de la valeur environnementale ainsi que les valeurs entrant en conflit
avec elles sont autant de motivations différentes et de freins liés à la protection de

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l'environnement. Les relations que l'homme entretient avec la nature vont conditionner ses
attitudes et comportements à son égard, et notamment son sentiment de responsabilité. En
effet, même si les individus pensent qu'il faut protéger l'environnement, la conception qu'il se
font des responsabilités respectives des différents protagonistes impliqués dans ce phénomène
va être déterminante quant à la pertinence perçue de leur contribution personnelle.

3.3. Responsabilité face à l'environnement

Dans quelle mesure la nature et l'humanité nous concernent-elles, sont-elles une extension du
soi, font-elles partie intégrante du soi ? Nous faisons partie de la nature et de l'humanité; en
même temps, nous les portons en nous. Quelle part d'extériorité et d'intériorité contiennent-
elles ? La conception de son propre rôle dans la société, sur la planète, ainsi que la part que
l'on a envie d'y prendre ou que l'on pense pouvoir prendre définiront l'étendue perçue d'un
champ de responsabilités. La responsabilité à l'égard de l'environnement est ressentie comme
à la fois individuelle et collective. L'entourage d'un individu peut l'influencer en faveur ou en
défaveur de l'environnement. Une récente enquête de l'Ined (1991) sur la population, l'espace
de vie et l'environnement a montré que l'environnement est plutôt ressenti comme une
question collective (74% des réponses) qu'individuelle (18%). Mais la notion de collectif fait
plus référence à la solidarité qu'à une intervention des pouvoirs publics. D'autre part, un
individu peut décider de mettre l'accent sur des valeurs différentes selon qu'il s'agit de lui ou
de la société (Rokeach 1968). Alors qui l'individu considère-t-il comme responsable, non pas
de la dégradation de l'environnement, mais de son amélioration ou protection ? Plusieurs
combinaisons sont envisageables entre les différents acteurs pressentis pour prendre en charge
ce projet : entreprises, gouvernement, individus, organismes spécialisés, scientifiques...

Hull et St Pierre (1990) ont identifié trois approches pour atteindre les objectifs
environnementaux :
- Le volontarisme (consumérisme vert), qui consiste à influer sur le marché par des
modifications de comportement d'achat en faveur des produits verts ;
- Un gouvernement interventionniste, chargé de contrôler la pollution et les technologies et de
mettre en place des normes ;
- L'approche par le marché, approche intermédiaire qui vise à pallier les défaillances du
marché par l'intervention de l'état (taxes, licences) et de groupes écologistes, c'est-à-dire de
faire en sorte que les nouvelles lois du marché rendent plus rentables les investissements
technologiques en faveur de l'environnement.

3.3.1. La responsabilité des individus


L'écologie ne peut pas compter sur les seuls consommateurs pour rendre l'évolution
écologique durable. La population est mal informée et son influence trop aléatoire, mais son
soutien aux initiatives de protection de l'environnement fait évoluer nombre de chefs
d'entreprises et provoque un changement des habitudes sociales en faveur de l'environnement.
On peut désormais distinguer une catégorie grandissante de la population, les Nimby (Not In
My Back Yard), qui refusent de vivre près d'une menace écologique.

3.3.2. La responsabilité du gouvernement


Une politique environnementale nécessite une intervention de l'état et pose d'embarrassantes
questions de justice et de droits. Mais quel rôle délicat d'essayer de faire assumer les coûts de
la maintenance planétaire à une génération qui l'a jusqu'à présent jugée gratuite !! Rôle
d'autant plus délicat que seule la génération actuelle vote pour les hommes politiques qui

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composent les gouvernements, et pas la posterité, ni les électeurs du pays voisin sachant que
la pollution ne connait pas de frontières... Une alternative à cette question consisterait à
reporter sur les générations futures le soin de résoudre ces difficultés. Cependant, les
questions écologiques prennent progressivement une place de premier plan en diplomatie
internationale. Fin 1993, un sondage du Crédoc sur "les français, la nature et l'environnement"
révélait que 55% des français considéraient que "les pouvoirs publics ne s'occupent pas assez
de protection de l'environnement", 32% qu'ils s'en occupent, mais que "ce n'est pas efficace",
et 7% "qu'ils ne s'en occupent pas du tout" (Dufour 1994 in Rochefort 1995, p.159).

3.3.3. La responsabilité des entreprises


Le marché est souvent incapable de fixer un juste prix pour les ressources naturelles et par
conséquent elles sont sur-exploitées. L'air est gratuit et il est gratuit de le polluer. Par ailleurs,
la nature n'a pas de prix pour les écologistes. Les signaux de prix sur le marché, en reflétant le
véritable coût d'utilisation des ressources naturelles, inciteraient les entreprises à améliorer
leur productivité au même titre que la main-d'oeuvre ou le capital.

3.3.4. La responsabilité des scientifiques


Puisque les scientifiques annoncent les risques écologiques majeurs et semblent capables de
les détecter, ils sont susceptibles de trouver les parades scientifiques efficaces au problème de
l'environnement.

3.3.5. La responsabilité des associations engagées


Les organisations environnementales, mandatées pour oeuvrer en faveur de l'environnement
peuvent attirer les volontés individuelles en son sein comme elles peuvent fournir une excuse
pour se décharger de la responsabilité individuelle de chacun sur une structure collective.

Conclusion

Un individu peut décider de mettre l'accent sur des valeurs différentes selon qu'il s'agit de lui
ou de la société en général. Selon la conception des responsabilités de chacun,
individuellement ou collectivement, les comportements associés seront plus ou moins
favorables à la protection de l'environnement et leur action même pourra prendre des formes
variées et complémentaires. En effet, en rejetant la responsabilité sur d'autres acteurs,
l'individu peut s'exclure de l'engagement en faveur de l'environnement tout en attendant des
autres une réelle action. Par contre, certaines responsabilités ne sont pas exclusives et
l'individu peut considérer que chacun doit contribuer à sa façon à cette cause, et qu'il a un rôle
à jouer. Mais ce rôle ne pourra se concrétiser que s'il a confiance dans l'efficacité de ses actes
individuels inscrits dans une action collective.

4. La confiance

Pour que les achats-geste aient un impact positif sur les politiques d’entreprises en faveur de
l’environnement, il faudrait que chaque consommateur utilise son pouvoir d’achat et de
sélection en ayant conscience que son acte se cumulera à ceux des autres consommateurs
écoconscients. Mais encore faut-il que les individus aient confiance dans leur capacité
effective d'action en faveur d'une cause, et que leur mode d'expression se révèle être un achat-
geste écologique...
Pour agir, il faut avoir confiance dans l'efficacité d'une action (Howard 1989). Deux facettes
de cette confiance peut constituer des freins ou des moteurs d'action :

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- Le degré de confiance dans l'efficacité environnementale des produits : la méfiance peut


provenir aussi bien du manque de crédibilité des annonceurs dans leurs messages publicitaires
que d'un doute quant aux vertus écologiques réelles des éco-produits. Une ébauche de solution
réside dans la labellisation selon une norme unique et officielle élaborée par des experts.
- Le degré de confiance dans l'efficacité environnementale des acteurs : les acteurs pressentis
comme chargés de résoudre les dilemmes posés par l'environnement sont : l'individu lui-
même agissant comme un maillon d'une communauté sociale, le gouvernement, les
entreprises, les scientifiques et/ou les organisations environnementales.

Ces deux formes de confiance vont avoir des implications fortes sur les modes d'expression de
la valeur environnementale et donc sur les comportements des individus.

5. Les modes d'expression individuels

Il existe trois façons différentes mais non exclusives d'exprimer ses convictions écologiques
pour un individu : l'action, la délégation, et la délé-action. Ces modes d'expression supposent
que les individus aient un minimum de confiance dans leur capacité à agir efficacement sur
l'environnement.

5.1. L'action

L'action consiste à s'engager personnellement, c'est-à-dire à consacrer du temps, de l'énergie


et/ou des idées à la cause que l'on défend. Les différents modes d'action sont :
- l'engagement pour la cause environnementale à travers une participation active au sein d'une
organisation militante, l'activisme (pétitions, manifestations), ou au travers d'un vote
politique.
- le recyclage volontaire
- la réduction de sa consommation et/ou la privation d'un certain confort (réparer au lieu de
jeter par exemple)
- le boycott de certains produits reconnus comme très néfastes (ex : le CFC dans les aérosols)
ou d'entreprises peu respectueuses de l'environnement (boycott des stations d'essence Shell en
Allemagne en Juin 1995).

5.2. La délégation

La délégation consiste plutôt à l'encouragement d'un intermédiaire engagé pour la cause


environnementale par un don à une organisation chargée de protéger l'environnement ou en
acceptant de soutenir l'action du gouvernement au travers d'impôts.
Le don peut prendre plusieurs formes : donner du temps, donner de l'argent, ce qui dans un cas
est une action et dans l'autre une délégation.

5.3. La délé-action

Ce que nous nommons la délé-action correspondrait alors à une action (l'achat d'un produit)
destinée en partie à encourager l'entreprise dans sa quête d'un plus grand respect de
l'environnement. Il s'agit d'une action à caractère direct dans le sens où il ne suffit pas de
donner de l'argent : le produit entre dans la maison et aura des conséquences sur son mode de

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fonctionnement. Mais cette action garde un caractère indirect dans le sens où elle passe par
l'intermédiaire du produit d'une entreprise, produit dont on a besoin par ailleurs et laisse ainsi
à l'entreprise le soin de s'engager pour le respect de l'environnement. Le terme délé-action est
proposé ici comme phase intermédiaire entre l'action "proprement" dite et la délégation.
L'achat-geste entre bien sûr dans cette catégorie (achat d'éco-produits, de recharges, ...).
Cette démarche de consommateur écoconscient suppose que l'individu ait confiance (ou
accorde le bénéfice du doute) dans les écoproduits et dans sa capacité personnelle à agir
efficacement sur l'environnement.

Conclusion

Nous venons de tracer le cheminement possible ainsi que les conditions dans lesquelles
l'achat-geste peut avoir lieu. La première condition veut que l'individu ait conscience des
menaces qui pèsent sur l'environnement, et l'on s'aperçoit que les individus écoconscients sont
de plus en plus nombreux en France. Il est également nécessaire que la protection de
l'environnement recueille une opinion favorable de leur part. Ces deux conditions préalables
ne suffisent pas à transformer les vélléités en volonté individuelle de protéger
l'environnement. Pour cela, l'individu doit se sentir une part de responsabilité dans ce
phénomène, si ce n'est dans ses causes, du moins dans son devoir d'agir positivement. Cette
responsabilité va donner lieu à différents modes d'expression de la valeur environnementale
selon le degré de confiance que l'on accorde à l'efficacité de son action individuelle.
Les modes d'expression d'un engagement en faveur de l'environnement sont multiples et
peuvent bien entendu se combiner entre eux. L'achat-geste est donc une des multiples formes
d'expression possibles de la valeur environnementale.
Parmi les conditions d'expression de l'achat-geste, il faut aussi supposer que les entreprises
proposent des produits-geste et des produits-partage aux consommateurs, qu'ils soient de
bonne qualité et que la distribution joue le jeu de cet engagement en référençant ces produits.

Conclusion générale et orientations de recherche

Il existe plusieurs façons d'exprimer des valeurs, et l'achat-geste, thème central de cette étude,
ne peut être dissocié d'autres modes d'expression alternatifs, voire complémentaires dans une
vision globale du phénomène. Ce travail montre l'intérêt très limité des sondages d'opinion
dans la traduction de comportements d'achat. Ils révèlent seulement un niveau global de
préoccupations. Bien que l'engouement pour les produits verts s'infléchisse en période de crise
économique, et que la branche politique de l'écologie perde du terrain en France, la sensibilité
croissante à l'écologie semble être une tendance lourde et durable, potentiellement porteuse de
marchés verts en expansion (Cairncross 1993).

Mais alors, comment expliquer ce décalage entre prise de conscience et comportement ? La


première explication a été évoquée sous l'angle de l'arbitrage entre des valeurs conflictuelles,
souvent en défaveur des valeurs environnementales. Nous l'avons vu, le souci de
l'environnement s'est hissé au rang de valeur et émerge comme donnée de consommation;
cependant, il ne s'agit pas d'une valeur de consommation. Par conséquent, des modes
d'expression alternatifs sont envisageables et l'achat-geste figure parmi eux sur un même plan,

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ce qui signifie une dispersion de l'expression des valeurs environnementales en un réseau


complexe et difficilement mesurable. Mais peut-être faut-il aussi admettre, compte tenu des
décalages entre les intentions d'actions mesurées par les sondages d'opinion et les chiffres du
marché, qu'il existe un temps de réaction entre la prise de conscience environnementale et sa
concrétisation dans le comportement d'achat, si tant est que son mode d'expression majeur soit
un acte d'achat.....C'est ce que suggèrent Cotgrove et Duff (1981), en s'appuyant sur l'étude du
processus de décision de l'achat de Howard.

Ainsi le phénomène de l'achat-geste n'en serait qu'à ses débuts, et l'intérêt de cette nouvelle
notion réside dans sa vision élargie de deux phénomènes étudiés séparément jusqu'à présent :
l'achat de produits écologiques et toute la littérature qui s'y rattache, et l'achat de produits-
partage moins approfondi. Si l'on considère que l'engagement en faveur de la protection de
l'environnement est une forme de solidarité de l'homme au monde, il peut apparaître
intéressant de faire le lien avec les produits-partage, signes de solidarité de l'homme envers
l'humanité. A la question de Ferry (1992) "Comment articuler tradition et liberté, souci naturel
et souci humanistique ?", Simonnet (1994, p.125) répond : "L'écologisme est l'humanisme de
demain." Ainsi, l'achat-geste prétend qu'il existe des fondements et des valeurs communes
sous-tendant l'achat de produits-geste et de produits-partage et de ce fait élargit la vision de
ces phénomènes en posant de nouvelles problématiques. Schlegelmilch (1994) pense que le
marketing entre dans une nouvelle ère, celle de l'écologie, de l'éthique et du caritatif et ouvre
ainsi de nouvelles perspectives de recherches. Peut-être faut-il faire appel à la notion de don
pour comprendre l'achat-geste. A la croisée de la sociologie et de l'anthropologie, il convient
de citer la contribution de Marcel Mauss (1966). Dans son "Essai sur le don", il est montré
que dans les sociétés archaïques, les échanges concernent la société dans son ensemble et
dérivent de l'obligation de donner, de recevoir et de rendre. L'achat-geste serait-il un
compromis entre la domination de l'homme par le monde des biens (des possessions) et une
transcendance de la société de consommation par des valeurs humanistes et écologistes.
L'achat-geste se nourrit d'une simultanéité entre le posséder et le donner, la possession et le
don au travers de produits-gestes et de produits-partages.
Ce travail s'inscrit dans un projet de thèse plus vaste qui consiste en l'étude extensive et
intensive des achats-gestes et en la mise au jour de dénominateurs communs aux systèmes de
valeurs et d'attitudes qui sous-tendent l'achat-geste, quelque soit la cause considérée.

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