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Eloy Pascual Arias LA GRÂCE

STUDIUM du Séminaire de Paris P. Matthieu Rougé


2ème semestre – 2éme année

SYNTHÈSE SUR L’ARTICULATION GRÂCE – LIBERTÉ

D’après le Catéchisme de l’Eglise Catholique la grâce est « la faveur, le secours gratuit que Dieu nous
donne pour répondre à son appel : devenir enfants de Dieu, fils adoptifs, participants de la nature divine, de la
vie éternelle » (n° 1996). Cette vocation à la vie éternelle est surnaturelle, c'est-à-dire qu’elle dépend entièrement
de l’initiative gratuite de Dieu, surpassant les capacités et les forces de l’homme.
Nous distinguons ici deux genres de grâce : la grâce prévenante (grâce qui précède tout mouvement de
l’homme vers Dieu. Tous les hommes y participent) et la grâce sanctifiante (elle nous donne de participer
activement à la filiation. C’est l’appel de Dieu accueilli et qui commence à nous changer. En elle on peut aussi
distinguer aussi deux types des grâces : « sanante », qui guérit notre âme incapable d’aimer, et « élevante », qui
nous élève, nous divinise, vers la filiation. Nous pouvons aussi faire une autre distinction entre grâce
« habituelle », qui est une disposition stable à vivre et à agir selon l’appel divin, et la grâce « actuelle » ou plutôt
« les grâces actuelles », interventions divines à l’origine d’une conversion ou au cours de l’œuvre de la
sanctification (de manière que chacune de nos actions saintes doit avoir sa propre grâce actuelle).
Cette libre initiative de Dieu réclame la libre réponse de l’homme, car Dieu a créé l’homme à son image
en lui accordant, avec la liberté, le pouvoir de Le connaître et de L’aimer. Saint Augustin disait : « Dieu qui t’a
créé sans toi ne te sauveras pas sans toi ».
Historiquement, le premier problème par rapport à la relation grâce-liberté apparaît avec les pélagiens.
Pour eux, Dieu donne à l’homme la loi naturelle et la liberté. Après cela, c’est l’homme qui doit tout faire. La
grâce pour Pélage est un recours extérieur qui diminue la liberté. L’unique grâce intérieure est celle qui descend
dans le baptême d’adultes. Saint Augustin, le docteur de la grâce, insiste sur la liberté de l’homme blessée par le
péché. La grâce est un recours intérieur donné par Dieu, et nous ne pouvons rien faire sans elle. Le concile de
Carthage (418) reprend les idées de saint Augustin, en disant que la grâce, qui nous justifie par Jésus-Christ,
n’implique que la rémission des péchés, mais aussi un secours pour les fautes à venir. La grâce est nécessaire
pour satisfaire les préceptes divins et l’homme ne peut pas les accomplir avec ses seules forces. Avec J. Cassien,
le pélagianisme redémarre, mais cette fois-ci plus doucement (en fait ce courant est appelé semi-pélagianisme) :
l’homme est dépourvu de la grâce prévenante et le premier mouvement de « conversion » de l’homme est,
ensuite, aidé par Dieu (problème de l’initium fidei). La grâce pour se maintenir dans la persévérance est une
espèce de mérite acquis par le premier mouvement de l’homme vers Dieu. Les semi-pélagiens limitent la
prédestination à la prescience : Dieu saurait à l’avance qui va croire (alors certaines personnes auraient le
« droit » d’être sauvées). Augustin répond aux trois notions en disant que le commencement de la foi est déjà
une grâce de Dieu, que la persévérance est un don de Dieu sans aucun mérite de l’homme et que Dieu connaît et
décrète qui va être sauvé par grâce. Mais les réponses définitives vont être données par Césaire d’Arles et le
concile d’Orange (529) : même le vouloir est une grâce donnée par Dieu. Demander la grâce de persévérer est
déjà une grâce. Dieu n’attend pas notre vouloir pour nous purifier du péché ; Il ne compte pas sur le premier
mouvement de l’homme pour nous donner ses grâces mais Il nous accorde la grâce prévenante pour pouvoir
faire le premier pas.
Aux XVIème et XVIIème siècles les problèmes de la liberté et de sa relation avec la grâce resurgissent.
Luther insiste beaucoup sur la nature déchue de l’homme en proclamant que ce qu’il a de bon dans l’homme
vient de Dieu, et que l’homme n’a qu’à se confier à Lui. La grâce est extérieure à l’homme, Dieu fait tout.
L’homme n’est pas renouvelé. Le Concile de Trente (1547) répond avec la liberté de l’homme qui coopère et
acquiert librement et personnellement à la grâce prévenante, pour aller vers un état de grâce. Le jansénisme
(Baius et Jansénius) considère que la grâce doit être toujours efficace parce que la liberté, dans l’état de nature
déchue, est incapable d’accomplir le bien. C’est la grâce qui « pousse » l’homme aux bonnes œuvres : elle est
efficace indépendamment de la liberté de l’homme. La réponse d’Innocent X (en 1563) consiste à déclarer
hérétiques ces points de la doctrine de Jansénius. La liberté est toujours nécessaire pour pouvoir recevoir les
grâces de Dieu. Il ne fait rien contre notre liberté.
Le Vatican II ne parlera pas directement de la grâce. Cependant il est plein de références à elle. La
liberté conduit à l’homme à chercher l’image divine, « en adhérant librement » (GS n° 17) à Dieu, pour arriver à
la plénitude de sa liberté, à sa véritable vocation qui est la Filiation.
Le travail de H. de Lubac est considérable par rapport à ce thème. Pour lui le surnaturel (la grâce) est un
élément divin inaccessible à l’effort de l’homme (il n’y a pas d’autodivinisation) mais s’unissant à lui, l’élevant
(cf. LG n° 2), le pénétrant pour le diviniser. La grâce ne demeure pas extérieure à l’homme ; elle n’est pas non
plus une deuxième nature, une espèce de nature supérieure et distincte qui s’y ajouterait.

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