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L’ambiguité du couple quantité-qualité

Canguilhem remarque le flou dans l’usage des catégories de la quantité et de la qualité chez les
physiologistes du 19è siècle. Bichat parle tantôt d’altération, tantôt d’augmentation-diminution. On
le note également chez Broussais et chez Comte, et chez C. Bernard.
Le premier problème, celui de la variation quantitative, renvoie à l'« homogénéité ». Le second,
celui de la différence de degré, renvoie à la « continuité ». Le premier exige la variation comme
repère pour juger de l’homogénéité. Le second suppose des intervalles entre des extrêmes,
l’extrême envisagé ici étant la santé parfaite.
Bernard subordonne la continuité à l’homogénéité, tout comme Comte et présuppose un état
normal, c’est-à-dire une référence absolue. Le maintien de l’homogénéité est voulue par le
déterminisme chez Bernard, en cas de nouveauté, au sens d’imprévisibilité.

Canguilhem répond à Bernard : l’identité des phénomènes pathologiques (anormaux) et


physiologiques (normaux) ne doit pas effacer les modifications sur venues lors des états
pathologiques, et qui modifient en retour le physiologique. « Devenir diabétique, c’est changer de
rein ».
Il prend également des exemples qui contredisent les critères d’homogénéité et de continuité :
discontinuité lors des maladies infectieuses, et absence d’homogénéité lors des maladies nerveuses.

La critique, plus précisément, de Canguille frappe fort la prédilection de Bernardo pour la pensée de
la quantité. Bernard interprète les rapports quantitatifs en termes de seuil avant l’apparition de la
maladie. Or concernant le rein, on ne peut se limiter à ce mécanisme, celui-ci a un
« comportement » à proprement parler.

Il faut intercaler dans le schéma expérimental qui va des symptômes aux mécanismes, un schéma
interprétatif, introduisant une dimension holiste : il faut regarder la maladie comme « un événement
intéressant l’organisme vivant pris dans son tout ». D’où que la moindre analyse ne peut être
qu’atomique, qu’elle doit s’inscrire dans un « contexte clinique ». On doit comprendre que les
mécanismes sont en même temps des comportements.

Si l’on pense à un trouble du langage, toute homogénéité est brisée : on assiste à des
« modifications de la personnalité par la maladie », et « les possibilités d’existence de l’organisme »
sont modifiées. La norme est donc un rapport modifié à l’existence. Aussi, la guérison est non la
restauration d’un état initial mais plutôt l’instauration d’un nouvel état. Ces maladies indiquent en
quoi il y a irréductibilité de la dimension subjective à la rationalité objective du savoir médical.
L’autre embûche qui s’ensuit est l’homogénéisation du malade avec sa maladie, qui pose
encore d’autres soucis.

Il faut rétablir la spécificité du pathologique en donnant un sens à la « totalité organique, à la


maladie comme effet émergent et non seulement comme effet résultant, au point de vue du malade.
Seul ce point de vie introduit la maladie comme « autre allure de la vie ».

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