Vous êtes sur la page 1sur 3

Synthèse du chapitre 11 : quelles politiques pour l'emploi ?

Afin de montrer que la diversité des formes et des analyses du chômage explique la pluralité
des politiques, on analysera les politiques macroéconomiques de soutien de la demande
globale pour lutter contre le chômage keynésien (c'est le II du cours), les politiques
d’allégement du coût du travail pour lutter contre le chômage classique (c'est le I du cours), les
politiques de formation et de flexibilisation pour réduire la composante structurelle du
chômage (c'est le III du cours).

Les politiques de lutte contre le chômage sont fonction des analyses du chômage. Dans la mesure
où les analyses du chômage sont contradictoires, les politiques de lutte contre le chômage sont donc
diverses et, en partie, opposées.

→ I A. Première analyse du chômage : l'analyse néo-classique. Comme nous l'avons vu au


chapitre précédent, dans cette analyse, l'existence d'un chômage involontaire est le produit du fait
que le salaire est situé à un niveau supérieur au salaire d'équilibre. Cette situation rend non rentable
pour les entreprises l'embauche des chômeurs dont la productivité est inférieure au salaire en
vigueur. Au contraire, cela pousse les entreprises à modifier leur combinaison productive, en
remplaçant les travailleurs par des machines, dans la mesure où travail et capital sont substituables
(chapitre 10 et docs 15 p. 348 du manuel).
→ I B. Or, la France se caractérise par un coût du travail élevé (doc 16 p. 348), notamment en
raison de l’importance des cotisations sociales pesant sur le travail (doc 17 p. 349). Par conséquent,
lutter contre le chômage suppose de baisser le coût du travail, en particulier en diminuant les
cotisations sociales pesant sur les bas salaires. Baisser les cotisations sociales sans toucher au
salaire net permet, en outre, de maintenir le salaire net perçu par les salariés payés au SMIC, tout en
diminuant le coût du travail que paye leur employeur. Ces politiques ont maintenant 20 ans en
France. La plus récente est le « pacte de responsabilité », annoncé par F.Hollande, fin 2013. Ce
« pacte » supprime les cotisations patronales au niveau du SMIC (d'autres politiques sont présentées
à la « question de cours » p.349). Ces politiques supposent, par ailleurs, de transférer le financement
de la protection sociale des cotisations sociales vers l'impôt.
Ces politiques sont accusées d'avoir des effets pervers, en augmentant la proportion de salariés
payés au niveau du SMIC. Les cotisations sont exonérées au niveau du SMIC (et un peu au-dessus),
mais continuent d'exister au-delà : ainsi, une augmentation du salaire net de, par exemple, 10 %,
provoque pour l'employeur une hausse du coût du travail beaucoup plus importante, puisqu'il doit,
en plus, payer des cotisations sociales qu'il n'avait pas à payer au niveau du SMIC. Cet effet de seuil
incite les entreprises à ne pas accorder d'augmentation de salaire au-delà du seuil où les cotisations
sociales sont faibles -ce qui accroît la proportion de travailleurs au SMIC.
Par ailleurs, pour que le SMIC ait un impact négatif, il doit être situé au-dessus du salaire
d'équilibre, ce qui n'est pas certain dans le cas de la France. Par exemple, au Royaume-Uni, la
création d'un salaire minimum en 1998, qui a aujourd'hui un niveau supérieur à celui de la France,
n'a pas eu d'impact mesurable sur le niveau de l'emploi.

→ II Deuxième analyse : l'analyse keynésienne. Pour Keynes, le niveau de l'emploi se fixe en


fonction de ce qu'il appelle la demande effective, c'est-à-dire la demande telle qu'elle est anticipée
par les entrepreneurs. En effet, pour Keynes, les entrepreneurs fixent leur niveau de production en
fonction de la demande qu'ils anticipent pour leurs produits. En fonction de ce niveau de
production, ils embauchent une quantité déterminée de travailleurs. Or, il n'y a aucune raison que
cette quantité corresponde au plein emploi (II A). Au contraire, Keynes pense que les économies
capitalistes connaissent des périodes qui peuvent être durables de chômage : c'est ce qu'il appelle un
« équilibre de sous-emploi ». En effet, le sous-emploi forme un cercle vicieux : si les entrepreneurs
ont des anticipations pessimistes, ils fixeront un niveau faible de production. Ils embaucheront donc
peu de travailleurs. Le revenu global des travailleurs sera donc faible. Par conséquent, ces derniers
1
consommeront peu. La demande globale sera donc faible. Par conséquent, les entrepreneurs auront
eu raison dans leurs anticipations. Ils n'auront donc aucune raison de changer de niveau de
production (II B).
Dans cette analyse, la baisse du salaire prônée par les néo-classiques ne fait qu'aggraver le niveau
de chômage. En effet, si le salaire est un coût pour les entreprises, c'est aussi le revenu principal des
travailleurs. Baisser le salaire a donc pour conséquence de baisser leur consommation, et donc la
demande globale -ce qui accroît le niveau de chômage (exercice 1) (II C).
Les politiques keynésiennes de lutte contre le chômage sont donc des politiques de relance. Dans
la mesure où l’État est le seul acteur qui ne cherche pas à dégager du profit, c'est le seul à pouvoir
augmenter ses dépenses, de manière à accroître la demande globale, et à sortir ainsi l'économie du
cercle vicieux de l'équilibre de sous-emploi. L’État doit accroître le revenu des ménages (en
particulier des ménages les plus pauvres, qui consomment la totalité de leur revenu), en baissant les
impôts et en accroissant les transferts sociaux. Il doit également accroître directement la demande
globale en investissant lui-même (politique de grands travaux) (exercice 14 p. 347) (II D).
Les politiques keynésiennes sont des politiques qui sont adaptées à une situation où le chômage
est le produit d'un choc de demande (cf. chapitre 2). Mais leur efficacité est nulle pour les situations
où le chômage est le produit d'un choc d'offre ou si le chômage est de nature structurelle. De fait, le
plan de relance du gouvernement de F. Mitterrand en 1981 a échoué à baisser le chômage, tout en
provoquant une hausse de l'inflation et du déficit commercial de la France. De manière générale, les
politiques keynésiennes qui ont été menées dans les pays occidentaux en réponse à la crise de la fin
des années 1970 ont toutes échoué. En effet, cette crise ne résultait pas d'une insuffisance de la
demande globale (choc de demande), mais d'une hausse brutale des coûts de production, notamment
en raison des chocs pétroliers (choc d'offre). Cela a conduit à un discrédit des politiques
keynésiennes. Ces politiques ont été redécouvertes avec la récession de 2008, qui est le produit d'un
violent choc de demande. Toutefois, la crise des dettes souveraines souligne une autre limite des
politiques keynésiennes : elles ne sont possibles que si l’État qui les mène n'est pas trop endetté. En
effet, les politiques de relance provoque un déficit budgétaire, donc un accroissement de la dette
publique (II E).

→ III Troisièmement, dans une perspective néo-classique, le chômage peut également être de
nature structurelle, c'est-à-dire que le marché du travail peut ne pas fonctionner efficacement, ce
qui génère du chômage.
Premier dysfonctionnement : un manque de flexibilité. La flexibilité du marché du travail est la
capacité qu'a une entreprise d'adapter sa main d’œuvre à ses besoins, en particulier aux variations de
sa production. Cette flexibilité prend plusieurs formes. Premièrement, la flexibilité quantitative, qui
correspond à la capacité à faire varier le nombre d'heures travaillées dans l'entreprise, soit en
embauchant ou licenciant des travailleurs (flexibilité quantitative externe), soit en faisant varier le
temps de travail dans l'entreprise (flexibilité quantitative interne). Deuxièmement, la flexibilité
qualitative qui consiste à modifier les tâches accomplies par un travailleur en fonction des besoins
de l'entreprise. Troisièmement, la flexibilité salariale, qui consiste à faire varier le salaire des
employés en fonction des besoins de l'entreprise. Le marché du travail français est relativement peu
flexible, en particulier pour ce qui concerne la flexibilité quantitative externe. En effet, le CDI
impose que l'entreprise ait un motif, juridiquement valable, de licenciement, et prévoit des
indemnités de licenciement importantes. En outre, le recours au CDD est encadré : il ne peut
dépasser 18 mois pour un travailleur (exercice 2).
Dans une perspective néo-classique, la rigidité du marché du travail décourage l'embauche et
accroît ainsi le chômage. En effet, un employeur prend deux risques quand il embauche un salarié :
1. que l'augmentation de la production qui avait suscité cette embauche ne soit pas durable ; 2. que
le salarié se révèle comme ne convenant pas, une fois la période d'essai terminée. Si le licenciement
est difficile, alors l'entrepreneur hésitera avant d'embaucher, de peur de ne pouvoir licencier
(exercice 4). En outre, la difficulté à faire varier la main d’œuvre diminue la compétitivité des
entreprises : elles sont moins réactives aux variations de la demande que les entreprises des pays
2
flexibles. D'autre part, si elles ont recours à la flexibilité quantitative interne, elles devront payer des
heures supplémentaires (sauf si le temps de travail est annualisé), ce qui diminue leur compétitivité
prix. Enfin, sur le long terme, cela rend plus difficile l'embauche et le licenciement, ce qui diminue
le processus de destruction créatrice que suscite le progrès technique, et qui est la source principale
de la croissance économique.
Par conséquent, ces analyses conduisent à promouvoir une flexibilisation du marché du travail, en
diminuant les garanties qu'offre le droit du travail, et en particulier le CDI.
Le bilan de ces politiques est toutefois nuancé. Les comparaisons internationales n'ont pas montré
de lien entre la flexibilité du travail dans une économie et son niveau de chômage. Par contre, un
lien relativement solide apparaît entre la durée des emplois, la durée du chômage et la flexibilité.
L'absence de flexibilité protège les salariés en emploi du licenciement, ce qui accroît la durée de
temps durant laquelle ils occupent leur emploi. Mais elle conduit également à rendre plus difficile
l'embauche des chômeurs, et donc à allonger la durée de leur chômage. Augmenter la flexibilité n'a
donc pas d'impact sur le niveau moyen de chômage, mais accroît les flux à la fois d'embauches et de
licenciements (exercice 5).
Le chômage structurel peut également résulter d'une qualification insuffisante ou d'une
inadéquation de la qualification des travailleurs. Or, en France, une proportion élevée d'élèves
sortent du système scolaire sans véritable diplôme (près de 20 %) : ces futurs travailleurs non
qualifiés ont un capital humain faible, qui les rend peu employable. Par ailleurs, la faiblesse de la
formation professionnelle en France fait que les travailleurs, en particulier les moins qualifiés, ont
du mal à se reconvertir et à acquérir des compétences nouvelles correspondant aux nouveaux
besoins des entreprises. Il est donc nécessaire de lutter contre l'échec scolaire, et de développer la
formation professionnelle (exercice 6).

On soulignera que les politiques de l’emploi sont aussi fondées sur la prise en compte du rôle
du travail et de l’emploi dans l’intégration sociale. On se demandera en quoi ce lien entre
travail et intégration sociale est fragilisé par certaines évolutions de l’emploi. → C'est le IV du
cours.

Les politiques de flexibilisation de l'emploi ont toutefois pour conséquence d'aggraver la précarité
du travail, dont on a vu les conséquences au chapitre 9 et en TD. (A du IV)
Par ailleurs, les pays anglo-saxon, mais aussi l'Allemagne, ont développé des politiques actives de
l'emploi, qui se diffusent en France. Ces politiques sont « actives » parce qu'elles cherchent à inciter
les travailleurs à retrouver un travail (notamment en contrôlant strictement leur recherche d'emploi),
et en leur donnant les moyens de le faire (en développant les stages de requalification et
d'« employabilité » (TD)). Toutefois, ces politiques actives sont accusées de contraindre les
chômeurs à accepter des emplois à faible rémunération, notamment les « mini-jobs » qui se sont
développés en Allemagne (emplois précaires à très faible rémunération : moins de 400€ par mois).
Il faudrait donc choisir soit entre taux de chômage faible, mais qui conduit au développement des
emplois de mauvaise qualité et à l'augmentation des inégalités (cas de l'Allemagne), ou chômage
fort, mais avec des emplois de qualité (cas de la France). (B du IV)
De ce point de vue, la « flexicurité » développée à l'origine au Danemark apparaît comme un
modèle. Celle-ci combine la flexibilité du travail avec des sécurités importantes pour les
travailleurs. En effet, les entreprises peuvent facilement licencier et embaucher. Par contre, les
travailleurs licenciés reçoivent des indemnités chômage importantes et durables, ce qui les sécurise.
Ce modèle ne serait pas possible sans un contrôle actif de la recherche d'emploi des chômeurs (qui,
sans cela, pourraient profiter des indemnités élevées en ne cherchant pas véritablement un emploi)
et une offre de stages de qualification qui permet aux chômeurs de trouver un emploi. Le but de la
flexicurité est donc de sécuriser le « parcours professionnel » plutôt que l'emploi lui-même
(exercice 7). En 2012, le gouvernement et les partenaires sociaux ont signé un accord qui va dans ce
sens, en facilitant les licenciements économiques, mais en donnant des droits nouveaux aux salariés
(qui peuvent conserver leurs indemnités chômage, s'il leur en reste, quand ils retrouvent un travail).
3

Vous aimerez peut-être aussi