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www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5178-0
Les avantages
et les inconvénients des taux
d’intérêt durablement bas
Les taux d’intérêt durablement bas ne sont pas sans
avantages. Ils permettent en effet aux États de réaliser des
investissements publics plus importants.
Ils conduisent sans doute à la disparition des récessions,
puisque c’était dans le passé les hausses des taux d’intérêt
qui déclenchaient le retournement à la baisse de
l’investissement, des cours boursiers, des prix de
l’immobilier et du crédit et que ces retournements, qui
déclenchaient les crises, sont maintenant évités par les taux
d’intérêt bas.
Mais les taux d’intérêt bas ne sont pas sans
inconvénients, certains d’ailleurs peu connus : ils favorisent
la concentration des entreprises et la réapparition des
positions dominantes : ils affaiblissent les banques,
maintiennent en vie des entreprises inefficaces (appelées
« entreprises zombies »), font apparaître des bulles sur les
prix des actifs, et peut-être même maintiennent l’inflation à
un niveau très bas (c’est la théorie « néofisherienne »).
Certains économistes pensent en effet qu’une des causes
de l’inflation durablement faible est de manière paradoxale
le maintien de taux d’intérêt bas.
Alors certes, les taux d’intérêt bas évitent les crises de la
dette et permettent d’accroître les investissements publics ;
mais avec leur cortège d’effets indésirables, il n’est pas sûr
au total qu’ils améliorent vraiment la situation des
économies.
On aimerait sortir
de cet équilibre,
mais le coût de la sortie risque
d’être très élevé
L’austérité salariale dans les pays de l’OCDE a façonné
un équilibre très particulier depuis les années 1990 :
inflation et salaires faibles, politique monétaire
expansionniste, taux d’intérêt bas et politique budgétaire
expansionniste, visant à compenser en partie la faiblesse
des salaires. Il y a bien une cohérence interne au modèle
d’austérité salariale : il affaiblit les salaires, mais permet
que la politique budgétaire soit expansionniste, ce qui
compense l’effet sur la demande de la faiblesse des revenus
salariaux.
On préférerait se situer dans un autre équilibre, où les
salaires suivraient la productivité, où l’inflation et les taux
d’intérêt seraient plus élevés, ce qui éviterait les nombreux
inconvénients des taux d’intérêt très bas, où la politique
budgétaire serait moins expansionniste et les dettes
publiques moins élevées. Mais comment passe-t-on du
premier équilibre au second ?
La sortie de l’austérité salariale ferait monter l’inflation
et donc normalement les taux d’intérêt, d’où un choc
majeur dans une situation de taux d’endettement très
élevé. Alors, faut-il accepter une crise des dettes publiques
pour sortir de l’austérité salariale ?
Ce livre explore les différentes pistes possibles pour
sortir de l’austérité salariale sans déclencher une crise des
dettes.
PREMIÈRE PARTIE
Le piège de l’austérité
salariale
CHAPITRE 1
L’austérité salariale
se met progressivement en place
à la fin des années 1970
Nous allons ici révéler l’austérité salariale par l’évolution
du partage des revenus entre salaires et profits. Si les
salaires réels par tête (le pouvoir d’achat des salariés
calculé avec les prix de vente des entreprises) augmentent
plus vite que la productivité par tête alors la part des
salaires dans le revenu national augmente ; s’ils
augmentent moins vite que la productivité par tête, alors la
part des profits dans le revenu national augmente
(encadré 1). Pour une entreprise, les salaires doivent bien
être comparés à ses prix de vente.
Encadré 1
Le partage des revenus
La part des salaires dans le revenu national (dans le produit intérieur
brut en valeur) est :
Encadré 2
Comportement d’un syndicat
monopoliste
Un syndicat en situation de monopole va maximiser le bien-être de ses
adhérents en prenant en compte le comportement de demande de
travail des entreprises. Les entreprises demandent d’autant moins de
travail que le salaire réel est élevé.
Si le syndicat monopoliste donne peu de poids au chômage, par rapport
au salaire de ceux qui ont un emploi, il va choisir un salaire réel élevé,
qui va conduire à un emploi faible et à du chômage structurel. Si le
marché du travail était concurrentiel, le salaire réel baisserait jusqu’à ce
qu’il y ait plein emploi.
Désyndicalisation et structure
des emplois
L’incapacité des salariés à obtenir des hausses de salaire
même lorsque le taux de chômage est très bas révèle bien
sûr la baisse du pouvoir de négociation des salariés. Une
des causes de cette baisse est la désyndicalisation, très
importante : le taux de syndicalisation, pour l’ensemble de
l’OCDE, est passé de 25 % en 1990 à 17 % aujourd’hui.
Une autre des causes est la déformation de la structure
des emplois vers des emplois peu qualifiés, en particulier
dans les services domestiques (distribution, services à la
personne, hôtels-restaurants-tourisme, transports…) et
essentiellement au détriment de l’industrie (graphique 2).
En vingt ans, l’emploi industriel a baissé de 20 % et l’emploi
dans les services simples a augmenté de 20 %.
Or le lien entre chômage et inflation vient des salariés
qualifiés, à niveau de productivité élevé. Ce sont ces
salariés que les entreprises essaient d’attirer en
augmentant les salaires quand le chômage devient faible 3.
Au contraire, le taux de chômage restant élevé pour les
salariés peu qualifiés même après plusieurs années
d’expansion (graphique 3), les créations d’emplois peu
qualifiés ont peu d’effet sur le niveau des salaires. Même
lorsque l’économie va bien, il reste un nombre élevé de peu
qualifiés qui recherchent un emploi, ce qui empêche leurs
salaires d’augmenter : le taux de chômage pour les
personnes à niveau d’éducation primaire (pas de diplôme
équivalent au baccalauréat) est encore proche de 12 % en
2017.
Une plus faible mobilité
des salariés
On a observé aussi aux États-Unis une rigidification du
marché du travail : le nombre de salariés qui quittent leur
entreprise est resté durablement déprimé depuis la crise de
2008-2009.
Le graphique 4 montre que la proportion (annuelle) de
départs d’une entreprise a chuté en 2009 et reste
nettement plus basse que dans les années précédentes.
Cette moindre mobilité des salariés, due peut-être à la
crainte du chômage après la crise, réduit la possibilité
d’attirer les salariés dans une entreprise en y augmentant
les salaires.
Apparition d’entreprises
« hyperproductives »
On a aussi observé qu’apparaissaient des entreprises
dites « hyperproductives ». Ces entreprises sont de grande
taille, ont un niveau de productivité élevé, et sont capables
4
de vendre à des prix élevés . Ce sont donc des entreprises
bénéficiant d’un avantage technologique ou de rendements
d’échelle croissants. Dans ces entreprises, puisque les
marges bénéficiaires sont élevées, le poids des salaires
dans la valeur ajoutée est faible, et, puisque leur poids dans
l’économie augmente, cela tire à la baisse le poids global
des salaires dans le revenu national. S’il y a beaucoup
d’entreprises où la part des salaires dans la valeur ajoutée
est faible, on retrouve ce résultat au niveau national.
On voit donc apparaître des arguments de deux natures
opposées, mais qui vont dans le même sens : d’une part, la
dispersion des nouveaux emplois dans de petites
entreprises de services où le pouvoir de négociation des
salariés est faible, d’autre part, la concentration des emplois
dans des entreprises dominantes, qui utilisent leur position
dominante sur le marché du travail pour déprimer les
salaires.
Que ce soit à partir des petites entreprises ou des
grandes entreprises dominantes, il y a donc bien
affaiblissement de la part des salaires dans le revenu
national.
Au total, l’austérité salariale qui débute dans les années
1980 par une volonté idéologique se poursuit aujourd’hui en
raison de l’évolution structurelle du marché du travail
(désyndicalisation, nature des créations d’emplois) et du
marché des biens et services (apparition d’entreprises
superstar).
CHAPITRE 3
Équilibre ou piège ?
Schéma 1
Les trois austérités
Par ailleurs, il faut comprendre que, si l’on décidait de
sortir de l’austérité salariale, il faudrait revenir à l’austérité
monétaire et budgétaire. Nous regarderons plus loin ce
point en détail, mais nous voyons déjà ici que si les salaires
augmentaient plus vite, le retour de l’inflation imposerait la
hausse des taux d’intérêt, et cette dernière interdirait les
politiques budgétaires expansionnistes : sortir de l’austérité
salariale imposerait de revenir à l’austérité budgétaire, la
politique budgétaire expansionniste n’étant plus rendue
possible par la politique monétaire expansionniste.
On peut le regretter, mais l’austérité salariale est bien la
condition nécessaire à la sortie de l’austérité budgétaire.
Gagnants Perdants
Schéma 1
Création monétaire
L’épisode emblématique
des Gilets jaunes
L’épisode des Gilets jaunes en France est tout à fait
représentatif de cette tentation du modèle japonais. Pour
calmer la contestation, Emmanuel Macron a accru les
transferts aux ménages français à revenus faibles (hausse
de la prime d’activité), baissé les impôts directs des
ménages, diminué les cotisations sociales sur les retraites. Il
en a résulté une injection de pouvoir d’achat proche de 1 %
du produit intérieur brut, entièrement fournie par la hausse
du déficit public, celui-ci financé à des taux d’intérêt très
bas. On se trouve donc bien, en 2019 en France, dans le
cadre du modèle japonais ou même de la théorie monétaire
moderne.
Les conséquences
de l’austérité salariale
CHAPITRE 5
Sorties de capitaux
Des taux d’intérêt très faibles peuvent conduire à des
sorties de capitaux, à la recherche d’une rémunération plus
élevée sur d’autres devises, qui affaiblissent l’économie en
dirigeant l’épargne vers les autres pays.
Le graphique 3 montre la position à terme sur l’euro :
quand elle est négative, les intervenants des marchés des
changes parient sur une dépréciation de l’euro et cela
conduit à des sorties de capitaux à court terme depuis la
zone euro. On constate que depuis 2011, les capitaux sont
le plus souvent sortis de la zone euro.
Nous avons vu les risques pour l’économie associés au
maintien durable de taux d’intérêt bas : inefficacité de
l’épargne dirigée vers les actifs monétaires, affaiblissement
des banques, entreprises zombies, bulles sur les prix des
actifs, sorties de capitaux.
Il reste à évoquer un risque d’une autre nature : celui
que les taux d’intérêt bas ne conduisent pas du tout, et au
contraire, à un redressement de l’inflation, ce qu’attendent
les banques centrales.
Inférieur à 20 0,9
De 20 à 39,9 5
De 40 à 59,9 18,7
De 60 à 79,9 63
De 80 à 89,9 179
De 90 à 100 818
La disparition de la « discipline
de marché »
On appelle « discipline de marché » la hausse des taux
d’intérêt sur la dette publique d’un pays qui mène une
politique budgétaire anormalement expansionniste. Si un
pays augmente son déficit public et a une dette publique
plus élevée, il doit vendre aux investisseurs davantage de
dette publique, ce qui entraîne une hausse des taux
d’intérêt pour rendre cette dette publique plus attrayante.
La discipline de marché dissuade le gouvernement du pays
de mener cette politique, donc évite les crises de la dette
publique en limitant les déficits publics. Il a même été
avancé que les règles budgétaires en Europe (déficit public
limité à 3 % du produit intérieur brut puis déficit budgétaire
et structurel, corrigé du cycle, limité à 0,5 % du produit
intérieur brut) étaient inutiles puisque la discipline de
marché empêchait les gouvernements des pays européens
de mettre en place une politique budgétaire trop
expansionniste.
Mais la politique monétaire très expansionniste modifie
cette analyse. Prenons l’exemple de la zone euro. La
politique monétaire très expansionniste mise en place, en
particulier avec l’annonce en 2019 de nouvelles baisses de
taux d’intérêt, conduit à une forte baisse des taux d’intérêt
sur les dettes des pays du cœur de la zone euro (Allemagne,
France, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Finlande). Cela pousse
les investisseurs, à la recherche de rendements plus élevés,
à se reporter sur les pays de la périphérie de la zone euro
(Espagne, Italie, Portugal, Grèce), d’où la baisse des taux
d’intérêt de ces pays par rapport aux pays du cœur à partir
de la fin de 2018.
Les investisseurs (sociétés d’assurance-vie, gérants de
fonds par exemple) recherchent des rendements plus élevés
que les rendements très bas fournis par les dettes sans
risque des pays du cœur de la zone euro, et investissent
donc davantage dans les dettes plus risquées des pays
périphériques. Cela fait baisser les taux d’intérêt des dettes
de ces pays.
Cet écrasement des taux d’intérêt des pays
périphériques, quelle que soit la politique budgétaire menée
dans ces pays, fait disparaître la discipline de marché : les
taux d’intérêt ne montent pas, en raison de la politique
monétaire très expansionniste, même si le déficit public est
élevé.
Il en résulte une forte incitation pour les pays de la zone
euro à mener une politique budgétaire expansionniste et à
laisser monter sans fin leur taux d’endettement public : non
seulement les taux d’intérêt sans risque sont bas, mais les
primes de risque sur les dettes publiques ne réagissent plus
aux déficits publics et à la hausse de l’endettement public.
Cette perte de discipline est dangereuse car elle fait
disparaître toute sanction d’un déficit public excessif.
Comment sortir
de l’austérité
salariale ?
CHAPITRE 8
Un débat central
Le débat qui porte sur les causes des taux d’intérêt bas
est tout à fait central. En effet, selon la réponse apportée,
on peut envisager qu’ils restent durablement bas ou qu’ils
ne le soient que transitoirement.
Si les taux d’intérêt à long terme bas viennent de l’excès
d’épargne mondiale, de manière équivalente à l’excès de
demande pour les dettes sans risque, il s’agit d’une cause
structurelle durable, qui maintiendra en permanence des
taux d’intérêt bas.
Si les taux d’intérêt à long terme bas viennent des
politiques monétaires expansionnistes, ils resteront bas
seulement tant que les politiques monétaires resteront
expansionnistes, mais remonteront lorsqu’elles cesseront de
l’être.
On l’a analysé plus haut, les taux d’intérêt bas ont
permis que les politiques budgétaires deviennent
expansionnistes dans beaucoup de pays.
Tant que les taux d’intérêt réels (corrigés de l’inflation)
sont faibles, les taux d’endettement public élevés ne sont
pas un problème ; effectivement, de nombreux économistes
suggèrent que l’environnement de taux d’intérêt bas rend
possible de passer à des politiques budgétaires
structurellement plus expansionnistes.
Mais, si les taux d’intérêt réels remontaient fortement,
une crise de la dette surviendrait, et celle-ci serait très
grave.
Il faut donc se demander pourquoi les taux d’intérêt réels
sont bas.
Trois thèses sont en présence :
Celle que nous défendons dans ce livre et qui nous
semble conforme aux faits : les taux d’intérêt bas
viennent des politiques monétaires expansionnistes
rendues possibles par l’inflation faible.
La thèse de la cause structurelle durable, par exemple un
niveau élevé de l’épargne privée du monde, ou une
productivité marginale du capital faible, conduisant à une
forte demande pour les dettes sans risque.
La thèse, enfin, déjà examinée de la théorie monétaire
moderne : les taux d’intérêt réels sont bas parce que les
banques centrales s’engagent à les maintenir bas, quel
que soit l’environnement économique.
Nous allons dans ce chapitre montrer pourquoi nous
persistons à penser que le niveau très faible des taux
d’intérêt réels (corrigés de l’inflation) est dû aux politiques
monétaires expansionnistes rendues possibles par l’inflation
faible.
Mais il existe a priori trois explications des taux d’intérêt
réels faibles, qu’il faut analyser et comparer. J’y insiste : il
est capital de savoir si les taux d’intérêt réels faibles sont
une caractéristique durable ou transitoire de l’économie
mondiale. S’il s’agit d’une caractéristique transitoire, la
remontée à venir des taux d’intérêt réels pourra déclencher
une crise très grave des dettes publiques dans les pays de
l’OCDE.
Taux {1+ –
d’endettemen = taux d’endettement × taux croissanc
t public en public en t d’intérêt e en
t+1 réel volume }
– masse monétaire
×
rapportée au PIB en t +
croissanc
déficit public primaire en t
e en
(hors intérêts sur la dette
valeur
publique)
Un changement
du fonctionnement du marché
du travail
On l’a déjà décrit plus haut, la perte du pouvoir de
négociation des salariés a conduit à ce que, même avec un
taux de chômage très faible dans les pays de l’OCDE, le
coût du travail (le coût salarial unitaire) augmente très peu
(voir le graphique 1), d’où la faiblesse de l’inflation même
au plein-emploi.
Redonner un pouvoir de négociation élevé aux salariés,
en réaction à la faiblesse des salaires, à la hausse des
inégalités et de la pauvreté (nous reviendrons sur tous ces
points dans le chapitre suivant) conduirait à un rattrapage
des salaires et au retour de l’inflation. Nous verrons plus loin
que si un seul pays modifie en ce sens le fonctionnement de
son marché du travail, il rencontrera un problème de
compétitivité-coût immédiat dans une situation de forte
concurrence entre les pays, sans compter que la hausse
induite des taux d’intérêt pourrait déclencher une crise de la
dette.
Déréglementation du marché
du travail et emploi
Joue, dans l’autre sens, le fait que la déréglementation
des marchés du travail n’a pas conduit à une hausse
importante de l’emploi.
Nous comparons dans les graphiques 2 et 3, d’une part,
l’évolution du ratio salaire réel/productivité depuis 1995
(avec l’idée qu’un salaire réel faible par rapport à la
productivité révèle une flexibilité forte du marché du travail)
et d’autre part, soit le niveau moyen du taux d’emploi
depuis 1995, soit son évolution depuis 1995. Le taux
d’emploi est la proportion de la population en âge de
travailler qui a un emploi.
On voit que la flexibilité du marché du travail a très peu
ou pas du tout d’effet positif sur le taux d’emploi puisque
les pays où le salaire réel a beaucoup augmenté par rapport
à la productivité n’ont pas significativement un taux
d’emploi plus faible ou en baisse.
Changer le fonctionnement du marché du travail en
redonnant un pouvoir de négociation plus élevé aux salariés
ne réduirait donc pas, semble-t-il, significativement le taux
d’emploi.
Protectionnisme
Un protectionnisme extrême, allant beaucoup plus loin
que la « guerre commerciale » déclenchée par Donald
Trump depuis son arrivée au pouvoir aux États-Unis,
conduirait à ce que les pays de l’OCDE arrêtent d’importer
depuis les pays émergents à coûts salariaux faibles.
On constate que les prix des produits fabriqués dans les
pays émergents sont plus faibles que les prix des produits
fabriqués dans les pays de l’OCDE. On peut alors calculer
qu’un violent protectionnisme ferait monter de 3,5 % le
niveau des prix dans les pays de l’OCDE.
Transition énergétique
Le passage aux énergies renouvelables va augmenter
fortement le coût de l’énergie en raison de l’intermittence
de la production des énergies renouvelables.
Même si on peut stocker l’énergie renouvelable, le fait
que l’éolien et le solaire ne puissent fonctionner qu’un tiers
du temps environ conduira à tripler la capacité installée par
rapport à la demande instantanée d’énergie dans un monde
de renouvelables seuls, d’où une hausse considérable du
prix des énergies renouvelables par rapport à la situation
présente donnée par le tableau 1.
Tableau 1. France : prix de production de l’électricité (en euros par MWh)
Nucléaire amorti 50
Solaire 120
Éolien terrestre 80
Éolien offshore 60
Hydraulique 20
Les 5 %
des
ménages
Quintile
Deuxième Troisième Quatrième Cinquième dont les
Année le plus
quintile quintile quintile quintile revenus
bas
sont les
plus
élevés
1990 13 072 32 889 54 325 81 907 158 951 253 111
1991 12 719 31 947 53 064 80 890 155 114 242 068
1992 12 462 31 224 52 605 80 754 156 473 248 352
1993 12 328 31 252 52 386 81 411 169 617 291 119
1994 12 657 31 545 53 141 82 693 173 846 300 358
1995 13 372 32 683 54 648 84 007 175 310 302 560
1996 13 415 32 927 55 385 85 719 180 287 314 053
1997 13 504 33 759 56 796 87 969 187 549 329 126
1998 13 902 35 102 58 736 90 839 192 226 335 049
1999 14 633 35 931 60 142 93 604 199 612 346 946
2000 14 498 36 201 60 285 93 716 203 081 360 286
2001 14 068 35 348 59 166 92 767 202 596 361 505
2002 13 650 34 706 58 484 91 994 196 409 342 977
2003 13 355 34 307 58 235 92 180 196 503 338 339
2004 13 326 34 099 57 774 91 097 197 005 343 303
2005 13 407 34 423 58 259 91 635 200 800 353 772
2006 13 835 35 073 58 772 93 028 204 961 362 469
2007 13 690 34 893 59 220 93 759 199 073 340 368
2008 13 304 33 688 57 216 91 032 195 231 336 358
2009 13 231 33 508 56 732 90 129 195 668 338 310
2010 12 387 32 148 55 397 88 872 190 856 323 594
2011 12 276 31 899 54 442 87 471 194 449 340 186
2012 12 290 31 764 54 743 87 815 194 571 340 198
2013 12 220 32 477 56 644 91 144 203 796 352 531
2014 12 102 32 220 56 012 91 037 201 129 344 465
2015 12 889 33 762 58 803 95 223 209 384 363 039
2016 13 221 35 246 60 421 97 225 218 542 383 154
2017 13 258 35 401 61 564 99 030 221 846 385 289
Sources : US Census Bureau, NATIXIS.
Rappelons le caractère
particulier de la France
et de l’Italie
Pour éviter des commentaires erronés, il faut rappeler ici
qu’il y a une grande différence entre la France et l’Italie
d’une part, l’ensemble de l’OCDE d’autre part.
En France et en Italie, les salaires réels ont peu
augmenté, mais ils ont augmenté davantage que la
productivité du travail. D’une part, le reste de l’analyse
s’applique bien à la France et à l’Italie, de par leur
appartenance à la zone euro : taux d’intérêt très faibles,
permettant de sortir de l’austérité budgétaire.
D’autre part, même si les salaires réels ont augmenté
plus que la productivité en France et en Italie, ces deux pays
connaissent eux aussi une revendication forte de leurs
populations pour obtenir un niveau de vie plus élevé. En
Italie, cette situation est liée à la stagnation de la
productivité depuis vingt ans qui entraîne celle du salaire
réel (du pouvoir d’achat du salaire individuel) ; en France,
cela vient de ce que les hausses du pouvoir d’achat des
salaires ont été consommées, et même au-delà, par la
hausse des prix de l’énergie et du coût du logement.
CHAPITRE 11
La question politique
Nous croyons fermement que l’austérité salariale,
commencée à la fin des années 1970, ne peut pas se
poursuivre. Aux États-Unis, les 40 % d’Américains au revenu
le plus faible n’ont bénéficié d’aucune hausse de leur niveau
de vie depuis 1990 ; au Japon et en Italie, les salaires réels
(le pouvoir d’achat du salaire individuel) ont stagné depuis
vingt ans ; en Espagne, ils ont légèrement reculé depuis la
crise de 2008 ; en France, les hausses de salaire n’ont pas
compensé les hausses des prix de l’énergie et de
l’immobilier, du coût du logement.
Dans une démocratie, un tel équilibre d’austérité
salariale ne peut pas durer éternellement.
Mais le passage brutal à une tout autre politique salariale
(certains candidats à l’élection présidentielle aux États-Unis,
ainsi, préconisent une hausse très forte du salaire minimum)
conduirait à la hausse brutale de l’inflation et des taux
d’intérêt et à la crise des dettes qu’il faut redouter.
Il serait beaucoup plus prudent pour les gouvernements
d’adopter la solution lente préconisée ci-dessus : une
correction progressive à la hausse des salaires, avec des
incitations fiscales poussant les entreprises à distribuer les
gains de productivité à leurs employés, rendant possible la
hausse progressive des taux d’intérêt.
Le retour de la politique
des revenus
Dans les années 1960 en France (avec la Conférence des
revenus organisée par Pierre Massé, puis avec les initiatives
prises par le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, de
1969 à 1972) la politique des revenus, c’est-à-dire
l’organisation du partage des revenus entre salaires et
profits, fait l’objet d’un débat public et d’un volontarisme
politique important.
Aujourd’hui, dans les pays de l’OCDE, le partage des
revenus résulte exclusivement des fonctionnements du
marché du travail (pouvoir plus ou moins grand de
négociation des salariés) et du marché des biens et services
(concentration plus ou moins grande des entreprises).
Il serait bien plus efficace que les États de l’OCDE se
préoccupent à nouveau du partage des revenus, en mettant
en place des politiques qui conduisent à ce que les gains de
productivité soient distribués aux salariés : partage des
profits entre salaires et actionnaires, fiscalité pénalisant les
profits excessifs non investis.
TABLE
La question politique
Le retour de la politique des revenus