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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
INTRODUCTION GENERALE
Objectifs
La logique est enseignée par des philosophes aux philosophes et aux non-philosophes. Pour une
formation adéquate et un rendement rentable, elle devrait être dispensée par ses spécialistes, et jamais par
des philodoxes (ces enseignants de ce que les autres pensent), car son étude n’a pas pour visée la reprise des
raisonnements valides que les penseurs ont établis, mais la formation d’un raisonnement correct, exempt
des fallaces, en application des lois et principes logiques. Cette affirmation ne remet pas en cause l’extrême
urgence et nécessité de la maîtrise de l’histoire de la logique dans l’hypothèse de la connaissance de son
évolution et de sa révolution. Le but de la logique consiste à raisonner bien. Son objet est donc le
raisonnement. Son objectif est de construire des définitions, des propositions, des syllogismes, etc. De son
incipit à sa clausule, ce texte vise principalement à initier les lecteurs à la cohérence dans le déploiement de
leur langage naturel en proposant des moyens plausibles pour la suppression des ambiguïtés et cela favorise
et améliore les performances d’éviter les fautes du raisonnement. Ils produiront un discours qui respecte les
principes fondamentaux de la logique pour éviter tout illogisme. Ceci aidera à déterminer les conditions de
la vérité et à produire un raisonnement valide ou correct en contournant les fautes, sources
d’incompréhensibilité et d’ambiguïtés. Voilà qui favorise l’émergence d’une pensée rationnelle, cohérente
dépourvue de toute contradiction. Cette visée de la logique est pertinente compte tenu du contexte de
contradiction et d’incohérence où les sociétés actuelles sont plongées. La logique exige de l’homme la
cohérence et l’abstention de réflexion pendant qu’il est emporté par les émotions.
Dans ce texte, je mets l’accent sur la logique aristotélicienne en étudiant les trois opérations intellectuelles
en conformité avec la tradition aristotélicienne qui « divise la logique en trois parties : l’étude de la
conception, du jugement et du raisonnement [...] Concevoir, juger et raisonner sont trois activités de
l’esprit. »1 Les termes expriment les concepts, les propositions expriment le jugement et la suite de
propositions exprime le raisonnement. Ce texte se fonde sur les éléments essentiels des Premiers Analytiques
d’Aristote qui « contiennent l’exposé systématique de la syllogistique »,2 une logique particulièrement
démonstrative. Suivant la terminologie d’Antoinette Virieux-Reymond, les Premiers analytiques sont désignés
par l’expression « logique formelle » étant donné qu’ils mettent « à nu la structure commune et les variétés
formelles des syllogismes. »3
Dans son livre de Logique, Kant propose plusieurs divisions controversées de la logique. Celle ramenant
la logique à deux parties : l’Analytique et la Dialectique, m’intéresse. Traitant des critères formels de la vérité,
l’Analytique est une logique de la vérité, car contenant toutes les lois conduisant à la vérité formelle. Elle est
un moyen efficace d’analyser la forme de l’entendement et de la raison. S’en passer conduit à la dialectique,
la logique de l’apparence. Pour Platon le consentement de l’adversaire est la véritable base de la dialectique.
Celle-ci est l’« art de la discussion, art d’amener une série de questions méthodiquement posées, (art
d’amener) un interlocuteur à son opinion »4, elle est connue pendant l’Antiquité sous le nom « d’Art de la
disputation. »5 À cette époque, la dialectique était un « art de l’apparence »6 puisque les dialecticiens étaient
des orateurs et avocats déroutant le peuple séduit par l’apparence. Cependant, elle est utile à la science,
même si le syllogisme dialectique « conclut de prémisses probables »7 et utilise un syllogisme bref « plus
contingent et plus souple, à prémisses probables et à conclusion probables. »8 Incapable de dépasser le
domaine du probable, la dialectique ne peut pas atteindre le nécessaire et, dans ce cas, elle ne peut pas fonder
une science véritable. Contrairement au domaine de la science qui relève du vrai, celui de la dialectique relève
de la doxa, du probable, elle est donc une logique du probable raison pour laquelle elle part des « opinions
les plus diverses dont elle cherche quelle est la plus vraisemblable. »9 Grâce à elle, on peut poser des énigmes,
des apories et arriver à établir le pour et le contre dans une argumentation en vue de porter un jugement
cohérent et conséquent. Elle devrait contenir les critères et lois qui facilitent l’assurance que quelque chose
s’écarte des critères formels de la vérité quoique ayant l’apparence de convenance. À cette condition, elle
serait utile à l’entendement, mais comme apparence, elle doit être abandonnée totalement en faveur de la

1P. GOCHET & P. GRIBOMONT, Logique. Méthodes pour l’informatique fondamentale, Hermès, Paris, 1998, p. 19.
2J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 24.
3A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge

& Cie, Lausanne, 1950, p. 81.


4J.-M. LE BLOND, Logique et méthode chez Aristote. Étude sur la recherche des principes dans la physique aristotélicienne, J. Vrin, Paris, 1939, p. 3.
5E. KANT, Logique, J. Vrin, Paris, 2007, p. 16.
6E. KANT, Logique, J. Vrin, Paris, 2007, p. 16.
7ARISTOTE, Organon V Les Topiques, I, 1, tome 1, J. Vrin, Paris, 1939, p. 2.
8M. DUFOUR, Introduction à ARISTOTE, Rhétorique, tome premier, Livre I, Les Belles Lettres, Paris, 1932, p. 14.
9A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge

& Cie, Lausanne, 1950, p. 82.


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critique de l’apparence et d’ailleurs, Aristote, même s’il établit une distinction entre la science et la dialectique,
ne réprouve pas cette dernière, car il utilise « la forme du dialogue »10 dans certains de ses écrits, notamment
dans les Topiques.11 Cette distinction a sa juste valeur d’indiquer la rupture aristotélicienne avec la sophistique,
distinction dans laquelle se situe la « prise de conscience de la vérité comme vérité. »12
La diversité d’opinions ne facilite pas l’établissement d’une définition techniquement unanime de la
logique, cela lui confère un caractère polysémique et c’est avec raison qu’on peut se demander qu’est-ce
donc que la logique ? De l’étymologie grecque, le mot ‘logique’ signifie science du raisonnement. Elle est
alors un instrument de la raison, un ensemble de lois qu’il faut suivre pour que la pensée soit cohérente,
correcte et bien construite.13 Ceci montre que la logique est une science des normes qui commandent à la
pensée. Ces règles doivent être rigoureuses et nécessaires pour assurer à la raison la pénétration
philosophique du réel. Par exemple, la logique de Port-Royal montre qu’un esprit se passant des lois
formelles est dépourvu des serres pour retenir la vérité.
La logique peut être étudiée en tenant compte de la forme ou de la matière du raisonnement. Dans son
approche formelle, elle table plus sur la validité de la pensée que sur sa vérité c’est-à-dire qu’elle « est
indifférente au contenu, et se fonde uniquement sur la forme. »14 Elle étudie les conditions formelles du
raisonnement valide sans intérêt pour le contenu et la signification des signes. Elle est le guide de la pensée
et du langage. En plus du respect de la forme pour une bonne conduite de la pensée vers la vérité, il faut,
pour être certain de connaître la vérité, que, tout à la fois, l’esprit ne contredise pas le réel en l’affirmant
autrement qu’il n’est. A ce stade, la logique est comprise comme une science qui détermine les conditions
de la vérité en vue d’éviter l’erreur et favoriser la cohérence15 et la conformité du dire avec la réalité. La
différence à établir entre la logique formelle et celle matérielle est fondée sur « la distinction entre la forme
et la matière du raisonnement. »16 L’expression « logique formelle », dans l’usage fréquent, montre que la
logique s’intéresse exclusivement à la forme du raisonnement c’est-à-dire à la manière de penser sans
référence aux choses particulières sur lesquelles cette pensée s’exerce. C’est sur cette base qu’on se fonde
pour qualifier la logique d’Aristote de formelle, comme elle analyse les formes de la pensée. Et d’ailleurs le
syllogisme catégorique qu’étudie Aristote est un raisonnement ne contenant que trois propositions parmi
les quatre propositions connues : A, E, I & O. Aristote et ses disciples ainsi que ses continuateurs ne sont
pas formalistes. Leur théorie syllogistique est un ensemble des jugements se fondant sur les constantes A,
E, I, 0.17 La logique aristotélicienne est conceptuelle et est différente de la logique stoïcienne qui est celle
des propositions et simultanément formelle et formaliste.
Même si la vérité est la visée de toutes les sciences, la logique doit être considérée comme la science qui
ne recherche que le vrai d’une manière toute particulière, car elle doit fournir les lois qui garantissent le vrai.
La pensée, bien qu’une activité spirituelle, s’exprime toujours dans une forme sensible : des mots écrits, des
sons, des propositions et leur enchaînement, des formulations diverses. Ce sont des signes qui expriment
l’idée que nous avons de la réalité. On ne peut raisonner n’importe comment comme il n’est pas autorisé de
s’exprimer de n’importe quelle manière. Le langage est doté de plusieurs fonctions, à savoir : expressive,
c’est le langage comme moyen d’expression. Il est utilisé comme moyen d’exprimer son vécu ; informative,
il s’agit du langage est utilisé comme moyen d’information ; directive, c’est-à-dire que le langage est utilisé
comme moyen de diriger ou d’influencer; discursive, quand celui qui s’exprime veut améliorer sa
connaissance en clarifiant ou en faisant progresser sa connaissance ; performative, c’est lorsque celui qui
parle désire communiquer une situation déterminée; engageante, c’est-quand celui qui parle s’engage dans
ce qu’il dit.
La logique s’intéresse à la fonction discursive. Elle s’appesantit sur les propositions formulées dans le
cadre d’un raisonnement. Elle s’intéresse à la fonction informative, car la conclusion d’un raisonnement est

10M. DUFOUR, Introduction à ARISTOTE, Rhétorique, tome premier, Livre I, Les Belles Lettres, Paris, 1932, p. 16.
11Le traité des Topiques est une sorte d’itinéraire mnémonique et topographique qui trace la route à suivre aux logiciens dans la discussion et leur
indique l’origine de divers arguments (A. FRANK cité par A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs rapports avec la
logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge & Cie, Lausanne, 1950, p. 82, note de bas de page n° 1.)
12J.-M. LE BLOND, Logique et méthode chez Aristote. Étude sur la recherche des principes dans la physique aristotélicienne, J. Vrin, Paris, 1939, p. 6.
13Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 14. L’idée selon laquelle la logique

est la science des principes de la validité déductive et ne s’intéresse qu’à la forme des raisonnements a été énoncée dès l’Antiquité. Telle est l’idée qui est
à la base de la théorie aristotélicienne des syllogismes dont l’importance est remarquable depuis l’Antiquité, le Moyen-âge jusqu’aux Temps modernes. La
logique formelle est au fondement de la théorie mégarique et stoïcienne des schémas d’inférence, soubassement de la logique des propositions.
14R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 17.
15Cf. R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, p. 380.
16R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 64.
17Cf. J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 39.
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toujours formulée sous forme informative et surtout explicative. La logique comme science normative18
s’oppose aux sciences descriptives entre autres la psychologie de l’intelligence qui se contente de décrire le
fonctionnement de l’esprit, comment il perçoit, se souvient. Dans ce cas, nous sommes en présence des lois
naturelles que l’esprit met effectivement en œuvre dans ses démarches réelles de connaître, de comprendre
et de s’exprimer. La logique a pour « but de diriger l’acte de la raison qui est le raisonnement, elle a pour
objet l’ensemble des relations que l’esprit établit dans sa pensée entre les choses qu’il pense. »19 Elle doit
déterminer les règles pour la conduite de la pensée vers la vérité.
Chaque science est dotée d’un objet matériel et formel. L’objet matériel d’une science indique la matière
sur laquelle porte une science ; par exemple les sciences humaines ont comme objet matériel l’homme et
pourtant pour les sciences physiques l’objet matériel est le monde physique ; l’objet matériel de la logique
est la détermination des conditions formelles du raisonnement correct. C’est-à-dire que la logique consiste
à « diriger la raison (…), l’acte de la raison »20, à savoir : le raisonnement, l’intellection, car le sujet de la
logique est ‘la raison’ et son objet est « l’être de la raison »21 c’est-à-dire qui ne peut pas exister en soi, il
n’existe que dans notre esprit. L’objet formel d’une science indique ce que la science considère en premier
et en lui-même (per se primo) c’est-à-dire l’aspect sous lequel la science considère tout ce qui tombe sous son
regard. Il s’agit de la spécificité de chaque science dans l’étude de son objet matériel. La logique procède de
son objet formel22 par la voie du raisonnement sur l’usage normal de la raison. La logique est alors rationnelle
étant donné qu’elle porte sur l’acte de la raison lequel acte de pensée est une activité rationnelle spontanée,
dont jouit tout homme normal c’est-à-dire sur le raisonnement acquis sans raisonnement pour en élever à
la conscience critique les opérations et les règles de son déploiement et juger les résultats de son enquête.
La logique considère les actes de la raison du point de vue de l’ordre, de la cohérence en vue de conquérir
la vérité23.
A la recherche de la restauration et de la consolidation des significations des termes, d’une théorie des
propositions et du raisonnement, Aristote invente l’analyse dont le contenu sera par la suite appelé par ses
commentateurs organon, l’outil, l’instrument de la raison, de la pensée. C’est dans ce contexte qu’Aristote
étudie les trois opérations mentales, à savoir : l’appréhension simple, la composition ou la division des
concepts (jugement), le raisonnement, acte par lequel l’intelligence procède d’une chose à une autre.24 Au
niveau de la logique des termes, on s’adonne à montrer de quelle manière l’esprit humain parvient à la
formulation du concept, de l’idée et de son expression verbale ou écrite, appelée mot ou terme. Le concept
peut être défini selon ses deux propriétés majeures : la compréhension et l’extension, dont il est doté. Se
référant à ces deux propriétés du concept, les logiciens présentent une classification des concepts. En vue
de la clarté dans l’usage des concepts, la théorie de la définition met en exergue les conditions normales
auxquelles doit répondre une bonne définition tout en prévenant les penseurs que tout ne peut pas être
défini. Pour la logique de la proposition, les logiciens focalisent leur attention sur le rapport qu’on peut
établir entre deux concepts. Ce rapport peut être celui de convenance ou de disconvenance exprimé dans

18Cf. R. BLANCHE, Introduction à la logique contemporaine, Armand Colin, Paris, 1968, p. 19 ; L. MEYNARD, Logique et Philosophie des Sciences, Classique
Eugène Belin, Paris, 1955, p. 16.
19R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 58.
20R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 58.
21R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 58. ‘L’être de la raison’ signifie ce qui n’existe que dans la

pensée. C’est ce qui ne peut exister ‘en soi’ mais il ne peut exister que dans l’esprit du chercheur, c’est ce qui résulte de l’acte de penser du chercheur.
Au sujet des actes de la raison, il faut préciser que dans les opérations de la raison, on doit considérer l’acte même de la raison, à savoir : l’intellection,
le raisonnement et la chose construite par de tels actes : la définition, l’énonciation, le syllogisme ou l’argumentation (Cf. R. VERNEAUX, Introduction
générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 59 ; SAINT THOMAS D’AQUIN cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique.
Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 57.)
22Comme le but de la logique consiste à diriger l’acte de la raison c’est-à-dire le raisonnement, elle devra avoir pour objet l’ensemble des relations

que l’esprit établit dans sa pensée entre les choses qu’il pense. C’est en cela que consiste le raisonnement : lier nos pensées de manière que l’une
résulte nécessairement de l’autre. Les relations pensées sont appelées être de raison de seconde intention (ens rationis secundae intentionis). L’être de
raison signifie ce qui ne peut pas exister en soi, il n’existe que dans notre esprit. Il est le résultat de l’acte de penser. Il existe deux sortes d’êtres de
raison : les négations et les privations, d’un côté et certaines relations de l’autre côté. Par exemple, une chèvre est dépourvue de la raison, c’est une
simple négation ou une absence. Mais quand on dit que le coq n’a pas d’ailles, est une privation ou un manque. Mais être aveugle est une infirmité
réelle : là il y a une indication qu’il existe du négatif dans les choses : c’est un manque d’être. Quand tout négatif est pensé comme un être, il devient
un être de raison, par exemple, la surdité est une infirmité. Certaines relations qui existent dans la pensée sont dites relations de raison. Elles
proviennent de la comparaison que l’esprit établit entre les choses qu’il considère, par exemple la relation de genre à espèce, l’identité d’une chose
avec elle-même. Le mot intention indique l’acte d’intelligence visant un objet. On sait que le premier mouvement de l’intention porte vers les choses
réelles pour les connaître, telle la première intention qui est directe. La seconde intention est la réflexion par laquelle l’intelligence connaît son acte,
la manière dont elle pense les choses, et tout ce qui résulte de sa manière de la s penser. Pa exemple homme est une première intention et le genre,
l’espèce sont les secondes intention. Brièvement, quand on parle de l’objet formel, il s’agit de la particularité de chaque science. C’est cela qui rend
chaque science spécifique. Il établit la différence entre les sciences ; par exemple l’histoire met l’accent sur le passé ; la biologie sur la vie. (Cf. R.
VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 58-62).
23Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 56-57. La logique a comme but : raisonner bien. Son objet

est le raisonnement. L’objectif de la logique est de construire des définitions, des propositions, des syllogismes, etc.
24Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 55.
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un jugement affirmatif ou négatif. Les logiciens utilisent deux premières voyelles des verbes latins : AffIrmo
et nEgO pour symboliser les différentes propositions selon la quantité et la qualité. Pour le premier verbe
latin ses deux premières voyelles A & I indiquent les propositions dont la qualité est affirmative et pour le
deuxième ses deux voyelles E & 0 indiquent les propositions de qualité négative. Pour chaque verbe latin,
la première voyelle indique une proposition de quantité universelle et la deuxième voyelle une proposition
de quantité particulière. La classification des jugements s’enracinant dans la quantité et la qualité fonde les
différentes oppositions qui existent entre les propositions constituant le carré logique, à savoir: les contraires,
les subcontraires, les contradictoires et les subalternes. Les inférences immédiates constituent une approche
de raisonnement indirect. Il s’agit des oppositions du carré logique auxquelles on rajoute la négation,
l’inversion, l’obversion et la conversion. Quant à la logique du raisonnement, les logiciens sont parvenus à
distinguer deux types de raisonnement, à savoir : le raisonnement déductif et le raisonnement inductif, à
côté desquels on mentionne le raisonnement par analogie, celui par absurde et le raisonnement par
récurrence. Le raisonnement déductif est susceptible d’être immédiat : raisonnement composé de deux
propositions dont la donnée et la transformée. Il est aussi médiat : raisonnement composé de trois
propositions dont deux prémisses et une conclusion qui en découle inévitablement. Le raisonnement
(inférence) « est le passage de l’assertion d’une proposition ou d’un groupe de propositions (prémisses) à
l’assertion d’une proposition (conclusion). »25 Le raisonnement médiat, dont la forme parfaite est le
syllogisme, est soit catégorique soit non-catégorique soit imparfait. La validité d’un syllogisme catégorique
dépend du respect rigoureux des huit lois formelles dont quatre se rapportent aux termes et quatre autres
aux propositions. Blanché montre, au sujet du syllogisme catégorique, que « la théorie classique du syllogisme
énonce un nombre restreint de règles qui suffisent à conditionner la validité du syllogisme : le moyen terme
doit être pris au moins une fois distributivement, la conclusion suit toujours la partie la plus faible, deux
prémisses négatives n’engendrent pas de conclusion, etc. ; c’est dire que tout syllogisme qui viole l’une de
ces règles est incorrect. »26 Les lois formelles ne concernent que la forme et ne s’intéressent pas au contenu
des propositions qui composent le raisonnement.
Le syllogisme catégorique prend en compte la place qu’occupe le Moyen Terme dans les prémisses. En
abordant pareille étude, contrairement à Aristote qui retient trois figures syllogistiques, les logiciens et
continuateurs d’Aristote répertorient quatre figures du syllogisme. Les propositions formant un syllogisme
peuvent être soit A, E, I, O. Les diverses combinaisons qu’on peut obtenir constituent les modes. Chaque
mode concluant doit être construit sur trois de ces quatre propositions, d’où 43 = 64 modes possibles. Étant
donné qu’il existe quatre figures, on a 64 modes possibles x 4 figures = 256 modes.27 Certains de ces modes
n’obéissent pas aux lois formelles, dans ce cas, ils sont non-concluants. Les anciens retiennent 19 modes
qu’ils considèrent comme concluants. Cependant, quatre d’entre eux, à savoir : Darapti et Felapton
(troisième figure), Bamalip et Fesapo (quatrième figure), se révèlent non-concluants, car leur conclusion
respective n’est pas affectée de la prémisse la plus faible. En réalité, entre deux prémisses identiques en
quantité ou en qualité aucune n’est faible par rapport à l’autre. Alors la conclusion doit être de la même
quantité ou de la même qualité que les prémisses. De cela on peut affirmer que quinze modes se révèlent
concluants dont onze sont réductibles aux quatre de la première figure. Ces graves erreurs ont été dénoncées
par plusieurs logiciens en montrant qu’il n’y a aucune raison de passer de l’universelle à la particulière.
Il est très habituel de ramener un mode de la deuxième, troisième, de la quatrième figure à ceux de la
première. Ce passage d’un mode concluant à un autre mode concluant de la première figure est appelé
réduction syllogistique. La réduction syllogistique se réalise suivant les procédures des consonnes initiales
(c’est-à-dire que le syllogisme auquel on doit aboutir doit commencer à la même consonne que le syllogisme
de départ) et les consonnes intérieures de chaque mode. Il s’agit des consonnes m, s, c qui indiquent
respectivement le changement des prémisses, la conversion simple et la contradictoire. Par exemple, Dimatis
se ramène à Darii ; Festino à Ferio, Bocardo à Barbara, Calemes à Celarent, etc. La logique, outre les

25P. GOCHET & P. GRIBOMONT, Logique. Méthodes pour l’informatique fondamentale, Hermès, Paris, 1998, p. 93.
26R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 247.
27On remarque très souvent que certains modes s’avèrent invalides ‘en déplaise à certains logiciens qui les considèrent comme des syllogismes à

conclusion atténuante ou syllogismes subalternes selon l’appellation des médiévaux et syllogismes faibles selon Couturat. Il s’agit de : Barbari, Cesaro,
Camestros, Darapti, Felapton, Bamalip, Fesapo, Celaront, etc. En réalité ces modes à conclusion atténuante n’ont aucune importance dans l’étude
syllogistique, car ils sont invalides. Ils n’obéissent pas aux lois formelles. Après les avoir formalisés, si on les vérifie par les méthodes des tables de
vérité et on n’aboutit pas à la tautologie ; si on utilise les méthodes : par absurde (ou méthode indirecte), des arbres (ou méthode des graphes) et des
tableaux sémantiques (ou contre-exemple), on n’aboutit pas à la contradiction. Cela montre que ces modes à conclusion atténuante sont invalides.
On sait que la méthode des tableaux sémantiques est celle de Beth. Elle est fondée sur la recherche de modèles d’une proposition complexe c’est-à-
dire des évaluations qui la rendent vraie. La présentation de L. Bouquiaux et B. Leclercq, au sujet de la méthode des tableaux sémantiques, est celle
que nous appelons la méthode des arbres. (Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et argumentation, De Boeck Université, Bruxelles,
2009, pp. 32-35).
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raisonnements parfaits, comporte des raisonnements imparfaits qui n’obéissent pas aux lois formelles.
Certains d’entre eux sont initiés par la logique propositionnelle des Stoïciens, présentée sous forme
numérique, si le 1er alors le 2nd, or le 1er donc le 2nd ; le dilemme ; etc.
La logique est à comprendre comme le guide, la police de la pensée. Elle doit assurer une organisation
rationnelle de la pensée en veillant sur son déploiement et la répression des incohérences, des illogismes. Le
langage est toujours source de malentendu, car on peut y déceler certaines constructions fallacieuses. La
logique récuse plusieurs erreurs du raisonnement comme le sophisme, l’ignorance de la question, le
paralogisme, la pétition des principes, l’amphibologie, le cercle vicieux, etc. Très souvent, les enseignants
philosophes, amateurs de la logique et non logiciens, passent outre la logique mathématique sous prétexte
qu’elle est différente de la logique ancienne. C’est la même logique qui se présente différemment au niveau
de la graphie. La logique classique met l’accent sur le concept, le jugement et le raisonnement. Elle est
considérée comme une logique conceptuelle.28
Plusieurs personnes se posent la question de savoir à quoi sert la logique ? Pourquoi l’étudier ? Pour bien
penser, pour bien réfléchir la logique est incontournable. La grammaire, science normative, a mis sur pied
des règles à suivre pour une bonne maîtrise de la langue et une facilité d’expression. Cela permet de
contourner les fautes, sources d’incompréhensibilité et d’ambiguïtés. De la même manière, la logique,
science normative, par le biais de plusieurs types de raisonnement valide, favorise l’émergence d’une pensée
rationnelle, cohérente dépourvue de toute contradiction. Cette visée de la logique est hautement pertinente
compte tenu du contexte de contradiction et d’incohérence où les sociétés actuelles sont plongées. La
logique exige de l’homme la cohérence et l’abstention de réflexion pendant qu’il est emporté par les
émotions. Personne ne peut aspirer à une pensée illogique. Tout le monde est à la recherche des arguments
pour repérer le sophisme et tout autre discours fallacieux. La logique est une science qui contribue à la
production d’une connaissance correcte, car elle focalise son attention sur l’ordre des actes rationnels. Elle
montre la procédure de la raison et « perfectionne la raison elle-même dans ses opérations : elle joue le rôle
d’un art (…) permettant de raisonner avec ‘ordre, facilité et sans erreur’ »29

28Pour Kant, la logique est abordée dans un usage général (logique élémentaire) et particulier (logique de l’organon) de l’entendement. Son emploi
général indique l’usage des règles nécessaires de la pensée et son usage particulier indique que la logique use des règles en vue de penser correctement.
La logique générale fait abstraction de toutes les conditions empiriques sous lesquelles l’entendement s’exerce. Elle a affaire à la simple forme de la
pensée. La logique pure a affaire à des préceptes a priori. Elle est un canon de l’entendement et de la raison sur le plan formel des principes. La
logique est appliquée lorsqu’elle use des règles de l’entendement dans les conditions subjectives et empiriques. (Cf. E. KANT, Critique de la raison
pure, Flammarion, Paris, 2001, pp. 144-146.)
29B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 17.
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Chapitre I
DEFINITION ET HISTOIRE DE LA LOGIQUE
1.0. Introduction
La définition de la logique est loin d’être unanime, car chaque logicien tente de la définir selon son
attention particulière. La diversité d’approche en cette matière a favorisé la tendance de montrer que la
définition de la logique est plurielle. Marie-Louise Roure montre que la logique est définie de plusieurs
manières, car, depuis Aristote, diverses définitions de la logique ont été proposées, par exemple, la logique
est « la science qui établit quelles sont les formes du raisonnement. »30 Mais d’une manière générale, la
logique est une science du raisonnement correct. Elle est une science des règles que tout raisonnement doit
respecter pour être valide ; elle est une science normative.31 Toutes les tentatives de définition de l’homme
exaltent la grandeur de la raison, faculté multifonctionnelle lui permettant de contourner les difficultés
concrètes et de résoudre des problèmes pratiques, de s’organiser individuellement et socialement,
d’appréhender les lois fonctionnelles du réel, d’accroître sa connaissance. La raison évoque le déploiement
de l’esprit à travers la pensée réfléchie, l’entendement bien mené, le bon sens, la réflexion rigoureuse et
cohérente. L’homme doit conduire correctement sa raison en réfléchissant de manière consistante en vue
d’éviter l’égarement. La logique « est l’art d’user droitement de la raison […], un instrument de l’esprit […]
pour écarter l’esprit de l’erreur et connaître la vérité. »32
1.1. Le concept de logique
La logique n’était pas considérée comme une science à l’époque d’Aristote. Pour lui, la logique est une
forme ou un outil de la connaissance. Il désigne lui-même ses écrits logiques par le mot ‘analyse’. Aristote
ne répertorie pas la ‘logique’ dans sa classification tripartite des sciences où il montre que toute pensée est
une science « ou pratique, ou poétique, ou théorétique. »33 On voit que dans cette classification
aristotélicienne, la logique n’est pas répertoriée. Aristote « n’emploie pas le terme de logique pour désigner
la discipline auxiliaire qu’il a créée et qu’il appelle une analyse [du raisonnement en figures de
syllogismes]. »34 Mais c’est à lui que revient le mérite d’en être l’inventeur à la suite du contenu logique que
renferment ses 6 traités. Selon Tricot, l’absence de la logique dans cette classification est due au fait que la
logique est une méthodologie et une propédeutique dans le contexte péripatéticien. Il emprunte les mots de
Hamelin pour dire que la logique n’est pas une science proprement dite. Il me semble que la raison majeure
de l’absence de la logique dans la classification aristotélicienne des sciences est motivée par le fait que ce
vocable est postérieur à Aristote. Et le contenu, qui est d’usage chez Aristote, désigné par le mot analyse,
est considéré comme un guide et un moyen efficace dans le contrôle du déploiement de la raison en vue de
la cohérence. L’arrivée d’Aristote favorise l’évolution de la démarche des dialecticiens et des sophistes, car
« cet art s’élève au niveau d’une science théorique. [...] En passant de l’étude de l’argumentation dialectique
à la théorie du raisonnement démonstratif […] Aristote crée la logique en tant que science formelle. »35 Cette
citation attribue à Aristote le mérite de la création de la logique comme science formelle. Les commentateurs
d’Aristote ont regroupé par la suite, ses écrits logiques sous le nom d’organon. Aristote n’a jamais employé le
mot d’Organon36 pour désigner ses écrits logiques, il « n’a désigné nulle part ses écrits sous le nom d’Organon.
Ce titre est mentionné pour la première fois par Diogène de Laërce. »37 Robert Blanché montre que les

30M.-L. ROURE, Eléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 3.


31Cf. R. BLANCHE, Introduction à la logique contemporaine, Armand colin, Paris, 1968, p. 19 ; P. WAGNER, op. cit., p. 3.
32Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, pp. 52-59.
33ARISTOTE, La métaphysique, E, 1, tome I, J. Vrin, Paris, 1953, p. 329. Les sciences théorétiques visent le savoir pour le savoir, par exemple, « la

science du physicien traite des êtres qui ont en eux-mêmes un principe de mouvement […] La science physique n’est ni une science pratique, ni une
science poétique, […] elle est nécessairement une science théorétique » ; les sciences théorétiques sont trois, à savoir : « la physique, la Mathématique
et la Théologie ; les sciences pratiques ont pour objectif la connaissance en vue de l’action, il faut savoir pour agir ; les sciences poétiques visent la
connaissance dans le but de s’exprimer.
34A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, Librairie

de l’Université, F. Rouge & Cie, S.A., Lausanne, p. 81.


35R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 18.
36C’est à partir du VIème siècle que l’organon désigne la collection des œuvres logiques d’Aristote, à savoir : les Catégories, De l’interprétation, les Analytiques :

(premiers et seconds), les Topiques, les Réfutations sophistiques. Les catégories portent sur les termes. C’est-à-dire qu’ils concernent les différentes classes
d’attributs que l’on peut affirmer d’un sujet, par exemple la quantité, la qualité, le lieu, etc. De l’interprétation est consacrée à l’étude de la proposition,
susceptible d’être affirmative ou négative. Les analytiques : (les premiers et les seconds) s’occupent du raisonnement, enchaînement des plusieurs
propositions. Cela conduit à l’analyse du syllogisme. Les premiers analytiques sont consacrés aux différentes formes du syllogisme. Aristote constitue la
théorie du syllogisme formel tout en établissant les conditions de validité des modes du syllogisme. Le syllogisme est considéré comme le modèle de la
démonstration dont le fondement est le raisonnement déductif. Les seconds analytiques vérifient la fécondité du syllogisme. Ils traitent de la science
démonstrative, fondée sur les prémisses nécessaires et aboutissant à des conclusions nécessaires. Les Topiques mettent l’accent sur le probable et de
l’argumentation dialectique. En huit livres, les Topiques traitent de la discussion dont le but est de convaincre. Les Réfutations sophistiques réfutent les
raisonnements et les vices de raisonnement des sophistes. (Cf. J. RUSS & F. FARAGO, Philosophie. Les auteurs, les œuvres, Bordas, Paris, 2003, pp. 28-31.)
37A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, Librairie

de l’Université, F. Rouge & Cie, S.A., Lausanne, p. 81.


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dialecticiens et les sophistes sont des précurseurs de la logique grâce à leur pratique de l’art de la discussion,
« un art plus ou moins empirique, donnant des recettes pour l’argumentation. »38 Pascal Engel considère la
logique comme « un organon ou un instrument de la science proprement dite, énonçant les conditions les
plus générales auxquelles toute science doit, en principe, se conformer. »39 Cette citation montre que la
logique est un outil au service des autres sciences, dans ce cas, elle n’est pas considérée comme une science
à part.
Le mot logique est apparu à l’époque stoïcienne. Par exemple Chrysippe, ancien stoïcien, divisait la
philosophie en trois branches, à savoir : la morale, la physique et la logique (les théorèmes logiques.) Les
stoïciens sont parvenus à indiquer par la logique, ce qu’Aristote appelle Analytique, les préoccupations
conceptuelles et l’examen de validité des raisonnements.40 Pour eux, la logique fait partie intégrante de la
philosophie, en conséquence, l’utilisation du vocable de logique remonte aux Stoïciens. Ces derniers ont
imprimé à la logique le caractère de science en lui « assignant un objet défini, qui est le ‘signifié’ ou
‘l’exprimable’ »41 Ils montrent que la logique est une science ou un art du langage et consiste « essentiellement
en une dialectique ou science du discours correct par demandes et par réponses, science capable de
discriminer le vrai et le faux par rapport à la vérité, c’est-à-dire au réel. »42 Cette citation montre que le
discours correct « correspond aux impressions ressenties et aux notions qui les expriment. »43 Par exemple
le discours « il fait chaud, il fait froid ».

1.2. Une définition plurielle de la logique


Platon, les Stoïciens et les Epicuriens considéraient, avec raison, la logique comme une partie intégrante
de la Philosophie. Pendant le Moyen-âge, elle était considérée comme un ars recte cogitandi.44 Le Moyen Age
définit la logique comme une « discipline qui étudie les conditions de validité de la raison raisonnante, à
savoir du discours dans son acte propre, qui est la connaissance scientifique. »45 Voilà ce qu’exprime la
logique suivant la définition de Saint Thomas d’Aquin pour qui la logique est ars rationalis ou bien ars directiva
ipsius rationis. Pour lui la logique est un art qui dirige les actes de la raison pour que l’homme pense facilement
avec ordre en évitant l’erreur. La définition latine que propose Saint Thomas d’Aquin est reprise par Jacques
Maritain en ces termes : Si igitur ex hoc quod ratio de actu manus ratiocinatur, adinventa est ars aedificatoris vel fabrilis
per quas homo faciliter et ordinate hujusmodi actus exercere potest, eadem ratione ars quaedam necessaria est quae sit directiva
ipsius actus rationis, per quam scilicet homo in ipso actu rationis ordinate, faciliter et sine errore procedat, (Si donc, en
raisonnant sur les actes de la main, on a inventé l’art de bâtir et les autres arts mécaniques par lesquels
l’homme peut exercer avec ordre et facilité les actes de ce genre, de même un certain art ( la logique) est
nécessaire qui dirige (donne des lois) est l’acte même de la raison et fait que l’homme, dans cet acte de la
raison, procède de façon ordonnée, avec facilité et sans erreur. )46 Goblot, Wundt, Husserl la considéraient
comme une science normative.47 Georges Kalinowski note que la logique est à comprendre comme un terme
polysémique. Il estime qu’elle est une science des fondements de la conclusivité des inférences.48 Pour Jean
Piaget, la logique est l’étude des conditions formelles de la vérité qui est une recherche purement normative,
car la vérité formelle est affaire de la validité déductive.49 Bossuet considère la logique comme une science
pratique par laquelle on apprend ce qu’on doit savoir en vue d’atteindre la vérité. Cela revient à soutenir que
la logique nous apprend à bien raisonner. C’est-à-dire que la logique est l’étude des trois opérations mentales,

38R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 17.


39P. ENGEL, La norme du vrai. Philosophie de la logique, Gallimard, Paris, 1989, p. II.
40Cf. R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, p. 380.
41P. AUBENQUE, « Les philosophies hellénistiques », in F. CHATELET (dir.), La philosophie. De Platon à st Thomas, tome 1, Marabout, Verviers,

1979, p. 142.
42A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, Librairie

de l’Université, F. Rouge & Cie, S.A., Lausanne, p. 132.


43A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, Librairie

de l’Université, F. Rouge & Cie, S.A., Lausanne, p. 132.


44Cf. G. KALINOWSKI, La logique déductive, P.U.F., Paris, 1996, p. 17.
45M.-L. ROURE, Eléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 3.
46SAINT THOMAS D’AQUIN cité par J. MARITAIN, Eléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, p. 1 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique,

Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 55. Considérant la logique dans cette acception Saint Thomas d’Aquin est parti du fait que la raison est capable
de diriger non seulement les actes des autres facultés mais aussi ses propres actes, car elle est capable de réfléchir sur elle-même. Toutes les fonctions
intellectuelles sont susceptibles de réfléchir sur elles-mêmes, par exemple, l’intelligence sait qu’elle pense, la raison réfléchit sur ses raisonnements.
Si donc, en raisonnant sur les actes de la main, on a inventé l’art de bâtir et les autres arts mécaniques par lesquels l’homme peut exercer avec ordre
et facilité les actes de ce genre, de même un certain art est nécessaire (la logique comprise comme un art) qui dirige, est l’acte même de la raison et
fait que l’homme, dans cet acte de la raison, procède de façon ordonnée, avec facilité et sans erreur.
47Cf. G. KALINOWSKI, La logique déductive, P.U.F., Paris, 1996, p. 18.
48Cf. G. KALINOWSKI, La logique déductive, P.U.F., Paris, 1996, p. 18. C’est pour autant soutenir qu’elle détermine les principes qui explicitent la

conjonction de coordination du type conclusif : donc, qui sert à indiquer le passage des prémisses à la conclusion.
49Cf. Ch. De RABAUDY & B. ROLLAND, Sophia. La science, tome 2, Hatier, Paris, 1974, pp. 34-35.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
à savoir : appréhension, jugement et raisonnement, et de leurs produits.50 Pour Antoine Arnauld et Pierre
Nicole, en rédigeant la logique pour les élèves de Port-Royal, intitulée La logique ou l’art de penser, la logique
est définie comme l’art de bien conduire sa raison dans la connaissance des choses, tant pour s’en instruire
soi-même que pour en instruire les autres.51 Quant à Joseph Dopp, la logique est une science qui détermine
quelles sont les formes correctes (valides) de raisonnement. Robert Blanché la définit comme une théorie
du raisonnement correct et de ses conditions. Pour Bertrand Russell, la logique se présente comme un recueil
scolastique des termes techniques et des normes du syllogisme.52 Kant définit la logique comme une science
des normes, des lois nécessaires de la pensée. La logique est « la science des règles de l’entendement. »53
Pareille science doit user correctement et objectivement de l’entendement et de la raison.54 Denis Bonnay
définit la logique comme étant une théorie normative du raisonnement. Dans cette approche de la logique
comme théorie, on cherche à préciser qu’est-ce qu’un raisonnement valide c’est-à-dire parvenir à déterminer
les raisonnements valides pour les distinguer des raisonnements invalides.55 La logique est définie par Morris
Cohen comme étant un raisonnement correct c’est-à-dire une étude des diverses sortes de preuves
(l’évidence complète et concluante) et de leur validité. Stuart Chase définit la logique comme étant « le
processus par lequel on tire une conclusion d’une ou plusieurs assertions ou propositions, appelées
prémisses. »56 Cette définition de la logique ramène la logique au syllogisme parfait et concluant. Ceci se
justifie par le fait que la logique est comprise comme une science du raisonnement déductif dont l’expression
parfaite est le syllogisme. Da Costa définit la logique comme étant une « discipline dont l’un des objectifs
fondamentaux est l’étude des inférences légitimes, i.e. des inférences telles que, à chaque fois que les
prémisses sont vraies, la conclusion l’est aussi. »57 Ceci montre que du vrai on ne peut tirer que le vrai.
1.3. La logique est-elle un art et/ou une science ?
La logique est comprise non seulement comme un art, mais aussi comme une science. Tout penseur ou
tout acteur social et culturel est doté d’un esprit juste, d’un raisonnement naturel et spontané même si les
règles de la logique lui sont incognito. On peut alors raisonner correctement sans avoir étudié la logique, et
d’ailleurs, toutes les facultés doivent nécessairement bien fonctionner.58 La logique, conçue comme art,
indique que tout homme normal accomplit des opérations logiques : il suit le fil des idées et évite l’erreur et
les pièges du raisonnement décousu, fallacieux. Il s’agit d’une logique spontanée, naturelle et informelle se
déployant à travers le discours quotidien, la justification publique ou privée des actes posés ou à poser.
Chaque personne a des aptitudes naturelles favorisant le progrès des œuvres rationnelles. Quintilien insiste
sur les qualités, les compétences intellectuelles sans faire allusion à l’usage de l’intelligence ou à son opération
pour montrer que « le raisonnement est aussi naturel à l’homme que le vol aux oiseaux. »59 C’est dans cette
perspective que nous pensons à René Descartes qui note que « le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée. »60 La question du bon sens conduit à un constat selon lequel, certaines personnes « ou spécialistes
semblent parfois capables de raisonner correctement sur des questions n’exigeant pas des compétences
particulières. »61 La logique comme art se développe par répétition et elle est conforme avec la rhétorique
(ars dicendi) et la dialectique (ars cogitandi). La logique intervient non seulement à l’invention mais elle sert
aussi au contrôle et à la vérification des raisonnements. Alors la logique n’est pas seulement une science de
l’invention, mais elle est aussi une science de la preuve, car grâce à ses règles, elle critique les défaillances des
raisonnements des penseurs et de tout homme. Elle est « l’étude la plus générale de la raison et de ses
principes, principes qui régissent la pensée objective. »62

50Cf. J.-B. BOSSUET cité par Ch. De RABAUDY & B. ROLLAND, op. cit., p. 60.
51A. ARNAULD & P. NICOLE, La logique ou l’art de penser, P.U.F., Paris, 1965, p. 37 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses
fils, Paris, 1964, p. 56.
52Cf. B. RUSSELL, La méthode scientifique en Philosophie, Payot, Paris, 1971, p. 54.
53E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 110. Pour Kant la science de règles de la sensibilité s’appelle esthétique.
54Kant considère la logique formelle comme la théorie des conditions formelles de la pensée indépendamment du contenu. Pour lui, la logique

transcendantale doit traiter de la relation a priori de la pensée à un objet général. Cette logique fait abstraction des contenus empiriques. Elle se
subdivise en logique analytique et dialectique transcendantale. La logique analytique parle des éléments de la connaissance pure d’entendement et
des principes sans lesquels aucun objet ne peut être pensé. Elle est une logique de la vérité. La logique dialectique traite de l’image illégitime que la
raison peut faire des connaissances pures et des principes de l’entendement au-delà des limites de l’expérience possible. (Cf. J.-M. VAYSSE,
Dictionnaire de Kant, Ellipses, Paris, 2007, p. 116 ; P. WAGNER, La logique, P.U.F., Paris, 2007, p. 15 ; E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion,
Paris, 1976, pp. 143-151.)
55Cf. D. BONNAY, « L’objet propre de la logique », in Philosophie des mathématiques, n°2, P.U.F., Paris, 2011, p. 259.
56S. CHASE, Vrai ou faux. Petit guide de la pensée logique, Editions Internationales, Paris, 1964, p. 23.
57N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 77.
58Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 53.
59QUINTILIEN cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007,

p. 14.
60R. DESCARTES, Discours de la méthode, Cluny, Paris, 1943, p. 59.
61 B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 14.
62N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 54.
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La logique est un instrument des sciences, car elle sert de préambule aux autres sciences. C’est cela qui
lui confère le nom de l’art spéculatif, étant donné que « ce sont les définitions, les énonciations, les
argumentations qu’elle aide à ‘construire’ pour les fins de l’intelligence spéculative. »63 La logique est donc un
art directeur de la raison en vue d’un raisonnement ordonné et exempt d’erreurs. Elle est ‘ars artium’ (art des
arts), puisque non seulement le mot ars guide tous les humains dans l’acte de raison, source de tous les arts
mais aussi le mot ‘artium’ indique toutes les connaissances rationnelles, en conséquence, « il n’y a pas de
science sans logique sous-jacente. »64 Elle est la science de la science et une « aide précieuse pour les autres
sciences. »65
La logique est une science dont l’objet est l’être de la raison66 qu’elle observe l’encadrement et en est le
guide. La logique guide la raison dans tout son déploiement en vue de sa cohérence. Elle est une science qui
détermine les règles garantissant la validité des opérations mentales que l’homme déploie à travers l’exercice
de la raison, dans le processus d’acquisition de la connaissance et de prise de décision. Elle détermine les
règles pour une bonne conduite de la pensée vers la vérité. Elle est scientifique, consciente des règles de son
déploiement, exigeante en matière de rigueur et de contrôlabilité. Elle est l’ensemble de lois montrées par la
pensée correcte. Elle est conçue comme la science qui détermine les formes correctes du raisonnement.
Dans ce contexte, la logique est le véritable fondement des autres sciences. L’approche scientifique exige
qu’on ne se contente pas de la logique naturelle, spontanée. Il faut élaborer une logique réfléchie en vue de
la mise sur pied d’une activité rationnelle rigoureuse. Cette logique scientifique cultive et améliore la logique
naturelle. Elle met l’accent sur la rigueur, la concision et la précision de la pensée. La logique scientifique
réussit à établir les lois, les normes, les règles à suivre spontanément en vue d’améliorer la logique naturelle.67.
1.4. Les principes de la logique classique
La logique aristotélicienne est dite ‘organon’ et se fonde sur des principes de base68, à savoir :
d’identité, de non-contradiction, de bivalence et de tiers exclu69 qui régissent toute la pensée, tout le langage
cohérent. Ces principes sont respectés et suivis rigoureusement par les autres sciences pour garantir leur
cohérence. Contrairement aux autres sciences qui justifient leur cohérence en suivant ces principes
fondamentaux, la logique use, en plus, des lois formelles pour justifier la validité ou l’invalidité d’un
raisonnement. C’est à ce niveau que la logique prétend atteindre la vérité étant donné qu’elle dispose des
lois sur lesquelles elle se base pour apprécier le raisonnement logique. Ce sont ces principes, qui « résultent
d’une doctrine statique du réel : l’être est fixe et permanent ; de là, être toujours identique à soi (principe
d’identité), ne pas pouvoir être et ne pas être en même temps (loi de contradiction) et devoir être ou ne pas
être, sans autre alternative (tertium non datur), »70 une proposition est soit vraie soit fausse (principe de
bivalence) sont le fondement des lois logiques.
-Principe d’identité : Ce principe montre que le jugement vrai est toujours vrai et le jugement faux l’est
toujours. Ceci montre que chaque jugement, objet, fait est identique à lui-même et possède une seule valeur
de vérité. Par exemple, p est p alors on dira p → p ; p p. Il montre qu’il faut nier ce qui a été nié et
affirmé ce qui a été affirmé. C’est-à-dire qu’une chose est égale à elle-même.71 Les discussions sur ce principe

63B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 12.
64N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 60.
65SAINT THOMAS D’AQUIN cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de

Guibert, Paris, 2007, p. 12.


66Cf. J. MARITAIN, Eléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, p. 1 ; P. FOULQUIE, Logique, Editions de l’école, Paris, 1957, p. 41. Pour Paul

Foulquié, la logique formelle a pour objet les formes de la pensée.


67Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 53. Les anciens traités considéraient la logique scientifique

comme une logique artificielle. Cette dénomination a disparu au profit de la logique scientifique. Celle-ci ne remplace pas le bon sens et est incapable
de l’accorder à quelqu’un qui en est dépourvu. Elle ne fait que fertiliser, améliorer, corriger, préciser le bon sens. En conséquence, les raisonnements
longs et difficiles deviennent abordables. Elle réussit à repérer les erreurs du raisonnement en vue de leur rectification et réfutation.
68Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Editions Loyola, Kinshasa, 1990, p. 31 ; L. MEYNARD, Logique et Philosophie des Sciences, Classique Eugène

Belin, Paris, 1955, pp. 27-29 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, pp. 16 et 29-30 ; I. LOWENTHAL, Logique et cognition,
Presses universitaires de Mons, Mons, 1999, p. 12 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, pp. 18-21. Les principes
logiques sont les conditions de tout jugement vrai. Pour le principe d’identité, un jugement vrai reste éternellement vrai. La vérité du contenu de
pensée affirmé dans le jugement est une propriété intemporelle. Une chose est identique à elle-même. Il a été formulé par les Grecs, par exemple
Parménide. Pour le Tiers-exclu on insiste sur l’absence de milieu, pas d’intermédiaire. Il est un principe d’alternative. La non-contradiction montre
qu’une fois qu’on a affirmé une proposition, on ne peut plus la nier. Jeanne Hersch, Gilles Haéri et Bruno Roche ramènent les principes logiques à
celui d’identité et de non-contradiction. (Cf. G. HAERI & B. ROCHE, Introduction à la philosophie des sciences. Thèmes et sujets, P.U.F., Paris, 1999, p.
55 ; J. HERSCH, L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1993, p. 15, P. THIRY, Notions de logique, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, pp. 90-
91.)
69Cf. S. CHASE, Vrai ou faux. Petit guide de la pensée logique, Editions Internationales, Paris, 1964, p. 41.
70N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 85.
71Dans un syllogisme on peut découvrir un principe d’identité, car le raisonnement converge vers sa conclusion prouvée, par exemple les religieux

sont des hommes, or les salésiens sont religieux, donc les salésiens sont des hommes. Ici on sent que les religieux sont religieux, car les salésiens
sont hommes parce que les religieux (salésiens) sont religieux c’est-à-dire sont hommes. Il est possible de dire que les salésiens, religieux, sont
religieux, donc des hommes. Si on dit : Le penseur est inventif, or Gaspard est penseur, donc Gaspard est inventif. Ceci signifie que le penseur est
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sont multiples, par exemple en soutenant que p est p, un homme est un homme, etc. ne justifie pas que les
deux p ou que le mot ‘homme’ expriment l’identité, car le second p « se distingue du premier du fait même
qu’il est second, qu’il est énoncé après le premier, qu’il est écrit à sa droite. »72 Meyerson montre
l’impossibilité de l’identité et utilise le concept d’identification, c’est-à-dire « l’effort pour réduire la diversité
et pour tendre asymptotiquement vers l’identité. »73 Ce choix porté à l’endroit du concept de la notion
dynamique d’identification traduit le caractère actif du raisonnement.74 Si le raisonnement indique le
mouvement de la pensée, il est alors dynamique et on ne peut y appliquer que la notion d’identification qui
est également dynamique contrairement à la notion l’identité qui est statique et par conséquent inapplicable
au raisonnement. Stanley Jevons confère au mot identité plusieurs synonymes, à savoir : similarité,
ressemblance, analogie, équivalence, égalité, etc. susceptibles d’usage entre deux objets. Pour Blanché, même
si Stanley Jevons met l’accent sur l’identité et la similitude, c’est le concept d’ « équivalence qui convient le
mieux pour exprimer […] la notion élargie de l’identité. Deux choses, en effet, sont tenues pour équivalentes
lorsque, le mot même l’indique, elles ont la même valeur, ce qui n’empêche qu’elles puissent différer à
d’autres égards. »75 Stanley Jevons ajoute à l’identité simple « symbolisée par A=B, l’identité partielle, de
forme A=AB, et l’identité limitée, de forme AB=AC. »76 Quand le principe d’identité est interprété de
manière rigide, il ne prend pas en considération les diverses mutations que la réalité peut connaître. C’est-à-
dire que ce principe se fonde sur la substance qui demeure immuable, car l’homme est toujours homme n’en
déplaise aux diverses étapes de croissance que l’homme peut connaître. Les partisans de l’empirisme
montreraient que le principe d’identité est indifférentes aux diverses significations que les choses
connaissent. Par exemple, un rose est une rose mais telle qu’elle est pendant le printemps, elle ne le sera pas
pendant l’automne. Est-elle encore une rose ?
L’identité est exprimée chez les Stoïciens dans une proposition numérique, par exemple « si le
premier, alors le premier. » Voilà que chez les Stoïciens on doit dire « si p, alors p ». La proposition d’identité
stoïcienne se rapporte à la logique propositionnelle, car en disant « il fait nuit », et si cette proposition a un
sens, on a directement la proposition stoïcienne d’identité « s’il fait nuit, alors il fait nuit » ; dans pareil cas,
on a affaire à « une constante logique » tout en sachant que p est une variable susceptible d’être remplacée
par q, m, n, etc. Mais dans la logique aristotélicienne les commentateurs des Premiers analytiques parlent du
principe d’identité en disant que « tout A est A », « A convient à tout A. ». La proposition aristotélicienne
d’identité se situe dans un contexte de la logique du nom, car en utilisant le nom comme « femme », on doit
avoir une identité que « toute femme est femme ». Ceci montre que la « constante logique » est ‘tout … est’
et pourtant « femme » est une variable indiquant un nom commun.
-Principe du Tiers exclu : Ce principe montre que « d’une proposition et sa négation, si l’une est fausse il
est légitime d’affirmer l’autre. »77 Il n’y a aucun milieu entre p et non p, alors on dira p V ~ p. Il indique
qu’entre le valide et le non-valide, il n’y a pas d’intermédiaire au même titre qu’entre le vrai et le faux. Il n’y
a pas de milieu entre l’erreur et la vérité, tout ce qui n’est pas vrai est faux et tout ce qui n’est pas faux est
vrai. Ou bien l’énoncé lui-même, ou bien sa négation est vraie. Soit il fait jour soit il fait nuit. Il n’y a pas une
troisième possibilité. La lampe est allumée ou éteinte. Une chose doit être soit ceci soit non-ceci, par
exemple, un sucre ne peut pas être à la fois agréable et désagréable. C’est ce principe qui fonde la bivalence
logique, principe fondamental. En ne considérant que deux valeurs de vérité, on met en évidence le principe
de bivalence selon lequel « tout énoncé est soit vrai soit faux (il n’y a pas de troisième valeur de vérité, qui
pourrait être, par exemple, l’indéterminé.) »78 Certains logiciens critiques, qui dialectisent le principe du tiers
exclu et détruisent par là-même le principe de bivalence, montrent que la bivalence remonte aux Stoïciens,
par exemple à Chrysippe et jamais à Aristote.
-Principe de non-contradiction : tantôt il pleut tantôt il ne pleut pas. On ne peut pas affirmer qu’il pleut
et qu’il ne pleut pas simultanément : ~ (p Λ ~ p ). Une chose est incapable d’être et de ne pas être
simultanément. Il est manifestement impossible « pour une chose, d’être et de n’être pas en même temps »79
voilà qui motive Aristote à soutenir que le principe de contradiction est le plus ferme de tous les principes.

penseur, car on peut dire Gaspard, le penseur, est penseur, donc inventif. Cette convergence du raisonnement vers sa conclusion est obtenue en
considérant que le petit terme, une fois explicité par le moyen terme mis en apposition, on en arrive à un principe d’identité. (Cf. C. SERRUS, Traité
de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 12.)
72R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 58.
73R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 58.
74Cf. R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 59.
75R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 59.
76R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 60.
77R. BLANCHE, Introduction à la logique contemporaine, Armand colin, Paris, 1968, p. 72.
78F. RIVENC, Introduction à la logique, Payot & Rivages, Paris, 2003, p. 66.
79ARISTOTE, La métaphysique, tome 1, Livre T, 3, J. Vrin, Paris, 1953, p. 197.
11
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Il est totalement impossible et illogique « d’affirmer et de nier en même temps un prédicat d’un sujet. »80 Ce
principe de contradiction montre qu’ « il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne
pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport. »81 Un même prédicat ne peut pas appartenir
et ne pas appartenir simultanément au même sujet et sous le même rapport. Un énoncé et sa contradiction
ne sont pas l’un et l’autre vrais. Une chose ne peut pas être et ne pas être au même moment et sous les
rapports identiques.82
-Principe de bivalence : il est la conséquence directe du principe du tiers-exclus, car quand il n’y a pas
d’intermédiaire. Ce principe relève du métalangage, car il affirme que toute proposition ne peut avoir que
deux valeurs de vérité, elle doit être soit vraie soit fausse ; il y a donc une bivalence, un principe faisant alors
une interprétation des propositions du langage-objet.83
De ces quatre principes, celui de contradiction est considéré comme le plus fondamental et le plus
évident, car « sans lui la raison se détruit, ne pouvant pas réellement avoir d’activité rationnelle. »84 Il est
donc important de tenir compte de ce principe, car « il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas en
même temps. »85 Le principe de contradiction est ainsi énoncé par Aristote : « il n’est pas possible que la
même chose, en seul et même temps, soit et ne soit pas. »86 Aristote distingue trois formes de contradiction,
que Lukasiewicz appelle formulation : ontologique, logique et psychologique. La formulation ontologique
met en évidence l’impossibilité qu’une même chose appartienne et n’appartienne pas à une chose
déterminée simultanément. La formulation logique montre que le plus certain de tous les principes est que
« les énoncés contradictoires, portant sur le même objet et en même temps, ne peuvent pas être vrais ; […]
les contraires ne peuvent pas non plus être vrais, puisque toute contrariété suppose une privation. »87 La
formulation psychologique met en évidence le fait que nul penseur ne peut croire qu’une même chose existe
et n’existe pas au même moment. Selon Kant, le principe de contradiction contient une « condition de
temps. […] Par exemple, un homme qui est jeune ne peut être vieux en même temps ; mais le même homme
peut être dans un temps jeune et dans un autre temps non jeune, c’est-à-dire vieux. »88 Sur la base de ceci,
Kant montre que ce principe de contradiction ne doit pas « limiter ses assertions à des rapports de temps »,89
car selon Kant il y a une contradiction du moment où l’on réussit à séparer une chose de son concept, on
doit y ajouter le contraire de ce concept et la contradiction est manifeste autant sur le premier prédicat que
sur le second utilisés simultanément. Kant illustre sa critique à l’aide de l’exemple que voici : « un homme
qui est ignorant n’est pas instruit, il faut que j’ajoute : en même temps ; car celui qui est ignorant dans un temps
peut bien être instruit dans un autre. »90 Je ne comprends pas pourquoi Kant ne se réalise pas que l’ajout de
ces mots indiquant la simultanéité, car en vertu du principe de non-contradiction, une même chose ne peut
pas être et ne pas être au même moment. Quand une chose est, sa non-existence n’est pas encore. Elle est
envisageable mais elle n’est pas encore ; elle est un pas encore. Par exemple, un homme qui vit encore n’est
pas mort. Certains penseurs réprouvent le principe de contradiction en montrant qu’il est dénué de tout
pouvoir logique. Voilà qui le pousse à affirmer que « le principe de contradiction est d’une valeur éthique et
pratique extrêmement importante. »91 Par exemple, Lukasiewicz montre que le principe de non-
contradiction est une arme solide et incontournable contre l’erreur et la fausseté. C’est-à-dire que dans la vie
pratique, il nous épargne de plusieurs difficultés. Par exemple, quand on se passe du principe de
contradiction, par exemple, dans l’accusation injuste d’un meurtre, un seul témoignage le confirmant est
plausible pour la condamnation de son auteur. Ceci montre que la vérité selon laquelle, l’accusé n’est pas
l’auteur de ce meurtre n’implique la fausseté de son accusation injuste consistant à montrer qu’il a commis
un meurtre.
Ces principes sont liés, car en définissant le principe d’identité on obtient les autres. Pour Hilbert92
bannir des mathématiques le tertium non datur correspondrait au fait d’enlever son télescope à l’astronome,

80ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 60.


81ARISTOTE, La métaphysique, tome 1, Livre T, 3, J. Vrin, Paris, 1953, p. 195.
82 Cf. P. WAGNER, La logique, P.U.F., Paris, 2007, p. 4.
83Cf. M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, p. 66.
84N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 55.
85E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 199.
86ARISTOTE, La métaphysique, K, 5, tome II, J. Vrin, Paris, 1953, p. 595.
87ARISTOTE, La métaphysique, K, 6, tome II, J. Vrin, Paris, 1953, p. 604.
88E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 200.
89E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 200.
90E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 200.
91N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 116.
92Le formalisme d’Hilbert est connu sous le nom de métamathématique ou théorie de la démonstration. L’idée du formalisme d’Hilbert montre

l’impossibilité de fonder l’arithmétique sur la seule logique c’est-à-dire sur le respect de l’axiomatique et des règles opératoires. On sait que certains
concepts arithmétiques extra-logiques, celui d’ensemble et de nombre cardinal, sont indispensables pour exposer les lois elles-mêmes. Il faut se
12
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
son poing au boxeur.93 Da Costa montre que ces principes appartiennent aux lois syntaxiques ou
sémantiques. Il leur oppose les principes pragmatiques qui régissent, selon lui, la raison. Il justifie son option
en montrant que « si l’on examine les contextes rationnels, ils sont de toute évidence des principes à caractère
pragmatique, par rapport à ces contextes. »94 Il existe trois principes pragmatiques de la raison, à savoir : le
principe de systématisation, d’unicité et d’adéquation. Pour lui, le principe de systématisation montre que
« la raison s’exprime toujours par le moyen d’une logique. »95 La raison est dotée d’un caractère de jeu et
cela fait que la logique soit la véritable expression de la raison, car dans tous contextes rationnels, il existe
explicitement ou implicitement un système logique. Le principe d’unité soutient que « dans un contexte
donné, la logique sous-jacente est unique »96 Ceci laisse entendre que quand les lois du jeu en logique sont
rendues publiques, elles demeurent inaltérables. C’est cela qui garantit la continuité et évité à la logique une
conversion en un contexte différent. Ces deux principes (de systématisation et d’unicité) régissent la
communication en science. Le langage recourt à des concepts adéquats pour communiquer les faits, les
informations à quelqu’un. Ceci laisse entendre que les lois qui régissent les opérations intellectuelles sont
explicites, voilà qui favorise la communication. Il faut alors maîtriser les lois de la logique et cela en constitue
une logique sous-jacente. Le principe d’adéquation montre que « la logique sous-jacente à un contexte donné
doit être celle qui s’adapte le mieux à lui. »97 Pendant une étude d’un cas précis, il faut opter pour un système
des catégories raisonnables et des normes générales qui le gouvernent et ce système doit s’adapter à ce cas.
Il faut une adaptation, notion fondamentale qui fonde le principe d’adéquation. Ce principe d’adéquation
est justifié par la simple raison que les penseurs sont habités d’un grand désir de connaître et d’expliciter les
faits simplement.
1.2. HISTOIRE DE LA LOGIQUE98
La contribution de l’Egypte pharaonique dans la formation de la science en Grèce est remarquable,
par exemple les mathématiques dont l’influence a été non négligeable à l’endroit de Pythagore, de Platon,
etc. Selon les déclarations des Grecs, la philosophie hellénique devrait être fondamentalement
reconnaissante à l’Egypte de divers apports. Le monde oriental féconde, en partie, la science et la sagesse de
la Grèce.99 Les Grecs ont le mérite d’avoir systématisé la pensée reçue en dehors de la Grèce. Ceci montre
que « la mise en mots de la science a commencé dans l’Antiquité grecque »100 n’en déplaise à certains penseurs
africains qui ne comprennent pas que la systématisation de la science est l’œuvre des Grecs. Ces derniers
sont arrivés à créer des Ecoles dans lesquelles ils enseignaient à leurs disciples la science et c’est celle-ci qui
s’est ramifiée tout au long de l’histoire. C’est à ce niveau que la différence de taille se fait sentir entre la
science grecque (discutée et critiquée) et la science égyptienne (ésotérique, close, propre aux initiés). Voilà
qui a rendu la science égyptienne moins expansive et, au final, a provoqué sa disparition. La logique est
conçue, abordée et formulée différemment au cours de l’histoire de la philosophie,101 tels sont les propos
de Anton Dumitriu, logicien et philosophe roumain. Plusieurs philosophes aujourd’hui orientent leurs
réflexions vers la philosophie de la logique.
L’histoire de la logique est riche et variée. Je sais que quoique la cohérence soit manifeste dans les
pensées antérieures à Aristote, les écrits des logiciens montrent que « l’histoire de la logique remonte à
l’Antiquité, aux travaux d’Aristote et de Stoïciens, et résulte d’un travail de codification des procédés
d’argumentation et de raisonnement en usage à cette époque. Au Moyen Âge elle a fait partie intégrante des
études scolastiques, à côté de la rhétorique et de la grammaire. […] Descartes a critiqué son caractère formel

donner non seulement une axiomatique mais aussi des signes (concepts) et la manière de s’en servir. C’est en cela que consiste la théorie de la
démonstration appelée formalisation. (Cf. R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, p. 427.)
93Cf. P. FOULQUIE, Logique, Editions de l’école, Paris, 1957, p. 62. La philosophie des mathématiques dite formaliste est connue grâce aux travaux

logiques d’Hilbert et de son école. Hilbert cherchait une solution à la question du fondement des mathématiques. Il adopta une orientation
mathématique en vue d’étudier la syntaxe des preuves formalisées et démontrer l’impossibilité de contradiction des axiomes de l’arithmétique, de
l’analyse et de la théorie des ensembles. Il veut développer la théorie de la démonstration pour prouver la cohérence des systèmes formels destinés
à formaliser l’arithmétique et l’analyse. Il a distingué deux sortes de raisonnements et de principes mathématiques : les mathématiques réelles et les
mathématiques idéales. Les premières jouissent des méthodes élémentaires qui sont admises sans justification. Les deuxièmes usent des méthodes
abstraites qui nécessitent une justification. Dans le métalangage, la preuve de cohérence use des mathématiques réelles. Il s’agit de l’usage des
méthodes certaines c’est-à-dire finitaires. Mais tout théorème des mathématiques réelles est démontrable en utilisant des méthodes élémentaires. Si
les mathématiciens recouraient aux méthodes abstraites pour démontrer des énoncés concrets de la théorie des nombres, c’est parce que ces
méthodes facilitaient l’abréviation des preuves. (Cf. P. WAGNER, La logique, P.U.F., Paris, 2007, pp. 30 et 34-36.)
94N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 55.
95N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 58.
96N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 59.
97N. C. A. DA COSTA, Logiques classiques et non classiques. Essai sur les fondements de la logique, Masson, Paris, 1995, p. 59.
98 Nous rédigeons cette histoire de la logique, dans son ensemble, en nous inspirant de Robert. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à

Russell, Armand Colin, Paris, 1972.


99Cf. J. RUSS, « Les pensées fondatrices », in J. RUSS (dir.), Histoire de la philosophie. Les pensées fondatrices, Armand Colin, Paris, 1998, p. 9.
100J.-P. LUMINET, L’univers chiffonné, Gallimard, Paris, 2005, p. 15.
101Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 7.
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et sa stérilité alors que Leibniz a cherché à en faire une science générale, applicable à tous les raisonnements.
[…] Les auteurs comme Boole ont commencé à lui appliquer les techniques de l’algèbre, avant que la crise
des fondements des mathématiques ne précipite son évolution et ne lui fasse connaître une véritable
révolution »102 jusqu’à la logique symbolique. D’autres critiques ont conduit aux logiques polyvalentes dont
le développement remonte à Jan Lukasiewicz et à un groupe d’autres logiciens. Les nouvelles logiques ont
développé des sémantiques dont « l’interprétation d’un langage logique admet plus de deux valeurs de
vérité. »103
Quoique Ramus situe les débuts de la logique à l’époque de Noé et de Prométhée, Bochenski divise
l’histoire de la logique en : antiquité, Haut Moyen Age, la logique classique, moderne, la logique
mathématique. Cependant, en 1850, la logique s’affranchit des philosophes en faveur des mathématiciens,
voilà qui conduit à parler, par exemple Carnap, de la logique ancienne et la nouvelle logique. Certains auteurs
montrent que la logique à l’ancienne mode se prolonge sous la forme logistique dont les débuts remontent
à Leibniz.
1.2.1. De la dialectique à la logique aristotélicienne
La logique en sa qualité de science présuppose une logique spontanée. La science ne débute que
quand on apporte assez d’attention sur la pratique pour en faire une théorie. Savoir raisonner revient à être
capable de ne jamais commettre des paralogismes et de découvrir les erreurs chez autrui. Zénon d’Elée est
considéré comme l’inventeur de la dialectique. Dès le départ le terme dialectique signifie s’entretenir avec
quelqu’un, discuter, c’est la pratique du dialogue. Progressivement, le terme prend le sens d’une discussion
institutionnalisée dans un auditoire où deux interlocuteurs soutiennent deux thèses contradictoires.104 La
dialectique devient alors un art, surtout un « art de triompher de l’adversaire. »105 Il faut vaincre le rival grâce
à la finesse, à l’ingéniosité de l’argumentation et elle pousse à l’usage de la supercherie, voilà qui conduit à
l’éristique, l’art d’embarrasser l’adversaire et à la sophistique, l’art de tromper par des raisonnements
séduisants. Les sophistes faisaient usage de la dialectique en dénonçant les erreurs logiques dans
l’argumentation par laquelle on la défend. Ici le plus mauvais argument paraîtrait le meilleur. Ces
paralogismes volontaires et spécieux sont dits sophismes. Les mégariques ont favorisé aussi la dialectique à
la suite des jeux verbaux qui incitent à la recherche des erreurs de l’argument. D’ailleurs l’école mégarique
était qualifiée d’éristique et de dialectique.106 Par exemple, l’argument du menteur d’Euboulide est d’un
intérêt logique indéniable. La dialectique sous ses divers aspects prépare la logique. Platon confie au terme
dialectique un sens. Platon avance l’idée de la loi logique en se disant que de la même manière qu’il existe
des lois qui régissent les cours des astres, il existe aussi celles qui régissent les cours des raisonnements
quoique les hommes, dépourvus de la vue claire, tombent dans les erreurs en ne respectant pas toujours les
lois de la pensée.107 Il est d’usage dans le milieu intellectuel de formation d’Aristote. Dans sa démarche
scientifique, Aristote rappelle ce que ses prédécesseurs disent de la question qu’il aborde. C’est curieux que
pour la logique il n’en est pas le cas, puisqu’il soutient qu’on sujet de la logique il n’y a aucun travail
préliminaire. Elle commence avec Aristote en tenant compte du contenu dont il est l’inventeur. Trois étapes
dans la formation de la logique sont possibles : la pratique de la dialectique ; l’explicitation et l’organisation
des règles de l’argumentation dialectique ; le passage de l’étude de l’argumentation dialectique à la théorie
du raisonnement : la logique.108
1.2.2. La logique classique
L’expression « logique classique » désigne la logique de Théophraste, disciple et successeur
d’Aristote au Lycée. Il n’a pas transmis fidèlement la pensée de son maître à laquelle il a apporté diverses
nouveautés : introduction du syllogisme hypothétique ; remplacement de la théorie des modalités
aristotélicienne ; il parle des propositions indéterminées (les partielles) et celles déterminées (les singulières) ;
en analysant les propositions universelles, il parle des propositions « prosleptiques » : il s’agit des propositions
où les termes sont mis sur le même pied et traités comme des prédicats, prédicables d’un même sujet. 109
Ceci montre que les deux termes ne sont plus dans le rapport de prédicat à sujet. Ce sont ces innovations
qui ont révolutionné la logique d’Aristote, d’où l’appellation de « logique classique » de Théophraste. Depuis
longtemps, la proposition logique dans la pensée de Platon comprend deux éléments : sujet et prédicat ;

102P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 4.


103P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses, Paris, 2014, 74.
104 Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 17-18.
105 R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 18.
106Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 19.
107Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 21.
108Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 17.
109Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 84.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Aristote parle du sujet, copule et prédicat ; Théophraste, en analysant la proposition, parle de quatre éléments :
la copule (devenue une implication), deux termes déterminés jouant le rôle d’attribut prédiqué d’un terme indéterminé
qui est leur sujet.110 Parlant de deux termes déterminés, il faudra que leur commun sujet ne soit pas quantifié
de la même façon en se rapportant à chacun de ses prédicats. En conséquence deux propositions
contradictoires pourraient être vraies simultanément si on ne précise pas l’extension du prédicat. Alexandre
est érudit en physique mais ignorant en géologie, on peut dire qu’il possède et ne possède pas la science ;
pour éviter cette contradiction, il faut quantifier le prédicat : Alexandre possède quelque science ; Alexandre
ne possède pas toute la science. Théophraste a introduit des innovations dans la syllogistique, par exemple
les modes indirects. L’introduction dans la première figure cinq modes supplémentaires, il s’agit des « modes
indirects ». Aristote les reconnait bien seulement que Théophraste les a réunis et rapportés à la première
figure. Bien qu’ils rentrent dans la définition des modes parfaits, leur conclusion présente une particularité :
le petit terme, dans la conclusion, est prédiqué du grand.111 La théorie aristotélicienne des syllogismes
modaux a connu des innovations de la part de Théophraste : pour ce dernier, le contingent a un sens
unilatéral du pur possible qui est consécutif du nécessaire, sans symétrie. Par contre, le contingent est
compris comme synonyme du possible dans un sens bilatéral suivant la pensée d’Aristote c’est-à-dire que le
possible bilatéral n’est pas consécutif du nécessaire, car composé de la conjonction du non-impossible et u
non-nécessaire. Le Moyen Age a construit sa théorie des modalités sur l’approche de Théophraste du
possible et du contingent, c’est alors que les médiévaux disent, la conséquence est valable necesse ad esse et ab
esse ad posse.112 C’est curieux que dans la logique modale, la conclusion ne soit pas affectée de la prémisse la
plus faible, comment est-il possible que la combinaison d’une majeure nécessaire avec une mineure
assertorique conduit à une conclusion nécessaire ? Voilà que Théophraste conteste cette façon de faire de
faire. Si Q appartient à M de manière nécessaire mais si P appartient à Q de façon non-nécessaire, alors on
doit séparer ce qui n’est pas lié de manière nécessaire, alors comme Q est séparé de P, M l’est aussi de P il
ne lui appartient donc pas de manière nécessaire. Par exemple, dire que le catholique est nécessairement
charitable, et être charitable est le propre de catholique, on conclut que celui qui possède ce caractère :
charitable est catholique mais non pas qu’il l’est nécessairement.
1.2.3. La logique mégarico-stoïcienne
La logique d’Aristote est conceptuelle. Dans son approche extensionnaliste où la pensée porte sur
l’universel et l’abstrait, elle met l’accent sur la substance et l’essence et la définition s’y réalise grâce à la
différence spécifique. Elle se propose d’étudier le concept, les jugements et les raisonnements.113 Bivalente
et normative, la logique aristotélicienne fait recours aux symboles, notamment les lettres alphabétiques pour
symboliser les termes et même les propositions en tenant compte de leur quantité et qualité ; par contre les
Stoïciens recourent aux symboles différents de ceux en usage chez Aristote. Il s’agit des variables
propositionnelles pour la constitution des schémas d’inférence ou syllogismes indémontrables désignés par
des nombres ordinaux ; il s’agit d’une logique des propositions sous forme numérique. Les Stoïciens sont
nominalistes puisque pour eux il n’y a ni genres ni essences, tout être est caractérisé par sa qualité individuelle
et concrète. Cette approche compréhensiviste, où la pensée porte sur l’individuel, montre l’impossibilité de
parler de deux individus semblables étant donné que la définition n’est possible qu’à la suite d’une
énumération des particularités. Il s’agit d’une logique de l’événement c’est-à-dire ce qui survient, car les
propositions hypothétiques expriment les faits qui surviennent dans le temps.114 Elle est différente de la
logique des termes d’Aristote puisqu’elle est la forme ancienne du moderne calcul des propositions. La
logique des Stoïciens, dite improprement logique stoïcienne, est nommée dialectique par les Stoïciens eux-
mêmes puisqu’ils réservent le mot logique à tout ce qui se rapporte au langage (la rhétorique, la grammaire).
Cette dialectique a emprunté l’essentiel de son contenu à l’Ecole mégarique. Il faudrait qualifier cette logique
dite stoïcienne de la « logique mégarico-stoïcienne » dont son plein développement remonte à Chrysippe au
point que Diogène Laërce disait que si les dieux avaient une dialectique, elle ne serait que celle de Chrysippe,
ce dernier a été reconnu comme un grand logicien, le maître par excellence en logique, au même titre
qu’Aristote.115

110Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 85.
111R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 86. Les 5 modes imparfaits sont :(1) Si P appartient à tout
Q et si Q appartient à tout M, alors M appartient à certain P ; (2) Si P n’appartient à nul Q mais si Q appartient à tout M, alors M n’appartient à nul
P ; (3) Si P appartient à tout Q et si Q appartient à quelque M, alors M appartient à certain P ; (4) Si P appartient à tout Q mais si Q n’appartient à
aucun M, alors M n’appartient pas à certain P ; (5) Si P appartient à certain Q mais Q n’appartient à aucun M, alors M n’appartient pas à certain P.
112Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 86.
113Cf. A. VIRIEUX-RAYMOND, La logique formelle, PUF, Paris, 1962, 38.
114 Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire d’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1970, 94.
115 R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 91-92.
15
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Disciple de Socrate et influencé par les Eléates, Euclide fonde l’Ecole mégarique. Il retient des Eléates la
dialectique de Zénon d’Elée, considéré comme on inventeur. Ses successeurs mettaient l’accent sur
l’éristique et les mégariques sont désignés par dialecticiens ou éristiciens puisqu’ils étaient efficaces dans l’art
de la discussion, il s’agit de l’art d’embarrasser l’adversaire au point que certains d’entre eux ont été
surnommés les querelleurs. Eubulide116, adversaire d’Aristote, produit des paradoxes (du chauve, du
menteur, du voilé, du cornu, etc.), considérés comme des arguties. Diodore Cronos et Philon, son élève,
alimentent la querelle sur la nature de l’implication dans l’Ecole mégarique conduisant aux controverses.
L’implication est donc un opérateur qui relie dans une proposition hypothétique, une conditionnelle de la
forme (si p, alors q) son conséquent à son antécédent. Philon montre pareille proposition est vraie quand son
antécédent est faux ou son conséquent vrai ; par contre elle sera fausse quand son antécédent est vrai et son
conséquent faux. Cette approche de Philon conduit à la fonction de vérité et sa conception de l’implication
correspond à celle de l’implication matérielle de Russell. Diodore Cronos rejette ces possibilités de
l’implication vraie au motif qu’au cours de temps se présenteront des mutations de contexte et propose de
dire que l’implication est vraie quand elle « n’a pas pu ni ne peux […] commencer par le vrai pour finir par
le faux. »117 Il se fonde sur des modalités : « Nécessaire : ce qui est vrai et ne sera pas faux ; Impossible : ce
qui est faux et ne sera pas vrai ; Possible : ce qui est vrai ou sera vrai ; Non-nécessaire : ce qui est faux ou
sera faux. »118 Cependant l’implication stricte de Lewis indique qu’on ne peut pas avoir à la fois p et non –
q et cela pose que q est déductible de p. L’implication de Philon et celle de Russell s’opposent à celle de
Lewis.
Les Stoïciens, Zénon et Chrysippe, ont intégré la logique à la philosophie, divisée en trois branches :
logique, physique et morale. Selon eux, la logique constitue les os et les muscles, la physique la chair et la
morale l’âme. Ils répartissaient la logique sur deux sciences ; la rhétorique et la dialectique, art de la
discussion, divisée en deux parties : d’une part, les signifiants (le langage, son de voix, l’écriture ; les choses
et les événements) et traitant de la grammaire et de tout ce qui touche au langage, et de l’autre part les
signifiés (c’est ce que ceux qui comprennent la langue saisissent et qui échappe aux autres : c’est le lecton (
c’est le sens d’une expression), une pensée pensée et jamais une pensée pensante) sur lesquels se concentre
la logique. Voilà pourquoi les Stoïciens voulaient maintenir les structures logiques en excellente harmonie
avec les structures grammaticales.
Les Stoïciens ont retenu cinq formes fondamentales et canoniques du syllogisme dont la
formulation est attribuée à Chrysippe. Ces cinq syllogismes sont des indémontrables, les non-démontrés. (1)
si le premier alors le second, or le premier donc le second ; (2) si le premier alors le second, or pas le second,
donc pas le premier ; (3) pas à la fois le premier et le second, or le premier donc pas le second ; (4) Ou bien
le premier ou bien le second, or le premier donc pas le second ; (5) le premier ou le second, or pas le second,
donc le premier.119 Dans ces indémontrables, on voit que les Stoïciens utilisent la négation, l’implication, la
conjonction (combinée avec la négation donne l’incompatibilité, la non-conjonction) et la disjonction.

116On a attribué à Euboulide trois paradoxes, liés au concept de vérité : du menteur, du caché et du chauve. Epiménide, un crétois, dit : tous les
crétois sont menteurs. Ici, on est préoccupé de savoir si un menteur soutient qu’il est menteur, trompe-t-il ou dit-il la vérité ? Si on soutient qu’il
trompe à ce niveau il dit la vérité, comme il est menteur ; s’il dit vrai alors il trompe, car c’est la vérité de ce qu’il dit. Ce paradoxe montre qu’il y a
impossibilité de rapporter la vérité au mensonge. Le paradoxe du menteur est le plus célèbre de tous ceux liés à la vérité. En disant, je suis en train
de mentir, dis-je la vérité ? si je dis la vérité (d’être menteur) alors je suis en train de mentir et donc je ne dis pas la vérité. Si je ne dis pas la vérité,
alors je ne suis pas en train de mentir, et je dis donc la vérité. Voilà qu’en se demandant si un menteur dit : je suis en train de mentir, dit-il la vérité ?
on se trouve pris dans une contradiction. (P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 51). Le paradoxe se situe dans les deux réponses qui conduisent
à la contradiction. Pour le paradoxe du caché on montre qu’en sachant ce qui est caché, il ne l’est plus comme il est déjà connu. Pour certains autres
logiciens, il s’agit du paradoxe du voilé : On pose la question à Electre selon laquelle s’il est informé que Oreste est son frère. D’emblée c’est oui.
Mais Oreste se présente caché, voilé. Dans ce cas c’est normal qu’Electre ignore qu’Oreste est son frère, car déguisé. Alors Electre ne sait pas
qu’Oreste est son frère. Le paradoxe d’Euboulide sur le tas consiste à vouloir savoir à partir de quel nombre de grains ou du sable on peut avoir un
tas de grains ou du sable. Ce paradoxe montre que la distinction entre peu et beaucoup est arbitraire. Pour le paradoxe du chauve, on se demande
combien de cheveux faut- il avoir pour ne pas être compté parmi les chauves. Il existe aussi le paradoxe du cornu stipulant que ce que tu n’as pas
perdu tu dois l’avoir. Et si l’on te demande si tu as perdu des cornes et que tu répondes par non alors on estime que tu as des cornes. Abordant
l’étude de la théorie des ensembles, on attribue à Bertrand Russell le paradoxe du barbier selon lequel un barbier qui prétend raser tous les hommes
qui ne se rasent pas eux-mêmes dans la ville où il travaille, doit-il se raser lui-même ? S’il se rase lui-même, il a tort, car il ne doit pas raser ceux qui
se rasent eux-mêmes ; s’il ne se rase pas, il a toujours tort, car il doit raser tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes. (Cf. P. WAGNER, La logique,
P.U.F., Paris, 2007, p. 62 ; M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Eléments de la logique classique Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, pp. 43-
44 et 47-48 ; R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, pp. 424-425; P. GOCHET & P. GRIBOMONT, Logique, Hermès,
Paris, 1998, pp. 334-335.)
117R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 101.
118R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 102.
119Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 117. Les cinq indémontrables sont (MPP ; MTT ; MPT ;

MPT ; MTP) : (1) Si le premier alors le second, or le premier donc le second / Modus Ponendo Ponens. (M.P.P.), il s’agit de l’implication. Par exemple,
si la pluie tombe, alors la terre est mouillée, or la pluie tombe, donc la terre est mouillée. (2) Si le premier alors le second, or pas le second donc pas
le premier / Modus Tollendo Tollens. (M.T.T.), il s’agit de la contraposition. Par exemple, s’il est malade, alors il se rend à l’hôpital, or il ne se rend pas
à l’hôpital, donc il n’est pas malade. (3) Pas à la fois le premier et le second, or le premier donc pas le second. (M.P.T.), il s’agit de l’incompatibilité.
C’est la première forme du syllogisme disjonctif pas simultanément p et q, par exemple, il n’est simultanément le cas que les terroristes soient
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Les schémas d’inférence

1) p ⊃ q
or p
donc q

2) p ⊃ q
or ~q
donc ~p

3) ~ (p ˄ q)
or p
donc ~q

4) ~ (p ≡ q)
or p
donc ~q

5) (p ˅ q)
or ~q
donc p

La formalisation des schémas d’inférence

1. [(p ⊃q) ˄p] ⊃ q


2. [(p⊃q) ˄ ~ q)] ⊃~ p
3. [~ (p ˄ q) ˄p] ⊃ ~q
4. [~ (p≡ q) ˄ p)] ⊃~ q
5. [(p ˅ q) ˄~q] ⊃ p

L’enseignement de la logique est incontournable raison pour laquelle les ouvrages de logique
deviennent de manuels pendant la période du syncrétisme. Celle-ci est caractérisée par l’amalgame en un
enseignement logique unitaire de ce qui est tiré du péripatétisme et le stoïcisme. Certains auteurs, comme
Apulée, Galien, Porphyre et Boèce ont contribué à l’innovation de la logique et cela conduit à la logique
classique. Certains commentateurs d’Aristote contribuent à l’innovation de la logique. Par exemple :
Alexandre d’Aphrodisias offre la possibilité d’énoncer le syllogisme sous la forme inférentielle ; Jean
Philipon a introduit la définition des termes du syllogisme ; Sextus Empiricus fournit des amples
informations sur la logique mégarico-stoïcienne. Le latin commence à se poser en préparation du Moyen
Age. En dépassant les transcriptions peu heureuses d’Apulée, Marius Victorinus, Martianus Capella, Boèce
grâce à ses traductions des œuvres logiques d’Aristote a fixé le vocabulaire fondamental pour les siècles
suivants. Apulée, dans une de ses œuvres, note la division tripartite et traditionnelle de la philosophie en
physique, morale et logique. La logique étudie les rapports entre les quatre propositions classiques obtenues
à la suite de la quantité en les présentant in quadrata formula, en indiquant trois rapports : les contradictoires,
les contraires, les subcontraires. L’absence des subalternes chez Apulée est motivée par le fait qu’elles
n’entretiennent réellement pas les rapports d’opposition.
Porphyre apporte une modification sur les prédicables (les diverses sortes des prédicats possibles).
Certains prédicables expriment l’essence du sujet, sa quiddité et cela montre que la proposition est donc une
définition : l’homme être un animal raisonnable si le prédicat dit quelque chose qui, sans être l’essence du
sujet, lui appartienne cependant et appartienne qu’à lui seul, c’est le propre (pour l’homme être doué de la

déboutés et que les massacres soient continuels, or les terroristes sont déboutés, donc les massacres ne sont plus continuels. (4) Ou le premier ou le
second, or le premier donc pas le second. (M.P.T.), il s’agit de la disjonction exclusive. C’est la deuxième forme du syllogisme disjonctif p ou q mais
pas les deux, par exemple, ou la lettre D est consonne ou la lettre D est une voyelle, or la lettre D est une consonne, donc la lettre D n’est pas une
voyelle. (5) Le premier ou le second, or pas le second donc le premier (M.T.P.), il s’agit de la disjonction inclusive. C’est la troisième forme du
syllogisme disjonctif p ou q mais pas les deux, par exemple, ou les chrétiens sont à la chapelle ou les chrétiens sont à la maison, or les chrétiens ne
sont pas à la maison, donc les chrétiens sont à la chapelle.
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faculté de rire) ; s’il dit ce que le sujet a de commun avec d’autres sujets spécifiquement différents, c’est le
genre (pour l’homme être un vivant) ; il peut dire ce qui peut appartenir au sujet ou bien ne pas lui appartenir,
c’est l’accident (pour un homme être endormi). Porphyre y introduit deux éléments : en remplacement de la
définition il met la différence spécifique et au genre il ajoute l’espèce. Il faut établir la définition de la définition
alors il faut l’écarter des prédicables.120
Le prédicat est affirmé du sujet ou bien il est dit du sujet, le genre englobe l’espèce, il surabonde par
rapport à l’espèce et même l’espèce par rapport à l’individu. Partir du genre généralissime jusqu’à l’espèce
spécialissime et l’individu en passant par tous les degrés intermédiaires où chaque terme est espèce par
rapport à celui qui le précède et genre par rapport à celui qui le suit (substance, corps, corps animé (vivant),
animal, animal raisonnable, homme (animal raisonnable et mortel), Paul. Cette hiérarchie est représentée par
des schémas connus sous le nom d’arbre de porphyre.121
Dans De la démonstration de Galien figure l’impossibilité de la quatrième figure, car seules les trois
formes des syllogismes catégoriques sont possibles. La réputation de Galien en logique est une erreur, car
la tradition lui attribue faussement la quatrième figure, la figure galénique, composée des modes indirects de
la première figure introduits par Théophraste. 122 La confusion d’attribuer à Galien la paternité de la
quatrième figure s’est glissée au moment où il montre qu’il y a quatre figures à la suite des syllogisme
composés ayant quatre termes ; c’est à la suite de la confusion que la figure galénique est assimilée à la
quatrième figure du syllogisme classique à trois termes et deux prémisses.123 Lukasiewicz montre qu’à la suite
d’une étude des syllogismes composés on peut avoir un syllogisme à quatre termes réunis en trois prémisses
avec deux moyens termes, en les traitant suivant les mêmes principes qui fondent les trois figures, on en
compterait quatre. C’est cela que nous apprenons du texte d’un scoliaste inconnu. Galien introduit un
syncrétisme qui associe logique aristotélicienne et celle stoïcienne ; il mélange les vocabulaires il appelle les
modes de la première figure des indémontrés ; il ne se prononce pas sur la primauté des syllogismes
catégoriques et hypothétiques, il les juxtapose comme ils ont chacun un domaine d’application propre ; il y
ajoute les syllogismes de relation. Grâce à Boèce, le Moyen Age entre en contact avec Aristote. Il complète
le carré d’Apulée : addition des subalternes ; il introduit les termes : sujet, prédicat, contingent.
1.2.4. La logique médiévale et scolastique
La logique médiévale (celle qui va d’Abélard à Paul de Vénise) désigne la période du Moyen Age,
celle qui s’étend du VIème au XVème siècles. On doit la distinguer de la logique scolastique dont le début se
situe au moment où la logique est enseignée dans des écoles (universités, dont Bologne, Paris, Oxford au
XIIème siècle.) Les siècles antérieurs transmettent les legs culturels de l’Antiquité dénaturés par les invasions
des barbares du monde occidental, sauf les Iles britanniques dont l’inaccessibilité est due à leur insularité.
La misère intellectuelle et celle matérielle sont défavorables à l’étude. Dans certains endroits les instructions
rudimentaires étaient organisées, notamment chers les clercs. A la suite de la disparition du latin vulgaire,
Charlemagne l’apprenait comme langue morte et organisait un enseignement dans son empire grâce à
Alcuin, un religieux irlandais. C’est dans les monastères, en Irlande, que sont conservés, étudiés, recopiés et
diffusés les écrits de l’Antiquité. Les traductions et les commentaires de Boèce favorisent la prise de contact
avec les œuvres d’Aristote. L’attention est focalisée sur les Catégories, De l’interprétation et l’Introduction à
l’Isagoge, il s’agit d’organon mutilé et privé de la syllogistique. L’étude complète de l’Organon a été introduite
plus tard par Thierry de Chartres et Jean de Salisbury. La logique médiévale s’établit suivant trois étapes :
Ars vetus, ars nova et ars modernorum. L’Ars vetus (période de Pierre Abélard dont les écrits sont d’inspiration de
Boèce, la logique est centrée sur le contenu des Catégories, de De l’interprétation et de l’Introduction à l’Isagoge.
Il veut l’affranchir des interprétations métaphysiques d’origine néoplatocienne et il s’oppose au réalisme des
universaux, puisque seuls les individus peuvent être regardés comme des choses réelles, car Gaspard,
Aristote, Dismas, Solange sont des hommes. Le terme copule remonte à lui qui l’a précisé en analysant la
proposition où il montre que le verbe être assure la jonction entre le sujet et le prédicat. La logique est donc
enseignée grâce à Abélard.) Les traductions des œuvres d’Aristote par les Arabes montraient qu’il était le
premier philosophe, en Al-Farabi le deuxième à la suite d’avoir fait de l’étude de l’œuvre d’Aristote un
élément indispensable de la culture islamique, le troisième est Avicenne. Les Arabes ont influencé les
scolastiques grâce à Averroès, appelé le commentateur par les scolastiques. Tous ces apports ont élargi la
logique qui devient une discipline nouvelle, rénovée, voilà que c’est l’ars nova (la logique est fondée sur la

120Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 124.
121Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 124.
122Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 125.
123Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 125.
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totalité de l’organon) et ars modernorum.124 La philosophie aristotélicienne est aménagée par les soins d’Albert
le Grand et Thomas d’Aquin. Les antiqui s’attachent à la tradition en maintenant l’enseignement de la logique
d’Aristote mais étant plus philosophes que logiciens, la logique est un organon. Par contre les moderni
maintiennent l’œuvre logique aristotélicienne tout en évitant les doctrines traditionnelles. La période
florissante de la logique médiévale s’arrête avec la mort d’Albert de Saxe quoiqu’elle gagne en extension
géographique (Paris, Oxford, Italie et les Pays germaniques).
La logique médiévale et celle scolastique ne sont pas synonymes mais elles recouvrent la même
chose : la logique dont le recommencement n’a été possible que lorsque son étude a été répandue. La logique
scolastique se prolonge au-delà du Moyen Age. Elle a été longtemps ignorée puisque les chercheurs
éprouvaient des difficultés pour accéder aux manuscrits de cette époque. Les médiévistes mettaient l’accent
sur les idées métaphysiques et théologiques. L’étude des écrits logiques sont abandonnés aux spécialistes.
On retrouvait la logique chez les néo-scolastiques. A la suite de renouveau intérêt que la philosophie
scolastique a suscité chez les modernes, l’étude de la logique médiévale devient intéressante. La situation de
la logique, dite dialectique, se présente ainsi. La logique est enseignée dans les facultés des arts préparant aux
facultés de théologie, de droit et de médecine. Martianus Capella a tracé un programme d’études : trivium
(grammaire, rhétorique été dialectique), quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique) ;
toutefois la logique revient en théologie comme moyen d’argumentation et de preuve. La théologie fait appel
à la logique pour justifier les dogmes et pour réfuter les hérésies. La logique devient une science pourvue
d’un arsenal des moyens d’argumenter. Paradoxe, car la logique est enseignée comme une science dans les
facultates artium mais elle est utilisée comme un art dans les facultés où on enseigne les doctrines.
Contrairement aux Stoïciens qui considèrent la logique comme une science parmi les autres, à Aristote qui
la considère comme un art préparant à toute science, les logiciens médiévaux la considéraient simultanément
comme une science et un outil pour la science. La logique est donc enseignée sur la base formelle quoique
les théologiens en discussions philosophiques et utilisant les terminologies de la logique formelle en arrivent
à la logique philosophique. On introduit des éléments spéculatifs dans la logique formelle. Mais la logique
d’Occam refuse de confondre la logique avec la métaphysique, telle la première signification de son
nominalisme ; elle est acceptée et utilisée de tous les scolastiques même si les questions métaphysiques ou
de la théorie de la connaissance divisaient les scotistes et les thomistes, les réalistes et les nominalistes, etc.
La fameuse querelle des universaux relève de la philosophie de la logique qui pose la question du statut
ontologique des entités désignées par les termes généraux par-delà les concepts que ces termes évoquent
dans nos esprits.
On se demande si « ces universaux sont des essences qui existent par elles-mêmes, séparées des individus
concrets dans lesquels ils se réalisent, comme le sont les modèles par rapport à leurs multiples copies ? Ou
bien des telles essences résident-elles dans les individus concrets d’où l’intellect humain les extrait idéalement
par une opération d’abstraction ? Ces universaux n’ont-ils d’existence que dans l’esprit qui les conçoit, ne
sont-ils rien de plus que des idées générales ? »125 La question a été posée par Porphyre pour être renvoyée

124Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 140-141.
125R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 135-136. La préoccupation des universaux refait surface à
l’époque médiévale via la théorie de la suppositio, laquelle théorie vise à expliquer les modalités de renvoi d’un signe à une chose. La théorie de la
supposition montre qu’on parle de la supposition d’un terme ce qu’on met sous ce terme. La supposition est formelle quand le terme renvoie aux
choses qu’il représente (par exemple : l’homme est mortel) ; elle est matérielle quand le terme « est entendu de manière autonyme », le terme « est
pris de façon non significative », il est à lui-même son propre suppôt (par exemple : femme est un mot de deux syllabes, prêtre est un substantif) et
jamais ce qu’il est appelé à signifier. L’analyse des paradoxes notamment du Menteur impose de séparer ce qui est dit par une expression et ce qui
est dit au sujet de cette expression. La suppositio est « la propriété qu’ont les termes catégoriques de tenir lieu (de supposer pour) des réalités mentales
ou extra-mentales qu’ils servent à évoquer. » La suppositio signifie une sorte de position à la place d’autre chose, par exemple quand un terme tient
lieu de quelque chose dans une proposition même si on utilise ce terme pour quelque chose et que cela soit vérifiable. Occam considère que la
« supposition formelle » serait dite une « supposition personnelle », c’est celle-ci que Burleigh fait un cas de la supposition formelle qu’il divise en
deux : supposition simple (quand le terme est pris dans pour ce qu’il signifie) ; supposition personnelle (quand le terme est pris pour les individus
qu’il représente). Autrement dit, les suppôts du terme-sujet soit : le terme lui-même (supposition matérielle), les individus concrets que le terme
désigne (supposition personnelle), le sens du terme (supposition simple). Par exemple, « la femme est un nom » (suivant la supposition formelle ou
personnelle en interprétant le sujet ayant une signification, cette proposition est fausse, car le suppôt du sujet pourrait être : Simon, Syméon,
Lydie,…or ceux-ci ne sont pas de noms. Si le sujet est entendu de manière non significative conformément à la supposition matérielle, la proposition
« la femme est un nom » est vraie, car le terme femme est un nom et il est son propre suppôt. Occam considère que la distinction de Burleigh est
liée à son réalisme des essences, raison pour laquelle il divise la supposition personnelle en : supposition discrète (celle dont le sujet représente un
individu) ; la supposition commune (celle où le sujet fonctionne comme un universel). C’est grâce cette théorie de la suppositio empruntée à Pierre
d’Espagne qu’Occam pose le problème des universaux. La question de savoir si l’objet substitué par le terme est réel ou pas, si son existence est à
situer dans l’âme ou hors de l’âme en qualité d’un sujet ou d’un objet est une question scolastique à laquelle les réponses en trois orientations ou
tendances furent attribuées, à savoir : Le conceptualiste, le réaliste et le nominaliste. Occam énonce son argument méthodologique, le principe
d’économie, appelé le ‘rasoir d’Occam’ : « entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem » ou bien pluritas non est ponenda sine necessitate. Pour Wittgenstein
la signification de ce principe d’économie d’Occam est la suivante : « si un signe ne sert à rien, il est dépourvu de signification. » [M.-L. ROURE,
Éléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, pp. 28-29 ; R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972,
158-159 ; L. WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, Gallimard, Paris, 1961, p. 65, note de bas de page n°1 et (3.328)].
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aux métaphysiciens. Concernant les espèces et genres, il se demande s’ils sont des réalités subsistantes en
elles-mêmes ou de simples conceptions de l’esprit, si elles sont des réalités substantielles, sont-elles
corporelles ou incorporelles, sont-elles séparées ou subsistent-elles dans les choses ? C’est de ceci que
sortiront les controverses sur les universaux. Le haut Moyen Age est dominé par le réalisme des essences,
seuls les individus eux-mêmes existent et la généralité est répercutée sur le langage, pareil nominalisme (du
flatus vocis) est présentée sous sa forme la plus poussée par Roscelin et cela qui marque réellement le début
de la querelle des universaux. L’Eglise la combat puisque dans sa version de fatus vocis, elle est incompatible
avec les dogmes (la Trinité). L’influence de Platon est supplantée par celle d’Aristote christianisé par Thomas
d’Aquin et la thèse du réalisme immanent devient une doctrine officielle. Par la suite on assiste à un retour
offensif du nominalisme qui provoque la division entre les antiqui (partisans de la philosophie d’Aristote à
la suite de son adaptation aux dogmes de l’Eglise) et les moderni (soucieux de dégager la logique des
controverses métaphysiques et théologiques pour la ramener sur le plan du langage). Ici le nominalisme ou
terminisme devient une doctrine qui refuse la métaphysique ou l’introduction de la métaphysique dans une
discipline. Il devient une attitude méthodologique pour ramener la logique à sa fonction de scientia sermonalis
alors est universel tout terme attribuable à une diversité d’individus. Pour distinguer la logique de la
rhétorique et de la grammaire, on l’appelait scientia rationalis (la logique apprend à parler véridiquement en
apprenant à éviter les fautes du raisonnement et produire des inférences valides, la grammaire correctement
et la rhétorique élégamment).
Les Médiévaux formulent des syllogismes comme schèmes d’inférence. Ils développent leur théorie
propre, à savoir : la théorie des consequentiae où on reconnaît représentées certaines lois logiques, préfigurant
la logique contemporaine. Située dans le prolongement de la logique mégarico-stoïcienne, la logique des
conséquences, où le terme « conséquence », à partir d’Abélard, désigne la proposition conditionnelle de la
forme si…alors, indique que la conséquence « est une proposition hypothétique composée d’un antécédent
et d’un conséquent reliés de manière telle qu’il soit impossible que l’antécédent soit vrai et le conséquent
faux. »126 Elle montre que d’une proposition fausse peut découler une proposition vraie.127 Le mot
impossible en usage de la définition de la conséquence englobe l’impossibilité matérielle. Ceci conduit à des
conséquences formelles et des conséquences matérielles. Une conséquence formelle indique toute
proposition ayant la même forme et est dite une conséquence valide. Elle est donc une tautologie ; par
contre, elle est matérielle quand la condition n’est pas remplie c’est-à-dire quand elle peut cesser d’être valide
en y changeant les termes quoiqu’on garde sa forme.128 Les conséquences matérielles sont subdivisées en
celles simples et celles valables seulement ut nunc. La première est valide pour tout le temps et la seconde
est valide quand la condition n’est pas remplie. C’est sur la base de cette distinction qu’on se souvient de
l’implication de Diodore et de Philon. Le premier critiquant le second montre que » s’il est nuit il fait clair »
puisque sa vérité varie selon le moment de la journée. L’implication qui intervient dans celle de Philon est
ut nunc, c’est l’implication de Russell, dite matérielle, figurant dans un calcul vérificationnel. C’est dans cette
implication qu’on retrouve les paradoxes de l’implication matérielle où le faux implique soit le vrai soit le
faux par contre une proposition vraie est impliquée par toutes les propositions. La logique des conséquences
est une connexion des jugements et use des lois implicatives dans lesquelles la non-conjonction implique la
disjonction et la non- disjonction implique la conjonction. Il s’agit de : (1) Non (p et q) implique non p ou
non q à formaliser ainsi : (p Λ q) ( p V q) ; (2) Non (p ou q) implique non p et non q à formaliser
ainsi : (p V q) ( p Λ q). Ces lois ont été redécouvertes par De Morgan. Celui-ci ajoute aux deux
membres la négation et en les unissant au moyen de l’équivalence. On remarque que le premier membre
compte une double négation et la double négation équivaut à l’affirmation. Ces lois sont ainsi formalisables :
la définition de la conjonction par la disjonction : (p Λ q) ( p V q) ; définition de la disjonction
par la conjonction :
(p V q) ( p Λ q). A ces lois on ajoute celle de la contraposition, ainsi énoncée : p implique q
entraîne non q implique non p c’est la contraposition: (p q) ( q p).129 Voilà que les lois de De
Morgan étaient connues des Médiévaux : Occam, Albert de Saxe, Buridan, en ces termes : « la négation
126PSEUDO-SCOT cité par R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 161-162.
127Jean Buridan est célèbre grâce à son argument de l’âne. L’âne de Buridan avait soif et faim et se trouvait à égale distance d’une botte de foin et
d’un seau d’eau. Il demeure perplexe, car ne réussit pas à se décider ou à choisir. C’est un âne imaginaire, incapable de choisir entre deux actes, les
mobiles ou les motifs en faveur de l’un ou de l’autre étant équivalents. Cette liberté est considérée comme la plus basse de la liberté. (Cf. E.
CLEMENT, C. DEMONQUE, L. HANSEN- LOUE, P. KAHN, La philosophie de A à Z, Hatier, Paris, 1994, p. 18 ; N. MBOLOKALA IMBULI,
Initiation à la logique, Kratos, Kinshasa, 2007, p. 10.)
128Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 161-162.
129P. THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 34-35.
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d’une proposition copulative est la proposition disjonctive composée des négations des éléments de la
copulative. »130
Les médiévaux ont travaillé sur le syncategoremata en montrant que la matière d’une proposition est
constituée des termes catégorématiques (les sujets et les prédicats). Les syncatégorématiques sont des termes
par lesquels les catégorématiques sont conjoints, disjoints, déterminés. Les « catégorèmes (…et)
syncatégorèmes »131 indiquent que les termes qui renvoient à un signifié (un objet) sont dits catégorématiques
c’est-à-dire des termes susceptibles d’être « sujets ou prédicats dans une proposition catégorique »132, par
contre les termes dépourvus d’eux-mêmes de rôle signifiant mais qui favorisent la précision ou la liaison et
leur signification n’est possible qu’en liaison avec les termes catégorématiques sont dits syncatégorématiques.
Ces derniers « ne peuvent être ni sujets ni prédicats, du moins lorsqu’ils sont pris selon leur fonction naturelle
qui est formelle. »133 Par exemple, les termes, appelés quantificateurs, comme : tout, quelque, aucun, seul,
nul, certain, peu de, etc. précisent l’extension du sujet ; les négations affectent les prédicats ; les connecteurs
comme et, ou, si… alors, etc. ; nécessaire, contingent, etc. sont des termes syncatégorématiques, car ils
confèrent à la proposition sa forme.
Le procureur des infidèles, le Catalan dit Ramon Llull connu sous le nom de Raymond Lulle,
considère la logique comme un Grand art (ars combinatoria) et travaille en fonction de la conversion des juifs
et des musulmans en demandant à son art de lui fournir des moyens de forcer les convictions pour ramener
les esprits et les âmes à la religion,134 la vraie foi à obtenir au moyen de la force d’un raisonnement bien
conduit. Son ars combinatoria est destiné à résoudre tout problème théorique. Il a organisé des croisades
logico-théologiques qui n’ont eu aucun succès.135
1.2.5. La logique pendant la renaissance
Robert Blanché136 montre que la renaissance est considérée comme la mise en sommeil de la
logique à la suite de son humanisme qui radicalise « l’homme honnête » par opposition à « l’homme pédant ».
Ce dernier est le scolastique c’est-à-dire l’homme dont l’esprit ne réussit pas à se dégager des habitudes
acquises à l’école où l’apprentissage de la logique et de ses formules est central. Voilà qui poussa Montaigne
à dire au précepteur « d’avoir plutôt la tête bien faite que la tête bien pleine. » Il invite le précepteur à cultiver
le jugement de l’apprenant et à ne plus charger sa mémoire. N’emprisonne pas les enfants dans des collèges
et ne les abandonne pas à la colère et à l’humour mélancolique d’un furieux enseignant, en cas tout évitons
de corrompre son esprit, l’espérance est déçue, on n’y voit aucune excellence puisque les collèges les
abrutissent. La cause de tout cela, c’est la logique où on demande aux apprenants de mémoriser Datisi,
Ferio,… Voilà qu’Aristote est remis en cause par les esprits affranchis qui jettent un discrédit sur la logique.
En abandonnant le syllogisme et la théorie de la preuve, les esprits affranchis tournent vers la théorie de
l’argumentation (la dialectique et la rhétorique). Par exemple, la rhétorique de Cicéron devient alors efficace,
puisqu’elle est limpide, claire et s’adresse à l’homme. Pierre de La Ramée (en latin Ramus 1515-1572) s’est
montré anti aristotélicien, anti scolastique au point de publier dans une langue vulgaire sa Dialectique (en
1555), premier texte de logique écrit en français. On note qu’il restait toujours dans les cadres traditionnels
puisque en essayant de modifier la classification des propositions catégoriques où les singulières sont
distinguées des générales et celles-ci divisées en universelles et particulières, il estime, et c’est discutable, que
la division principale situe entre les générales et les spéciales et celles-ci se subdivisent en particulières et en
propres. Il propose que l’ordre de deux premières figures soit changé et donc que la première devienne la
deuxième et la deuxième la première. A celle qui devient sa deuxième figure il propose la mutation des
prémisses. Pour lui quand les deux prémisses universelles, qu’il appelle des propositions générales, alors le
syllogisme est dit général ; quand elles sont singulières ou propres, le syllogisme est propre et quand l’une
des prémisses est universelles ou singulières, le syllogisme est spécial. Francis Bacon, homme moderne de
la renaissance n’en déplaise à des anticipations, prétend renouveler la logique d’Aristote, stérile et verbale,
en la remplaçant par une méthode expérimentale efficace : l’induction qu’il oppose à celle déductive prend
à rebours cette dernière. C’est curieux que la mathématisation de la physique, caractéristique de la science
moderne, lui échappe. Cependant sa méthode comprend le défaut médiéval : tendance à faire dégénérer le
travail intellectuel en une application machinale. Pour lui la méthode est un outil qu’on peut se passer de

130R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 139.
131J.CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 201.
132M.-L. ROURE, Eléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 28.
133M.-L. ROURE, Eléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 28.
134Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 164-165.
135Cf. Ch. DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XX ème siècle, Seuil, Paris, 1995, 24.
136Nous devons cette synthèse à R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 169-171.
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main en main et son usage rend tous esprits égaux. Son Novum organum comporte des éléments passables
dans la méthode scientifique moderne.
Au début de l’époque moderne, Robert Blanché137 montre que la science s’élabore et s’expose sans
référence aux schémas syllogistiques et des instructions de la logique ancienne. L’abandon de la logique à
cette époque est dû à sa critique focalisée sur « asservissement aux concepts génériques et mécanisation de
la pensée »138 Elle remplacée par la mathématique, discipline rectrice pour le travail scientifique et donc pour
les opérations de l’entendement. Ceci implique la coexistence de la logique avec la mathématique avec deux
thèmes inconciliables : la séparation de ces deux sciences à la suite de l’opposition entre elles comme elles
sont différentes essentiellement ; le syllogisme représente la seule forme de déduction valide même si on
pense que le raisonnement mathématique se résout en syllogismes. Les notions mathématiques comment à
s’infiltrer en logique et la logique mathématique est arrivée à concilier ces deux thèses. Par exemple, l’italien
de Padou, Zarabella (1532-1589) professe la force du syllogisme tout en faisant place aux deux méthodes
mathématiques : analyse et synthèse, qu’il appelle successivement méthode résolutive et méthode composite
puisqu’il les considère comme les instruments du progrès scientifique.139 On sent que les efforts des
chercheurs consistent à affranchir la logique de la métaphysique pour en faire une méthodologie de la
recherche scientifique. La révolution scientifique, représentée par Descartes, conduit au rejet de la logique
et de la philosophie. Elle prend en compte l’explication théorique de la méthode pratiquée par la science.140
Descartes illustre le déclin de la logique aux temps modernes. A la recherche de sa méthode, Descartes
s’adresse à la logique pour la critiquer, elle ne fait qu’exposer sans concourir à la quête de la vérité. Il ne
s’inspire pas de la logique, car il se réfère à l’algèbre et à la géométrie, seules sciences connues, exemptes de
fausseté et d’incertitudes.141 Par exemple au sujet des universaux, Descartes a affaire aux idées
mathématiques dont l’encrage se situe dans la relation. Celle-ci reliant deux termes est différente du moyen
terme aristotélicien. La déduction mathématique ou cartésienne est fondée sur la relation qui favorise la
construction, grâce au petit nombre de termes premiers et absolus, d’une variété indéfinie des termes
nouveaux et déterminés parfaitement. Cette déduction cartésienne unit la fécondité à la rigueur142, elle diffère
de celle aristotélicienne au niveau de la démarcation qui entre la logique des relations et celle d’attribution.
Outre la stérilité, elle reproche à la logique aristotélicienne aussi le formalisme (visant l’organon) consistant
à émousser l’intelligence par une obéissance dogmatique aux règles favorisant que l’on se prononce sur les
choses qu’on ignore. C’est curieux qu’un algébriste s’attaque au formalisme, toutefois il pense que l’algèbre
dissociée de la géométrie devient un art confus et obscur qui embrouille l’esprit. Par ailleurs, « l’association
intime de l’algèbre et de la géométrie [… apporte] une garantie aux représentations spatiales par la possibilité
qu’elle offre de de les traduire en relations intellectuelles ; elle a […] l’avantage de permettre le contrôle du
formalisme algébrique par un appel à l’intuition. »143 C’est ce que la postérité a appelé « la géométrie
analytique », une algèbre figurée. Cette nouvelle géométrie favorise l’intellectualisation de l’intuition spatiale,
en conséquence il n’y a pas de raisonnement formel possible puisque soit le début de la déduction se fonde
sur des idées claires et distinctes et donc la déduction est non seulement formellement correcte mais aussi
matériellement vraie ; soit le début de la déduction se fonde sur des idées confuses et obscures alors il n’y a
pas de certitudes du côté des conséquences qu’on peut en tirer ; voilà que la quête de Descartes c’est la vérité
et jamais la cohérence, car la méthode doit rendre éveillé et attentif l’esprit c’est-à-dire augmenter l’éclat
naturel de la raison. La méthode est donc soit un instrument étranger soit une disposition intrinsèque de
l’esprit, il s’agit de emendatio intellectus (Spinoza). Descartes réduit toutes les règles en quatre énoncées dans
Discours de la méthode où il ne développe pas la méthode, car son projet n’y consiste pas à l’enseigner, elle qui
consiste plus en pratique qu’en théorie. Ces règles ne sont pas celles de la logique par contre elles sont celles
de la méthode. La méthode réside dans la possession de bonnes habitudes intellectuelles dont l’acquisition
et la fortification se concrétisent dans l’exercice.
La logique est considérée comme une science d’accès difficile à la suite de son abstraction et l’Ecole
lui consacrait une année d’étude. Paradoxe, Arnauld enseigna le contenu nécessaire de la logique au jeune
duc de Chevreuse en quelques jours. La remise sur la scène scientifique de la logique revient à la logique de
Port-Royal, écrite par deux jansénistes : Antoine Arnauld et Pierre Nicole. C’est grâce à ce livre que les
honnêtes gens ont appris la logique à cette époque. Il a vaincu les oppositions et résistances des enseignants

137R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 174.
138R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 174.
139Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 174.
140Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 175.
141Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 175.
142Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 177.
143R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 178.
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Jésuites. Ces auteurs se démarquent de la définition de la logique comme une discipline spéculative et la
définissent comme un art par lequel on apprendrait à mieux penser, elle est donc une discipline pratique
dont le but est d’exercer le jugement et de le rendre plus certain, il faut subordonner l’art de raisonner à celui
de penser en l’illustrant par des exemples empruntés à tous les domaines de la pensée.144 Cette logique de
Port-Royal recourt aux règles de Descartes et Blaise Pascal et cela confirme la vision de la logique de Port-
Royal la considérant comme un art de diriger la pensée. La logique de Port-Royal présente de différences
avec la logique aristotélicienne. Par exemple, au sujet des éléments de la proposition, on substitue le mot
idée au concept, la distinction dans les idées entre leur compréhension et leur étendue. La nouveauté se situe
au niveau du mot compréhension (de l’idée est l’ensemble des attributs qu’elle renferme en soi, qu’on ne
peut lui ôter sans la détruire) en opposition au mot extension.145 Une autre innovation c’est au niveau des
définitions de nom. Aristote avait déjà réalisé la distinction entre les définitions indiquent l’essence de la
chose et celle qui confèrent la signification d’un mot ; telles furent des définitions réelles (quid rei) et
nominales (quid nominis). La logique de Port-Royal reprend les définitions des choses et des noms tout en y
introduisant une troisième définition dite dénomination (le fait d’imposer un nom pour désigner une certaine
notion susceptible de remplacer une expression complexe pour abréger le discours, par exemple « tout ce
qui est divisible par deux » est une expression remplaçable par le mot « pair. » Cette logique admet, en plus
des propositions catégoriques d’Aristote, les propositions complexes ou composées parmi lesquelles il y a
les propositions exponibles (il faut analyser, exposer les propositions en vue de l’apparition de leur structure
logique.), à savoir : exclusives, exceptives, comparatives, inceptives ou désitives. Il y a d’autres propositions
exponibles où la composition est marquée par le langage, il s’agit de : copulatives, disjonctives,
conditionnelles, causales, relatives et discrétives. (Les discétives sont propositions dans lesquelles le second
membre commence par mais, cependant. On les considère comme les contradictoires des copulatives,
comme des copulatives affirmatives c’est-à-dire comme des propositions conjonctives.)146 Robert Blanché
note que la notion d’exponibles est d’origine scolastique et on retenait généralement trois espèces
d’exponibilia : exclusiva, exceptiva et reduplicativa.147 La logique de Port-Royal assimile les propositions singulières
à des universelles. Pour les auteurs de Port-Royal, on dirait qu’il n’y a pas de logique formelle. La forme
qu’ils reconnaissent est celle du discours et il y a des opérations logiques de l’esprit qui se donnent en
spectacle dans ces formes du langage sans en être prisonnières ; en conséquence la logique est un « art de
penser […] de dégager la pensée véritable sous les habillements de la forme verbale »148 en remontant de la
forme au sens susceptible de favoriser l’interprétation de la forme. Ceci indique le rapport entre la grammaire
et la logique consigné dans « Grammaire générale et raisonnée », écrite par Arnauld et Lancelot. La logique
de Port-Royal, dans le traitement de la syllogistique, retient les modes des médiévaux et la procédure d’en
établir les corrects. Cette logique ramène les lois concernant les termes à deux : le latius hos (le petit ou le
grand termes ne doivent pas avoir, indépendamment l’un de l’autre, une grande extension dans la conclusion
que dans les prémisses) et le moyen terme doit être au moins une fois universel. Ces deux règles seraient
ramenées à celle plus générale : la conclusion est contenue dans les prémisses. Voilà qui réactive les
accusations de la conclusion du syllogisme d’être une tautologie, une pétition de principe, un cercle vicieux.
Cette logique adopte la quatrième figure (prae-sub), celle attribuée sans bonnes raisons à Galien.
1.2.6. La logique moderne
La crise des mathématiques a impulsé le formalisme. Ce dernier désigne simultanément une
technique et un mode d’organisation des mathématiques (formalisation) et une attitude selon laquelle tout
ce qui n’est pas formalisé ou ce qui n’est pas dans le contexte des langages formalisés usuels est incertain et
non mathématique.149 Les textes de Pierre Wagner renseignent que Leibniz ambitionne de « réaliser une
langue logique qui permette non seulement de formuler les raisonnements mais également de trancher les
disputes métaphysiques et théologiques. »150 Il propose la réduction des concepts complexes en simples,
fondements de la pensée. Ces concepts simples sont à inventorier et représenter au moyen des signes
rudimentaires. Il faut la reconstruction entre les concepts simples et les concepts complexes. Ces derniers
sont représentables au moyen de symbiose correspondante des signes. En plus, Leibniz s’adonne à
l’amélioration du Grand art de Raymond Lulle. Il se propose de contribuer à l’unification du genre humain

144Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 179-182.
145Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 184.
146Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 184-185.
147Cf. R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 185, note de bas de page n° 2.
148R. BLANCHE, La logique et son histoire. D’Aristote à Russell, Armand Colin, Paris, 1972, 186.
149Cf. J. LARGEAULT, Logique mathématique. Textes, Armand Colin, Paris, 1972, Glossaire, 263.
150P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 6.
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en facilitant l’unification du savoir au « moyen des règles purement logiques. »151 Il faut les traduire dans une
langue universelle à laquelle tout le monde peut accéder. Pareille langue est celle des mathématiques. C’est
ainsi qu’il conçoit une écriture formelle (lingua characteristica), composés des signes capables de noter, en
suivant les règles combinatoires, les concepts pensables.152 C’est de cette façon que l’ars combinaria qui
constituera la lingua characteristica universalis, [la caractéristique universelle], une langue ou une écriture
universelle, dite caractéristique, de la pensée au service de la raison puisque les langues naturelles servent
mal la raison. Grâce à la langue universelle, les connaissances sont susceptibles d’être réunies en une science
générale fondée sur la déduction mathématique. Pareille langue rationnelle favorise « l’expression de toutes
sortes de raisonnements, auxquels pourrait alors être appliqué un calcul [… dont] le résultat […] devait
permettre de déterminer si les raisonnements en question étaient corrects ou incorrects. »153 L’idée de calcul
logique intéresse Leibniz. S’inspirant de l’arithmétique et de l’algèbre, Leibniz, pour réaliser son « projet d’un
calculus ratiocinator »154, remet en cause la clarté entre la pensée et la langue naturelle. Les langues naturelles
sont différentes les unes des autres. Elles expriment de façon manifestement insuffisante la raison générale.
La science devient un calculus ratiocinator, expression manifeste du raisonnement. Leibniz est parvenu à briser
la dépendance excessive de la logique formelle des langues naturelles. A ce symbolisme conventionnel de la
lingua characteristica, on y applique « mécaniquement certaines opérations pour obtenir, par simple calcul, la
réponse »155 à toute question. C’est cela qui ouvre à l’avènement de la logique symbolique, dotée d’une
graphie et d’une langue adéquates. Le langage devient symbolique et formalisé ; alors la nouvelle logique
« est la continuation de l’ancienne par extension du langage et développement de moyens plus puissants. »156
Les compléments et les tentatives de la symbolisation furent réalisés par Lambert qui s’adonnait à la
construction d’un « symbolisme logique basé sur les opérations algébriques »157 quoique ces essais
conduisent à des impasses. Euler, amateur de la syllogistique d’Aristote, use de la méthode de représentation
géométrique pour indiquer l’extension des prédicats dans une proposition affirmative ou négative. Rassuré
des apports de la logique aux mathématiques, étant donné que de sa bonne utilisation résulterait la solution
au problème d’encrage des mathématiques, Bolzano, antikantien comme Cantor mais leibnizien convaincu,
s’oppose à la thèse kantienne niant à la logique un moindre progrès depuis Aristote, en conséquence, il
rejette la doctrine de l’Esthétique transcendantale. Il s’adonne à la contestation des jugements synthétiques
a priori et de la notion d’intuition pure. Bolzano construit une théorie générale des mathématiques en fondant
celles-ci sur la logique. Pour lui, les lois logiques sont « des vérités autosubsistantes »158, pareil idéalisme
logiciste influencera les logiciens modernes. Hamilton demeure dans la tradition aristotélicienne en
focalisant son attention sur l’extension du prédicat obtenue grâce à la qualité que revêt un jugement. Il se
propose de quantifier le prédicat en parlant des propositions : toto-totale, toto-partielle, parti-totale et parti-
partielle. Ce faisant, à la suite des rapports étroits entre la philosophie et la logique, celle-ci a connu des
critiques philosophiques comme celle de Hume, de Kant, de Hegel, etc.159 qui ont contribué efficacement
au progrès et à l’enrichissement de la logique.
Les textes de Boole indiquent la renaissance de la logique. A la suite de Leibniz, il montre que les
mathématiques ne sont pas seulement la science du nombre ou de la quantité mais elles sont aussi un langage
formel universel. Motivé par l’algébrisation de la logique, Boole, pour réaliser sa « conception d’un calcul
algébrique appliqué à la résolution de problèmes logiques »160, procédait à la dissociation de la logique de la
philosophie. Considérant que la logique faisait partie intégrante des mathématiques, indépendantes de
l’abstraction philosophique depuis l’Antiquité, il lui dota d’un langage mathématique. La logique formelle
aristotélicienne dont le fondement se situe dans le langage naturel cède la place à la logique symbolique. Sans
proposer un langage exclusivement logique comme le souhaitait Leibniz et se référant à l’algèbre, Boole
réalise la réduction de la logique aux mathématiques en usant d’un calcul logique (la langue de l’algèbre). Il
apprécie, après étude, les propriétés opérationnelles exerçables sur certains objets et d’en tirer les lois. Il
s’agit de la possibilité de « mener une investigation des lois de la pensée. »161 Les lois fondamentales du

151Ch. DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXème siècle, Seuil, Paris, 1995, 25.
152Cf. Ch. DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XXème siècle, Seuil, Paris, 1995, 24.
153P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses, Paris, 2014, 13.
154P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 89.
155 Ch. DELACAMPAGNE, Histoire de la philosophie au XX ème siècle, Seuil, Paris, 1995, 24.
156J. LARGEAULT, « Préface » à B. RUYER, Logique, PUF, Paris, 1990, 11.
157S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 57.
158S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 58.
159Cf. S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 58-60.
160P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 89.
161P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 90.
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raisonnement sont exprimables dans un langage symbolique d’un calcul.162 L’utilisation de ce calcul logique
exige « la détermination de règles empruntées à l’algèbre pour l’usage des signes. »163 Dans sa logique, les
signes des variables [x, y, z, …] représentent les objets. Ceux-ci entretiennent entre eux des relations logiques
étudiées comme celles des classes en tenant compte de leurs extensions. Les signes arithmétiques comme
l’addition, la multiplication, la soustraction indiquent les opérations sur les objets. Il note la classe pleine par
1 et celle vide par 0 et V symbolise le mot ‘quelque’. (ex : tous les militaires sont prudents, devient tous les y sont
quelques prudents ; symboliquement y = vx). Spécifique et dépourvue de signe de négation, l’algèbre binaire
ainsi formée est dite algèbre de Boole, paradoxalement elle ne constitue pas un langage de la logique
moderne. Elle conduit à la formalisation de la logique aristotélicienne étant donné qu’il a conçu « un procédé
de calcul pour la solution de questions logiques. »164 La méthode logique consiste à appliquer le calcul
algébrique sur des problèmes qui ne concernent pas directement les objets mathématiques. Elle indique par
contre les liens entres les choses ou les jugements dont la présentation se fait sous forme d’équation.
Considérant chaque jugement comme une équation c’est-à-dire une identité entre le sujet et le
prédicat, Jevons, comme Boole l’a fait, contribue efficacement à la réduction de la logique à l’algèbre.165 Les
critiques que De Morgan, Venn et Peirce ont adressées à l’algèbre de Boole l’ont conduite à des avancées
significatives, en conséquence elle a évolué vers « la logique symbolique moderne. »166 Par exemple, De
Morgan élabore des lois de dualité dans le langage de Boole même si elles ont été en usage chez les
Médiévaux.167 Ces lois redécouvertes sont dites celles de De Morgan : la définition de la conjonction par la
disjonction et la définition de la disjonction par la conjonction. Elles s’obtiennent en ajoutant à chaque
membre une négation. Venn introduit des diagrammes dits ‘diagrammes de Venn’ pour déterminer
l’extension des propositions composant un syllogisme. Il faut dessiner trois diagrammes représentant les
trois termes d’un raisonnement. Contredisant Boole, soumettant les mathématiques à la logique et montrant
que le jugement doit comprendre une relation d’inclusion, Peirce réussit à faire passer « l’algèbre au calcul
logique »168 des prédicats et des jugements. Pour lui, l’inclusion comprend déjà l’égalité alors toute la logique
est celle des relations des termes entre eux. Considérant que Boole ne distingue pas la proposition générale
de la proposition particulière, Peirce introduit la notion de quantificateur et invente les tables de vérité avec
« une liste des 16 opérations possibles entre deux propositions. »169 Frege, écrit P. Wagner, remet en cause
« les limites d’une méthode algébrique qui ne se présente jamais comme une analyse du contenu des
formules, mais qui voit au contraire dans l’ignorance délibérée de ce contenu le principe de sa fécondité. »170
La constitution du calcul particulièrement logique fut rendue effective par Frege et Russell au motif que le
logicisme serait compris soit comme « une déduction de l’arithmétique »171, selon Frege ; soit, chez Russell,
une déduction « des mathématiques tout entières. »172

162Cf. P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 93.


163P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 93.
164P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 97. Continuée par Peano et Russell, la formalisation remonte à Frege. Elle s’accompagne de

l’axiomatisation de la logique et de l’arithmétique. Auxiliaire de l’axiomatisation, la formalisation procure à cette dernière la précision. Ces deux sont
suscitées et nourries par des nouveaux progrès des mathématiques et ont contribué au renouvellement des problèmes traditionnels des fondements
(les problèmes qui concernent la formulation des raisons du choix des axiomes ou recherche de nouveaux ; l’existence des objets mathématiques ;
les démonstrations. (Cf. J. LARGEAULT, Logique mathématique. Textes, Armand Colin, Paris, 1972, Glossaire, 263.)
165Cf. S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 57-62.
166S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 62.
167Cf. P. THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 34-35. La logique, à l’époque médiévale, a connu des avancées significatives grâce

à la théorie des conséquences (consequentiae), théorie dans laquelle, selon Lukasiewicz, la logique propositionnelle des Stoïciens a survécu et connu de
nouveaux développements à cette époque. Ce rapprochement de la logique propositionnelle stoïcienne à la théorie des conséquences est récusé par
certains logiciens qui montrent que celle-ci n’est pas liée historiquement à celle-là. D’autres logiciens estiment que la logique des conséquences
remonte à un passage des Topiques où l’on parle des moyens de raisonnements non syllogistiques. Les logiciens médiévaux ont élaboré une logique
des conséquences ayant des accointances avec la notion d’implication de la logique contemporaine. La détermination des lois qui garantissent les
bonnes conséquences conduit à la découverte de quelques lois de la logique des propositions que les logiciens modernes ont redécouvertes. A
l’époque médiévale, la logique des conséquences pourrait faire « intervenir plus ou moins explicitement plusieurs concepts d’implication et renferme
des notions modales ». Elle utilisait les lois implicatives dans lesquelles la non-conjonction implique la disjonction et la non- disjonction implique la
conjonction : (1) : (p ʌ q) ( pv q) ; (2) : (p v q) ( pʌ q). Elles ont été redécouvertes par De Morgan auxquelles il a ajouté
aux deux membres la négation unis par l’équivalence. Le premier membre compte une double négation dont la suppression s’impose en faveur de
l’affirmation : (p ʌ q) ( pv q) ; (p v q) ( pʌ q). A ces lois, s’ajoute celle de la contraposition : (p q) ≡ ( q p).
Les logiciens médiévaux « connaissent les lois qui régissent la logique et la disjonction, la transitivité de l’implication, la loi de la dualité de la
conjonction et de la disjonction, appelée loi de De Morgan » (M.-L. ROURE, Eléments de logique contemporaine, PUF, Paris, 1967, 30 ; J.
LUKASIEWICZ, « Contribution à l’histoire de la logique des propositions », in J. LARGEAULT, Logique mathématique. Textes, Armand Colin, Paris,
1972, 10.)
168S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 63.
169S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 63.
170P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 93.
171P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 24.
172P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 24.
25
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Certains logiciens, lecteurs des textes de Frege, montrent que ce dernier est arrivé à élaborer « la
première langue symbolique »173 particulièrement logique en construisant le « premier système de logique
symbolique, en inventant un langage propre à la logique, en vue de donner de meilleurs fondements aux
mathématiques. »174 Langue formulaire de « la pensée pure »175, l’idéographie est un écrit pour « la formalisation
de l’arithmétique »176 et constitue le « premier exemple d’une langue logique permettant l’écriture de
raisonnements formalisés. »177 Lancée par Leibniz, la nécessité de construire une logique symbolique a incité
Frege à poser le premier système de logique symbolique où il y a usage des signes et des formules. Il s’agit
alors d’une écriture formulaire, un langage auxiliaire.178 Pareille avancée significative le hisse au rang d’être
« l’un des principaux fondateurs de la logique moderne. »179 L’Idéographie [écriture conceptuelle]180, dont la
publication est à l’origine de la naissance de la logique moderne181, contient intégralement le calcul déductif.
Cette œuvre de Frege est le premier système formel dans l’histoire de la logique moderne. C’est dans ses
écrits que se situe « le premier exemple de formalisation de la déduction. »182 Il y fournit non seulement des
règles de formation des énoncés du langage mais aussi il en formalise les preuves en observant
rigoureusement les règles d’inférence. Frege reconnaît le bien fondé des signes pour la pensée et celui de
l’écriture. Cela a contribué efficacement à l’invention d’un langage approprié de la logique dans l’hypothèse
de consolider les bases des mathématiques, de résoudre les apories de celles-ci et d’affranchir la logique de
sa réduction à elles quoique « la crise des fondements des mathématiques »183 ait favorisé son progrès et sa
remarquable mutation. Les fondateurs de la logique moderne, notamment Frege [grâce à son invention de
la quantification et de la prédication], Peano, Russell, etc. ont réussi à en faire « une logique symbolique,
d’une nature comparable à celle des mathématiques, dont elle a fini par constituer l’une des branches. »184
Ceci montre que l’avènement de la logique symbolique est fondamentalement lié au logicisme, c’est-à-dire
la « déduction de l’arithmétique à l’intérieur de la logique, […c’est la] réduction de l’arithmétique à la
logique. »185 On n’ignore pas les contributions significatives de Peano, de l’atomisme et du positivisme
logiques, via Russell, Wittgenstein, Hilbert, etc. à la constitution de la logique symbolique.

173S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 66.


174S. ROBERT, La logique, son histoire, ses fondements, Le Préambule, 66.
175P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 103. Dans une note de bas de page n° 1, P. Wagner emprunte l’expression ‘pensée pure’,

qui indique où ne se mêle rien qui appartienne à la sensation, à E. Kant.


176P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 97.
177P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 103.
178Cf. P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses, Paris, 2014, 26.
179P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 14. Les écrits de P. Wagner soulignent que pour Frege l’absence de clarté des principes de l‘arithmétique

et l’insatisfaction de la définition du nombre proposées par les mathématiciens et les philosophes constituent une aporie pour l’esprit humain. Il
éclaircit les fondements de la logique en montrant qu’il n’y a pas de différence entre la logique et l’arithmétique, tout objet de celle-ci est de nature
logique. Les démonstrations arithmétiques ne recourent pas à la construction des concepts dans l’intuition, la pensée pure définit les objets et produit
les connaissances de l’arithmétique. La déduction de l’arithmétique de la logique et l’économie de recours à l’intuition dans l’écriture d’une preuve
ne confèrent pas aux mathématiciens la possibilité de déconsidérer l’intuition dans leur pratique scientifique. Il faut tout simplement expliciter les
moments du raisonnement arithmétique en montrant que ceux-ci ont besoin des atouts logiques non seulement pour la définition mais aussi pour
la conduite des preuves. Pour Frege, les théorèmes arithmétiques sont démontrables sur la base des règles logiques et des preuves exemptes des
lacunes. (P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 15, 17 et 25.)
180Cf. P. WAGNER, La machine en logique, PUF, Paris, 1998, 93 ; P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur,

Ellipses, Paris, 2014, 26.


181Cf. M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, 71. Dans une note de bas de page n° 73, ces auteurs affirment que

Frege est considéré comme le fondateur de la logique moderne.


182P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses, Paris, 2014, 211.
183P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 4.
184P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 5.
185P. WAGNER, La logique, PUF, Paris, 2007, 15. La déduction de l’arithmétique de la logique (la réduction de celle-là à celle-ci) oblige la redéfinition

de la logique. Il s’agirait d’une déduction de l’arithmétique ou de toutes les mathématiques de la logique au moment où celles-ci furent une réalité et
la logique un projet.
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Chapitre II
LES OPERATIONS MENTALES
2.0 Introduction
Pour étudier les opérations mentales, je vais présenter l’étude du concept, celle du jugement et celle
du raisonnement. La logique étudie les formes et les lois du raisonnement sans intérêt pour le contenu et la
signification des signes. Elle étudie la formation de l’inférence en cherchant à montrer que l’inférence est
correcte si les prémisses le sont aussi. Comme la logique se passe des vérités des faits, des opinions, etc. elle
est alors dite formelle, car elle est indifférente au contenu de la pensée ; c’est-à-dire que la connaissance
formelle n’est pas construite sur la signification des mots qui y figurent. L’exemple du formalisme est la
grammaire, car la construction grammaticale du discours est indépendante de la signification de ce discours,
par exemple, le cercle est un quadrilatère. Grammaticalement, cette proposition est correcte mais elle
exprime des absurdités. Voilà que la logique formelle est totalement vide du contenu matériel c’est-à-dire
que les lois ne dépendent pas de la correspondance entre le dire et la réalité.
La logique formelle, dans ces conditions, fait intervenir les relations intellectuelles dont l’existence
est justifiée dans et par l’esprit (c’est cette condition qui préside au formalisme).186 Le raisonnement
comprend deux éléments : le contenu ou la matière et la structure ou la forme. La matière indique les « objets
de concepts assemblés dans les propositions. »187 Il s’agit des « objets dont on traite ou les propriétés qu’on
en énonce (…) La forme ou structure c’est ce qui reste dans un raisonnement lorsqu’on fait abstraction du
contenu. »188 La forme indique donc « la disposition qui coordonne les propositions et les concepts selon la
quantité et la qualité et selon les autres propriétés logiques de manière à construire une inférence. »189 Quand
on parle d’un raisonnement correct ou incorrect, ceci renvoie à sa vérité formelle, car la validité ou l’invalidité
d’un raisonnement se fonde exclusivement sur sa forme. Voilà que la logique doit déterminer les formes
valides et invalides d’où l’appellation de la logique formelle qui ne s’occupe pas de toute matière déterminée.
Pour parler de la vérité matérielle, on doit étudier si les propositions sont vraies ou fausses ; il s’agit de la
logique matérielle. Ces dénominations ont été utilisées au Moyen Age en montrant que la logique classique
se divise en logica minor c’est-à-dire la logique mineure, petite logique dite logique formelle ou la logique de
la raison correcte et en logica maior c’est-à-dire la logique majeure, grande logique dite logique matérielle ou
logique de la raison vraie. Les problèmes que cette dernière traitait ont été renvoyés à l’épistémologie ou la
méthodologie des sciences.

2.1 LA LOGIQUE DU CONCEPT


2.1.1 L’appréhension, le terme et le concept
Dans ma parcelle se trouve un cocotier. Je peux le voir de mes propres yeux. Mais hic et nunc je ne sais
pas le voir, car je suis au service en ville. Cependant, je le vois dans mon esprit. Et pourtant je ne l’ai pas
transplanté vers ma tête. Il me reste un substrat tel que chaque fois que je me trouverai devant quelque
chose de pareil à ce que je voyais dans ma parcelle, je l’identifierai au cocotier. Il est possible de considérer
les faits qui proviennent aussi de l’ouïe, l’odorat, du toucher et du goût. Par exemple entendre un cri, un
klaxon d’un vélo ou d’un véhicule, de cela on peut abstraire une idée.
L’idée ou le concept est le représentant mental d’un objet concret.190 L’appréhension est une opération
par laquelle l’esprit saisit un concept.191 Ceci montre que l’appréhension prend en considération les traits
essentiels de l’objet. Pour que le prochain sache qu’on a une idée, il est nécessaire qu’on la donne en

186Cf. C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 15. Ici on sent que la logique montre un degré où la vérité dépend de la
cohérence des rapports propositionnels et un autre degré où la vérité suppose une adéquation de la pensée avec le réel.
187A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs apports avec la logique d’Aristote, la logique et la pensée contemporaines, F. Rouge &

Cie, Lausanne, 1950, p. 283.


188M.-L. ROURE, Éléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 3.
189A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs apports avec la logique d’Aristote, la logique et la pensée contemporaines, F. Rouge &

Cie, Lausanne, 1950, p. 283.


190Le concept est ce que l’esprit produit ou exprime en lui-même et en quoi il saisit ou appréhende une chose. Ce concept est encore appelé notion, verbe

mental ou idée. Le concept peut être mental, c’est le signe de la chose ; ou objectif, c’est la chose en tant qu’objet présenté à l’esprit, la chose elle-même.
Très souvent on parle du concept supérieur par opposition au concept inférieur, par exemple tout ce qui est homme est animal mais tout ce qui est animal
n’est pas homme. Animal est impliqué par le concept homme. Il fait partie de ses notes constitutives. Le concept comprend un certain nombre de
caractères extraits d’une représentation. (Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 27 et 40-41 ; E. DIRVEN, Introduction aux
logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, p. 9.)
191 Operatio quae intellectus aliquam quidditatem intelligit, quin quidquam de ea affirmat vel negat i.e que l’appréhension est l’acte par lequel l’intelligence perçoit

quelque chose sans en rien affirmer ou nier. L’objet matériel de l’appréhension est la chose telle qu’on l’appréhende par la pensée. Elle est en même
temps son objet formel, car elle est atteinte par la pensée. (Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 19-20.)
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spectacle. Le mot, expression verbale du concept, et le terme,192 expression écrite du concept, sont ce par
quoi l’idée se donne en spectacle, s’extériorise.
2.1.2 Propriétés du concept
On distingue deux majeures propriétés du concept, à savoir : la compréhension et l’extension.193
-La compréhension désigne l’ensemble des traits définitionnels d’un concept, l’ensemble de ses éléments
constitutifs. Définir un concept en compréhension indique « l’ensemble des notes ou caractères qui le
constituent et qu’on trouve en l’analysant. »194 Par exemple, le concept « homme » : sensible, libre, corporel,
animal, vivant, parlant, raisonnable, être, mortel, sexuel, etc. Tous ces éléments définissant ce terme en
compréhension répondent à la question qu’est-ce-que l’homme ? La réponse devient une proposition dans
laquelle ces traits définitionnels jouent le rôle de prédicat. Par exemple, l’homme est corporel, l’homme est
raisonnable, l’homme est sensible, l’homme est libre, l’homme est vivant, etc.
-L’extension renvoie au nombre des individus auxquels un concept est applicable. Il s’agit des éléments sur
lesquels s’étend le concept. Définir un concept en extension indique « l’ensemble des choses auxquelles il
est applicable, que ce soient des individus ou des espèces. »195 Par exemple, « continent » : Afrique, Océanie,
Europe, Asie, Amérique ; « médicament» : quinine, vermox, paracétamol, aspirine, ampicilline, amoxicylline,
clamoxyle, dexamétazol, etc. Tous ces éléments auxquels s’étend le concept ‘continent’, ‘médicament’
répondent à la question qu’est-ce-qui peut être un continent, un médicament ? La réponse formulée dans
une proposition montre que ces éléments jouent le rôle du sujet. Par exemple, l’Asie est un continent,
l’Europe est un continent, etc. ; la quinine est un médicament, le paracétamol est un médicament, etc.
Le concept « Dieu » peut être défini en compréhension : être, tout-puisssant, omniscient,
transcendant, provident, amour, saint, omnipotent, omniprésent, etc. ; et en extension : Jésus, Esprit-Saint,
Dieu. On constate que quand l’une des propriétés du concept est riche en notes l’autre en est pauvre et vice-
versa.196
2.1.3. Classification des concepts197
**La classification des concepts se fait pour autant qu’ils sont prédicats ou sujets.
Toutes les idées que l’on utilise en communiquant sont ordonnées d’après les propriétés du concept c’est-
à-dire l’extension et la compréhension.198
Selon la compréhension199 on parle des concepts complexes et de concepts simples.
*Un concept est simple quand il ne contient qu’une seule essence concrète même si cette essence est une
réalité complexe et qui se compose de beaucoup de caractéristiques. Exemple : Dieu, il est difficile de séparer
la miséricorde, l’amour, la bonté de Dieu.
*Un concept est complexe quand il contient plusieurs essences, ou quand on peut couper dans les
caractéristiques sans changer l’essence concrète. Exemple : une personne grosse, la grosseur n’est pas une
caractéristique essentielle à la personne mais s’ajoute à son essence.
Il existe aussi des concepts positifs dont l’attribut possède une valeur en soi. Exemple : voyant ; et les
concepts privatifs200, sont ceux dont l’attribut ne se comprend que par rapport à la réalité positive. Exemple:

192 Il s’agit de tout son articulé. Il peut être mental c’est-à-dire le concept lui-même et pourtant le terme écrit est le terme graphique du terme oral ou
mental. Ce sont des mots qui expriment les réalités mentales entre lesquelles seront établis des rapports. Un terme général exprime un concept. (Cf.
J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, p. 60 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 19.)
193Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 67 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F.,

Paris, 1962, p. 4. En définissant le terme en compréhension, il s’agit de la connotation d’un concept, de l’intension c’est-à-dire les notes intelligibles
que l’esprit discerne en lui, qui lui appartiennent nécessairement. Il s’agit de son ampleur par rapport aux notes qui le caractérisent. Il s’agit de
l’ensemble de caractères que le concept connote. Elle précise les attributs essentiels, éléments caractéristiques de l’ensemble que recouvre le concept.
L’extension d’un terme est une dénotation. Il s’agit de son ampleur par rapport aux individus en lesquels il se réalise et groupe dans son unité. Il
s’agit du groupe d’individus que le concept dénote, désigne. Elle énumère, un à un, tous les éléments considérés comme les constituants de
l’ensemble. (Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 32-33 ; R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-
Erasme, Louvain-la-Neuve, 1991, p. 29 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, pp. 20-21; G. HAERI & B. ROCHE,
Introduction à la philosophie des sciences. Thèmes et sujets, P.U.F., Paris, 1999, p. 56.)
194B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique : analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 263.
195B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique : analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 263.
196Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, p. 33 ; R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-Erasyme,

Louvain-la-Neuve, 1991, p. 30 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 20.
197Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 68-69.
198Cf. P. FOULQUIE, Logique, Éditions de l’école, Paris, 1957, pp. 42-43 ; L. MEYNARD, Logique et philosophie des sciences, Classique Eugène Belin,

Paris, 1955, pp. 43-44.


199Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 44-45 ; E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, pp.

11-13.
200Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 55-56. Il s’agit d’un concept contraire d’un autre pour autant qu’on le prédique

d’un suppôt qui devrait vérifier cet autre concept. Par exemple idiot et intelligent; aisé et malaisé; heureux et malheureux. On en arrive à parler de
deux termes corrélatifs puisque l’un d’eux ne peut être vérifié d’un suppôt sans que l’autre ne soit ipso facto d’un suppôt distinct du premier. Bruno
Couillaud estime qu’un concept est privatif quand un sujet est susceptible d’être doté d’une forme par nature mais en est privé. (Cf. B. COUILLAUD,
Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 146.)
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aveugle (qui est privé du sens de la vue) ; muet ; sourd. Aristote montre que le fait d’être privé d’un état ou
être en possession de cet état est différent de la privation ou la possession. Il indique que la vue est une
possession et la cécité (état d’une personne aveugle) une privation mais « avoir la vue n’est pas la vue, ni être
aveugle, la cécité. La cécité est une certaine privation, tandis qu’être aveugle c’est être privé, ce n’est pas la
privation. »201
Selon l’extension202, on parle des concepts : singulier, particulier, universel, distributif, collectif.203
*Un concept est particulier quand son extension est restreinte de manière indéterminée.
Exemple : quelques livres, certains étudiants
*Un concept est universel quand il est pris dans toute son extension.
Exemple : tout arbre, nulle fille,
C’est ainsi qu’on a l’universel distributif, collectif.
L’universel est distributif quand il convient à tous les individus distributivement. Exemple : homme vaut
pour chaque homme.
L’universel est collectif quand il convient à tous les individus pris collectivement. Exemple : famille, ville,
ethnie, les élèves. Les concepts transcendantaux sont ceux dont la compréhension peut s’appliquer à
n’importe quoi, leur extension transcende la réalité. Exemple, le juste, le bon, le vrai, l’être, le beau.
*Un concept est singulier quand son extension est restreinte à un seul individu. Il s’agit des jugements
comportant au moins une constante non logique c’est-à-dire un nom ou une description indéfinie, par
exemple : cet homme, Gaspard, Aristote, Solange, Lydie, Dismas, Martin, Théodosie.204 Au sujet de
l’extension des concepts singuliers « les logiciens disent avec raison que si l’on regarde l’usage des jugements
dans les raisonnements, on peut traiter les jugements singuliers comme des jugements universels (…) parce
qu’ils n’ont pas d’extension, leur prédicat ne peut être rapporté simplement à une partie de ce que contient
le concept du sujet et être exclu du reste. Il s’applique donc à tout le concept sans exception, comme s’il
s’agissait d’un concept général, à toute l’extension duquel conviendrait le prédicat. »205 Cette citation montre
que les logiciens, au sujet de l’extension des concepts singuliers et collectifs, s’accordent de considérer ces
concepts comme étant d’extension universelle. Le sujet concret dans une proposition mixte est d’extension
universelle alors l’extension des concepts singuliers est universelle. Les logiciens sont arrivés à la distinction
nette entre la « notion logique » de nom propre et la « notion grammaticale » de nom propre. Un nom
logique désigne un seul individu, par exemple, Gaspard ou l’actuel président de la France sont de noms
propres logiques tandis que « homme » est un nom commun.
Selon l’abstraction, on parle de différents concepts par leur degré de détermination ; les uns sont
bien déterminés les autres non.
Un concept est concret quand il présente à l’esprit une détermination plus grande par sa référence aux
choses dont il est abstrait, tiré, sujet matériel, sensible.
Exemple : une maison, un arbre, une blouse.
Un concept est abstrait quand il n’a autre forme que la détermination de ce qui existe dans l’intelligence
du sujet ; il s’agit des qualités attribuées aux choses.
Exemple : la blancheur, la bonté, la beauté, la laideur, l’amour, la justice, etc.
**La classification des concepts peut se réaliser pour autant qu’ils sont prédicats uniquement.
Le concept est prédiqué d’un sujet. Comment alors le prédicat est-il prédiqué d’un sujet ? Trois manières
sont possibles.206

201ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 70.


202Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, p. 49.
203Cf. P. KOPNINE, Dialectique, Logique, science, Éditions du Progrès, Moscou, 1976, pp. 275-276. Pour lui, on ne peut parler que des concepts

singuliers, universels et particuliers. Il considère que l’on doit parler de l’universel distributif et de l’universel collectif. Distinction qui nous paraît
plausible.
204Cf. A. BOYER, Hors du temps. Un essai sur Kant, J. Vrin, Paris, 2001, p. 54.
205E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 131.
206Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, pp. 202-203 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses

fils, Paris, 1964, p. 70. ; J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, p. 63 ; J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La
logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de Philosophie, Louvain, 1949, pp. 58-59 et 66 ; B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique.
Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 125-128. ; P. FOULQUIE, Logique, Éditions de l’école, Paris, 1957, pp.
42-43. Bruno Couillaud estime que la relation des concepts peut être dénommée à partir de la racine grecque : synonymie, homonymie, paronymie
et on peut user de la racine latine : univocité, équivocité, (prédication) dénominative. Ces mots d’étymon grec ont l’inconvénient de désigner certaines
propriétés des mots et sont d’usage en grammaire. La logique s’attache à ce que construit la raison pour connaître. Le concept est univoque c’est-à-
dire quand les choses dites par le même concept sont synonymes comme homme et vache sont dits de manière univoque ou synonyme par le
concept animal. Il est équivoque quand le concept est homonyme c’est-à-dire commun à plusieurs concepts mais la signification est différente pour
chacun même si le concept est le même. Par exemple le concept bar peut signifier un poisson, un comptoir de boisson, une unité de mesure de
pression. Le concept est analogique, quand le cas est intermédiaire entre l’équivocité et l’univocité. L’analogie, à l’origine signifie proportion. La
raison est capable d’établir une relation d’analogie entre les différents sens d’un concept en s’appuyant sur le rapport ou la proportion. Par exemple,
29
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-De manière univoque, quand le concept peut être attribué à plusieurs sujets selon une signification
identique. Il s’agit de l’usage d’un terme çà et là dans une même signification. C’est cela qui conduit à l’usage
d’un concept dans un « sens univoque. (…) Quand il y a univocité, en effet, il y a toujours commune
mesure ; de fait, c’est à des degrés soit égaux, soit inégaux, qu’un attribut univoque va se dire de ses sujets.
»207 Les termes univoques sont pris dans une même signification. Par exemple : le concept ‘homme’ peut
être prédiqué univoquement à tous les hommes, car tout homme est homme de façon égale. C’est-à-dire
que le concept ‘homme’ est applicable de la même manière à Gaspard, Aristote, Solange, Léopold, Dismas,
etc. ; il en va de même du concept ‘belge’ applicable de la même façon aux professeurs Michel Ghins,
Bernard Feltz, Marcel Crabbé, Isabelle Stengers, Jean Bricmont, Patricia Radelet de Grave, etc.
-De manière équivoque, quand le concept peut être attribué à différents sujets selon des significations
entièrement différentes. C’est-à-dire que le même concept est employé dans une signification différente. La
racine « pédo » est un élément savant qui signifie « enfant » et signifie aussi « sol », l’équivocité du concept
« pédologie » est d’usage dans les exemples suivants : par exemple, à la Faculté des sciences de l’Education,
les étudiants ont programmé le cours de pédologie (étude physiologique et psychologique de l’enfant) et
pourtant ceux de la Faculté des Sciences, notamment les Géologues, ont été examinés dans le cours de
pédologie (science qui étudie les caractères chimiques et physiques des sols). Plusieurs brasseries brassent
une grande quantité de la bière pendant les fêtes nationales. Les buveurs notamment les conducteurs des
véhicules s’enivrent et quelques accidents mortels s’ensuivent raison pour laquelle les riches achètent la bière
fabriquée en or pour les obsèques des leurs frères. Les pères de l’Église s’attaquaient aux hérétiques dont la
plupart étaient des pères de famille. L’Église catholique est dirigée par saint père le Pape et célèbre toujours
la mémoire de différents saints, modèles de la foi. Aristote montre que pour dégager l’équivocité d’un terme,
il faut « considérer d’abord son contraire, pour voir s’il se prend en plusieurs sens. »208 Par exemple, parlant
du contraire de ‘aigu’, il se pose un problème, car son contraire dans le domaine de la musique, c’est grave
et dans le domaine la mesure du poids c’est léger. Ce terme ‘aigu’ est équivoque.209
-De manière analogue, quand le terme s’applique à divers sujets en un sens qui n’est ni absolument
identique ni absolument différent. Surtout quand les deux sujets ont entre eux un certain rapport. Les
concepts sont utilisés dans des sens de ressemblance. Par exemple, c’est la période de printemps en Europe,
par analogie les parents de Paul soutiennent que leur enfant est au printemps de sa vie.
Dans l’analogie d’attribution, on parle de :
*L’analogie d’attribution, quand le concept s’attribue à un seul sujet dans un sens propre et plénier, mais il peut
se dire aussi d’autres sujets grâce au rapport de ceux-ci avec celui-là. Exemple : sain, dans son sens plénier s’adresse
à la santé du corps vivant. On peut l’attribuer aussi à la nourriture, au climat, au médicament grâce au rapport de
ceux-ci avec la santé du corps. Sain du corps est le premier analogué (per prius : sens strict du concept), sain du
climat, de la nourriture, du médicament l’analogué dérivé (per postrius : sens large du concept, sens second.)210
*L’analogie de proportionnalité, quand le terme s’attribue à plusieurs sujets parce qu’il y a entre ces sujets
une similitude de rapports.
Exemple : rame et barque ; le bras et le nageur ;
nageoire et poisson ; l’aile et l’oiseau ;
Dans l’étude de l’analogie de proportionnalité, on distingue l’analogie de proportionnalité impropre de
l’analogie de proportionnalité propre:
= L’analogie de proportionnalité métaphorique ou impropre, quand la ratio analogans est réellement
dans les deux sujets, mais dans l’un en un sens propre et dans l’autre en sens métaphorique.
Exemple : Le roi est la tête de l’Angleterre. Roi et peuple ; tête et corps. La ratio analogans c’est le centre de
commande qui se réalise dans ces deux cas.
= L’analogie de proportionnalité propre, quand la raison de l’analogie se réalise dans les deux cas de
façon propre, mais selon une mesure différente. Exemple : la connaissance peut se dire pour la connaissance
sensible et pour la connaissance spirituelle. L’idée est la même mais de manière différente en réalisation.

sain est le paronyme de santé. Il est utilisé pour désigner tout être en bonne santé physiologique. En vertu de cela, un médicament, une nourriture
vu qu’il peut restaurer la santé suite à la relation de cause à effet, ne peut pas être sain mais la raison peut étendre le sens strict de sain en un sens
large sans sortir de la définition du mot sain pour parler d’une nourriture saine, d’un médicament sain.
207ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, pp. 91-92.
208ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 87.
209Cf. ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 87-88.
210Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 127.
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2.1.4 Les prédicables ou catégorèmes211
Les prédicables sont les modes dont le prédicat détermine le sujet ; il s’agit de tous les éléments nouveaux
qui déterminent l’objet et le différencient des autres objets. Les prédicables ou les universaux sont les «
diverses manières dont un concept univoque peut être attribué à un sujet. »212 La raison a besoin de la
définition puisque l’appréhension simple permet à l’intelligence de former en la raison un concept distinct
de l’essence de la chose connue. C’est grâce aux mots que cela se réalise. Comment distinguer les concepts ?
La réponse nous amène aux prédicables qui indiquent que tout attribut « fait connaître soit une quiddité,
soit une propriété, commune ou sui generis, accidentelle ou permanente, du sujet. »213 Les prédicables ne
disent pas en quoi consisteraient ces différents attributs, seuls les prédicaments ou catégories le peuvent.
Le concept à partir duquel on exprime les cinq prédicables est d’un caractère d’universalité. C'est-à-dire
la puissance d’exprimer, par une représentation unique, plusieurs singuliers existants.214 Certains logiciens,
notamment Porphyre et Johannes Clauberg soutiennent l’idée selon laquelle « les prédicables sont au
nombre de cinq, à savoir : espèce, genre, différence, propre et accident. »215
Aristote s’intéresse à la théorie des propositions et aux modalités du jugement. La proposition a toujours
réuni un sujet et un prédicat. Peut-on opposer un prédicat à un sujet ? Au sujet des prédicables, il prend en
compte une « division tripartite »216 et montre que le genre, le propre et l’accident constituent les classes de
prédication qu’on appelle prédicables ou catégorèmes, car pour lui, la différence et l’espèce n’y rentrent pas.
Il note que « toute prémisse, comme tout problème, exhibe soit un genre, soit un propre, soit un accident
(ne parlons pas de la différence, car étant de nature générique, elle doit être rangée sous la même rubrique
que le genre). »217 Parfois le propre peut exprimer l’essentiel de la nature de son sujet et parfois de ne pas
l’exprimer, alors le propre est divisible en définition et en propre. Cette division conduit « à quatre termes en
tout : propre, définition, genre et accident. »218 C’est de cette manière qu’il arrive à proposer les définitions
de ces quatre prédicables et leurs relations entre eux pour plus des précisions. Et d’ailleurs, procédant
inductivement, si on réinterprète chaque prémisse et chaque problème, on constate « qu’ils ont à leur origine
soit une définition, soit un propre, soit un genre, soit un accident. »219 C’est en ignorant les motivations
aristotéliciennes qui président à l’élimination de l’espèce et de la différence des catégorèmes ou prédicables
que Porphyre et Clauberg les incluent dans les prédicables et en propose cinq en se passant de la définition.
**À quel titre un prédicat peut-il être attribué à un sujet ? Tous les prédicats peuvent être attribués
à Solange, pris comme sujet, mais à des titres différents.220 On parle de la prédication quand la raison établit
une dépendance entre deux concepts à tel point que l’un soit vu grâce à l’autre et réciproquement. Sans
manquer d’égard pour Aristote, nous allons suivre la classification ramenant les prédicables au nombre de
cinq puisque nous étudierons particulièrement la définition. La première étude systématique des prédicables
est l’œuvre de Porphyre dans son Isagoge, une introduction au commentaire du traité des Catégories d’Aristote.
Exemple :
Solange est un animal raisonnable,
Solange est animal,
Solange est raisonnable,
Solange est capable de parler,
Solange est de grande taille.
L’espèce : quand le prédicat exprime toute l’essence du sujet. L’espèce est rationnel, car il « se dit de la
forme de chaque chose. »221 Parlant de l’espèce, il s’agit de quelque chose correctement formé, distinct et en
acte pour dire réellement « ce que les êtres individuels ont essentiellement en commun. »222 De toutes les

211Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 71 ; J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. LA logique
ancienne. La logique des jugements prédictifs, I.S.P., Louvain, 1949, p. 61.
212R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 71.
213A. VIRIEUX-REYMOND, La Logique et l’épistémologie des Stoïciens ; Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge

& Cie, Lausanne, 1950, p. 85.


214Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 93-95.
215PORPHYRE cité par A. VIRIEUX-REYMOND, La Logique et l’épistémologie des Stoïciens ; Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée

contemporaines, F. Rouge & Cie, Lausanne, 1950, p. 84 ; B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique,
F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 93-94.
216ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 78.
217ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 71.
218ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 71.
219ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 78.
220Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, p. 15.
221PORPHYRE cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007,

p. 111.
222B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 111.
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façons, l’espèce est toujours ce qui est mis sous un genre dit distinctement ce que sont les êtres qui entre
eux n’ont plus d’autres différences que celles qui favoriser leur énumération.
Le genre : quand le prédicat exprime la partie de l’essence du sujet qu’il a en commun avec les autres êtres.
Le genre exprime la partie de l’essence que Solange a en commun avec les autres êtres. Le genre est considéré
comme « un attribut qui appartient en leur essence à plusieurs choses spécifiquement différentes. »223 Ceci
montre que l’expression attributs appartenant en son essence à leur sujet, on cherche par exemple de
répondre à la question qu’est-ce que c’est que l’homme ? La réponse est ‘l’homme est un animal.’ Aristote
montre qu’en établissant qu’ « animal est genre de l’homme, et qu’il l’est également du bœuf, nous aurons
établi que ce sont là des êtres appartenant au même genre. »224 Autrement on établit que les êtres
n’appartiennent pas au même genre.
La différence spécifique : quand le prédicat exprime une partie de l’essence mais la partie qui la distingue
des autres êtres du même genre. La différence spécifique « contribue à l’essence même de la chose, ce qui
est une partie de sa quiddité. »225 Dans certaines conditions, on peut parler de ‘cet homme marche’ et ‘cet
étudiant pêche’. Dans ces deux exemples on ne peut qu’y trouver une différence commune. La différence
spécifique doit se situer sur l’être lui-même ; par exemple ‘être raisonnable’ est une différence spécifique
qui s’ajoute à l’animal homme pour le distinguer des autres animaux pour le rendre autre mais par contre le
fait que l’homme marche est une différence commune. Voilà qu’il y a lieu de comprendre que « les
différences spécifiques sont celles qui rendent une espèce autre, et qui sont contenues dans sa quiddité. »226
Le propre ou accident nécessaire : quand le prédicat exprime une note ou une caractéristique qui
n’exprime pas directement l’essence du sujet mais qui en découle nécessairement. Le propre désigne ce qui
est particulier à une chose. Le propre n’exprime jamais l’essence, la quiddité de sa chose mais il appartient
au sujet seul et « peut s’échanger avec lui en position de prédicat d’un sujet concret. »227 Ceci montre que
« le propre découle des principes que le sujet possède en raison de son appartenance à l’espèce. »228 Par
exemple, être apte à la parole et à parler, être apte à la lecture et à l’écriture est un propre de l’homme, ceci
montre que si un sujet quelconque est un homme, il doit être apte à la parole, à la lecture et à parler, à
l’écriture dans ce cas, il est un homme. Dans l’approche de l’accident, par exemple, ‘être assis’ en est un mais
attention s’il arrive que quelqu’un soit assis seul, on parlera d’un propre à ce moment-là mais par contre s’il
arrive qu’on se rende compte que plusieurs personnes sont assises, on doit parler d’un propre relativement
aux personnes qui ne sont pas assises. Ceci montre qu’un accident peut devenir facilement un propre relatif
et un propre momentané mais jamais un propre simplement.229
L’accident230 ou non-nécessaire : quand le prédicat exprime une note du sujet qui n’exprime pas
directement son essence mais qui en découle de façon non-nécessaire.231 Par définition, l’accident est « ce
qui (…) appartient à son sujet ; et aussi, ce qui peut appartenir et ne pas appartenir à un seul et même sujet,
quel qu’il soit. »232 Il faut retenir que l’accident doit être compris comme l’élément qui appartient ou
n’appartient pas à un seul et même sujet, par exemple ‘être rouge’ rien n’empêche qu’une chose soit tantôt
rouge et tantôt ne le soit pas. L’accident est finalement « ce qui n’est ni genre, ni espèce, ni propre, mais est
cependant toujours subsistant dans un sujet. »233 Voilà que l’accident est ce qui n’est rien de tout cela mais
il appartient à la chose.234 L’accident est une nature dépourvue de l’être par soi. L’étude de l’accident conduit
à une possibilité de parler d’un prédicat accidentel étant donné que l’accident prédicable indique le lien de
prédicabilité et désigne « la relation du prédicat qui dit un être du sujet en dehors ou au-delà de son
essence. »235 En conséquence, il existe deux sortes d’accidents : séparables et inséparables. L’accident

223ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 73.
224ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 74.
225B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 112.
226PORPHYRE cité B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p.

112.
227ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 73.
228B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 114.
229Cf. ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 75.
230L’accident est la nature qui n’a pas l’être par soi. (Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-

X. de Guibert, Paris, 2007, p. 94.)


231Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 13-15. Les prédicables ou catégorèmes sont des titres divers selon

lesquels les concepts peuvent être prédiqués c’est-à-dire dont ils sont prédicables. Les prédicables fournissent un classement hiérarchique permettant
de définir ou de circonscrire de plus en plus la réalité désignée par le concept.
232ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 74.
233PORPHYRE cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007,

p. 114.
234 Cf. ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 74.
235 B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 114.
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séparable peut « être facilement abstrait de la chose »236 dans laquelle il réside ; il a une cause non permanente
dans le sujet ; par exemple, la malaria ne dépend pas du sujet mais des microbes que le sujet subit ; être assis peut
l’être de l’homme. L’accident inséparable « ne peut être naturellement abstrait de la chose dans laquelle il
réside »237, par exemple la suavité du sucre. L’accident inséparable est causé par des principes de l’individu et qui
ont une cause permanente en lui et dépendent immédiatement de ses puissances. Par exemple, le masculin/
féminin.238
Se fondant sur les prédicables, il est possible de dessiner un arbre dit ‘arbre de Porphyre’ connu
également sous le nom d’arbre de Ramus suivant les déclarations de Jevons selon lesquelles, dit-il, Jeremy
Bentham parlait de la beauté sans pareille de cet arbre de Ramus.239

Genre suprême Substance

Différence générique Matériel immatériel

Genre moyen corps

Différence générique sensible Non-sensible

Genre prochain Animaux

non-raisonnable
Différence spécifique raisonnable

Espèce homme

Grande taille
Accident nécessaire rire
accident non-nécessaire

En Géométrie, à partir des termes Triangle, Figure, Quadrilatère, Losange ; carré, rectangle, trapèze,
parallélogramme, équilatéral, scalène, isocèle, figure plane, on peut dessiner l’Arbre de Porphyre.

236J.CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 82.


237J.CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 82.
238 Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 115.
239Cf. E. W. BETH, « Conséquence sémantique et dérivabilité formelle », in J. LARGEAULT, Logique mathématique. Textes, Armand Colin, Paris,

1972, p. 81.
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Figure

Figure
Figure Plane ronde
Quadrilatère

Carré Losange
Cercle
Rectangle

Trapèze Parallélogramm
e

Triangle

Équilatéral Scalène

Isocèle

On peut construire l’arbre de Porphyre à partir du mot ETRE

Etre

Animal Minéral
Végétal

Sapin
Lion Cuivre
l’homm
eee

2.1.5. Les prédicaments ou catégories240

240Cf.B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 121-124 ; E.
KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 163 ; R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, pp. 146-147 ; R.
VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 72-73 ; J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne.
La logique des jugements prédictifs, I.S.P., Louvain, 1949, p. 60 ; A. BOYER, Hors du temps. Essai sur Kant, J. Vrin, Paris, 2001, pp. 53-55. On a toujours
considéré qu’Aristote avait commis une erreur en intégrant le temps et l’espace (lieu) dans les catégories. A ce stade Aristote leur confère les caractères
des formes a priori de l’entendement. Mais pour Kant, on doit les considérer comme des formes a priori de la sensibilité. Pour Kant l’Analytique
transcendantale commence par une théorie du jugement définie comme le rapport des représentations au sujet transcendantal. Les authentiques
jugements d’expérience (lois universelles) ont le fondement de leur unité dans le sujet du législateur. C’est cette théorie qui débouche sur la table de
tous les jugements possibles sous forme d’un carré dont les quatre sommets comprennent chacun trois rubriques. C’est cela qui donne douze types
des jugements ou catégories regroupées (quantité, relation, qualité, modalité) : en quantité : - unité, - pluralité, - totalité ; en relation : - substance-
accident, - causalité-dépendance, - communauté-action-réciproque ; en qualité : - réalité, - négation, - limitation ; en modalité : - possibilité-
impossibilité, - existence et non-existence, nécessité-contingence. On considère que la tripartition kantienne est un peu artificielle mais elle exprime
une différence entre trois types de propositions. Dans sa rubrique des modalités, Kant retrouve une inspiration ancienne en indiquant une distinction
entre les propositions problématiques, assertorique et apodictiques. Dans sa rubrique de la quantité, il exclut les jugements singuliers. Dans sa
rubrique de la relation, on remarque que les jugements catégoriques correspondent aux énoncés de la logique aristotélicienne, les jugements
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Les catégories sont les genres « les plus généraux de l’être ; ce sont des notions irréductibles entre elles,
et irréductibles à un universel suprême et unique. »241 Plusieurs concepts peuvent servir à dénommer une
relation de raison appelée catégorie par Aristote. Ce dernier répertorie 10 catégories, à savoir : « essence,
quantité, qualité, relation, lieu, temps, position, état, action, passion ».242 Mais dans les Catégories Aristote cite
10 catégories, considérées comme des expressions sans aucune liaison, à savoir : « la substance, la quantité,
la qualité, la relation, le lieu, le temps, la position, la possession, l’action, la passion. »243 La liste des catégories
comporte de petites modifications dans les deux textes aristotéliciens. Cela est perceptible dans l’usage de
l’essence à la place de substance, de état et possession, etc. Cependant, les latins ont estimé qu’il faut parler
des prédicaments, et pourtant les traducteurs d’Aristote parlent d’attributions. Il existe dix prédicaments,
attributions ou catégories à savoir : la substance et les neuf accidents. Aristote montre que nulle de ces
catégories en elle-même et par elle-même « n’affirme, ni ne nie rien »244, car l’affirmation ou la négation est
le produit de la liaison des catégories entre elles.
La substance : exprime l’être comme un sujet existant par soi. C’est ce qui appartient à l’essence de la
chose. L’homme avant de devenir tout ce qu’il est, il est tout d’abord homme. En disant c’est « là un homme
ou un animal, on exprime une essence, et on désigne une substance, »245 par exemple, le chat, l’homme.
Après viennent trois prédications possibles à partir de ce qui inhère à la substance sans être son essence :
-la quantité : c’est l’ordre des parties de la substance matérielle. L’esprit veut rejoindre l’être par la mesure
de sa quantité comme le chiffrage, la comptabilité, la statistique. Quand on affirme que c’est long de trois
mètres ou bien que c’est une grandeur, on exprime « une essence, et on désigne une quantité, »246 par
exemple, long de dix mètres.
-La qualité : c’est un prédicament qui exprime les déterminations accidentelles du sujet consécutives à la
forme essentielle et à sa matière ; par exemple, cette chèvre est noire. Voilà qu’en disant à propos d’une
couleur blanche que c’est « là du blanc ou une couleur »,247 on exprime une essence tout en désignant une
qualité, par exemple, géographe, blanc.
-La relation : ce prédicament montre que le sujet est dans une relation de dépendance à un autre, par
exemple, plus grand, moitié, centuple.
Les autres prédicaments ont été développés par Gilbert Porretanus : l’action, la passion, ubi, quando, la
position, la possession. Tous ces prédicaments renvoient à une dénomination opérée à partir de quelque
chose d’extérieur au sujet. Le lieu, le temps, la position, sont des prédicaments qui viennent du rapport de
la chose, à sa mesure immédiate et extérieure.
-Le lieu (situs): c’est la mesure de tout corps en mouvement où est le sujet ? C’est la question Ubi. On
dénomme le sujet grâce au lieu où il se trouve, par exemple, au marché, au collège.
-Le temps (époque) : mesure de tout corps mobile dans son mouvement même, par exemple, après demain,
l’année dernière. Il permet la prédication répondant à la question : En quel temps est-il ?
-La position, (la situation ou état): dans le même lieu, l’ordre des parties d’un corps peut varier. C’est sa
position qui le caractérise, par exemple, il est débout, il est assis, cette fille est couchée.
Un autre rapport peut venir de l’extérieur par une cause efficiente ou finale :
-La passion (habitus) : quand le sujet est dénommé à partir d’une cause efficiente ou finale. C’est ce qu’on
subit, par exemple, il est haï, il est coupé, il est blessé, il est coupé.
- L’action : si le sujet est lui-même la cause efficiente : il est dénommé à partir de l’effet qu’il cause, par
exemple : il taille un arbre ; il cueille une mangue, il écrit, il coupe, il mange.
- La possession : quand l’intelligence humaine dénomme le sujet à partir de ce qui prolonge son être à
l’extérieur, dans l’ordre de l’avoir, en raison de son activité technique, par exemple, il est armé.

hypothétiques et disjonctifs aux propositions en usage chez les Stoïciens dans leur logique propositionnelle présentée sous forme numérique. Cette
logique a été intégrée à la logique ancienne depuis Boèce en parlant de modus ponens, modus tollens et le mode disjonctif. Les jugements catégoriques
appartiennent au calcul des prédicats monadiques. On sait qu’un jugement catégorique affirmatif universel A par exemple, tous les prêtres sont
célibataires est susceptible d’être réduit en une logique des prédicats monadiques, comme Pour tout X, si x est un prêtre, alors X est célibataire, on
formalise ce jugement ainsi : x(ax→bx).
241ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 21. Note de bas de page n° 2.
242 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 79.
243ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, pp. 21-22 ;
244Cf. ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 22. Voilà brièvement comme se présente les 10 catégories :

substance : le chat, l’homme ; quantité : long de dix mètres ; qualité : géographe, blanc ; relation : plus grand, moitié, centuple ; action : il écrit,
il coupe, il mange ; temps (époque) : après demain, l’année dernière; le lieu (situs) : au marché, au collège ; passion (habitus), il est haï, il est blessé,
il est coupé ; la possession, il est armé ; la position (situation), il est débout, il est assis
245ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 79.
246ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 79.
247ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 79.
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Pour Saint Thomas d’Aquin, la possession est spécifiquement humaine, elle est un prédicament lié à la
raison, car l’avoir d’un animal fait partie de son corps. C’est-à-dire sa substance ou son Ubi. Exemple : la
chèvre a deux cornes, le loup a un terrier.248
2.1.6. Relations entre les concepts249
Parlant des relations entre les concepts Dirven met en jeu les relations de compatibilité et
d’incompatibilité.250 Deux concepts sont compatibles quand ils peuvent être appliqués simultanément à un
même objet. Par exemple, Solange est grasse, belle, intelligente, sensible, brune. Ces concepts : belle,
intelligente, sensible, grasse, brune sont compatibles. Cependant l’incompatibilité des concepts réside dans
le fait qu’ils peuvent s’opposer ou s’exclure. Les Opposés sont dits de concepts corrélatifs et rentrent dans
le groupe des post-prédicaments. Il existe quatre formes d’incompatibilité ou d’oppositions : contradiction,
contrariété, privation et possession, relation251 : quand le terme est l’opposé de l’autre, il s’agit de la
contradiction dont les opposés sont l’affirmation et la négation. La contradiction « se rapporte à un sujet et
exclut pour ce sujet la possibilité de posséder dans le même temps et sous le même rapport une propriété et
son opposé ».252 Par exemple, le chaud et le non-chaud, tous et pas tous, la lumière et la non-lumière, le
blanc et le non-blanc. Le principe de contradiction est le fondement du discours logique, car il oppose
diamétralement le vrai et le faux. Les contraires sont les opposés de même genre. Deux termes contraires
ne peuvent être vrais ensemble comme prédicat d’un même sujet dans une même proposition. Par exemple,
lourd et léger ; courage et lâcheté ; pair-impair ; recommandé et contre-indiqué ; l’eau ne peut pas être chaude
et froide, mais si l’on dit qu’elle n’est pas froide cela ne signifie pas qu’elle est chaude, car certains contraires
ont des intermédiaires, par exemple quand on parle du genre température, on fait allusion au chaud, au tiède
et au froid. La privation et la possession concernent un sujet déterminé, mais au sujet du genre et d’espèce,
il n’y a vraiment pas d’opposition, car être animal est un genre et généralement l’animal a la vue ; la taupe,
c’est l’espèce, est privée de la vue mais cela est dû à sa nature. Par contre, si l’homme devient aveugle, il
perd un organe de sens que l’espèce humaine possède, il vit dans la privation et quand il a la vue il réalise
une possession, alors privation s’oppose à possession.253 Alors un terme est privatif si le suppôt indiqué par
le sujet de la proposition devrait posséder un terme positif. Par exemple, albinos indique quelqu’un qui
manque la pigmentation nécessaire ; un sourd indique quelqu’un qui n’entend pas. Il est possible de parler
aussi des concepts relatifs. On parle des concepts relatifs quand deux concepts « qui, à la fois, s’excluent et
s’appellent réciproquement. »254 Quand deux concepts relatifs s’appellent cela signifie qu’ils mènent une
relation de dépendance l’un de l’autre. Voilà qu’il est impossible de les penser l’un sans l’autre étant donné
qu’ils sont en corrélation permanente. Par exemple, la moindre des oppositions est exprimée dans « père et
fils. »255 Dans cet exemple, on sent la contradiction puisque ces deux termes s’excluent. C’est-à-dire que « le
père n’est pas son fils, le fils n’est pas son père. (Le père est lui-même fils, mais c’est une autre relation ; il
n’est pas fils en tant que père.) »256, par exemple moitié-double sont des termes relatifs c’est-à-dire que si 4
est le double de 2, alors 2 est sa moitié ; antérieur et postérieur.
2.1.7. La théorie de la définition257
La notion de la définition est d’une importance capitale, car elle permet de clarifier et de préciser les
concepts. La définition est « une formule qui exprime l’essentiel de l’essence d’un sujet. »258 Dans pareil
contexte la définition est « une opération qui consiste à faire l’analyse de la compréhension d’un concept.
Cette analyse s’exprime au moyen d’une ou plusieurs propositions. »259 Pour Aristote, la définition est la
recherche de l’essence ou de la quiddité. Il précise que pour trouver une bonne définition, il faut : la voie
descendante consistant à partir d’une notion générique qui renferme le concept à définir pour descendre
vers les notes inférieures de genre et de différence spécifique. La voie ascendante consiste à partir du concept

248Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 121-124.
249Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 73-75.
250Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, pp 19-20 ; B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique,

dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 146.


251Cf. ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, pp. 112-114.
252A. VIRIEUX-REYMOND, La Logique et l’épistémologie des Stoïciens ; Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge

& Cie, Lausanne, 1950, p. 90.


253A. VIRIEUX-REYMOND, La Logique et l’épistémologie des Stoïciens ; Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logistique et la pensée contemporaines, F. Rouge

& Cie, Lausanne, 1950, p. 90.


254R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 74.
255R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 74.
256R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne, Paris, 1964, p. 74.
257Cf. R. MUCCHELLI, Logique et morale, Bordas, Paris, 1955, p. 122 ; E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, pp.

16-18 ; R. ROBAYE, op. cit., pp. 32-33; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 86-79.
258ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 72.
259M. GEX, Logique formelle, Griffon, Neuchâtel, 1968, p. 30.
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à définir tout en écartant les différences individuelles ou spécifiques pour n’en retenir que l’élément
commun.260 La définition étant une formule qui dit ce que c’est qu’une chose, la définition est alors
« regardée comme le discours qui explique ce qu’est une chose. (…), [regardée comme] le discours qui
montre pourquoi la chose est. »261 La définition favorise donc la signification sans mettre l’accent sur des
preuves d’une part, et d’autre part elle se présente presque comme une démonstration. Ceci montre qu’il
existe une différence entre pourquoi quelqu’un lit un livre et que peut signifier la lecture. Au final, Aristote
propose trois manières de comprendre ou de définir la définition. Celle-ci « est, en premier sens, un discours
indémontrable de l’essence ; en second sens, un syllogisme de l’essence ne différant de la démonstration que
par la position des termes ; et, en troisième sens, la conclusion de la démonstration de l’essence. »262 A
quelles conditions doit satisfaire une bonne définition ? Cela dépend du but que l’on assigne à la
démonstration et à la définition.263 Certaines conditions sont requises pour qu’une définition soit intelligible.
La définition doit tenir compte du fait : que le definiens ne contienne pas le definiendum, que le definiens soit
plus clair que le definiendum, que la définition convienne à tout le défini et à lui seul, que la définition ne soit
pas négative, qu’elle soit brève, mais tout ne peut pas être défini.264 Une bonne définition doit énumérer les
caractères essentiels de l’objet à définir, éviter le cercle vicieux, être plus claire que ce que l’on définit, éviter
la pétition de principe. Elle ne doit pas être plus large, elle ne doit pas avoir une extension trop grande.265
La bonne définition doit être claire, précise, concise, intelligible, explicite.
Mais il existe plusieurs définitions qui ne sont pas correctes, comme :
*Certaines formulations concises, qui supposent qu’on sait déjà de quoi il s’agit. Par exemple, Smith estimait
que danser signifie prier avec les pieds pendant que Bismarck pensait que la politique est l’art du possible.
*L’indication physique d’un objet. Par exemple, qu’est-ce qu’une chèvre ? En voici une. C’est une méthode
qui se veut apprendre le lien qui existe entre la réalité sensible et le mot. Mais il est clair que tout ne peut pas
être indiqué par le doigt et montré par la pratique.
*La formulation des circonstances dans lesquelles quelque chose se réalise ou se fait. Par exemple, être libre
c’est quand on peut faire tout ce que l’on veut.
*Les formulations tendancieuses qui ont toujours l’apparence de décrire une chose mais ce sont des
invitations à l’action ou à une certaine attitude. Par exemple, l’étudiant est celui pour qui la science est
prioritaire.
Nous allons nous appesantir sur les définitions : stipulative et réelle.266
2.1.7.1. Les définitions stipulatives
On parle de la définition stipulative quand on introduit un nouveau terme ou quand on donne un
nouveau contenu à un terme existant. La définition nominale ne fait que définir le « sens d’un mot. »267 La
définition nominale peut se réaliser via l’étymologie ou l’usage courant du mot. Cependant, la définition
nominale explique un mot, elle se résume en appel aux synonymes, elle cherche à faire comprendre. La
définition nominale n’engage pas directement la référence à la réalité. Elle a moins de prétentions à la réalité.
La référence s’oriente à l’idée qu’on en fait, à ce qu’on a appris.
Elle définit le sens d’un mot, et pourtant un mot peut être défini selon :
-La définition syntaxique : le mot est considéré dans sa relation à d’autres mots ; elle montre comment
remplacer une proposition ou expression longue par une courte. Par exemple, Université catholique de
Louvain est définie syntaxiquement par UCL ; Organisation des Nations unies est définie syntaxiquement
par ONU ; le programme alimentaire mondial est défini syntaxiquement par PAM ; Paris saint-germain est
défini syntaxiquement par PSG ; etc.
-La définition sémantique : elle considère la relation entre le mot et l’objet. Elle donne la signification
d’un terme. Elle montre comment on peut utiliser un mot pour indiquer une chose. Il s’agit de la définition
lexicale ; d’où,
°La définition étymologique c’est la signification que le mot a eu au moment de son introduction dans la
langue. Par exemple, le mot « génocide » est de l’étymologie latine genus occidere. Étymologiquement, le mot
génocide signifie « tuer le genre humain. » ; le mot « fratricide » est de l’étymologie latine frater occidere.

260Cf. ARISTOTE cité par E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, p. 18.
261ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, pp. 194 -195.
262ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 197.
263Cf. R. BLANCHE, L’axiomatique, P.U.F., Paris, 1970, p. 23.
264Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 77.
265Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 17-18 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne

et ses fils, Paris, 1964, p. 77.


266Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 168-171.
267R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 76.
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Étymologiquement, fratricide signifie « tuer son frère. » ; juxtaposer, de juxta et ponere c’est-à-dire poser à
côté de l’autre.
°La définition non-étymologique, c’est la signification actuelle du mot ; elle peut être :
=Générale : signification d’un terme entre savants.
Par exemple, une bicyclette est à deux roues d’égal diamètre dont la roue arrière est actionnée par les pédales
agissant sur une chaîne.
=Technique : signification d’un terme entre savants compétents dans telle matière. Par exemple, en
Métaphysique, le mot essence est la mesure selon laquelle un être possède l’acte d’être.
-La définition pragmatique : elle sert à donner la valeur émotionnelle d’un mot. Par exemple, le mot juif
dans tout contexte nazi suscitait de la haine et du mépris.
Pour trouver la définition nominale on a deux méthodes :
*La méthode dénotative : on réfère de l’une et de l’autre façon à l’extension.
**donner un synonyme : remplacer un terme inconnu par un terme connu. Ici, on remplace le terme connu
par celui qui est connu, sans indiquer ses caractéristiques intérieures et formelles. Par exemple, le bouquin,
le livre.
**Une définition par exclusion : on définit quelque chose en excluant ce qui s’oppose à cette chose. On
ne donne pas les caractéristiques intérieures de la chose. Par exemple, la saison sèche c’est quand il ne pleut
pas ; un religieux c’est celui qui n’est pas laïc ; le riche c’est celui qui n’est pas pauvre, etc.
**En donnant quelques exemples qui ne sont pas nécessaires, exhaustifs. Par exemple, qu’entendons-
nous par une maison de formation ? C’est une maison comme Kansebula, Murhesa, Buhimba, Ruzizi,
Cyangugu, Kimwenza, Mayidi, etc.
-La méthode connotative : elle part du contenu et donne les propriétés. Par exemple, l’homme est un
animal raisonnable.
2.1.7.2. La définition réelle
La définition réelle manifeste la nature de la chose désignée. La définition est réelle quand elle porte
« sur une chose »268 Elle est par contre essentielle quand elle exprime « l’essence de cette chose. »269 Cette
définition peut être descriptive ou quidditative. La définition réelle prétend parler de la réalité. Elle réfère à
la réalité, l’intention est d’affirmer. Elle est descriptive, car elle manifeste indirectement la nature de la chose
par l’énumération des propriétés ou des effets selon les prédicaments. Elle est quidditative, car elle donne
les notes essentielles de la chose. Cependant, la définition quidditative peut être physique ou métaphysique.
Elle est physique quand elle explique la chose par des éléments qui la composent réellement ; elle est
métaphysique quand elle explique la chose par des éléments qui la déterminent métaphysiquement.270 La
définition réelle, définissant la chose, suppose une réalité donnée et en énonce un caractère si clair que l’objet
puisse être reconnu sûrement dans tous les cas271. Elle dit ce qu’une chose est, elle porte sur l’essentiel d’une
chose et tente de suivre la réalité ; d’où trois méthodes272 :
-La méthode d’analyse réalise la décomposition en éléments constitutifs soit physiques soit
métaphysiques.
-La méthode de synthèse montre la chose comme partie d’un ensemble plus grand et place la partie dans
un ensemble.
-La méthode descriptive : elle se rapproche de la méthode analytique sans pourtant toucher à l’essence de
la chose. Elle vise à atteindre les propriétés qui constituent la forme de la chose ; à tenter d’atteindre une
chose dans son essence à travers les accidents qui ne sont pas propres ou nécessaires mais qui sont propres
à une chose
Par ailleurs, la méthode phénoménologique se situant dans la ligne de la méthode descriptive veut
atteindre l’essence. Outre ces sortes de définitions, on parle des définitions : Intrinsèque, celle qui caractérise
l’objet par des relations ; Extrinsèque dont le but est de connaître la chose essentiellement ; Constructive :
elle donne le mode de formation de l’objet à définir ; Fonctionnelle, elle peut être empirique ou opératoire :
on les utilise lorsque l’on fait l’analyse des fondements d’une science au moyen de la méthode axiomatique.

268R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 76.
269R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 76.
270 Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 16-18.
271Cf. R. MUCCHIELLI, Logique et morale, Bordas, Paris, 1955, p. 122.
272Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, pp. 254-264. Pour lui, outre la déduction et l’induction, l’analyse et la synthèse

sont des procédés généraux de la pensée. La synthèse vise à la reconstruction intellectuelle du donné en vue de la démonstration ou de la vérification.
Elle est apte à généraliser. L’analyse est un mouvement de l’esprit en remontant des conditions en conditions jusqu’à l’élément intellectuel qui est la
raison du donné.
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Pour la définition causale les causes d’une chose sont souvent constitutives de la chose. La chose est
mieux connue quand on connaît sa cause. La définition causale « consiste à définir une chose, non pas en
elle-même, et c’est pourquoi elle est dite extrinsèque, mais par sa cause. »273 Cette définition peut être faite
soit pas sa causalité efficiente, celle qui produit une chose. Par exemple, c’est un Corbusier, une construction
réalisée par Le Corbusier ; elle peut se faire aussi grâce à sa cause finale, par exemple « c’est une idole (c’est-
à-dire) une statue faite pour être adorée ;(…) par sa cause exemplaire, par exemple : une statue de Napoléon,
faite sur le modèle de Napoléon. »274 Voilà que la causalité finale d’une chose définit sa forme. La définition
génétique « indique la manière dont une chose est produite. »275 Par exemple, « le mulet est un croisement
de cheval et d’âne. »276 Voilà qu’à l’indication de la cause on ajoute la façon dont la cause produit son effet.
Il est clair que tout ne peut pas être défini. Par exemple, les données immédiates empiriques ou sensibles :
les sensations, les sentiments. Les catégories et les genres suprêmes : les catégories sont des concepts
fondamentaux auxquels l’esprit rapporte ses idées. Elles servent à définir tous les autres concepts ; elles sont
indéfinissables grâce à leur grande généralité. Les genres suprêmes n’ayant de genre prochain ne peuvent
pas être définis ; leur compréhension est réduite au maximum. Les concepts singuliers ou individus : on ne
peut pas définir les individus auxquels correspondent les concepts singuliers, car leur compréhension est
inépuisable ; mais on les décrit ou les désigne.

2.2. L’ETUDE DU JUGEMENT


2.2.0. Introduction
La raison a toujours réussi à unir deux concepts au moyen du verbe « être » en vue d’émettre un jugement
dont l’expression verbale ou écrite est : la proposition. Cette dernière est composée d’un sujet, dont on
étudiera l’extension, d’une copule, dont on étudiera la forme et d’un prédicat, dont on étudiera l’extension.
Il existe plusieurs sortes des propositions, nous nous arrêterons à quelques-unes. La classification de la
proposition logique est fondée sur deux critères : la quantité et la qualité. Les résultats de ces deux critères
combinés, conduisent à une figure appelée ‘carré logique des oppositions’. Ces oppositions entretiennent
multiples rapports.
2.2.1. Composition d’une proposition
Si l’appréhension est l’opération mentale par laquelle on saisit un concept, l’opération mentale par
laquelle on établit un rapport entre deux concepts est appelée jugement. Selon Kant, le jugement est « la
faculté de subsumer sous des règles, c’est-à-dire de décider si quelque chose rentre ou non sous une règle
donnée. »277 Il exprime une affirmation d’un rapport de convenance, de disconvenance entre deux concepts.
Le jugement,278 ainsi pris, a besoin d’un rapport pour se donner en spectacle, son expression mentale ou
orale est la proposition ou énonciation, susceptible d’être affirmative ou négative. Par exemple, tous les
malades sont patients, est une proposition où il y a convenance ; mais nul homme n’est parfait, est une
proposition où il y a disconvenance. Selon Aristote, la proposition est une phrase déclarative capable d’être
vraie ou fausse.279 Ceci montre que le logicien étudie la proposition logique dans laquelle on peut prendre
position à l’égard du vrai ou du faux. C’est-à-dire que les propositions qui ne sont ni vraies ni fausses ne
l’intéressent en rien. De toutes les façons, la norme de la logique est exclusivement le vrai.
La logique aristotélicienne repose sur la structure prédicative, c’est-à-dire qu’une propriété est attribuée
à un sujet par l’entremise de la copule. Elle fournit diverses propositions construites sur le modèle prédicatif
suivant la forme ‘s’ est ‘p’. Dans ces conditions, les termes conceptuels : sujets ou prédicat constituent les
atomes (les particules élémentaires) des raisonnements prédicatifs. C’est-à-dire que l’analyse du jugement

273R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 76.
274R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 76.
275R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 77.
276R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 77.
277E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 181.
278Actio intellectus, qua composit vel dividit affirmando vel negando. Il s’agit de l’acte par lequel on compose ou on divise en affirmant ou en niant. Les termes

sont assemblés en propositions. Le jugement est une assertion, affirmative ou négative, qui établit ou dément un rapport entre deux termes ; il
consiste à affirmer un prédicat d’un sujet ou à nier que le prédicat puisse être attribué à un sujet. C’est par le jugement que la proposition prend un
sens. (Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, p. 106 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 21.)
279Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 15 ; R. VERNEAUX, Introduction

générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 81. La proposition signifie le contenu, car par exemple, les propositions : Jean aime Solange ;
Solange est aimée par Jean, sont synonymes et doivent être considérées comme une seule proposition, elles expriment la même vérité. C’est-à-dire
que le contenu que la proposition active véhicule est le même contenu que véhicule la proposition utilisée à la voix passive. Pour la logique stoïcienne,
les propositions sont des unités de base des raisonnements. La logique stoïcienne étudie les règles qui régissent les combinaisons des propositions
inanalysées.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
nous révèle que celui-ci est composé d’au moins trois éléments, à savoir : le sujet, le prédicat et le lien
(copule).280
-Le sujet : Le sujet exerce le rôle « de désigner l’objet ou des objets dont on parle. »281 Il peut ou ne pas être
accompagné d’un quantificateur. Cet être dont on affirme ou on nie quelque chose, par exemple, les parisiens
sont français, quelques femmes ne sont pas chrétiennes.
-Le prédicat: Il consiste à exprimer « une propriété de l’objet ou des objets désignés par le sujet. »282 Le
prédicat est ce qu’on reconnaît au sujet comme le constituant. Il exprime le contenu de la pensée, par
exemple, les chrétiens sont charitables ; les musulmans ne sont pas catholiques. Un prédicat peut être
distingué de la copule, par exemple Gaspard est intelligent. Il peut y être enveloppé, c’est-à-dire que le
prédicat est contenu dans le verbe, par exemple, Solange écrit bien, équivaut à : Solange est écrivant bien ;
je vois ; cette proposition correspond à la proposition : je suis voyant ; celle de : j’écris, équivaut à la
proposition : je suis écrivant ; Paul se promène ; cette proposition équivaut à : Paul est se promenant ; ce
sont des propositions verbales c’est-à-dire des propositions à verbe prédicatif.283 À côté des propositions
verbales il existe aussi des énoncés impersonnels, par exemple, il pleut, équivaut à la pluie est tombante.
-Le lien (la copule) : Considéré comme une simple copule, le verbe joue, dans une proposition prédicative,
« le rôle de relier le sujet au prédicat. »284 Il permet l’union du sujet et du prédicat et requiert une sémantique
précise du verbe « être » en vue de montrer l’état, le rapport entre le sujet et le prédicat. Souvent la forme
verbale c’est « est». Il précise dans quelle mesure le prédicat dit quelque chose du sujet, par exemple, Solange
est joyeuse, Lydie n’est pas biologiste.
2.2.2. Sortes de proposition285
La proposition ayant un sujet, un prédicat et une copule s’appelle proposition prédicative simple par
opposition aux propositions composées qui énoncent des rapports pouvant exister entre plusieurs
propositions. En raison de la forme ou de la copule, on classe les propositions selon les diverses sortes des
copules, d’abord, les propositions simples ou catégoriques et les propositions composées ou hypothétiques ;
ensuite, selon que la copule « est » compose ou divise, on a des propositions affirmatives ou négatives ;
enfin, selon que la copule « est » compose ou divise purement ou simplement, on a des propositions
simplement attributives et des propositions modales. Une proposition simple est celle qui est catégorique
c’est-à-dire attributive, par exemple, les hommes sont des menteurs ; les enfants ne sont pas adultes. Une
proposition hypothétique ou composée est une proposition ayant pour parties deux propositions simples
déjà formées, unies et conjointes par le moyen d’une copule autre que le verbe comme les particules et, ou,
si. Elle construit une vérité nouvelle distincte des vérités catégoriques. Elles sont ouvertement ou
occultement composées. Ces propositions sont celles dont la composition n’apparaît pas grammaticalement
et qui doivent être développées pour qu’elle apparaisse. C’est pour cela qu’on les appelle des propositions
exponibles.286 Elles sont dites ouvertement composées ou formellement hypothétiques quand la structure
même de la proposition manifeste qu’elle a deux propositions. Elles sont copulatives, disjonctives et
conditionnelles. Si la composition de la proposition n’est indiquée que par un mot qu’elle contient, elle est
virtuellement hypothétique ou occultement composée.287
280Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 58. ; R. VERNEAUX,
Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 82.
281M.-L. ROURE, Éléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 74.
282M.-L. ROURE, Éléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 74.
283Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, p. 65 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 21 ; R.

BLANCHE, Introduction à la logique contemporaine, Armand Colin, Paris, 1968, p. 17; A. BAUDART, « Aristote », in RUSS, J. (dir.), Histoire de la
philosophie. Les pensées fondatrices, Armand Colin, Paris, 1998, p. 50.
284M.-L. ROURE, Éléments de logique contemporaine, P.U.F., Paris, 1967, p. 74.
285Certains logiciens comme Lachelier, De Morgan proposent une logique de relation. Pour eux, la proposition ne doit pas exprimer un rapport

d’inhérence, car elle peut exprimer un rapport de causalité, d’égalité ou d’inégalité. Ils parlent des propositions : symétriques, asymétriques, transitives
et intransitives. Les propositions sont appelées symétriques lorsque les deux concepts ont la même valeur ou mesure, par exemple Pierre est le frère
de Paul ; cette proposition équivaut à Paul est le frère de Pierre, dans ceci il y a expression de l’identité ou équivalence. Les propositions sont
considérées comme asymétriques quand les deux concepts n’ont pas la même valeur, mesure, par exemple Francine est la grande sœur de Solange.
Les propositions sont dites transitives quand il y a un concept intermédiaire entre le premier et le troisième, par exemple Paul est ami de Eric, or
Eric est ami de Henri, donc Paul est ami de Henri. Les propositions sont appelées intransitives quand la relation entre le premier et le deuxième
termes est inexistante entre le premier et le troisième termes et cela donne lieu à une autre relation, par exemple si Paul est le père de Charles, or
Charles est le père de Philippe, alors Paul n’est pas le père de Philippe mais son Grand Père. C’est alors que N. Mbolokala Imbuli parle de la
proposition relationnelle : symétrique, asymétrique, transitive, existentielle. (Cf. N. MBOLOKALA IMBULI, Initiation à la logique, Kratos, Kinshasa,
2007, p. 19.)
286Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 88.
287Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Téqui, Paris, 1946, pp. 127-129 ; E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa,

1990, pp. 28-29 ; PHOBA MVIKA, Notes de logique formelle, P.U.Z., Kinshasa, 1986, pp. 58-59 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette,
Paris, 1944, p. 21-22 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, p. 17. Quelques exemples illustrant les propositions
ouvertement composées : La proposition copulative : Les braves se sont présentés et les lâches se sont absentés. La proposition disjonctive : le
passeport est délivré aux autochtones ou aux étrangers. La proposition conditionnelle : Si le préfet est absent alors le directeur des Études est
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2.2.3. Classification de la proposition
Tout énoncé est doté de la qualité et de la quantité, deux critères sur lesquels on se base pour la
classification des propositions simples.288 La quantité d’une proposition ou son extension dépend de la
quantité ou de l’extension du sujet auquel s’applique le prédicat de la proposition. Si le sujet est pris selon
une partie seulement de son extension, alors la proposition est particulière. Il s’agit du cas où la prédication
a une portée particulière, par exemple, quelques animaux sont herbivores. Si le sujet est pris selon toute son
extension alors la proposition est universelle. Il s’agit du cas où la prédication a une portée universelle, par
exemple, toutes les chèvres sont herbivores. Mais attention, dans les propositions négatives le quantificateur
« tout » utilisé dans une proposition à forme négative indique une proposition particulière, puisque « c’est
sur tout que retombe la négation. »289 Ceci montre que le quantificateur universel « tout » affecté de la
négation change la quantité de la proposition. Par exemple : « Tous les chrétiens ne sont pas charitables »,
n’en déplaise à l’amphibologie qu’elle comporte, cette proposition est particulière négative et équivaut à
« quelques chrétiens ne sont pas charitables. »
La qualité d’un jugement est déterminée par « la forme » de la proposition c’est-à-dire le lien qui compose
ou divise. Si le lien est une composition, on a un jugement affirmatif (convenance) ; s’il est une division, on
a un jugement négatif (disconvenance). La qualité indique le caractère affirmatif ou négatif du jugement, par

présent. Quelques exemples illustrant les propositions occultement composées : La proposition exclusive : Dieu seul est parfait ; seul l’indigent
est tel que son malheur arrive plus souvent que le bien. La proposition exceptive : tous les étudiants sont préjudiciables sauf les finissants. La
proposition réduplicative : la sorcière en tant que sorcière doit être évitée ; Dans l’Église catholique, le prêtre en tant que serviteur de Dieu, est
célibataire. Dans la classification des jugements, Austin parle des jugements constatifs et performatifs. Le constatif décrit, constate la réalité. Il peut
être vrai ou faux, par exemple l’Église est universelle. Un performatif crée une situation, le locuteur réalise sa parole. Celle-ci modifie, fait exister
quelque chose qui n’était pas avant elle. Par exemple, je t’excommunie, je te baptise. Joseph Dopp parle de l’emploi expressif qui décrit l’état de
conscience du sujet, par exemple je suis content de mon épouse. Cet emploi expressif met l’accent sur la sincérité ou la non-sincérité. L’emploi
didactique fait la description d’un état objectif ou du monde, par exemple Rome est la capitale de l’Italie. Le cercle est rond. Cet emploi met l’accent
sur l’effectif ou non-effectif. L’emploi discursif use des mots pour comprendre en vue d’agencer les idées pour la cohérence du discours. Dans cet
emploi on met l’accent sur le valide ou le non-valide, par exemple comment peut-on soutenir pareille thèse ? L’emploi performatif modifie un état
du monde. Le locuteur fait ce qu’il dit et ses mots créent la réalité. Cet emploi met l’accent sur le gracieux ou le disgracieux, le heureux ou le
malheureux. L’emploi normatif décrit un idéal, c’est le domaine de la modalité : nécessaire, impossible, possible, contingent. L’emploi pictorial décrit
une situation, une personne ou un objet en vue d’éveiller la conviction. C’est le domaine de l’argumentation, de la rhétorique. La proposition
indéfinie, par exemple toute âme est non-matérielle est différente de la proposition négative, par exemple, aucune âme n’est matérielle. Au sujet
des jugements où se réalise le rapport d’un sujet à un prédicat c’est-à-dire des jugements attributifs, Kant se fonde sur la compréhension pour
montrer la possibilité de parler de deux jugements : analytiques et synthétiques en indiquant que « ou bien le prédicat B appartient au sujet A comme
quelque chose déjà contenu (implicitement) dans ce concept A ; ou bien B, quoique lié à ce concept A, est entièrement en dehors de lui. Dans le
premier cas, je nomme le jugement analytique ; je l’appelle synthétique dans le second. » La théorie des propositions synthétiques et analytiques est
applicable aux propositions prédicatives. Les jugements analytiques (jugements explicatifs, affirmatifs, déclaratifs) sont ceux où le prédicat développe
la compréhension du sujet. Ils sont alors « ceux dans lesquels l’union du prédicat avec le sujet est pensée par identité. » Ceci montre que le prédicat
est une partie inévitable de la compréhension du sujet. En analysant le sujet on fait sortir le prédicat. Les jugements analytiques sont a priori rationnels,
c’est-à-dire ils ne dérivent pas de l’expérience. Leur vérité réside dans la simple analyse des concepts. Ils n’apportent aucune contribution dans la
compréhension du sujet, ils « ne font que le décomposer par l’analyse en ses divers éléments déjà conçus avec lui. » Ceci montre que dans les
jugements analytiques, le prédicat ne livre aucune information relative à la compréhension du sujet, car il est déjà pensé dans le sujet. Ils sont alors
tautologiques, logiques. Par exemple, tout homme est raisonnable ; le carré a quatre côtés égaux ; le cercle est rond. Les jugements synthétiques
(jugements extensifs) sont ceux où le prédicat n’entre pas dans la compréhension du sujet. Dans le jugement synthétique, le prédicat ne rentre pas
nécessairement dans la compréhension du sujet. Il s’agit des jugements où l’union du prédicat au sujet « est pensée sans identité. » Ils sont a posteriori
et relèvent de l’expérience. L’expérience leur ajoute des éléments dont il faut réaliser la synthèse pour arriver à la vérité. Le prédicat livre une nouvelle
information afférente au sujet. Les jugements synthétiques sont a posteriori comme la nouvelle information est obtenue après l’expérience. Ils sont
empiriques et « ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n’y était pas pensé et qu’aucune analyse n’aurait pu en faire sortir » par exemple le ciel
est bleu. Cependant, les jugements synthétiques sont aussi a priori métaphysiques quand ils livrent une nouvelle information en se passant de
l’expérience sensible. Kant considère que « les jugements mathématiques sont tous synthétiques (…) et a priori et non empiriques » étant donné qu’ils
exigent une nécessité impossible à tirer de l’expérience. Les mathématiques dans leur pureté sont dépourvues de « connaissances empiriques » en
faveur des « connaissances pures a priori » dont elles sont dotées ou pourvues. Ces jugements sont a priori métaphysiques, par exemple, trois plus
deux font cinq, car on voit que le concept de la somme de 3 et 2 « ne contient rien de plus que la réunion de deux nombres en un seul » ; il en va de
même des principes de la géométrie pure, par exemple, « entre deux points la ligne droite est la plus courte »287, le concept du droit exprime la qualité
et jamais la quantité et celui du plus court lui est ajouté. La somme des angles d’un triangle = 180°, tout événement a une cause. Se fondant sur le
point de vue de la modalité, Kant établit une distinction entre les jugements problématiques, assertoriques et apodictiques. - La proposition
apodictique (c’est la catégorie de la nécessité) énonce un fait qui est et doit nécessairement être. Par exemple, il est nécessaire que l’homme soit
raisonnable ; le triangle a trois côtés égaux ; le cercle est rond. Dans les jugements apodictiques, le jugement est affirmé comme une vérité de droit.
- La proposition assertorique (c’est la catégorie d’existence) énonce un fait qui est mais qui pourrait ne pas être sans contradictions. Il est un fait
contingent. Par exemple, Bruxelles est la capitale de l’Union européenne ; Ce coq chante. Le jugement assertorique est affirmé comme une vérité de
fait. - La proposition problématique (c’est la catégorie de possibilité) énonce un fait qui n’a pas encore lieu mais qui pourrait être, un fait simplement
possible. Par exemple, tout séminariste peut devenir prêtre. Le jugement est présenté comme une simple possibilité. (Cf. L. MEYNARD, Logique et
Philosophie des Sciences, Classique Eugène Belin, Paris, 1955, pp. 44-45 ; P. THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 86-89 ; G.
KALINOWISKI, La logique déductive, P.U.F., Paris, 1996, pp. 81-99 ; E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 2001, pp. 100-103 et 157 ;
R. CARATINI, Initiation à la philosophie, L’Archipel, Paris, 2000, p. 406 ; A. BOYER, Hors du temps. un essai sur Kant, J. Vrin, Paris, 2001, p. 53 ; E.
KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 63, 66-67R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris,
1964, pp. 84-85 et 87-88.)
288Cf. R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-Erasme, Louvain-la-Neuve, 1991, p. 34; R. VERNEAUX, Introduction générale

et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 84 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, p. 5. C’est l’extension du sujet
qui confère la quantité à la proposition. Un sujet d’extension particulière indique que la proposition dont il est sujet est particulière. Un sujet
d’extension universelle indique que la proposition dont il est sujet est universelle.
289E. GOBLOT, Traité de logique, Armand Colin, Paris, 1952, p. 178, note de bas de page n° 1.
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exemple, Cet homme est sincère : est une proposition affirmative ; Aucune religieuse n’est mariée, est une
proposition négative.290 En conséquence, la logique formelle est capable d’utiliser « deux espèces de
jugements dans la catégorie de la qualité, les affirmatifs et les négatifs, et deux dans la catégorie de la quantité,
les universels et les particuliers ; si l’on considère à la fois quantité et qualité, on a donc quatre sortes des
jugements. »291
2.2.4 Combinaison de la quantité et de la qualité
Combinées, quantité et qualité, conduisent à quatre types de propositions ou formes fondamentales
de la prédication.292 C’est alors que la logique use de certains symboles pour exprimer les points de vue
combinés. On représente les divers jugements par les symboles A, E, I, 0, utilisés par les scolastiques. Ces
voyelles proviennent des verbes latins : affirmo et nego. Le verbe latin AffIrmo indique les propositions
affirmatives symbolisées par les voyelles A et I. Le verbe nEgO indique les propositions négatives
symbolisées par les voyelles E et 0. Les écoles médiévales ont indiqué deux vers mnémoniques pour les
quatre voyelles indiquant les propositions :
asserit A, negat E, verum generaliter ambo
asserit I, negat O, verum particulariter ambo293
A symbolise une proposition universelle affirmative ; e.g. les filles sont intelligentes
I symbolise une proposition particulière affirmative ; e.g. certaines filles sont intelligentes
E symbolise une proposition universelle négative ; e.g. nulle fille n’est intelligente
0 symbolise une proposition particulière négative294 ; e.g. certaines filles ne sont pas intelligentes.
A, E, I, 0 considérées comme les premières voyelles de l’alphabet usuel, une fois placées dans chaque case,
de gauche à droite et de haut vers le bas, il se dessine un quadrilatère dont les quatre coins forment une
figure appelée carré logique des oppositions 295 en considérant ces quatre propositions A, E, I et 0, comme
étant liées entre elles. L’origine de ces 4 propositions se situe dans le fait « qu’on ajoute la copule est à un
prédicat fini (…) infini (…) dans les affirmatives, et, par la suite, la copule n’est pas dans les négatives : cela
fait bien au total quatre propositions »,296 représentées dans cette figure quadrilatérale.

290Cf. E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 2001, pp. 156-160. ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne, Paris,
1964, pp. 82 et 84. La quantité indique les jugements universels, particuliers et singuliers, la relation indique les propositions catégoriques,
hypothétiques et disjonctives ; la modalité indique les propositions problématiques, assertoriques et apodictiques.
291E. GOBLOT, Traité de logique, Armand Colin, Paris, 1952, p. 155.
292Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 230 ; P. THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 93-95;

L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 58 ; R. VERNEAUX, Introduction
générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 84.
293Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 84 ; J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin,

Paris, 2007, p. 114.


294Cf. R. MUCCHIELLI, Logique et morale, Bordas, Paris, 1955, pp. 65-66 ; J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 48 et 51 et

144 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 84 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F.,
Paris, 1962, p. 5.
295Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990, p. 36 ; R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-

Erasme, Louvain-la-Neuve, 1991, p. 38 ; J.-BL. GRISE, Logique moderne. Fascicule I, Gauthier-Villars, Paris, 1969, p. 68 ; P. THIRY, Notions de logique,
De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 93-95. Le fameux carré des oppositions a été schématisé plus tard par Apulée avec son rimbaldien carré. Ce carré
joue un rôle important dans la résolution critique de l’antinomie. Kalinowski montre plus tôt que c’est le carré logique modal aristotélicien qui est
dit « carré d’Apulée » et ce serait celui-là qu’Apulée aurait schématisé. Mais Kant a introduit, en faveur de la logique transcendantale, une troisième
catégorie de jugement dans chacune de quatre classes fondamentales. Aux jugements affirmatif et négatif sur le plan de la qualité, Kant ajoute le
jugement infini ou indéfini, par exemple l’homme est non parfait place l’homme dans l’ensemble indéterminé des individus non parfaits alors que
l’homme est imparfait le réalise dans l’ensemble cernable par la pensée des objets imparfaits. (Cf. E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion,
Paris, 1976, p. 130 ; A. BOYER, Hors du temps. Un essai sur Kant, J. Vrin, Paris, 2001, p. 53 ; L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et
Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 59 ; M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, p. 107 ; G.
KALINOWSKI, La logique déductive. Essai de présentation aux juristes, P.U.F., Paris, 1996, p. 83.)
296ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 118. Note de bas de page n° 1.
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Les anges sont parfaits Nul ange n’est parfait

Quantité

A CONTRAIRES E
S S
U U
B B
A A
Qualité

L L

Qualité
T T
E E
R R
N N
E E
S S

SUBCONTRAIRES

Quantité
Quelques anges sont parfaits Quelques anges ne sont pas parfaits

2.2.5. Rapports entre les propositions


Grâce à ce carré, nous constatons, sans encombre, qu’il y a quatre sortes d’opposition297 : la contradiction,
la contrariété, la subcontrariété, la subalternance.
Les propositions contraires : C’est le côté supérieur du carré logique des oppositions. Elles sont identiques
en quantité mais différentes en qualité. Les propositions générales ou universelles, appelées par les
commentateurs les contraires « ne seront jamais à la fois vraies »298, en conséquence, elles peuvent être
fausses ensemble c’est-à-dire que quand l’une est vraie l’autre est directement fausse. Mais quand l’une est
fausse l’autre a la possibilité de devenir soit vraie soit fausse. Ces propositions indiquent une opposition « de
l’affirmation d’un sujet universel à la négation d’un sujet universel. »299 Il s’agit de A et E.300

Exemple :
Toutes les chèvres sont herbivores (A),
la contraire est : Nulle chèvre n’est herbivore (E).

Le non-bon n’est pas bon (E)


La contraire est : Le non-bon est bon (A)
Aristote montre que la contrariété des propositions conduit à une interrogation selon laquelle
l’affirmation trouve-t-elle son contraire dans la négation ou dans autre affirmation ?301 Cette interrogation
pousse les logiciens à vouloir savoir si la proposition « tout homme est faillible » aurait pour contraire « tout
homme est infaillible » ou « nul homme n’est faillible. » Les jugements contraires ne se définissent pas sur la
base des prédicats contraires. Le jugement à prédicat contraire ne constitue en rien un jugement contraire,
car « ce qui rend les jugements contraires, ce n’est pas qu’ils portent sur des sujets contraires, c’est plutôt

297Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 155-166.; E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Edition Loyola, Kinshasa, 1990,
pp. 90-92 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 85-86. En parlant de la contraire, de la subcontraire,
de la contradictoire et de la subalterne, l’article ’la’ montre qu’il s’agit de la proposition contraire, subcontraire, contradictoire et subalterne.
298ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, pp. 121-122.
299ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 101.
300Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 61.
301Cf. ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 149.
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qu’ils se comportent d’une façon contraire sur un même sujet. »302 Les jugements contraires portent sur la
négation du même prédicat et jamais dans l’affirmation du prédicat contraire, ils ne peuvent être vrais à la
fois, voilà qui les différencie des jugements portant sur les choses contraires lesquels jugements peuvent être
vrais l’un et l’autre en exprimant une seule et même vérité.
Les propositions subcontraires: Il s’agit de la base inférieure du carré logique des oppositions. Elles sont
identiques en quantité et différentes en qualité. Les propositions particulières, appelées par les
commentateurs les subcontraires, « seront parfois vraies en même temps »303, en conséquence ne peuvent
jamais être fausses simultanément. C’est-à-dire que quand l’une est vraie l’autre peut être vraie ou fausse.
Mais quand l’une est fausse l’autre est vraie. Il s’agit de I et 0.304 Ces propositions entretiennent des rapports
de disjonction inclusive ‘V’.305

Exemple : Certains enfants sont sincères (I),


la subcontraire est : Certains enfants ne sont pas sincères (0).
Se fondant sur le fait que les propositions contraires peuvent être fausses ensemble et celles
subcontraires peuvent être vraies ensemble, Pierre Wagner306 attire l’attention des logiciens au sujet de la
négation grammaticale et celle logique. L’énoncé « quelques filles sont courageuses » aura comme négation
grammaticale « quelques filles ne sont pas courageuses » puisque les deux sont vrais su même moment, mais
par contre sa négation logique est « nulle fille n’est courageuse ». Pour l’énoncé « tous les hommes sont
faillibles », sa négation grammaticale est « aucun homme n’est faillible », car les deux énoncés sont faux à la
fois ; mais sa négation logique est « quelques hommes ne sont pas faillibles. »

Les propositions subalternes: Il s’agit des côtés verticaux du carré logique des oppositions. Elles sont
identiques en qualité mais différentes en quantité Ce sont des propositions dont la vérité de l’universelle,
appelée la subalternante (superalterne), implique celle de la particulière, appelée la subalternée (subalterne),
et la fausseté de la particulière implique celle de l’universelle. Il s’agit de A et I ; E et 0.

Exemple : Tous les prêtres sont célibataires (A),


la subalterne est : Quelques prêtres sont célibataires (I).

Nulle chèvre n’est carnivore (E),


la subalterne est : Certaines chèvres ne sont pas carnivores (0).
La subalternation est une opération logique qui oppose une proposition universelle, subalternante
(superalterne), à une proposition particulière, subalternée (subalterne), en ayant le même sujet, prédicat et
qualité. Une proposition particulière est subalterrne d’une universelle. Celle-ci entretient avec sa subalterne
un rapport d’implication où l’on parle de l’antécédent et du conséquent. 307 Quand la proposition universelle
est vraie, la proposition particulière l’est aussi, car ce qui est vrai du tout l’est a fortiori de la partie ; mais
quand la proposition particulière est fausse, la proposition universelle l’est aussi, car ce qui est faux de
quelques-uns, l’est également de l’ensemble, car ces quelques-uns en font partie. Mais si la proposition
particulière est vraie ou la proposition universelle est fausse, pas de conclusion, car ce qui est vrai de
quelqu’un peut ne pas l’être de l’ensemble et ce qui est faux du tout peut être vrai de la partie. Il est intéressant
de savoir que les règles d’inférence de la subalternation sont contestées par d’autres logiciens. Ces logiciens
estiment que ces règles sont valides sous certaines conditions d’existence implicites. Par exemple, la vérité
de la proposition universelle négative : Nulle chèvre n’est carnivore (E) n’implique pas qu’il existe des
chèvres alors que sa subalterne : quelques chèvres ne sont pas carnivores (0) indique cette existence en raison
de l’amphibologie que comporte cette proposition particulière négative. Je ne pourrai, de la vérité de « nulle
chèvre n’est carnivore », déduire la vérité de « quelques chèvres ne sont pas carnivores » si j’admets l’existence
de certaines chèvres qui soient carnivores. Pour les propositions contraires et contradictoires : quand l’une

302ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 151.


303ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 122.
304Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 61. Attention, la règle de la

subcontrariété est acceptable quand l’existence de ce dont on parle est admise, car quelques anges sont masculins et certains anges ne sont pas
masculins, peuvent être des propositions fausses s’il n’y a pas d’anges. Voilà que dans pareil contexte, deux propositions subcontraires se révèlent
fausses simultanément et ceci va à l’encontre des lois des subcontraires.
305Cf. M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, p. 108.
306Cf. P. WAGNER, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses, Paris, 2014, p. 31.
307M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, p. 109.
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est vraie l’autre est fausse. Pour les propositions subcontraires et contradictoires : quand l’une est fausse
l’autre est vraie.308
Les propositions contradictoires : En observant le carré logique des oppositions, on remarque que les
rapports de contradiction sont indiqués par les diagonales du carré. Elles diffèrent et en quantité et en
qualité. Les propositions contradictoires « sont toujours (…), l’une vraie et l’autre fausse »,309 c’est-à-dire
qu’elles ne peuvent être ni vraies ni fausses ensemble, car quand l’une est vraie l’autre est fausse et vice-
versa. De la vérité de l’une, on conclut à la fausseté de l’autre et inversement. Elles entretiennent une relation
de disjonction exclusive (W).310 Elles expriment une opposition « d’une affirmation exprimant un sujet
universel ‘pris universellement’ à une négation exprimant le même sujet non pris universellement. »311 Il
s’agit de A et 0 ; E et I.312

Exemple : Tous les hommes sont fumeurs (A),


la contradictoire est : Certains hommes ne sont pas fumeurs (0) ;

Quelques filles sont épousables (I),


la contradictoire est : Aucune fille n’est épousable (E).
Les différentes lois qui régissent les diverses lois des oppositions issue du carré logique peuvent être
résumées dans un tableau selon que l’on considère un tableau à compléter quand le point de départ est vrai
ou quand il est faux. Dans les deux cas, on constatera que les deux tableaux donnent des résultats contraires.
En commençant par le point du départ comme étant vrai, on aura une diagonale des faux et quand le point
de départ est faux, on aura une diagonale des vrais. Tous les deux tableaux contiennent deux faux et deux
vrais, et quatre indéterminations, outre leur diagonale. Dès qu’un tableau est complété, il est facile de
compléter le second en remplaçant les valeurs du premier par leurs négations. Chaque tableau est l’inverse
de l’autre. Les tableaux313 sont à compléter de gauche à droite mais il est possible de les compléter aussi de
haut à gauche et on aboutira aux mêmes résultats.
2.2.6. Extension du sujet et du prédicat
L’extension du prédicat tout comme celle du sujet d’une proposition est susceptible d’être universelle ou
particulière. Il existe une certaine procédure à suivre pour découvrir l’extension du prédicat ou du sujet.
Pour trouver l’extension du sujet d’une proposition, on s’intéresse aux quantificateurs314 qui le précèdent.
C’est ainsi que le sujet précédé d’un quantificateur universel est d’une extension universelle et celui précédé
d’un quantificateur particulier est d’une extension particulière.
Par ailleurs, pour trouver l’extension du prédicat d’une proposition, il faut se référer à la qualité de cette
proposition. Le prédicat d’une proposition négative est toujours d’extension universelle et le prédicat d’une
proposition affirmative est d’extension particulière. C’est-à-dire que l’extension du prédicat dépend de la
forme de la copule. Ceci montre que le terme est d’extension particulière s’il est sujet d’une proposition
particulière ou s’il est prédicat d’une proposition affirmative, mais par contre, il est d’extension universelle
s’il est sujet d’une proposition universelle ou s’il est prédicat d’une proposition négative.

Par exemple :
Les chrétiens sont charitables
Le sujet, chrétiens, est d’extension universelle, car précédé du quantificateur universel « le ». Le prédicat,
charitables, est d’extension particulière, car employé comme prédicat d’une proposition affirmative.

308Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, pp. 60-61.
309ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 106.
310Cf. M. PEETERS & S. RICHARD, Logique formelle, Mardaga, Wavre, 2009, p. 107.
311ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, p. 101.
312Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 60.
313Cf. G. HOTTOIS, Penser la logique. Une introduction technique et théorique à la philosophie de la logique et du langage, De Boeck Université, Bruxelles, 2002,

p. 25.
314Cf. R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-Erasme, Louvain-La-Neuve, 1991, pp. 35-37; N. MBOLOKALA IMBULI,

Initiation à la logique, Kratos, Kinshasa, 2007, p. 17 ; L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université,
Bruxelles, 2009, p. 59. Pour l’extension d’un concept, sujet d’une proposition, on se réfère très souvent au quantificateur. Ce dernier est un mot ou
un groupe de mots dont le but est de préciser le degré selon lequel on considère l’extension d’un concept. Il existe le quantificateur universel comme :
tout, tous, toute, toutes, le, la, les, l’, nul, aucun, nulle, aucune, personne, rien, chaque, un, etc. Par exemple, sont des propositions universelles : Tous
les hommes sont faillibles, N’importe quel homme est faillible, Être homme implique être faillible, Il suffit d’être un homme pour être faillible, Il
est nécessaire d’être faillible pour être homme, Seuls les faillibles peuvent être des hommes, Nul vélo n’est un véhicule, Un vélo n’est jamais un
véhicule, Rien n’est à la fois vélo et véhicule, Il n’y a pas de vélo-véhicule, etc. et le quantificateur particulier comme : quelque, quelques, certain,
certains, certaine, certaines, tel, peu de, des, la majorité de, la plupart de, beaucoup de, bien de et tous les adjectifs numéraux cardinaux, etc.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Par exemple :
Certains médecins ne sont pas bruns
Le sujet, médecins, est d’extension particulière, car précédé d’un quantificateur particulier « quelque ». Le
prédicat, bruns, est d’extension universelle, car employé comme prédicat d’une proposition négative.
Hamilton, initiateur de la théorie de la quantification du prédicat est un logicien écossais qui pense,
au XIXème siècle, ramener la proposition syllogistique à l’équation mathématique en attribuant au prédicat
l’extension indépendante de la qualité. Même si la proposition A ne peut pas se convertir simpliter, Hamilton
pense qu’on peut appliquer à cette proposition une théorie de quantification du prédicat qui favoriserait la
conversion parfaite de toutes les propositions. C’est alors qu’il parle de deux propositions universelles : toto-
totales et toto-partielles. Pour lui, les propositions toto-totales sont des propositions dont le prédicat est
universel. Par exemple l’homme est tout mortel ; l’homme est tout animal raisonnable. Les propositions
toto-partielles sont celles où le prédicat est particulier. Par exemple l’homme est quelque mortel. Ici
Hamilton met l’accent sur la quantité du prédicat. Les propositions particulières sont aussi : parti-totale et
parti-partielle. Par exemple, Quelques élèves sont tout intelligents ; Quelques étudiants sont quelques
courageux.315 La proposition, « Judas était l’un des douze apôtres »316 est toto-partielle. Mais cette théorie de
la quantification du prédicat est déjà réfutée par Aristote qui part de la distinction à établir entre les
propositions énoncée universellement, telles que : tout homme est mortel ; nul homme n’est mortel ; et les
propositions portant sur des universels mais ne sont pas énoncées universellement, telles que : l’étudiant est
courageux ; l’étudiant n’est pas courageux (sont des propositions indéfinies, prises pour universelles.) Il
montre que dans les propositions universelles, propositions dans lesquelles l’universel est pris universaliter et
les propositions indéfinies, propositions dans lesquelles l’universel n’est pas pris universaliter, si l’universel est
attribué au prédicat universel, alors ces propositions ne seront pas vraies.317
2.3. L’ETUDE DU RAISONNEMENT
La question du raisonnement est importante, car il existe diverses sortes de raisonnement : la
déduction et l’induction. Au-delà de cette distinction traditionnelle, Peirce réalise une division ternaire du
raisonnement : la déduction, l’induction et l’abduction. Dans l’abduction, appelée hypothèse par Peirce, on
arrive au cas en partant de la règle et d’un résultat. Pour Peirce la déduction montre que quelque chose doit
arriver, l’induction (épagogè) indique que quelque chose est effectivement et l’abduction (apagogè) suggère que
quelque chose pourrait être. L’abduction est un « procédé par lequel on tente de ramener un problème
difficile ou mal connu à une difficulté que l’on pense pouvoir résoudre. »318 On parle d’abduction quand la
conclusion est hypothétique, l’abduction est une démarche heuristique qui complète l’induction, laquelle
induction tente d’établir des véritables lois. Stern ajoute à la déduction et à l’induction, la transduction qui
procède du singulier au singulier, du spécial au spécial sans passer par la généralité. Cette signification de ce
vocable, transduction, est reprise par Jean Piaget qui montre que c’est de cette façon que réfléchissent les
enfants. Il le qualifie d’un raisonnement enfantin dépourvu de nécessité logique. Pour Claude Bernard,
l’induction est une forme de raisonnement investigatif ou interrogatif utilisé par l’homme qui ne sait pas et
qui veut connaître. L’induction peut aussi partir du particulier au particulier, car « elle peut conclure à un fait
particulier à partir d’autres faits. »319
2.3.1. Définitions du raisonnement
La mise ensemble de deux jugements, résultats de la combinaison de deux concepts, exige un troisième
jugement qui en découle nécessairement. Il arrive aussi que la raison tire un nouveau jugement à partir d’un
seul, tout en exprimant la même vérité. En ce chapitre, nous étudions les inférences médiates et immédiates.
Le raisonnement est un rassemblement de jugements rapprochés et il en résulte un autre (la conclusion). 320
Il est un « enchaînement d’idées selon leurs relations logiques. »321 Pour Joseph Dopp, le raisonnement est
« une démarche de la pensée humaine qui, à partir de certaines connaissances (consignées dans une ou
plusieurs prémisses), mène à une connaissance nouvelle (consignée dans la conclusion) sans devoir
concourir à des constatations ou à des observations sensibles nouvelles (c’est-à-dire autres que celles dont
le résultat aurait été consigné dans les prémisses. »322 Cette définition montre que le raisonnement est

315Cf. P. FOULQUIE, Logique, Éditions de l’école, Paris, 1957, p. 54. Pour lui, l’extension du prédicat ne tient pas compte de la qualité de la
proposition mais du quantificateur qui affecte le prédicat.
316E. GOBLOT, Traité de logique, Armand Colin, Paris, 1952, p. 215.
317Cf. ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008, pp. 99-100.
318ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 357.
319A. BIENVENU, « Signification courante », in M. BLAY (dir.), Grand dictionnaire de la philosophie, CNRS éditions, Paris, 2005, p. 551.
320Cf. C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 12.
321R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 44.
322J. DOPP, Notions de logique formelle, Publications universitaires de Louvain, Louvain, 1965, p. 11.
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composé de plusieurs propositions qui se donnent sous forme d’un syllogisme. Ce dernier n’est ni vrai ni
faux, car il est étudié en logique formelle. Il a la possibilité d’être valide ou invalide. Voilà qui conduit Joseph
Dopp à montrer que le raisonnement est un « enchaînement de plusieurs énoncés et cet enchaînement n’est
ni vrai ni faux ; il est seulement valide (ou correct) ou non-valide (incorrect). »323 Pour Paul Mouy, le
raisonnement est discursif, car il présente une suite des raisons en forme de discours. Il est alors articulé,
décomposable.324 Le raisonnement se présente comme une argumentation dont les prémisses sont
considérées comme les justificatifs de la conclusion qui les explicite et qui en découle inévitablement.
Le raisonnement est une opération mentale par laquelle on conclut que deux ou plusieurs propositions
(prémisses ou antécédent) impliquent la vérité, la probabilité ou la fausseté d’une autre proposition
(conclusion ou conséquent). Il est une organisation logique formée des jugements composants (prémisses)
qui produit un jugement conséquent (conclusion).325 Il est alors l’acte par lequel l’esprit au moyen de ce qu’il
connaît acquiert une connaissance nouvelle. Raisonner, c’est passer d’une chose intellectuellement saisie à
une autre chose intellectuellement saisie grâce à la première et s’avancer de proposition en proposition en
vue de connaître la vérité intelligible. Raisonner logiquement c’est partir de certaines prémisses et les
enchaîner selon certaines règles.326
La bonne conséquence doit être le résultat de ces caractéristiques : du vrai on doit conclure au vrai ; du
faux on peut obtenir et le faux et le vrai, car « le vrai peut découler du non-vrai »327) ; le vrai n’implique pas
le faux ;328 de l’absurde suit n’importe quoi ; de ce que nie le conséquent, l’antécédent le nie aussi ; le
prolongement du conséquent se trouve déjà dans l’antécédent. Les scolastiques ajoutent encore trois autres
règles se rapportant à la logique modale : du nécessaire on ne peut conclure qu’au nécessaire ; du contingent
on obtient le nécessaire et le contingent ; de l’impossible on peut obtenir n’importe quoi.329 Moore soutient
qu’une preuve doit satisfaire à trois conditions, à savoir : « il faut que les prémisses soient différentes de la
conclusion, la conclusion doit découler de ces prémisses et celles-ci doivent être connues avec certitude. »330
Pour Moore, il est possible que les hommes sachent quelque chose avec exactitude sans être capable d’en
apporter la justification. Par exemple, le jugement de perception comme ‘ceci est une jambe’ est une certitude
qu’on ne peut pas réduire à une conviction subjective, car elle est une connaissance objective. La personne
qui dit ceci est un bras sait que ceci est un bras.331 L’expression verbale ou écrite du raisonnement est
l’argument dont l’expression parfaite est le syllogisme. Généralement, dans la classification du raisonnement,
on parle du raisonnement : déductif et inductif.332 Mais il existe d’autres formes de raisonnement, à savoir :
le raisonnement par absurde, par analogie, par récurrence, l’intuition, etc.
2.3.2. Autres formes du raisonnement
2.3.2.1. La connaissance sans intermédiaire ou l’intuition

323J.DOPP, Notions de logique formelle, Publications universitaires de Louvain, Louvain, 1965, p. 18.
324 Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, pp. 227 et 266.
325A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Alcan, Paris, 1926, p. 887 ; P. MOUY, op. cit., p. 27.
326Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 181-205; J.-BL. GRISE, Logique moderne. Fascicule II, Gauthier-Villars, Paris, 1971,

p. 1. Procedere de uno intellectu ad aliud, ad veritatem intelligibilem cognoscendam.


327ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 40.
328Cf. C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 32 ; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 25. Pour les logiciens,

« le faux implique tout » mais dans ‘la relation illative’ c’est-à-dire « une relation qui unit, dans un raisonnement, la conséquence au principe, (…)
relation d’implication entre deux propositions.» (R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, pp. 27-28), soutenue par Peirce, on montre
qu’un principe faux n’entraîne pas n’importe quelle conséquence. Mais dans cette « relation illative », un principe peut entraîner une conséquence
qui reste indéterminée au sujet de sa valeur de vérité à telle enseigne qu’on ne peut rien conclure. Et on connaît, une des lois formelles selon laquelle
deux prémisses négatives n’engendrent pas de conclusion. Cette différence entre la vérité ou la fausseté du principe et celle de la conséquence est
justifiée par Blanché en s’inspirant de la différence entre conditions suffisantes et celles nécessaires. Il montre que « la vérité du principe commande
celle de la conséquence, la fausseté de la conséquence présuppose celle du principe. » (R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 26.)
Dans ceci on sent déjà les deux premiers de cinq indémontrés de la logique stoïcienne : modus ponens et modus tollens Blanché explicite ce deux principes
fondamentaux du raisonnement, en ces termes : « la vérité du principe est une condition suffisante de la vérité de la conséquence ; mais non pas une
condition nécessaire, puisque la même conséquence vraie peut résulter d’un principe faux. (…) La vérité de la conséquence n’est pas une condition
suffisante de la vérité du principe bien qu’elle en soit une condition nécessaire, puisqu’il est impossible qu’elle ne soit pas vraie si le principe est vrai.
(…) La fausseté de la conséquence est une condition suffisante de la fausseté du principe ; mais non pas une condition nécessaire, puisque le principe
pourrait être faux sans qu’elle-même le fût. (…) La fausseté du principe n’est pas une condition suffisante de la fausseté de sa conséquence ; mais
elle en est une condition nécessaire puisqu’il est impossible qu’il ne soit pas faux et que sa conséquence le soit, le vrai ne pouvant engendrer le faux. »
(R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 26.)
329E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, p. 31 ; R. BLANCHE, Introduction à la logique contemporaine, Armand Colin,

Paris, 1968, p. 71.


330P. DE MARTELAERE, « Wittgenstein, critique de Moore : de la certitude sans savoir », in Revue philosophique de Louvain, tome 84, n° 62, mai 1986,

p. 210.
331Cf. P. DE MARTELAERE, « Wittgenstein, critique de Moore : de la certitude sans savoir », in Revue philosophique de Louvain, tome 84, n° 62, mai

1986, p. 210.
332Cf. D. MWEZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, p. 67, A. VIRIEUX-

REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, p. 10.


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Une autre approche de la connaissance peut se faire à partir de l’intuition. Mais qu’est-ce que l’intuition ?
En réponse à cette interrogation, nous montrons que l’intuition est une connaissance directe. Elle est un
acte par lequel l’esprit peut atteindre immédiatement le réel, sans détour, sans intermédiaire. Contrairement
au raisonnement qui est discursif, progressif, « l’intuition est globale et instantanée, elle perçoit la chose dans
son ensemble et d’un seul coup. »333 Il s’agit de l’acte par lequel l’esprit atteint immédiatement le réel.
L’intuition peut être empirique ou intellectuelle. L’intuition empirique est une perception immédiate d’un
fait d’expérience singulière. Elle est sensible et psychologique. Sensible, quand un objet est perçu par un
organe sensoriel. Par exemple quand on voit une porte s’ouvrir ; psychologique, quand il s’agit de la perception
immédiate des états de sa propre conscience, par exemple, quand on peut avoir conscience de ses états
d’âmes. L’intuition intellectuelle est une perception immédiate d’un rapport, d’une relation ayant un
caractère de nécessité, perçu comme général ou universel. Elle peut être : Rationnelle, divinatrice et
métaphysique. Rationnelle, c’est une intuition de rapport qui présente une symétrie, une ressemblance, une
égalité, une causalité, une finalité entre les objets qui sont empiriquement complexes. Quand la raison perçoit
des rapports évidents, par exemple on sait que le tout est plus grand que la partie; divinatrice, elle ne procure
pas de certitude mais suscite une recherche pour la confirmer, surtout dans l’élaboration de l’hypothèse, par
exemple quand on découvre ou invente quelque chose cela revient à dire que l’homme des sciences
expérimentales avait l’intuition de l’élaboration d’une hypothèse expérimentale; métaphysique : Le sujet
conscient se perçoit directement ; il perçoit la réalité absolue de l’être ou d’un être, par exemple le cogito
cartésien.334
2.3.2.2. Le raisonnement par analogie et par absurde
*Le raisonnement par analogie335
Il est une opération mentale qui consiste à conclure des ressemblances particulières à d’autres
ressemblances partielles. Par exemple : Ce mois de janvier, Solange a lu le roman de Mongo Beti, Ville cruelle,
elle est fascinée par lui ; en mai, à l’école, son ami réalise un exposé sur ce même auteur, Solange se sent
emportée par cela ; en novembre on lui annonce la nouvelle publication de ce même auteur, elle soutient
sans avoir lu ce nouveau roman qu’il est fascinant.
À ce sujet, les lois d’associationnisme des idées du philosophe empiriste anglais David Hume, réduites à
trois éléments : ressemblance, contiguïté, causalité, constituent un autre exemple convainquant. Pour la
ressemblance, par exemple, un portrait fait penser à une autorité qui y est représentée ; pour la contiguïté,
par exemple quand on voit le pape, l’idée de l’Église catholique vient directement à l’esprit, en voyant deux
sosies, on affirme qu’ils sont des frères ; et pour la causalité, par exemple quand on pense à une fracture,
alors on sait que la douleur en est son effet.336 Ce raisonnement par analogie ne prouve rien et présente un
risque.
*Le raisonnement par absurde337
C’est l’opération mentale qui consiste à prouver la vérité d’une chose en la supposant fausse. Ce
raisonnement consiste à montrer la possibilité de poser « une prémisse qui contredit la conclusion »338 tout
en introduisant une nouvelle prémisse. C’est en considérant que la contradictoire de la proposition est vraie
de telle manière que si l’on aboutit à des inconséquences, on conclut qu’il était faux de considérer le
raisonnement comme faux, donc qu’il est vrai. Autrement dit, le raisonnement montre la valeur d’une
proposition en montrant que, si l’on prend une proposition opposée à la première, on aboutit à des
conséquences absurdes.339
2.3.3. Le raisonnement inductif
Le raisonnement inductif fait appel à l’expérience. Il est un processus rationnel ou intuitif qui conduit de
quelques indices aux faits que ces indices rendent probables. C’est-à-dire qu’une chose conduit à une
possibilité de penser à une autre. Dans la démarche inductive, on doit partir de l’expérience singulière pour

333R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 34.


334Cf. J. DUBOIS & L. VAN DEN WYNGAERT, Initiation philosophique, C.R.P., Kinshasa, 1997, pp. 199-201.
335Cf. A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, p. 13.
336Cf. D. HUME, Enquête sur l’entendement humain, Flammarion, Paris, 1983, p. 72.
337Cf. D. MWEZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, pp. 44-45; A.

VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, pp. 14-15.


338ARISTOTE, Premiers analytiques. Organon III, Flammarion Paris, 2014, p. 195.
339Cf. R. MUCCHIELLI, Logique et morale, Bordas, Paris, 1955, p. 127. Quand on ne peut montrer directement une proposition, on construit la

proposition contradictoire et on montre l’absurdité des conséquences ou leur incompatibilité avec des propositions admises, on parle du
raisonnement par absurde. De l’absurdité de cette contradictoire, on conclut à la vérité de la proposition de départ. Ici le tiers exclu montre son
importance, car entre p et ~ p la troisième solution est impossible, car si ~ P est vrai alors P est faux. Dans ce raisonnement, on parle de : La preuve
par absurde : Par celle-ci, on prouve la vérité d’une proposition en montrant que la nier entraîne des conséquences absurdes. La réduction à l’absurde :
Par celle-ci, on prouve la fausseté d’une proposition en montrant tout simplement qu’elle conduit à des conséquences absurdes.
48
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
en arriver à une connaissance de l’universel. L’induction est un raisonnement qui part « des cas individuels
pour accéder aux énoncés universels. »340 Ce type de raisonnement conclut du particulier au général et l’esprit
part généralement des données de l’expérience qui sont singulières pour conclure à l’existence d’une vérité
universelle (loi, principe…) c’est-à-dire qu’il part de l’exemple à la règle, du cas à la loi. L’induction envisage
le sensible particulier sous un point de vue universel. L’induction est au fondement des sciences
expérimentales. Elle est définie comme une « opération qui extrait une loi générale à partir d’un nombre fini
de cas particuliers. »341 Elle est un procédé de l’esprit qui va de l’observation d’un certain nombre de faits
particuliers, pour en affirmer une loi générale.342 Elle est donc « l’argumentation du particulier à l’universel,
ou des parties au tout. »343 La méthode inductive est « une inférence qui va des propositions particulières,
qui décrivent par exemple nos observations, nos expérimentations, etc., aux propositions universelles, c’est-
à-dire aux hypothèses et aux théories. »344 C’est ainsi qu’on peut considérer l’induction comme une opération
mentale qui favorise le passage de la connaissance des faits à celle des lois qui les régissent. Voilà qui crée
de l’étonnement, car « il semble étrange que quelques faits, observés dans un temps et dans un lieu
déterminés, nous suffisent pour établir une loi applicable à tous les lieux et à tous les temps. L’expérience la
mieux faite ne sert qu’à nous apprendre au juste comment les phénomènes se lient sous nos yeux : mais,
qu’ils doivent se lier toujours et partout de la même manière, c’est ce qu’elle ne nous apprend point, et c’est
cependant ce que nous n’hésitons pas à affirmer. »345 Le raisonnement inductif se présente sous forme d’un
raisonnement déductif mais à la grande différence que le moyen terme du raisonnement inductif « est une
collection des termes particuliers. »346 Ceci montre que la valeur de la conclusion inductive se situe dans le
fait de tirer « de la collection complète des cas particuliers une règle, qui n’en est que le résumé. »347 Par
exemple, Gaspard, Solange, Aristote, Dismas sont sociables ; or Gaspard, Solange, Aristote, Dismas sont
tous des Congolais, donc tous les Congolais sont sociables. Bachelard, Ricœur, Lachelier, Descartes sont
blancs, or Bachelard, Ricœur, Lachelier, Descartes sont tous Français, donc tous les Français sont blancs.
Cette généralisation est dangereuse et abusive. Au regard de la loi française sur l’octroi de la nationalité, on
se rendra compte de la présence des plusieurs Français non-blancs. La catégorie des Français non-blancs est
un contre-exemple à cette induction. On se sert du vocable d’induction pour indiquer tout raisonnement
qui généralise.348 Lachelier montre que la possibilité de l’induction se fonde sur deux principes « des causes
efficientes et des causes finales. »349 C’est-à-dire que les faits peuvent constituer des chaînes où l’on constate
que la présence d’un fait présentement détermine l’existence du fait qui va suivre (cause efficiente) ; mais il
est possible que ces chaînes constituent des systèmes où la notion du tout détermine celle des parties (cause
finale). Telles sont peut-être des arguments qui peuvent justifier le pourquoi du passage des faits aux lois
2.3.3.1. L’induction amplifiante ou baconienne350
Elle consiste à affirmer au-delà de ce qui est constaté ; à dire plus que ce que l’on a vu.351 C’est alors
qu’elle consiste en une généralisation abusive. Cette procédure inductive est recensée par Aristote et la
définit comme « le passage des cas particuliers à l’universel. (…) L’induction est un procédé plus convaincant
et plus clair, plus facilement connu par le moyen de la sensation, et par suite accessible au vulgaire. »352 Il
faut opter pour le raisonnement qui favorise la possibilité de proposer des réponses aux contradicteurs, aux
détracteurs. L’induction est valorisée par Bacon, philosophe anglais qui dénonce dans son ouvrage Novum
organum scientiarum l’inaptitude de la logique aristotélicienne. Ce nouvel organon se démarque de l’ancien,

340ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 84.
341D. LAMBERT & M. LECLERC, Au cœur des sciences. Une métaphysique rigoureuse, Beauchesne, Paris, 1996, p. 122.
342Cf. D. MWEZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, p. 69 ; R.

BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 161 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 109-
113.
343J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 107.
344K. POPPER, « Problèmes fondamentaux de la logique de la connaissance », in S. LAUGIER & P. WAGNER (dir.), Philosophie des sciences.

Expériences, théories et méthodes, J. Vrin, Paris, 2004, p. 238.


345J. LACHELIER, Du fondement de l’induction, Pocket, Paris, 1993, p. 61.
346 J. LACHELIER, Du fondement de l’induction, Pocket, Paris, 1993, p. 62.
347 J. LACHELIER, Du fondement de l’induction, Pocket, Paris, 1993, p. 62.
348 R. BLANCHE, L’induction scientifique et les lois naturelles, P.U.F., Paris, 1975, p. 5.
349J. LACHELIER, Du fondement de l’induction, Pocket, Paris, 1993, p. 68.
350Cf. A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962, p. 12.
351Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 243 ; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 164. L’induction

est une opération par laquelle on passe de la connaissance des faits à celle des lois qui les régissent, dit Lachelier. Elle part des propositions singulières,
portant sur un seul fait ou un seul individu ; ou des propositions particulières, portant sur quelques faits ou individus pour déboucher sur une
proposition universelle, portant sur tous les faits ou individus. C’est un raisonnement qui procède du particulier au général. L’induction amplifiante
ou baconienne augmente la quantité et la modalité du jugement qui passe du particulier à l’universel; du contingent au nécessaire.
352ARISTOTE, Organon V. Topiques, tome I, J. Vrin, Paris, 1939, p. 29.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
centré sur la déduction, car pour les savants l’induction est le passage des faits à la loi.353 Il jette les jalons de
la méthode expérimentale et prône le recours à l’induction pour faire progresser la connaissance du monde
physique. Dans l’optique aristotélicienne, l’induction s’oppose à la déduction syllogistique, car elle va des
cas particuliers à l’universel. Dans cette perspective, Bacon montre que la meilleure démonstration est
manifestement l’expérience.
2.3.3.2. L’induction complète ou aristotélicienne
Elle consiste à vérifier les éléments d’un ensemble un à un de façon à confirmer les données présentées
au départ par formalité. Elle énumère des sujets ayant les mêmes propriétés. Elle consiste en une simple
vérification. Cette induction complète ou énumérative consiste à accorder à l’ensemble d’éléments d’une
classe une qualité observée pour chaque élément. Cette procédure est valide à condition qu’on ait la garantie
d’avoir passé en revue tous les éléments de la classe et qu’on ait l’assurance que la classe n’en contient aucun
autre.
2.3.3.3. L’inférence à la meilleure explication
Cette inférence se fonde sur une prémisse qui est un fait. Par exemple, la voiture de Pierre est dans un
stationnement du restaurant, alors nous pouvons dire que Pierre est au restaurant. La conclusion est dans
ce cas, la meilleure explication de la vérité de la prémisse.
2.3.3.4. L’induction complète en mathématique ou raisonnement par récurrence.
La formulation moderne de cette induction remonte à Poincaré. L’induction par récurrence « vise à
prouver un énoncé mathématique E dépendant d’une certaine variable n. On montre d’abord que E (n) est
vrai à un certain rang n particulier. Puis on prouve que E (n+1) est vrai si E (n) est vrai. On prouve par là
même que, à partir d’un rang donné, E (n) est toujours vrai, puisque la vérité de l’énoncé est conservée à
chaque incrément de n. »354 L’induction mathématique procède généralement par la substitution des
grandeurs égales les « unes aux autres ». Elle permet de montrer que si une proposition est vraie pour un
nombre n, elle l’est également pour le nombre n + 1. C’est-à-dire qu’une relation, étant établie pour un des
termes d’une classe, le raisonnement mathématique étend cette relation de proche en proche en vertu d’une
implication rigoureuse à tous les autres termes de cette classe. Elle établit que toute propriété, appartenant
à 0 et au successeur de nombre ayant la même propriété appartient à tous les nombres naturels. Toute
caractéristique appartenant simultanément à X0 et à Xn+1 est valable à tous les X à condition qu’elle
appartienne à Xn.355
2.3.4. Le raisonnement déductif
La déduction est une opération par laquelle l’esprit conclut d’une ou plusieurs propositions à une
nouvelle proposition dite conclusion.356 Elle conclut des situations générales aux applications concrètes, de
la règle à l’exemple ; de la loi au cas, c’est-à-dire du général au particulier. Il ne fait aucunement appel à
l’expérience. L’esprit part souvent des propositions à valeur universelle pour arriver à une conclusion qui s’y
trouve impliquée. Il explicite dans la conclusion une vérité qui se trouve contenue dans les antécédents. Il
se révèle comme un processus explicatif, déterminatif. L’argument est l’expression verbale ou écrite du
raisonnement dont la forme est le syllogisme.357 Aristote utilise le même mot de syllogisme pour indiquer
« le raisonnement concret et le schéma formel auquel il le réduisait. »358 La définition du syllogisme montre
qu’il « est un raisonnement dans lequel, certaines prémisses étant posées, une conclusion autre que ce qui a
été posé en découle nécessairement, par le moyen des prémisses posées. »359
La déduction s’exprime par l’entremise du syllogisme, défini comme « l’argumentation de l’universel au
particulier, ou tout à la partie. »360 La logique déductive « n’est pas seulement la théorie du transfert de la
vérité des prémisses à la conclusion, mais aussi, simultanément, à l’inverse, la théorie du contre-transfert de

353Cf. R. BLANCHE, L’induction scientifique et les lois naturelles, P.U.F., Paris, 1975, p. 9.
354A. BIENVENU, « Signification courante », in M. BLAY (dir.), Grand dictionnaire de la philosophie, CNRS éditions, Paris, 2005, pp. 551-552.
355Cf. B. RUSSELL, Introduction à la philosophie mathématique, Payot, Paris, 1970, pp. 19 et 34 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette,

Paris, 1944, pp. 85-89 ; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 165 ; A. VIRIEUX-REYMOND, La logique formelle, P.U.F., Paris, 1962,
p. 11-13. Paul Mouy s’inspire de Poincaré. Ce dernier soutient que le raisonnement mathématique ne doit pas être réduit au syllogisme qui n’apprend
rien de nouveau et est essentiellement généralisateur. Cette généralisation s’exprime par le raisonnement par récurrence qui s’impose nécessairement.
On établit d’abord un théorème pour n+1, on montre ensuite qu’il est vrai pour tous les nombres entiers. La théorie de récurrence est l’un de cinq
axiomes sur lesquels Peano fait reposer l’arithmétique. Par exemple, Si A est une classe à laquelle appartient le nombre zéro, son suivant aussi, alors
tous les nombres appartiennent à cette classe.
356Cf. B. RUSSELL, Introduction à la philosophie mathématique, Payot, Paris, 1970, p. 175 ; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 137.
357Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 226. C’est la forme la plus simple du raisonnement déductif qui tire une

conclusion de deux prémisses et qui réunit deux termes par le truchement d’un moyen terme.
358R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 44.
359ARISTOTE, Réfutations sophistiques, J. Vrin, Paris, 2007, p. 14.
360J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 107.
50
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
l’erreur, de la conclusion sur une au moins des prémisses. »361 La logique déductive est une théorie de la
critique rationnelle, car à partir de la théorie à critiquer on peut extraire des conséquences inacceptables, et
cela conduit à la réfutation de la théorie.
Dans l’étude de la déduction, on distingue deux sortes de déductions : immédiate, appelée inférence
immédiate et médiate. La déduction médiate est un raisonnement composé de trois propositions c’est-à-
dire trois jugements prédicatifs dont deux prémisses et une conclusion. Mais par contre la déduction
immédiate ou équipollence est composée de deux propositions dont la première est la donnée et la
deuxième la transformée. Cette dernière qu’on dégage de la première grâce à une opération logique
déterminée est impliquée dans elle. Elle conclut sans intermédiaire du Moyen Terme ou d’une troisième
proposition. Pareille déduction ne contient que deux termes repris dans les deux propositions.
3.4.1. Les inférences immédiates362
Le raisonnement médiat dont l’expression parfaite est le syllogisme est un « mouvement de pensée qui
conduit des prémisses à la conclusion en passant par un ou plusieurs intermédiaires. La médiation lui est
essentielle (…) : dans le syllogisme, l’office du moyen terme est précisément de permettre le passage de l’un
des termes extrêmes à l’autre. »363 Le considérable rôle que joue le moyen terme dans un syllogisme
conditionne la distinction entre le raisonnement et l’inférence. L’inférence immédiate est le passage de la
donnée à la transformée, de telle sorte que la vérité de la nouvelle proposition soit celle de la proposition du
départ.364 Depuis le XIIIème siècle, les logiciens scolastiques utilisent certains signes abréviatifs pour désigner
les jugements généraux de diverses espèces. Si A, E, I, 0 symbolisent les propositions alors S, P symbolisent
respectivement le sujet, le prédicat.365
Les inférences immédiates sont : inversion, conversion : parfaite, imparfaite, contraposition ;
l’obversion366 et l’opposition des propositions catégoriques notamment les lois des oppositions du carré
logique: la contrariété, la sous-contrariété, la contradiction, la subalternance sont d’autres formes d’inférence
immédiate.367
2.3.4.1.1. L’opposition
En analysant les rapports d’opposition qui existent entre les différentes propositions catégoriques, on
parvient à découvrir que les oppositions indiquent deux propositions composées de termes identiques. Ces
propositions sont différentes soit en qualité soit en quantité ou elles sont différentes simultanément en
quantité et en qualité. C’est à partir des lois qui les régissent que l’on tire une inférence. Mais elles ne
361K. POPPER, A la recherche d’un monde meilleur. Essais et conférences, Le Rocher, Paris, 2000, p. 135.
362Cf. E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 38-40 ; J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946,
pp. 172-176; R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-Erasme, Louvain-la-Neuve, 1991, pp. 44-48 ; D. MWEZE
CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, p. 9. Les inférences immédiates ont
une originalité, à savoir : percevoir immédiatement la vérité. L’expression « inférences immédiates » sert à désigner les opérations comme la
conversion, les oppositions des propositions, l’obversion, l’inversion. L’inférence est différente du raisonnement, car elle n’est pas encore un
raisonnement proprement dit. Le raisonnement consiste à donner des raisons qui sont des arguments que l’on présente pour ou contre une thèse et
pourtant l’inférence est une application d’une règle. Ce faisant, en appliquant la règle, on passe sous silence l’extension des termes des propositions.
Ce sont ces termes qui présentent de latius hos. La loi de l’inférence est une règle qui permet de passer d’un ensemble d’affirmations à une nouvelle
affirmation. L’inférence médiate est une relation entre un ou plusieurs énoncés, prémisses, et un énoncé, la conclusion. La vérité de la conclusion
doit découler nécessairement de celle des prémisses. La conclusion ne doit pas être fausse si les prémisses sont vraies. C’est aux huit règles que doit
obéir une inférence médiate valide. (Cf. Ch. PERELMAN cité par R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, pp. 13-15 et 35 ; F. LEPAGE,
Éléments de logique contemporaine, Les Presses de l’Université de Montréal, Québec, 2001, pp. 2-3 ; I. LOWENTHAL, Logique et cognition, Presses
Universitaires de Mons, Mons, 1999, p. 8.)
363R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1A973, p. 34.
364Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

pp. 112-119; R. ROBAYE, Introduction à la logique et à l’argumentation, Academia-Erasme, Louvain-la-Neuve, 1991, pp. 44-48; E. DIRVEN, Introduction
aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 38-40. Pour les inférences immédiates, on doit parler de la proposition donnée ou la donnée et de
la proposition transformée ou la transformée.
365 Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

pp. 106-107.
366Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 62.
367Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

pp. 112-119 ; L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 62. La négation est
classée dans les inférences immédiates selon le texte de Joseph Dopp. La négation est une opération qui ne modifie que la qualité de la donnée. Elle
conclut de la vérité de la donnée à la fausseté de la transformée et de la fausseté de la donnée à la vérité de la transformée. Exemple, les étudiants
sont malades, donc il est faux que les étudiants ne sont pas malades ; il est faux que les militaires sont chrétiens, donc les militaires ne sont pas
chrétiens. Joseph Dopp parle aussi des inférences mixtes c’est-à-dire des inférences menant d’une donnée à sujet concret à une transformée à sujet
général ou inversement, à savoir : la particularisation d’une concrète et la concrétisation d’une universelle. La concrétisation consiste à transformer
une proposition universelle en une proposition à sujet concret ayant même prédicat et même copule c’est-à-dire de même qualité mais en introduisant
un quantificateur de concrétisation à la place du quantificateur d’universalisation. Par exemple : Tout étudiant est raisonnable. Gaspard est
raisonnable. La particularisation montre que d’une proposition à sujet concret, on peut conclure à une proposition générale particulière ayant même
prédicat et même copule. Elle est une opération logique qui oppose la prémisse concrète à une conclusion particulière correspondante, en changeant
le quantificateur d’universalisation en quantification de particularité. Par exemple: Tous les fonctionnaires ne sont pas primés, Quelques
fonctionnaires ne sont pas primés. (Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur
de philosophie, Louvain, 1949, pp. 120-122 ; J. DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, pp. 112 et 120.)
51
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remplissent pas la condition essentielle des inférences immédiates selon lesquelles la vérité de la transformée
doit être la même que celle de la donnée. On les classe parmi les inférences immédiates suite à leur forme
indiquant qu’elles sont composées exclusivement des deux propositions. - La contrariété est une opération
qui oppose deux universelles qui sont différentes en qualité, par exemple, la proposition ‘aucun mineur n’est
ministre’ conduit à un jugement contraire ‘tout mineur est ministre’. La contrariété est donc « une opération
qui, pour une proposition donnée à sujet universel, modifie seulement la forme de la copule (sans modifier
ni sujet ni prédicat. »368 -La subcontrariété est une opération logique qui oppose deux propositions
particulières qui sont différentes en qualité. Elle change la qualité de la copule, par exemple, le jugement
‘certains étudiants sont intelligents’ conduit à une proposition subcontraire ‘certains étudiants ne sont pas
intelligents’. La sous-contrariété est une « opération qui, pour une proposition donnée à sujet particulier,
modifie seulement la forme de la copule. »369 - La contradiction est une opération logique qui oppose deux
propositions différentes et en quantité et en qualité. Elle change la quantité du sujet et la qualité de la copule,
par exemple, la proposition ‘les hommes sont faillibles’ conduit à une proposition contradictoire ‘certains
hommes ne sont pas faillibles’. La contradiction est donc une « opération qui modifie à la fois la forme de
la copule et la quantité du sujet. »370 -La subalternation est une opération logique qui oppose les
propositions universelles (les subalternantes) aux particulières (les subalternées). Elles sont différentes en
quantité, par exemple, le jugement ‘tout homme est mortel’ est une proposition subalternante qui conduit à
une proposition subalternée ‘certains hommes sont mortels’ ; le jugement ‘nul homme n’est parfait’ est une
proposition subalternante qui conduit à une proposition subalternée ‘quelques hommes ne sont pas parfaits’.
La subalternation est une « opération qui transforme une donnée universelle (…) en la particulière
correspondante (ayant même forme de copule, même attribut et même prédicat). »371
2.3.4.1.2. L’inversion
Invertir un jugement c’est conserver la quantité et la qualité de la donnée tout en remplaçant les termes,
sujet et prédicat, par leurs opposés372 pour obtenir la transformée.
Par exemple,
Tout arbre est végétal
Tout non-arbre est non-végétal.
2.4.1.3. L’obversion
Elle consiste à changer la qualité d’une proposition tout en remplaçant le prédicat par son opposé, sans
modifier la valeur de la vérité. On conclut de la vérité de la donnée à celle de la transformée et de la fausseté
de la donnée à celle de la transformée.373 Dans l’obversion, on met en jeu le rapport de contrariété et de
subcontrariété. La transformée, dont le prédicat est affecté de son opposé en vue d’exprimer la même vérité
que la donnée, est une proposition contraire ou subcontraire à la donnée.
Par exemple :
Nulle fille n’est laide (E)
Toutes les filles sont non-laides (A),

Nulle femme n’est paresseuse (E)


Les femmes sont non-paresseuses (A),

Quelques professeurs ne sont pas étudiants (0)


Quelques professeurs sont non- étudiants (I).

368J. DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, p. 114.
369J. DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, pp. 114-115.
370J. DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, p. 113.
371J. DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, p. 115.
372Aristote indique la différence entre contraires et contradictoires. Il précise que « être non-vert et ne pas être vert » sont des expressions différentes,

car quelque chose qui est une feuille non-verte est une feuille qui est soit jaune, blanche, rouge, etc. mais un quelque chose qui n’est pas une feuille
verte n’est pas nécessairement une feuille. Dans ce cas, ‘être non-bon’ n’est pas la négation de ‘être bon’ Le vocable « opposé » signifie contradictoire
et pas contraire. Par exemple, chaud son opposé ou le contradictoire est non-chaud ; rouge devient non-rouge ; vide devient non-vide ; raisonnable
devient non-raisonnable ; égal devient non-égal ; inégal devient non-inégal. Ceci conduit à l’approche des privations. Voilà la raison pour laquelle,
on ne doit pas confondre la négation aux opposés. Le contradictoire par exemple de ’ plus grand’ est ‘non plus grand’ ; celui de ‘non plus petit est
plus petit’ ; celui de ‘non noir’ est ‘noir’. (Cf. ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, pp. 159-163 ; E. GOBLOT,
Traité de logique, Armand Colin, Paris, 1952, p. 95.)
373Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949, p.

117 ; D. MWEZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, p. 9. Nous avons
remarqué que si l’obversion est appliquée sur les propositions affirmatives, considérées comme données, la transformée comporte un latius hos en
vertu du changement de la qualité de la proposition. Dans pareille circonstance, ma prise de position consiste à montrer que l’obversion ne peut
s’obtenir qu’en considérant comme donnée les propositions négatives. Elle est alors possible sur E et 0.
52
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat

2.3.4.1.4. La conversion
Elle consiste à permuter les places du sujet et du prédicat de la proposition donnée en vue de la
transformée. Le sujet de la donnée devient le prédicat de la transformée et le prédicat de la donnée devient
le sujet de la transformée. Cependant la qualité de la proposition reste immuable374. Il existe trois sortes de
conversion : parfaite ou simple (simpliter) ; imparfaite ou per accidens et la contraposition. Simpliter fEcI
convertitur, EvA per accidens, AstO per contrapositionem, sic fit conversio tota.375 Toutes ces conversions s’appliquent
sur des propositions bien déterminées pour éviter le latius hos et les inconséquences.
-La conversion simple ou parfaite conduit à une transformée, la converse, dont la quantité est identique
à celle de la donnée, proposition primitive. Elle s’applique sur E/ I. Suivant les textes d’Aristote, « parmi les
prémisses particulières, l’affirmative se convertit nécessairement sous la forme d’une particulière. »376
Par exemple :
Nul mineur n’est ministre (E),
Nul ministre n’est mineur (E).

Quelques chrétiens sont charitables (I),


Quelques charitables sont chrétiens (I).

Peu de plaisir est un bien (I)


Peu de bien est un plaisir (I)
La conversion parfaite ou simple (simpliter) ne change pas la valeur de la vérité de la proposition donnée.
De la vérité de la donnée on aboutit à la vérité de la transformée et de la fausseté de la donnée on aboutit à
la fausseté de la transformée et vice-versa. Se permettre d’appliquer une conversion simple sur A et 0 c’est
aboutir au latius hos.
Par exemple, dans la proposition A, le prédicat est d’extension particulière dans la donnée, si on y applique
la conversion simpliter, ce prédicat devient sujet d’extension universelle dans la transformée, d’où le latius hos.
Dans 0, le sujet est d’extension particulière dans la donnée, si on y applique la conversion parfaite, il est doté
d’extension universelle dans la transformée, d’où le latius hos à éviter, car récusé par une des lois formelles
concernant les termes.
Par exemple :

(1) Tout homme est faillible (A), en y appliquant la conversion parfaite cette proposition devient :
tout faillible est homme.

(2) Quelques professeurs ne sont pas ministres (0), en y appliquant la conversion parfaite cette proposition
devient : quelques ministres ne sont pas professeurs.
Dans ces deux exemples les termes ont une grande extension dans la transformée par rapport à leur
extension dans la donnée et cela confirme le latius hos qu’il faut à tout prix éviter.
- La conversion imparfaite ou per acccidens conduit à une transformée qui n’a pas la même quantité que la
donnée. Elle s’applique sur E/A. Aristote montre que « la prémisse affirmative se convertit nécessairement ;
cependant elle ne se convertit pas sous la forme d’une universelle, mais d’une particulière. »377 La conversion
imparfaite est légitime quand elle conserve la valeur vraie de sa donnée.
Par exemple :

Aucun avocatier n’est cocotier (E),


Certains cocotiers ne sont pas avocatiers (0).

Toutes les filles sont aimables (A),


Certaines aimables sont des filles (I).

374Cf. D. MWEZE CHIRHULWIRE NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, p. 9. ; L.
BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 62.
375Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

pp. 115-117 et 121-124 ; J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 172-176 et 199.
376ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 54.
377ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 54.
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Le plaisir est un bien (A)
Quelque bien est un plaisir (I)
Étant donné qu’elle autorise le changement de la quantité de la proposition, elle ne peut pas s’appliquer
sur les particulières, les sous-contraires, I et 0. Le prédicat de la proposition I, la donnée, est d’extension
particulière, si on y applique la conversion per accidens, on aboutit à une transformée où ce prédicat de la
donnée devient sujet de la transformée mais d’extension universelle, d’où le latius hos ; le sujet de la
proposition 0 est d’extension particulière en y appliquant la conversion imparfaite, il devient prédicat de la
transformée mais doté d’extension universelle, d’où latius hos.
Par exemple,
(1) Certains hommes sont sages (I),
Tout sage est homme (A), il y a latius hos.
(2) Quelques professeurs ne sont pas chrétiens (0),
Aucun chrétien n’est professeur (E), il y a latius hos
La conversion per accidens contient des fautes lourdes dans sa démarche, car en changeant la quantité
universelle, on en arrive à la particulière puisqu’elle s’applique sur E et A. Est-il autorisé de passer de
l’universelle à la particulière ?
-La contraposition est une opération qui consiste à remplacer le sujet et le prédicat par leurs contradictoires
respectifs et en permutant leurs places. À ce niveau on applique, d’abord, « une obversion, puis une
conversion parfaite, puis une nouvelle obversion. »378 Elle s’applique sur A et 0.379
Par exemple,

Tout lion est carnivore (A)


Aucun lion n’est non-carnivore (obversion)
Aucun non-carnivore n’est lion (conversion parfaite)
Tout non-carnivore est non-lion (obversion)

Certains hommes ne sont pas sages (0)


Certains hommes sont non-sages (obversion)
Certains non-sages sont hommes (conversion simple)
Certains non-sages ne sont pas non-hommes (obversion)
La contraposition ne peut pas s’appliquer sur I et E pour éviter les inconséquences, car on va aboutir à
des propositions qui n’autorisent pas d’autres étapes de la contraposition.
Par exemple :
Certains hommes sont bons
Certains hommes ne sont pas non-bons (0),
cette proposition n’autorise pas la conversion simpliter ;

Aucune étudiante n’est bavarde (E)


Toute étudiante est non-bavarde (A), à ce stade, on n’est bloqué, car l’étape suivante pour la
contraposition c’est la conversion parfaite qui ne s’applique pas sur A.
2.3.4.2. La déduction médiate
En parlant de déduction médiate, on met en évidence la notion du syllogisme qui est un raisonnement
déductif composé des trois propositions dont la troisième, appelée conclusion, découle logiquement et
nécessairement de deux premières appelées prémisses. Le raisonnement est alors un progressif mouvement
de la pensée qui guide les prémisses jusqu’à la conclusion en passant par des intermédiaires.380 Plusieurs
penseurs se posent des questions au sujet de la déduction, car elle est non seulement aristotélicienne mais
aussi mathématique. La déduction mathématique est généralisante. Suite à ce caractère généralisant, certains

378J.DOPP, Notions de logique formelle, Éditions Nauwelaerts, Louvain, 1972, p.117.


379Très souvent la conversion par contraposition comporte un latius hos quand on l’applique sur A, car dans la transformée, la converse, le prédicat
de la donnée, proposition primitive, qui est particulier, devient universel et le latius hos se présente. Parmi les lois formelles, une de quatre lois
concernant les termes fustige le latius hos. À ce sujet la conversion contraposée appliquée sur A se veut invalide. Appliquée sur 0, on se demande
pour quelle raison le prédicat d’extension universelle de la donnée devient particulier. L’énigme devient très compliquée. Mais cette conversion
contraposée est légitime grâce au fait que la vérité exprimée par la donnée est la même que celle exprimée par la transformée. Selon Roger Verneaux
la proposition 0 ne se convertit pas. Il fustige la conversion par contraposition. Il me semble que cette conversion par contraposition sur 0 est
valable, car il n’y a pas de latius hos. En plus la vérité de la proposition primitive est exprimée dans la converse. (Cf. R. VERNEAUX, Introduction
générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 86-87.)
380Cf. R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 36.
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penseurs estiment que la déduction mathématique est une induction mathématique. Ceci me paraît peu
heureux, car la déduction mathématique n’est pas une induction. C’est ce caractère généralisant qui la
différencie de la déduction aristotélicienne. Ces deux déductions sont tautologiques. La tautologie
mathématique est féconde puisqu’en mathématique, il est nécessaire qu’on passe par des opérations
intermédiaires pour faire apparaître la tautologie. La tautologie de la déduction mathématique se révèle
féconde par rapport à celle de la déduction aristotélicienne.
2.3.4.2.1. Le syllogisme catégorique
Le syllogisme catégorique est encore appelé syllogisme simple, régulier. Le syllogisme est le meilleur
instrument de la science. Le syllogisme est donc un « raisonnement nécessaire, analytique, gouverné (…) par
le principe d’identité. »381
2.3.4.2.2 Principe et composition du syllogisme
S’agissant des principes du syllogisme, la rigueur logique qu’on trouve dans le syllogisme s’explique par
deux principes, à savoir : les principes de compréhension et d’extension. S’agissant du premier principe,
deux choses identiques à une même troisième sont identiques entre elles ; quant au second principe, tout ce
qui est affirmé ou nié universellement d’un sujet, est affirmé ou nié de tout ce qui est contenu dans ce sujet.
Voilà qui est exprimé en latin par divers logiciens en ces termes : dictum de omni et dictum de nullo.382 De la
multiplicité des points de vue des logiciens au sujet de ce principe d’extension, Johannes Clauberg montre
le principe du dictum de omni et nullo est le véritable fondement de la première figure syllogistique.383 Parlant
de la composition du syllogisme, tout raisonnement logique comprend trois termes exprimés dans trois
propositions. Celles-ci sont considérées comme l’expression écrite ou verbale du jugement.
Kant montre que les divers jugements qui entrent dans la composition d’un syllogisme sont différents,
car la majeure est différente de la mineure et la conclusion découle nécessairement de ces deux. Pour lui,
« le jugement donc est la règle générale (la majeure, major). La subsomption de la condition d’un autre
jugement possible sous la condition de la règle est la mineure (minor). Enfin le jugement réel qui exprime
l’assertion de la règle dans le cas subsumé est la conclusion ( conclusio). »384 La notion de la règle est
importante, car elle dit de manière générale les choses dans un contexte bien précis. Ces choses dotées de
qualités générales conformément à la règle possèdent toujours les mêmes qualités générales dans un cas bien
précis. C’est de cette façon que « la raison arrive à une connaissance par une série d’actes de l’entendement
qui constitue une série de conditions. »385 Il faut chercher la condition la plus éloignée de la conclusion à
laquelle on aboutit dans un raisonnement. La conclusion doit être le fruit d’une série des conditions. Pour
Kant la condition, dans un raisonnement, signifie les prémisses qui sont le fondement pour arriver à la
conclusion, considérée comme la connaissance.
Par exemple :
Les médecins sont intelligents,
Or les gynécologues sont médecins,
Donc les gynécologues sont intelligents.
Ce syllogisme comprend trois termes dont on peut chercher l’extension.
Intelligent : professeur, mathématicien, ophtalmologue, historien, sociologue, ingénieur, philosophe,
économiste, physicien, psychologue, chimiste, etc. Médecin : pédiatre, obstétricien, gynécologue, dentiste,
ophtalmologue, cardiologue, pneumologue, etc.
Gynécologue : gynécologue. Après avoir défini en extension les trois termes, on constate que intelligent
est le terme le plus étendu, pour cela nous l’appelons Grand Terme (G.T), le terme Gynécologue est le
terme moins étendu, il est alors le Petit Terme (P.T), cependant Médecin possède une extension moyenne,
nous l’appelons Moyen Terme (M.T). Le syllogisme comprend trois termes : le Grand Terme (major term) ou
grand extrême, le Moyen Terme et le Petit Terme ou petit extrême. Aristote définit le terme en disant
« j’appelle terme l’élément qui résulte de la décomposition d’une prémisse, ainsi le prédicat et ce à quoi il est
attribué. »386 Le Moyen Terme (middle term) ne figure que dans les deux prémisses et n’apparaît pas dans la
conclusion. Le Petit Terme (minor term) ou mineur est le sujet de la conclusion. Il est l’intermédiaire, la raison,
la cause de la conclusion. Le Grand Terme ou majeur est le prédicat de la conclusion. Dans un syllogisme

381J.-M. LE BLOND, Logique et méthode chez Aristote. Étude sur la recherche des principes dans la physique aristotélicienne, J. Vrin, Paris, 1939, p.3.
382Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 238, 240 et 244 ; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 138, P.
THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, p. 92, ce logicien parle du principe de dictum de omni, dictum de parte, il s’agit du principe
d’inclusion.
383Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 116.
384E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 326.
385E. KANT, Critique de la raison pure, Flammarion, Paris, 1976, p. 326.
386ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 52.
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transitif, le Petit Terme joue le rôle de prédicat et le Grand Terme celui du sujet.387 La proposition qui
comprend le Petit Terme en rapport avec le Moyen Terme sera appelée Mineure ou « assomption »388 et
celle qui comprend le Petit Terme en rapport avec le Grand Terme sera appelée conclusion ou
« complexion ».389 La proposition qui comprend le Moyen Terme en rapport avec le Grand Terme est
appelée Majeure. La majeure et la Mineure sont des Prémisses ou antécédents.390 La prémisse « est une
énonciation qui affirme ou qui nie quelque chose au sujet de quelque chose. »391
2.3.4.2.3. Règles du syllogisme catégorique392
La logique doit chercher à justifier la validité des raisonnements. Elle cherche à découvrir les
raisonnements qui sont logiquement vrais. La logique ne considère comme corrects que les raisonnements
qui sont déductivement valides. Il s’agit alors des raisonnements qui garantissent que la vérité de la
conclusion découle nécessairement de la vérité des prémisses. La logique a toujours postulé l’existence des
principes généraux, des lois qui favorisent la distinction des raisonnements valides et des raisonnements
invalides. S’agissant de la validité déductive, les lois sont exclusivement formelles. L’accent est mis sur la
forme en défaveur du contenu.393 Voilà qui motive la mise en pratique des règles auxquelles devrait obéir
tout raisonnement correct. Le Moyen-âge c’est-à-dire la scolastique a rédigé les explications de ces principes
en vers latins394 qui énoncent les règles ou les lois que doit observer un syllogisme. Les logiciens ont retenu
huit lois formelles pour justifier la validité ou l’invalidité d’un syllogisme. Quatre lois concernent les termes
et quatre autres les propositions. On les retrouve dans les textes de Michel Psellos (11ème siècle), auteur d’une
synthèse de la logique du Stagirite.395
Les quatre lois concernant les termes sont :
1-Tout syllogisme correct comprend trois termes univoques (qui gardent le même sens) : le Grand Terme,
le Moyen Terme et le Petit Terme. C’est-à-dire que « tout syllogisme se fait par trois termes. »396 « terminus
esto triplex : medius, majorque, minorque. » (A valid standarform categorical syllogism must contain exactly three
terms and each term must be used with the same meaning throughout the argument.)397
Exemple 1 :
Tous les avocats sont des juristes
or certains avocats sont de fruits
donc certains fruits sont juristes
Ce syllogisme est invalide, car le terme avocat est équivoque.

Exemple 2 :
Tout être doit être
Or être c’est vivre
Donc tout être vit
Syllogisme invalide car le mot « être » est équivoque

Exemple 3 :
Tous les juristes sont lettrés
or aucun lettré n’est sentinelle
donc aucune sentinelle n’est juriste.
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée, il est alors valide.
2-Le Moyen Terme ne peut jamais figurer dans la conclusion « nunquam contineat medium conclusio fas est ».
Exemple 1 :

387Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 228 ; NKOMBE OLEKO, Essai de logique générative, Médiaspaul,
Lubumbashi, 2006, p. 96 ; J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 113.
388J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 112.
389J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 112.
390Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 63.
391ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 51.
392Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

pp. 139-142 ; B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analyse, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p. 269; P.
THIRY, Notions de logique, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, p. 92.
393Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 12.
394Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs,

Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949, pp. 66-144.


395Cf. L. BOUQUIAUX & B. LECLERCQ, Logique formelle et Argumentation, De Boeck Université, Bruxelles, 2009, p. 63 ; B. COUILLAUD, Raisonner

en vérité. Traité de logique, analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X de Guibert, Paris, 2007, p. 269.
396 ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 97.
397C. S. LAYMAN, The Power of Logic, New-York, 2002, p. 235.
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Tous les terroristes sont sanguinaires
or nul sanguinaire n’est saint
donc nul saint n’est sanguinaire
Ce syllogisme invalide, car le moyen terme sanguinaire est dans la conclusion.
Exemple 2 :
Aucun diacre n’est prêtre
or tout novice est prêtre
donc aucun novice n’est diacre
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée, il est alors valide.
3-Le Moyen Terme doit être pris au moins une fois dans toute son extension. « Aut, semel, aut iterum medius
generaliter esto » (In avalid standard-form categorical syllogism, the middle term must be distributed in at least
one premise)398
Exemple 1 :
Tous les métaux sont solides
or le fer est solide
donc le fer est un métal.
Syllogisme est invalide car le moyen terme solide est deux fois particulier.
Exemple 2 :
Les filles sont épousables
or quelques étudiantes sont des filles
donc quelques étudiantes sont épousables
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée, il est par conséquent valide.
4-Les Termes ne doivent pas avoir une plus grande extension dans la conclusion que dans les prémisses.
« Latius hos quam praemissae conclusio non vult ».
Exemple 1 :
Tous les pasteurs sont bavards
Or les moines ne sont pas pasteurs
Donc les moines ne sont pas bavards
Ce syllogisme est invalide, car le grand terme bavard a une grande extension dans la conclusion par rapport
à celle de la majeure. Il y a latius hos.
Exemple 2 :
Quelques chrétiens sont généreux
or tous les chrétiens sont des hommes
donc quelques hommes sont généreux.
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée, il est valide.
Les quatre lois concernant les propositions
5-Deux prémisses affirmatives donnent toujours une conclusion affirmative. « ambae affirmantes nequeunt
generare negantem », car les « prémisses vraies donnent toujours une conclusion vraie. »399 Ceci montre
l’impossibilité de déduire le « faux à partir de prémisses vraies. »400
négative.
Exemple 1 :
Les femmes sont patientes
or quelques femmes sont religieuses
donc quelques religieuses sont patientes.
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée, il est valide.
6-Deux propositions négatives ne donnent pas de conclusion « utraque si praemissae neget, nil inde sequetur ».
Considérant que du faux, on peut conclure au vrai et au faux, en logique, pour justifier la validité d’un
raisonnement, on ne devra pas conclure, car un interlocuteur avancerait une conclusion affirmative et un
autre une conclusion négative. Tous les deux auraient raison et ça créerait une imprécision en logique. Pour
éviter cette indétermination, les logiciens choisissent de montrer que « si les deux prémisses sont toutes deux
négatives, il n’y aura pas de syllogisme. »401 Johannes Clauberg situe l’origine de cette règle dans la première

398C.S. LAYMAN, The Power of Logic, New-York, 2002, p. 236.


399ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 40.
400ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p.168.
401ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 83.
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et la troisième figures où la mineure est toujours affirmative ou dans certains cas les prémisses sont
affirmatives, alors à partir des simples propositions négatives, rien ne s’ensuit.402
Exemple 1 :
Peu d’étudiants ne sont pas courageux
or nul fou n’est étudiant
donc peu de fous ne sont pas courageux.
Ce syllogisme est invalide, car de deux négatives on ne peut pas tirer une conclusion.
7-Deux prémisses particulières ne donnent pas de conclusion « nil sequitur geminis a particularibus umquam ».
Johannes Clauberg situe l’origine de cette loi dans la première et la deuxième figures syllogistiques où au
moins l’une des prémisses doit être toujours universelle, alors il va de soi que de simples propositions
particulières, rien ne s’ensuit.403
Exemple :
Certains étudiants sont ivrognes
or certains ivrognes sont paresseux
donc certains paresseux sont étudiants
Ce syllogisme est invalide, car de deux particulières on ne peut pas tirer une conclusion.
8-La conclusion suit toujours la prémisse la plus faible « pejorem sequitur semper conclusio partem ». Johannes
Clauberg montre que si l’une des deux prémisses est universelle et l’autre est particulière, la conclusion sera
particulière ; si par contre l’une est affirmative et l’autre négative, la conclusion sera négative, d’où la
conclusion suit la part inférieure, la plus faible, de l’antécédent.404
Exemple 1 :
Tous les hommes sont ambitieux
or les hommes sont des ivrognes
donc certains ivrognes ne sont pas ambitieux.
Ce syllogisme est invalide, car la conclusion doit être affectée de la proposition la plus faible.

Exemple 2 :
Les bébés sont innocents
or nul meurtrier n’est innocent
donc nul meurtrier n’est bébé.
Ce syllogisme ne pêche pas contre la loi formelle précitée.

2.3.5. Figures du syllogisme catégorique


Les diverses combinaisons réalisables tenant compte de la place du Moyen Terme constituent les
diverses figures du syllogisme. La figure est une « forme que prend le syllogisme selon la place qu’occupe le
moyen-terme dans les prémisses. »405 Certains logiciens montrent que la détermination des figures repose
sur deux démarches, à savoir : la combinaison du moyen-terme dans les prémisses, les fonctions des termes.
Les termes peuvent jouer « des fonctions respectives et relatives (…) et on n’en trouve plus que trois : ou
bien le moyen terme relie les extrêmes, et il est placé entre eux suivant l’ordre naturel G, M, P ; ou bien le
moyen est rapporté aux extrêmes, et il est deux fois prédicat, ou bien enfin les deux extrêmes lui sont
rapportés, et il est deux fois sujet. »406 Cette citation montre qu’à la suite d’Aristote, les anciens et
continuateurs d’Aristote retenaient exclusivement trois figures,407 comme on peut le constater aussi chez
Michel Crubellier, Johannes Clauberg, etc. qui indique que dans la première figure, le moyen terme est,
d’abord, employé comme sujet dans la majeure et comme prédicat dans la mineure ; mais par contre dans la
deuxième figure, le moyen terme est, ensuite, utilisé comme prédicat dans les deux prémisses et enfin, dans
402Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 116.
403Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 116.
404Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, pp. 116-117. La conclusion doit tenir compte de la qualité et de la quantité des

prémisses. Il peut arriver qu’on ait deux prémisses universelles affirmatives, la conclusion doit être universelle affirmative. À ce sujet le Barbara en
est un exemple illustratif. Si on a une prémisse universelle négative et l’autre universelle affirmative, la conclusion sera universelle négative comme
on le constate dans Cesare, Celarent, Camestres, Calemes, etc. Si une des prémisses est particulière affirmative et une autre universelle affirmative,
la conclusion sera aussi particulière affirmative, par exemple Darii, Datisi, Disamis, Dimatis. Si une des prémisses est particulière affirmative et une
autre universelle négative, la conclusion sera particulière négative comme on peut le constater dans Ferio, Fressison, Ferisson, Festino. Si une des
prémisses est universelle affirmative et une autre particulière négative, la conclusion sera particulière négative comme on peut le constater dans
Baroco, Bocardo. Entre l’affirmative et la négative, la plus faible c’est la négative et entre l’universelle et la particulière, la plus faible est la particulière.
405R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100.
406C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 171.
407Cf. ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, pp. 76-81 et 83 ; ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion,

Paris, 2014, pp. 57-71& 203-207.


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la troisième figure, le moyen terme est utilisé comme sujet dans les deux prémisses.408 Ceci montre que la
disposition des termes détermine la figure syllogistique, il s’agit de la disposition adéquate du moyen terme
avec les grand et petit termes.
La figure du syllogisme est la disposition du Moyen Terme selon son rôle : du sujet et du prédicat.
Dans ce texte, nous allons présenter quatre figures, déterminées par la fonction logique (sujet ou prédicat)
que le Moyen Terme exerce dans chaque prémisse.409 On sait que la place du moyen-terme n’est pas a priori
déterminée, car « le moyen-terme peut être : 1° sujet de la majeure et prédicat de la mineure, 2° prédicat de
la majeure et de la mineure, 3° sujet de la majeure et de la mineure, 4° prédicat de la majeure et sujet de la
mineure. »410 Voilà qui conduit aux quatre figures syllogistiques.
Dans la première figure le Moyen Terme est sujet dans la Majeure et prédicat dans la Mineure et cela
constitue le mode direct ou parfait (Sub-Prae). Dans cette figure « la mineure doit être affirmative et la
majeure universelle. »411 Si le Moyen Terme est prédicat dans la majeure, il s’agit des modes indirects ou
imparfaits de la première figure. Elle est une figure de nécessité, car elle part toujours de l’universelle.
Schématiquement, la première figure se présente ainsi :

MT GT

PT MT

PT GT

Quand le Moyen Terme est prédicat dans les deux prémisses, on parle de la deuxième figure412 (Prae-Prae).
Aristote indique que dans la deuxième, « le terme qui est prédiqué des deux autres est le moyen, et que les
extrêmes sont ceux auxquels celui-ci est attribué. »413 Dans cette figure, il faut qu’une « des prémisses soit
négative, et la majeure universelle. »414 Cette deuxième figure est celle de l’impossible, car elle a toujours une
prémisse négative. Dans cette deuxième figure, « les deux prémisses ne peuvent pas être l’une et l’autre
totalement fausses. »415 Ceci montre qu’on doit user des prémisses de sorte que le moyen terme, utilisé deux
fois, soit une fois affirmatif et l’autre négatif. Ceci peut conduire au fait que les prémisses soient fausses et
inversement leurs contraires vraies. C’est là que se présente l’impossibilité dans cette figure. C’est une figure
dans laquelle « on n’obtient pas de syllogisme affirmatif »,416 alors la conclusion est toujours négative c’est-
à-dire que tous les syllogismes de cette « seconde figure sont négatifs. »417 Il y a incompatibilité mais elle
montre la fausseté de l’affirmative.

408Cf. M. CRUBELLIER, Commentaires à ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, pp. 242-247 ; J. CLAUBERG, Logique
ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 113.
409Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 229; P. FOULQUIE, op. cit., p. 46.
410R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100.
411R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100.
412Cf. ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 76.
413ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 62.
414R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 101.
415ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 88.
416ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 80.
417ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 168.
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GT MT

PT MT

PT GT

Pour la troisième figure, il faut que la Moyen Terme soit sujet dans les deux prémisses (Sub-Sub). C’est-à-
dire que dans cette figure, « le moyen est celui auquel s’appliquent les deux prédicats, que les prédicats sont
des extrêmes. »418 Dans cette troisième figure « il y a bien un syllogisme affirmatif, mais non universel. »419
Dans cette figure, il faut que « la mineure soit affirmative et la conclusion particulière »,420 voilà que tous les
syllogismes de la troisième figure sont « non-universels. »421 Elle est celle de contingence,422 car elle a toujours
une conclusion particulière qui revient à une simple compatibilité. Elle indique la fausseté de l’universelle
négative correspondante.

MT GT

MT PT

PT GT

Au XVème siècle, les logiciens ont dépassé les considérations aristotéliciennes au sujet des trois figures
pour reconnaître la quatrième figure dont le Moyen Terme est prédicat dans la Majeure et sujet dans la Mineure
(Prae-Sub).

418ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 67.


419ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 80.
420R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 101.
421ARISTOTE, Organon IV Les Seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 168.
422Jules Lachelier parle de trois figures du syllogisme selon la modalité et leur conclusion : la 1ère est une nécessité (inhérence nécessaire de l’attribut

ou sujet) ; la 2ème une impossibilité ; la 3ème une possibilité. Comme il n’y a pas d’autre cas concevable, alors il n’y a pas de 4ème figure. Si on peut
considérer les figures selon le rôle qu’elles jouent dans la marche générale de la pensée, on dit que la 1ère est une preuve de la vérité, les deux autres
preuves de fausseté. La 2ème montre la fausseté d’un prétendu fait : il est impossible, la 3ème montre la fausseté d’un prétendu droit : il n’est qu’une
possibilité (Cf. R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, Beauchesne et ses fils, Paris, 1960, p. 69.)
60
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat

GT MT

MT PT

PT GT

Ces quatre figures423 sont reprises dans ce vers mnémonique: sub-prae, tum prae-prae, tum sub-sub denique prae-
sub.424

Commentaire

Dans la philosophie d’Aristote le Moyen terme peut jouer le rôle du sujet ou du prédicat dans les
prémisses. Aristote, en se fondant sur cela, montre que le Moyen terme a trois possibilités de jouer ces rôles.
Voilà qui le conduit à ne retenir que trois figures syllogistiques. Cette restriction a suscité l’attention de
l’historien de la logique, Carl Prantl, qui ne comprend pas les motivations profondes qui conduisent Aristote
à ne s’arrêter qu’à trois figures. Selon Lukasiewicz, cette interrogation de Carl Prantl est un signe d’une
méprise de la logique aristotélicienne, car Aristote reconnaît Fesapo, Fressisson comme modes non
concluants, incorrects. Et pourtant Fressisson est un mode de la quatrième figure. Voilà qui conduit
Lukasiewicz à montrer que plusieurs commentateurs aristotéliciens se méprennent sur la 4 ème figure à
laquelle appartiennent ces modes dont, à en croire Lukasiewicz, Aristote prouve la validité « par conversion
des prémisses, c'est-à-dire en intervertissant la position de leurs sujets et de leurs prédicats »425 La 4ème figure
serait l’invention de Galien à en croire certains textes de logique. Cette fausse information est parvenue aux
logiciens médiévaux via Averroës. Ce dernier soutient que Galien fait mention de la 4ème figure mais cette
paternité s’avère fallacieuse, car, selon Lukasiewicz, « on ne trouve rien de tel en effet ni dans les œuvres
complètes de Galien, ni chez les commentateurs grecs »426. Certains fragments anonymes soutiennent que
certains élèves auraient changé les modes ajoutés à la 1ère figure par Théophraste et Eudime en une nouvelle
figure, alors c’est la 4ème en référence à Galien. Et pourtant un autre fragment ironise sur Galien et montre
que ce dernier a contredit Aristote en affirmant la possibilité d’une 4ème figure dans le but de se convaincre
comme le meilleur commentateur mais il est tombé dans l’imprécision et la méprise.427 Mais ces imprécisions
montrent que Galien n’est pas l’auteur de cette 4ème figure à en croire Heinrich Scholz.
Pour tenter de sortir de cette imprécision de la paternité de la 4ème figure attribuée confusément à
Galien et dite figure galénique, le scoliaste, Maximilien Wallies, étudiant le syllogisme, classifie les syllogismes
en catégorique, hypothétique, etc. Il montre que le syllogisme catégorique se divise en : simple et composé.
Le syllogisme simple, composé de trois termes, comprend : la 1ère, 2ème et 3ème figures telles qu’Aristote les
répertorie. La prise en compte de trois figures par Aristote laisse entrevoir qu’il se fonde et se limite sur le
syllogisme catégorique simple à trois termes. Le syllogisme composé, constitué de quatre termes, comprend :
la 1ère, 2ème, 3ème et 4ème figures. Si Galien parle de la 4ème figure c'est-à-dire qu’il prend en considération les
syllogismes catégoriques composés à 4 termes, « les syllogismes a quatre termes possèdent trois prémisses
et deux moyen-termes, soit B et C, qui forment la prémisse B-C, ou C-B. »428

423Cf. B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analyse, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, pp. 250-269 ; R.
VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100. Ces penseurs estiment que les figures sont au nombre de trois
en montrant que la quatrième, introduite par le médecin Galien, est une figure indirecte de la première. Sa prise en compte est motivée par le souci
de la symétrie.
424Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949,

p.134 ; E. DIRVEN, Introduction aux logiques, Éditions Loyola, Kinshasa, 1990, pp. 42-46. ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris,
1944, pp. 229-230 ; R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100.
425 J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 53.
426J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 56.
427Cf. J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 56.
428J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 58.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Même si le scoliaste Maximillien Wallies montre que l’invention de la 4ème figure attribuée à Galien
n’a nul rapport avec le syllogisme catégorique simple d’Aristote, étant donné que Galien a « bien classé les
syllogismes en quatre figures, mais il s’agissait de syllogismes à quatre termes et non pas dans les syllogismes
simples aristotéliciens »429 , on se heurte toujours à une difficulté de précision se situant au niveau où on
ignore manifestement l’auteur des syllogismes catégoriques composés qui se serait arrêté à trois figures pour
que Galien les complète avec une quatrième. C’est possible que cette 4ème figure soit l’invention de quelqu’un
d’autre qui demeure inconnu. La logique aristotélicienne néglige la combinaison des termes consistant « à
compter toutes les combinaisons possibles du moyen-terme dans les prémisses, et il y en a quatre. (…) Il y
a donc, de ce point de vue, quatre figures. »430 Cette citation montre que les figures sont rendues possibles
grâce au rôle (sujet ou prédicat) qu’exerce le Moyen Terme dans les prémisses.

2.3.6. Les modes du syllogisme catégorique


Le mode est la combinaison des quatre propositions A, E, I, O dans différentes figures. Le mode est « la
forme qui résulte de la quantité et de la qualité des prémisses. »431 Le mode est donc une transcription des
propositions. Pour arriver aux modes syllogistiques possibles, on sait que « there are four kinds of categorical
statements and three categorical statements per categorical syllogism. Thus, there are 43 = 4 x 4 x 4 = 64
possible moods (…). Moreover, there are four different figures, and 64 x 4 = 256. Out of all these
possibilities, ancient and modern logicians agree that the following 15 forms are valid. »432 C’est-à-dire qu’on
utilise quatre exposant trois propositions que peut contenir un syllogisme et on aura 64 modes repartis dans
les quatre figures et cela aboutit théoriquement à 256 modes différents433 dont 15 sont réellement concluants,
car de deux universelles on ne peut conclure à la particulière n’en déplaise à Johannes Clauberg qui retient
14 modes dans lesquels il incorpore les modes non-concluants.434 En vertu de cette loi, nous ne retenons
que :
1ère figure : Barbara ; Celarent ; Ferio; Darii.
2ème figure : Baroco; Camestres; Festino; Cesare.
3ème figure : Bocardo ; Disamis ; Ferisson; Datisi.
4ème figure : Calemes ; Dimatis ; Fressisson.435
Ces modes sont des déductions concluantes, susceptibles toutes d’être ramenées « aux déductions
universelles de la première figure. »436 Voilà qui conduit à la réduction syllogistique où les logiciens montrent
le passage des modes des autres figures à ceux de la première figure c’est-à-dire que 11 modes se laissent
ramener aux 4 de la première.
2.3.7. Réduction syllogistique
On peut ramener les syllogismes valides de la 2ème, 3ème, et 4ème figures à ceux de la 1ère figure, considérés
comme parfaits. Deux raisons fondamentales font que la première figure soit dite parfaite, à savoir :
l’extension moyenne du moyen-terme dans cette « figure est inférieure au grand terme et supérieure au petit
terme. »437 La première figure occasionne diverses conclusions, elle est nécessaire à « toute
démonstration. »438 Pour montrer que la première figure est supérieure aux autres figures, Aristote se fonde
sur le fait que la connaissance du pourquoi est celle de la cause prochaine en montrant que « le syllogisme
procède bien par des prémisses immédiates, mais au lieu que ce soit par la cause, c’est par celui des deux

429J. LUKASIEWICZ, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Armand Colin, Paris, 1972, p. 59.
430C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, p. 171.
431R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 100.
432C. S. LAYMAN, The Power of Logic, p. 190.
433Cf. P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 230 ; J.-BL. GRISE, Logique moderne. Fascicule I, Gauthier-Villars, Paris,

1969, p. 66.
434Cf. NKOMBE OLEKO, Essai de logique générative, Médiaspaul, Lubumbashi, 2006, p. 82. Plusieurs penseurs se réfèrent au principe d’inclusion

(dictum de omni, dictum de parte) pour tenter de légitimer les modes : Bamalip, Darapti, Felapton, Fesapo. On sait qu’il est impossible de tirer une
conclusion particulière à partir des prémisses universelles. La conclusion sert à rendre explicite ce qui est implicite dans les prémisses. Il serait absurde
d’expliciter l’universel par le particulier.
435Cf. J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949, p.

137 ; J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949, pp.
144-147 ; J.-BL. GRISE, Logique moderne. Fascicule I, Gauthier-Villars, Paris, 1969, p. 67. Pour maîtriser la liste des syllogismes valides, les scolastiques
ont utilisé des mots artificiels qui représentent les différents modes et où la première voyelle indique la majeure, la deuxième la mineure, la troisième
la conclusion. Les consonnes y employées serviront de réduction syllogistique. Au sujet des modes, Johannes Clauberg en répertorie 14, c’est quand
même curieux et de ce nombre, il reprend les modes non concluants, entre autres : Darapti et Felapton. (Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et
nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 113.)
436ARISTOTE, Premiers Analytiques. Organon III, Flammarion, Paris, 2014, p. 72.
437R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 102.
438R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 102.
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termes réciproques. »439 Ceci montre que la cause n’est pas prise en considération comme moyen mais par
contre on prend l’effet, car la cause étant posée, l’effet s’ensuit. Aristote établit une distinction entre le
syllogisme du pourquoi et celui du fait. Pour ces deux cas, il utilise l’exemple de la démonstration de « la
sphéricité de la lune par les accroissements de sa lumière. »440 La première figure « est plus scientifique,
puisque le caractère le plus propre de la science c’est de considérer le pourquoi. »441 Pourquoi donc ramener
tous les modes des autres figures à ceux de la figure ? Aristote montre que la première figure est une figure
appropriée à la science. C’est une figure qui « n’a en rien besoin des autres, tandis que c’est par elle que les
autres figures ont leurs intervalles remplis et se développent jusqu’à ce qu’on soit parvenu aux prémisses
immédiates. »442
La réduction syllogistique tient compte des : consonnes initiales des modes, trois voyelles contenues dans
chaque mode et consonnes intérieures à chaque mode. La consonne initiale indique que le mode auquel on
doit aboutir de la première figure commence par la même consonne. Les autres consonnes indiquent une
opération à réaliser sur la proposition. S = conversion simple de la proposition que représente la voyelle qui
précède S ; P = conversion par accident ; C = démonstration par l’absurde ou contradictoire ; M = mutation
de l’ordre des prémisses.443 Les consonnes r, n, t, après la troisième voyelle n’ont aucune signification, elles
jouent un rôle euphonique. Les modes des autres figures sont ramenés à ceux de la première figure étant
donné que ceux de cette figure ne contiennent aucune consonne intérieure qui entre en jeu dans la réduction
syllogistique. En plus, ils ont les consonnes initiales dont comportent tous les autres modes de chaque figure.
Dans ce cas, la première figure est un mode parfait. Les modes commençant par B se réduisent à Barbara,
ceux qui commencent par C à Celarent, ceux qui commencent par D à Darii et ceux qui commencent par
F à Ferio.444 La réduction syllogistique de Baroco et de Bocardo est particulière. Pour réduire Baroco, il
faut conserver la majeure et prendre pour mineure la contradictoire de la conclusion et la conclusion est
obtenue à partir de la contradictoire de la mineure. La réduction de Bocardo se fait en conservant la mineure
et en remplaçant la majeure par la contradictoire de la conclusion, et la conclusion est obtenue à partir de la
contradictoire de la majeure.445
Voilà que pour Baroco la proposition A garde sa place d’être majeure, pendant que la contradictoire de
la conclusion devient la mineure. La contradictoire de la mineure devient la conclusion.
Par exemple,
Les étudiants sont bavards,
or quelques moines ne sont pas bavards,
donc quelques moines ne sont pas étudiants.
En y appliquant la réduction, nous obtenons un Barbara :
Les étudiants sont bavards,
or les moines sont étudiants,
donc les moines sont bavards.
Pour Bocardo, la contradictoire de la conclusion devient la majeure, A reste toujours la mineure,
la contradictoire de la majeure devient la conclusion.
Par exemple,
Certaines filles ne sont pas étudiantes,
or toutes les filles sont courageuses,
donc certains courageux ne sont pas étudiants.
En y appliquant la réduction, nous obtenons un Barbara :
Tout courageux est étudiant,
or toutes les filles sont courageuses,
donc toute fille est étudiante.

439ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 73.


440ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 74.
441ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, p. 80.
442ARISTOTE, Organon IV Les seconds Analytiques, J. Vrin, Paris, 1938, pp. 80-81.
443Cf. P. OLERON, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1977, p. 56 ; P. THIRY, Notions de logique, De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 112-114 ; R.

VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 102-103. Au sujet de la réduction syllogistique, Philippe Thiry met
en évidence la réduction par transformation et la réduction par l’absurde. La première se réalise sur les modes dépourvus de la consonne intérieure
C qui exige la démonstration par l’absurde. La deuxième s’applique sur les modes contenant la consonne intérieure C : il s’agit de Baroco et Bocardo.
Ce penseur n’a pas pu expliciter les manières dont on peut procéder pour cette réduction par l’absurde.
444Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 102 ; J. DOPP, Leçons de logique formelle, tome I. La logique

ancienne. La logique des jugements prédicatifs, Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1949, pp. 137-138.
445Cf. C. SERRUS, Traité de logique, Aubier-Montaigne, Paris, 1945, pp. 167-168.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
La présence de la consonne C indique la réduction à l’absurde (la contradictoire). Jacques Maritain
parle de la réduction à l’impossible : il faut supposer qu’un adversaire déclare que le syllogisme Baroco ou
Bocardo est mauvais. Il réfute la conclusion et accorde les prémisses. La réduction d’un Baroco exige que
l’on considère la mineure comme étant omise, dans ce cas on n’a que la majeure et la contradictoire de la
conclusion devient la mineure. Pour Bocardo, on suppose que les prémisses sont vraies tout en maintenant
la mineure, la contradictoire de la conclusion devient majeure et celle de majeure devient la conclusion.446
Baroco :
Tout indigent est poli,
or quelques villageois ne sont pas polis,
donc quelques villageois ne sont pas indigents.
On peut réduire ce Baroco à un

Barbara :
Tout indigent est poli,
or tous les villageois sont indigents,
donc tous les villageois sont polis.

Bocardo :
Quelques responsables ne sont pas sincères
or tous les responsables sont chrétiens
donc quelques chrétiens ne sont pas sincères.
On peut réduire Bocardo à un
Barbara :
Tout chrétien est sincère
or tous les responsables sont chrétiens
donc tous les responsables sont sincères.

Camestres :
Tout homme est faillible,
or aucun ange n’est faillible,
donc aucun ange n’est homme.
On peut réduire ce Camestres à un
Celarent :
Aucun faillible n’est ange,
or tout homme est faillible,
donc aucun homme n’est ange.

Festino :
Nul bavard n’est sérieux,
or quelques prêtres sont sérieux,
donc quelques prêtres ne sont pas bavards.
On peut réduire ce Festino à un
Ferio :
Nul sérieux n’est bavard,
or quelques prêtres sont sérieux,
donc quelques prêtres ne sont pas bavards.

Disamis :
Quelques prostituées sont belles
or toutes les prostituées sont avares
donc quelques avares sont belles.
On peut réduire ce Disamis à un
Darii :
Toutes les prostituées sont avares
446Cf.
J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 239-242 ; M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Éléments de logique classique,
Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, pp. 34-35.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
or quelques belles sont prostituées
donc quelques belles sont avares.
Fressisson :
Aucun homme n’est parfait
or certains parfaits sont des séraphins
donc certains séraphins ne sont pas des hommes.
On peut réduire ce Fressisson à un
Ferio :
Aucun parfait n’est homme
or certains séraphins sont parfaits
donc certains séraphins ne sont pas des hommes.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
Chapitre III
LES SYLLOGISMES IRREGULIERS ET LES ERREURS DU RAISONNEMENT

3.0. INTRODUCTION

L’étude du raisonnement est d’une importance considérable en logique. D’ailleurs certains logiciens
définissent la logique comme l’étude du raisonnement. Certains raisonnements s’avèrent difficiles à étudier
en se fondant sur les lois formelles étant donné qu’ils sont irréguliers. On considère que tout syllogisme
complexe est irrégulier. Cette irrégularité se situe dans le fait que les lois formelles sont impuissantes pour
contribuer à la décidabilité de la validité de ce syllogisme composé. Ceci montre que tout syllogisme qui
n’est pas catégorique est totalement irrégulier.
3.1. Les syllogismes composés
Est appelé syllogisme composé, tout syllogisme dont la majeure est une proposition composée où il y a
présence d’un opérateur binaire qui unit 2 propositions. Les syllogismes composés peuvent être :
conditionnel, disjonctif, biconditionnel, non-conjonctif.447 A ces variantes des syllogismes composés, nous
ajoutons le dilemme étant donné que sa proposition majeure est composée de l’alternative. Très souvent,
on met en évidence les cinq indémontrables qui constituent la contribution des Stoïciens à la logique pour
illustrer le syllogisme hypothétique ou conditionnel en modus ponendo ponens, modus tollendo tollens ainsi que
leurs variantes.

3.1.1 Sortes des syllogismes composés


3.1.1.1. Le syllogisme hypothétique ou conditionnel448
*Si le premier alors le second, or le premier donc le second / Modus Ponendo Ponens. (M.P.P.)
Par exemple,
Si l’étudiant est courageux alors il surmonte les difficultés académiques
or l’étudiant est courageux
donc il surmonte les difficultés académiques

*Si le premier alors le second, or pas le second donc pas le premier / Modus Tollendo Tollens. (M.T.T.)
Par exemple,
Si tu es maltraité par ta femme alors tu deviens manifestement agressif
or tu n’es pas agressif
donc tu n’es pas maltraité par ta femme

*Pas à la fois le premier et le second, or le premier donc pas le second. (M.P.T.)


Par exemple,
Si tu es président de la République alors tu n’es pas premier ministre
or tu es président de la République
donc tu n’es pas premier ministre

*Ou le premier ou le second, or le premier donc pas le second. (M.P.T)


Par exemple,
Ou bien tu es marié ou bien tu es célibataire
or tu es marié
donc tu n’es pas célibataire

*Le premier ou le second, or pas le second donc le premier (M.T.P.)


Par exemple,
Si tu es Français alors tu n’es pas Italien
or tu n’es pas Italien
donc tu es Français

447Cf. P. THIRY, Notions de logique, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, pp. 24-28; M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Éléments de logique classique,
Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, pp. 36-41.
448 R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 105-108.
66
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3.1.1.2 Le syllogisme non-conjonctif ou incompatibilité


Il s’agit d’un raisonnement qui exclut la possibilité que deux arguments se rencontrent au même moment.
C’est-à-dire que quand le premier est faux ou le second est vrai.

Exemple,
Il est faux que le ministre travaille pour que le salaire des agents s’améliore
Or le ministre travaille
Donc le salaire des agents ne s’améliore pas. (M.P.T)

3.1.1.3 Le syllogisme disjonctif


Ce syllogisme peut être disjonctif inclusif ou exclusif (alternative).

Le syllogisme disjonctif inclusif est possible quand l’un de ses arguments est vrai. Il s’agit de la
conjonction disjonctive ‘ou’ dont la signification est ‘et/ou’.
Exemple 1,
Le professeur est mathématicien ou historien
Or il n’est pas mathématicien
Donc il est historien (M.T.P)

Exemple 2,
La lampe est allumée ou éteinte
Or la lampe n’est pas éteinte
Donc la lampe est allumée (M.T.P)

Le syllogisme disjonctif exclusif ou alternative met en évidence deux arguments qui s’excluent l’un et
l’autre.

Exemple 1,
Il mange ou il ne mange pas
Or il mange
Donc il n’est pas vrai qu’il ne mange pas (M.P.T)
Exemple 2,
Il dort ou il ne dort pas
Or il ne dort pas
Donc il n’est pas vrai qu’il dort (M.T.P)

Exemple 3,
Il vient ou il ne vient pas
Or il n’est pas vrai qu’il vient
Donc il ne vient pas (M.P.T)

Exemple 4,
Il écrit ou il n’écrit pas
Or il n’est pas vrai qu’il n’écrit pas
Donc il écrit (M.T.P)

3.1.1.4 Le syllogisme biconditionnel


Il s’agit de la conjonction d’un syllogisme conditionnel et sa converse. Il s’agit de la double implication
ou l’équivalence.

Exemple 1,
Je serai baptisé si et seulement si je participe à la catéchèse
Or je suis baptisé
Donc j’ai participé à la catéchèse (M.P.P)
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Exemple 2,
Il marchera si et seulement s’il s’exerce
Or il s’exerce
Donc il marchera (M.P.P)

Exemple 3,
Elle enfantera si et seulement si elle se fait consulter par le médecin
Or elle n’enfante pas
Donc elle ne se pas fait consulter par le médecin (M.T.T)

Exemple 4,
Nous gagnerons le match si et seulement si nous nous entraînons
Or nous ne nous entraînons pas
Donc nous ne gagnerons pas le match (M.T.T)
3.1.2 Le dilemme449
C’est un raisonnement dans lequel on accule l’adversaire à une alternative dont chacune des parties
conduit au même point de conclusion.
Exemple 1,
Ou tu étais au stade ou tu n’y étais pas,
Si tu y étais, tu as manqué à ton devoir,
Si tu n’y étais pas, tu t’es enfoui lâchement,
Dans les deux cas, tu mérites d’être châtié.

Exemple 2,
Ou tu as étudié ta leçon ou tu ne l’as pas étudiée,
Si tu ne l’as pas étudiée, tu es à plaindre,
Si tu l’as étudiée, tu as échoué,
Donc dans les deux cas, tu es à plaindre.
Le dilemme est un raisonnement qui combine dans la majeure, une proposition disjonctive avec deux ou
plusieurs propositions conditionnelles. On pose ou on nie dans la mineure, les deux propositions ou
propositions conditionnelles qui énoncent que quelle que soit la possibilité envisagée, la conséquence est la
même dans tous les cas. Les anciens appelaient le dilemme un raisonnement cornu (syllogismus cornutus).
L’histoire de la pensée a été traversée par beaucoup d’exemples illustrant le dilemme, à savoir :
Le dilemme de Bias
Si vous vous mariez, vous épouserez une femme belle ou une femme laide
Or, si vous épousez une femme belle, vous mourez de jalousie
Or si vous épousez une femme laide, vous ne l’aimerez pas
Donc ne vous mariez pas.
Le dilemme d’Aristote
S’il faut philosopher, alors il faut ou il ne faut pas philosopher
S’il faut philosopher, il faut philosopher
S’il ne faut pas philosopher, il faut encore philosopher pour exprimer qu’il ne faut pas philosopher
Donc il faut philosopher.
Le dilemme de Tertulien contre le décret de Trajan
Les Chrétiens sont coupables ou innocents
S’ils sont coupables, pourquoi défendre de les rechercher ?
S’ils sont innocents, pourquoi punir ceux qui sont dénoncés ?
Donc le décret est injuste
Le dilemme de Renouvier
Ou la philosophie peut conduire au vrai ou elle ne le peut pas.
Si elle peut conduire au vrai, il faut l’étudier

449Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, p. 104 ; J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris,
1946, pp. 301-303 ; P. THIRY, Notions de logique, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, pp. 28-29, M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Éléments de
la logique classique Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, p. 41. Le dilemme est un syllogisme composé de deux prémisses dont la majeure est
une proposition complexe dotée de l’alternative comprise comme deux possibilités avec une connotation conditionnelle.
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Si elle ne le peut, on doit l’étudier encore
Donc on doit étudier la philosophie.
Le dilemme de Calife Omar, accusé d’avoir brûlé la bibliothèque d’Alexandrie450 :
Les livres de la Bibliothèque d’Alexandrie contiennent ou ne contiennent pas ce qui se trouve dans le Coran,
Dans le 1er cas, ils sont inutiles
Dans le 2ème cas, ils sont nuisibles
Donc il faut les brûler dans tous les cas.
Le dilemme du musicien Daouda
La femme de mon patron est tombée amoureuse de moi, elle me propose de la courtiser, autrement je serai
licencié du travail
Si je dis non elle me rassure qu’elle dira à mon patron que je la courtise et je serai licencié du travail
Si je dis oui j’aurai des problèmes avec mon patron, car elle va me dénoncer et je serai licencié du travail
Que dois-je faire, car dans le deux cas je serai chassé du boulot.
Le dilemme de Protagoras et d’Eulathus451
Si Eulathus perd ce procès, il doit me payer grâce au jugement
Si Eulathus gagne ce procès, il me paiera également, grâce à notre contrat
Eulathus gagnera ou perdra ce procès.
Donc il me payera
Eulathus répond
Si je perds le procès, je ne paierai rien au regard de notre contrat
Si je gagne le procès, je ne paierai rien, vu le jugement
Je perdrai ou gagnerai le procès
Donc je ne paierai rien

Le dilemme du coq
Un Monsieur, gravement malade, possède un coq.
Ce coq chante tout en étant dans un dilemme
Il se dit si mon patron meurt, je serai égorgé pour son deuil
S’il se rétablit je serai également égorgé pour constituer sa nourriture
Dans les deux cas, qu’il meure ou qu’il se rétablisse, le coq doit être égorgé

3.2. Les syllogismes non-catégoriques ou incomplets452


Un syllogisme est appelé non-catégorique ou imparfait ou catégorique irrégulier quand il est composé
d’une majeure simple, de moins ou de plus de trois propositions. Ce syllogisme constitue la logique
informelle qui analyse même les erreurs du raisonnement. Dans un syllogisme irrégulier on peut avoir des
chaînes des syllogismes comme le polysyllogisme et le sorite, etc. Pour la logique de Port-Royal, les
syllogismes irréguliers comme l’enthymème et l’épichérème sont parfaits dans l’esprit mais imparfaits dans
l’expression. Blanché utilisant l’expression de Poincaré ‘cascade de syllogismes’ montre que cette expression
correspond à ce que les anciens appelle polysyllogismes, entre autres : l’épichérème, l’enthymème, le sorite.
Il montre que le dilemme est un cas spécial du syllogisme hypothético-disjonctif.453

3.2.1. L’enthymème
C’est un syllogisme où l’une des propositions est exprimée et l’autre reste à penser ; il s’agit d’un
raisonnement elliptique.454 C’est-à-dire que l’enthymème « is an argument with an unstated premise or an

450 A la suite de la création des bibliothèques, la bibliothèque d’Alexandrie fut fondée par Ptolémée Soter (360-283 a.c.n.) sur le conseil de Démétrios
de Phalère, disciple de Théophraste qui, chassé d’Athènes, se réfugia en Egypte. Cettte bibliothèque a été dirigée par l’astronome et géographe
Eratosthème (276-196). (A. VIRIEUX-REYMOND, La logique et l’épistémologie des Stoïciens. Leurs rapports avec la logique d’Aristote, la logique et la pensée
contemporaines, F. Rouge et Cie, Lausanne, 1950, pp. 11-12.
451Cf. M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Eléments de logique classique, Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, p. 41. Pour expliciter le

dilemme, on cite l’exemple d’une situation litigieuse qui avait opposé le sophiste Protagoras à son élève Eulathus dans l’Antiquité. Comme les
sophistes enseignaient moyennant l’argent, Protagoras a appris à Eulathus la plaidoirie à crédit à condition que cet élève s’engage à le payer lorsqu’il
gagnera son premier procès. Curieusement, Eulathus n’a pas plaidé pendant sa formation. C’est dans ce contexte que Protagoras dans son impatience
lui intente un procès exprimé dans un dilemme et la réponse d’Eulathus est exprimée dans un autre dilemme.
452 Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp. 103-104 ; M.-P. MUTOMBO MATSUMAKIA, Éléments

de la logique classique Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003, p. 42. Ce dernier appelle les syllogismes non-catégoriques des syllogismes spéciaux.
Ce sont des syllogismes qui ne sont ni catégoriques ni composés.
453R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris, 1973, p. 151. Note de bas de page n°1.
454Cf. J. CLAUBERG, Logique ancienne et nouvelle, J. Vrin, Paris, 2007, p. 168 ; P. MOUY, Logique et philosophie des sciences, Hachette, Paris, 1944, p. 231.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
unstated conclusion. »455 L’enthymème se présente comme un raisonnement de l’éloquence. C’est un
argument que les avocats utilisent au parquet pendant le procès en ces termes « les coupables mentent,
l’accusé est donc coupable ; objection, répond l’avocat, la peur peut faire commettre bien des mensonges,
ce qui est le cas de mon client. »456
Par exemple,
Vous êtes finissante, donc vous préparez les examens d’État.
Il faut alors comprendre que c’est la majeure « Toute finissante prépare les examens d’État » qui est sous-
entendue.
Pascal est un homme, donc Pascal est mortel.
La majeure ‘tout homme est mortel’ est sous entendue

3.2.2. L’épichérème
C’est un syllogisme dont l’une des prémisses ou les deux sont suivies de leurs explications, de leurs
preuves.
Par exemple,
Tout prêtre est orateur, puisqu’il doit, pendant l’homélie, prêcher ;
Or nul orateur n’est illettré, car il doit perfectionner son talent oratoire à l’école ;
donc nul prêtre n’est illettré.

3.2.3. Le polysyllogisme
C’est un raisonnement constitué d’une série des syllogismes enchainés de telle sorte que la conclusion de
l’une serve de prémisse au suivant. Le premier syllogisme est appelé polysyllogisme (prosyllogisme), c’est
celui-ci qui fournit une conclusion qui sert de majeure au syllogisme suivant appelé épisyllogisme ; dans
pareil cas le polysyllogisme est appelé progressif. Dans la mesure où la conclusion du polysyllogisme
(prosyllogisme) servirait de mineure à l’épisyllogisme, on parle du polysyllogisme régressif.
Exemple,
Les filles sont charmantes
or les religieuses sont des filles
donc les religieuses sont belles
or nulle belle n’est méprisable
donc nulle méprisable n’est religieuse
or quelques étudiantes sont méprisables
donc quelques étudiantes ne sont pas religieuses
or les étudiantes sont épousables
donc quelques épousables ne sont pas religieuses
or les épousables sont laïques
donc quelques laïques ne sont religieuses.

3.2.4. Le sorite457
Le concept sorite est d’origine grecque, it « comes from the Greek word soros, meaning ‘heap’ or ‘pile’.
Roughly put, a sorites is a ‘heap’ of syllogism. More precisely, a sorites is a chain of syllogisms in which the
final conclusion is stated but the subconclusions are unstated. »458 Le sorite est de deux sortes : celui dit
d’Aristote et celui de Goclenius.

Sorite dit d’Aristote


C’est une suite des propositions enchaînées de manière que l’attribut de la première soit le sujet de la
deuxième, l’attribut de la deuxième soit le sujet de la troisième ainsi de suite jusqu’à la dernière proposition
dans laquelle sont réunis le sujet de la première proposition et l’attribut de l’avant dernière.
Exemple 1,
Certains sportifs sont parisiens
or les parisiens sont Français

455C. S. LAYMAN, The Power of Logic, 1994, p. 222.


456B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analyse, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. de Guibert, Paris, 2007, p.78.
457Cf. J. MARITAIN, Éléments de philosophie, Tequi, Paris, 1946, pp. 300-301.
458C. S. LAYMAN, The Power of Logic, 1994, p. 227.
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or les Français sont Européens
or les Européens sont blancs
donc certains sportifs sont blancs

Exemple 2,
Solange est une belle femme,
or la belle femme est aimée de tous,
donc celui qui est aimé de tous est heureux,
or les heureux sont épanouis,
or les épanouis son souriants
or les souriants sont accueillants
donc Solange est accueillante.

Le sorite de Goclenius
Il est un sorite formé d’une chaîne des propositions telles que le sujet de la 1ère proposition devienne le
prédicat de la deuxième, le sujet de la deuxième le prédicat de la troisième, ainsi de suite jusqu’à la conclusion
qui unit le sujet de l’avant dernière proposition au prédicat de la 1ère proposition.
Exemple,
Les sociologues sont prétentieux
Or les épistémologues sont sociologues
Or un bavard est épistémologue
Or un professeur est bavard
Donc un professeur est prétentieux.

3.3. Particularité syllogistique


Il existe une véritable particularité dans l’étude des syllogismes. Cette spécificité se situe dans la
possibilité des syllogismes : transitif et existentiel.459
3.3.1. Le syllogisme transitif460

C’est un syllogisme qui admet dans sa conclusion que le Petit Terme devienne le prédicat et le Grand
Terme le sujet.
Par exemple,
Les femmes sont fragiles
or nul ange n’est fragile
donc nul femme n’est ange.
Il existe 8 syllogismes dits transitifs, notamment : Darii, Datisi, Dimatis, Disamis, Celarent, Cesare,
Camestres, Calemes. Pour montrer que ces syllogismes sont transitifs, il faut appliquer une conversion
simple sur leur conclusion. Cette application conduira à changer la place du petit terme, qui initialement est
toujours sujet dans la conclusion, pour y devenir prédicat. En conséquence, la place du grand terme change
aussi, qui initialement est prédicat dans la conclusion, y devient le sujet. Chaque figure contient deux modes
concluants qui se prêtent à ce changement des places des termes extrêmes dans la conclusion. On constate
que 4 modes se terminent par « s » tandis que 4 autres non, auxquels, par assimilation, on applique à leur
conclusion aussi la conversion simple. Mais par contre Barbara ne peut pas devenir un syllogisme transitif,
car ce changement des places des extrêmes conduirait à un latius hos.
3.3.2. Le syllogisme existentiel461
C’est un syllogisme dont la mineure et la conclusion contiennent des objets précis. C’est-à-dire que
la mineure et la conclusion contiennent des concepts singuliers.
Par exemple,
Toutes les femmes sont charmantes
Or Solange est une femme

459Cf. PHOBA MVIKA, op. cit., pp. 69-79. ; P. de COURBET, La logique formelle, Ed. Spéciale, Kinshasa, 1974, pp. 165-197. ; J. DOPP, Leçons de
logique formelle, tome I. La logique ancienne. La logique des jugements prédicatifs, I.S.P., Louvain, 1949, pp. 138-139 ; NKOMBE OLEKO, Essai de logique
générative, Médiaspaul, Lubumbashi, 2006, p. 96.
460Cf. NKOMBE OLEKO, Essai de logique générative, Médiaspaul, Lubumbashi, 2006, p. 96.
461Cf. NKOMBE OLEKO, Essai de logique générative, Médiaspaul, Lubumbashi, 2006, p. 95.
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donc Solange est charmante
Les modes concluants, tels que Barbara, Celarent, Camestres Cesare et Calemes sont des syllogismes
existentiels. Ceux-ci sont des modes à prémisses universelles.
3.4. Les erreurs du raisonnement462
Plusieurs erreurs doivent être évitées en vue d’un raisonnement cohérent. Il faut corriger les fautes en
rapport à la relation entre les prémisses et la conclusion.463 Les erreurs du raisonnement sont multiples. Je
choisis de parler de celles qu’on découvre quand on analyse le sophisme. On peut se demander ce que
signifie le sophisme. Le sophisme est un raisonnement dont l’apparence est valide mais en réalité elle est
incorrecte, car il se fonde sur l’intention de tromper. C’est une erreur logique qui est intentionnel. La
définition classique du sophisme comme « une certaine proposition (simple ou complexe), présentant une
ambiguïté telle qu’on peut, du moins en première apparence, démontrer aussi bien sa fausseté que sa vérité-
ou, dans certains sophismes grammaticaux, des énoncés dont on peut montrer aussi bien la congruence que
la non-congruence. Le lecteur d’aujourd’hui doit donc effacer de son esprit l’idée du sophisme comme un
raisonnement délibérément trompeur, ou faisant abstraction de la vérité au profit de la seule persuasion,
selon la conception popularisée par Platon. Certes, l’argumentation pour ou contre la vérité de l’énoncé
examiné peut comporter des raisonnements fallacieux (…) Certes la volonté d’accumuler es preuves pour
ou contre peut parfois conduire à insérer des argumentations quelque peu spécieuses. Mais les
raisonnements ne procèdent pas fondamentalement d’une volonté de tromper, ils trouvent leur motivation
dans une difficulté objective, qui gît dans l’énoncé examiné (…) L’objectif est donc de démêler les ambiguïtés
de telle ou telle phrase, la plupart du temps en introduisant des distinctions. »464 Ceci montre que le sophiste
est « un homme qui tire un profit pécuniaire d’une sagesse apparente mais non réelle. »465 Sans intention de
tromper on parle du paralogisme466, raisonnement faux, fait de bonne foi. Dans les Réfutations sophistiques,
Aristote étudie les sophismes. La réfutation a pour mission de montrer la fausseté d’une proposition donnée
en montrant la proposition contradictoire. Le sophisme est à comprendre comme un raisonnement de la
contradiction. Les sophistes embarrassaient leurs interlocuteurs en leur montrant le contraire de ce qu’ils
pensent vrai. Par exemple, un nombre peut-il être à la fois pair et impair ? La réponse est certainement non.
Mais les sophistes montrent que 7 est le résultat de 4 et 3 ou de 1 et 6 ou de 5 et 2. On remarque la présence
d’un nombre pair et impair, en conséquence, un nombre est susceptible d’être à la fois pair et impair.
Partant de la notion de réfutation définie comme une « déduction dont la conclusion révèle une
contradiction »,467 on repartit les sophismes en deux groupes : « les uns sont liés à l’expression, alors que les
autres sont indépendants de l’expression. »468 Il s’agit des facteurs d’illusions liés au langage : ce sont des
sophismes verbaux ou sophismes des mots (fallaciae in dictione), à savoir : « l’homonymie, l’amphibolie, la
composition, la division, l’accentuation, la forme de l’expression. »469 Il existe aussi des facteurs d’illusion
qui sont indépendants du langage : ce sont des sophismes mentaux (fallaciae extra dictionem). Aristote distingue
7 sortes, à savoir : l’accident, le caractère absolu ou non absolu de l’assertion, la formule incomplète, la
pétition de principe, le conséquent, la fausse cause, la question multiple.470
Parlant des sophismes des mots, l’homonymie est encore appelée l’équivocité. L’homonymie joue
sur l’ambiguïté d’un mot, car « le sophisme provient de ce qu’un nom unique signifie plusieurs choses qui

462Cf. J. DUBOIS, L. VAN DEN WYNGAERT, Initiation philosophique, C.R.P., Kinshasa, 1997, pp. 203-207 ; D. MWEZE CHIRHULWIRE
NKINGI, Logique et argumentation. Communiquer c’est argumenter, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, pp. 41-47; R. BLANCHE, Le raisonnement, P.U.F., Paris,
1973, pp. 242-245.
463Argumentatum ad hominem : on prouve la fausseté d’une thèse en jouant sur le caractère, le passé, la façon de faire de celui qui la défend. Argumentatum

ad verecundiam : on fonde une thèse en renvoyant à une personne ou une institution qui la défend. Argumentatum ad populum c’est l’argument qui essaie
de s’imposer en utilisant des moyens pour exciter l’enthousiasme, l’unanimité, les désirs, les sentiments, les passions, les snobismes, le chauvinisme
d’une masse. Argumentatum ad misericordiam : on essaie d’imposer une conclusion en jouant sur la pitié pour le sentiment de l’auditeur. Argumentatum
ad ignorantiam : on conclut à la vérité ou à la fausseté d’une thèse, car la fausseté ou la vérité n’a pas été prouvée. Argumentatum ad baculum : on impose
une thèse en usant de son pouvoir. On montre le profit qu’on peut tirer ou le malheur qui va suivre si l’on n’accepte pas. Généralisation abusive :
Erreur commise par l’application du latius hos. On passe de quelques cas isolés pour universaliser une affirmation. La question complexe : on présente
la conclusion comme très simple alors qu’elle est très complexe. D’une simple réponse affirmative ou négative qu’on donne à une question complexe
on déduit une conclusion qui n’est pas donnée par la réponse. L’analogie imparfaite : du fait que certains faits montrent une analogie sur certains
points avec d’autres faits, on conclut que l’analogie existe aussi sur d’autres points. Par exemple, telle loi a été appliquée pour tel cas, comme ce cas
est similaire à l’autre, on peut appliquer la même loi.
464J. BIARD, Introduction à J. BURIDAN, Sophismes, J. Vrin, Paris, 1993, pp. 10-11.
465ARISTOTE, Réfutations sophistiques, J. Vrin, Paris, 2007, p. 15.
466Cf. R. DESCARTES, Discours de la méthode, Cluny, Paris, 1943, p.114, P. THIRY, Notions de logique, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, pp. 99-

102. Pour le sophisme et le paralogisme, P. Thiry parle du sophisme de l’équivalence, par extrapolation, par l’ignorance du but, par la pétition de
principe, sur le conséquent, de l’erreur sur la cause, post hoc ergo propter hoc, de l’inversion de la cause et de l’effet.
467 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 282.
468 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 285.
469ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 285.
470Cf. ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 289-293.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
n’ont pas même nature voire des natures et des définitions opposées. »471 Par exemple, Aristote parle
d’«apprendre » pour montrer l’équivocité, car ce verbe signifie « comprendre en faisant usage de la science »472
ou bien « acquérir une science. »473 L’équivocité se situe au niveau où ce verbe est doté des plusieurs
significations et on ne peut lui accorder un sens que selon le contexte. L’équivocité est à éviter dans la
construction de la proposition, par exemple, demain ce sera une journée d’étude libre. Qu’est ce qui est
libre ? La journée ou l’étude. Dieu comble son bien-aimé quand il dort, qui dort ? Dieu ou le bien-aimé ?
Par exemple, « les jumelles de l’opticien grossissent », cette proposition peut être entendue doublement,
comme les lunettes d’une certaine qualité font voir les objets plus grands qu’on ne les voit à l’œil nu ; une
autre possibilité c’est de dire que le vendeur des lunettes a deux filles nées d’un même accouchement et qui
prennent de l’embonpoint. Il faut éviter la faute de l’équivocité dans les mots, car un même terme peut être
employé dans le raisonnement selon une signification différente même si l’argumentation se fonde sur le
glissement des sens, par exemple, le mot Eglise peut signifier la hiérarchie, l’institution, ceux qui croient en
Jésus. Un exemple du sophisme selon la dialectique de Hegel : ce qui commence est déjà, tout en n’étant
pas encore. L’équivocité se situe au niveau où le commencement contient deux interprétations : être et
néant ; il est l’unité de l’un et de l’autre ; il est un non-être qui est en même temps un être, et un être qui est
en même temps un non-être.
L’amphibologie joue sur l’ambiguïté d’une phrase. Dans le vocabulaire aristotélicien, le mot
« amphibolie »474 désigne l’amphibologie. Cette synonymie est heureuse, car une amphibologie tout comme
une amphibolie montre qu’ « une expression peut être prise en plusieurs sens en raison d’une construction
identique signifiant deux choses. »475 Par exemple, le livre de Cicéron, l’amphibologie se situe au niveau de
l’interprétation de l’expression, car on peut se demande si l’expression exprime que Cicéron est l’auteur du
livre ou si Cicéron est propriétaire du livre. La amphibologie est une proposition à double sens résultant
d’une construction grammaticale vicieuse, par exemple, tous les médecins ne sont pas chauves ; cette
proposition exprime 2 sens distincts, à savoir : certains médecins sont chauves ; certains médecins ne sont
pas chauves ; tous les cardinaux ne sont pas des évêques est une proposition à double sens : certains
cardinaux sont de évêques ; certains cardinaux ne sont pas des évêques. Aristote cite l’exemple selon lequel
« Désirer pour moi la capture des ennemis »476 que certains de ses commentateurs rendent en latin par « velle
capere me hostes »477 dont la compréhension est double : « désirer que je capture les ennemis ou désirer que les
ennemis me capturent. »478 Aristote cite encore l’exemple selon lequel « le savoir des lettres » dont la
compréhension est double, car on peut penser que « les lettres elles-mêmes ont une science, ou un autre a
la science des lettres. »479 Il y a vue de ce que l’on voit, or on voit une pierre, donc une pierre a la vue. Le
sophisme du tas de blé est un exemple parmi tant d’autres que les Grecs ont légué à la postérité. Ce sophisme
consiste à savoir combien de grains faut-il avoir pour parler d’un tas de blé, car « un grain de blé ne constitue
pas un tas, ni deux grains, ni trois grains, … ; d’autres part, chacun sera d’accord pour affirmer que cent
millions de grains de blé forment un tas. Quelle est donc la limite précise ? (…) Si cependant on ne peut
fixer une limite, il est impossible de savoir ce que l’on entend par un tas de blé. »480 Ce paradoxe se situe au
niveau langagier et on pense contourner la difficulté en des adjectifs adéquats, par exemple pour différencier
le tas de l’autre, on doit parler d’un petit tas, d’un grand tas, d’un gros tas, etc.481 La question du sophisme
conduit toujours à des difficultés. Pour le sophisme du tas du blé, les penseurs savent que la visibilité d’un
tas de blé n’est pas seulement dépendante de la quantité des grains, laquelle quantité est possible à connaître
grâce à l’observation. Cette visibilité est aussi dépendante de la grandeur et du poids des grains dont la
variabilité est possible en fonction du lieu et de la période de récolte. La grande difficulté est celle de savoir
si une quantité quelconque du blé doit être appelée un tas ou ne doit pas être appelée ainsi.
Le sophisme de composition consiste à unir des mots qui doivent être pris séparément. Une
proposition comprend des parties qui constituent sa matière et la composition de ces parties constitue la
forme de la proposition. On parle du sophisme de composition quand dans une énonciation « les parties

471B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 452.
472ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 285.
473ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 285.
474ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 286.
475 B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 453.
476 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 286.
477ARISTOTE, Réfutations sophistiques, J. Vrin, Paris, 2007, p. 21.
478ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 395.
479ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 286.
480E. BOREL, Probabilité et certitude, P.U.F., Paris, 1950, p. 97.
481E. BOREL, Probabilité et certitude, P.U.F., Paris, 1950, p. 97.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
restent identiques mais non leur composition »482, c’est-à-dire que le sophisme porte sur la fausseté du sens
de l’expression due à sa composition. Par exemple « pouvoir marcher étant assis, et pouvoir écrire n’écrivant
pas »483 Le sophisme se situe au niveau où nous savons qu’il est impossible de marcher tout en étant assis.
On peut être assis et se déplacer, par exemple être assis dans un train, dans une voiture en mouvement en
direction de Paris ou de Bruxelles. Ceci ne peut pas justifier ce sophisme, car se déplacer ne signifie pas
marcher. On marche grâce à deux pieds mais on peut se déplacer grâce à plusieurs moyens de déplacement.
Dans la forme « écrire-en-n’écrivant-pas »484 quand quelque use de la composition dans cette formule, il
montre qu’il est pourvu des capacités d’écrire tout en étant pas en train d’écrire et s’il n’utilise pas la
composition, la formule « écrire-en-écrivant-pas » montre qu’il est doté des capacités d’écrire quand il n’est
pas en train d’écrire. D’autres exemples, Léopold marche tout en étant assis. En silence, il parle.
Le sophisme de division sépare les mots qui doivent être unis. Par exemple, 7 est à la fois pair et
impair puisqu’il est 3 et 4. Mais attention, « le même énoncé une fois divisé peut sembler ne pas toujours
signifier la même chose que lorsqu’il est composé. »485 Par exemple, le christ, a fait de toi, qui étais pécheur,
un chrétien ; le christ, a fait de toi, qui étais un chrétien, un pécheur. On parle de la forme d’expression
quand deux choses différentes s’expriment par la même forme verbale, par exemple, Hitler n’était pas un
grand homme puisqu’il était petit. Le sophisme de la division montre que ce qui est affirmé du tout est
affirmé de la partie. Par exemple, l’univers est infini c'est-à-dire que chaque partie de l’univers est infinie.
Le sophisme de l’accentuation est « une erreur qui provient de ce qu’un mot, avec une prononciation
différente, présente des significations différentes. Mais il faut noter directement qu’il n’est pas « facile de
construire un argument qui tient à l’accentuation dans le cadre des discussions qui ne reposent pas sur
l’écriture. » Cette pratique est possible dans les poèmes tout comme dans la métrique latine. Par exemple
quand on entend une cloche qui résonne, et le logicien raisonne. Jésus veut convertir les pécheurs quand il
partageant deux poissons achetés auprès des pêcheurs.
Le sophisme de forme d’expression montre la « ressemblance extérieure d’un mot avec un autre et
l’erreur provient de ce qu’un mot semblable à un autre paraît avoir le même mode de signifier, alors qu’il ne
l’est pas. Dans ce sophisme, il n’y a pas multiplicité véritable, mais imaginaire, car un mot ne signifie pas
plusieurs choses en vérité, mais a un seul mode de signifier, et paraît en avoir un autre. »486 Ceci montre que
le sophisme de la forme de l’expression est possible dans la mesure où « ce qui n’est pas la même chose est
exprimé de la même façon. »487 Par exemple, la nuit exprimée comme le jour et le jour comme la nuit, le
froid est exprimé comme le chaud et le chaud comme le froid, etc.
Abordant l’étude des facteurs d’illusions extra dictionem, c’est-à-dire les sophismes de la pensée, issus
de la chose elle-même, Aristote les nomme des paralogismes. Le sophisme de l’accident, les « paralogismes
qui tiennent à l’accident sont ceux qui se produisent chaque fois que l’on considère qu’un ‘prédicat’, quel
qu’il soit, appartient de la même façon à l’objet et à son accident. »488 Plusieurs accidents sont possibles à
l’endroit d’une même réalité mais ce n’est toujours pas nécessaire que tous ces accidents se rapportent à tous
les prédicats et à ce dont ils sont prédiqués. L’exemple à utiliser pour illustrer le sophisme de l’accident est
celui de « l’amalgame, exploitation en fait de toutes les similitudes et rapprochements possibles dans la
description d’un événement. »489 Le sophisme de l’accident consiste à attribuer au sujet ce qui est attribuable
à son prédicat. Par exemple, le tableau est noir, or le noir est une couleur, donc le tableau est une couleur.
Est-ce que tu es au courant de ce que je te demande ? non. Est-ce que tu sais que la vertu est la science du
bien ? oui. Voilà que ce cela que je vais te demander, donc tu sais ce que je vais te demander.
Le sophisme du passage du sens relatif au sens absolu rentre dans la catégorie des « paralogismes
qui tiennent au fait d’être dit tel de façon absolue ou sous un certain aspect et non pas principalement se
produisent chaque fois que ce qui est dit d’un point de vue partiel est pris comme s’il avait été dit de façon
absolue. »490 Par exemple, qu’un inconverti prouve la non-existence de Dieu, alors on peut dire que Dieu
existe. Le passage du sens relatif au sens absolu consiste à considérer comme absolue une expression qui est
relative. Par exemple, l’homme n’est pas entièrement libre, car il n’a pas choisi de naître, il n’est pas libre de
naître. A supposer 60 personnes qui assistent à une ordination sacerdotale en Afrique, ce n’est pas beaucoup

482B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 455.
483ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 287.
484 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 287.
485ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 287.
486B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 459.
487ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 287.
488ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 289.
489B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 461.
490 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 289.
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Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
cette cérémonie de l’Eglise catholique en Afrique mais ce n’est pas contradictoire au fait que ce soit beaucoup
pour une fête d’anniversaire dans un appartement privé à Louvain-la-Neuve. La proposition « le fœtus n’est
pas un homme vivant et visible » donc « le fœtus n’est pas un homme, » mais les médecins montrent que
« le fœtus est un homme » est une proposition qui n’entre pas en contradiction avec celle « le fœtus n’est
pas un homme vivant et visible » ; ceci montre le passage et le raisonnement de l’un à l’autre ne vaut pas.
Le sophisme de la formule incomplète ou l’ignorance de la réfutation ou ignoratio elenchi, est lié au
fait qu’on « n’a pas défini ce qu’est la déduction ou ce qu’est une réfutation, mais qu’on laisse la formule
incomplète. »491 Il s’agit de l’ignorance de ce qui est à démontrer ou du moyen de le démontrer, par exemple,
Gaspard avait-il été malade ? Mais c’est lui le commerçant de toute la ville de Vannes.
Le sophisme de pétition de principe se fonde sur le fait « que l’on fournit la même chose comme
preuve d’elle-même. »492 On tire des arguments de ce qu’on prouve, par exemple en plaçant le mot à définir
dans la définition ou en postulant la chose à définir. Le fait de retirer la proposition initiale des prémisses
conduit à une demande de « ce qui est tiré de la proposition initiale. »493 Le sophisme de la conséquence se
produit quand « on croit que la relation de conséquence est réciproque. En effet, chaque fois qu’il est
nécessaire que, si ceci est, cela soit, on croit que si cela est, il est nécessaire que ceci soit aussi. De là viennent
aussi les erreurs qui touchent l’opinion fondée sur la sensation. »494 Ici on remarque que le conséquent suit
l’antécédent, par exemple, si quelqu’un est un voleur, alors il se promène la nuit ; or les policiers se
promènent la nuit ; les policiers sont des voleurs. Il peut arriver dans ce syllogisme que l’opposé de
l’antécédent suive l’opposé du conséquent (la contraposition), par exemple, si André Léonard est évêque
catholique, alors il est un prêtre ; donc, si André Léonard n’est pas prêtre, alors André Léonard n’est pas un
évêque catholique. Le sophisme de la conséquence suppose que la relation de principe à la conséquence est
réciproque. Par exemple, les pasteurs s’enrichissent vite, or Tite s’est enrichi vite, donc Tite est un pasteur.495
Le sophisme de la fausse cause tenant « à la proposition non cause qui est considérée comme cause se
produit chaque fois que l’on prend en plus ce qui n’est pas cause en pensant que c’est en fonction de cela
que la réfutation se produit. »496 Il s’agit du sophisme de la non-cause prise comme cause. Il procède, en
introduisant entre les prémisses d’où on tire une conclusion, une proposition qui ne donne pas de
conclusion. Ce sophisme est alors appelé post hoc ergo propter hoc (après cela donc à cause de cela), par exemple,
Jolivet attire l’attention des chercheurs en montrant que si quelque fois certains grands artistes souffrent de
quelques maladies physiques, de certaines anomalies psychiques, congénitales ou acquises, alors les penseurs
ne sont pas autorisés à en arriver à la conclusion selon laquelle l’ingéniosité serait l’agent causal des maladies
ou de névrose. Ils devraient savoir que « ces infirmités physiques ou psychiques résultent de l’état de
l’extrême tension cérébrale et du surmenage intellectuel et physique que provoque la création artistique. »497
Le sophisme de la réunion de deux questions en une seule « consiste à faire de deux questions une
seule (…) chaque fois que l’on ne s’aperçoit pas qu’elles sont multiples, et qu’une seule réponse est accordée
comme si la question était unique. » 498 Il est possible qu’on se rende compte de la diversité des questions et
dans ce cas, on doit s’abstenir de répondre. Par exemple ces hommes sont-ils des députés politisés de la
majorité ? En répondant par oui, on dit « donc ils sont politisés », il peut arriver qu’on réponde par non,
alors on en arrive à la conclusion selon laquelle « ils ne sont pas députés. »

BIBLIOGRAPHIE

1. ARISTOTE, Catégories. De l’interprétation. Organon I et II, J. Vrin, Paris, 2008.


2. ARISTOTE, La métaphysique, K, 5 & 6, tome II, J. Vrin, Paris, 1953.
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492B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p. 468.
493 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 291.
494ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 291.
495 Cf. R. VERNEAUX, Introduction générale et logique, Beauchesne et ses fils, Paris, 1964, pp.145-148.
496 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 292.
497R. JOLIVET cité par B. COUILLAUD, Raisonner en vérité. Traité de logique. Analytique, dialectique, rhétorique, sophistique, F.-X. Guibert, Paris, 2007, p.

472.
498 ARISTOTE, Topiques. Réfutations sophistiques. Organon V-VI, Flammarion, Paris, 2015, p. 293.
75
Prof. Dr. Jean Murhega, Cours de Logique ancienne, destiné aux Etudiants de première année de Graduat
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