Vous êtes sur la page 1sur 2

Le jardin de l’Homme Le jardin peut en effet être une interface à la contemplation, un cadre délimitant le proche du

lointain. Il se distingue du paysage par le fait qu’on puisse s’y trouver, le voir de près et en sentir la tex-
ture, contrairement au paysage que l’on apprécie que de loin. Certains jardins cependant ont été principale-
L’Homme et le jardin sont en quelques sortes des images miroirs, tant dans leur réalité que dans
ment pensés et conçus pour être le sujet de la contemplation, à la manière du paysage. Le jardin de Claude
l’imaginaire que l’on a d’eux. Souvent le jardin est le reflet de biens des aspects de notre existence.
Monet était pour lui une grande source d’inspiration, le temps qu’il passait à le contempler n’était égalé que
par le temps qu’il passait à le perfectionner. Il s’agissait réellement d’un jardin « tableau » qui tentait d’imiter
Le jardin a cependant longtemps été, et est toujours, un lieu de subsistance, que l’on façonne et
un paysage en état de perfection, et qui offrait donc à Monet un sujet de contemplation.
que l’on cultive pour survivre. Il est témoin des débuts de la société, car il est apparu lorsque l’Homme s’est
réellement sédentarisé il y a deçà plus de 10 000 ans et où il est progressivement passé de chasseur-cueil-
leur à d’éleveur-agriculteur. La réponse du jardin est apparue en solution aux problèmes posés par la
sédentarisation. L’Homme s’installe et ne veux plus quitter les alentours de son village, il lui faut donc une
alternative plus pérenne à la cueillette et à la chasse. En bâtissant un enclos pour le délimiter et le protéger
des autres, et en y ordonnant fruits et légumes de manière rationnelle pour assurer un certain rendement,
l’Homme transforme un carré de nature en son jardin, et en l’entretenant jour après jour, il le fait fructifier.

Nymphéas et pont japonais, huile sur toile, Claude Monet, 1899

Tous ces états du jardin en font une entité à part entière. Il ne signifie pas la même chose pour
tous, mais il existe dans l’imaginaire de chacun. Sa singularité va de pair avec celle de notre propre existence,
et l’on peut aisément y voir des éléments de celle-ci. Le jardin est le labeur d’une vie ou d’une saison qui
porte ses fruits, et on peut enfin s’arrêter et en apprécier tout le contenu, contempler ce que l’on y a fait,
non pas sans une certaine mélancholie, avant qu’il ne dépérisse, alors que la saison et la vie se terminent,
pour pouvoir commencer à nouveau. Il s’agit du cycle perpétuel de notre existence auquel on peut assister
La coupeuse de chou, huile sur toile, Henri de Braekeleer, 1884 à une autre échelle encore et encore jusqu’à ce que notre propre vie prenne fin. Nous le contemplons de

Le jardin est donc aussi un objet de labeur, et permet de valoriser le travail et le temps que l’on y la même manière que l’on contemple les accomplissements d’une vie entière, que ce soit une famille, une

investit. De nos jours, beaucoup entretiennent un jardin, non pas par réelle nécessité de subsistance (Le jardin carrière, un rêve. On peut alors s’arrêter, admirer et goûter le fruit d’une vie, d’un jardin.

n’étant pas, et de loin, la solution la plus rentable au problème de subsistance aujourd’hui), mais par simple
volonté de posséder un lieu dans lequel le travail que l’on y effectue est valorisé de manière manifeste et
satisfaisante (contrairement aux efforts effectués dans le cadre d’une profession qui peut ne pas valoriser
l’effort individuel mais celui de la collectivité, il est alors difficile de s’y identifier et de s’en satisfaire). Le
sentiment de satisfaction procuré par le travail du jardin peut être lié à la recherche d’un repos intérieur. Le
jardin peut être le lieu de ce repos, en cela qu’il est un lieu clos avant tout. Il permet à celui qui l’entretient
Le Jardin des délices, huile sur bois, Jérôme Bosch, entre 1494 et 1505
de se retrouver seul dans son fragment de monde qui lui ressemble, et en s’y enfermant, d’y reposer son
corps et son esprit, tout en profitant des sons et des couleurs qui l’entourent. Peut-être façonnons nous inconsciemment nos jardins à l’image de notre vie pour tenter d’en
saisir la valeur dans son entièreté ? A chaque instant, nous n’avons accès qu’au présent et au passé de

Cette image d’un jardin reposant et serein existe dans l’imaginaire de chacun. Cette représentation notre propre existence, alors que le futur nous est inconnu, tandis que celui du jardin nous est accessible

mentale que l’on se fait d’un tel lieu peut alors se concrétiser dans certaines formes de jardins réalisés avec car son temps s’écoule différemment du notre. Nous avons alors accès à des centaines de cycles que l’on

l’intention d’offrir à celui qui le parcourt un sentiment de calme, en l’appelant à la contemplation et à une peut observer, améliorer, apprécier. Ainsi, comme un dieu façonne l’univers, nous en façonnons un fragment

appréciation du moment comme du paysage. que nous comprenons et sur lequel nous avons le contrôle, car même n’ayant pas accès à l’entièreté du
monde ou de la vie, nous tenons à l’idée d’en saisir le sens.
Bibliographie A21 - Cours de théorie 2018/2019
- Lucia Impelluso, Jardin, potagers et labyrinthe, Hazan Eds, 2007 Enseignant : Franck Rambert
- Anne Ducrocq, Les jardins spirituels, Gründ, 2018

- Laure de Chantal, Alain Baraton, Le jardin des dieux : Une histoire


des plantes à travers la mythologie, Flammarion, 2015

Se transformer en cendres, nourrir les plantes, permettre au


cycle de la vie de suivre son cours. C’est la seule forme
d’éternité à laquelle je puisse aspirer.

André Brink

KIRAKOSYAN Arman - Sujet 2

Vous aimerez peut-être aussi