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L'EURO

I) Présentation de la BCE

BCE : créée en 1998, siège à Francfort


Statut défini fin 1991 : moment d'élaboration du traité de Maastricht
La BCE est censée être responsable de la définition et de la mise en œuvre de la politique
monétaire.
Les missions peuvent évoluer :
 2013 = nouvelles attributions en matière de contrôle bancaire
Mission principale de la BCE = stabilité des prix, vision typiquement monétariste.
L'indice des prix (indication qui mesure l'évolution des prix) est la référence, il ne doit pas
dépasser 2% par an (pour ajuster, la BCE varie les taux directeurs).
 Conséquences évidentes sur les politiques macro-économiques  favorise la rigueur
salariale par exemple.

Cela part du principe que l'inflation perturberait le raisonnement des agents économiques et
donc qu'une inflation minimale (< 2%) est considérée comme normale.
Délai : on dit que la politique monétaire agit sur l'économie à partir d'un certain délai : la
politique monétaire faire preuve d'anticipation. On voit bien ce qui sépare en théorie la BCE
de la FED, qui a des comptes à rendre d'un point de vue politique devant les autorités (le
Congrès par exemple) et qui a également pour objectif le plein emploi (la FED peut arbitrer
entre la stabilité des prix et le plein emploi, ce qui n'est pas le cas de la BCE).

En pratique, la BCE a mené une politique radicalement innovante à partir de la fin des
années 2000 : le principal taux directeur est passé de 3.75 en 2008 à 0.25 en 2013 par
crainte de déflation.
De fait, la BCE en est venu à jouer à sa manière un rôle de prêteur en dernier ressors alors
que ce n'est pas son rôle (ie injecter massivement des liquidités pour éviter le tarissement de
la demande de crédit, de la part des ménages et des entreprises). Cela risque de poser un
problème d'aléa moral  la BCE doit être capable d'évaluer les risques que chaque banque
représente mais aussi capable de gérer un éventuel risque systémique (ce qui favorise après
2009 les contrôles de solidité bancaire – crash test).

Le risque d'aléa moral subsiste : si une banque sait qu'elle sera secourue en cas de problème
de solvabilité, cela ne l'encourage pas forcément à adopter des mesures prudentielles.
L'argument classique sur l'indépendance de la BCE était un argument qui consistait à mettre
la création monétaire à l'abri du pouvoir politique (qui avait une fâcheuse tendance à créer
de l'inflation pour alléger les dettes). Pendant longtemps, la politique monétaire était
longtemps subordonnée à la politique budgétaire. Ce n'est plus le cas avec la BCE (même
modèle que la Bundesbank, c'était la condition pour que l'Allemagne abandonne le mark
pour l'euro).
L'indépendance est censée reposer sur un contrôle démocratique en amont mais cela pose
malgré tout le problème de la légitimité politique (Friedman était contre l'indépendance de
la BCE).
La politique monétaire est décidée par le Conseil des Gouverneurs.
Un Système Européen de banques centrales s'est mis en place : réunit les 27 banques
centrales (même les pays qui n'ont pas l'euro).
La BCE est censée rendre des comptes au Parlement Européen, mais il n'a aucun pouvoir de
contrôle.

Présidents : Jean-Claude Trichet (français, 2003-2011), Mario Draghi depuis 2011.

 Modèle allemand : volonté de ne s'adresser qu'aux citoyens  indépendance


 Vision britannique : respect des règles au dessus de tout
 Conception française : la BCE ne peut être dissociée des autres institutions

II) Politique monétaire en pratique de la BCE

La BCE peut prêter de la monnaie aux banques et acheter des actifs financiers. En Europe à
l'origine, la BCE privilégie le 1er mécanisme = prêter aux banques qui mettent en pension des
titres. Cela modifie évidemment le prix de la liquidité.
Mais depuis 2011, elle a eu l'occasion d'acheter des titres  polémiques.
La plupart des ménages et des entreprises européens se financent auprès des banques et
pas directement sur les marchés financiers.
Il y a donc des appels d'offre : chaque semaine, la BCE se livre à des prises en pension pour 1
semaine (la FED fait essentiellement une politique d'open market).
La BCE fixe donc le taux de refinancement mais elle peut toujours accorder des facilités de
prêt et de dépôt.
Il y a des réserves obligatoires : seuil minimum obligatoire de dépôt qui correspond à ≈ 1%
des dépôts des clients (c'est un ratio prudentiel) – c'est un compte ouvert auprès de la BCE
où on place 1% de notre demande de crédit. C'est une garantie pour sécuriser les clients.
Des taux directeurs sont établis = deviennent des indicateurs pour mesurer la politique de la
BCE. Ces taux directeurs sont censés agir directement sur les taux courts, autrement dit la
demande de crédit à court terme (3 mois par exemple). On joue sur le volume de crédit à
très court terme. Mais les taux directeurs vont également indirectement affecter les taux
longs (ceux importants pour obtenir des obligations de la dette publique, 5-7 ans par
exemple). Si les taux baissent la valeur de notre titre augmente (puisque les nouveaux seront
émis à taux plus bas) : cela affecte le marché des titres mais aussi le cour des titres. C'est ce
qu'on appelle les canaux de transmission de la politique monétaire.

Comment la variation des taux directeurs de la BCE affecte le canal du crédit (crédit des
banques) et le canal des taux de change (valeur de l'€ par rapport au $ par exemple) ?
Canal du crédit = effet évident sur le marché immobilier.
La hausse des taux d'intérêt est censée rendre plus attirant les classements en euro et donc
une meilleure appréciation de l'euro vis à vis des autres devises (cela peut freiner les
importations des produits libellés en euro et favoriser les exportations de produits non
libellés en euro ie dégrader la balance commerciale). Depuis l'origine, la stratégie de la BCE a
été de suivre un indicateur monétaire = M3 (indicateur le plus large).
M1 = pièces, avoirs bancaires, billets
M2 = ce qui est facilement convertible en monnaie : comptes épargnes par exemple
M3 = M1, M2 et actifs aisément convertibles en monnaie
En théorie, s'intéresser à M3 c'est s'intéresser aux évolutions de l'inflation.

1993 : John Taylor, américain, définit la Règle de Taylor = équation qui essaye de définir ce
que devrait être le taux directeur idéal en tenant compte de la croissance économique
effective et de la croissance économique potentielle.
Le risque désormais serait d'avoir une politique monétaire trop restrictive, qui ne permette
pas de soutenir l'activité économique ou une politique monétaire inflationniste qui dégrade
la valeur de la monnaie.

Pourquoi est-on arrivé à des taux directeurs proches de 0 dans la zone euro ?
Virage à 180°! Ce qui justifie la baisse des taux est évidemment la fragmentation du marché
monétaire avec en plus le risque que pouvaient représenter les sorties de l'euro (Grèce,
Portugal, Irlande...) qui pourraient entrainer un endettement insoutenable pour ces pays là.
Le risque de déflation est aussi un facteur à partir de 2012, il touche des pays européens
dont l'Espagne.
Un programme d'achat d'actifs se met en place pour relancer les marchés. Autrement dit :
- La BCE achète des titres pour alléger les banques centrales de chaque État
- La BCE achète massivement des obligations d'État qui apparaissent dangereuses :
Grèce, Portugal, Espagne, Italie  pour éviter une crise de la dette souveraine. Si la
BCE rachète des titres dont personne ne veut, cela stabilise le prix de ces titres (ils ne
baissent plus) et on envoie un signal aux détenteurs des titres ("gardez les titres, vous
ne risquez rien").
 C'est le Quantitative Easing.

Cela conduit en septembre 2012 Mario Draghi à annoncer des interventions illimitées sur le
marché de la dette souveraine (permis par le Mécanisme Européen de Stabilité). Le bilan de
la BCE double, ses moyens d'intervention s'accroissent. Ses interventions ont été surtout
ciblées (sur les titres publiques) à la différence du Japon, de la FED et de la Banque
d'Angleterre où le financement sur les marchés est nettement plus importants (et donc cela
refinance les ANF = Agents Non Financiers) alors qu'en Europe on refinance les banques.

Paradoxe de Minsky : on prête trop quand la situation économique est bonne et pas assez
quand elle est mauvaise...

La BCE depuis 2011 a été extrêmement souple et elle s'est concentrée sur des indicateurs
économiques (alors que normalement elle doit se concentrer sur des indicateurs
monétaires). Sauf que la BCE ne peut pas s'attaquer aux causes profondes (nature des
endettements publics et privés) de sorte que certains lui reprochent de ne pas en faire assez
et en Allemagne on lui reproche au contraire d'en faire trop en outrepassant son mandat.

Policy-mix = articulation des politiques monétaires et des politiques budgétaires


On dit de manière générale que le policy-mix doit être contra-cyclique (rôle de stabilisateur
automatique). Vrai à l'échelle des États mais aussi de l'UE.
En période de forte activité, les recettes publiques tendent à augmenter et les dépenses à se
maintenir (un déficit peut alors se résorber/un excédent se créer).
À contrario, en période de récession, les dépenses publiques augmentent et les recettes
diminuent. Cela creuse les déficits publics = la demande publique est censée se substituer à
la demande privée, qui diminue.
Depuis la crise, risque que cette politique devienne pro-cyclique ie qu'elle aggrave au lieu de
corriger les tendances du cycle. En théorie, chaque État demeure maitre de sa politique
budgétaire. Néanmoins les politiques budgétaires sont encadrées par le Pacte de stabilité et
de croissance (depuis les 90's, où tout allait bien).
Critères restrictifs : dette publique doit être < à 60% du PIB, déficit < 3% du PIB. Pacte
réformé en 2005 parce que ni la France ni l'Allemagne ne le respectaient.
L'un des problèmes majeurs depuis 2010 est qu'une récession légère suffit à ne pas
respecter le critère des 3%. C'est ce qui a conduit en 2003 la France et l'Allemagne à
suspendre de fait l'application du pacte mais aussi à n'adopter qu'une vision très sourcilleuse
(ie comptable) de la situation.
 Exemple espagnol : en apparence, les finances publiques étaient excellentes, mais
cela reposait sur un leurre = les recettes fiscales étaient incroyablement gonflées par
la bulle immobilière.
Autrement dit, le simple fait de n'avoir que des critères portant sur les soldes publics et pas
sur l'ensemble de la situation du pays amène à ignorer des problèmes comme l'insuffisance
d'épargne du secteur privé.

La crise surgit réellement en Europe en 2009 et a révélé la faiblesse de l'architecture


institutionnelle de la zone euro et notamment des contraintes très fortes à l'échelle
nationale : impossibilité pour un pays de faire varier ses taux d'intérêt et son taux de change
(la Grèce aurait eu tout intérêt à déprécier sa monnaie ! Impossible).
À certains moments, les taux d'intérêt réels négatifs (Espagne, Irlande, Grèce) ont favorisé
de manière inconséquente l'endettement et dans un 2ème temps la réalisation de chocs
asymétriques.
Problème = quand la compétitivité prix des pays se dégrade, même si l'argument souvent
évoqué est que de nombreux secteurs économiques ont été préservés de la concurrence.
Perte d'indépendance monétaire = augmente le risque de la dette souveraine (dette
financée sur des marchés financiers : les investisseurs peuvent arbitrer une dette par rapport
à une autre dette).
Et les pays ne peuvent pas déprécier pour corriger leur dette = taux d'intérêts plus élevés.
 Ex : problème de l'Irlande, à partir de 2012. L'État irlandais a voulu garantir les dettes
bancaires du pays, garantie qui a coûté ≈ 40% du PIB de l'Irlande  explosion de la
dette publique irlandaise en 1 an.

En plus, 2 mécanismes se sont produits :


- Hausse des taux d'intérêt
- Dévalorisation des obligations

3 piliers :
- Non monétarisation des déficits
- Règle de non renflouement (ni l'UE ni les États membres ne sont engagés auprès des
autres)
- Principe de non défaut (la BCE doit contrôler la soutenabilité des finances publiques)
Cas d'école = le cas de la Grèce de 2010.
Les États vont tous les jours sur les marchés pour lever de l'argent en vendant des titres. Les
opérateurs ce jour là ont refusé d'acheter  crise de soutenabilité de la Grèce, sa dette
n'était plus financée.
Solution allemande : utilise le principe de non défaut autrement dit responsabiliser l'État
grec. Aléa moral = "je suis un petit pays, je laisse filer les comptes, les gros pays doivent venir
me sauver". Cela laisse entendre que la zone est incapable de gérer un choc asymétrique.
Solution de la France, de la BCE, du FMI : éviter la contagion. CDS : si le titre fait défaut, les
CDS (= garanties) augmentent. Risque de défiance de plus en plus forte, peut entrainer une
sorte de spéculation sur le défaut des États qui agirait comme une prophétie auto-
réalisatrice.
L'Europe n'a cessé d'alterner entre ces 2 solutions. Finalement la 2nde stratégie a fini par
l'emporter, mais en limitant les plans de sauvetage à des prêts et non pas des transferts et à
conditionner cette aide à des plans d'ajustement structurel (comme dans les pays
développements). Plans drastiques, surveillés par la fameuse troïka (BCE, FMI, Commission).
Création du Fonds Européen de Stabilité Financière en 2012 suivi par le Mécanisme
Européen de Stabilité (MES).

Sommet de Deauville : Angela et Nicolas se sont opposés à la BCE (2010)  restructuration


de la dette grecque. Les créanciers ont vu leurs titres perdre 53% de leur valeur faciale (en
billet de banque).
Progressivement, des mesures de solidarité plus grande sont mises en place :
 le MES accorde 100 milliards d'€ à l'Espagne pour favoriser la restructuration du
système bancaire espagnol (favorisé par l'arrivée de Draghi)

Il s'agit en parallèle de modifier la gouvernance de la zone euro : 2011, traité pour la


Stabilisation de la Croissance.
Conséquence qui devrait en découler = mise en œuvre d'une union bancaire et budgétaire.
Les crises de dette souveraine procèdent essentiellement d'un problème de solidarité entre
les débiteurs. C'est la raison pour laquelle parmi les préconisations il y a la "mutualisation
des risques souverains" ce qui conduirait à l'émission de dette commune (bon du Trésor
européen). Cela permettrait de bénéficier de la solvabilité des autres. Problème d'aléa moral
se pose : certains peuvent en profiter et s'appuyer sur ceux qui sont rigoureux. L'Allemagne
ne risque pas de l'accepter : cela conduirait à des transferts permanents entre les États.
Mesures beaucoup plus limitées : limiter la mutualisation à des titres à très court terme par
exemple.
Autre problème : absence de budget fédéral digne de ce nom. Choix réalisé dans les 90's
pour éviter le fédéralisme même si on fait du fédéralisme sans le dire aujourd'hui (MES,
projet d'Union bancaire). Les États qui subissent le plus de chocs asymétriques sont ceux
conduits à des politiques pro-cycliques. On sait que les budgets fédéraux amortissent les
chocs (USA, Canada)...
Le budget de la zone euro devrait évidemment s'accroitre sensiblement, mais pour cela il
faudrait des transferts de souveraineté, ou alors être capable d'emprunter sur le marchés
(nécessiterait un véritable gouvernement économique de la zone euro).
En l'absence de gouvernance budgétaire, on voit bien à quel point l'architecture européenne
est déséquilibrée. La difficulté de faire tout reposer sur la monnaie présente évidemment
des risques majeurs.
III) L'euro et le monde, débats autour de la sortie de l'euro :

Viabilité de la zone euro : question qui s'est surtout posée à partir de 2009.
Théorie qui domine le marché = théorie de la Zone Monétaire Optimale (ZMO) = il faut
mettre en œuvre des politiques communes.
"L'Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas", Jacques Rueff.
Introduction de l'euro en 2002. Question = s'agit-il d'une ZMO ?
Mundel en 1961 a théorisé pour la 1ère fois la ZMO, il retient 2 critères d'optimalité :
- la mobilité des facteurs de production
- la symétrie dans les réactions aux chocs externes
D'autres économistes ont rajouté des critères, McKinnon rajoute :
- le degré d'ouverture économique
On a aussi rajouté :
- le degré de diversification
- l'intégration financière
- la convergence des taux d'inflation
Cela peut être viable via des mécanismes de stabilisation, des transferts de ressource...
La zone euro traduit bien une tension extrême entre régionalisation et mondialisation.
La construction monétaire est donc une réponse au désordre monétaire international, à la
volonté de liberté de circulation des capitaux, à la vulnérabilité face aux chocs
internationaux.

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