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INSTITUT de FORMATION en MASSAGE KINESITHERAPIE REEDUCATION de NANTES.

54, rue de la Baugerie 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE

INTERET DE LA REEDUCATION PERINEALE DANS LA PERIODE


DU POST PARTUM CHEZ UNE JEUNE FEMME NE PRESENTANT
AUCUN SYMPTOME DE PROLAPSUS, NI FUITE URINAIRE.

Bérangère OSSART
Année 2009/2010
REGION DES PAYS DE LA LOIRE
RESUME

Mme J. primipare de 27 ans, se présente avec une prescription de rééducation périnéo-


sphinctérienne après avoir accouché il y a 10 semaines. Cette patiente ne présente aucune
fuite urinaire, aucune gène ni douleur de la sphère génitale. L’interrogatoire et l’examen
clinique nous ont permis de mettre en évidence différents facteurs de risque de l’incontinence
urinaire d’effort et une urétrocèle, qui justifient une rééducation de prévention des fuites
urinaires d’effort et de l’aggravation du prolapsus. Le kinésithérapeute mène la patiente vers
l’adhésion au projet rééducatif en lui expliquant l’intérêt de la rééducation. La mise en place
de différentes techniques (toucher manuel, biofeedback, travail personnel) montrent des
résultats satisfaisants qu’il faudra contrôler, évaluer et maintenir sur le long terme.

Mots clefs :

- Prévention
- Education
- Implication
- Suivi
SOMMAIRE
1 INTRODUCTION ..................................................................................................... 1

2 QU’EST CE QUE LE PERINEE ? ........................................................................... 1

3 COMMENT S’EXPLIQUE L’INCONTINENCE URINAIRE D’EFFORT ? ................ 3

4 QUELS ELEMENTS ASSURENT UNE BONNE STATIQUE PELVIENNE ? ......... 4

5 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE DE L’INCONTINENCE URINAIRE A


RETENIR DANS L’ELOBORATION DU BILAN INITIAL ? ....................................... 5

6 BILAN INITIAL DE PRISE EN CHARGE ................................................................ 6


6.1 L’interrogatoire................................................................................................ 6
6.1.1 Présentation de la patiente ...................................................................... 6
6.1.2 Les antécédents ........................................................................................ 7
6.1.3 Habitudes mictionnelles et quantification des fuites urinaires............. 7
6.1.4 Gène ressentie .......................................................................................... 8
6.1.5 Répercutions sur la vie sexuelle et sur les activités de la vie
quotidienne......................................................................................................... 8
6.2 Examen clinique .............................................................................................. 8
6.2.1 Examen locorégional ................................................................................ 9
6.2.2 L’examen neurologique............................................................................ 9
6.2.3 L’examen musculaire.............................................................................. 10
7 DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE.................................................................... 11

8 OBJECTIFS DE REEDUCATION ......................................................................... 13


8.1 Les objectifs à court terme........................................................................... 13
8.2 Les objectifs à moyen terme ........................................................................ 13
8.3 Les objectifs à long terme ............................................................................ 13
9 PRINCIPES DE REEDUCATION .......................................................................... 13

10 LES MOYENS MASSO-KINESITHERAPIQUE .................................................. 14


10.1 L’éducation à la contraction périnéale ...................................................... 14
10.2 Travail musculaire périnéal ........................................................................ 18
11 BILAN FINAL DE PRISE EN CHARGE .............................................................. 21

12 DISCUSSION ...................................................................................................... 21

13 CONCLUSION .................................................................................................... 23
1 INTRODUCTION

Aujourd’hui, de 3% à 24% des femmes dans la période de post partum déclarent une
incontinence urinaire [1]. Néanmoins certaines femmes ne présentent pas d’incontinence
urinaire mais montre cependant de multiples facteurs de risque. Une rééducation leur est
parfois proposée ; est-il intéressant de la faire ?

L’incontinence urinaire n’est pas le seul problème rencontré après l’accouchement. En


effet, le prolapsus génital serait présent, à des degrés différents, chez 50% des femmes ayant
accouché; cependant 10 à 20% seulement seraient symptomatiques [2].

C’est le cas de Mme J., jeune maman primipare de 27 ans, qui se présente en
rééducation périnéale sans jamais avoir été gênée par l’apparition de fuites et ne montrant par
son ressenti aucun signe de prolapsus (pas de sensation de pesanteur). Pour une femme
souffrant d’une incontinence urinaire après l’accouchement, l’intérêt de la rééducation est
évident. Chez cette patiente, nous montrerons quel est l’intérêt de la rééducation périnéale en
post partum chez une patiente ne présentant aucun symptôme urinaire, ni gêne de la sphère
génitale.

2 QU’EST CE QUE LE PERINEE ?

Le périnée, muscle de la continence, représente l’ensemble des parties molles qui


ferment le pelvis. Il est délimité en avant par le pubis et les branches ischio-pubienne et en
arrière par le sacrum et coccyx. Il est constitué à 70% de fibres de type 1 à contraction lente et
à 30% de fibre de type 2 à contraction rapide. Les fibres de type 1 assurent un soutènement
aux organes du petit bassin. Et les fibres de type 2 permettent de répondre aux variations
soudaines de pressions intra-abdominales [3]. Le nerf honteux interne, avec ses collatérales
innerve l’ensemble de la musculature striée de celui-ci. Il est constitué de trois plans, un
profond, un moyen et un superficiel (que nous ne détaillerons pas car il n’intervient pas dans
la continence).

Plan profond appelé diaphragme pelvien principal (fig. 1):

- Les releveurs de l’anus (muscles pairs) composés des pubo-coccygiens dont


la contraction permet la tension du hamac sous vésical intervenant dans la continence et les
ilio-coccygiens représentant un solide plan de soutien pour les organes. C’est la musculature

1
essentielle pour le rééducateur, c’est par son intermédiaire que l’on développe les qualités
musculaires du plancher pelvien [4].
- Les ischio-coccygiens.

Plan moyen :

- Le sphincter externe de l’urètre muscle strié, essentiel dans la continence.


- Les transverses profonds, qui se terminent sur le noyau fibreux central
(structure fibro-conjonctive située entre le vagin et l’anus) et représentent un soutien viscéral
surtout pour la base vésicale.

Fig. 1

Vue inférieure du plan profond du périnée [5]

L’accouchement par voies naturelles altère à la fois la qualité du support urétral et les
capacités contractiles des muscles du plancher pelvien, autant de mécanismes potentiellement
inducteurs de l’incontinence urinaire d’effort et/ou du prolapsus.

2
3 COMMENT S’EXPLIQUE L’INCONTINENCE URINAIRE D’EFFORT ?

L’incontinence urinaire résulte d’une rupture d’équilibre entre les forces d’expulsion
(muscle vésical, pressions abdominales transmises à la vessie lors d’un effort) et les forces de
retenue (plicature urétro-vésicale, appareil sphinctérien, trophicité de la muqueuse urétrale,
mise en tension par la musculature périvésicale des hamacs sous-vésicaux et sous-urétraux sur
lesquels l’urètre s’écrase à l’effort) [6]. Trois types d’incontinence existent, l’incontinence
urinaire d’effort, celle par urgenturie et la mixte.

Dans le cas de Mme J., seule la prévention de l’incontinence urinaire d’effort nous
intéresse ; de ce fait, nous n’aborderons que celle-ci.

L’incontinence urinaire d’effort se définit par toute fuite involontaire d’urine lors d’un
effort physique, lors de la toux et d’éternuements [7]. La théorie d’Enhörning et celle de De
Lancey nous en font l’explication.

Selon Enhörning (fig.2), lors d’un effort, la contraction des muscles du plancher
pelvien assure le maintien de la vessie et de l’urètre au sein du caisson manométrique
abdominal. Cette contraction permet ainsi une transmission équilibrée des pressions
abdominales (A). Néanmoins lorsqu’une atteinte des éléments suspensifs et de soutènement
est présente l’urètre proximal et le col vésical ne sont plus maintenus dans l’enceinte
manométrique se qui provoque un déséquilibre dans la transmission des pressions
abdominales. Dans ce cas, seule la vessie subit les pressions ce qui provoque la fuite urinaire
d’effort (B) [8].

Fig. 2

Schéma de la théorie d’Enhörning

3
Selon De Lancey [9] la vessie et l’urètre sont maintenus à leur partie postérieure par un hamac
muscolo-aponévrotique sur lequel s’amarrent les muscles releveurs de l’anus (fig.3).

A l’effort, la contraction réflexe du périnée aboutit à la


tension de celui-ci, permettant à l’urètre de s’écraser contre
un support solide ce qui amène à la continence (Fig.3 A).

Lorsque la partie antérieure du hamac sous vésical est


déficitaire, le col vésical est instable et l’occlusion de l’urètre
est insuffisante face à un support amoindri, ce qui déclare la
fuite (Fig. 3 B).

Lorsque la partie postérieure du hamac est atteint, le maintien


de la vessie ne peut être assuré, survient alors un prolapsus
nommé cystocèle provoquant un symptôme de dysurie (Fig. 3
C).

4 QUELS ELEMENTS ASSURENT UNE BONNE STATIQUE PELVIENNE ?

Le prolapsus est une hernie à travers la paroi vaginale qui s’extériorise par le hiatus
uro-génital, point faible de l’anatomie pelvi-périnéale. Il est la cause d’un désordre de la
statique pelvienne. Pour comprendre lors du bilan, quels sont les éléments déficitaires
amenant ce prolapsus, il est important de rappeler ce qui assure un bon maintien des organes.
Au sein de l’organisme trois systèmes participent à cet équilibre, ce sont les suivants:

- Un système suspensif : les ligaments


- Un système cohésif : les fascias
- Un système de soutènement : le levator ani

4
Chaque releveur droit et gauche envoie des expansions qui cravatent l’urètre proximal,
celles-ci forment le hamac sous vésical (fig. 4). La tension de celui-ci, permise par la
contraction du levator ani, est indispensable au bon maintien et soutien de la vessie, du col
vésical et de l’urètre.

Fig. 4

Schéma mettant en évidence le soutènement le l’urètre [6]

La clé de voûte de la statique pelvienne est représentée par la musculature des


releveurs de l’anus et le noyau fibreux central, tout affaiblissement va aggraver les altérations
ligamentaires, favoriser l’apparition et la détérioration des prolapsus [4].

5 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE DE L’INCONTINENCE URINAIRE A


RETENIR DANS L’ELOBORATION DU BILAN INITIAL ?

Plusieurs études ont permis de prouver l’existence de facteurs favorisant l’apparition


de fuites. La littérature insiste sur le fait que grossesse et accouchement par voie basse
constituent les principaux facteurs de risque [10] et souligne qu’un antécédent
d’accouchement voie basse est corrélé à un taux supérieur d’incontinence pendant la
grossesse suivante[2] .Une prise de poids de plus de 12 kilogrammes durant la grossesse, la

5
naissance d’un bébé dépassant les 3.700 kilos, la présence chez l’enfant d’un périmètre
crâniens supérieur à 35 centimètres, la parité, l’utilisation de matériel tel que les forceps ou la
ventouse augmentent également la prévalence [11]. De plus, la littérature résume que tout ce
qui entraîne une augmentation de pression abdominale comme l’activité sportive, les
professions obligeant le port de charge et la station debout, l’obésité, la toux chronique et la
constipation sont aussi prédictifs [12].

6 BILAN INITIAL DE PRISE EN CHARGE

Le bilan initial de prise en charge en gynécologie s’effectue lors des deux premières
séances. Nous réalisons ainsi, selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé
(HAS) [13], un interrogatoire détaillé lors de la première séance, suivi d’explications sur
l’intérêt de la rééducation et les pratiques utilisées, afin d’obtenir le consentement délibéré de
la patiente. Ce premier rendez-vous se poursuit par un examen clinique lors du second rendez-
vous. L’accomplissement du bilan de début de prise en charge en deux temps est primordial
afin de mettre en confiance la patiente et de la rassurer par rapport à une rééducation
particulière touchant son intimité. Cette première étape nous permet ainsi de définir avec
précision un diagnostic kinésithérapique élaboré à partir des déficits, limitations d’activité et
restrictions de participation (CIF) [14] trouvés chez la patiente. Ce diagnostic aboutit à la mise
en place par le kinésithérapeute d’objectifs et de moyens adaptés au profil de la patiente mais
permet également d’évaluer l’évolution des résultats et juger de l’efficacité du traitement.

6.1 L’interrogatoire

L’interrogatoire est constitué d’une série de questions posées à la patiente sur son
mode de vie, ses antécédents, ses habitudes mictionnelles, ses éventuels troubles urinaires et
sa qualité de vie. Nous lui expliquons ainsi, le contenu de chaque question posée, afin qu’elle
comprenne l’intérêt de cet entretien. Cette phase de la prise en charge est primordiale pour la
construction du bilan initial. Elle l’est aussi dans le but de créer un climat de confiance et
d’obtenir le consentement de la patiente vis-à-vis de la rééducation.

6.1.1 Présentation de la patiente

Le 11 janvier 2010, sur rendez-vous, Mme J. se présente au centre hospitalier des


Sables d’Olonne avec une prescription de rééducation périnéale, délivrée par le médecin Mme

6
D., qui devra s’appliquer sur 10 séances. Cet hôpital ne lui est pas inconnu puisqu’elle s’y est
rendu pendant sa grossesse afin d’assister aux cours de préparation à l’accouchement, à
l’information sur l’incontinence ainsi que pour y accoucher. Cette jeune maman primipare de
27 ans épanouie, souriante et dynamique débute l’interrogatoire dix semaines après son
accouchement dont la date précise est le 22 novembre 2009. Désirant d’autres enfants, elle
souhaite venir en rééducation pour ainsi garder un bon périnée. Durant l’entretien, nous
apprenons qu’actuellement Mme J. se consacre entièrement à son bébé et que, par conséquent,
elle n’a pas encore repris son métier de vendeuse dans le prêt-à-porter (la reprise est prévue
début mars). Elle nous explique néanmoins, que durant ses journées de travail, elle est
continuellement debout et qu’occasionnellement elle déplace quelques cartons de vêtements
qui lui sont livrés. Elle nous informe également qu’elle vit avec son mari et son enfant dans
une maison possédant un étage, en Vendée et que la pratique d’un sport n’est pas dans ses
habitudes.

6.1.2 Les antécédents

Au niveau familial, médical et chirurgical, la patiente n’a pas d’antécédent particulier.


Sur le plan uro-gynécologique, elle nous affirme avoir eu deux infections urinaires en 2009
mais nous précise que celles-ci sont exceptionnelles. Malgré une prise de poids de 13 kilos
durant sa grossesse, la jeune maman ne montre aucun signe de surpoids puisque son Indice de
Masse Corporel (IMC) est égal à 24. Néanmoins, elle expose un accouchement déclenché
compliqué. En effet, le 22 novembre 2009 suite à plusieurs heures de travail elle met au
monde par voie basse un petit garçon de 3 ,870 kilogrammes avec un périmètre crânien de
37,5 cm. L’emploi d’une ventouse est nécessaire et le passage du bébé crée une déchirure
périnéale suivie d’une épisiotomie.

6.1.3 Habitudes mictionnelles et quantification des fuites urinaires

La fréquence des selles et des mictions est normale chez cette femme puisqu’elle est
égale à une fois par jour pour les selles et quatre à cinq fois pas jour pour les mictions. La
quantité hydrique journalière est également respectée car Mme J. boit un à un litre et demi
d’eau tous les jours. Elle ne ressent aucune difficulté à retenir ses selles, n’a pas d’urgenturie
ni de fuites urinaires ou anales pour le moment. Le fait de n’avoir aucun signe de pollakiurie
ni d’urgenturie (désir soudain, impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner [7]) nous
montre qu’aucune instabilité vésicale n’est présente.

7
6.1.4 Gène ressentie

Mme J. nous dit avoir eu, en post-partum immédiat, une sensation de pesanteur au
niveau du plancher pelvien qu’elle ne ressent plus actuellement.

Malgré un accouchement difficile, aucune douleur ne persiste à cette date, la patiente


évalue sa douleur à zéro sur dix sur l’échelle visuelle analogique (EVA).

6.1.5 Répercutions sur la vie sexuelle et sur les activités de la vie


quotidienne

Du fait des conditions de son accouchement, même si Mme J. ne manifeste aucune


douleur périnéale spontanée, elle appréhende les rapports sexuels de peur que ceux-ci ne lui
fassent mal. Ainsi, depuis la naissance de son enfant, elle n’a pas eu de rapports sexuels et
nous confie également qu’elle a peur d’avoir mal lors de la rééducation. N’ayant pour l’instant
aucune incontinence, ni symptôme de trouble de la statique pelvienne (sensation de
pesanteur), l’index d’activité sociale présentée à la patiente est de dix sur dix sur l’échelle
visuelle analogique (EVA).

6.2 Examen clinique

Malgré la première séance comprenant interrogatoire, explications, dédramatisation et


mise en confiance, cette évaluation clinique est source d’angoisse et de gêne pour la patiente.
Les gestes, le comportement et la parole du rééducateur permettent ainsi de détendre celle-ci
qui est confrontée à une situation délicate. Lors de cet examen, la patiente se tient en position
gynécologique (décubitus dorsal, les membres inférieurs écartés, fléchis et les pieds en appui
sur la table), ainsi le kinésithérapeute peut observer et palper la vulve avec facilité. Dans cette
position, différents examens sont réalisés :

-Examen locorégional
-Examen neurologique
-Examen musculaire

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6.2.1 Examen locorégional

Cet examen est basé essentiellement sur l’observation. Nous réalisons ainsi un examen
morphostatique, cutané, trophique et circulatoire vulvaire et vaginal. Nous regardons l’état
des muqueuses, de la peau, la présence de prolapsus et de probables écoulements.

Sur le plan morphostatique, en position debout, nous ne retrouvons aucun trouble (pas
d’antéversion du bassin).

Sur le plan cutané, nous constatons chez Mme J. la présence d’une cicatrice médiane
légèrement indurée affichant quelques brides, résultant de sa déchirure et de son épisiotomie
lors de son accouchement.

Sur le plan trophique et circulatoire, la patiente montre une bonne trophicité vulvaire
c'est-à-dire une vulve rose, non asséchée ainsi qu’une bonne trophicité du sphincter anale
présentant aucune absence de plis radiés. Nous mesurons une distance ano-vulvaire de deux
centimètres.

Nous notons également une légère béance vulvaire. Nous demandons alors à la
patiente d’exercer une poussée et nous constatons l’existence d’une urétrocèle. L’effet des
releveurs de l’anus sur ce prolapsus est modéré. Cela signifie que les releveurs assurent une
tension du hamac sous vésical, mais que cette tension n’est pas maximale et qu’elle peut être
améliorée.

6.2.2 L’examen neurologique

Nous faisons ici le test du piquer-toucher à la patiente dans les divers territoires
vulvaires afin de vérifier si l’extéroception est bonne. Nous recherchons, par le biais de ce
test, l’existence d’éventuelles atteintes neurologiques périphériques sensitives déclenchées par
l’accouchement. Pour la réalisation de celui-ci, nous demandons à Mme J. de fermer les yeux
et de nous dire si elle a la sensation que nous la piquons ou que nous la touchons. La patiente
répond correctement à chaque stimulation, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’atteinte
neurologique sensitive.

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6.2.3 L’examen musculaire

Nous cherchons en premier lieu s’il existe une atteinte motrice périphérique découlant
de son accouchement. Ainsi nous vérifions si les différents réflexes sont présents :

- Contraction réflexe des releveurs ou du sphincter anal (réflexe d’étirement)


- Contraction automatique des releveurs ou du sphincter anal (à la toux)
- Réflexe clitorido-anal

Nous ne décelons aucune atteinte motrice périphérique puisque tous ces réflexes sont
validés. Ensuite, nous testons la force musculaire des muscles releveurs de l’anus, la tenue et
la fatigabilité de ceux-ci en nous basant sur les cotations du testing de Mansoor (tableau I)
recommandé par la HAS [13].

Tableau I : Cotation du testing des muscles releveurs de l’anus, d’après Mansoor, 1993
(27).

Force contractile Tenue Répétition


0 Pas de contraction — —
I Très faible 1s 1 fois
II Faible 2s 2 fois
III Nette 3s 3 fois
IV Bonne
4s 4 fois
Opposition modérée
V Très bonne
5s 5 fois
Opposition forte

Les muscles releveurs de l’anus, bilatéraux et profonds sont les seuls concernés par la
rééducation périnéale. Pour apprécier la cotation de ceux-ci d’après le testing, le
kinésithérapeute place son index dans le vagin de la patiente selon l’orientation de celui-ci,
c'est-à-dire (en position gynécologique) oblique vers le bas et l’arrière. Une fois à l’intérieur
du vagin le doigt est mis en crochet afin de pouvoir parfaitement être en contact avec les
muscles. Par cette technique chaque côté peut être testé individuellement.

10
Le périnée souvent mal connu par les patientes est de ce fait difficile à contracter.
Ainsi, pour que Mme J. puisse correctement le solliciter, nous lui conseillons de faire comme
si elle se retenait d’uriner. La patiente réussie avec cette comparaison à contracter son
plancher pelvien sans inversion de commande mais avec de légères syncinésies abdominales.
Une cotation de 3 à droite et de 3- à gauche.

7 DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE

La grossesse de Mme J. a provoqué des déficits de structure des ligaments, des fascias,
du levator ani distendus. L’accouchement par voie basse d’un gros bébé (obligeant une
épisiotomie après déchirure) aggrave le déficit de structure des muscles périnéaux entrainant
ainsi un déficit de fonction musculaire du levator ani (3 à droite et 3- à gauche). Ce déficit
musculaire additionné aux déficits de structure, donne lieu à une limitation d’activité puisque
le maintien de l’équilibre de la statique pelvienne n’est plus assuré (cf. 4.). La présence d’une
urétrocèle est alors retrouvée.

De plus, la patiente pratique un métier qui l’oblige à se tenir debout toute la journée et
occasionnellement à porter des charges. Elle désire d’autres enfants et présente un périnée
déficitaire faisant suite à une expérience obstétricale difficile. Tous ces éléments montrent que
la patiente est à risque d’incontinence urinaire d’effort, même si actuellement elle n’en
présente pas.

La rééducation périnéo-sphinctérienne chez Mme J. se trouve être essentielle afin de


prévenir les troubles d’incontinence urinaire d’effort et d’éviter l’aggravation de l’urétrocèle,
chez une patiente désireuse d’avoir d’autres enfants.

11
12
8 OBJECTIFS DE REEDUCATION

8.1 Les objectifs à court terme

- Obtenir le consentement délibéré de la patiente.


- Faire prendre conscience à la patiente de l’intérêt de la rééducation.
- Assurer la compréhension et l’application d’une bonne contraction périnéale.
- Lever l’appréhension de la douleur périnéale.
- Eliminer la légère syncinésie abdominale durant la contraction musculaire périnéale.
- Réaliser un renforcement musculaire périnéal en force et endurance qui permettra la
tension du hamac sous vésical.
- Motiver et encourager la patiente afin qu’elle assure un suivi de la rééducation de
manière autonome.

8.2 Les objectifs à moyen terme

- Poursuivre la rééducation périnéale par une rééducation abdominale.


- Continuer à motiver la patiente afin qu’elle ne cesse pas les exercices personnels.

8.3 Les objectifs à long terme

- Suivre la patiente afin de savoir si aucun trouble urinaire n’est apparu depuis la fin de
la rééducation.
- S’assurer d’un maintien dans le temps des résultats obtenus suite à la rééducation.

9 PRINCIPES DE REEDUCATION

- Respecter l’intimité de la patiente.


- Instaurer un climat de confiance entre le kinésithérapeute et la patiente.
- Respecter les règles d’hygiène [15], [16] :
- Le kinésithérapeute lave ses mains avant et après la séance.
- Suite à la rééducation, la table doit être nettoyée et désinfectée avec un
produit spécifique et recouverte d’une protection absorbante à usage unique.
- Le port de gants est obligatoire, ils doivent être changés après chaque activité
réalisée et entre chaque patient.
- Un protège sonde à usage unique est mis sur la sonde manométrique du
biofeedback.

13
- Assurer une rééducation infra-douloureuse chez une patiente qui appréhende.
- Permettre une rééducation adaptée et progressive.
- S’adapter à l’état de fatigue de la patiente.

10 LES MOYENS MASSO-KINESITHERAPIQUE

10.1 L’éducation à la contraction périnéale [13], [17], [18], [19]

• Explications anatomiques

L’éducation commence par une information visuelle et orale fondée sur des
explications simples de ce qu’est le périnée. Ainsi, pour faciliter toute compréhension,
l’exposé s’appuie sur un dessin réalisé devant la patiente reprenant l’anatomie (fig. 6).

Nous commençons par énoncer à Mme J. la définition du périnée (cf. 2). Nous
n’entrons pas dans le détail musculaire mais précisons l’existence de 3 plans anatomiques
agissant dans la continence et le maintien des viscères. Lors de la réalisation de ce dessin,
nous insistons sur les releveurs de l’anus en précisant à Mme J. que c’est à cette musculature
que le kinésithérapeute s’intéressera lors de la rééducation pour développer les qualités
musculaires du périnée. Cette information nous permet ainsi plus facilement de justifier lors
des séances l’application de techniques invasives (biofeedback et touché vaginal). En effet,
par la visualisation sur le dessin de l’emplacement de ces muscles, la patiente comprend que
le seul moyen d’y accéder est de passer par le vagin.

Le dessin met en évidence le noyau fibreux central et l’orientation musculaire des


muscles pubo-coccygiens rattachés à celui ci. Cette schématisation nous permet de dire à
Mme J. que lorsqu’elle contracte son périnée elle doit sentir le noyau fibreux central se
déplacer vers son pubis (vers le haut lorsqu’elle sera en position gynécologique).

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Fig. 6

Dessin simplifié du périnée, réalisé devant la patiente

• Prise de conscience de l’importance de la rééducation chez cette


patiente

Mme J. ne présente pour le moment aucune fuite urinaire, ni sensation de pesanteur et


peut, de ce fait, ne pas comprendre l’intérêt de cette rééducation. Des informations
complémentaires sont donc nécessaires afin que Mme J. trouve un intérêt à contracter
correctement son périnée et assurer un bon renforcement musculaire.

Dans un premier temps nous abordons le thème de l’incontinence urinaire d’effort (cf.
3) avec la patiente. Nous lui expliquons simplement et de façon imagée que l’incontinence
urinaire se produit quand le périnée n’est pas assez fort pour résister à des augmentations de
pression à l’intérieur du ventre. Et que ces augmentations de pression interviennent lors des
efforts, des éternuements ou de la toux.

Notre exposé se poursuit alors par une prise de conscience concrète des répercutions
de son accouchement sur les muscles du plancher pelvien. Nous nous servons pour cela de
notre dessin précédent. Sur ce schéma, nous dessinons d’une couleur différente la taille du

15
vagin lors du passage du bébé (fig. 7). Mme J. se rend compte alors de l’importante distension
périnéale causée par son accouchement. Pour imager, le rééducateur compare alors les lésions
musculaires liées à l’accouchement par voie basse à un claquage, occasionnant la diminution
de force musculaire périnéale. Par ces quelques mots et avec la réalisation du dessin, elle
s’aperçoit alors que même si elle n’a aucune fuite pour l’instant, le fait de présenter une
faiblesse musculaire montre qu’elle peut déclarer une incontinence urinaire
d’effort.

Fig. 7

Schématisation de l’élargissement vaginal lors de l’accouchement

De plus, nous lui expliquons que même si elle ne le ressent pas, elle présente une
urétrocèle, signifiant que son périnée n’est pas assez puissant pour assurer le maintien des
organes. Pour qu’elle prenne conscience de sa béance vulvaire, une photo (de sa propre
béance vulvaire) lui est montrée. Nous insistons sur le fait que sans rééducation, lorsqu’elle
reprendra son travail, la position debout prolongée risque d’aggraver l’affaiblissement
musculaire par la pression continue des viscères sur ses muscles périnéaux. Cet
affaiblissement risque d’aggraver son prolapsus et probablement faire apparaitre des fuites, ce
qui risque d’altérer sa qualité de vie.

Nous faisons prendre conscience à Mme J. que, pour obtenir de bons résultats lors de
cette rééducation, les exercices faits pendant la séance ne représentent que 50% du travail. Un

16
investissement personnel est nécessaire. Nous lui expliquons que, sans ce travail intensif au
quotidien, aucune amélioration ne sera permise. Suite aux explications données, Mme J. est
motivée et adhère complètement à la rééducation.

• Indications pour la contraction périnéale

Nous informons Mme J. que tous les muscles du périnée ont une innervation
commune. Par conséquent, la contraction du sphincter urétral comme celle du sphincter anal
aboutit à la contraction du plancher pelvien. Nous précisons alors que, pour réaliser cette
contraction, il lui suffit seulement de reproduire ce qu’elle fait depuis toute petite pour se
retenir d’uriner ou d’aller à la selle.

• Prise de conscience de son périnée

Cette représentation passe d’abord par le toucher vaginal. La patiente est placée dans
une position facilitant la contraction. La têtière est relevée à 45° pour détendre les
abdominaux. Les genoux sont posés sur des repose-genoux afin de détendre totalement les
membres inférieurs (fig. 8).

Fig. 8

Photo de la position de la patiente

17
Dans cette position, le thérapeute pratique le toucher vaginal en mono digital pour
cibler les différents muscles et faisceaux. Nous exerçons d’abord sur chaque pubo-coccygien
des pressions/dépressions digitales plus ou moins fortes pour faire prendre conscience de
l’emplacement des muscles à contracter. Nous faisons constater à la patiente que ce geste ne
génère pas de douleur et qu’elle ne doit pas appréhender le rapport sexuel. Dans un même
temps nous lui conseillons l’utilisation d’un lubrifiant.

Nous lui montrons ensuite par un toucher externe l’emplacement du noyau fibreux
central et lui rappelons que cette partie doit s’élever lors de la contraction. Puis le doigt du
kinésithérapeute se place ensuite sur celui-ci demandant à la patiente de le faire monter. Au
départ, pour que Mme J. ressente la contraction, les pressions doivent être appuyées sur le
noyau fibreux, puis une dépression est permise pour que la patiente réalise la montée du doigt.
Les contractions demandées à la patiente sont sous maximales ce qui permet de diminuer les
contractions parasites. Lors de cette prise de conscience, nous travaillons sur l’abolition des
contractions abdominales et sur la régularité de celles-ci.

Afin d’obtenir un bon contrôle périnéal, l’éducation se poursuit par l’utilisation du


biofeedback manométrique. Cette technique permet de visualiser et corriger les erreurs faites
lors des contractions.

Nous introduisons une sonde dans le vagin de Mme J.. Celle-ci est munie à sa surface
de capteurs de pressions qui enregistrent la contraction et la transposent sous forme de tracé
visualisé sur ordinateur. Ce tracé varie en fonction de l’intensité et de la régularité de la
contraction.

Des séries de contractions sous maximales, maintenues 5 secondes sont faites par
Mme J.. Elle perçoit alors que, lors des contractions, le tracé oscille, signifiant que ses
contractions ne sont pas régulières. Par essai/erreur après quelques séances, la patiente réussit
à maintenir une contraction constante.

10.2 Travail musculaire périnéal [3], [10], [13], [20], [21], [22]

• Manuel

Nous pratiquons cette technique en début de séance. La patiente est en position


gynécologique. Le rééducateur place son index en crochet sur les faisceaux du pubo-
coccygien droit et gauche. Pour obtenir la contraction périnéale, nous utilisons deux types de

18
stimuli, un stimulus verbal et un stimulus sensitif. C'est-à-dire que la patiente réalise la
contraction lorsqu’elle sent la pression exercée par le kinésithérapeute (stimulus sensitif) ou
lorsque nous lui demandons (stimulus verbal). Chez madame J. le recrutement des fibres de
type 1 comme celle de type 2 est nécessaire.

Pour un travail en force, des contractions maximales de 6 secondes sont demandées à


la patiente. Les 6 secondes de contraction permettent un recrutement optimal des fibres. Le
thérapeute exerce sur chaque pubo-coccygien une résistance qui augmente au cours des
séances. Lors de cet exercice un travail concentrique des fibres puis statique et enfin
excentrique est réalisé. Au début des séances, la patiente éprouve des difficultés avec le
travail excentrique. Elle exerce un retour trop rapide. Mais après plusieurs séries, elle réussit
ce travail. Peu de séries et de répétitions sont faites durant la séance du fait de la fatigabilité
des fibres : le temps de repos est le double du temps de travail.

Pour un travail d’endurance (fibre 1) nous demandons à la patiente d’effectuer des


contractions longues environs 10 secondes et sous maximales. Ce travail permet alors
d’obtenir un tonus de base nécessaire au support des viscères. Les fibres sollicitées étant peu
fatigables, le temps de repos est égal au temps de travail. Les séries et les répétitions sont
nombreuses.

Nous travaillons également dans un second temps le verrouillage périnéal. Cet


exercice nous permet de faire prendre conscience et de renforcer une contraction nécessaire
dans la prévention des fuites à l’effort. Il permet également d’éviter une dégradation rapide du
prolapsus. Cette contraction des releveurs à l’effort est le seul moyen actif protégeant le
système de suspension passive (fascias et ligaments) des différents organes lors de
l’hyperpression abdominale. Dans un premier temps, nous demandons alors à la patiente de
réaliser des contractions maximales et très rapides. Le kinésithérapeute vérifie l’intensité de la
contraction et informe la patiente que cet exercice doit être réalisé avant chaque augmentation
de pression (port de charge lourde, exercices physique, éternuement…). Ensuite, nous
associons cette contraction à des augmentations de pressions abdominales. C'est-à-dire que la
patiente doit contracter son périnée lors d’une toux ou de contractions abdominales
(décollement des épaules de la table ou rapprochement des genoux à la poitrine).

Le thérapeute joue le rôle de biofeedback verbal. Lorsque la patiente relâche la


contraction, il la sollicite et la stimule.

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• Biofeedback manométrique

Pour développer la force périnéale, par l’intermédiaire de cet instrument, la patiente


réalise des séries maintenues 5 secondes, d’intensité égale à 100% de sa force maximale. Le
temps de repos est égal au double du temps de travail c'est-à-dire à 10 secondes. Pendant la
phase de repos, la patiente perçoit sur l’ordinateur un décompte allant de 10 à 0. Afin de
développer l’anticipation nécessaire pour l’évitement des fuites, nous demandons à la patiente
de contracter ses muscles lorsqu’elle voit apparaître le chiffre 1 sur l’ordinateur. Lorsqu’elle
voit apparaître ce chiffre, la patiente réalise alors une contraction rapide et maximale comme
pour le verrouillage périnéal. Puis la patiente ajuste sa contraction et la maintient à 100%.
Cela permet alors maîtrise périnéale et renforcement. Les répétitions sont au nombre de 8.
Durant la séance, la patiente réalise 3 à 4 séries selon la fatigabilité.

La présence du kinésithérapeute est essentielle afin de maintenir la sonde lors de la


contraction. Le kiné doit tirer la sonde vers lui de 1cm environ en même temps que la patiente
contracte. Ce geste permet au muscle d’écraser correctement le ballonnet. Si la sonde n’est
pas maintenue lors de la contraction la sonde s’enfonce dans le vagin et aucune courbe ne
peut être transmise. Si le thérapeute tire la sonde alors que la contraction est faite, le périnée
bute contre la partie dure de la sonde et la rééducation devient douloureuse.

Lors des contractions, nous constatons que la patiente respire normalement. Nous
l’encourageons à continuer et lui disons que c’est ce qu’il faut faire.

Au début des séances, nous laissons la patiente se concentrer sur son travail. Puis, en
progression et afin d’automatiser les contractions, nous discutons avec elle pour qu’elle
parvienne à réaliser plusieurs choses à la fois.

• Personnel

Afin de renforcer la musculature, nous donnons à Mme J. un travail complémentaire


quotidien. Nous lui demandons de réaliser 80 à 100 contractions par jour. Les séries doivent
être espacées dans le temps c'est-à-dire qu’elle doit en faire le matin, le midi et le soir. Nous
précisons que celles-ci doivent être maintenues le plus longtemps possible entre 5 et 10
secondes et que les contractions doivent être pratiquement maximales.

Au début, nous conseillons de réaliser les séries en position assise ou allongée puis
dans toutes les positions et activités de la vie quotidienne.

20
En plus du travail de fond, nous demandons à Mme J. de réaliser le verrouillage
périnéal avant chaque effort important (toux, éternuement, port de charge).

A chaque séance de rééducation, nous interrogeons Mme J. sur les séries d’exercices
qu’elle réalise tous les jours. Nous cherchons à connaitre la fréquence, le nombre, la durée des
contractions et les positions prises. Ainsi, nous pouvons nous assurer du travail exécuté par la
patiente et l’orienter sur la progression à effectuer. Elle accomplit toujours avec sérieux les
exercices demandés.

11 BILAN FINAL DE PRISE EN CHARGE

Après dix séances de rééducation, nous notons une amélioration de la force musculaire
des muscles releveurs de l’anus. Ceux-ci sont cotés à 4 à droite et à 3+ à gauche alors
qu’initialement leur cotation était de 3 à droite et 3- à gauche. L’effet des releveurs de l’anus
sur le prolapsus n’est plus modéré mais important, c'est-à-dire que la contraction maximale de
ceux-ci permet une bonne remontée du prolapsus. La béance vulvaire et l’urétrocèle sont
inchangés. L’appréhension de la douleur étant levée, la patiente a pu reprendre des relations
sexuelles. Aucune fuite urinaire, ni sensation de pesanteur ne sont retrouvées.

12 DISCUSSION

L’intérêt d’une rééducation peut être mis en question pour ce type de patiente ne
présentant ni fuite urinaire, ni symptôme de prolapsus. Cependant la mise en évidence de
nombreux facteurs de risque de l’incontinence urinaire d’effort, (station debout prolongée,
faiblesse périnéale, accouchement par voie basse, utilisation de ventouse, bébé de 3,870 kg,
désir d’un autre enfant), associés à la présence d’une urétrocèle chez Mme J. (révélé par
l’examen clinique) montre l’importance de cette rééducation dans la prévention de
l’incontinence et de l’aggravation de la statique pelvienne.

La mise en place de différentes techniques a permis une évolution rapide de la force


musculaire chez cette patiente. Ainsi l’effet des releveurs de l’anus sur le prolapsus est
important et permet une bonne tension du hamac sous vesical lors de la contraction maximale
de ceux-ci. Nous pouvons supposer que cette bonne mise en tension du hamac sous vésical
assurera le maintien solide de l’urètre lors d’augmentations de pressions intra-abdominales.

21
Néanmoins, ce gain de force n’a pas diminué la béance vulvaire, ni l’urétrocèle. En effet, si
ces troubles de la statique sont encore présents, c’est que fascias et ligaments distendus sont
des éléments sur lesquels la rééducation ne peut agir. Cependant, nous pouvons penser que la
cotation 4 obtenue, permettant d’après le testing de résister à une opposition modérée, semble
être suffisante pour maintenir l’urètre et limiter toute aggravation des altérations
ligamentaires. Ainsi, l’intérêt de cette amélioration musculaire est d’assurer un traitement
conservateur du prolapsus, visant à long terme à éviter une chirurgie réparatrice. Cette
prévention ne prend sens que si la pérennité des résultats est assurée, ce qui est réalisable
seulement si la patiente adhère totalement au projet rééducatif et continue seule le travail
musculaire personnel.

Les techniques d’éducation et les explications utilisées semblent être ici le point fort
de la rééducation. Celles-ci ont permis à la patiente de comprendre les complications qu’elle
pourrait rencontrer. Ce sont ces informations données par le professionnel qui permettent à la
patiente de s’investir pleinement dans sa rééducation. C’est ainsi, grâce à l’assiduité et au
sérieux de Mme J., réalisant les exercices quotidiens, que la récupération de la force
musculaire est permise.

Néanmoins, tout ce qui est acquis n’a d’intérêt que si la patiente continue sa
rééducation régulièrement. C’est pour cette raison que des rendez-vous de contrôle à long
terme sont mis en place afin de s’assurer du maintien de ses efforts. Si le kinésithérapeute
constate une baisse de ceux-ci, il travaillera sur le psychisme de la patiente en utilisant des
arguments pertinents, de nouvelles stratégies visant une fois de plus à stimuler celle-ci.

Comparativement à une personne souffrant de fuites urinaires qui va progresser à


chaque séance de rééducation pour arriver à une guérison totale ; cette rééducation est
particulière car Mme J. voit ses progrès grâce aux techniques (biofeedback, toucher manuel)
et juge son efficacité, entre autre, par l’intermédiaire des explications du kinésithérapeute.

Au delà du bénéfice musculaire, cette rééducation permet à la patiente d’avoir le


contrôle de son corps et prendre conscience d’un muscle que beaucoup de femmes ne
connaissent pas. Cette perception favorise le contrôle, la contraction, la détente et le
relâchement du muscle. Détente et relâchement seront favorables pour limiter les lésions et les
complications périnéales lors du deuxième accouchement. De plus, l’absence de douleurs
pendant les exercices a redonné confiance à la patiente lui permettant de recouvrer une
activité sexuelle.

22
13 CONCLUSION

Dans cette prise en charge l’examen clinique et l’interrogatoire ont permis de déceler
les facteurs de risque d’incontinence urinaire et de mettre en évidence une urétrocèle chez une
patiente asymptomatique. Ainsi, grâce à ces examens, nous en avons conclu la nécessité de
cette rééducation, basant celle-ci sur la prévention des aggravations de l’urétrocèle et des
fuites urinaires d’effort, qui ne trouvent leur intérêt seulement si un contrôle à long terme est
réalisé.

Face à cette patiente asymptomatique, la motivation repose essentiellement sur les


explications du kinésithérapeute, et sur la confiance établie avec celui-ci.

Cette prise en charge suppose que ce n’est pas parce qu’une femme ne présente aucune
sensation de pesanteur, ni aucune fuite urinaire, qu’elle ne présente pas d’anomalies cliniques.
Cela montre l’importance d’un bilan permettant de détecter prolapsus et risque d’incontinence
urinaire, nécessitant la mise en place d’une éventuelle rééducation.

23
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