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Département de Langue et Littérature Françaises

Filière : Études françaises

S1/M6 : Les grands mythes

Support de cours n°1


Cours complets classés chronologiquement
Les mythes gréco-romains
Les mythes bibliques
Les mythes littéraires
Nombre de pages : 95

Professeurs
BEJJTIT Réda
FELLAHI Salma
FAGHLOUMI Youssef

Année universitaire
2020-2021

1
Sommaire

 Descriptif
 Cours n°1 : Définitions et aspects du mythe
 Cours n°2 : La mythologie, sens, fonctions, personnages
 Cours n°3 : Les mythes gréco-romains
 Cours n°3 (suite) : Confrontation de diverses écritures, représentations du mythe au fil
des époques/Mythe et langage

 Cours n°4 : Les mythes bibliques


 Exercices d’application : Les mythes gréco-romains et bibliques
 Révision générale : récapitulation des cours précédents
 Cours n°5 : Le mythe littéraire comme réécriture individuelle d'un texte fondateur

 Cours n°6 : Mythes littéraires et personnages universels

 Cours n°7 : Le mythe de Don Quichotte et ses doubles dans la littérature


 Cours n°8 : Le mythe de Faust et ses reprises dans la littérature
 Cours n°9 : Mythes littéraires ( Don Juan et Le monstre)
 Cours n°10 : Le mythe de Robinson Crusoé

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DESCRIPTIF DE MODULE
1. IDENTIFICATION DU MODULE

Intitulé Module LES GRANDS MYTHES


Département / établissement dont FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
relève le module D’EL JADIDA

Filière dont relève le module ÉTUDES FRANÇAISES

Année universitaire 2020/2021


Objectifs du module -Doter l’étudiant d’un certain nombre de notions indispensables à la
compréhension de la littérature, car c’est dans l’œuvre littéraire que
s’épanouissent les mythes, s’actualisent et se transforment.
-A travers un choix de mythes et de thèmes légendaires, l’apprenant
pourra connaître le symbolisme qui leur est lié et la littérature
abondante à laquelle ils ont donné naissance (ex: Don Quichotte,
Œdipe, Faust, Dom Juan, Le monstre)

2. COURS PRINCIPAUX

 Cours n°1 : Définitions et aspects du mythe


 Cours n°2 : La mythologie, sens, fonctions, personnages
 Cours n°3 : Les mythes gréco-romains
 Cours n°3 (suite) : Confrontation de diverses écritures, représentations du mythe au fil
des époques/Mythe et langage

 Cours n°4 : Les mythes bibliques


 Exercices d’application : Les mythes gréco-romains et bibliques
 Révision générale : récapitulation des cours précédents
 Cours n°5 : Le mythe littéraire comme réécriture individuelle d'un texte fondateur

 Cours n°6 : Mythes littéraires et personnages universels

 Cours n°7 : Le mythe de Don Quichotte et ses doubles dans la littérature


 Cours n°8 : Le mythe de Faust et ses reprises dans la littérature
 Cours n°9 : Mythes littéraires ( Don Juan et Le monstre)
 Cours n°10 : Le mythe de Robinson Crusoé

N.B / Ce descriptif devra prendre en considération l’évolution de l’épidémie que nous


vivons actuellement.

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BIBLIOGRAPHIE
Albouy.P, Mythes et mythologie dans la littérature française, Colin, 1969.
Caillois.R, Le mythe et l’homme, Gallimard, 1938.
Chevalier. J et Gheerbrant. A, Dictionnaire des Symboles, Laffont, 1982.
Commelin. P, Mythologie grecque et romaine, Pocket, Paris, 2002.
Demerson.G, La mythologie classique dans l’œuvre lyrique de la Pléiade, Droz, 1972.
Durand.G, L’imagination symbolique, PUF, 1968.
Durand.G, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Dunod, 1992.
Grimal.P, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, PUF, Paris, 1999.
Lecourt.D, Prométhée, Faust, Frankenstein, Poche, Paris, 1998.
Pepin.J, Mythes et allégorie, Ed. Montaigne, 1958.

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Cours n°1 : Définitions et aspects du mythe
Introduction
La littérature et les arts se sont toujours inspirés des mythes antiques (dans notre cas, il s’agit de
l’Antiquité gréco-romaine) afin de produire des récits enrichis jusqu'à créer de nouveaux mythes. Ainsi, des
mythes politico-héroïques plus modernes où des figures historiques tels que Napoléon, Louis XIV et César
sont devenues des héros mythiques, rivalisant avec les héros grecs tels qu’Ulysse et Thésée que nous
retrouvons non seulement dans la littérature mais aussi dans des représentations picturales, puis plus tard
dans le cinéma. Plus encore, la littérature, en plus de s’inspirer des mythes de jadis, a, elle-même créé des
mythes qu’on appelle « mythes littéraires ». C’est le cas de Don Quichotte, de Don Juan ou de Faust par
exemple (que nous traiterons dans nos prochains cours).
Dans la majorité des cas, le mythe illustre un thème représenté par un ou plusieurs personnages agissant
dans une situation particulière ; c’est le cas, par exemple, du héros grec Ulysse dans L’Iliade et l’Odyssée1
d’Homère ou de Don Quichotte de Servantès que nous traiterons également dans les semaines à venir.
I. Le mythe selon les dictionnaires
Selon le dictionnaire Le Littré, le « mythe » est particulièrement un « récit relatif à des temps ou à des
faits que l'Histoire n'éclaire pas, et contenant soit un fait réel transformé en notion religieuse, soit l'invention
d'un fait à l'aide d'une idée. Le mythe est un trait fabuleux qui concerne les divinités ou des personnages qui
ne sont que des divinités défigurées ; si les divinités n'y sont pour rien, ce n'est plus mythe, c'est légende ;
Roland à Roncevaux, Romulus et Numa, sont des légendes ; l'histoire d'Hercule est une suite de mythes. Il
n'est pas nécessaire que le mythe soit un récit d'apparence historique, bien que c'en soit la forme la plus
ordinaire. Ainsi, le mythe est tout ce qui n'a pas d'existence réelle. Il raconte, donc, avant toute chose d'un
récit symbolique.
Le dictionnaire Larousse, quant à lui, définit le mythe comme étant (a) « un récit mettant en scène des
êtres surnaturels, des actions imaginaires ou des fantasmes collectifs, etc », (b) « une allégorie
philosophique (par exemple le mythe de la caverne)2 », (c)« un personnage imaginaire dont plusieurs traits
correspondent à un idéal humain, un modèle exemplaire (par exemple Don Juan) », (d) « ce qui est
imaginaire, dénué de valeur et de réalité». Ce même dictionnaire propose aussi la signification suivante
«Récit populaire ou littéraire mettant en scène des êtres surhumains et des actions imaginaires, dans
lesquels sont transposés des événements historiques, réels ou souhaités, ou dans lesquels se projettent
certains complexes individuels ou familiaux et sociaux ».
II. Sens, origines et évolution
Au sens étymologique, le terme mythe veut dire « parole ». Il s’agit d’un récit généralement anonyme,
antique et collectif, transmis par la tradition ayant souvent pour personnages des êtres surhumains qui ont des
pouvoirs surnaturels mais dont les sentiments et les comportements se rapprochent de ceux des humains. On
y trouve également des divinités et des héros. Ces personnages font partie d’un passé lointain, précédant
l’Histoire humaine. Autrement dit, le mythe est une parole qui se réfère à des événements anciens : dans les
sociétés primitives, il sert d’explication du monde, comment les choses ont commencé et pourquoi les
hommes en sont là aujourd’hui. Dans sa composition, il est le plus souvent très court et d’un agencement
parfait. Chaque détail est chargé d’une signification intense. Par conséquent, les mythes sont l’expression
d’une culture ; ils expriment les aspirations de l’inconscient humain et mettent en scène des situations
éternelles. La pensée scientifique n’a pas réussi à les faire disparaître. Bien plus, dans la plupart des
productions littéraires, se dessinent des bases d’images liées au mythe.
Dans ce sens, une des caractéristiques du mythe est de se présenter sous différentes versions, avec
des « variantes » (différences distinguant des versions : Orphée1meurt mis en pièce par Les Ménades2,

1
- Épopées antiques grecques attribuées à Homère, VIIIème siècle av. J.-C.
2
- C’est dans l’ouvrage La République que Platon affirme l’existence, au-delà du monde sensible, d’un monde
intelligible, le monde des Idées. On y trouve ce célèbre « mythe de la Caverne ». Veuillez regarder cette vidéo afin de
comprendre ce concept : https://nospensees.fr/mythe-de-caverne-de-platon-dualite-de-realite/.

5
prêtresses de Bacchus3 mais dans une autre version moins répandue, il meurt foudroyé par Zeus4 pour avoir
révélé son expérience au Royaume des morts).
Rappelons que le mythe a été, à l’origine, transmis oralement et constitue la mémoire identitaire d’une
confrérie ou de tout un peuple. Ce n’est qu’après des siècles que les ethnologues ont recueilli ce genre de
récits chez les peuples dit primitifs. Les grecs de l’Antiquité ont eux-mêmes recueilli par écrit leurs mythes et
en ont alimenté leur littérature et leur philosophie. Notons que les mythes ont d’abord été des récits sacrés
(hiéros) liés aux cérémonies religieuses, mais les Grecs ont opposé à ces mythes les discours de la raison
(l’histoire, la philosophie) et se sont interrogés sur cet héritage de « fables » (mythos) dont beaucoup leur
semblaient inquiétantes ou mystérieuses.
La mythologie grecque reprise par les latins sera versée au patrimoine de la culture moderne occidentale
qui, tout en ayant abandonné la religion « païenne », continuera à chercher dans la prestigieuse culture
antique des fictions propres à alimenter la création littéraire et artistique.

Quand Freud, le fondateur de la psychologie de l’inconscient (la psychanalyse) cherchera une figure qui
résume ses découvertes, il hésitera entre un mythe biblique (Moïse) et un mythe littéraire (Hamlet), pour
finalement retenir une figure prise de la mythologie grecque et illustrée par une tragédie : Œdipe.
III. Distinction entre le mythe et la légende
Contrairement au mythe, la légende a pour base l'Histoire. Le personnage ou l'événement auquel on fait
allusion est supposé avoir existé, mais sans certitude. C'est ainsi que les personnages des légendes se réfèrent
à des hommes qui ont certainement vécu à une époque, sans que leur existence ait été prouvée. C'est le cas
par exemple de la « Légende du roi Arthur »5 ou la « Dame blanche » (voir documents complémentaires,
p.3) qui ont souvent été repris dans les textes littéraires et au cinéma. Autrement dit, il s’agit récit
mythologique ou historique, dont le fond réel est déformé par l’imagination populaire. Le mythe lui ne se
base pas une Histoire considérée comme réelle mais sur des faits et les récits oraux collectifs d’un peuple
ayant vécu à une époque bien déterminée. Ce mythe oral né chez les grecs s’est vu vite transcrit dans les
textes poétiques, littéraires et philosophiques.

Conclusion
En somme, le mythe est un récit d'origine populaire narrant les exploits des héros ou des dieux qui a plus
d’une fonction. Il s’agit en effet de conter, d’expliquer, de sacraliser, de désacraliser et de symboliser.
Chaque mythe est regroupé dans une « mythologie » qui regroupe l'ensemble des croyances d'une civilisation
ou d'un peuple.

*Notes*
1- Orphée était un des aèdes mythiques de Thrace, fils du roi Œagre et de la muse Calliope. Il savait charmer les
animaux sauvages et parvenait à émouvoir les êtres inanimés grâce à sa lyre qu'Apollon lui avait donnée avec quelque
uns de ses dons.
2- « Les Ménades » sont à l'origine les nourrices de Dionysos puis le nom des femmes qui accompagnèrent le dieu
pendant sa marche triomphale de Lydie jusqu'en Grèce. Elles portent le nom de « Thyiades » quand elles forment le
cortège rituel du dieu de la vigne et du vin lors des fêtes dionysiaques. Elles sont aussi appelées « Bacchantes » chez les
Romains.
3- Bacchus est un dieu romain correspondant à Dionysos dans la mythologie grecque. C'est le dieu de la vigne, de la
fête et du vin.
4-Zeus est le dieu le plus puissant de la mythologie grecque également connu sous le nom de Jupiter dans la mythologie
romaine. Dieu de la lumière céleste, Zeus a dans sa dépendance tous les grands phénomènes où se manifeste la vie
cosmique ; il règle la succession du jour et de la nuit, le cours des saisons, l'action bienfaisante ou destructive des vents,
les alternatives de froid et de chaleur, de bon et de mauvais temps, l'épanouissement des plantes, des animaux et des
humains etc.
5 - « Le roi Arthur » est d'après les romans médiévaux, un seigneur breton qui aurait organisé la défense des peuples
celtes des îles Britanniques et de Bretagne armoricaine face aux envahisseurs germaniques au 10 ème siècle. La légende
d'Arthur est principalement inspirée par le folklore et l'invention littéraire, et son existence historique n'est pas attestée.

6 - Né à Athènes en 427 av. J.-C et mort en -348 av. J.-C dans cette même ville, Platon est un philosophe antique de la
Grèce classique. Il est généralement considéré comme l'un des premiers philosophes occidentaux, sinon comme
l’inventeur de la philosophie.
7- Figure de style qui permet de mieux comprendre un concept, une idée, une abstraction grâce à une histoire, une
métaphore ou une image.

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Documents complémentaires

1. Vidéos à regarder
 « Qu’est-ce qu’un mythe ? »
https://www.youtube.com/watch?v=4H9KgY2dEy8

 « Le mythe d’Orphée »
https://www.youtube.com/watch?v=O5iJgzSnLlY

 « La légende d’Arthur »
https://www.youtube.com/watch?v=tNO_BClk3N4

 « La légende de la dame blanche »


https://www.youtube.com/watch?v=4wQ54-KyQo0

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Cours n°2 : La mythologie, sens, fonctions, personnages/
Textes majeurs où la figure du mythe s'est déployée
Plan
I. Rappel : signification du « mythe » et les buts de sa création
II. Catégories du « mythe »
III. Fonctions du « mythe »
IV. La mythologie, qu’est-ce que c’est ?

I. Rappel : signification du « mythe » et les buts de sa création


Le terme « mythe » provient du grec « muthos » qui signifie « parole », puis « récit ». Le mythe
est, dans ce sens un récit à caractère « fabuleux » qui représente des êtres surnaturels et sacralise
certains faits et événements. Il existe différents aspects du mythe, à savoir : le mythe grec et romain 1,
le mythe religieux (biblique) et le mythe littéraire2.
Rappelons que les mythes explorent divers croyances ou bien révèlent des vérités de la nature
humaine. Les légendes, quant à elles, sont des récits concernant une personne, endroit ou une nation
en particulier.
Traditionnellement, les mythes et les légendes étaient transmis oralement pour ensuite inspirer les
plus grands écrivains et philosophes, mais de nos jours, ils font également l’objet de films ou des jeux
vidéo. Par conséquent, les mythes et les croyances, fruits de l’invention humaine, mais s’appuyant sur
des « vérités » transmises au cours des siècles, répondent au besoin de l’homme à sortir de la réalité
qu’il trouve trop ordinaire, et démontent son attirance pour l’étrange et le fabuleux. Aussi, l’Homme
a besoin de croire en une ou des forces supérieures afin de donner sens à son existence.
Les mythes d’autrefois exercent à cet égard, aujourd’hui encore, une grande fascination sur l’être
humain. L’Odyssée3, par exemple, d’Homère, nous passionnent et nous charment encore de nos jours.

II. Catégories du « mythe »


Il n’existe pas un « mythe » mais des « mythes ». Par là, nous signifions que le mythe peut être
classé en plusieurs catégories. En effet, les personnages, les créatures et les phénomènes que nous y
retrouvons varient selon la culture, la mémoire populaire et les buts visés. Parmi les types les plus
récurrents ce qui suit :
1. Les mythes cosmogoniques : La cosmogonie relate la naissance de l’Univers. Ce genre se
rapporte en effet à la Création du Monde ; on y décrit la naissance des dieux, la formation du globe,
le cycle du temps, les ancêtres etc. La portée est généralement symbolique et tente de familiariser
l’Homme avec son milieu. Ex : « La création du Monde en Egypte antique ».
2.Les mythes théogoniques : La théogonie renvoie à tout récit mythologique lié aux origines
divines, de telle sorte qu’elle constitue un récit primordial au même titre que la cosmogonie dont elle
ne peut être dissociée. Ex : « Naissance de Gaia et d’Ouaranos».
3. Les mythes anthropogoniques : L’anthropogonie relate la naissance et le développement de
l’Humanité. Exemple, citons : « Le mythe de Prométhée ».

4.Le mythe de la fondation : Celui-ci décrit la fondation d’une ville ou d’une nation. Ex : l'histoire
des jumeaux Romulus et Rémus qui raconte l’apparition de la ville Rome et sa construction.

1
- N’omettons pas de souligner que les autres cultures ont également leurs mythes. Notons, entre autres, la mythologie égyptienne,
la mythologie germanique, la mythologie chinoise et japonaise, la mythologie de l’Amérique du nord et celle du sud, la mythologie
australienne, etc.
2
- On parle de mythe littéraire quand le récit où un personnage mythique est repris dans un texte littéraire enrichie des nouvelles
traditions de l’époque de l’écriture.
3
- L’Odyssée est une épopée grecque composée après l’Iliade, à la fin du VIIIème siècle av. J.-C. Elle est considérée comme l’un des
chefs-d’œuvre de la littérature et, avec l’Iliade, comme l'un des deux poèmes fondateurs de la civilisation européenne.

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III. Fonctions du mythe
Les principales fonctions du mythe sont religieuses, sociales, morales, esthétiques et
sociologiques :
1. La fonction religieuse : Les mythes religieux sont des récits sacrés qui exposent des êtres divins
et visent à expliquer la création de l’Univers, la mortalité de l’homme et certains phénomènes
cosmiques. Ils se sont d’abord transmis oralement avant d’être repris dans les œuvres écrites telles
que les tragédies grecques (Antigone de Sophocle) et les mythes gréco-romains (Les Métamorphoses
d’Ovide).
Cette fonction religieuse du mythe détermine les relations entre l’homme et le sacré. Le mythe
d’Adam et Ève et de leur chute du Paradis est un exemple biblique concret de cette portée religieuse.
2.La fonction sociale : Le mythe social est un récit tantôt sacré tantôt profane qui permet d’assurer
l’homogénéité d’une nation en prenant exemple sur un modèle ou un héros. Citons pour exemple
l’histoire de « Ramulus »* qui, une fois adulte, tue son frère et fonde la ville de Rome. Cette fonction
tend à expliquer les raisons qui poussent une personne à agir de telle et telle façon afin de bâtir une
nation ou une idée que le peuple devra partager.
Le héros devient certes un modèle social et un exemple à suivre par les valeurs qu’il véhicule et
qui sont les ferments d’une société. Mais son orgueil et sa démesure servent de repoussoir et d’appel
à la tempérance.
3.La fonction morale : Ce genre sert généralement de modèle et tend à donner une leçon à l’être
humain. Au même moment, il exprime ses pulsions, ses angoisses et ses envies inconscientes. Ex : «
Prométhée » est par exemple puni pour avoir trahi le royaume des dieux.
4.La fonction esthétique : Ce genre de mythe contribue à mettre en mots l’inconnu et le fabuleux
sous une forme poétique et littéraire. Ex : « Le mythe d’Orphée », repris souvent pas les écrivains
dont l’imagination est stimulée par la réception des mythes oraux.
5.La fonction sociologique : Certains mythes ont une dimension sociologique et puisent leurs
racines dans l’inconscient collectif en prenant une valeur symbolique. Et puisque les sociétés
évoluent, le mythe évolue également et se transforme en fonction du contexte sociologique. Dans ce
sens, les super-héros tels que « Batman, Superman ou Wonderwomen « peuvent être considérés
comme des « mythes modernes ».
IV. La mythologie, qu’est ce que c’est ?
1. Introduction à la mythologie gréco-romaine
* La mythologie grecque se compose de l’ensemble des mythes forgés au fil des siècles par les
peuples de la Grèce antique. Souvent nourrie de faits marquants, cette mythologie gagne en richesse
et en complexité, mais également en ambigüité. On y trouve environ 30000 dieux, déesses et demi-
dieux, ainsi qu’une multitude de héros et de personnages hors du commun.
Sur le plan religieux, certaines divinités étaient adorées dans toute la Grèce ; d’autres, souvent
secondaires ou inférieures, étaient vénérées localement. Les sources de leur histoire sont multiples et
divergentes. En effet, les versions, globalement de veine poétique, changent d’un auteur à l’autre
selon les sources d’inspiration de chacun d’eux.
* La mythologie romaine, quant à elle, comprend les mythes et les croyances de la Rome
antique. Tributaire en grande partie de la mythologie grecque dont elle partage les origines, elle a
aussi adopté les conceptions religieuses et culturelles des pays annexés à l’Empire romain dont
l’Égypte plus particulièrement.
Les mythes propres à Rome, peu nombreux, se focalisent en majorité sur la fondation des cités.
On ne connait ni cosmogonie ni théogonie spécifiquement romaines. Les dieux romains proviennent
de la mythologie grecque, de rares exceptions mises à part. C’est pour cette raison qu’ils sont
généralement présentés comme de simples équivalents des dieux grecs, souvent avec les mêmes
fonctions et les mêmes attributs.
* L’étude de la mythologie n’est pas une science mais plutôt un répertoire unifié de croyances
qui n’a pas été mis au point qu’au XVIème siècle. En effet, pendant la Renaissance, la mythologie fut

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accueillie avec enthousiasme par certains intellectuels tels que Montaigne, Rabelais et Ronsard qui en
tirèrent largement profit pour nourrir leurs écrits. Ils considéraient ce mélange de rêve et de fantaisie
comme une forme de révélation adaptée aux peuples des civilisations antiques ; une valeur ajoutée
bénéfique pour la Littérature. Cette conception se transforma radicalement au XVIIème siècle à cause
de l’Église qui prônait la suppression de la mythologie taxée de dangereuse car elle donnait lieu et
encourageait le polythéisme.
Les auteurs du Grand Siècle (XVIIè) n’ont pas tenu compte de cette mise en garde et soutenaient
que les références mythologiques étaient indispensables à la compréhension de leurs œuvres. Plus
encore, ces chimères poétiques et païennes furent enseignées dans les écoles et les universités de
France et dans les pays voisins au mépris de l’attitude ecclésiastique qui finit pas s’assouplir. Ces
idées qui n’étaient que le fruit d’une imagination féconde, parfois très étranges, obtinrent l’adhésion
des écrivains des siècles suivants et donnèrent naissance à des chefs-d’œuvre d’une rare beauté en
peinture, en sculpture et bien d’autres domaines de l’art.
2.Mythes gréco-romains les plus connus : personnages et phénomènes
Les mythes gréco-romains contiennent une diversité au niveau des personnages, des phénomènes
et des créatures ; dieux et déesses, demi-dieux et demi-déesses, rois et guerriers, créatures
fantastiques et mystérieuses, montres, anges et démons etc. Les phénomènes naturels récurrents sont
souvent liés à la mer, aux rivières, au vent, au ciel, à la montagne et aux forets. Nous retrouvons
également le chant et la danse qui sont très présents.
Ce tableau représente les divinités (gréco-romaines) que l’on retrouve le plus souvent dans les
récits aussi bien oraux qu’écrits :

*Cronos (Titan) : Roi des Titans4, dieu du temps, il est le fils d’Ouranos (Dieu du Ciel et de la vie)
et de Gaia (Déesse de la terre) et père de Zeus.
*Zeus : Fils de Cronos et de Rhéa. Il est le roi des dieux de l’Olympe. Il se maria avec sa sœur Héra
qui lui donna beaucoup d’enfants dont Apollon (dieu du chant, de la musique, de la beauté masculine
et de la poésie. Il est également dieu des purifications et de la guérison), Il en eut d’autres aussi avec
des femmes mortelles. Il partage l’Univers avec Poséidon et Arès et devint le Seigneur du Ciel dont
l’immense pouvoir éclipsait celui de toutes les autres divinités de l’Olympe.

4
- Fils d'Ouranos et de Gaïa, les deux sources, les titans sont les dieux primordiaux géants qui ont précédé les dieux de
l'Olympe (dieux qui peuvent d’unir avec des êtres humains et donner naissance à des demi dieux ; ils habitent sur le Mont
de l’Olympe, le plus haut mont en Grèce).

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*Héra : Fille de Cronos et de Rhéa, épouse et sœur de Zeus avec qui elle eut Arès, Hébé, Ilythie. Elle
faisait partie des douze olympiens. Déesse du mariage et protectrice des femmes et de la fécondité des
couples.
*Aphrodite : fille de Dionée et de Zeus. Elle est la déesse de l’amour et de la beauté. Elle favorisait
les rencontres amoureuses et présidaient les naissances. Elle était mariée à Héphaïstos qu’elle trompa
à plusieurs reprises avec Adonis (dieu de la mort et le renouveau doté d’une grande beauté) et Arès.
*Poséidon : fils de Cronos et de Rhéa, frère de Zeus et d’Adès. Poséidon est le dieu de la mer et de la
navigation, des tempêtes et des tremblements de terre. Il fait partie des douze olympiens.
*Hadès : fils de Cronos et de Rhéa, frère de Zeus et de Poséidon. Il est le maitre des enfers.
*Athéna : fille de Zeus et de Métis, elle faisait partie des douze divinités de l’Olympe. Elle
symbolisait l’intelligence, la sagesse et la raison ; elle protégeait les arts et la littérature. Protectrice
d’Athènes à laquelle elle donna son nom.
*Artémis : fille de Phrégée et de Léto. Elle est la déesse de la chasse et de la lune.
*Hermès : fils de Zeus et de Maia ; divinité de l’Olympe. Dieu du commerce, gardien des routes,
conducteur des âmes aux enfers et messager des dieux.
*Arès : fils de Zeus et d’Héra. Il est le dieu de la guerre et de la destruction.
*Héphaïstos : fils d’Héra qui l’engendra seule selon certaines versions comme Zeus avait engendré
seul Athéna. Dieu des volcans et des forges qui personnifiait le feu et un des 12 Olympiens.
*Hestia : fille aînée de Cronos et de Rhéa, sœur de Zeus, Poséidon, Hadès, Héra, elle appartient à la
génération des dieux mineurs, bien que sa présence dans le canon olympien soit variable. Hestia est la
déesse vierge du foyer domestique et du feu sacré.
*Dionysos : fils de Zeus et de la mortelle Sémélée. Dieu des opposés ( vie/ mort, homme/ femme), de
l’hiver et de la fête des morts, du vin et de ses excès, de la folie et la démesure, ainsi que du théâtre et
de la tragédie.
*Eros : Dans la Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), il est issu de Chaos et constitue, avec
Gaïa ,une des cinq divinités primordiales. Il symbolise la beauté et l’amour. Athènes l’honorait et
voyait en lui le dieu libérateur des cités.
*Perséphone (Coré) : fille de Zeus et de Déméter et aussi épouse d'Hadès, connue sous nom de Coré.
Déesse du monde souterrain (les Enfers), elle est également associée au retour de la végétation lors du
printemps.
3. Ouvrages et mythes célèbres
 Textes majeurs :
- La Théogonie d’Hésiode : Cet ouvrage à caractère poétique et fabuleux est majeur dans la culture
gréco-romaine car il relate la naissance de l’Univers, des dieux et des êtres vivants.
-L’Iliade d’Homère : Épopée qui narre la guerre de Troie ; la présence des dieux et des êtres
surnaturels est omniprésente, tout comme chez Hésiode.
-L’Odyssée d’Homère : récit qui survient après la guerre de Troie ; Homère y raconte les
mésaventures d'Ulysse, roi grec puni par les dieux, cherchant à retrouver son royaume après s’être
perdu dans les mers pendant des années.
-Les Métamorphoses d’Ovide : Ce long poème romain s’inspire fortement des grecs Hésiode et
Homère. L’œuvre commence par raconter la création du monde et se termine par l'époque d'Ovide
en évoquant la gloire de Jules César. Par la même occasion, l’auteur narre les nombreuses
métamorphoses imposées par les dieux.

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 Exemples de mythes célèbres repris par la littérature et les arts
-Œdipe : Roi de Thèbes, fils de Laïos et de Jocaste, roi et reine de Thèbes. Ce personnage tue son
père et épouse sa mère, un inceste qui provoque des conséquences terribles.
-Prométhée : ce titan est surtout pour avoir créé les hommes à partir de restes de boue transformés en
roches, ainsi que pour le vol du « savoir divin » (le feu sacré de l'Olympe). Il fut puni pour cette
erreur.
-Thésée et le minotaure : Thésée (fils d’Apollon et d’Ethra) réussit à entrer et sortir du labyrinthe ou
était enfermé le Monstre grâce à l'amour d’Ariane (fille de Minos et de Pasiphaé) et à son fil.
-Sisyphe : cf. http://www.greceantique.net/sisyphe.php

-La Méduse : cf. http://prolimeduses.e-monsite.com/pages/annexes/le-mythe-de-meduse-et-des-


gorgones.html

Extraits de textes à étudier

 Extrait de La Théogonie, Hésiode


Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous
les Immortels qui habitent le faite de l'Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les
abîmes de la Terre immense ; enfin l'Amour, le plus beau des dieux, l'Amour, qui amollit les âmes, et,
s'emparant du cœur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté. Du
Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure (19).

L'Éther et le Jour (20) naquirent de la Nuit, qui les conçut en s'unissant d'amour avec l'Érèbe. La
Terre enfanta d'abord Uranus couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la
couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle
créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux
gorges profondes.

Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots
bouillonnants ; puis, s'unissant avec Uranus, elle fit naître l'Océan aux gouffres immenses, Céus
(21), Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébè à la couronne d'or et
l’aimable Téthys. Le dernier et le plus terrible de ses enfants, l'astucieux Saturne, devint l'ennemi du
florissant auteur de ses jours.
Source : http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/hesiode/theogonie.htm

 Extrait de L’Odyssée, Homère

Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu'il eut renversé la citadelle sacrée
de Troie. Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ; et, dans son coeur, il
endura beaucoup de maux, sur la mer, pour sa propre vie et le retour de ses compagnons Mais il ne
les sauva point, contre son désir ; et ils périrent par leur impiété, les insensés ! ayant mangé les
boeufs de Hélios Hypérionade. Et ce dernier leur ravit l'heure du retour.
Dis-moi une partie de ces choses, Déesse, fille de Zeus. Tous ceux qui avaient évité la noire mort,
échappés de la guerre et de la mer, étaient rentrés dans leurs demeures ; mais Ulysse restait seul,
loin de son pays et de sa femme, et la vénérable Nymphe Calypso, la très noble déesse, le retenait
dans ses grottes creuses, le désirant pour mari. Et quand le temps vint, après le déroulement des
années, où les Dieux voulurent qu'il revît sa demeure en Ithaque, même alors il devait subir des
combats au milieu des siens. Et tous les Dieux le prenaient en pitié, excepté Poséidon, qui était
toujours irrité contre le divin Ulysse, jusqu'à ce qu'il fût rentré dans son pays. (…)
12
La divine Athéna répond aussitôt :
« Fils de Cronos, mon père, le plus puissant des dieux, oui, sans doute, cet homme à péri d’une
mort justement méritée. Périsse ainsi tout autre mortel coupable de tels forfaits ! Mais mon cœur
est dévoré de chagrins en pensant au valeureux Ulysse, à cet infortuné, qui depuis longtemps, loin
de ses amis, souffre d’amères douleurs dans une île lointaine, située au milieu de la mer ; c’est dans
cette île, couverte de forêts, qu’habite une déesse, la fille du prudent Atlas, qui connaît tous les
abîmes de la mer, et qui soutient les hautes colonnes appuis de la terre et des cieux. Oui, sa fille
retient ce héros malheureux et gémissant, elle le flatte sans cesse par de douces et de trompeuses
paroles, pour lui faire oublier Ithaque ; mais Ulysse, dont l’unique désir est de revoir la fumée
s’élever de la terre natale, voudrait mourir. Quoi ! votre cœur ne se laissera-t-il point fléchir, roi de
l’Olympe ? quoi donc ! Ulysse près des vaisseaux argiens, et dans les vastes champs d’Ilion, a-t-il
jamais négligé vos sacrifices ? Pourquoi donc êtes-vous maintenant si fort irrité contre lui, grand
Zeus ? »
Incipit du « Chant 1 »,
Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Hom%C3%A8re_-
_Odyss%C3%A9e,_traduction_Leconte_de_Lisle,_1893.djvu/5

 Extrait des Métamorphoses d’Ovide

Un dieu […] sépara du ciel la terre, de la terre les eaux et il assigna un domaine au ciel limpide, un
autre à l'air épais. Après avoir débrouillé ces éléments et les avoir tirés de la masse ténébreuse, en
attribuant à chacun une place distincte, il les unit par les liens de la concorde et de la paix. La
substance ignée et impondérable de la voûte céleste s'élança et se fit une place dans les régions
supérieures. L'air est ce qui en approche le plus par sa légèreté et par sa situation ; la terre, plus
dense, entraîna avec elle les éléments massifs et se tassa sous son propre poids ; l'eau répandue aux
alentours occupa la dernière place et emprisonna le monde solide.

Source :
http://wwwperso.lpc2e.cnrs.fr/~theureau/Extrait_Genese_Hesiode_Ovide_
HuaiNan.pdf

13
14
Cours n°3 : Les mythes gréco-romains
Plan
 Introduction
1. Les mythes grecs
2. Les mythes romains
 Conclusion

Introduction
Avant d’étudier les mythes grecs puis romains singulièrement, il convient de rappeler que ces derniers
s’inspirent en majeure partie des premiers et que toutes deux admettent l’existence de plusieurs dieux et déesses ;
il s’agit en effet d’une croyance « sacrée » polythéiste. Néanmoins, chaque culture possède quelques
particularités et des mythes (ou légendes) locales.
Notons que les mythes gréco-romains ne sont pas le fruit d’un ordre divin transmis à des prophètes ou des
messagers. En effet, si les mythes bibliques ont une trace écrite et sacrée,( celle que l’on retrouve dans La Bible
judaïque et chrétienne ), les mythes gréco-romains ont fait l’objet des textes poétiques et littéraires que l’on doit
notamment aux grecs Hésiode, Homère, Euripide, Sophocle, Eschyle et aux aèdes romains tels que Virgile,
Ovide, Sénèque et Tite-Live .
I. Les mythes grecs : exemples
1. Le mythe d’Œdipe :
Œdipe fait partie des héros les plus connus dans la mythologie grecque. En effet, il a très tôt fait partie de la
culture orale grecque avant d’être mentionné et utilisé par des poètes et dramaturges tels que Kinaithon dans
L’Oedipodie, ( 7ème siècle av. J.C.) Homère dans L’Illiade et L’Odyssée (aux alentours de 850 ou 750 av. J.C.)
et Sophocle dans Œdipe roi (tragédie composée entre 430 et 420 av. J.-C., elle a donné naissance à de nombreuses
versions et interprétations aussi bien littéraires qu’artistiques).

Résumé du récit oral grec : Issu de la dynastie des Labdacides 3 , les rois légendaires de la ville de Thèbes, il
est le fils de Laïos et de Jocaste. Quand la reine fut enceinte, l'oracle de Delphes 4 (voir tableau sur internet) prédit aux
deux époux qu’au cas où ils auraient un fils, celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère.
A la naissance d’Œdipe, le roi et la reine décident de l’abandonner sur le mont Cithéron, les pieds attachés ;
un berger le retrouve, prend soin de lui puis le confie à un voyageur. Ce même voyageur conduit l’enfant à la
cour de Polybe. Une fois à la cour, le roi de Corinthe et sa femme Mérope l’élèvent comme si c’était leur propre
enfant, sans lui révéler le secret de ses origines. Il est prénommé «Œdipe » (celui qui a les pieds enflés), en raison
de ses pieds qui avaient été liés à sa naissance. Devenu adulte, Œdipe décide de consulter l’oracle de Delphes
après qu’un homme, lors d’un banquet, l’ait accusé d’être un enfant adopté. Cependant, l'oracle ne donna aucune
réponse et lui prédit encore une fois qu'il tuerait son père et épouserait sa mère.

1 - Qui concerne le citoyen


2- Ou Bacchus (fils de Zeus et de la mortelle Sémélée. Dieu des opposés (vie/ mort, homme/ femme), de l’hiver et de la
fête des morts, du vin et de ses excès, de la folie et la démesure, ainsi que du théâtre et de la tragédie.
3 - Dans la mythologie grecque, les Labdacides sont les descendants de « Labdacos », roi de Thèbes.

4 - « L'oracle de Delphes » fut l’un des plus célèbres oracles de la Grèce antique. L’oracle est la réponse donnée par un dieu

à une question personnelle, concernant souvent le futur. Ce s'exprime généralement à travers la bouche des messagers que
l’on nomme prêtresses (Sibylle et Pythie par exemple).

15
Après avoir appris qu’il était victime d’une malédiction, Œdipe décide de fuir afin de ne pas avoir à
commettre un crime. Il quitte alors Corinthe sans but précis. Sur son chemin, il croise un homme avec ses
serviteurs. Pensant qu’il s’agissait d’un chef d’une bande de voleurs, Œdipe le tue, mais apprend plus tard que
cet homme était le roi Laïos, son véritable père. Une fois arrivé à Thèbes, Œdipe affronte un Sphinx5 ( voir
tableaux et statues sur internet) qui effraye toute la ville. Ce sphinx lui pose une question qui comporte une énigme :
« Qu’est-ce qui marche à quatre pattes le matin, à deux le midi et à trois le soir ? » Œdipe résout facilement
l’énigme : « c’est l’Homme qui au matin de sa vie se déplace à quatre pattes, qui au midi de sa vie marche
avec ses deux jambes et qui au soir de sa vie s'aide d'une canne, marchant ainsi sur trois pattes ».

Afin de le remercier, les habitants de Thèbes le nomment roi et le marièrent à la reine qui avait perdu son
mari ; Œdipe a donc, sans le savoir, tué son père et épousé sa mère comme l’avait prédit l'oracle. La reine
Jocaste et lui virèrent heureux pendant des années, ignorant leur vrai lien de parenté.
Un peu plus tard, la peste se propagea à Thèbes et l’oracle de Delphes déclara que cette épidémie durera
tant que le tueur de Laïos n’est dénoncé ; en faisant ses recherches, Œdipe se rend compte qu’il est lui-même
le meurtrier de son père. En apprenant cette terrible nouvelles Jocaste se suicide et Œdipe comprend que leurs
enfants, Étéocle, Polynice, Antigone et Ismène sont maudits par l'inceste de leurs parents. Désespéré, Œdipe se
creva les yeux avec la broche de son femme (mère) et abandonne le trône. Chassé de Thèbes, il erre avec
Antigone, sa fille, qui lui sert de guide. Il parvient à Colone (près d’Athènes), lieu de culte où l'on vénère des
divinités. C’est là qu'il meurt, après qu'Apollon lui ait promis que sa sépulture resterait un lieu sacré.

Le mythe d'Œdipe est au centre de beaucoup d’œuvres littéraires et artistiques et a même fait l’objet d’une
théorie psychanalytique, celle de Freud (le complexe d’Œdipe).
2. Le mythe de Prométhée :
Faisant partie des titans, Prométhée est connu comme étant le bienfaiteur de l’Humanité. Fils du Titan
Japet et de l'Océanide Clyméné, Prométhée est un sage, mais son rôle de créateur et protecteur des humains
feront de lui un personnage sacrifié. Prométhée et son frère Epiméthée sont mandatés pour créer les Hommes
et les animaux (veuillez regarder cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=_CDQqn4H7zY) .
Lorsqu’Epiméthée l’écervelé repartit les qualités aussi bien aux Hommes qu’aux animaux, Prométhée, dit
le plus sage, essaie de rattraper les erreurs de son frère qui représente l’étourderie. De surcroit, Prométhée
dérobe le feu du royaume des dieux afin de l’offrir aux humains et leur enseigne comment garder le meilleur
pour eux-mêmes lors des sacrifices. Face à cet affront, Zeus punit l’homme ( à travers Epiméthée) en lui
envoyant une délicieuse créature au cœur perfide : la femme nommée Pandore ; Après l'avoir nommée
Pandore « celle qui possède tous les dons », Zeus l'envoya sur la Terre comme cadeau à Epiméthée et lui
donna aussi en guise de dote une boite qu'il lui interdit d'ouvrir. Cette boite contenait tous les maux de
l'humanité : la Vieillesse, la Maladie, la Guerre, la Famine, la Folie, le Vice, la Tromperie, la Passion, l'Orgueil
etc. Hermès, rapide messager des dieux, fut chargé de conduire Pandore auprès d'Epiméthée qui ébloui par
cette femme l’épousa. Plus tard, Pandore, par curiosité, ouvre la boite et laisse échapper le mal sur terre. De là
naquit l’expression « ouvrir la boite de Pandore ».
Quant à Prométhée, il est enchainé sur un rocher au Mont de Cocasse où son foie est inlassablement dévoré
par un aigle. Le mythe de Prométhée a par exemple été utilisé par le dramaturge antique Eschyle dans
Prométhée enchainé.
Nous ignorons la date exacte de la composition du Prométhée Enchainé d’Eschyle ( né vers 526 av. J.-C., et
mort en 456 av. J.-C.). Néanmoins, nous savons qu’elle succède à la version d’Hésiode dans la Théogonie6
d’Hésiode, œuvre la plus ancienne liée à la mythologie grecque. En voici l’extrait :

5- Dans la mythologie grecque, le Sphinx est un monstre qui possède le visage d’une femme et le corps d’un animal.
6 - La Théogonie (8ème siècle av. J.C.) a joué un rôle fondateur dans l’élaboration de la mythologie grecque.

« Japet (35) épousa Clymène, cette jeune Océanide aux pieds charmants ; tous deux
montèrent sur la même couche, et Clymène enfanta le magnanime Atlas (36), 16
l'orgueilleux Ménétius, l'adroit et astucieux Prométhée et l'imprudent Epiméthée, qui dès
le principe causa tant de mal aux industrieux habitants de la terre, car c'est lui qui le
premier accepta pour épouse une vierge formée par l'ordre de Jupiter.
Jupiter à la large vue, furieux contre l'insolent Ménétius, le plongea dans l'Érèbe, après
l'avoir frappé de son brillant tonnerre, pour châtier sa méchanceté et son audace sans
mesure. Vaincu par la dure nécessité, Atlas, aux bornes de la terre, debout devant les
Hespérides à la voix sonore, soutient le vaste ciel de sa tête et de ses mains infatigables.
Tel est l'emploi que lui imposa le prudent Jupiter.
Quant au rusé Prométhée (37), il l'attacha par des noeuds indissolubles autour d'une
colonne ; puis il envoya contre lui un aigle aux ailes étendues qui rongeait son foie
immortel ; il en renaissait autant durant la nuit que l'oiseau aux larges ailes en avait
dévoré pendant le jour. Mais le courageux rejeton d'Alcmène aux pieds charmants,
Hercule tua cet aigle, repoussa un si cruel fléau loin du fils de Japet et le délivra de ses
tourments : le puissant monarque du haut Olympe, Jupiter, y avait consenti, afin que la
gloire de l'Hercule thébain se répandît plus que jamais sur la terre fertile. Dans cette
idée, il honora son illustre enfant et abjura son ancienne colère contre Prométhée, qui
avait lutté de ruse avec le puissant fils de Saturne. En effet, lorsque les dieux et les
hommes (38) se disputaient dans Mécone, Prométhée, pour tromper la sagesse de Jupiter,
exposa à tous les yeux un boeuf énorme qu'il avait divisé à dessein. D'un côté, il renferma
dans la peau les chairs, les intestins et les morceaux les plus gras, en les enveloppant du
ventre de la victime ; de l'autre, il disposa avec une perfide adresse les os blancs qu'il
recouvrit de graisse luisante. Le père des dieux et des hommes lui dit alors : "Fils de
Japet, ô le plus illustre de tous les rois (39), ami ! avec quelle inégalité tu as divisé les
parts !"
Quand Jupiter, doué d'une sagesse impérissable, lui eut adressé ce reproche, l'astucieux
Prométhée répondit en souriant au fond de lui-même (car il n'avait pas oublié sa ruse
ingénieuse) : "Glorieux Jupiter ! ô le plus grand des dieux immortels, choisis entre ces
deux portions celle que ton cœur préfère." ».
Source :https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Petits_po%C3%A8mes_grecs/H%C3%A9siode/La_T
h%C3%A9ogonie#:~:text=Japet%20(35)%20%C3%A9pousa%20Clym%C3%A8ne%2C,la%20t
erre%2C%20car%20c'est
Le mythe a ensuite été repris en art comme en littérature françaises. Citons à titre d’exemple l’auteur français
André Gide et son Prométhée mal enchainé. L’image de l’aigle qui dévore est chez Gide, l’image des passions
qui font souffrir l’être humain tout en donnant un sens à son existence. Il sera finalement délivré par le héros
Hercule.

3. Le mythe d’Ulysse
 L’Iliade et l’Odyssée
Avant d’évoquer le mythe d’Ulysse, il convient de présenter, d’abord l’œuvre qui a fait de lui un mythe.
L’œuvre en question est une épopée : L’Illiade et L’Odyssée d’Homère.
Le terme « épopée » trouve ses racines dans le grec : « épos » qui signifie « récit, parole, chant », et «
poiéô » qui veut dire « l’action de composer un récit ». Dans ce sens, l’épopée est un long poème narratif qui
raconte les actions célèbres d’un héros ou d’un peuple dans un contexte souvent fabuleux. Il s’agit donc de
faits à caractère héroïque. Généralement composé en vers, les exploits mythiques et historiques décrits sont
souvent liés à la guerre. Tel est le cas pour L’Illiade et L’Odyssée d’Homère.

Ces deux œuvres sont considérées comme étant les plus grandes épopées de la littérature européenne, voire
mondiale. En effet, nous retrouvons les faits décrits dans L’Illiade comme l’Odyssée dans de nombreux récits
postérieurs notamment chez les poètes français du XVIIème siècle (ceux de la Pléiade8). Parmi eux, Joachim
du Bellay (1522 – 1560) dans son poème « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un long voyage », extrait des
Regrets (1558):

8 - La Pléiade est un groupe de sept poètes français du XVIe siècle, dont Du Bellay a fait parti.
9 – Rappel : L’Iliade a été écrite vers -850 Av.J-C,. L’œuvre retrace la guerre de Troie.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,


Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! 17
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Source :https://www.ralentirtravaux.com/lettres/textes/poemes/heu
reux-qui-comme-ulysse.php

Dans L’Odyssée et L’Iliade9, nous retrouvons un bon nombre de dieux grecs et un mythe bien connu de
nos jours : « Ulysse ». Il convient de noter que cette épopée attribuée à Homère est également supposée être le
travail collectif mais que l’on attribué à un seul auteur.
Composée de 24 chants, L’Odyssée est une sorte de voyage initiatique d’un héros, après avoir transgressé
le rituel du sacrifice des dieux, passe par une suite d’épreuves qui le font côtoyer la mort et renaitre sur terre.
Sa thématique générale est la suivante : les grecs, après avoir vaincu les Troyens et ravagé leur ville, oublient
de rendre hommage aux dieux et se laissent aller à des abus, à l’exemple de l’humiliation qu’ils infligent à la
prophétesse Cassandre. La déesse Athéna est furieuse. Elle demande aux dieux d’intervenir et c’est Poséidon
qui va se charger à sa manière des guerriers grecs.
 Le récit d’Ulysse
L’Odyssée relate le retour d’Ulysse en son pays après la guerre de Troie. Ce retour est semé de tant
d’embuches qu’il lui faudra 20 ans pour revenir à Ithaque et y retrouver son épouse Pénélope et son fils
Télémaque. Dans l’Illiade, en revanche, Ulysse apparaît comme le héros courageux qui avait réussi à tuer un
grand nombre de troyens alors que dans L’Odyssée, il s’agit plutôt d’un être qui se surpasse, semble découragé
mais continue quand- même d’avancer même si tout semble être perdu : le retour a son royaume qui ne cesse
d’être repoussé, la perde de tous ses compagnons lors de la dernière étape de son voyage, chez Alcinoos le roi
des Phéaciens.
En effet, Ulysse n’a plus rien, Il est devenu « Personne » comme il l’a annoncé, par ruse, au. Ce n’est
qu’en entendant sa propre histoire de la bouche d’un autre, l’aède Démodocos qu’il reconquiert son identité : il
se trouve devant l’Ulysse passé, celui qui inventa la ruse du cheval de troie , et peut ainsi mettre en perspective
sa propre existence. Dans ce sens, Ulysse est celui qui essaie de construire l’Homme en cherchant ses limites,
en réaffirmant sa continuité et son recommencement. Par conséquent, le mythe d’Ulysse est bien un des mythes
fondateurs qui se prête à d’inépuisables interprétations. Par conséquent, au-delà des aventures épiques
traversées par un héros au courage sans cesse éprouvé, le récit porte en lui des significations plus symboliques
: il s'agit pour Ulysse d'échapper aux tentations (chair, vanité, orgueil) qui l'éloigneraient de sa noblesse d'âme,
de cœur et de rang alors que ses compagnons, eux, se perdront eux-mêmes au milieu de tant de tentations :

« C'est l'Homme aux mille tours (...) celui qui, sur les mers,
passa par tant d'angoisses, en luttant pour survivre et ramener ses gens.
Hélas ! même à ce prix, tout son désir ne put sauver son équipage :
ils ne durent la mort qu'à leur propre sottise,
ces fous qui, du Soleil, avaient mangé les boeufs ;
c'est lui, le Fils d'en Haut, qui raya de leur vie la journée du retour. »
- Invocation ouvrant le poème de L'Odyssée-
Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:B%C3%A9rard_-
_La_r%C3%A9surrection_d%E2%80%99Hom%C3%A8re,_1930,_2.djvu/139

Ainsi, le mythe d’Ulysse peut être vu comme étant le miroir de l’être humain, la représentation de ses avec ses
qualités et défauts. Son histoire même si elle est fictive, tend à mettre en garde l’Homme ; il n’est pas toujours
aisé d’échapper à la fatalité et au divin bien que notre intelligence et notre courage soient supérieures.

4. Le mythe de Sisyphe
Dans la mythologie grecque, Sisyphe, fils d’Eole et d’Enarété est le fondateur
mythique de Corinthe (en Grèce).
Depuis l’époque d’Homère, Sisyphe a la réputation d’être le plus astucieux et le plus
18
rusé des hommes. Tous les épisodes de sa légende rapportent des méfaits ou des malversations. Une tradition le
présente même comme le vrai père d’Ulysse, expliquant ainsi d’où venait la ruse légendaire du héros de
L’Odyssée.
Sisyphe est surtout connu pour avoir dénoncé Zeus, qu’il aperçoit en train d’enlever une jeune fille. Il se rend
auprès du père de celle-ci pour lui révéler le nom du ravisseur de sa fille. Zeus, furieux d’avoir été dénoncé,
décide de punir Sisyphe en lui envoyant Thanatos. Mais Sisyphe, jouant de sa ruse et de sa fourberie, parvient à
déjouer les plans de Thanatos (personnification de la mort) lui-même, en l’enchaînant dans son palais. Plus
personne ne peut alors mourir sur Terre ! Zeus dut envoyer Arès (dieu de la guerre) délivrer Thanatos.
Toutefois, avant de mourir, Sisyphe demande à sa femme de ne pas organiser de funérailles. Il peut ainsi
convaincre Hadès (dieu des enfers) de le laisser repartir chez les vivants. Mais une fois revenu, il refuse de
retourner parmi les morts ! Il ne reviendra dans le royaume souterrain qu’au moment de sa mort naturelle.

Pour avoir osé défier les Dieux, ceux-ci lui imposent pour l’éternité un terrible supplice. Enfermé dans le
Tartare (lieu où sont punis les criminels), il est condamné à pousser éternellement un rocher au sommet d’une
montagne sans jamais y parvenir : à peine Sisyphe est-il arrivé près de son but que le rocher roule vers le bas, et
tout est à recommencer. Cette condamnation est mentionnée dans l’Odyssée d’Homère : « Et quand il était prêt
d’atteindre ce faîte, alors la force lui manquait, et l’immense rocher roulait jusqu’au bas. Et il recommençait de
nouveau, et la sueur coulait de ses membres, et la poussière s’élevait au-dessus de sa tête.»

L’absurdité du personnage réside tant dans le désespoir de tenter d’échapper à la mort inévitable, que dans la
tentative d’achever un travail interminable.

Sisyphe symbolise ainsi l’éternel recommencement : le soleil qui s’élève chaque jour pour replonger le soir, les
marées ou les vagues qui montent pour soudain redescendre. Il peut s’agir aussi d’une image de la vie elle-
même, montrant qu’il n’y a pas de châtiment plus pénible que le travail inutile et
vain.

Albert Camus, dans son essai philosophique « Le mythe de Sisyphe » le qualifie


d’ultime héros absurde, et y établit pourquoi la vie, malgré l’absurdité du destin,
vaut la peine d’être vécue. De nos jours, ce mythe continue d’être repris dans les
arts et la littérature voire dans les caricatures afin de critiquer le Monde
d’aujourd’hui. Cette image le prouve :

19
5. Le mythe de La Méduse :
Méduse et ses deux sœurs, les Gorgones, sont des divinités marines.
Filles du monstre » marin « Cétos », elles sont les petites filles de
« Gaia » (la Terre) et de « Pontos » (l'élément marin). Méduse est belle
et fière de sa magnifique chevelure. Pour la châtier de sa vanité et de
s'être unie à Poséidon, le dieu de la mer, dans un temple d'Athéna, la
fille de Zeus l'a transformée en monstre effrayant avec crocs de
sanglier, chevelure hérissée de serpents, cou écailleux et mains de
bronze.
Elle pétrifie de ses yeux quiconque la regarde.

Méduse fut vaincue par Persée qui, équipé des sandales ailées d'Hermès, du casque qui rend invisible d'Hadès et
du bouclier d'Athéna, lui trancha la tête d'un coup de serpe. Du sang tombant de la blessure jaillit le cheval ailé
Pégase. Persée offrit la tête de Méduse à Athéna qui la porte depuis sur sa tunique ou sur son bouclier.

Cette légende, rapportée par Ovide dans les Métamorphoses (ce long poème romain s’inspire fortement des grecs
Hésiode et Homère. L’œuvre commence par raconter la création du monde et se termine par l'époque d'Ovide en évoquant la
gloire de Jules César. Par la même occasion, l’auteur narre les nombreuses métamorphoses imposées par les dieux ), a
inspiré de nombreuses œuvres en dessin et peinture (Titien, Gustave Moreau, Le Caravage...), sculpture (Pierre
Puget, Rondanini ...), musique ( Lully), et aussi au cinéma (veuillez regarder quelques tableaux sur internet). Le
visage du monstre marin de la mythologie grecque avait inspiré Linné qui baptisa l'animal « medusa ».
Près de 1000 espèces de méduses ont été répertoriées à ce jour dans le monde. Géantes ou microscopiques, fixées
ou nageuses, aplaties ou en cloche, depuis la surface jusque dans les plus grands fonds, les méduses présentent
une fabuleuse diversité. Plus encore, depuis des siècles, ces animaux émerveillent les scientifiques. Une
exposition intitulé « Le miroir de Méduse » a été réalisée par l'Espace des sciences ( CCSTI) de Rennes et le
Muséum National d'Histoire Naturelle.
Présentée au Centre de la mer de l'Institut Océanographique, elle montre les multiples facettes de ces cnidaires au
travers d'un jeu de miroir entre la Méduse mythologique, les animaux méduse et les méduses en tant que modèles
biologiques. Parmi les thèmes abordés tout au long du parcours du visiteur, on retrouve le cycle de vie des
méduses, leur mode de reproduction et de chasse, le mythe de la méduse dans l'art.

20
II. Les mythes romains
« Rome a eu sa mythologie, et cette mythologie nous est conservée. Seulement elle n'a jamais été
fantasmagorique ni cosmique : elle a été nationale et historique.
Tandis que la Grèce et l'Inde développaient en images grandioses ce qu'elles croyaient avoir été la genèse
et les temps du monde, les chaos et les créations, l'œuvre et les aventures des dieux organisateurs du ‘’Tout’’,
Rome a prétendu simplement retracer, avec la simplicité de procès-verbaux, ses propres débuts et ses propres
périodes, sa fondation et ses progrès, l'œuvre et les aventures des rois qui, croyait-elle, l'avaient
successivement formée. Mais ces récits, datés et situés dans une perspective proche, n'en étaient pas moins en
grande partie fictifs et hérités du temps où, Rome, n'existait pas encore, et ils n'en remplissaient pas moins le
même rôle que, chez les Grecs et les Indiens, les récits prodigieux : ils justifiaient, ils authentifiaient les
rituels, les lois, les mœurs et toutes les composantes de la société romaine, du caractère et de l'idéal romains;
ils distrayaient aussi les fils de la louve (et il ne faut pas négliger ce service des mythes), tout en les
confirmant dans leur estime d'eux- mêmes et dans une belle confiance en leurs destins.
Pratiquement, c'est dans les deux premiers livres de Tite-Live qu'il faut chercher l'équivalent des
théogonies et des cosmogonies d'autres peuples indo-européens. Ainsi lues, toutes ces légendes royales
reçoivent un surcroît d'intérêt. ». (Horace et les Curiaces, Georges Dumézil -1942-).
Autrement dit, les romains créèrent des dieux, mais ils furent très vite assimilés aux dieux et déesses de la
mythologie grecque ; seuls les noms changent et certaines qualités et défauts.

La mythologie romaine est donc très semblable à celle des Grecs et il est souvent difficile de trouver de
l'information sur un dieu ou une histoire romaine, car celle-ci est souvent liée à la mythologie grecque ; les
romains reprennent soit les mythes grecs, soit ils créent des légendes locales. Parmi elles, « La Légende de
Remus et Romulus » que l’on intègre dans la mythologie romaine.

Le poète Tite-Live reprend par exemple cette légende dans une Histoire de Rome depuis sa fondation10. En
effet, dans le livre I de son œuvre, nous retrouvons la légende de Remus et Romulus qui s’inspire beaucoup de
la mythologie grecque du point de vue narratif et esthétique. Ainsi, nous avons affaire au fantastique et au
fabuleux.

« La louve capitoline », sculpture en bronze des XIIe ET XVe siècles de notre


ère, conservée au Musée du Capitole à Rome. On l’associe à la légende de
Romulus et Remus et à la fondation de Rome.
Cette œuvre fut utilisée comme fontaine aux XIIe et XIIIe siècles. Offerte par
le pape Sixte IV à Rome en 1471, elle est placée dans l'église Saint-Théodore-
du-Palatin, époque à laquelle on rajoute deux jumeaux romain en bronze,
confectionnées par à Antonio Pollaiuolo (1432 - 1498).

Tite-Live voit en cette légende une portée symbolique : les jumeaux auraient été nourris certes par une
« lupa », mais au sens de « prostituée ».

Conclusion
Par conséquent, les mythes grecs et romains sont à répertorier dans la mythologie gréco-romaine. Cette
mythologie est omniprésente dans la culture française, notamment dans les expressions employées : « un
supplice de Tantale », « une pomme de discorde », « le fil d’Ariane », « sortir de la cuisse de Jupiter », dans
les noms des institutions et des lieux, dans les marques et dans les objets : Europe, Champs-Élysées, Champ de
Mars, Hermès, Dédale, etc, pour n’en citer que quelques unes.

10
- Tite-Live est né vers 59 av. J.-C. (premier siècle av. J.-C.) et mort en 17 ap. J.-C. (premier siècle ap. J.-C.).

21
Confrontation de diverses écritures,
représentations du mythe au fil des époques:
Mythe et langage

22
Plan
1. Le supplice de Tantale
2. La pomme de Discorde
3. La cuisse de Jupiter
4. Europe
5. Les champs Élysées

23
1. « Un supplice de Tantale »
Dans la mythologie grecque, Tantale est un mortel, ami des dieux. Fils de
Zeus et de la nymphe Ploutô, il est roi de Phrygie. Mais après avoir trahi les
dieux, ceux-ci le châtient en le condamnant au supplice.

Parmi les versions les plus connues, celle où Tantale est enfermé dans le
« Tartare » (endroit dans les Enfers où sont punis les criminels) pour
L’Eternité : il fut placé au milieu d’un fleuve qui s'assèche quand il se
penche pour boire, et le vent éloigne les branches d’un arbre quand il tend
la main pour attraper les fruits (Récit relaté dans l’Odyssée d’Homère).

Ce récit à donné naissance à une expression symbolique : « Le supplice


de Tantale » renvoie à toute personne qui n’arrive pas atteindre son but
alors qu’elle est sur le point d’obtenir l’objet désiré.
24
2. « La pomme de discorde »

Eris est une déesse malfaisante. Fille de Nyx (la nuit) qu’elle a mis au monde
seule, Eris est considérée comme étant la déesse de la Discorde.
N’ayant pas été invitée au repas de noces de Pelée (roi) et Thétis(nymphe
marine), Eris, voulut se venger de cet affront. Elle jeta alors au milieu des
invités une pomme d’or sur laquelle était inscrit : « A la plus belle ». Cette
pomme lancée créa alors une grande discorde entre les déesses Héra,
Aphrodite, Athéna qui se disputèrent le fruit.

De nos jours, « La pomme de discorde » qualifie le sujet d’une dispute.

25
3. « Perdre le fil d’Ariane »
Minos, roi de Crète, devait faire une offrande de sept
jeunes garçons et de sept jeunes filles au Minotaure
(monstre fabuleux possédant le corps d'un homme et la tête
d'un taureau ou mi-homme et mi-taureau) enfermé dans le
labyrinthe, et ce, tous les neuf ans.

Ariane, la fille du roi, confia à Thésée ( Héros grec tel


Hercule) dont elle était amoureuse, une pelote de fil qu’il
devrait dérouler pour pouvoir trouver le chemin du
retour. Grâce à ce fil, Thésée a pu tuer le monstre et
retrouver son chemin.

De nos jours, un « fil d'Ariane » est la représentation


d’une ligne directrice qui permet d’atteindre un objectif
ou de trouver son chemin.
Quand on « perd le fil d’Ariane », on perd le fil
conducteur de nos idées. ( voir vidéo)
26
4. « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter (Zeus) »

Cette expression fait référence au mythe de la naissance


de Dionysos, fils de Zeus et de Sémélé, une mortelle avec
laquelle il eut une relation illégitime.

Semelé, poussée par Héra la femme de Zeus ( Jupiter),


voulut voir Zeus (Jupiter) dans toute sa puissance, mais
fut aussitôt foudroyée.

Jupiter ( Zeus) enferma alors dans sa cuisse l’enfant qui


devait naître de leur union jusqu'à sa naissance. L'enfant
devint le jeune dieu Dionysos (Bacchus), joueur de flûte,
couronné et ivre de vie.

De nos jours, l'expression « se croire sorti de la cuisse de


Jupiter » désigne quelqu'un qui se croit exceptionnel et
supérieur aux autres (égocentrique).

27
5. « Europe »
Avant d'être une construction politique, l'Europe a été
un mythe.
Ainsi, «Europe», avant de désigner le Continent, a
d'abord
. eu les traits d'une jeune princesse
phénicienne aux yeux larges.
La légende raconte que la beauté de la fille du roi de
Tyr (actuel Liban) ne pouvait échapper aux appétits de
Zeus qui, pour fuir la jalousie de son épouse Héra,se
métamorphosa en un superbe taureau blanc,
s'approcha d'Europe et se laissa caresser par la belle.
Charmée, Europe grimpa sur le dos de « l’animal »
(Zeus) qui l’emmena à la nage en Crète, avant de
reprendre forme humaine et de lui faire trois enfants.

« Enlèvement d'Europe » - 28
Guido RENI
6. « Champs-Elysées »
Avant d’être l’avenue la plus célèbre au monde de Paris,
« Les Elysées » ont d’abord été, dans la mythologie grecque,
un lieu des « Enfers » où les héros et les gens vertueux
goûtent au repos et à la volupté après leur mort.

« Les eaux du Léthé près des champs Elysées » -John Roddam Spencer Stanhope-
29
FIN
30
Cours n°4 : « Les mythes bibliques »
Introduction
I. La Bible
1. La Bible hébraïque (et) L’Ancien testament
2. La Bible chrétienne (ou) Le Nouveau testament
II. La mythologie biblique
III. Les mythes bibliques
1. L’origine de l’Homme et le « Le péché originel » (Adam et Eve)
2. L’origine du meurtre fratricide, de la jalousie et de la guerre (Abel et Caïn)
3. L’origine de la pluralité des langues et la naissance du premier tyran (La Tour de Babel).
4. Extraits de la Genèse, La Bible : L’Ancien testament
Conclusion
Introduction
Avant d’étudier ce que certains intitulent « mythes bibliques », il est primordial de faire une brève présentation
des différentes versions de La Bible.
Ainsi, le 1er chapitre sera consacré à la présentation de La Bible. Le 2ème chapitre mettra en exergue l’origine de
l’appellation « mythologie biblique » puis étudiera ses principales fonctions. Le 3ème chapitre étudiera quelques
miracles de La Bible, considérés pour certains chercheurs comme un mélange de fiction et de réalité ; des «mythes».
I. La Bible
Figurant parmi les ouvrages sacrés anciens, La Bible1 a été traduite dans plusieurs langues et constitue aussi
bien le fondement éthique et spirituel de la civilisation occidentale qu’une source d’inspiration pour les auteurs.
En effet, depuis son apparition, La Bible stimule la réflexion et l’imagination des poètes, des dramaturges, des
romanciers, des philosophes, des peintres et des sculpteurs. De ce fait, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques,
ils voient en cet ouvrage une richesse aussi bien linguistique que culturelle et artistique. C’est la raison pour
laquelle, il est nécessaire de connaitre les principaux épisodes de La Bible hébraïque et chrétienne afin de
comprendre les écrits littéraires, les représentations picturales et les «mythes» qui se sont développés autour de
différentes versions de la Bible.
1. La Bible hébraïque (et) L’Ancien testament 2
La Bible hébraïque (rédigée en hébreu) connue sous le nom de Tanakh est, selon le peuple
israélite, un ensemble d’instructions divines transmises, tout d’abord, par le prophète Moïse3,
puis par ses descendants et ses compagnons. Cette œuvre sacrée comporte V grands chapitres
nommés «Les 5 livres » et d’autres livres complémentaires qui lui sont postérieurs (Nevi’im et
Ketouvim). Chacun de ces livres englobent des enseignements diversifiés.
« Les cinq livres » (Torah) principaux sont les suivants :
-La Genèse (Le Commencement)
-L'Exode (Les Noms)
-Le Lévitique (L’appel)
-Les Nombres (Dans le désert)
-Le Deutéronome (Les Paroles)
Les autres récits peuvent être intégrés dans les deux livres « Nev’iim » et « ketouvim ».

En somme, Le Tanakh (Bible hébraïque) est constituée de III parties essentielles qui sont :
-La Torah ou L’instruction ou la Loi (« Les cinq livres » connus aussi le nom de «Pentetateuque»)
-Nevi’im (Les Prophètes)
-Ketouvim (Les autres Écrits appelés aussi Hagiographes)
Ces trois grandes parties vont subir des changements avec l’avènement du christianisme. En effet, bien que les
partisans de Jésus reconnaissent le Tanakh comme étant le premier Livre divin qui fut envoyé à L’Humanité, l’ordre
chronologique et la thématique sont légèrement modifiés.

1
-« Bible » provient du grec « biblia » (livres). Peu à peu, il le mot est intégré dans la langue latine « Bible » pour signifier « Livre sacré ».
2
- « Testament » signifie « Alliance ». Il s’agit de l’alliance créée par Dieu avec l’Humanité.
3
- Selon La Bible Hébraïque (« Exode»), Moise vécut au VII ème siècle av. J.-C.
31
C’est ce qui donne naissance à ce que les chrétiens vont appeler L’Ancien testament, ouvrage d’origine juif
reconnu mais transformé à partir du 1er siècle de notre ère. Cet Ancien testament, fut d’abord traduit de l’hébreu vers
la langue grecque et fut nommée La Septante, puis dans les autres langues, notamment en français.
Autrement dit, L’Ancien testament chrétien, bien que d’origine juif, fait partie de la culture chrétienne ; il est
l’élan premier qui donna naissance à la La Bible chrétienne que les chrétiens nommeront « Le nouveau testament»
afin de le distinguer par rapport à « L’ancien testament ».
L’organisation de L’Ancien testament chrétien est la suivante :
-Le Pentateuque (qui intègre « La Genèse », « L’exode », « Le Lipidique », « Les nombres » et « le Deutéronome »)
-Les livres historiques (ou autres écrits)
-Les Hagiographes (Les livres poétiques)
-Les Prophètes (Les livres prophétiques)

2. La Bible chrétienne (ou) Le Nouveau testament)


Le Nouveau testament, est donc purement chrétien ; il met en évidence la vie de
Jésus et rassemble tous les écrits qui se rapportent à l’enseignement de ses premiers
disciples. Ces récits, attestés et reconnus comme «canoniques»4 par les autorités
chrétiennes, sont retenus par l’Église au 4ème siècle de notre ère, vers l’an 363.
En somme, les chrétiens considèrent que leur Bible se compose de L’Ancien Testament (écrits antérieurs à Jésus,
créés par les israélites et revus par les chrétiens) et du Nouveau Testament (créé par et pour les chrétiens). Ce
Nouveau Testament qui est structuré de cette façon :
-Les Évangiles canoniques
-Les Actes des Apôtres
-Les 14 épîtres de Paul
-Les autres épîtres
-Le Livre de la Révélation (L’Apocalypse »)5.
Les deux chapitres que nous venons de voir offrent donc plusieurs visions bibliques discutables. En effet, La
Bible hébraïque et chrétienne donnent lieu a de multiples interprétations ; les personnages sont certes généralement
les mêmes mais la chronologie des événements et les péripéties qui y sont liées sont parfois divergentes.
De plus, les traductions postérieures à la première Bible rédigée en hébreu (transmise par le prophète Moise),
compliquent davantage la véracité de certains événements et personnages.
Cependant, c’est cette complexité et ces divergences qui engendrent la notion de « mythe biblique ». Ainsi,
les miracles et les événements des « Bibles » qui sont non vérifiés scientifiquement ne sont pas tous tenus pour
vrais, d’où la naissance d’une mythologie biblique riche tantôt reprise, tantôt contournée et transformée.
II. La mythologie biblique
Avant d’aborder la mythologie biblique, voyons tout d’abord, comme la dénomination « mythe » a pu changer
et s’enrichir au cours des siècles.
Dans la Grèce antique, à une époque antérieure à Platon et à Socrate, le terme « muthos » (mythe) renvoyait à
tout récit tenu pour vrai. Platon comme Socrate gardent le premier sens du terme « muthos » qui veut dire « récit »
mais y rajoutent un nouvel aspect.
Le « muthos » devient, selon les deux philosophes, « un faux propos, un ensemble de rumeurs, un discours qui
est fondé sur l’imagination » par opposition au « logos » qui veut dire « raison » et réalité. Néanmoins, ce discours,
peut, selon Platon, avoir une portée allégorique et symbolique. En effet, le « muthos » doit, selon lui, s’appuyer sur
l’exercice de la réflexion afin d’offrir au récepteur une vision profonde de la réalité grâce à des expressions imagées.
« Le mythe de la caverne » en est l’exemple concret. Ce mythe qui représente un Homme dans l’ombre qui ne choisit
pas d’aller vers la lumière (connaissance et vérité), met en exergue l’opposition que Platon a voulu transmettre : les
hommes esclaves des idées préconçues et les philosophes dont l’esprit libre est guidé par la Lumière.
________________________
4
- Le terme provient de « canon » qui signifie « règle ». Dans les religions monothéistes, les récits « canoniques » sont tenus pour vrais car ils
obéissent à un certain nombre de normes établies par les autorités religieuses.
5
- « L’Apocalypse » est la Révélation de Jésus que nous ne retrouvons pas dans la Bible hébraïque.

32
Autrement dit, le « muthos », a un but didactique, instructif, explicatif et moralisateur. La description dans
les textes littéraires et la représentation dans les tableaux et sculptures revêtent alors une valeur symbolique.
Ces valeurs formatrices se développent au début du Moyen-âge ; l’apport des histoires dites « sacrées » et
exemplaires grecques, romaines, israélites et chrétiennes est considérable. Ces récits intègrent effectivement la
culture européenne et enrichissent les créations littéraires, artistiques, philosophiques et foisonnent au début du 16è s.
Et bien que le terme « mythe » n’apparaisse pas encore dans la langue française6, les textes poétiques des gréco-
romains (La Théogonie d’Hésiode, L’Illiade et L’Odyssée d’Homère, Les Métamorphoses d’Ovide par exemple) et
les Livres Sacrés (Bible hébraïque et Bible chrétienne) inspirent peintres et écrivains. Ces derniers exposent, dans
leurs créations, les personnages décrits dans ces ouvrages dits « sacrés » malgré que leur existence n’ait pas été
confirmée scientifiquement. Citons, entre autres, Le Titien, Botticelli, Bosch, Michel-Ange, Raphael, Pieter Bruegel,
Raul Rubens, Hans Jordanes pour les peintres (voir tableaux de peinture sur intenet), et Joachim du Bellay, Pétrarque,
Montaigne, Rabelais et Dante pour les écrivains.
Face à ce développement, les autorités religieuses, notamment chrétiennes, n’acceptent que l’on désacralise
l’Univers Divin monothéiste. Ils essaient donc de censurer tous les écrits et peintures désacralisés qui se rapportent à
la religion chrétienne au 17ème siècle, tout en rejetant les religions polythéistes, celles liées aux récits gréco-romains.
Cette censure ne dura pas longtemps et les auteurs chercheurs du 17èmes7 continuent leurs créations. Cependant,
le 18èmes8 marque une rupture importante : les récits liés à la culture gréco-romaine et biblique ne dépeignent pas la
réalité et transmettent de fausses informations et théories. Cette conception a été surtout expliquée par D’Alembert et
Diderot dans leur Encyclopédie9.
A partir du 18ème siècle donc, l’idée est de réfléchir, de se baser sur la vérité et non sur l’illusion mais les récits à
caractère fabuleux gréco-romains et bibliques continuent d’inspirer et de nourrir l’esprit des auteurs (c’est toujours le
cas actuellement).
Toutefois, notons une différence importante : contrairement aux mythes gréco-romains qui ne relèvent pas de
l’Histoire mais des chimères (récits inventés et non réels), la mythologie biblique est un mélange d'événements
historiques considérés comme réels pour certains et de faits imaginaires pour d’autres. En effet, les récits bibliques
permettent, d’un côté, aux populations grégoriennes de connaitre leurs origines. Et d’un autre côté, ils dévoilent les
secrets et les faits de l’Univers depuis la création du globe terrestre.
Par ailleurs, ces histoires prennent de plus en plus une envergure douteuse, notamment avec les progrès
scientifiques et les interprétations des chercheurs. Les récits de la Bible sont revisités et considérés comme étant des
« muthos», des contes, des fables, des légendes : des fictions, des faits imaginaires.
Rappelons que la dénomination « mythologie biblique » n’apparait au 19 ème siècle et renvoie aux récits que nous
retrouvons essentiellement dans « Les cinq livres » de la Bible, et accessoirement dans les autres écrits des deux
cultures : hébraïque et chrétienne.
III. Les mythes bibliques
Après avoir exposé brièvement Les Bibles en insistant sur leur caractère complexe et amovible (à une époque
bien déterminée), nous nous sommes concentrés sur l’origine de l’appellation « mythologie biblique » afin d’en
arriver à représenter les « mythes » dits « bibliques » les plus connus.
Nous évoquerons essentiellement ceux qui sont relatés dans « Le Pentetateuque » (Les cinq livres) car nous les
retrouvons dans les deux religions : juive et chrétienne, tout en faisant des renvois aux livres du Nouveau Testament.
1. L’origine de l’Homme et le « Le péché originel » (Adam et Eve)
La Création d’Adam et de sa compagne Eve est décrite surtout dans la «Genèse» mais
également dans les « psaumes » et dans « les épitres de Paul aux Romains ». Ils constituent
donc des personnages importants dans l’Ancien et Le Nouveau testament.
Le péché originel est un «mythe» mais l’Histoire d’Adam et Eve sont une légende.
L’expression « péché originel » ne figure pas dans la culture hébraïque. « La genèse » parle
plutôt du « péché d’Adam ». Notons que, « Adam » en hébreu renvoie à « l’espèce
humaine » et non à un « seul homme » ; Ève est créée, selon la « Genèse » à partir du corps
d’Adam :

6 ème
- Le terme apparait au 19 siècle d’après L’Académie française. Il puise sa source du terme grec « muthos ».
7
- Parmi eux, Pierre Corneille et Jean Racine.
8
- Citons entre autres, Denis Diderot et Jean d’Alembert.
9
- L’'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est une encyclopédie française, éditée entre 1751 et1772.
10
- Les termes « légende» et « fable » existaient bien avant le terme « mythe », d’où la nécessité de les évoquer.
33
Dieu dit: « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui
soit assortie ». Alors le Tout Puissant endormit l’homme et prit une de ses côtes et
referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Dieu façonna
une femme et l’amena à l’homme.
C’est alors que l’homme s’écria : « Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair!
Celle-ci sera appelée ‘femme’, car elle fut tirée de l’homme, celle-ci! »
-(Genèse, II, 18, 24)-
Par conséquent, bien que La Bible hébraïque (Genèse) expose Eve comme une tentatrice, il n’est nullement
question de « péché originel » car si Eve fait partie d’Adam, c’est qu’ils sont tous les deux responsables d’avoir
croqué la pomme. Ils furent bannis du Paradis après avoir enfreint les lois divines, tentés par le serpent parleur de
l’arbre. Autrement dit, l’expression « péché originel » n’apparait qu’à l’ère chrétienne, et décrit l’état de l’Humanité
après la chute des premiers parents de l’Être humain.
Cette appellation sera l’objet de diverses discussions et interprétions. Les Catholiques, les Protestants, les
orthodoxes, chacun aura une vision différente. La plupart voient en la femme la principale coupable (« Les épitres de
Paul »). Mais c’est bien la divergence au niveau des récits bibliques chrétiens qui a donné naissance au mythe du
«péché originel», enrichissant ainsi le champ artistique et littéraire.
2. L’origine du meurtre fratricide, de la jalousie et de la guerre (Abel et Caïn)
Le meurtre d’Abel (le bon) par son frère Caïn (le mauvais) est relaté dans la «Genèse». Fils
d’Adam et d’Eve, Abel était berger, et Caïn moissonneur. Chacun des deux offrit une offrande à
Dieu pour exposer la foi et la soumission ; Le Tout puissant accepta l’offrande d’Abel (un
mouton) mais pas celle de Caïn (des fruits).
Confronté à cette décision divine, Caïn tua son frère par jalousie. C’est ainsi que le premier
meurtre fratricide sur terre aurait eu lieu. Afin de punir Caïn, Dieu le condamna à errer dans le
désert, tel un vagabond.
Cette histoire considérée comme étant une « légende » par un grand nombre de chercheurs, a exercé une grande
fascination sur l’Homme depuis le Moyen-âge et a engendré plusieurs mythes. Parmi eux, « Le juif meurtrier
condamné à l’exil », « L’origine de la jalousie maladive » et « L’origine des guerres ».
Plusieurs représentations picturales ont exprimé la dualité du bien représentée par Abel, et du mal véhiculée par
Caïn : Abel est blond, délicat et fin avec des attributs liés à l’innocence (blé, agneau), Caïn est brun, violent et
sauvage avec des attributs végétaux (gerbe de blé, raisins). Les interprétations diverses du récit des deux frères
intégrèrent la notion de « mythe » dès l’apparition du terme.
3. L’origine de la pluralité des langues et la naissance du premier tyran (La Tour de
Babel)
Le récit de la tour de Babel est relaté dans la « Genèse » ; quelques siècles après le «
déluge » (l’arche de Noé), une deuxième grande descendance naquit, celle de Noé (la première
étant celle d’Adam). A cette époque encore, tous les Hommes parlaient la même langue, mais
un événement important va bientôt bouleverser cette harmonie.
Nimrod, fils de Koush (petit fils de Noé), est considéré comme étant le premier roi tyran
ayant voulu rivaliser avec Le Tout Puissant. En effet, Nimrod eut l’idée de construire à Babel
(Babylone), une tour très haute qui était destinée à atteindre le ciel, tout en poussant le peuple à se soumettre à lui.
Face à un acte aussi égocentrique, Dieu décida de punir les Etres humains en inventant plusieurs langues de façon a
ce que chacun ne puisse pas comprendre l’autre. Ce récit considéré comme étant une « légende » selon certains est
l’origine de plusieurs mythes. Citons, entre autres, « la naissance de la tyrannie » et « l’origine de à pluralité des
langues ».
Le 1er mythe est la métaphore du danger que représente la tyrannie vue comme un défi lancé à Dieu. Le 2ème
mythe démontre qu’il est nécessaire que les gens parlent la même langue afin de réaliser un projet.

34
4. Extraits de la Genèse, La Bible : L’Ancien testament

*Adam et Eve (Genèse III.1-24)


III.
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que l'Eternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : «Dieu a-t-il
vraiment dit : 'Vous ne mangerez aucun des fruits des arbres du jardin'?»
2 La femme répondit au serpent : «Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.
3 Cependant, en ce qui concerne le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : 'Vous n'en mangerez pas et
vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez.'»
4 Le serpent dit alors à la femme : «Vous ne mourrez absolument pas,
5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme Dieu : vous connaîtrez le
bien et le mal.»
6 La femme vit que l'arbre était porteur de fruits bons à manger, agréable à regarder et précieux pour ouvrir
l'intelligence. Elle prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea.
7 Leurs yeux à tous les deux s'ouvrirent, et ils prirent conscience qu'ils étaient nus. Ils attachèrent des feuilles de figuier
ensemble et s'en firent des ceintures.
8 Quand ils entendirent la voix de l'Eternel Dieu en train de parcourir le jardin vers le soir, l'homme et sa femme se
cachèrent loin de l'Eternel Dieu au milieu des arbres du jardin.
9 Cependant, l'Eternel Dieu appela l'homme et lui dit : «Où es-tu?»
10 Il répondit : «J'ai entendu ta voix dans le jardin et j'ai eu peur, parce que j'étais nu. Alors je me suis caché.»
11 L'Eternel Dieu dit : «Qui t'a révélé que tu étais nu? Est-ce que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais interdit
de manger?»
12 L'homme répondit : «C'est la femme que tu as mise à mes côtés qui m'a donné de ce fruit, et j'en ai mangé.»

13 L'Eternel Dieu dit à la femme : «Pourquoi as-tu fait cela?» La femme répondit : «Le serpent m'a trompée et j'en ai mangé.»
14 L'Eternel Dieu dit au serpent : «Puisque tu as fait cela, tu seras maudit parmi tout le bétail et tous les animaux
sauvages. Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci t'écrasera la tête et tu lui
blesseras le talon.»
16 Il dit à la femme : «J'augmenterai la souffrance de tes grossesses. C'est dans la douleur que tu mettras des enfants
au monde. Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi ».
17 Il dit à l'homme : «Puisque tu as écouté ta femme et mangé du fruit au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : 'Tu
n'en mangeras pas', le sol est maudit à cause de toi. C'est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta
vie.
18 Il te produira des ronces et des chardons, et tu mangeras de l'herbe des champs.
19 C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, et ce jusqu'à ce que tu retournes à la terre, puisque c'est
d'elle que tu as été tiré. Oui, tu es poussière et tu retourneras à la poussière.»
20 Adam appela sa femme Ève, car elle devait être la mère de tous les vivants.
21 L'Eternel Dieu fit des habits en peau pour Adam et pour sa femme, et il les leur mit.
22 L'Eternel Dieu dit : «Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant,
empêchons-le de tendre la main, de prendre aussi du fruit de l'arbre de vie, d'en manger et de vivre éternellement !».
23 Ainsi, l'Eternel Dieu le chassa du jardin d'Éden pour qu'il cultive la terre d'où il avait été tiré.
24 Après avoir chassé Adam, il posta à l'est du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder
le chemin de l'arbre de vie.

35
Caïn et Abel (Genèse IV.1-15)
IV.
1. Adam eut des relations conjugales avec sa femme Ève. Elle tomba enceinte et mit au monde Caïn.
Elle dit : «J'ai donné vie à un homme avec l'aide de l'Eternel.»
2 Elle mit encore au monde le frère de Caïn, Abel. Abel fut berger et Caïn fut cultivateur.

3 Au bout de quelque temps, Caïn fit une offrande des produits de la terre à l'Eternel.
4 De son côté, Abel en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L'Eternel porta un regard favorable
sur Abel et sur son offrande,
5 mais pas sur Caïn et sur son offrande. Caïn fut très irrité et il arbora un air sombre.

6 L'Eternel dit à Caïn : «Pourquoi es-tu irrité et pourquoi arbores-tu un air sombre?

7 Certainement, si tu agis bien, tu te relèveras. Si en revanche tu agis mal, le péché est couché à la porte et ses désirs se
portent vers toi, mais c'est à toi de dominer sur lui.»
8 Cependant, Caïn dit à son frère Abel : «Allons dans les champs» et, alors qu'ils étaient dans les champs, il se jeta sur
lui et le tua ».
9 L'Eternel dit à Caïn : «Où est ton frère Abel?» Il répondit : «Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère?»
10 Dieu dit alors : «Qu'as-tu fait? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi.
11 Désormais, tu es maudit, chassé loin du sol qui s'est entrouvert pour boire le sang de ton frère versé par ta main.
12 Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus toutes ses ressources. Tu seras errant et vagabond sur la terre.»
13 Caïn dit à l’Eternel : «Ma peine est trop grande pour être supportée.
14 Voici que tu me chasses aujourd'hui de cette terre. Je serai caché loin de toi, je serai errant et vagabond sur la terre,
et toute personne qui me trouvera pourra me tuer.»
15 L'Eternel lui dit : «Si quelqu'un tue Caïn, Caïn sera vengé sept fois» et l'Eternel mit un signe sur Caïn afin que ceux
qui le trouveraient ne le tuent pas.

La tour de Babel (Genèse XI.1-9)


XI
1. Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.
2 Après avoir quitté l'est, ils** trouvèrent une plaine dans le pays de Shinear et s'y installèrent.
3 Ils se dirent l'un à l’autre : «Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu !» La brique leur servit de pierre, et le
bitume de ciment.
4 Ils dirent encore : «Allons ! Construisons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel et faisons-nous un
nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre.»
5 L'Eternel descendit pour voir la ville et la tour que construisaient les hommes,
6 et il dit : «Les voici qui forment un seul peuple et ont tous une même langue, et voilà ce qu'ils ont entrepris !
Maintenant, rien ne les retiendra de faire tout ce qu'ils ont projeté.
7 Allons ! Descendons et là brouillons leur langage afin qu'ils ne se comprennent plus mutuellement.»
8 L'Eternel les dispersa loin de là sur toute la surface de la terre. Alors ils arrêtèrent de construire la ville.
9 C'est pourquoi on l'appela Babel : parce que c'est là que l'Eternel brouilla le langage de toute la terre et c'est de là qu'il
les dispersa sur toute la surface de la terre.

** Il s’agit de la descendance des fils de Noé (cf. Genèse, X, 1 à 32 : « Descendance des fils de Noé » :
https://www.universdelabible.net/lire-la-segond-21-en-ligne/genese/10.1-32/).

36
Conclusion
En somme, les mythes bibliques, tout comme les mythes gréco-romains, ont un but commun et essentiel ; ils
transmettent, à travers un discours esthétique et imagé, une fiction qui se veut porteuse de sens. C’est la raison pour
laquelle la mythologie biblique (comme les autres mythologies qui s’en inspirent) incite poètes, dramaturges,
peintres et sculpteurs à en faire une source inépuisable qu’ils remanient, représentent ou transforment à leur guise.
__________________________________________________________________________
*CONSEILS : Faites des recherches liées au « Déluge » (l’Arche de Noé), à la fin du monde (L’Apocalypse)
révélée par Jésus, au « Sacrifice » (D’Isaac par Abraham), à l’histoire de « Samson et Dalila » et celle de « David
et Goliath ». Approfondissez également vos recherches concernant « La traversée de la mer rouge et Les dix
commandements de Moise » (Dans la Bible hébraïque et chrétienne). Ces thématiques enrichiront votre culture
personnelle. Ils ne feront pas partie du contrôle final, mais je vous conseille vivement de bien les connaitre afin
d’élargir vos connaissances.
Veuillez également regarder ce documentaire intéressant qui parle de L’Apocalypse :
https://www.youtube.com/watch?v=iFYb0dxLoa4

37
SEMAINE 6
Exercices d’application 1

I. Textes : Extraits de L’Illiade

38
QUESTIONS

1. Quel est le contexte de L’Iliade et quand a-t-elle été créée ?


2. Qui est « l’auteur » de l’Iliade ?
3. Comment l’autorité d’Agamemnon se manifeste-elle dans les chants 1 et 2 ?
4. Pourquoi Achille est-il en colère ?
5. Qui est Briséis ?
6. Qui est Apollon ?
7. Quels sont les dieux qui sont évoqués dans les deux chants ?
8. Comment se manifeste le merveilleux dans ces chants ?
9. Comment se comportent les dieux envers les hommes ?
10. Que veut dire le terme « Olympe » ?

39
Exercices d’application 2

Thème 1/ La mythologie gréco-romaine

Texte support : La civilisation gréco-romaine a cherché à connaitre l’origine du monde qui l’entoure, a imaginé ou
pensé qu’il pouvait être l’œuvre de créatures puissantes : les « dieux ». La Théogonie d’Hésiode met en exergue cet
imaginaire collectif et dépeint la naissance de l’univers où régnait le chaos originel, un abîme de ténèbres, vaste
étendue d’eau ou de masse informe inorganisée d’où jailli les éléments. De cet univers désorganisé ont émergé des
êtres divins qui sont devenus géniteurs à leur tour. Ainsi, progressivement, apparaissent ceux qui vont organiser le
monde.
►Questions◄
1. Quelle la différence entre Dieu et « dieux » (selon le texte et vos connaissances) ?

2. Que signifie le terme « chaos » ? Reformulez l’information donnée dans le texte.

3. En vous basant sur vos connaissances, dites quelle est la génération des «dieux» la plus populaire dans la
littérature française ? Justifiez votre réponse.

Thème 2/ Le rôle des récits bibliques dans la vie des mortels et leur transformation en mythes
Texte support : Les fonctions principales des récits bibliques ont été liées à « La
Création », aux « Lois » et aux techniques à l’origine des civilisations. Ainsi, les histoires
relatées dans La Bible ont transmis la connaissance, le langage, l’origine de la Création
des Hommes et de l’Univers, à l’image de la mythologie gréco-romaine.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que bien qu’il y ait des éléments proches du mythe grec dans lequel il est
question de péripéties surnaturelles et d’êtres dépassant la nature humaine, les récits juifs et chrétiens se basent sur
des histoires qui sont censées avoir existé. Toutefois, l’incohérence et la diversité au niveau des Livres sacrés
bibliques ont engendré la notion de «mythe». C’est alors que la Bible devient une source inépuisable
d’interprétations qui a vivement inspiré artistes écrivains.

►Question◄
1. Pourquoi les récits bibliques sont-ils considérés comme étant des « mythes » ? Justifiez votre réponse.

40
LES GRANDS
mythes bibliques
MYTHES
( Récapitulation
des cours précédents)

41
PLAN

I. «Le mythe », définitions et évolution


II. Les principales fonctions du « mythe »
III. La mythologie gréco-romaine
IV. La mythologie biblique
V. Mythes et langage

42
I.«Le mythe », définitions, buts et évolution
Le «mythe» («muthos» en grec qui signifie «fiction et
imagination») est un terme qui n’est apparu dans la
langue française qu’au 19ème siècle.
En effet, même si nous retrouvons abondamment la
notion du «mythe» depuis l’Antiquité gréco-romaine,
la civilisation française a d’abord utilisé des termes
comme «fable», « légende», « fiction» et «conte» pour
décrire tout ce qui n’avait pas d’existence réelle ou de
preuve palpable et logique.

43
(suite)
Au sens étymologique, le terme «mythe » veut dire
«parole et récit»; il est généralement anonyme, antique
et collectif, transmis par la tradition et a souvent pour
personnages des dieux, des êtres surhumains qui ont des
pouvoirs surnaturels mais dont les sentiments et les
comportements se rapprochent de ceux des humains.
On y trouve également des humains considérés comme
étant des héros, des modèles, des exemples à suivre ou
pas (que ce soit dans les religions polythéistes ou
monothéistes=religions gréco-romaines/ Bibles) .

44
(suite)
Les buts principaux du « mythe » sont :
-expliquer comment les choses ont commencé
-et pourquoi les hommes en sont là aujourd’hui.
Par conséquent, les mythes sont l’expression d’une
culture ; ils exposent les aspirations profondes de
l’inconscient humain et mettent en scène des
situations éternelles.
La pensée scientifique n’a pas réussi à les faire
disparaître. Bien plus, dans la plupart des
productions littéraires, se dessinent des bases
d’images liées au mythe.

45
(suite)
En somme, LE MYTHE est un récit, un ensemble
d’idéologies et de pensées transmises de siècles en
siècles. C’est la raison pour laquelle on parle de
« mythes gréco-romains », de « mythes bibliques » et de
« mythes littéraires ».
Il est né soit à partir d’une histoire réelle transformée
en des versions différentes, soit d’une légende ou d’un
récit ancré dans la mémoire populaire qui n’ont pas été
prouvés scientifiquement.

46
II. Les principales fonctions du « mythe »
1. Les mythes cosmogoniques :
« La cosmogonie » relate la naissance de l’Univers. Ce
genre se rapporte en effet à la Création du Monde ; on
y décrit la naissance des dieux, la formation du globe,
le cycle du temps, etc.

La portée de la cosmogonie est généralement


symbolique ; elle tente de familiariser l’Homme avec
son milieu. Ex :« La création du Monde» chez le poète
grec Hésiode dans La Théogonie.

47
2.Les mythes théogoniques :
La théogonie renvoie à tout récit
mythologique lié aux origines
divines, de telle sorte qu’elle
constitue un récit primordial au
même titre que la cosmogonie
dont elle ne peut être dissociée.
Ex : « Naissance de Gaia et
d’Ouranos».

48
3.Les mythes anthropogoniques :
L’anthropogonie relate la naissance
et le développement de l’Humanité.
Exemple: « Le mythe de Prométhée ».

49
4.Le mythe de la fondation :
Celui-ci décrit la fondation d’une ville ou d’une
nation. Ex : « L'histoire des jumeaux Romulus et
Rémus » qui raconte l’apparition de la ville Rome
et sa construction.

50
III. La mythologie gréco-romaine
La mythologie gréco-romaine « polythéiste »
est apparue il y a environ 3000 ans ; on y
trouve une multitude de dieux, de déesses et
demi-dieux, ainsi qu’un grand nombre de
héros et de personnages hors du commun.

Certaines divinités étaient adorées dans toute


la Grèce. D’autres, souvent secondaires ou
inférieures, étaient vénérées localement ; les
grecs, pour les honorer avaient consruit des
temples sacrés. Certains de ces temples
existent encore, notamment à Athènes.

Les sources de leurs histoires sont multiples et


divergentes.

51
(Suite)
Ainsi, l’étude de cette mythologie n’est pas une science mais
plutôt un répertoire unifié de croyances qui n’a pas été mis au
point qu’au XVIème siècle ( La Renaissance) .

En effet, pendant la Renaissance, la mythologie fut accueillie


avec enthousiasme par certains intellectuels tels que Montaigne,
Rabelais et Ronsard qui en tirèrent largement profit pour
nourrir leurs écrits.

Ils considéraient ce mélange de rêve et de fantaisie comme une


forme de révélation adaptée aux peuples des civilisations
antiques ; une valeur ajoutée bénéfique pour la Littérature.

52
IV. La mythologie biblique
«La mythologie biblique» renvoie à
l’ensemble des récits a caractère
miraculeux et fabuleux que l’on retrouve
dans la Bible Juive et Chrétienne.

Ces récits considérés comme étant des


« légendes » selon certains, ont intégré la
notion du « mythe » à cause d’un fait
principal :
A partir d’une histoire non vérifiée et
transformée oralement, l’on aboutit à la
création d’un « mythe ». C’est le cas de la
légende de la « Tour de Babel » qui a été
transformée en mythe.
53
(Suite)

Toutefois, notons une différence importante :


contrairement aux mythes gréco-romains qui ne
relèvent pas de l’Histoire mais des chimères (récits
inventés et non réels), « la mythologie biblique » est
un subtil mélange d'événements historiques
considérés comme réels et de faits considérés comme
étant imaginaires.

54
(Suite)
Mais en somme, les « mythes bibliques », tout comme
les « mythes gréco-romains », ont un but commun
essentiel : ils transmettent, à travers un discours
imagé, une histoire qui tend à transmettre des
messages ou des morales.

Par conséquent, la mythologie devient une part du


monde artistique, littéraire, culturel et linguistique.

55
V. Mythes et langage
La mythologie, notamment gréco-romaine est effectivement
omniprésente dans la langue française. Notons, entre autres :

1. « Un supplice de Tantale »,
2. « La pomme de discorde »,
3. « Perdre le fil d’Ariane »,
4. « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter »
5. « Europe »
6. « Champs-Elysées »

56
1. « Un supplice de Tantale »
Dans la mythologie grecque, Tantale est un mortel, ami des dieux. Fils de
Zeus et de la nymphe Ploutô, il est roi de Phrygie. Mais après avoir trahi les
dieux, ceux-ci le châtient en le condamnant au supplice.

Parmi les versions les plus connues, celle où Tantale est enfermé dans le
« Tartare » (endroit dans les Enfers où sont punis les criminels) pour
L’Eternité : il fut placé au milieu d’un fleuve qui s'assèche quand il se
penche pour boire, et le vent éloigne les branches d’un arbre quand il tend
la main pour attraper les fruits (Récit relaté dans l’Odyssée d’Homère).

Ce récit à donné naissance à une expression symbolique : « Le supplice


de Tantale » renvoie à toute personne qui n’arrive pas atteindre son but
alors qu’elle est sur le point d’obtenir l’objet désiré.
57
2. « La pomme de discorde »

Eris est une déesse malfaisante. Fille de Nyx (la nuit) qu’elle a mis au monde
seule, Eris est considérée comme étant la déesse de la Discorde.
N’ayant pas été invitée au repas de noces de Pelée (roi) et Thétis(nymphe
marine), Eris, voulut se venger de cet affront. Elle jeta alors au milieu des
invités une pomme d’or sur laquelle était inscrit : « A la plus belle ». Cette
pomme lancée créa alors une grande discorde entre les déesses Héra,
Aphrodite, Athéna qui se disputèrent le fruit.

De nos jours, « La pomme de discorde » qualifie le sujet d’une dispute.

58
3. « Perdre le fil d’Ariane »
Minos, roi de Crète, devait faire une offrande de sept
jeunes garçons et de sept jeunes filles au Minotaure
(monstre fabuleux possédant le corps d'un homme et la tête
d'un taureau ou mi-homme et mi-taureau) enfermé dans le
labyrinthe, et ce, tous les neuf ans.

Ariane, la fille du roi, confia à Thésée ( Héros grec tel


Hercule) dont elle était amoureuse, une pelote de fil qu’il
devrait dérouler pour pouvoir trouver le chemin du
retour. Grâce à ce fil, Thésée a pu tuer le monstre et
retrouver son chemin.

De nos jours, un « fil d'Ariane » est la représentation


d’une ligne directrice qui permet d’atteindre un objectif
ou de trouver son chemin.
Quand on « perd le fil d’Ariane », on perd le fil
conducteur de nos idées.
59
4. « Se croire sorti de la cuisse de Jupiter (Zeus) »

Cette expression fait référence au mythe de la naissance


de Dionysos, fils de Zeus et de Sémélé, une mortelle avec
laquelle il eut une relation illégitime.

Semelé, poussée par Héra la femme de Zeus ( Jupiter),


voulut voir Zeus (Jupiter) dans toute sa puissance, mais
fut aussitôt foudroyée.

Jupiter ( Zeus) enferma alors dans sa cuisse l’enfant qui


devait naître de leur union jusqu'à sa naissance. L'enfant
devint le jeune dieu Dionysos (Bacchus), joueur de flûte,
couronné et ivre de vie.

De nos jours, l'expression « se croire sorti de la cuisse de


Jupiter » désigne quelqu'un qui se croit exceptionnel et
supérieur aux autres (égocentrique).

60
5. « Europe »
Avant d'être une construction politique, l'Europe a été
un mythe.
Ainsi, «Europe», avant de désigner le Continent, a
d'abord
. eu les traits d'une jeune princesse
phénicienne aux yeux larges.
La légende raconte que la beauté de la fille du roi de
Tyr (actuel Liban) ne pouvait échapper aux appétits de
Zeus qui, pour fuir la jalousie de son épouse Héra,se
métamorphosa en un superbe taureau blanc,
s'approcha d'Europe et se laissa caresser par la belle.
Charmée, Europe grimpa sur le dos de « l’animal »
(Zeus) qui l’emmena à la nage en Crète, avant de
reprendre forme humaine et de lui faire trois enfants.

« Enlèvement d'Europe » - 61
Guido RENI
6. « Champs-Elysées »
Avant d’être l’avenue la plus célèbre au monde de Paris,
« Les Elysées » ont d’abord été, dans la mythologie grecque,
un lieu des « Enfers » où les héros et les gens vertueux
goûtent au repos et à la volupté après leur mort.

« Les eaux du Léthé près des champs Elysées » -John Roddam Spencer Stanhope-
62
FIN
63
Cours n°5 :
Le mythe littéraire comme réécriture individuelle d'un texte fondateur
______________________________________________________________________________________
Plan
Introduction
I. Lien entre le Mythe et la Littérature
II. Le Mythe littéraire
1. Définitions
2. Origines, représentations et réécritures au fil des époques
III. Catégories principales du Mythe littéraire
Conclusion
_________________________________________________________________
Introduction
Si le terme « mythe », en son sens général apparait au 19ème s. selon l’Académie Française, le «mythe
littéraire» n’est sur les devants de la scène qu’au début du 20ème s. notamment grâce aux chercheurs tels que
Mircea Eliade et Claude Lévi-Strauss. Mais c’est grâce aux influences des philosophes tels que Nietzsche
(19èmes), des psychanalystes comme Freud (19 et 20ème s.), de la mythologie comparée que l’on doit à Adalbert
Kuhn et aux frères Grimm que la notion du « mythe littéraire » avait déjà commencé à prendre forme.
Nous aborderons, tout d’abord le rapport étroit qui existe entre le « mythe » et la « littérature ». Ensuite,
nous expliquerons ce qu’est un « mythe littéraire ». Enfin, nous verrons comment la figure du mythe a été
utilisée dans les textes littéraires avant d’en venir à citer les catégories du « mythe littéraire ».

I. Lien entre le Mythe et la Littérature


Rappelons-le, à mi-chemin entre le merveilleux qui fascine et le sacré qu’on accepte pour «vrai», le mythe,
dans sa conception générale permet à l’imagination de répondre à la question des origines mais aussi aux
diverses questionnements liés à l’Homme ; ses préoccupations, ses buts etc.
En conséquence, depuis l’Antiquité, l’inspiration littéraire (poétique) a continuellement conditionné l’être
humain à créer. Cette action s'expliquerait par le pouvoir du langage symbolique qui de pousse le récepteur à
interpréter les choses.
Ainsi, malgré qu’Hésiode et Homère, aient reconstitué, dans leurs ouvrages, des récits fictifs et difficiles à
croire, ils ont pu non seulement mettre par écrit des croyances dites « sacrées » mais ils ont aussi transmis un
message important : aucune idée ne peut être reçue si elle n’obéit pas à des règles esthétiques.
De ce fait, toute création littéraire, bien qu’elle soit la vision personnelle d'un créateur, permet à tout être de
s’enrichir et satisfait son envie de connaitre son Univers. Dans ce sens, la notion du « mythe » ne peut point être
dissociée de la littérature.
Par ailleurs, Si Hésiode et Homère se sont concentrés des récits dits « sacrés » où le fabuleux et le
merveilleux est mis en évidence : personnages légendaires, situations difficiles à considérer comme réelles, la
littérature, elle, ne reprend que certains aspects du mythe qu’elle modifie avec une grande liberté ou créé
ses propres mythes.
Notons que les reprises littéraires s’inspirent de tous les textes considérés comme sacrés de tout genre ;
les récits gréco-romains, les Livres monothéistes telle que La Bible. Toutefois, il faut veiller à ne pas
considérer les textes littéraires comme étant des écrits « sacrés » dans le sens théologique.

En dehors des reprises de la mythologie biblique et gréco-romaine, plusieurs récits et fables du


Moyen-Âge ainsi que ceux des 16ème, 17, 18 et 19ème siècles se sont transformés en mythe à partir du
20ème siècle bien que leurs personnages ne soient pas issus d’un milieu fabuleux (dieux, déesses, monstres,
etc). C'est-à-dire que certains personnages sont devenus des mythes en étant issus d’un milieu dit
« normal ».
64
II. Le mythe littéraire
1. Définitions
L’expression «mythe littéraire»1 n’est apparu que tardivement. En effet, on en parle qu’au début du 20èmes.;
le mythe littéraire renvoie à tout mythe ayant pour origine un récit soit :
 antique polythéiste (gréco-romain, égyptien, babylonien, germanique, etc), et biblique,
 culturel et moderne (les nouveaux mythes liés au Moyen-âge jusqu’au 19èmesiècle),
 contemporain (propres à l’époque de l’écriture, à la notre).
Mais afin de pouvoir parler de « mythe littéraire », un élément est important : la reprise d’un mythe
dans les arts et littérature. Autrement dit, nous ne pouvons parler de « mythe littéraire » que si un
personnage/une situation sont repris par plusieurs auteurs à travers des siècles et dans des contextes différents.
De ce fait, « le mythe littéraire » est un mythe qui a été repris plusieurs fois par la littérature et l’Art.
En effet, l’œuvre littéraire en abordant le mythe ancien, le réécrit pour lui donner une nouvelle dimension
liée à l’époque de la rédaction. Ainsi, les récits collectifs considérés jadis comme « sacrés » sont désacralisés : le
mythe devient l’objet d’un nouveau récit. Autrement dit, le «mythe littéraire» est un récit sur lequel il faut
s’interroger. Il n’est donc pas étonnant que les écrivains s’inspirent aussi bien de leur époque pour créer un
mythe littéraire que d’un mythe antique (gréco-romain/biblique) et ancien (Moyen-âge jusqu’au 19ème s.).
En somme, la notion du « mythe littéraire » veut dire que les mythes inspirent la littérature, alors que cette
dernière les fait vivre en les renouvelant.
2. Origines, représentations et réécritures au fil des époques
Alors que l’Antiquité avait opposé deux modes de pensée contradictoires, l’un voué à la célébration
des panthéons gréco-romains, l’autre exigeant la reconnaissance d’un seul Dieu (monothéisme), le Moyen
Âge mêle les deux univers dans un mélange inaccoutumé. La décoration des cathédrales associe de
manière étrange les figures de la Bible et les dieux grecs tels Zeus, Apollon, Athéna et Aphrodite.
Les auteurs médiévaux usent d’expressions où émergent les références chrétiennes. François Villon 2 nomme
par ex. la vierge Marie « haute déesse ». La mythologie est ainsi vue soit comme une superstition populaire qui
associe au Dieu de la Bible une infinité de divinités secondaires, comparables aux anges ou aux fées, soit
comme une mythologie perdurable parce qu’elle est vidée de son sens, et n’est plus qu’une manière de parler.
A la Renaissance (16ème), les mythes recouvrent leur consistance narrative et leur vigueur originelle, et
pour ainsi dire leur caractère durable et stable.
Pendant le Grand siècle (17ème), le règne de Louis XIV laisse apparaitre l’image d’un roi soleil dont la
lumière commence à s’atténuer ; l’image apollonienne n’est pas la bienvenue. En France, des poètes de la cour
comparaient Charles IX à Hercule. Mais ces assimilations ne sont que des renvois symboliques qui ne
reprennent pas la culture mythique antique mais l’évoquent uniquement. Ce Grand siècle marque toutefois un
fait important : l’église se concentre sur le merveilleux chrétien et rejette la culture gréco-romaine. Il s’agit
de la querelle des anciens et des modernes qui lance une réflexion sur les vertus/limites de tout ce qui est
légendaire. Ceci engendrera des pièces parodiques tel Virgile travesti (1648) de Scarron ou des pièces
classiques comme Oedipe de Corneille (1659).
Cette contestation place de ce qu’on appelle actuellement « mythe » au cœur d’une polémique et donne
naissance, au Siècle des Lumières au rejet de tout ce qui est irrationnel. Les philosophes, épris de raison,
s’indignent alors devant l’irrationalité des fables et des légendes et se basent essentiellement sur l’analyse et la
rationalité. Toutefois, le 18èmes., même en démystifiant les croyances anciennes en aussi tiré bénéfice en les
représentant notamment dans les parodies tel que dans qu’Homère travesti (1716) de Marivaux.
Le romantisme (19ème siècle) s’attacha, quant à lui, à l’univers médiéval en l’enrichissant d’une attention
nouvelle des légendes locales. Ainsi, le début du siècle met notamment en exergue les cycles héroïques des
légendes des siècles précédents tels que Faust 3, Don Juan4 et Don Quichotte 5 . Aussi, l’épanouissent du
romantisme ouvre aux légendes ou au réel les portes du mythe.

1
- Philippe Sellier, Qu’est ce qu’un mythe littéraire?. Cf. https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1984_num_55_3_2239
2
-Poète français du 15ème siècle.
3
- Faust est le héros d'un conte populaire allemand ayant rencontré du succès au XVIE siècle, à l'origine de nombreuses réinterprétations.
4
-Personnage de fiction qui apparaît pour la 1ère fois au 17ème siècle dans une pièce de Tirso de Molina. 65
5
- Roman de Miguel de Cervantès et publié à Madrid en deux parties, la première en 1605 puis la seconde en 1615.
Dans la Légende des Siècles, par exemple, Victor Hugo embrasse dans un même souffle épique le monde
biblique, les exploits homériques et les combats de Charlemagne1. Dans la Belle Hélène (1864), la guerre de
Troie se réduit aux propositions d’une comédie de salon où l’adultère est excusé par la toute puissance Vénus.
Le 20ème siècle, en France, les mythes gréco-romains sont au cœur de l’art et de la littérature,
notamment dans le théâtre. Dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935), Jean Giraudoux (1882-1944)
réinterprète L’Iliade d’Homère à la lumière du contexte de l’époque : une Europe qui voit venir la prochaine
guerre sans pour autant réagir. Dans Antigone (1944), Jean Anouilh (1910-1987) fait de l’héroïne antique une
allégorie de la Résistance à l’occupation allemande, etc.
De nos jours, et en raison du progrès scientifique et du déclin des croyances religieuses, le mythe semble
devenir de plus en plus illogique et insensé. Toutefois, la notion du mythe est bien là ; nous la retrouvons non
seulement dans les expressions langagières ou les lieux mais également sous un nouvel aspect.
En effet, en plus des échos des mythes politiques et religieux d’antan, des nouveaux mythes apparaissent
d’années en années. Ceci est dû à la communication moderne qui donne une large place à publicité, à la musique
populaire, au cinéma, à la télévision, etc. Citons, pour exemple «le mythe de l’amour romantique» ou le «mythe
de l’harmonie sociale», des thèmes vivement repris dans la littérature et l’art contemporains.
Certains sémiologues comme Roland Barthes et Umberto Eco ont par ex. étudié des personnages et des
objets tels que James Bond et Barbie en leur conférant une dimension socioculturelle symbolique.
Chacun de ces mythes est une composition de récits, de symboles et d'émotions associés à idéal humain qui
dépend d’une croyance et non d’une vérité. Ainsi, tout comme le puissant Hercule antique, Superman ou
Spiderman redressent les torts et se lancent dans une lutte contre les êtres malfaisants.
III. Catégories principales du mythe littéraire
Compte tenu la richesse des « mythes littéraires », il est évident qu’il ait des catégories bien précises.
Celles-ci se distinguent des mythes classiques et antiques abordés dans les séances précédentes. Par conséquent,
nous avons trois types principaux de mythes littéraires :
 Les mythes antiques revisités et modifiés (mythes grecs et mythes bibliques).
 Les nouveaux mythes nés au Moyen-âge jusqu’au début du 20èmes. Ceux-ci ont peuvent être divisés à
leur tour, en deux catégories :
a. Les mythes issus d’une légende, d’un roman
b. Les mythes politico-héroïques qui se sont concentrés sur des sur personnages historiques bien
réels : César, Alexandre le Grand, Napoléon, etc.
 Les mythes contemporains/actuels : Ceux-ci ont une forme beaucoup plus complexe et s’inspirent
de la communication actuelle : télévision, cinéma, publicité, objets, etc.
*Ce tableau donne quelques exemples de ces catégories :
Mythes antiques Nouveaux mythes ou « nouveaux nés » Mythes contemporains
revisités (Par rapport aux mythes antiques)
-Gréco-romains et bibliques-
Origine socioculturelle et Origine politico-héroïques
Oedipe littéraire Superman
Ulysse Don Juan César Wonder-woman
Don Quichotte James bond
La guerre de Troie Alexandre le Grand Barbie
La Tour de Babel Faust Napoléon
Abel et Caïn Le monstre Louis XIV

Conclusion
En somme, quelle que soit le siècle dans lequel le mythe a évolué, il a donné naissance à une pensée et un
but commun : la littérature s’inspire des récits et des croyances socioculturelles orales et écrite d’hier et
d’aujourd’hui afin d’enrichir la réflexion humaine et le texte littéraire destiné à toucher autrui.

1
- Charlemagne, ou Charles Ier (742-814) est un roi des Francs et empereur. Il appartient à la dynastie des Carolingiens, à laquelle il a
donné son nom.

66
Cours n°6 : Mythes littéraires et personnages universels
* Introduction
I. Le mythe : rappel
1. Définition du mythe en général
2. Définition et origine du mythe littéraire
II. Personnages universels
1. Dom Quichotte (* notez que le terme « Dom » peut aussi s’écrire de cette façon : «Don»
2. Faust
3. Dom Juan
4. La figure du Monstre
*Conclusion

Introduction
Après avoir étudié la mythologie gréco-romaine et biblique en les comparant avec une 3ème
catégorie : les mythes littéraires, nous allons désormais nous concentrer sur les personnages littéraires
universels que l’on nomme « nouveaux mythes ». Mais avant d’aborder les figures mythiques créées à
partir du 17ème siècle, nous rappellerons ce qu’est « un mythe » puis ce qu’est un « mythe littéraire ».
I. Le mythe : rappel
1. Définition du mythe en général
Le mythe, de manière générale, se caractérise par sa forme (récit), par son fondement (une
croyance religieuse) et par son rôle (expliquer l’état du monde).
La notion du mythe suppose une continuité narrative ; elle demande un cadre, des personnages et
une action. L’idée d’un dieu ou la foi en l’existence d’un héros ne suffisent pas à fonder un mythe.
Dans ce sens, le mythe possède la forme narrative du conte/légende et les traits d’un texte « poétique »
qui a pour but d’expliquer le monde.
En somme, le mythe a une racine religieuse qui tend à décrire et à expliquer l’Univers.
Autrement dit, le mythe est l’objet d’une croyance religieuse-ou du moins- il met en scène des êtres
qui possèdent une aura sacrée qui doit susciter un phénomène d’adhésion collective. En plus de cette
aura sacrée, le mythe a une fonction étiologique, c'est-à-dire qu’il imagine la cause des phénomènes
connus. Il remonte à la Création, à l’établissement d’un pouvoir politique, ou encore, il parcoure le
monde de l’au-delà, imagine la fin du nôtre et explique à l’Homme les principes qui doivent guider sa
vie terrestre.
Ainsi, bien que les faits mythiques soient difficiles à croire ou fictifs, le mythe exige un retour au
réel : Prométhée vola le feu aux dieux, et ce feu est supposé encore exister selon certaines croyances.
Pandore ou Ève ont apparemment apporté le mal sur terre et « ce mal » est censé être encore répandu
de nos jours. Autrement dit, le mythe nous ramène au monde et le justifie, contrairement aux contes
comme Blanche neige ou Cendrillon qui nous transportent ailleurs (« il était une fois un roi et une
reine … ») et ne supposent pas un retour à notre réalité ou une identification avec des personnages qui
n’ont rien légué à l’Humanité. Aussi, le conte finit toujours bien alors que le mythe finit
généralement mal et révèle une part de nous-mêmes que nous ignorions.
Par conséquent, le mythe ne raconte pas uniquement une histoire dite sacrée qui relate un
événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des « commencements » mais il
décrit aussi un comportement humain ou une institution acceptée et reprise par les traditions
populaires. Dans ce sens, le mythe possède une notion complexe qui ne tarda pas à se transformer au
début du 20ème siècle. Par conséquent, du mythe dit classique, une nouvelle forme apparait : il s’agit
du « mythe littéraire ».
2. Définition du mythe littéraire
Le mythe littéraire (paru au 20ème siècle), comme le mythe traditionnel, a un rôle explicatif,
symbolique, social, politique et moral. Son mode de fonctionnement se caractérise toujours par l’appel
à l’imaginaire. Aussi, tout en permettant de cerner le réel par l’intermédiaire du merveilleux, le mythe
littéraire forge une sorte de monde parallèle à notre monde. Objet à la fois de divertissement et de
croyance, il propose une représentation de toutes les forces inconnues, incompréhensibles ou étranges
auxquelles les Hommes se heurtent.

67
Toutefois, le mythe littéraire s’éloigne du caractère sacré des récits mythologiques anciens et
propose une nouvelle vision des récits mythologiques liés aux origines, tout en créant de nouveaux
mythes à travers des récits (parfois réels mais transformés) liés au Moyen-âge jusqu’au début du 20ème
siècle. Par conséquent, la deuxième moitié du 20ème siècle ouvre les portes d’un nouveau mythe ; il
s’agit de la relecture et de la réécriture des récits antiques et anciens. Cette naissance est
principalement due à la psychanalyse, à la philosophie allemande à la mythologie comparée qui ont
proposé une nouvelle vision de la pensée et des croyances ancrées dans les patrimoines culturels.
II. Personnages universels
Nous avons précédemment souligné que le mythe est étroitement lié à la littérature et que le mythe
littéraire se différencie du mythe classique à caractère principalement religieux.
En effet, le mythe littéraire est réécriture individuelle qui donne de nouvelles démentions aux
mythes classique. Autrement dit, la littérature a créé des personnages mémorables par leur singularité.
Les plus réussis de ces personnages deviennent des personnages exemplaires, jusqu’à incarner un type
humain : on parle ainsi d’un Dom Juan pour désigner un séducteur sans scrupules rongé par les
passions ou encore d’un Faust pour renvoyer à un être en quête d’un savoir qui le dépasse et le damne.
D’autres mythes littéraires sont à noter tels que Dom quichotte et le Monstre.
Dans ce sens, alors que les mythes de la Grèce antique étaient des récits fabuleux où des êtres
incarnaient, sous une forme symbolique, des forces de la nature et des aspects de la condition humaine,
les mythes des temps modernes exposent des personnages qui ont réellement existé ou dont l’existence
est admise mais qui ont été par la suite déformés et amplifiés par l’imagination collective.
1. Dom Quichotte
La figure de Don Quichotte apparait pour la première fois dans L’Ingénieux
Hidalgo Dom Quichotte de la Manche de Miguel De Cervantès en 1605. Ce
roman du 17ème siècle rompt avec la littérature médiévale et se distingue avec ses
techniques narratives, ses mouvements internes et les interventions de l'auteur. Ces
techniques ont fait de cette œuvre le premier roman moderne.
Découvert d’abord en Europe, ce roman se propage dans le monde et devient
mythique. Dom Quichotte, héro pour qui les passions s'exacerbent dans une quête
d'absolu, inadmissible aux yeux d'une société qui s'accommode de compromis
permanents entre le bien et le mal, est connu de tous et devient un modèle.
De nos jours encore, l'image de Dom Quichotte revient à la mémoire en étant nourrie de toute une
série de représentations iconographiques à laquelle ont participé Goya, Dali et Picasso.
Beaucoup d’ouvrages ont également exposé ce personnage ambigu à la fois, sublime et dérisoire
qui, bien qu’il soit continuellement accompagné de Sancho (son valet), reste un héros solitaire.
Cette figure, de l'âge d'or espagnol (16ème et 17ème siècles), démontre un aspect comique et un
destin pathétique au même moment. C’est la raison pour laquelle Harry Levin1, par exemple, a
développé une idée, qu'il a nommé la « quixotic principale ». Cette théorie souligne que plus le héros
du roman s'applique à se rebeller et à affronter le monde, plus il creuse un écart. Tout ceci donne
naissance à des tonalités à la fois comique ou tragique.
Notons que la figure Dom Quichotte n'émerge pas, comme Dom Juan et Faust, d’une légende
mais d’un récit romanesque qui est vite devenu l'image d'une mythologie populaire. Ainsi, Dom
Quichotte se retrouve au cœur de plusieurs ouvrages sans jamais y voir son identité être altéré d'une
quelconque façon. Molière, Mozart, Byron ou Baudelaire se sont emparés de son image pour donner
libre cours à leur imagination, pour exposer quelques métamorphoses personnelles.
Pour les romantiques, Dom Quichotte acquiert une dimension symbolique. En effet, prenant place
dans un monde qui lui est impossible de comprendre, ses échecs sont relatifs et sa solitude émeut le
récepteur et accroît sa grandeur.
Sous un autre aspect, certains artistes ont fait de Dom Quichotte l’emblème de la condition
humaine et le symbole d’un caractère espagnol à dimension tragique.

1
- Harry Levin (1912 - 1994) était un critique littéraire américain et un érudit du modernisme et de la littérature comparée.

68
Il est donc primordial aujourd'hui de se remémorer le contexte dans lequel il a été créé car si, à la
Renaissance, il suscitait le rire par ses mésaventures pathétiques, s'il évoquait un caractère
transcendant en incarnant un défenseur de causes perdues pendant le 18ème siècle, il symbolise, de nos
jours, sous ses attraits de revendicateurs et de justicier, une sorte de « paranoïa contemporaine ».
En somme, Dom Quichotte est pour la majorité une référence mythique, un chevalier à la Triste
Figure dont la vigueur et la force sont exposées dans la littérature et les arts.
2. Faust
Rendu célèbre par Goethe, Faust est un savant et un magicien qui cherche
à franchir les frontières du savoir. Héros d'un conte populaire allemand ayant
eu du succès au 16ème siècle, il engendra plusieurs réinterprétations, d’où la
notion de « mythe littéraire ».
La figure de Faust représente, dans la plupart des versions, le désir d’aller
au-delà des possibilités humaines. Cet orgueil démesuré donne une idée à Satan : il décide d’exploiter
Faust. En effet, le diable lui envoie l’un de ses représentants « Méphistophélès » qui propose d’aider
Faust dans ses recherches. En échange du pouvoir que Méphistophélès lui donnera, Faust doit
promettre à Satan de lui délivrer son âme.
Ce pacte diabolique est le motif central du récit, auquel s’ajoute notamment l’histoire de l’amour
de Faust pour Marguerite et le thème de l’éternelle jeunesse et beauté que le contrat avec le diable
apporte au savant. Faust se damne alors volontairement, préférant assouvir ce désir plutôt que
s’assurer le repos éternel : la morale met en exergue un être dévoré par les passions et la quête d’un
pouvoir qui le dépasse et le damne.
3. Dom Juan
Dom Juan est l'archétype du séducteur qui ne séduit pas les femmes par amour mais défi. En effet,
il séduit pour défier l'ordre du monde et celui des dieux. Cette démesure fera de lui
un damné à l’image de Tantale. Dom Juan sera effectivement entraîné en enfer par
le fantôme d'un père qu'il a tué en duel : Don Juan meurt sans s'être jamais repenti.
La figure de Dom Juan que l’on connait grâce à Molière trouve son origine
dans les contes et les légendes populaires européennes, et plus particulièrement
espagnoles. Cette tradition populaire expose un jeune homme sur le point de se
marier qui rencontre une tête de mort à laquelle il manque de respect en l’invitant
plaisamment à diner et s’expose ainsi à la vengeance du défunt.
A partir de ce récit oral, le dramaturge espagnol Tirso De Molina écrit, en 1624, une pièce de
théâtre, El Burlator de Sevilla y convidado de piedra (L’Abuseur de Séville et l’invité de pierre).
Cette pièce donne au personnage principal le nom de Dom Juan Tenorio et fait de lui un grand
d’Espagne, un libertin sans scrupule, un menteur hâbleur qui est pourtant très croyant.
Chez Tirso de Molina, Dom Juan, après avoir séduit plusieurs femmes de tout rang, provoque en
duel le commandeur Dom Gonzalo, le père de ses conquêtes, tue l’officier et insulte sa statue
funéraire. La statue s’anime et convie Dom Juan à diner ; ce dernier accepte l’invitation, se voit offrir
des scorpions et du vinaigre, et, malgré ses actes de contrition, est entrainé en Enfer.
La version de T. De Molina est extrêmement morale et montrer que, pour un chrétien, le repentir
des derniers instants compte pour rien en regard d’une vie dissolue.
Les italiens s’emparent du sujet et le font jouer en 1650 par des acteurs de la Commedia dell’arte :
ils y exposent l’aspect comique et terrifiant des situations, privilégiant la farce et l’aspect sensuel du
séducteur aux dépens de la morale religieuse.
Lorsque Molière choisit de traiter ce thème dans Don Juan connu aussi sous le nom du Festin de
Pierre (1665), il se trouve face à un personnage dont les traits psychologiques demeurent à définir,
face à une figure encore insaisissable d’un jeune homme aux prises avec les femmes, la société et
Dieu. Le dramaturge voit un lui un « grand seigneur méchant homme » qui, de défi en défi, se jette de
lui-même dans les tourments de la damnation, une thématique qui rappelle la mythologie antique.
Désir de savoir et de pouvoir, désir de posséder toutes les femmes, orgueil et révolte contre Dieu,
procèdent du même mouvement et provoquent le même châtiment. L’Homme, en outrepassant ses
attributions, fait preuve d’un mépris du sacré qu’il doit expier après sa mort. Toutes ces notions ont
fait du personnage de Dom Juan un mythe qui subsiste encore de nos jours.

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4. La figure du « Monstre »
Avant de traiter la figure du « montre » comme mythe littéraire, il est primordial de définir le
terme. Les dictionnaires d’accordent à dire que les montres sont des créatures
souvent « difformes » et « tyranniques ». Leur comportement surprend par son
écart avec les normes de la société car ils agissent avec démesure. Leur apparence
peut être d’origine animale, humaine ou hybride.
Nous pouvons ainsi dire que les monstres sont l’opposé de la figure du héros
mythologique ; ils font partie de l'imaginaire collectif depuis des siècles. La
littérature les utilise pour faire peur, pour donner envie à l’être de partir au combat
tout en exposant les défauts de l'être humain.
Qu'il s'agisse des mythes issus de la tradition orale ou bien de L’Odyssée d'Homère, plusieurs
personnages mythologiques ont des traits monstrueux. Citons, entre autres, le Minotaure, qui a
rappelons-le, possède une tête de taureau et un corps d'homme. Celui-ci exigeait tous les neuf ans sept
jeunes hommes et sept jeunes filles en sacrifice. Citons également la Chimère, qui est un mélange de
lion, de serpent et de chèvre. Celle-ci crachait du feu tel un dragon. Ces monstres malfaisants
symbolisent l’excès et la part obscure et noircie du cœur des hommes.
A cet égard, la littérature les utilise pour montrer le courage d'un héros : le monstre est une
opposition au héros, un obstacle que celui-ci doit franchir s'il veut prouver qu'il est valeureux.
Dans L'Odyssée, Ulysse combat le Cyclope grâce à sa ruse et l'enivre grâce au vin dit « divin »
puis crève son unique œil. Ces combats mythiques exposent les qualités combatives des héros, en
opposition aux aspects terrifiants et atroces des monstres.
Dans les romans, la figure du « monstre » est beaucoup plus symbolique. En effet, Le Monstre qui
y est généralement décrit n’est pas uniquement une créature imaginaire. Bien au contraire, les romans
ont créé des monstres qui nous ressemblent, quitte à devenir attachants.
Dans Notre Dame de Paris, par exemple, de Victor Hugo, Quasimodo, un être humain perçu
comme un monstre par les autres Hommes est décrit comme ayant le cœur tendre selon Hugo. Ceci
suscite l’attachement du récepteur. Dans ce sens, le monstre n’est pas toujours représenté comme étant
une créature malfaisante et diabolique. Il peut aussi être présenté comme étant une victime. Cette
technique inversée pousse le récepteur à réfléchir.
Autrement dit, la figure du Monstre fonctionne comme le miroir du « moi » intérieur de l’être-
Humain. A travers la représentation des traits obscures et effrayants, les auteurs tels que Victor Hugo
(Notre dame de Paris) ou Kafka (La métamorphose) ont créé un mythe littéraire très repris dans toutes
les créations écrites et visuelles ; roman, théâtre, cinéma, etc.
Conclusion
En somme, quelle que soit la nature du mythe mis à l’honneur, il dépend souvent d’un contexte
déterminé. La littérature joue alors un rôle important en mettant en valeur un patrimoine culturel
spécifique grâce à l’utilisation d’un mythe connu mais revisité grâce à la littérature : c’est le mythe
littéraire.

70
Cours n°7
Le mythe de don quichotte et ses doubles dans la littérature
PLAN
*INTRODUCTION
I. MIGUEL DE CERVANTES, DON QUICHOTTE DE LA MANCHE
1. Repères biographiques de Cervantès
2. Présentation générale du roman
3. Lecture de texte (extrait du 1er Chapitre)
4. Commentaires à propos de l’extrait
II. DIDEROT, JACQUES LE FATALISTE
1. Repères biographiques de Diderot
2. Présentation générale du roman
III. DOSTOÏEVSKI, L'IDIOT
1. Repères biographiques de Dostoïevski
2. Présentation générale du roman
*CONCLUSION

INTRODUCTION
Les mythes littéraires tels que Don Quichotte, Don Juan et Faust ont donné naissance à des personnages
similaires que nous percevons dans les œuvres littéraires. En effet, bien que nous ne retrouvons pas le nom de « Don
Quichotte, par exemple, dans les romans comme Jacques Le Fataliste de Diderot ou L’Idiot de Dostoïevski, les
personnages principaux sont le «double» de Don Quichotte.
Cette similitude n’est pas facile à repérer mais elle est détectable à travers l’analyse minutieuse des personnages.
C’est cette similitude qui a engendré la notion du « mythe de Don Quichotte ». Par conséquent, Diderot
etDostoïevski créent une sorte de « Don Quichotte » dans leurs ouvrages en donnant un nom différent à
leurspersonnages. C’est ce que nous analyserons dans ce chapitre dédié au MYTHE DE DON QUICHOTTE.
Nous aborderons tout d’abord le « Don Quichotte » initial de Cervantès avant de voir comment ce personnage a
été réutilisé chez chacun des auteurs à travers d’autres « personnages miroirs ».
I. MIGUEL DE CERVANTES, DON QUICHOTTE DE LA MANCHE
1. Repères biographiques de Cervantès
Miguel de Cervantès (1547-1616), a eu une vie pleine de péripéties. En 1559, il s’enfuit en Italie après avoir blessé
l'homme qu'il a provoqué en duel. Il devint alors soldat et s'engage dans la bataille de Lépante (1571) où il perdit
l'usage d'une de ses mains. Par conséquent, le personnage du Don Quichotte est le reflet de l'histoire personnelle
etde la psychologie de Cervantès qui vécut une vie difficile où la fatalité et la malchance sont àl’ordre du jour.

Après cette bataille, Cervantès retourna en Espagne. Une fois arrivé, des corsaires turcs
l’emprisonnent pendant presque 5ans. Il vécut ensuite pendant un certain moment dans la Manche
avec sa femme avant de partir à Séville où il devint percepteur de finances. Mais, il retourne
encore une fois en prison car il avait déposé l'argent de ses clients dans une banque qui était au
bord de la faillite; c’est en prison qu’il commence à créer le personnage de Don Quichotte.
2. Présentation générale du roman
« Don Quichotte de la Manche » est un personnage du roman Miguel de Cervantès : El Ingenioso Hidalgo
DonQuijote de la Mancha. Publié en 2 tomes : en 1605 puis en 1615.
Don Quichotte de la Manche est un roman qui raconte les aventures et les voyages de
DonQuichotte et de son compagnon Sancho Panza :
- Don Quichotte est un gentilhomme de la noblesse obsédé par la chevalerie.
- Sancho Panza, son écuyer, est un paysan qui voit en la nourriture une raison de vivre.
Le premier personnage (Don Quichotte) est un chevalier errant dont le but est de combattre le mal ; il parcoure ainsi
l’Espagne sur son cheval ‘Rossinante’. Le second personnage (Sancho), lui, mange sans arrêt tout en pensant que son
maître est fou car c’est l’archétype inverse de Don Quichotte. Pragmatique, il réfléchit généralement avant d’agir et
n’idéalise guère les choses. Malgré cela, il décide de prendre part des combats de Don Quichotte. Autrement dit, Don
Quichotte est un idéaliste, une sorte d’antihéros à qui il arrive que des malheurs. Toutefois, il s’idéalise en se prenant
pour un chevalier brave du Moyen-âge à force de lire les livres de chevalerie.

71
Toujours accompagné de Sancho, son compagnon et Rossinante, son cheval fatigué, il part en quête d'aventures
à travers l'Espagne en se pensant capable de combattre le mal et de sauver les opprimés. Mais toutes les aventures de
Don Quichotte finissent mal car il n'a pas les pieds sur terre (exemples : il prend des moulins pour des
géantsmenaçants, il rencontre une servante qu'il considère comme son âme sœur et défend son honneur au risque de
perdre sa vie). Mais malgré les tragédies qu’il traverse, la tonalité du roman est comique et suscite généralement le
rire chezle lecteur. Par conséquent, bien que le personnage parait parfois ridicule, Don Quichotte est également
émouvant car il suscite la pitié et le respect, se bat de tout son cœur même si ses ennemis sont « imaginaires ».
En somme, Don Quichotte est un chevalier à la triste figure qui suscite tantôt le rire, tantôt la pitié. Son bon
cœur, son idéalisme et ses faux espoirs le conduisent directement à des mésaventures qui ont vivement inspiré les
auteurs à créer des personnages ayant les mêmes caractéristiques. En effet, ces reprises ont fait de Don Quichotte un
mythe, le père de plusieurs personnages tels L’Idiot de Dostoïevski et Jacques le Fataliste de Diderot.
3. Lecture de texte (extrait du 1er Chapitre)
“Finalement, ayant perdu l’esprit sans ressource, il vint à donner dans la plus étrange pensée
dontjamais fou se fût avisé dans le monde. Il lui parut convenable et nécessaire, aussi bien pour
l’éclat de sa gloire que pour le service de son pays, de se faire chevalier errant, de s’en aller par le
monde, avec son cheval et ses armes, chercher les aventures, et de pratiquer tout ce qu’il avait lu
que pratiquaient les chevaliers errants, redressant toutes sortes de torts, et s’exposant à tant de
rencontres, à tant de périls, qu’il acquît, en les surmontant, une éternelle renommée.

Il s’imaginait déjà, le pauvre rêveur, voir couronner la valeur de son bras au moins par l’empire de
Trébizonde. Ainsi emporté par de si douces pensées et par l’ineffable attrait qu’il y trouvait, il se
hâta de mettre son désir en pratique. La première chose qu’il fit fut de nettoyer les pièces d’une
armure qui avait appartenu à ses bisaïeux, et qui, moisie et rongée de rouille, gisait depuis des
siècles oubliée dans un coin. Il les lava, les frotta, les raccommoda du mieux qu’il put. Mais il
s’aperçut qu’il manquait à cette armure une chose importante, et qu’au lieu d’un heaume complet
elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une
manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière. Il
est vrai que, pour essayer si elle était forte et à l’épreuve d’estoc et de taille, il tira son épée, et lui
porta deux coups du tranchant, dont le premier détruisit en un instant l’ouvrage d’une semaine.
Cette facilité de la mettre en pièces ne laissa pas de lui déplaire, et, pour s’assurer contre un tel
péril il se mit à refaire son armet, le garnissant en dedans de légères bandes de fer, de façon qu’il
demeurât satisfait de sa solidité ; et, sans vouloir faire sur lui de nouvelles expériences, il le tint
pour un casque à visière de la plus fine trempe”.

Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, 1836, tome 1

4. Commentaires à propos de l’extrait


* Cet extrait décrit et présente:
- Les préparatifs et le départ de Don Quichotte, le "chevalier errant" vers ses toutes premières aventures,
- Les pensées de Don Quichotte (le personnage parait comme étant vaniteux et vantard, naïf et ridicule,
- L'ampleur du projet et la faiblesse du personnage,
- La parodie de la chevalerie,
- Le burlesque,
*Le passage se caractérise effectivement par un aspect burlesque:
-Don Quichotte incarne sous l’angle parodique la figure déradé d’un héros de romans de chevalerie. Le
personnage apparaît dans cet extrait comme grotesque, apte à susciter, de premier abord, le rire.
-L’extrait qui fait partie de ‘L’incipit’ est par conséquent une parodie de l’incipit de roman réaliste. Ceci pousse
à la réflexion : la fiction a alors le pouvoir de transformer la réalité et à créer de nouveaux aspects de la vérité et
de la réalité. Toutefois, cet incipit ne doit guère tromper le lecteur : Don Quichotte apparait certes comme un
chevalier ridicule et faible au début mais les chapitres qui suivront sont ambigus et permettent d’avoir plusieurs
interprétations du personnage.

Ce sont ces mêmes interprétions qui font de « Don Quichotte » un personnage riche qui se transforma bientôt en
mythe, donnant lieu à des personnages annexes comme c’est le cas de Jacques Le Fataliste de Diderot et L’Idiot de
Dostoïevski.

72
II.DIDEROT, JACQUES LE FATALISTE
1.Repères biographiques de Denis Diderot
Auteur de L’Encyclopédie, Diderot (1713-1784) est un romancier, philosophe, essayiste et
dramaturge du siècle des Lumières. Il révolutionne entre autres le genre du roman avec son
œuvre Jacques le Fataliste écrite en 1796. Il attaque les conventions romanesques et remet en
question l’illusion romanesque. Roman satirique rédigé en 1778, Diderot a commencé à
travailler sur ce court roman en 1771. Il l’a remanié en 1778 mais l’ouvrage n’est publié qu’en
1796 (12 ans après sa mort).
Notons que Jacques le Fataliste et son maître est inspiré de plusieurs sources. Tout d’abord, Diderot est un
imitateur évident de Don Quichotte de la Manche de Cervantès. Denis Diderot met effectivement en scène un maître
et son serviteur dans une aventure picaresque. Et bien que la personnalité de Jacques soit inspirée du «spinozisme»,
de Spinoza Baruch, un philosophe Hollandais déterministe, de la vie et opinion de Tristam Shandy, gentilhomme de
Laurence Sterne, la similitude avec Don Quichotte est beaucoup plus évidente : il s’agit de deux cavaliers errants
qui vivent des mésaventures interminables.
2. Présentation générale du roman
Jacques le Fataliste raconte les aventures et les conversations de deux cavaliers, Jacques et son maître. Les
deuxprotagonistes cheminent vers une destination inconnue. On ne sait d’où ils viennent, on ne sait où ils vont, on
sait juste qu’ils resteront ensemble pendant huit jours, s’arrêtant où ils peuvent.
-Jacques est un valet intelligent, généreux et courageux. Philosophe, il affirme que « tout ce qui
nousarrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut ».
- Le maître de Jacques, quant à lui, est décrit comme étant un aristocrate oisif, mou et colérique. Il dépend
toujours de son valet mais l’entraînera par sa lâcheté et par sa maladresse dans les pires mésaventures. En
effet, par la faute de son maître, Jacques subira, par exemple, les attaques de brigands et sera emprisonné.
Au fil des pages, les deux hommes vivent que des mésaventures. Attaqués par des brigands, ils se perdent puis se
retrouvent. Quatre motifs s'entrelacent dans Jacques le Fataliste :
- Le voyage picaresque vers le "nulle part", tantôt raconté à la troisième personne par le narrateur, tantôt
disposé en dialogue entre Jacques et son maître,
-Le récit discontinu fait par Jacques de ses amours avec Denise,
-Les digressions auxquelles se livrent les personnages ou les histoires que racontent certains d'entre eux
et le narrateur lui-même,
-Les commentaires du narrateur où s'entrelacent le motif philosophique de la fatalité et le motif
esthétique de la technique romanesque, racontés avec une ironie grinçante.
Ces motifs nous affirment que Diderot s’est bel et bien inspiré de Don Quichotte, roman héroïco-burlesque pour
écrire Jacques le Fataliste, l’anti-roman qui se veut satirique. Nous pouvons noter l’évolution du roman à travers les
siècles, du prototype de Cervantès, dont le thème et les motifs seront repris et modifiés par Diderot pour devenir une
leçon morale. Autrement dit, nous pouvons établir un parallèle entre Don Quichotte de la Manche et Jacques
leFataliste. Ajoutons queDon Quichotteest un roman picaresque. Venant de l’Espagnol « pícaro » qui signifie
«misérable » et « futé ». Don Quichotte est une parodie des romans épiques médiévaux et Jacques le
fataliste,uneparodie du picaresque.
En somme, l'originalité de Jacques le Fataliste tout comme Don Quichotte met en évidence la thématique de
l’errance, du voyage et de ses mésaventures mais essentiellement le fatalisme qui condamne l’être à vivre les pires
des péripéties, quel que soit son but, qu’il soit bienveillant ou malveillant.
III. DOSTOÏEVSKI, L’IDIOT
1. Repères biographiques de Dostoïevski
Fiodor Dostoïevski est un écrivain russe, généralement considéré comme l'un des plus
grands romanciers russes ; il a influencé de nombreux écrivains et philosophes.
Après une enfance difficile, il fréquente une école d'officiers et se lie avec les
mouvements progressistes russes. Arrêté pour cette raison en 1849, il est déporté dans un
bagne de Sibérie.

73
En 1854, Dostoïevski quitte le bagne et est incorporé comme simple soldat dans un régiment
sibérien à Semipalatinsk. Un an après, il est promu officier, et sa vie devient supportable ; on lui
permet d'écrire, de recevoir des lettres et de reprendre ses activités littéraires. Mais il faudra attendre
1860 pour que Dostoïevski obtienne la permission de s'établir à Saint-Pétersbourg et la liberté complète
d'écrire. Cette vie difficile a donné naissance à des chefs-d’oeuvre. Parmi ces ouvrages citons : Crime
et Châtiment (1866) et L'Idiot(publié dansLe Messager russeen 1868-1869).
2. Présentation générale du roman
Le Prince Mychkine, héro de L'Idiot de Fiodor Dostoïevski, a été comparé à maintes reprises à
Don Quichottede Cervantès. Ceci est dû à un regard naïf qu'ils portent tous deux sur le monde, ce
quiprovoque généralement chez le récepteur l'étonnement ou le rire.
A vrai dire, c'est dans leur rapport avec les femmes que cette naïveté est très
perceptible. Les deux souffrent aussi d'une pathologie. Par conséquent, la « folie
» de Don Quichotte de Cervantès trouve résonnance dans « l'épilepsie » dont
souffre le prince. Les deux semblent également victimes, à divers occasion, de
l'incompréhension d’un bon nombre de personnages. De plus, l'éloge de l'Âge
d'or que prononce l’Hidalgo (Don Quichotte) devant des chevriers étonnés trouve
son écho dans les discours idéalistes du prince (L’idiot).
En admettant que Mychkine suscite chez le récepteur la même ambigüité que provoque
Don Quichotte, nous remarquerons que contrairement au chevalier errant qu’est Don Quichotte, le
prince, n'est guère comique, mais éveille surtout une certaine sympathie grâce à son innocence.

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CONCLUSION
Le personnage de « Don Quichotte » de Cervantès est effectivement un mythe qui a inspiré la
création de divers personnages. Ainsi, bien qu’il ne soit toujours aisé de détecter la figure du chevalier
errant, idéaliste auquel il arrive toujours des malheurs, le texte latent donne lieu à des personnages
doubles. C’est le cas du prince Idiot de Dostoïevski et de Jacques le Fataliste de Diderot.
En effet, chaque auteur a sélectionné certains thèmes et certaines caractéristiques mythiques de Don
Quichotte et a habillé ses personnages avec.
Par conséquent, si Jacques est un personnage errant à qui il arrive que des mésaventures, Le Prince
est tout aussi naïf dans ses choix et dans sa façon de vivre.
En somme, le personnage de Don Quichotte est bien un mythe littéraire qui s’est métamorphosé à
travers les siècles, le but de l’auteur et son milieu sociopolitique et culturel.

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76
Cours n°8
« Le Mythe de Faust », origines et reprises dans la littérature
*INTRODUCTION
I. Le mythe de Faust, origines
II. Johann Wolfgang Von Goethe, Faust I et II
1. Repères biographiques de Johann Wolfgang Von Goethe
2. Présentation des deux pièces de théâtre
III. Thomas Mann, Docteur Faustus
1. Repères biographiques de Thomas Mann
2. Présentation du roman
VI. Jean Giono, Faust au village
1. Repères biographiques de Jean Giono
2. Présentation générale du recueil de nouvelles
V. Extraits d’ouvrages à lire
*CONCLUSION
Introduction
Nous avons précédemment constaté que les mythes littéraires tel Don Quichotte ont inspiré plusieurs auteurs et
artistes. Après avoir analysé ce personnage en assurant qu’il avait ses doubles, nous aborderons à présent Faust,
(connu grâce à Goethe), une figure mythique qui inspira notamment Thomas Mann et Jean Giono.
I. Le mythe de Faust, origines
Le mythe de Faust provient d’une légende allemande née au 16ème siècle qui prit vite la forme d’un conte
populaire. En effet, l’on raconte que Johann Georg Sabellicus, surnommé Docteur Faust aurait étudié la magie à
l’Université de Cracovie en Pologne. Suite à ces faits, certains religieux disaient qu’il était possédé par le démon et
qu’il pratiquait de la magie noire. Toutefois, Faust a réussi, à un certain moment, par s’entourer d’adeptes auxquels il
enseignait ses croyances basées sur le surnaturel. Mais, après quelques temps, il fut accusé de maltraiter ses
étudiants. Ceci le força à quitter l’Université afin d’éviter tout problème avec la justice.
Plusieurs auteurs, musiciens et peintres se sont inspirés de ce thème pour en faire des ouvrages singuliers où le
point commun est le suivant : Faust est un homme qui vend son âme au Diable (souvent nommé Méphistophélès) et
dont le but est de franchir les limites du savoir. Et malgré que certaines reprises littéraires et artistiques diffèrent sur
certains points, la thématique principale est au cœur de chaque création : Faust et ses doubles idolâtrent la magie et
signent un pacte avec le diable.
Parmi les auteurs à avoir utilisé la légende de Faust, citons Christopher Marlowe (1564-1593) qui écrivit une
pièce théâtrale entre 1588 et 1592 intitulée La Tragique Histoire du Docteur Faust, mais publiée en 1604. Celle-ci
relate l’histoire d’un homme assoiffé de savoir qui vend son âme au diable pour obtenir la jeunesse éternelle, mais
c’est surtout Goethe qui donna à Faust son aspect mythique et inspira un bon nombre d’artistes et d’écrivains.
II. Johann Wolfgang Von Goethe, Faust I et Faust II
1. Repères biographiques de Johann Wolfgang Von Goethe
Écrivain allemand, Goethe naquit en 1749 à Francfort et s’éteignit en 1832. Fils d'une famille aisée, son père le
poussa à effectuer des études de droit à Leipzig. Parallèlement, il se passionna pour la littarature et les arts.
Au fil de ses rencontres et de ses aventures amoureuses, il trouva l'inspiration nécessaire à la
composition de quelques poèmes mais des problèmes de santé le contraignent à rejoindre Francfort. Il
y rencontre une amie de sa mère qui réveille en lui un intérêt pour le mysticisme, l'occultisme et
l'alchimie.
Dès 1770, alors qu'il est rétabli, il décide de poursuivre ses études de droit à Strasbourg. Durant cette période, il
se lie d'amitié avec Johann Gottfried Herder qui bouleversa sa vision artistique et littéraire. Goethe se découvre
alors des passions pour Shakespeare, pour la poésie populaire et pour l'architecture gothique de son pays.
Quelques années plus tard, il publie des poèmes et des pièces de théâtres (Iphigénie en Tauride, 1786) puis part en
Italie entre 1786 et 1788. Après ce séjour, il retourne à Weimar et tombe amoureux de Christiane Vulpius. Cette
union fait scandale et ses amis s'éloignent de lui. Nommé à la direction de la culture, il étudie les sciences
(LaMétamorphose des plantes, 1790). Son amitié avec Schiller lui permet alors d'approfondir ses conceptions
littéraires ;il écrit alors le premier Faust(publié en 1808).
Le contexte politique de l'époque bouleverse sa vision de la vie; il s'ennuie dans son ménage et multiplie les
aventures. Ses dernières œuvres sont marquées par la sagesse d'un homme vieilli. En 1831, il termine son 2ème Faust
(1831). Après une longue vie tumultueuse et passionnée, il s'éteint en 1832.
77
2. Présentation générale des pièces Faust I et Faust II
Les deux Faust relatent la vie d’Heinrich Faust, professeur et chercheur en quête du savoir. Désespéré,
ilvend son âme au diable en échange du Savoir, de la beauté et de l’amour. C’est ainsi que Faust et le diable partent
en voyage autour du monde ; Faust découvre les plaisirs de la vie et l’amour tragique avec Marguerite.
2.1.Faust I
En 1773, Goethe commence la rédaction de l’Urfaust (« Le Faust primitif ») et l’achève en 1775. Ce texte est
l’ébauche de Faust I qui est officiellement publié en 1808. La 1ère traduction française fut faite par Albert Stapfer
en1823. La 2ème est due à Gérard de Nerval en 1828 qui lui a donné une dimension poétique.
Faust I est une pièce théâtrale qui, dès son apparition, engendra plusieurs
adaptations,illustrations et traductions. Dans le 1er tome, Faust est présenté comme étant un
vieillard déçu qui ressent le poids des années ; il constate qu’il n’a rien acquis ni produit pendant
ses jeunes années. Et au moment où essaye de se suicider, le diable (Méphistophélès) apparaît et lui
propose de lui rendre sa jeunesse, de lui offrir l’amour et le savoir. Ce pacte est le suivant: Faust
donne au diable son âme dans un délai de 24 ans si tous les désirs de Faust sont comblés.
Méphistophélès emmène alors Faust en voyage où les plaisirs sont à l’ordre du jour. Il rencontre notamment
Marguerite, une femme dont il tombe vite amoureux. Celle-ci représente tout le contraire de Faust ; Marguerite est
croyante, pudique, innocente et modeste.
Quelques temps après, Marguerite est délaissée par Faust. Méphistophélès entraîne de ce fait Faust dans des
nuits démoniaques où les plaisirs orgiaques au milieu des démons et des sorcières effrayent Faust ; il est saisi par
une apparition : une adolescente aux yeux de morte (Marguerite). Faust se met alors en colère contre
Méphistophélès. Tous les deux se retrouvent face à un gibet entouré de sorcières, celui qu’on a préparé pour
Marguerite après avoir donné la mort à son enfant (qu’elle a eu avec Faust).
Dans la scène qui suit, la jeune femme est décrite ahurie dans un lit de prison; elle ne reconnaît pas Faust au
début mais finit par lui tendre les bras. Toutefois, elle refuse de le suivre et repousse les offres de Méphistophélès
car elle veut payer pour le crime qu’elle a commis tout en implorant Dieu de la sauver. Faust quitte la prison en
compagnie de Méphistophélès après avoir tout perdu. C’est sur ces faits que s’achève le 1 er tome.

2.2. Faust II
Publiée à titre posthume en 1832, la tonalité de cette 2 ème partie est différente par rapport à la
ère
1 ; les expériences personnelles de Goethe sont claires. Faust, comme Goethe, connaît les
intrigues de la cour, le vacarme des champs de bataille et l’extase due à la beauté esthétique
classique et à la production. Autrement dit, Le Faust II aborde des problèmes plus sociaux et
politiques mais teintés d’effets fantastiques liés à la mythologie grecque.

Dans l'acte II, par exemple, Faust, grâce aux pouvoirs octroyés par le diable, ramène sur terre
des spectres, notamment ceux de Pâris et d'Hélène de troie1 qui fût immédiatement aimée par Faust qui demanda
à Méphistophélès de l'amener en Grèce antique. Par conséquent, l'acte III ressemble à une tragédie grecque :
Hélène et Faust se marient et vivent heureux dans des cavernes situées à proximité de la mer, et ont un fils,
Euphorion. Or, celui-ci meurt après une mauvaise chute. Suite à ces faits, Hélène quitte Faust en se décomposant
petit à petit.
Dans le IV ème acte, Faust se lamente sur une montagne après sa récente déception amoureuse. C’est à ce
moment là que le diable surgit et lui annonce que les féodaux se sont révoltés contre l'empereur et qu'une guerre
aura lieu ; Grâce à l'aide de ses démons, Méphistophélès détruit l'armée des féodaux. Suite à cela, l'empereur offre
une terre à Faust afin de le remercier.
Dans l'acte V, nous découvrons un Faust meurtri qui voit apparaitre quatre divinités : Dette, Détresse, Pauvreté
et Souci. Dès lors, Faust décide de remettre son âme au diable mais Marguerite, son premier amour, grâce à ses
prières, rachète son âme et l’arrache des griffes de Méphistophélès. Le dernier vers de cette 2 ème partie de Faust
assure que « l'éternel féminin nous élève ». C’est donc bien Marguerite (l’amour d’une femme) qui sauve Faust des
mains de Méphistophélès. Mais en somme, Faust I commeFaust II sont des œuvres sombres et violentes où
plusieurs sentiments s’entremêlent : l’aspiration à l’idéal, les passions incontrôlables, le désespoir, le recours au
surnaturel, la solitude, les amours déchus et les déceptions qui poussent l’être à « vendre son âme » au diable :
A travers le personnage de Faust, Goethe expose la condition humaine en général. En effet, l’angoisse qui habite
en chacun de nous pousse à nous sentir impuissants et à vouloir transgresser les limites offertes par la réalité,
jusqu’au point d’être tentés par le mal et les forces obscures.

1- Hélène est la fille de Zeus et de Léda. Elle a été mariée à Ménélas, roi de Sparte, avant d'être enlevée par Pâris, prince troyen ; cet
événement avait déclenché la guerre de Troie qui avait opposé les Grecs et les Troyens.

78
III. Thomas Mann, Docteur Faustus
1. Repères biographiques de Thomas Mann
Né en 1875 à Lübeck et mort en 1955 à Zurich, Thomas Mann est un écrivain allemand connu
pour avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1929. Témoin privilégié des bouleversements
historiques de la société munichoise, il s’est surtout fait connaitre avec son roman Les Buddenbrook
en 1901, où il traque dans cette dynastie marchande les prodromes de la montée du nazisme.
Dans son livre La Montagne magique, publié en 1924, apparaît la figure de l’artiste solitaire et la recherche de
l’harmonie individuelle. Quelques années plus tard, il quitte l’Allemagne en 1933, à l’arrivée d’Hitler au pouvoir,
émigre en Suisse puis aux Etats-Unis. C’est là-bas qu’il publie Docteur Faustus (1947).
2. Présentation du roman
Commencé en 1943 mais publié en 1947, Docteur Faustus, raconte la vie d’un personnage fictif ;
un musicien de génie nommé Adrian Leverkühn. Son histoire est racontée par son ami d’enfance,
Serenus Zeitblom, le narrateur. Le récit est basé sur le désir d’Adrian de réaliser une composition
musicale parfaite. La quête de Leverkühn, ne s’assouvit qu’au prix de sa destruction. Ainsi, tout
comme le Faust primaire, Adrian perd son âme et signe la fin de son art lorsqu’il accepte un pacte,
venu du diable, en échange de la connaissance (le diable habite dans son corps).
En s’alliant au diable, Adrian produit des créations hors du commun mais qui le rendent fou. Au début de
l’ouvrage, on découvre le parcours d’une figure exceptionnelle, qui, grâce à une grande intelligence et une âme
torturée, incarne le talent et la création, force libératrice ; Adrian est sans doute l'une des plus belles représentations
du surhomme décrit par Nietzsche. Cette force libératrice peut toutefois devenir destructrice dans le sens où, à
cause d’un désir incontrôlable et diabolique, devient de plus en plus corrompu, à l’image de la figure de Faust.
Parmi les sujets principaux du Docteur Faustus, le changement de la pensée intellectuelle de l’Allemagne des
années ayant précédé la 2èmeguerre mondiale. Celles-ci sont effectivement représentées à travers le personnage
d’Adrian : de l’humanisme, il bascule vers le nihilisme, philosophie intellectuelle allemande des années 1930.
Au fil des pages, nous découvrons un Leverkühn (nom qui signifie « vie d’audace ») de plus en plus détérioré,
atteint de folie et de syphilis.
Ces thèmes principaux (décadence intellectuelle allemande, dégradation physique et psychique de Leverkühn)
sont représentées au même moment que la sauvagerie d’une Allemagne devenue nazie. Aussi, l’histoire personnelle
d’Adrian et sa passion démesurée pour la musique est narrée dans un climat politique où le narrateur Zeitblom
s’inquiète et s’interroge sur la santé morale de l’Allemagne, sa nation, de la même manière qu’il s’inquiète de la
santé psychique de son ami Leverkühn qui laisse le diable dévorer son esprit et son corps. Cette décision fait écho au
contexte historique du pays qui souffre de la montée des idéologies nazies et qui tend, à se livrer à des démons.
En somme, T. Mann s’est inspiré du mythe de Faust et en a fait un personnage singulier qui représente sa société
avec ses déboires et la chute de ses mœurs. En effet, si Goethe a mis en exergue un savant en quête du savoir absolu
qui a perdu sa foi et a préféré vendre son âme au diable plutôt que de demander la grâce du Dieu chrétien : Mann
dresse le portrait d’un musicien - le diable dans le corps - en complète perdition.

VI. Jean Giono, Faust au village


1. Repères biographiques de Jean Giono
Jean Giono est né en France, à Manosque en 1895 où il passera toute sa vie jusqu'à sa mort (1970).
Ayant connu à titre de combattant les horreurs de la guerre 1914-1918, il défendit le pacifisme a tel
point qu’il fut emprisonné au début et à la fin de la seconde guerre mondiale. Ecrivain et scénariste
français, ses ouvrages ont souvent pour cadre le monde rural provençal où l’humanisme et la révolte
se côtoient.
Dès les années 20, Giono se plonge dans l'écriture. C’est alors qu’il publie des poèmes dans des revues et écrit son
roman fondateur, Naissance de L'Odyssée en 1927. Connaisseur de la mythologie grecque, Giono reprend le mythe
d’Ulysse d’une manière burlesque : Ulysse n’est pas décrit comme un héros rusé et courageux mais plutôt comme un
être aussi peureux qu’infidèle. Pénélope, elle, est décrite comme étant frivole, menteuse, rusée et infidèle. En somme,
Giono désacralise les personnages d’Homère considérés longtemps comme sacrés.

En 1939, période d'avant-guerre, Giono milite pour la paix mais il est aussitôt emprisonné pendant deux mois; son
comportement durant cette période lui coûtera cher. Il subira ensuite les affres de la 2 ème guerre mondiale. Giono sort
alors meurtri de cette guerre et retourne vivre à Manosque, reprend la réécriture et réalise des films. C’est à cette
époque que les premières ébauches (1959) de son recueil Faust au village commençaient à voir le jour.

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2. Présentation générale du recueil de nouvelles
Recueil de 7 nouvelles posthumes publiées par Gallimard en 1977 (« Monologue », « Le
cheval» , « La croix » , « Silence » , « Le petit vin de Prébois » , « Les corbeaux » et « Faust au
village ») ces nouvelles exposent la vie des paysans des années 50 et les problèmes auxquels
ilssont confrontés ; l’action se déroule dans le sud de l’Isère.

Faust au village et une suite d’événements liés à la mort, au fantastique et à la figure du diable.
Ce dernier apparait implicitement à travers une figure humaine ; il s’agit d’un mystérieux
camionneur qui possède des traits diaboliques, mais également à travers d’autres personnages
ambigus habités par le mal, et des péripéties macabres.

Le récit met en effet en évidence le bien et mal, l’amour et la haine et surtout le désir de possession qui pousse l’être
à agir diaboliquement. Dans ce sens, bien que le contexte social et historique diffère du Faust primitif, il est évident que
Jean Giono s’est inspiré du mythe de Faust afin de bâtir son œuvre, s’ajoutant ainsi à la liste des écrivains et des artistes
qui ont vu en Faust une source inépuisable à remanier, d’où la notion de mythe donnée à Faust.

V. Extraits d’ouvrages à lire


 Goethe, Faust I

PREMIÈRE PARTIE

La nuit, dans une chambre à voûte élevée, étroite, gothique. Faust, inquiet, est assis devant son pupitre.

FAUST, seul.
Philosophie, hélas ! jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !… je vous ai donc étudiées à
fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m’intitule,
il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez. — Et je vois bien que
nous ne pouvons rien connaître !…

Voilà ce qui me brûle le sang ! J’en sais plus, il est vrai, que tout ce qu’il y a de sots, de docteurs, de
maîtres, d’écrivains et de moines au monde ! Ni scrupule, ni doute ne me tourmentent plus ! Je ne crains rien
du diable, ni de l’enfer ; mais aussi toute joie m’est enlevée. Je ne crois pas savoir rien de bon en effet, ni
pouvoir rien enseigner aux hommes pour les améliorer et les convertir. Aussi n’ai-je ni bien, ni argent, ni
honneur, ni domination dans le monde : un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix ! Il ne me reste désormais
qu’à me jeter dans la magie. Oh ! si la force de l’esprit et de la parole me dévoilait les secrets que j’ignore, et
si je n’étais plus obligé de dire péniblement ce que je ne sais pas ; si enfin je pouvais connaître tout ce que le
monde cache en lui-même, et, sans m’attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de
secrète énergie et de semences éternelles ! Astre à la lumière argentée, lune silencieuse, daigne pour la
dernière fois jeter un regard sur ma peine !… j’ai si souvent la nuit, veillé près de ce pupitre ! C’est alors que
tu m’apparaissais sur un amas de livres et de papiers, mélancolique amie ! Ah ! que ne puis-je, à ta douce
clarté, gravir les hautes montagnes, errer dans les cavernes avec les esprits, danser sur le gazon pâle des
prairies, oublier toutes les misères de la science, et me baigner rajeuni dans la fraîcheur de ta rosée !

Hélas ! et je languis encore dans mon cachot ! Misérable trou de muraille, où la douce lumière du ciel ne
peut pénétrer qu’avec peine à travers ces vitrages peints, à travers cet amas de livres poudreux et vermoulus, et
de papiers entassés jusqu’à la voûte. Je n’aperçois autour de moi que verres, boîtes, instruments, meubles
pourris, héritage de mes ancêtres… Et c’est là ton monde, et cela s’appelle un monde !

Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre dans ta poitrine avec inquiétude, pourquoi une douleur
secrète entrave en toi tous les mouvements de la vie ! Tu le demandes !… Et au lieu de la nature vivante dans
laquelle Dieu t’a créé, tu n’es environné que de fumée et moisissure, dépouilles d’animaux et ossements de
morts !

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Délivre-toi ! Lance-toi dans l’espace ! Ce livre mystérieux, tout écrit de la main de Nostradamus, ne
suffit-il pas pour te conduire ? Tu pourras connaître alors le cours des astres ; alors, si la nature daigne
t’instruire, l’énergie de l’âme te sera communiquée, comme un esprit à un autre esprit. C’est en vain que, par
un sens aride, tu voudrais ici t’expliquer les signes divins… Esprits qui nagez près de moi, répondez-moi, si
vous m’entendez ! (Il frappe le livre, et considère le signe du macrocosme.)

Ah ! quelle extase à cette vue s’empare de tout mon être ! Je crois sentir une vie nouvelle, sainte et
bouillante, circuler dans mes nerfs et dans mes veines. Sont-ils tracés par la main d’un dieu, ces caractères qui
apaisent les douleurs de mon âme, enivrent de joie mon pauvre cœur, et dévoilent autour de moi les forces
mystérieuses de la nature ? Suis-je moi-même un dieu ? Tout me devient si clair ! Dans ces simples traits, le
monde révèle à mon âme tout le mouvement de sa vie, toute l’énergie de sa création. Déjà je reconnais la
vérité des paroles du sage : « Le monde des esprits n’est point fermé ; ton sens est assoupi, ton cœur est mort.
Lève-toi, disciple, et va baigner infatigablement ton sein mortel dans les rayons pourprés de l’aurore !» (Il
regarde le signe.) Comme tout se meut dans l’univers ! Comme tout, l’un dans l’autre, agit et vit de la même
existence ! Comme les puissances célestes montent et descendent en se passant de mains en mains les seaux
d’or ! Du ciel à la terre, elles répandent une rosée qui rafraîchit le sol aride, et l’agitation de leurs ailes remplit
les espaces sonores d’une ineffable harmonie.
Quel spectacle ! Mais, hélas ! ce n’est qu’un spectacle ! Où te saisir, nature infinie ? Ne pourrai-je donc
aussi presser tes mamelles, où le ciel et la terre demeurent suspendus ? Je voudrais m’abreuver de ce lait
intarissable… mais il coule partout, il inonde tout, et, moi, je languis vainement après lui ! (Il frappe le livre
avec dépit, et considère le signe de l’Esprit de la terre.) Comme ce signe opère différemment sur moi ! Esprit
de la terre, tu te rapproches ; déjà je sens mes forces s’accroître ; déjà je pétille comme une liqueur nouvelle :
je me sens le courage de me risquer dans le monde, d’en supporter les peines et les prospérités ; de lutter
contre l’orage, et de ne point pâlir des craquements de mon vaisseau. Des nuages s’entassent au-dessus de
moi ! — La lune cache sa lumière… la lampe s’éteint ! elle fume !… Des rayons ardents se meuvent autour de
ma tête. Il tombe de la voûte un frisson qui me saisit et m’oppresse. Je sens que tu t’agites autour de moi,
Esprit que j’ai invoqué ! Ah ! comme mon sein se déchire ! mes sens s’ouvrent à des impressions nouvelles !
Tout mon cœur s’abandonne à toi !… Parais ! parais ! m’en coûtât-il la vie !

Il saisit le livre, et prononce les signes mystérieux de l’Esprit. Il s’allume une flamme rouge, l’Esprit apparaît
dans la flamme.

L’ESPRIT.
Qui m’appelle ?
FAUST.
Effroyable vision !
L’ESPRIT.
Tu m’as évoqué. Ton souffle agissait sur ma sphère et m’en tirait avec violence. Et maintenant…
FAUST.
Ah ! je ne puis soutenir ta vue !
L’ESPRIT.
Tu aspirais si fortement vers moi ! Tu voulais me voir et m’entendre. Je cède au désir de ton cœur. — Me
voici. Quel misérable effroi saisit ta nature surhumaine ! Qu’as-tu fait de ce haut désir, de ce cœur qui créait
un monde en soi-même, qui le portait et le fécondait, n’ayant pas assez de l’autre, et ne tendant qu’à nous
égaler nous autres esprits ? Faust, où es-tu ? Toi qui m’attirais ici de toute ta force et de toute ta voix, est-ce
bien toi-même que l’effroi glace jusque dans les sources de la vie et prosterne devant moi comme un lâche
insecte qui rampe ?

81
FAUST.
Pourquoi te céderais-je, fantôme de flamme ? Je suis Faust, je suis ton égal.
L’ESPRIT.
Dans l’océan de la vie, et dans la tempête de l’action, je monte et descends, je vais et je viens ! Naissance
et tombe ! Mer éternelle, trame changeante, vie énergique, dont j’ourdis, au métier bourdonnant du temps, les
tissus impérissables, vêtements animés de Dieu !
FAUST.
Esprit créateur, qui ondoies autour du vaste univers, combien je me sens près de toi !
L’ESPRIT.
Tu es l’égal de l’esprit que tu conçois, mais tu n’es pas égal à moi.

Source:
https://fr.wikisource.org/wiki/Faust_(Goethe,_trad._Nerval,_1877)/Faust/Premi%C3%A8re_partie

 Goethe, Faust II

MÉPHISTOPHÉLÈS, à Faust.
Viens vite, et laisse-toi conduire ; il est nécessaire que tu transpires, afin que la vertu de la liqueur agisse
dedans et dehors. Je te ferai ensuite apprécier les charmes d’une noble oisiveté, et tu reconnaîtras bientôt, à
des transports secrets, l’influence de Cupidon, qui voltige çà et là autour du monde dans les espaces d’azur…
FAUST.
Laisse-moi jeter encore un regard rapide sur ce miroir ; cette image de femme était si belle !
MÉPHISTOPHÉLÈS.
Non ! non ! tu vas voir devant toi, tout à l’heure, le modèle des femmes en personne vivante. (À part.)
Avec cette boisson dans le corps, tu verras, dans chaque femme, une Hélène.

Source:https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Goethe-Nerval_-_Faust_Garnier.djvu/123

 Mann, Docteur Faustus

« Leverkühn s’était assis au piano brun et de la main droite il lissait les feuilles de la partition. Des larmes
coulaient le long de ses joues et tombèrent sur les touches qu’il frappa, si mouillées qu’elles fussent, en
plaquant des accords fortement dissonants. En même temps, il ouvrit la bouche comme pour chanter, mais
seul un cri de douleur, demeuré à jamais dans mon oreille, s’exhala de ses lèvres. Courbé sur l’instrument, il
ouvrit les bras dans un geste d’étreinte, puis soudain, comme foudroyé, il tomba et glissa du tabouret à terre.

Mme Schweigestill, pourtant la plus éloignée de nous, se trouva auprès de lui plus tôt que ses voisins
immédiats, car, je ne sais pourquoi, nous eûmes une seconde d’hésitation avant d’intervenir. Elle releva la tête
d’Adrian inconscient et tenant le buste de mon ami dans ses bras maternels, elle cria, tournée de côté, à travers
la pièce, vers les spectateurs béants :

– Allez-vous-en ! Vous n’avez vraiment aucune compréhension, vous autres gens d’la ville, et ici faut d’la
compréhension. A beaucoup parlé de l’éternelle miséricorde, l’pauvre homme et j’sais pas si elle sera assez
grande. Mais une vraie compréhension humaine, croyez-moi, suffit à tout. »

Source :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/5-lectures-pour-votre-ete-35-le-docteur-faustus-de-
thomas-mann
82
Giono, Faust au village

Extrait, Edition Gallimard, p.19


83
Cours n°9 : Les mythes littéraires
 « Dom Juan »
 « Le Monstre »
INTRODUCTION
I. Le mythe de Dom Juan
1. Molière, Dom Juan
2. Théophile Gautier, La Comédie de la mort
II. Le mythe du Monstre
1 .Victor Hugo, Notre-Dame de Paris
2. Franz Kafka, La Métamorphose
*CONCLUSION

Introduction
Nous avons précédemment souligné que l’expression “mythe littéraire” est officiellement née au 20ème s.
Et elle est principalement due à la mythologie comparée, à la psychanalyse et à la philosophie allemande. Ces
disciplines ont engendé la dénomition “mythe littéraire” à travers l’analyse des œuvres du 16 ème _19ème s.
Le mythe littéraire, rappellerons-le, est le fait de reprendre un personnage reconnu par la mémoire
populaire et par l’élite. Ce personnage est soit né d’une légende, soit né d’un écrit (roman, conte ou autre).
Dom Juan et Le Monstre, deux figures déjà traitées mais brièvement sont l’exemple concret de l’importance
de la mythologie littéraire dans la culture. C’est ce que nous allons assurer dans ce dernier cours
à travers l’analyse des extraits de pièces théâtrales et de recueil poétiques.

I. Le mythe de Dom Juan


1. Molière, Don Juan
Dramaturge et comédien français du 17ème siècle, Molière (Jean-Baptiste Poquelin) reprend le personnage
de Dom Juan de Tirso De Molina dans sa pièce Dom Juan ou Le festin de Pierre en 1665.

Rédigée en prose, la pièce de Molière reprend plus au moins fidèlement le mythe de Dom Juan. En effet, son
personnage est, tout comme celui de Tirso De Molina, un seigneur révolté et sans scrupules habité par le désir
de possession et « l’amour » des femmes. Dans ce sens, c’est :
- un modèle d’inconstance qui séduit toutes les femmes et s’en prévaut
- un épicurien qui vit l’instant et ne pense guère à l’avenir
- un égoïste toujours en quête de son plaisir
- un « grand seigneur méchant homme » hypocrite
- un non incroyant qui ne croit que « 2 et 2 sont 4 »
- un homme qui ose affronter la mort et Dieu
- c’est un maître de langage qui écrase de ses beaux discours les plus faibles.

Par ailleurs, le « Don Juan » de Molière a un trait singulier par rapport à celui de Tirso de Molina : il est hypocrite.
Cela est visible dans l’acte V :
Acte V, scène 3
Dom Carlos, Dom Juan, Sganarelle.
Dom Carlos
Dom Juan, je vous trouve à propos, et suis bien aise de vous parler ici plutôt que chez vous, pour vous demander
vos résolutions. Vous savez que ce soin me regarde, et que je me suis en votre présence chargé de cette affaire.
Pour moi, je ne le cèle point, je souhaite fort que les choses aillent dans la douceur ; et il n’y a rien que je ne fasse
pour porter votre esprit à vouloir prendre cette voie, et pour vous voir publiquement confirmer à ma sœur le nom de
votre femme.

Dom Juan , d’un ton hypocrite


Hélas ! je voudrais bien, de tout mon cœur, vous donner la satisfaction que vous souhaitez ; mais le Ciel s’y oppose
directement : il a inspiré à mon âme le dessein de changer de vie, et je n’ai point d’autres pensées maintenant que
de quitter entièrement tous les attachements du monde, de me dépouiller au plus tôt de toutes sortes de vanités, et
de corriger désormais par une austère conduite tous les dérèglements criminels où m’a porté le feu d’une aveugle
jeunesse.

84
Dom Carlos
Ce dessein, Dom Juan, ne choque point ce que je dis; et la compagnie d’une femme légitime peut bien
s’accommoder avec les louables pensées que le Ciel vous inspire.
Dom Juan
Hélas ! point du tout. C’est un dessein que votre sœur elle-même a pris : elle a résolu sa retraite, et nous avons été
touchés tous deux en même temps.
Dom Carlos
Sa retraite ne peut nous satisfaire, pouvant être imputée au mépris que vous feriez d’elle et de notre famille ; et
notre honneur demande qu’elle vive avec vous.
Dom Juan
Je vous assure que cela ne se peut. J’en avais, pour moi, toutes les envies du monde, et je me suis même encore
aujourd’hui conseillé au Ciel pour cela ; mais, lorsque je l’ai consulté, j’ai entendu une voix qui m’a dit que je ne
devais point songer à votre sœur, et qu’avec elle assurément je ne ferais point mon salut.
Dom Carlos
Croyez-vous, Dom Juan, nous éblouir par ces belles excuses?
Dom Juan
J’obéis à la voix du Ciel.

Dom Carlos
Quoi ? vous voulez que je me paye d’un semblable discours ?

Dom Juan
C’est le Ciel qui le veut ainsi.

Dom Carlos
Vous aurez fait sortir ma sœur d’un convent, pour la laisser ensuite ?

Dom Juan
Le Ciel l’ordonne de la sorte.

Dom Carlos
Nous souffrirons cette tache en notre famille ?

Dom Juan
Prenez-vous-en au Ciel.

Dom Carlos
Eh quoi ? toujours le Ciel?

Dom Juan
Le Ciel le souhaite comme cela.

Dom Carlos
Il suffit, Dom Juan, je vous entends. Ce n’est pas ici que je veux vous prendre, et le lieu ne le souffre pas ; mais,
avant qu’il soit peu, je saurai vous trouver.

Dom Juan
Vous ferez ce que vous voudrez ; vous savez que je ne manque point de cœur, et que je sais me servir de mon
épée quand il le faut. Je m’en vais passer tout à l’heure dans cette petite rue écartée qui mène au grand convent ;
mais je vous déclare, pour moi, que ce n’est point moi qui me veux battre : le Ciel m’en défend la pensée ; et si
vous m’attaquez, nous verrons ce qui en arrivera.

Dom Carlos
Nous verrons, de vrai, nous verrons.

En effet, afin de vivre conformément à ses goûts, il se fait hypocrite, mais cette hypocrisie n’est visible que si
l’on étudie bien le personnage en analysant bien ses actes. L’on comprendra alors que Dom Juan dit tout le
contraire de ce qu’il pense. On comprendra aussi qu’à travers une figure connue de tous, Molière créé un
personnage qui deviendra bientôt un mythe. Enfin, on comprendra aussi qu’avec un personnage tel que Dom
Juan, Molière lutte contre les faux dévots qui paralysent la société de son temps.
2. Théophile Gautier, La Comédie de la mort
Poète et romancier français du 19ème s, T. Gautier publia La Comédie de la mort en 1838. Il s’agit d’un recueil
de poèmes dont lequel les échos shakespeariens et dantesques sont évidents. Le recueil se compose de trois grandes
parties : « Portail », « La vie dans la mort » et « La mort dans la vie ». Celles- ci mêlent les pulsions de mort
(thanatos) et celle de la vie (éros).En effet, le poète relate, par exemple, la liaison amoureuse entre une jeune fille
décédée et un ver de terre, les heures noires de Faust ou encore la mélancolie de Dom Juan.

85
Gautier reprend ainsi plusieurs personnages et thématiques littéraires et légendaires déjà traités afin d’en faire une
œuvre singulière. La figure de Dom Juan apparait dans « La vie dans la mort » :
(…) Comme je m'en allais, ruminant ma pensée,
Triste, sans dire mot, sous la voûte
glacée, Par le sentier étroit;
S'arrêtant tout à coup, ma compagne blafarde
Me dit en étendant sa main frêle: Regarde Du
côté de mon doigt.
C'était un cavalier avec un grand panache,
De longs cheveux bouclés, une noire moustache
Et des éperons d'or;
Il avait le manteau, la rapière et la fraise,
Ainsi qu'un raffiné du temps de Louis treize,
Et semblait jeune encore.

Mais en regardant bien, je vis que sa perruque


Sous ses faux cheveux bruns laissait près de sa nuque
Passer des cheveux blancs;
Son front, pareil au front de la mer soucieuse,
Se ridait à longs plis; sa joue était si creuse
Que l'on comptait ses dents.
Malgré le fard épais dont elle était plâtrée,
Comme un marbre couvert d'une gaze pourprée
Sa pâleur transperçait;
A travers le carmin qui colorait sa lèvre,
Sous son rire d'emprunt on voyait que la fièvre
Chaque nuit le baisait.
Ses yeux sans mouvement semblaient des yeux de verre
Ils n'avaient rien des yeux d'un enfant de la terre,
Ni larmes ni regard.

Diamant enchâssé dans sa morne prunelle


Brillait d'un éclat fixe, une froide étincelle.
C'était bien un vieillard!
Comme l'arche d'un pont son dos faisait la voûte,
Ses pieds endoloris, tout gonflés par la goutte.
Chancelaient sous son poids.
Ses mains pâles tremblaient; ainsi tremblent les vagues,
Sous les baisers du Nord, et laissaient fuir leurs bagues
Trop larges pour ses doigts.
Tout ce luxe, ce fard sur cette face creuse,
Formait une alliance étrange et monstrueuse.
C'était plus triste à voir
Et plus laid, qu'un cercueil chez des filles de joie,
Qu'un squelette paré d'une robe de soie,
Qu'une vieille au miroir.
Confiant à la nuit son amoureuse plainte,
Il attendait devant une fenêtre éteinte,
Sous un balcon désert.

Nul front blanc ne venait s'appuyer au vitrage,


Nul soleil de beauté ne montrait son visage
Au fond du ciel ouvert.
Dis, que fais-tu donc là, vieillard, dans les ténèbres,
Par une de ces nuits où les essaims funèbres
S'envolent des tombeaux?
Que vas-tu donc chercher si loin, si tard, à l'heure
Où l'Ange de minuit au beffroi chante et pleure
Sans page et sans flambeaux?
Tu n'as plus l'âge où tout vous rit et vous accueille,
Où la vierge répand à vos pieds, feuille à feuille,
La fleur de sa beauté.
Et ce n'est plus pour toi que s'ouvrent les fenêtres;
Tu n'es bon qu'à dormir auprès de tes ancêtres
Sous un marbre sculpté.

Entends-tu le hibou qui jette ses cris aigres?


Entends-tu dans les bois hurler les grands loups maigres?
O vieillard sans raison!

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Rentre, c'est le moment où la lune réveille
Le vampire blafard sur sa couche vermeille;
Rentre dans ta maison.
Le vent moqueur a pris ta chanson sur son aile,
Personne ne t'écoute, et ta cape ruisselle
Des pleurs de l'ouragan...
Il ne me répond rien; dites quel est cet homme
O mort, et savez-vous le nom dont on le nomme!
Cet homme, c'est Dom Juan.

Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Gautier_-
_La_Com%C3%A9die_de_la_mort.djvu/62

Dans ce poème dont nous citons qu’un extrait, le poète expose une promenade avec la mort dans un univers
macabre. Il y rencontre un personnage étrange qui n’est autre que Dom Juan.
Le récepteur est aussitôt plongé dans un décor macabre où le champ lexical de l’obscurité rappelle celui que
l’on retrouve dans la dernière scène de Dom Juan de Molière. Cette obscurité apparait notamment dans les vers :
«sous la voûte glacée», « par le sentier étroit », « si tard, à l’heure où l’ange de minuit au beffroi chante et pleure
» et « dans les ténèbres », etc. Nous sommes également en présence du champ lexical du temps qui court et
du « vent moqueur » : « et ta cape ruisselle des pleurs de l’ouragan ».
Le poète utilise aussi des comparaisons et des hyperboles : « c’était plus triste à voir et plus laid qu’un cercueil
chez les filles de joie, qu’un squelette paré d’une robe de soie, qu’une vieille au miroir » pour insister sur
l’apparence effrayante de Dom Juan, semblable à la Mort : « ma compagne blafarde », «étendant sa main frêle ».
Autrement dit, Dom Juan est décrit comme un monstre, un cadavre vivant. Dès lors, l’on parle de « la vie dans la
mort » : le poète n’est guère dans le monde que l’on connait, et a pour compagne la mort. La vie dans la mort est
décrite à travers la description de Dom Juan qui est, tout d’abord, superficielle, puis profondément péjorative.
Dom Juan est certes représenté comme étant un être dont « l’allure chevaleresque », ce qui signifie qu’il est
noble, mais en même temps et en regardant bien « ses mains pâles tremblaient » telles « les vagues sous les baisers
du nord,-et laissaient fuir leurs bagues ».Aussi, il s’agit d’un vieillard : « c’était bien un vieillard !» et non d’un
jeune comme il semblait être au début du poème : « semblait jeune encore ». D’ailleurs, Gautier utilise plusieurs
expressions qui insistent sur la vieillesse du personnage : «des cheveux blancs »,« se ridait », «vieillard », etc.
N’oublions pas de mentionner le champ lexical de la mort: « cercueil », « squelette », « tombeaux ». Ce décor
plonge Dom Juan dans un univers morose et macabre.
L’auteur utilise dans ce sens des champs lexicaux négatifs dans le but d’obscurcir le portrait de Dom Juan. Il
reprend ainsi le mythe de Dom Juan en insistant sur les détails et non sur les actions d’une manière globale comme
c’est le cas dans le Dom Juan de Molière.
Par conséquent, dans tout le poème de Théophile Gautier, Dom Juan devient lui-même une sorte de squelette
rongé de l’intérieur comme à l’extérieur ; un être qui ne devrait pas vivre. Dès lors, nous sommes face à une figure
domjuanesque totalement différente du séducteur sans scrupules que l’on connait, d’autant plus que l’on ne se rend
compte que c’est Dom Juan qu’à la fin du texte.
Le message que le poète veut faire passer est le suivant : tout homme doit accepter le temps qui ronge son
âmeet son corps. Tout homme ne doit point s’accrocher à un passé qui ne reviendra jamais ; la vieillesse et Mort
sont inévitables et constituent deux étapes essentielles dans la vie humaine. C’est la raison pour laquelle le recueil
depoème traite de « La Vie dans la Mort » et de « La Mort dans la Vie ».
Autrement dit, le Dom Juan mythique ; un être insatiable habité par les plaisirs de la chair est ici réduit à un sac
d’os sans âme. Sa « gloire » passée n’est plus qu’un souvenir dans lequel il essaie veinement de faire ressortir ses
anciennes émotions. Ajoutons que si Gautier a choisi Dom Juan comme cadavre animé à décrire c’est pour faire
échos au personnage représenté par Molière, un homme qui aurait du subir un châtiment plus dur, vu ses péchés.
Ainsi, le beau et noble Dom Juan, libertin, hypocrite de Molière est ici démythifié ; il est chez Gautier une
sorte de squelette détruite par les années. Dès lors, cet extrait de poème nous renseigne sur la faiblesse de l’Homme
et sur l’indissociabilité de la Vie et de la Mort. En effet, Dom Juan, un homme qui a été libre dans sa jeunesse est
désormais condamné à errer dans un monde macabre. Si au début, il a l’air d’un jeune noble, ce n’est que tromperie
car lorsque le lecteur découvre la seconde description, il est face à un être banal, vieux dont l’âme peine à se
remémorer les temps passes.
En somme, à travers la représentation d’un mythe démythifié, le poète met en garde implicitement le récepteur
contre les affres du temps. La figure de Dom Juan a donc permis à Gautier de transmettre un message important à
ses semblables: Ne soyez pas comme Dom Juan et ne commettez pas les mêmes erreurs que lui car la mort vous
rattrapera peu-importe ce que la vie vous avait donné car personne ne sort vainqueur d’un combat avec la mort.
87
II. Le mythe du Monstre
1. Victor Hugo, Notre-Dame de Paris
Écrit en 1831, Notre-Dame de Paris est un roman de Victor Hugo qui se déroule en 1482. Dans cet ouvrage,
Hugo expose la figure du Monstre à travers un personnage difforme nommé Quasimodo. Ce dernier tombe
amoureux d’une femme qui représente son contraire ; belle et fine. Lui par contre est un borgne, bossu et sourd mal
aimé et rejette par la société à cause de sa face épouvantable qui s’accordait parfaitement avec les statues des
monstres et des démons, avec les larves qui rampent et les gargouilles qui vomissent dans tous les recoins et sur
toutes les gouttières de la cathédrale. Mais dans ce corps informe habite un esprit et un bon cœur. Voici un extrait
qui le démontre :
Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et
presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme, à son
surtout mi-parti rouge et violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection
de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s’écria d’une voix :
«C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! C’est Quasimodo, le bossu de Notre-
Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! » 1 .

Quasimodo vit dans la cathédrale Notre-Dame, un refuge dans lequel il se sent libre et singulier ; il converse
avec les statues, entend les silences et le son des cloches qui gazouillent comme des oiseaux. Dans ce sens, malgré
son physique monstrueux, Hugo en a fait un « monstre » avec un grand cœur, un être angélique emprisonné dans
un corps que les autres voient comme « diabolique ». Dès lors, la figure du Monstre mythique est transformée car
Quasimodo a beaucoup plus les caractéristiques du héros que ceux du monstre. Par là, Hugo tend à démontrer que
la laideur extérieure n’est pas un signe de laideur intérieure. Il tend aussi à pousser le récepteur à la réflexion : « Le
Monstre » est la part obscure qui est gravée en chacun de nous.
Autrement dit, si les monstres que l’on retrouve dans la mythologie gréco-romaine se caractérisent par une
apparence diabolique, reflet de leur monde intérieur, « Le Monstre » qu’est Quasimodo est une représentation
controversée ; c’est un personnage qui a l’air d’être un monstre mais qui ne l’est pas. C’est plutôt sa société, par ses
apparences trompeuses et par son intolérance qui est représentée comme étant un Monstre.
2. Franz Kafka, La Métamorphose
La Métamorphose est une nouvelle écrite par Franz Kafka en 1912 et publiée en 1915. Cette nouvelle décrit
lamétamorphose et les mésaventures de Grégoire Samsa, un représentant de commerce qui se réveille un matin
transformé en un « monstrueux insecte ».
Le récit, tout comme l’histoire de Quasimodo tend à démontrer que le mythe du Monstre de la mythologie ne
peut pas être pire que le Monstre qui habite dans le cœur des gens qui idolâtrent la beauté extérieure uniquement,
délaissant et rejetant ainsi l’être extérieurement laid et répugnant.
[ « Sur une centaine de pages, l'auteur nous fait la narration de la nouvelle vie de Grégoire Samsa,
représentant de commerce qui s'est éveillé un beau matin "transformé en une véritable vermine". C'est à dire que
Samsa est devenu un insecte humain. Grégoire est alors laissé seul, confiné dans sa chambre, et c'est sa sœur qui
vient le nourrir en cachette pour ne pas être vu ; la sœur agit par curiosité autant que par pitié. Les parents quant à
eux sont dégoûtés de leur (ex)fils. Pas de pitié ni de compassion. D'ailleurs Grégoire n'en demande pas. Il se
contente de vivoter sa vie d'insecte dans sa chambre.
Il est tout d'abord rongé par sa nouvelle situation. Il éprouve de la culpabilité de ne plus pouvoir aller travailler,
de ne plus pouvoir assurer la vie de sa famille, et même de devenir un fardeau pour eux. Pourtant il n'est pas tout à
fait exclu ; il suit les conversations, via l'entrebâillement de la porte de sa chambre, il tente même quelques sorties
mais sera repoussé à coup de balais, à coup de pied, jusque dans son antre. C'est donc avant tout l'histoire d'un
homme progressivement délaissé qui nous est comptée. Cet homme, Grégoire, est définitivement coupé de tout
avenir professionnel, de toute vie sociale et familiale. Toute nouvelle tentative de réinsertion est écrasée. Il en est
réduit à susciter le dégoût, la colère, la peur. Alors forcément il va peu à peu perdre tout espoir et se laisser aller.
Tandis que même sa sœur va l'abandonner, suite à une ultime tentative manquée de réaffirmer son humanité.
Grégoire va perdre peu à peu toute envie de vivre, et va se laisser mourir, tandis que sa famille l'a moralement
abandonné, incapable de le comprendre, et ne désirant de toute façon pas le faire, puisque les insectes ne peuvent
être que des êtres répugnants. Ainsi, Grégoire va donc se laisser mourir. Et en effet un beau matin, la bonne, la
seule qui osait voir Grégoire le retrouvera mort. "Venez donc voir, il est crevé, il est là, il est couché par terre; ilest
crevé comme un rat.

1
- Victor Hugo, Notre Dame de Paris, Paris, Books on Demand, 2019, p.36.
88
Grégoire, qui dans sa période humaine aura trimé pour faire vivre les siens et qui du jour au lendemain aura été
abandonné, méprisé puis finalement oublié de tous. On retrouve là une constante dans la thématique de Kafka: la
monstruosité d’autrui, l'absence de signification de la vie, une vie absurde qui doit être vécue comme elle est. Sous
ses apparences fantastiques, cette nouvelle transmet la solitude, la routine, la famille disloquée, l’ingratitude des
autres, etc » (Par Walter Paisley)]. Le personnage de Grégoire. Le « monstre » délaissé est alors à considérer
comme étant un mythe car il nous enseigne la vie et nous souligne son absurdité à travers un personnage qui, après
avoir perdu son corps humain, est rejeté et oublié par les vrais « monstres » ; sa famille et son entourage.

Conclusion
En somme, les mythes littéraires ont un but principal ; celui de transmettre à travers le symbole, le fantastique et la
fiction une réalité transfigurée. Dès lors, une légende est transformée, un personnage romanesque est revisité, un
conte est remanié. C’est cette richesse et ces reprises qui nous permettent de parler de « mythes littéraires ».
Ainsi, Dom Juan , Le Monstre, tout comme Dom Quichotte et Faust sont des personnages que la littérature ne
cessera de reprendre afin d’enrichir son univers tout en gardant ses racines antérieurs, celles des auteurs qui ont
profondément marqué la poésie, le théâtre et le roman et on donné un souffle nouveau à la musique et au cinéma.
Ces derniers qui, à leur tour, ont repris et reprennent encore ces mythes littéraires et ont font des icones, des
modèles, des contre modèles ou des symboles connotatifs.

89
Documents complémentaires

Vidéos à regarder

 Molière, Don Juan


https://www.youtube.com/watch?v=skHDHEz9_EQ

 « Don Juan, mythe ou réalité ?


https://www.youtube.com/watch?v=VWVVAk-KlDM

 Franz Kfka, La métamorphose


https://www.youtube.com/watch?v=bKTESgUjP0k

90
Cours n°10
Le Mythe de Robinson Crusoé

Sommaire
* Introduction
I. Influences de Robinson Crusoé dans la littérature
II. Autour du texte : le titre et la préface de Robison Crusoé de Defoe
* Conclusion

Introduction
Sans parler des « robinsonnades», multiples réécritures et adaptations du mythe de Robinson,
l’influence du roman de Daniel Defoe, auteur anglais, est immense dans la littérature. Souvent cité dans
des ouvrages dont le personnage est un enfant, Robinson Crusoé est également devenu un mythe littéraire
par les auteurs prestigieux (et prescripteurs) qui lui ont donné crédit. J.J Rousseau et Jules Verne, par
exemple, ont fait du roman de Daniel Defoe une référence incontournable. Commençons donc par citer
quelques extraits.

I. Influences de Robinson Cruosé dans la littérature : extraits


1. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
 Émile ou De l’éducation, 1762
Robinson Crusoé dans son île, seul, dépourvu de l’assistance de ses semblables et des instruments de tous les arts,
pourvoyant cependant à sa subsistance, à sa conservation, et se procurant même une sorte de bien-être, voilà un objet
intéressant pour tout âge, et qu’on a mille moyens de rendre agréable aux enfants. Voilà comment nous réalisons
l’île déserte qui me servait d’abord de comparaison. Cet état n’est pas, j’en conviens, celui de l’homme social ;
vraisemblablement il ne doit pas être celui d’Émile : mais c’est sur ce même état qu’il doit apprécier tous les autres. Le
plus sûr moyen de s’élever au-dessus des préjugés et d’ordonner ses jugements sur les vrais rapports des choses, est
de se mettre à la place d’un homme isolé, et de juger de tout comme cet homme en doit juger lui-même, eu égard à sa
propre utilité.

2. Jules Verne (1828-1905)


 Deux ans de vacances, préface, 1888
Bien des Robinsons ont déjà tenu en éveil la curiosité de nos jeunes lecteurs. Daniel Defoe, dans son immortel
Robinson Crusoé, a mis en scène l’homme seul ; Wyss, dans son Robinson suisse, la famille ; Cooper, dans Le Cratère,
la société avec ses éléments multiples. Dans L’Île mystérieuse, j’ai mis des savants aux prises avec les nécessités de
cette situation. On a imaginé encore le Robinson de douze ans, le Robinson des glaces, le Robinson des jeunes filles,
etc. Malgré le nombre infini des romans qui composent le cycle des Robinsons, il m’a paru que, pour le parfaire, il
restait à montrer une troupe d’enfants de huit à treize ans, abandonnés dans une île, luttant pour la vie au milieu des
passions entretenues par les différences de nationalité – en un mot, un pensionnat de Robinsons.

D’autre part, dans Le Capitaine de quinze ans, j’avais entrepris de montrer ce que peuvent la bravoure et
l’intelligence d’un enfant aux prises avec les périls et les difficultés d’une responsabilité au-dessus de son âge. Or, j’ai
pensé que si l’enseignement contenu dans ce livre pouvait être profitable à tous, il devait être complété. C’est
dans ce double but qu’a été fait ce nouvel ouvrage.

91
II. Autour du texte : le titre et la préface, Robinson Crusoé ( 1719) , Daniel Defoe

 Présentation de l’auteur et du roman


Daniel Defoe (1661-1731), en ne faisant pas apparaître de nom d’auteur à
son roman, permet au lecteur de l’époque de croire en une histoire
authentique, un véritable témoignage. En 1719, il est déjà un expert du
mimétisme : dans ses pamphlets politiques, il se glisse volontiers dans la
peau du partisan du camp qui paye le mieux. L’escroquerie littéraire consiste
ici à contrefaire une autobiographie. Il ne faut donc pas rompre dès le titre cette illusion par un nom
d’auteur. Le terme qui apparaît en plus gros caractères (« vie ») est complété par le verbe « vécut » et par la
mention en italique et encadrée : « Écrit par lui-même ». Ces trois termes constituent une traduction parfaite
du mot « autobiographie » : l’écriture de sa propre vie.

En plus de l’autobiographie, le titre annonce le genre du roman d’aventures : le terme « aventures », présent
en gros caractères, précède des lieux (« île déserte »,« Amérique », « Orénoque »), des péripéties (« jeté sur le
rivage », « délivré », « naufrage ») et des personnages (« des pirates ») typiques du genre du récit d’aventures.

Pour attirer l’attention du lecteur, Defoe, en bon publicitaire, choisit des mots accrocheurs. L’usage du
titre à rallonge est courant jusqu’à la fin du 18ème siècle : Defoe l’utilise à chacun de ses romans, aussi
bien comme un argument de vente de son futur manuscrit auprès des libraires-imprimeurs (ce genre de
titres présente l’avantage de résumer adroitement l’histoire, à la manière des quatrièmes de couverture,
plus courantes de nos jours) que comme un moyen de promotion et de publicité, dans les journaux et à
la devanture des librairies. Il faut donc attirer l’attention. La préface continue de brouiller les pistes :

PRÉFACE.
Le traducteur de ce livre n’est point un traducteur, c’est tout bonnement un poète qui s’est pris
de belle passion et de courage. Une des plus belles créations du génie anglais courait depuis un
siècle par les rues avec des haillons sur le corps, de la boue sur la face et de la paille dans les
cheveux ; il a cru, dans son orgueil, que mission lui était donnée d’arrêter cette trop longue
profanation, et il s’est mis à arracher à deux mains cette paille et ces haillons.
Si le traducteur de ce livre avait pu entrevoir seulement le mérite le plus infime dans la vieille
traduction de ROBINSON, il se serait donné de garde de venir refaire une chose déjà faite. Il a trop
de respect pour tout ce que nous ont légué nos pères, il aime trop Amyot et Labruyère, pour rien dire,
rien entreprendre qui puisse faire oublier un mot tombé de la plume des hommes admirables qui ont
fait avant nous un usage si magnifique de notre belle langue.
Il n’est pas besoin de beaucoup de paroles pour démontrer le peu de valeur de la vieille
traduction de ROBINSON ; elle est d’une médiocrité qui saute aux yeux, d’une médiocrité si
généralement sentie que pas un libraire depuis soixante ans n’a osé la réimprimer telle que telle.
Saint-Hyacinthe et Van-Offen, à qui on l’attribue, avouent ingénument dans leur préface anonyme
qu’elle n’est pas LITTERALE, et qu’ils ont fait de leur mieux POUR SATISFAIRE A LA DELICATESSE
FRANÇOISE ; et le Dictionnaire Historique à l’endroit de Saint-Hyacinthe dit qu’il est auteur de
quelques traductions qui prouvent que souvent il a été contraint de travailler pour la FORTUNE plutôt
que pour la GLOIRE.

92
À cela nous ajouterons seulement que la traduction de Saint-Hyacinthe et Van-Offen est
absolument inexacte ; qu’au narré, nous n’osons dire style, simple, nerveux, accentué de l’original,
Saint-Hyacinthe et Van-Offen ont substitué un délayage blafard, sans caractère et sans onction ; que
la plupart des pages de Saint-Hyacinthe et Van-Offen n’offrent qu’un assemblage de mots indécis et
de sens vagues qui, à la lecture courante, semblent dire quelque chose, mais qui tombent devant toute
logique et ne laissent que du terne dans l’esprit. Partout où dans l’original se trouve un trait
caractéristique, un mot simple et sublime, une belle et sage pensée, une réflexion profonde, on est sûr
au passage correspondant de la traduction de Saint-Hyacinthe et Van-Offen de mettre le doigt sur
une pauvreté.
Comme nous ne sommes point sur un terrain libre, nous croyons devoir garder le silence sur
une traduction androgyne publiée concurremment avec celle-ci. Pressés de questions cependant,
nous pourrions donner à entendre que dans cette œuvre tout ce qui nous semble appartenir
à Hermès n’est pas remarquable ; pour ce qui est d’Aphrodite, nous avons trop d’entregent pour
manquer à la galanterie : nous nous bornerons à regretter qu’un beau nom se soit chargé des
misères d’autrui.
Pour donner à la France un ROBINSON digne de la France, il faudrait la plume pure, souple,
conteuse et naïve de Charles Nodier. Le traducteur de ce livre ne s’est point dissimulé la grandeur de
la tâche. À défaut de talent, il a apporté de l’exactitude et de la conscience. Un autre viendra peut-
être et fera mieux. Il le souhaite de tout son cœur ; mais aussi il demeure convaincu, modestie de
préface à part, que, quelle que soit l’infériorité de son travail sur ROBINSON, il est au-dessus de
ceux faits avant lui, de toute la distance qu’il y a de sa traduction à l’original.
C’est à l’envi, c’est à qui mieux, c’est à qui s’occupera des grands poètes, des grandes créations
littéraires ; mais un écrivain ne voudrait pas descendre jusqu’aux livres populaires, aux beaux livres
populaires qui ont toute notre affection : on les abandonne aux talents de bas étage et de commerce.
Pour nous, peu ambitieux, nous revendiquons ces parias et croyons notre part assez belle.
On a engagé le traducteur de ce livre à se justifier de son orthographe du mot mouce et du
mot touts. Ce n’est point ici le lieu d’une dissertation philologique. Il se contentera de répondre
brusquement à ceux qui s’efforcent de l’oublier, que le pluriel, en français, se forme en ajoutant une
s. S’il court par le monde des habitudes vicieuses, il ne les connaît pas et ne veut pas les connaître.
L’orthographe de MM. de Port-Royal lui suffit, Quant au mot mouce, c’est une simple rectification
étymologique demandée depuis longtemps. Il faut espérer qu’enfin cette homonymie créée à plaisir
disparaîtra de nos lexiques, escortée d’une belle collection de bévues et de barbarismes qui déparent
les meilleurs : Dieu sait ce qu’ils valent ! Il n’est pas possible que le moça des navigateurs
méridionaux puisse s’écrire comme la mousse, le muscus de nos herboristes. Pour quiconque n’est
pas étranger a la philologie, il est facile d’apercevoir la cause de cette erreur. On a fait aux marins
la réputation de n’être pas forts sur la politesse ; mais leur impolitesse n’est rien au prix de leur
orthographe : il n’est peut-être pas un terme de marine qui ne soit une cacographie ou une
cacologie.

Saura-t-on gré au traducteur de ce livre de la peine qu’il a prise ? Confondra-t-on le labeur fait
par choix et par amour avec de la besogne faite à la course et dans le but d’un salaire ? Cela ne se
peut pas, ce serait trop décourageant. Il est un petit nombre d’esprits d’élite qui fixent la valeur de
toutes choses ; ces esprits-là sont généreux, ils tiennent compte des efforts. D’ailleurs le bien doit
mener à bien, chaque chose finit toujours par tomber ou monter au rang qui lui convient. Le
traducteur de ce livre ne croit pas à l’injustice.

Borel et Varenne, 1836 (tome 1)

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Cette fois-ci, c’est l’« éditeur de cet ouvrage » qui prend le relais. Il sert de caution à « l’escroquerie littéraire »
de départ. Il sert d’autorité en qui le lecteur peut avoir pleine confiance. Le procédé est courant et a servi
longtemps à faire passer des œuvres de fiction pour la réalité (Lettres de la religieuse portugaise, Le Dernier
Jour d’un condamné de Victor Hugo, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, les Lettres persanes
de Montesquieu…).

 Extrait du roman d’aventures Robison Crusoé, 1719


Tout-à-coup je me précipitai sur le premier, et je l’assommai avec la crosse de mon fusil. […] Ayant
donc assommé celui-ci, l’autre qui le suivait s’arrêta comme s’il eût été effrayé. J’allai à grands pas
vers lui ; mais quand je m’en fus approché, je le vis armé d’un arc, et prêt à décocher une flèche
contre moi. Placé ainsi dans la nécessité de tirer le premier, je le fis et je le tuai du coup.

Le pauvre sauvage échappé avait fait halte ; mais, bien qu’il vît ses deux ennemis mordre la
poussière, il était pourtant si épouvanté du feu et du bruit de mon arme, qu’il demeura pétrifié,
n’osant aller ni en avant ni en arrière. Il me parut cependant plutôt disposé à s’enfuir encore qu’à
s’approcher. Je l’appelai de nouveau et lui fis signe de venir, ce qu’il comprit facilement. Il fit alors
quelques pas et s’arrêta, puis s’avança un peu plus et s’arrêta encore ; et je m’aperçus qu’il
tremblait comme s’il eût été fait prisonnier et sur le point d’être tué comme ses deux ennemis. Je lui
fis signe encore de venir à moi, et je lui donnai toutes les marques d’encouragement que je pus
imaginer. De plus près en plus près il se risqua, s’agenouillant à chaque dix ou douze pas pour me
témoigner sa reconnaissance de lui avoir sauvé la vie. Je lui souriais, je le regardais aimablement et
l’invitais toujours à s’avancer.

Enfin il s’approcha de moi ; puis, s’agenouillant encore, baisa la terre, mit sa tête sur la terre, prit
mon pied et mit mon pied sur sa tête : ce fut, il me semble, un serment juré d’être à jamais mon
esclave. Je le relevai, je lui fis des caresses, et le rassurai par tout ce que je pus. Mais la besogne
n’était pas achevée ; car je m’aperçus alors que le sauvage que j’avais assommé n’était pas tué,
mais seulement étourdi, et qu’il commençait à se remettre. Je le montrai du doigt à mon sauvage, en
lui faisant remarquer qu’il n’était pas mort. Sur ce il me dit quelques mots, qui, bien que je ne les
comprisse pas, me furent bien doux à entendre ; car c’était le premier son de voix humaine, la
mienne exceptée, que j’eusse ouï depuis vingt-cinq ans. Mais l’heure de m’abandonner à de pareilles
réflexions n’était pas venue ; le sauvage abasourdi avait recouvré assez de force pour se mettre sur
son séant et je m’apercevais que mon propre sauvage commençait à s’en effrayer.
-Daniel Defoe, Robinson Crusoé, traduit par Pétrus Borel-

Conclusion
On retiendra, autour de l’ouvrage principal Robinson Crusoé, que si l’éditeur souligne l’aspect
surprenant des aventures qu’il publie, il utilise pourtant des expressions qui montrent que l’histoire
est véritable (« le récit exact des faits ») et qu’il nie absolument toute forme d’invention (« aucun
des caractères de la fiction »), ce qui donne au récit l’aspect du mythe. Ainsi, il s’agit de publier un
récit d’aventures pour avoir « quelque chance de plaire » à un public qui lira rapidement le livre (un
«ouvrage promptement lu » parce qu’il passionne). Mais il faut aussi «instruire le public », lui
apprendre les notions du bien et du mal dans un récit aux « fins édifiantes ». Le public sera ainsi
«aussi bien distrait qu’édifié ».

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Documents complémentaires

 https://www.academieduvar.fr/Produits/heures/heures2012/GiannoniRobinson.pdf

 http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-
contemporaine.org/rcffc/article/view/fx16.12/1235

 https://www.youtube.com/watch?v=nr8q59tZsfI

 https://www.youtube.com/watch?v=B7YHU5DK58c

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