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UNIVERSITE PELEFORO GON COULIBALY

(UPGC)

UFR DES SCIENCES SOCIALES

Département de Sciences Economiques / Licence 2 Economie et Gestion

Support de cours

Politiques Monétaires

Maxime Assi Tano, Docteur d’Etudes Rurales en Economie, Maître-Assistant

2017-2018

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Introduction

La politique monétaire est l'action par laquelle l'autorité monétaire, en général la


banque centrale, agit sur l'offre de monnaie dans le but de remplir son objectif de
triple stabilité, à savoir la stabilité des taux d'intérêts, la stabilité des taux de change
et la stabilité des prix en vue de favoriser la croissance. Il s’agit ici de permettre aux
ménages de garder un pouvoir d'achat décent et de ne pas dévaluer la monnaie. La
politique monétaire englobe l'ensemble des moyens dont disposent les autorités
monétaires pour agir sur l'activité économique par l'intermédiaire de la masse
monétaire et des taux d'intérêt.

L’objet de ce cours est de présenter l’effet des politiques monétaires sur l’activité
économique. Pour ce faire, nous analyserons successivement, les théories relatives à
la politique monétaire, l’efficacité des politiques monétaires, les canaux de
transmission à l’activité économique et les réponses des banques centrales (via les
politiques monétaires) à la crise financière de 2008-2010.

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Chapitre I : Référence théorique de la politique monétaire

Alors que la politique budgétaire est soumise, dans les régimes démocratiques, à une
approbation directe du Parlement via le vote du budget, la politique monétaire est le
plus souvent exercée, de nos jours, par des banquiers centraux indépendants mais
tenus de rendre des comptes.

Nous présenterons successivement les conceptions keynésienne et monétariste de la


politique monétaire.

1.1. La politique monétaire keynésienne

Selon les keynésiens (John Maynard Keynes (1883-1946) est le chez de file), la
politique monétaire est "fille de la politique budgétaire" puisque sa principale mission
est d'accompagner cette dernière dans le réglage fin de la conjoncture dérivé de la
grille de lecture IS-LM.

Pour eux, la politique monétaire se présente comme une politique active d’utilisation
de l’instrument monétaire dans le but de favoriser la croissance économique et de
lutter contre le chômage. Elle a également pour mission de corriger les déséquilibres
extérieurs.

La politique monétaire keynésienne se fixe comme objectif final l'arbitrage entre


inflation et chômage et retient comme objectif intermédiaire les taux d'intérêt :
lorsque l'économie est en surchauffe, une politique monétaire restrictive, en
augmentant le taux d'intérêt, permet de combattre les tensions inflationnistes. À
l'inverse, en période de hausse du chômage, une politique monétaire expansionniste
avec une diminution des taux d'intérêt doit permettre de relancer l'activité et
l'investissement.

Ainsi, la stabilité des prix n'est pas une priorité affichée car il existerait d'un
arbitrage inflation-chômage à court-moyen terme issu des premières lectures de la
courbe de Phillips. Keynes réfute la théorie quantitative de la monnaie et indique que
l'accroissement de la quantité de monnaie ne produit absolument aucun effet sur les
prix tant qu'il reste du chômage.

La théorie keynésienne de la politique monétaire se base sur l'hypothèse que la


monnaie à court terme n'est pas neutre. Pour Keynes et ses disciples la politique
monétaire est un instrument de politique conjoncturelle. On parle à ce propos de «
policy mix ».

1.2. La politique monétaire monétariste

Selon les monétariste (Milton Friedman (1912-2006) est le chef de file), la politique
monétaire est plutôt passive. Elle vise avant tout à combattre l’inflation et non pas à
relancer l’activité économique. Le mal est donc l'inflation qu’ils présentent comme un
phénomène d'origine monétaire.

Selon les monétaristes, si l’on essaie de faire descendre le taux de chômage au-
dessous d’un seuil critique, qu’ils appellent taux naturel, et qu’on le maintient dans
cette position, il y aura une croissance continuelle de l’inflation (Friedman, 1968,
1977 ; Edmund Phelps, 1968). Selon cette thèse, les banquiers centraux n’avaient

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pas à effectuer d’arbitrage entre chômage et inflation. Leur tâche consistait
simplement à maintenir le chômage à son niveau naturel.

Le meilleur moyen de lutter contre l'inflation consiste à agir sur la création


monétaire. Il convient de mesurer et de contrôler un agrégat monétaire, et de se tenir
à un comportement prédéfini, prévisible. Ainsi, la masse monétaire doit progresser
au même rythme que la production (ceci renvoie à la neutralité de la monnaie) et la
politique monétaire ne doit pas servir à relancer la croissance.

Les monétaristes défendent quelques principes que nous pouvons résumer par les
points suivants :

1°) l’offre de monnaie est déterminée par la banque centrale (elle est donc exogène au
système économique). Les banques centrales doivent rester indépendantes des
états ;

2°) la demande de monnaie est stable ;

3°) l’inflation est toujours un phénomène monétaire. Cela signifie qu’une


augmentation trop rapide de la masse monétaire augmente les moyens de paiement
qui sont mis en circulation et donc favorise la hausse des prix, l’inflation. La lutte
contre l’inflation doit primer la lutte contre le chômage ;

4°) Il existe un taux de chômage en-dessous duquel on ne peut pas descendre ;

5°) les politiques conjoncturelles de relance ou de rigueur sont inutiles et il préconise


des règles de croissance fixe pour la masse monétaire. Il suppose que les agents
économiques s’adaptent en fonction des situations.

1.3. Consensus autour des objectifs de la politique monétaire

Il existe aujourd'hui un large consensus entre les banquiers centraux et entre les
économistes concernant les coûts de l'inflation et les avantages de la stabilité des
prix. En effet, les conceptions keynésienne et monétariste de la politique monétaire
ont convergé vers une troisième qui avait été décrite par Jacques Rueff dans L'Ordre
social (1945) : la politique monétaire est un instrument efficace qui consiste à doser
avec précision l'offre de monnaie pour répondre à la demande en évitant les écueils
de l'inflation et de la déflation.

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Chapitre II : Instruments de politique monétaire et Efficacité

Il s’agit ici de présenter les instruments de la politique monétaire et les conditions


d’efficacité des politiques monétaires.

2.1. Les instruments de la politique monétaire

Les autorités monétaires disposent d’un ensemble d’instruments pour réguler la


quantité de monnaie disponible dans l’économie. Il s’agit du réescompte, des
pensions, de l’open-market, des réserves obligatoires, la politique des changes.

2.1.1. Le réescompte

La politique du réescompte est une opération qui consiste, pour une banque
centrale, à acheter un effet avant son échéance à une banque ou à un organisme
financier qui l'a déjà escompté, en remettant le montant de la créance, déduction
faite du taux d'escompte officiel, appelé taux de réescompte et fixé par la banque
centrale. Il s’agit donc pour la banque de se fournir en liquidités en précédant à la
cession d'effets qu'elle détient à une banque centrale. C’est un refinancement
contrôlé des banques auprès de la banque centrale. Etant considéré comme rigide, la
politique de réescompte a été abandonnée par la plupart des pays et remplacée par
un système de mise en pension. Le refinancement désigne des opérations effectuées
par les banques qui ont un besoin de liquidités. Soit elles s’en procurent auprès de
la banque centrale, soit elles se portent demandeuses de monnaie sur le marché
monétaire en échange de titre.

2.1.2. Les pensions de titres

Les pensions de titres représentent une des techniques les plus utilisées par la
banque centrale dans leurs interventions. La mise en pension consiste en ce que les
banques qui ont des besoins de liquidité cèdent des titres avec engagement de rachat
à un terme déterminé, à la banque centrale qui, en contrepartie, leur accorde des
liquidités. Il s’agit généralement d’opération de court terme dont les durées vont d'un
jour à un an. Au niveau européen, la prise en pension de la banque centrale
européenne à une durée de deux semaines.

Les pensions de titres permettent à la banque centrale d'influer sur le niveau des
liquidités dans le système financier et d'approvisionner l'économie en liquidités.
Selon les besoins de la politique monétaire et la situation en matière de liquidités sur
le marché monétaire, la banque centrale conclut des pensions de titres destinées soit
à injecter, soit à résorber des liquidités. Dans le premier cas, elle achète des titres à
une contrepartie et crédite la somme correspondante en francs sur le compte de
virement de cette dernière à la banque centrale. Parallèlement, la banque centrale
convient avec la contrepartie qu'elle lui revendra à l'échéance une quantité
équivalente de titres de même catégorie. L'établissement concerné verse un intérêt
(taux des pensions de titres) à la banque centrale pour ce crédit en francs d'une
durée limitée couvert par des titres. Les pensions de titres visant à résorber des
liquidités (reverse repo) fonctionnent dans le sens inverse : la banque centrale vend
des titres à l'établissement et lui débite la somme correspondante de son compte de
virement. Parallèlement, il est convenu qu'elle rachètera les titres à l'échéance. Pour
la durée de l'opération, la banque centrale verse à la contrepartie un intérêt (taux
des pensions de titres). Les banques concluent également des pensions de titres

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entre elles selon ce même principe (marché interbancaire gagé) afin d'optimiser leur
gestion des liquidités.

2.1.3. L’open-market

Il s’agit d’intervention directe de la banque centrale sur le marché monétaire. La


politique d’open-market consiste en ce que la banque centrale se présente sur le
marché monétaire comme un agent financier ordinaire qui achète et vend des titres.
Si elle veut augmenter la liquidité par exemple, elle se portera acheteuse de titres, ce
qui aura pour effet d’en faire monter le cours et de baisser le taux d’intérêt. Ainsi, un
achat de titre se traduit par un versement d’espèce qui vient alimenter le compte
d’une banque. En revanche, une vente de titre se traduit par une destruction de
monnaie centrale.

2.1.4 Les réserves obligatoires

La politique de réserves obligatoire est très rigide. Elle consiste à imposer aux
banques de constituer des réserves liquides auprès de la banque centrale. En
général cette politique est utilisée plutôt comme base structurelle de la politique
monétaire. Elle se détermine dans des perspectives de plus long terme.

2.1.5. La politique des changes

La politique de change représente l'action des pouvoirs publics visant à modifier le


taux de change de la monnaie nationale vis-à-vis des autres monnaies. C’est la
banque centrale qui déteint et gère les réserves de change du pays ou de la zone
monétaire en or ou en devises. Alors qu'autrefois la politique de change avait pour
but de rétablir l'équilibre commercial, elle est utilisée aujourd'hui pour lutter contre
l'inflation. La mise en œuvre de la politique de change peut se traduire par une
politique de dévaluation/dépréciation ou la réévaluation/appréciation.

Une dévaluation est un terme employé quand la monnaie à un cours fixe (système de
change fixe), que ce soit par rapport à un métal (l’or, l’argent, voire les deux) ou par
rapport à une monnaie (la Livre Sterling, le Dollar, etc.). La parité est garantie par
l’État, qui s’engage à échanger une certaine quantité de sa monnaie contre une
certaine quantité de la référence, soit métallique soit d’une autre monnaie, à un taux
de change donné. On dit qu’il y a dévaluation quand ce taux est administrativement
baissé. Il s’agit donc d’une décision officielle des autorités monétaires consistant à
diminuer la valeur de la monnaie nationale par rapport à un étalon de référence (or,
une autre monnaie, etc.).

Ainsi, après une dévaluation, il est nécessaire de fournir davantage de monnaie


nationale pour obtenir la même devise étrangère qu’auparavant. Il est donc plus
coûteux d’acheter à l’étranger. Inversement, les étrangers trouvent le territoire
national meilleur marché (favorable au tourisme, favorable aux exportations, etc.).

La dépréciation d'une monnaie (sur le plan externe) doit être distinguée de la


dévaluation. Dans un système monétaire international où les changes ne sont pas
fixes, c'est-à-dire lorsque les banques centrales ne sont pas obligées d'assurer la
stabilité de leur propre monnaie par rapport à d'autres devises, les taux de change
fluctuent librement sur le marché des changes. La dépréciation correspond alors à la
diminution de la valeur d'une monnaie par rapport à une ou plusieurs autres
devises. Une dépréciation (ou, à l'inverse, une appréciation) peut être un processus

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très lent, à l'inverse d'une dévaluation qui est une modification brutale et officielle de
la valeur d'une monnaie.

Ainsi, la dépréciation est la baisse du taux de change d’une monnaie constatée sur
un marché des changes en l’absence d’intervention directe de l’État ou de la Banque
Centrale pour en fixer le cours.

Cependant, la politique de dévaluation présente un effet important et néfaste pour


l’économie, à savoir qu’elle favorise l'inflation. Avec l'incompressibilité de certaines
importations, si nécessaires que leur demande ne diminue pas alors que leurs prix
augmentent après une dévaluation (énergie, matières premières, machines), se
produit un accroissement des prix intérieurs (inflation importée). Les coûts de
production des entreprises s'élèvent alors, ce qui contribue à l'augmentation
générale des prix et annule les effets bénéfiques de la dévaluation.

2.2. Condition d’efficacité de la politique monétaire et cas de la BCEAO

L’efficacité de la politique monétaire peut s’analyser en fonction de la sensibilité de la


demande de monnaie au taux d’intérêt.

2.2.1. Condition d’efficacité de la politique monétaire

La politique monétaire est efficace si la demande de monnaie est peu élastique au


taux d'intérêt et s'il existe une forte élasticité de l'investissement au taux d'intérêt. Si
la demande de monnaie est très élastique au taux d'intérêt, une baisse de celui-ci se
traduira par une hausse de la détention monétaire qui n'aura pas d'impact sur
l'activité économique. Si les entreprises autofinancent leurs investissements, elles ne
sont pas contraintes directement par une hausse des taux.

L'efficacité d'une politique monétaire dépend donc de la réalisation de deux


conditions : l'accroissement de l'offre de monnaie et la baisse des taux d'intérêt.

1°) l'accroissement de l'offre de monnaie doit conduire à une baisse du taux d'intérêt
; or cette condition n'est pas toujours vérifiée en particulier dans les situations de
trappe à liquidité. Il s’agit d’une situation où le taux d’intérêt est à son niveau
plancher (le plus bas possible) et ne plus baisser. A ce taux, la demande de monnaie
est parfaitement (infiniment) élastique par rapport au taux d’intérêt : les agents
pensent alors tous que le taux va augmenter, et leur préférence pour la liquidité est
alors absolue. Une politique monétaire de baisse du taux d'intérêt est alors
totalement inefficace dans le cadre d'une relance.

2°) la baisse des taux d'intérêt doit se traduire par une reprise de l'investissement.

2.2.2. Le cas de Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO)

La politique monétaire conduite par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de


l'Ouest (BCEAO) souffre d'une faible efficacité, au regard de l'absence de liaisons
existant entre l'objectif de lutte contre l'inflation que l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) lui a assignée et les instruments dont elle
dispose (taux d'intérêt directeurs). Elle est également la proie de critiques sur
l'absence d'objectif de croissance économique dans son mandat de banque centrale
de pays en développement parmi les plus pauvres du monde. En effet, dans
l’UEMOA, l’objectif de la politique monétaire conduite par la BCEAO est d’assurer la

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stabilité des prix, dans le souci de préserver la valeur interne et externe de la
monnaie.

La politique monétaire de la BCEAO repose sur l’utilisation de taux d’intérêt


directeurs propres à l’Institut d’émission, sur un marché monétaire rénové et sur la
libéralisation des conditions de banque. En appui à ces instruments, un système de
reserves obligatoires permet de modifier le comportement du système bancaire et
d’agir sur le coût du crédit.

2.3. Mise en œuvre de la politique monétaire

La politique monétaire est délicate à mettre en œuvre : une action par trop
expansionniste peut se traduire par une perte de crédibilité auprès des marchés et
par un relèvement des anticipations d'inflation, tandis qu'une action par trop
restrictive sera accusée de brimer la croissance et l'emploi.

Autant que la "dose", le délais" pose aussi problème. L’ajustement de l’économie ne


s’effectue pas de manière instantanée. En effet, il existe un décalage entre la mise en
œuvre des politiques (le temps pour elles de se propager : et les conditions réelles de
l’économie. S'agissant du PIB par exemple, il faut attendre avril pour connaître les
chiffres à peu près définitifs du dernier trimestre de l'année précédente (c'est encore
pire pour les pays sous-développés). Dans ces conditions, le risque est grand de
multiplier les erreurs.

Ainsi, une politique qui se veut contra-cyclique peut in fine s'avérer procyclique
(c'est-à-dire qu'elle va amplifier les fluctuations économiques plutôt que les réduire)
soit parce qu'une politique accommodante aura été décidée au moment où
l'économie a déjà touché le fond et s'apprêtait à repartir d'elle-même, soit parce
qu'une politique restrictive aura été entreprise en haut du cycle à un moment où
l'activité entamait toute seule le début d'une chute. Autrement dit, selon Friedman,
si les cycles d'activité sont courts et que les délais d'efficacité de la politique
monétaire sont longs alors une politique monétaire contra-cyclique risque de se
retrouver pro-cyclique.

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Chapitre III : Canaux de transmission de la politique monétaire

Comment les modifications de taux d’intérêt directeurs décidées par les autorités
monétaires affectent-elles l’ensemble du secteur financier et du secteur réel de
l’économie ?

Le schéma de base : instrument(s) èobjectif(s) intermédiaire(s) / cible(s) ou pilier(s) è


objectif(s) final(s), ne peut se réaliser sans l’existence de canaux de transmission
représentés par les flèches.

Ces canaux constituent des liens spécifiques par lesquels les impulsions de la
politique monétaire se répercutent sur l’activité économique et, plus
particulièrement, sur le niveau des prix. La littérature théorique identifie trois
canaux essentiels de la politique monétaire : le canal du taux d’intérêt ou canal
monétaire, le canal du crédit et le canal des prix d’autres actifs.

Le canal du crédit met en avant l’offre de crédit des banques alors que le canal du
taux porte sur la demande de monnaie des agents non financiers.

3.1. Le canal du taux d’intérêt ou canal monétaire

Dans le cadre du canal du taux (ou canal monétaire), le rôle des banques se limite à
la création de monnaie. L’offre de monnaie est proportionnelle à la base monétaire.
Les variations de taux entraînent des substitutions au sein des portefeuilles d’actifs
(monnaie et titres) détenus par les agents non financiers. Ainsi, les interventions de
politique monétaire modifient les conditions monétaires et s’observent par
l’intermédiaire du passif du bilan des banques. L’actif du bilan des banques
n’intervient pas dans l’analyse. Il n’existe d’ailleurs pas de différences entre les titres
et les crédits pour le financement de l’activité économique.

Les effets des modifications de taux d’intérêt directeurs sont généralement étudiés
dans le cadre d’une analyse des comportements de dépenses des agents (ménages,
entreprises et Etat) : dépenses de consommation et d’investissement.

3.1.1. Effet sur la consommation et l’épargne

Dans une perspective de court terme et en supposant une baisse non anticipée des
taux d’intérêt, trois effets peuvent être mis en évidence sur les comportements de
dépenses des ménages :

1°) L’effet de substitution : les modifications de taux d’intérêt conduisent les agents à
revoir l’arbitrage entre consommation immédiate et épargne. Une baisse de taux rend
l’épargne moins attractive et incite à consommer aujourd’hui. Dans ce cas, la valeur
de la consommation future diminue.

2°) L’effet de revenu : une baisse de taux entraîne une hausse de la valeur actualisée
des dépenses de consommation anticipées pour des périodes futures. Dès lors, la
consommation future est plus coûteuse, toutes choses égales par ailleurs. Les
ménages préfèrent par conséquent épargner davantage et réduire leur consommation
immédiate pour faire face à cette situation.

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3°) L’effet de richesse : une baisse de taux d’intérêt entraîne une hausse de la valeur
actualisée des revenu futurs des ménages. Cette augmentation s’applique au capital
humain, au capital physique et au capital financier.

3.1.2. Effet sur l’investissement

En ce qui concerne les effets sur l’investissement, une baisse de taux implique une
hausse de l’investissement qui se produit à travers deux effets.

1°) Une baisse de taux entraîne une baisse du coût d’usage du capital et donc une
augmentation de la profitabilité de la production et une offre supérieure de biens.

2°) une substitution du capital au travail.

Le canal du taux d’intérêt est le principal mécanisme de transmission de la politique


monétaire dans le modèle keynésien de base IS-LM, qui sert de référence dans
l’enseignement de la macro-économie. La conception keynésienne IS-LM
traditionnelle du mécanisme de transmission de la politique monétaire peut se
résumer par le schéma suivant, qui illustre les effets d’une expansion monétaire : M↑
⇒ ir↓ ⇒ I↑ ⇒ Y↑ où M↑ indique la conduite d’une politique monétaire expansionniste,
qui aboutit à une baisse des taux d’intérêt réels (ir↓) ; celle-ci réduit le coût du
capital, ce qui entraîne une augmentation des dépenses d’investissement (I↑) et, par
là-même, un accroissement de la demande globale et de la production (Y↑).

Pour Keynes, le taux d’intérêt agit principalement par l’intermédiaire des décisions
des entreprises en matière de dépenses d’investissement. Les décisions
d’investissement concernent l’investissement en logement et l’acquisition de biens de
consommation durables des ménages. Par conséquent, le schéma présenté ci-dessus
s’applique tout aussi bien à certaines dépenses des consommateurs, I représentant
alors les dépenses relatives au logement et à l’achat de biens de consommation
durables.

Une caractéristique importante du canal du taux d’intérêt est l’accent qu’il met sur
le taux d’intérêt réel plutôt que nominal, comme étant celui qui affecte les décisions
des consommateurs et des entreprises. En outre, c’est le taux d’intérêt réel à long
terme, et non à court terme, qui est souvent considéré comme ayant une incidence
majeure sur les dépenses.

Comment se fait-il que des modifications du taux d’intérêt nominal à court terme
induites par une banque centrale entraînent une variation correspondante du taux
d’intérêt réel à court et à long terme ? Cela s’explique par la rigidité des prix, de sorte
qu’une politique monétaire expansionniste qui abaisse le taux d’intérêt nominal à
court terme réduit également le taux d’intérêt réel à court terme et à long terme.

Ce fléchissement des taux d’intérêt réels aboutit ensuite à une hausse de


l’investissement en capital fixe des entreprises, de l’investissement en logements, des
dépenses de biens de consommation durables et de formation des stocks, le tout
provoquant une augmentation de la production globale.

L’incidence du taux d’intérêt sur les dépenses de consommation et d’investissement


en fait un puissant mécanisme de transmission de la politique monétaire selon
Taylor (1995). Cependant, de nombreux chercheurs, parmi lesquels Bernanke et
Gertler (1995) mettent les taux d’intérêt comme mécanisme de transmission de la

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politique monétaire. Cela a d’ailleurs encouragé la recherche d’autres mécanismes,
notamment le canal du crédit.

3.2. Le canal du crédit

Dans le cadre du canal du crédit, les banques jouent un rôle déterminant dans le
processus de financement par l’intermédiaire de l’octroi de crédits. Désormais, le
système bancaire n’est plus neutre dans la transmission de la politique monétaire.
L’actif et le passif du bilan des banques doivent être considérés de façon symétrique.
En cas de durcissement de la politique monétaire, les banques vont ajuster leurs
conditions débitrices : augmentation du taux des nouveaux crédits et/ou une
diminution des crédits offerts. De plus, les crédits bancaires ne sont pas
parfaitement substituables aux émissions de titres pour financer les projets
d’investissement. Cette substituabilité imparfaite résulte des imperfections
constatées sur le marché du crédit. En effet, les emprunteurs disposent d’une
meilleure information que les prêteurs sur les caractéristiques de leurs projets
d’investissement et sur leurs situations financières (asymétrie d’information :
problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité). Les prêts bancaires sont
considérés comme spécifiques puisqu’ils constituent la principale source de
financement en cas d’asymétrie d’informations. Les agents économiques les plus
fréquemment touchés sont les ménages et les petites et moyennes entreprises.

Comme la probabilité de non-remboursement des prêteurs se trouve par là même


renforcée, la dégradation de la situation nette des emprunteurs (entreprise,
notamment) aboutit à une diminution des prêts et donc des dépenses
d’investissement.

La politique monétaire est susceptible d’affecter les bilans des entreprises de


plusieurs manières. Une politique monétaire expansionniste (M↑), qui entraîne une
hausse des cours des actions (Pe↑) du fait de la baisse du taux d’intérêt, renforce la
situation nette des entreprises et aboutit donc à une augmentation des dépenses
d’investissement (I↑) et de la demande globale (Y↑), puisque les problèmes de
sélection adverse et d’aléa de moralité sont atténués. On en déduit donc le schéma
suivant, pour un canal de transmission de la politique monétaire par le bilan : M↑ ⇒
Pe↑ ⇒ sélection adverse↓ et aléa de moralité↓ ⇒ prêts↑ ⇒ I↑ ⇒ Y↑.

Une politique monétaire expansionniste, qui suscite une baisse des taux d’intérêt,
entraîne également une amélioration des bilans des entreprises car elle accroît leur
revenu d’exploitation, réduisant par là même les problèmes de sélection adverse et
d’aléa de moralité. On en déduit le schéma suivant, pour un canal de bilan
supplémentaire : M↑ ⇒ i↓ ⇒ trésorerie↑ ⇒ sélection adverse↓ et aléa de moralité↓ ⇒
prêts↑ ⇒ I↑ ⇒ Y↑

La transmission à la sphère réelle s’opère par les variations de l’offre de crédit.


L’action monétaire aura des effets sur les décisions d’investissement.

3.3. Le canal des prix d’autres actifs : le canal du taux de change

Pour les monétaristes, l’analyse des effets de la politique monétaire sur l’économie ne
concerne par seulement le prix d’un seul actif, à savoir le taux d’intérêt, mais aussi
le prix de plusieurs actifs telles que les devises (les taux de change) et les actions qui
sont aussi essentielles dans le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

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Compte tenu de l’internationalisation croissante des économies, et du passage aux
taux de change flexibles, la transmission de la politique monétaire peut se faire à
travers l’influence des taux de change sur les exportations nettes.

Ce canal fait également intervenir les effets du taux d’intérêt. En effet, la baisse des
taux d’intérêt réels nationaux réduit l’attrait des dépôts nationaux en dollars par
rapport aux dépôts libellés en monnaies étrangères, ce qui entraîne une chute de la
valeur des dépôts en dollars par rapport aux dépôts en devises, c’est-à-dire une
dépréciation de la monnaie nationale (figurée par E↓). La dépréciation de la monnaie
nationale abaisse le prix des biens nationaux par rapport aux biens étrangers, ce qui
se traduit par une augmentation des exportations nettes (NX↑) et donc de la
production globale. Par conséquent, le schéma du mécanisme de transmission de la
politique monétaire par le canal du taux de change est le suivant : M↑ ⇒ir↓ ⇒E↓ ⇒NX↑
⇒Y↑. Ce canal de transmission de la politique monétaire a été mis en évidence par
Bryant, Hooper et Mann (1993) et de Taylor (1993).

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Chapitre IV : Politiques monétaires et crise financière

Une crise financière se définit comme une perturbation affectant les marchés
financiers, qui aggrave sensiblement les problèmes d’asymétrie d’information, de
sorte que ces marchés ne sont plus capables d’orienter efficacement les fonds vers
les agents dont les projets d’investissement sont les plus rentables. Il s’ensuit une
forte contraction de l’activité économique.

4.1. Effet des politiques monétaire de rigueur sur les crises financières

Une politique de rigueur monétaire (restriction monétaire) peut jouer un rôle


important dans le déclenchement de crises financières. La théorie des crises
financières liée à l’asymétrie d’information exposée par Bernanke (1983) et Mishkin
(1991, 1994) présente au moins cinq facteurs susceptibles de favoriser l’apparition
des crises financières : la hausse des taux d’intérêt, la baisse de la Bourse, le déclin
non anticipé du niveau des prix, la montée de l’incertitude et les paniques bancaires.

Une contraction de la masse monétaire, qui induit une hausse des taux d’intérêt,
accentue le phénomène de sélection adverse car les agents économiques disposés à
prendre des risques plus importants, et donc à payer un taux d’intérêt plus élevé,
sont aussi les plus désireux d’obtenir des prêts. En outre, la hausse des taux
d’intérêt, qui réduit la capacité de financement des entreprises, affecte leur situation
financière, ce qui aggrave les problèmes d’aléa de moralité et de sélection adverse et
n’incite guère les marchés à leur prêter des fonds. Une contraction de la masse
monétaire entraîne également un recul des cours des actions, qui dégrade la
situation nette des entreprises et renforce, là encore, les problèmes de sélection
adverse et d’aléa de moralité sur les marchés de crédit. Par ailleurs, elle peut
également entraîner un recul non anticipé du niveau des prix qui, étant donné que la
dette est libellée en termes nominaux, aboutit, comme l’a démontré Fisher (1933), à
un scénario de déflation par la dette dans lequel la dégradation de la situation nette
des entreprises accentue les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité.

4.2. Cas de la crise financière de 2008-2010

En 2006, l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis suivi de la faillite de


Lehman Brothers, une banque d’affaires américaine précipite le pays dans une crise
financière. La crise financière est devenue crise économique et a ébranlé tout le
système financier et économique dans un contexte de mondialisation. Quelles en
sont les causes ? Quelles en sont les conséquences économiques et enfin quelles
réponses face à cette récession ?

4.2.1. Les causes de la crise

L’origine de la crise se trouve aux Etats-Unis. La crise a été précédée, jusqu’en 2006,
d’une longue période d’euphorie marquée par l’accroissement rapide et massif du
crédit. Cela a entraîné une dynamique d’achat et une hausse des actifs immobiliers.
A partir de 2007, les premiers signes de la crise apparaissent. La crise résulte pour
l’essentiel du non respect des procédures traditionnelles d’octroi de crédit. Au moins
quatre raisons permettent d’expliquer la crise. Il s’agit des défauts de paiement sur
les subprimes ; la titrisation des subprimes, la dégradation de leur valeur et la
propagation de la crise du fait de la globalisation économique.

1°) Les défauts de paiement sur les subprimes

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Les subprimes sont des crédits hypothécaires destinés à diluer et à transférer les
risques du crédit à des organismes financiers appelés helges funds. Les subprimes
ont permis aux ménages modestes d’’accéder à la propriété. En septembre 2008,
Lehman Brothers, une banque d’affaires américaine a perdu 73 % de sa
capitalisation boursière. La crise est marquée par l’accroissement des défauts de
paiement sur les crédits hypothécaires, par une limitation des possibilités de crédit
aux ménages et aux entreprises, une augmentation du taux interbancaire, une chute
du cours des actions et une crise de confiance généralisée. La crise financière
devient donc une crise économique dès lors que les ménages et les entreprises voient
diminuer leur possibilité de crédit.

2°) La titrisation des subprimes

Certaines de ce qu’elles ne supporteront point de risque, les banques ont privilégié la


« quantité » au détriment de la « qualité » en faisant fi de la capacité des emprunteurs
à rembourser. En effet, la titrisation des crédits hypothécaires leur donnaient d’être
protégées par la dilution des risques induite par le système des dérivés de crédit. Le
système des dérivés de crédits est composé de deux produits : les Collateralised
Obligation Debt (COD) et les Credit Default Swaps (CDS).

Les COD sont des sortes de packages de dettes que les grandes banques revendent à
des fonds de pension appelés aussi hedge Funds. Ce sont ces structures qui
prennent à la place des banques le risque associé au prêt en échange d’intérêt fourni
par le package. L’accroissement des risques de défaut a fait baisser la valeur des
créances titrisées ce qui a conduit les hedge funds à la faillite.

Quant au CDS, ils sont des sortes d’assurances contre une défaillance de
l’emprunteur. En cas de défaut de paiement, un CDS peut fournit à son détenteur
un versement égal à la perte qu’il aurait subie s’il ne s’était pas assuré. Le vendeur
de CDS s’engage à rembourser à la place de l’emprunteur en échange d’une prime
variant en fonction du marché et de la qualité de l’emprunteur.

3°) La dégradation de la valeur des crédits hypothécaires

Les agences de notation telles que Moody’s, Fitch, etc., qui initialement avaient
considéré les subprimes comme des prêts bien diversifiés et peu risqués leur
accordaient de bonnes notes (AAA). Ce qui a conduit à la vente massive de ces
produits. Mais la détérioration de la valeur des titres a amené les agences de
notation a abaissé leur note, aggravant ainsi l’illiquidité des titres et la détérioration
de leur valeur.

4°) La propagation de la crise du fait de la globalisation économique

Hormis les aspects microéconomiques et financiers de la crise, d’autres facteurs


macroéconomiques sont à la base du déclenchement et la propagation de la crise. Il
s’agit principalement de la globalisation de l’économie. Par exemple, les capitaux
chinois tirés des excédents commerciaux finançaient le déficit américain, ce qui a
permis d’entretenir des conditions de crédit facile aux ménages et aux entreprises.

Un modèle du mécanisme de diffusion de la crise

Le mécanisme de diffusion de la crise à travers la situation d’une banque peut


s’apprécier en dix étapes :

  14  
1°) La banque accorde un crédit ;

2°) elle procède par la suite à la titrisation de la créance ;

3°) la créance titrisée est présentée sous forme de dérivées de crédit et vendue à des
fonds d’investissement à risque (des heldge funds) ;

4°) le heldge funds emprunte davantage auprès de la banque pour acheter d’autres
titres émises aussi par d’autres banques, profitant ainsi de l’effet de levier (qui
consiste d’emprunter plus pour gagner plus) ;

5°) en cas de défaut de paiement de la part du débiteur, la valeur de la créance


titrisée s’effondre, mettant en difficulté le hedge funds ;

6°) le hedge funds en difficulté vis-à-vis de la banque qui lui refuse de nouveaux
crédits dont il aurait besoin pour financer ses pertes et poursuivre ses activités ;

7°) le hedge funds fait faillite ;

8°) la banque aussi se trouve en difficulté. Elle se tourne vers d’autres


établissements financiers ;

9°) les autres établissements financiers ne sont pas non plus mieux épargnés. Ils lui
refusent le prêt ou le fait à des conditions très rigoureuses.

10°) la crise s’installe durablement et perturbe les activités interbancaires mais aussi
celles des ménages et des entreprises.

Ce mécanisme de diffusion de la crise peut s’adapter au cas de Bear Stearns, une


banque d’investissement américaine qui a perdu 80 % de sa capitalisation boursière
en mars 2008, ce qui l’a conduit à la faillite. Il en est de même pour Lehman
Brothers, une banque d’affaires américaine dont les actions ont perdu 73 % de leur
valeur en 2008.

4.2.2. Les conséquences économiques de la crise

Les conséquences de la crise sur l’économie peuvent être mesurées à travers son
impact sur la croissance, sur le marché du travail et sur les politiques budgétaires.

1°) L’effet sur la croissance

La crise a provoqué un ralentissement de la production et donc de la croissance


dans la plupart des économies qu’elle a affectées. En effet, la raréfaction des crédits
bancaires et la hausse des taux d’intérêt ont freiné les investissements productifs. Il
s’en est suivi une hausse de l’épargne et la réduction des dépenses.

2°) Impact sur le marché du travail

La crise a provoqué la baisse des taux de croissance sur plusieurs trimestres


consécutifs, faisant ainsi planer le spectre de la récession. Celle-ci a favorisé des
conséquences sociales, principalement la hausse du chômage. Selon le BIT, le
monde comptait 212 millions de sans-emploi en 2009, soit une hausse de 34

  15  
millions par rapport à 2007, à la veille de la crise. La baisse des investissements et
de la consommation a conduit beaucoup d’entreprises à la faillite, accentuant ainsi
le phénomène du chômage. La crise à donc provoqué sur le marché du travail
l’élévation du taux de chômage et contribué à la fragilisation des entreprises.

3°) L’effet sur les politiques budgétaires

La crise a provoqué un gonflement des déficits budgétaires du fait de la baisse des


recettes fiscales qui dépendent du niveau de l’activité, de la hausse des dépenses
tirées des indemnités chômage et des mesures de sécurité sociale. A moins de mener
une politique d’austérité avec ses conséquences néfastes sur la population, le
recours à l’emprunt extérieur accentue le risque de surendettement.

4.2.3. Les réponses à la crise

Les réponses à la crise émanaient des Etats et des banques centrales. Elles visaient
trois objectifs essentiels :

1°) restaurer le marché des liquidités pour la circulation de l’argent ;

2°) restaurer la confiance entre les banques commerciales en vue d’assurer leur
solvabilité, soit par la recapitalisation, soit par la nationalisation ;

3°) limiter les répercutions de la crise sur l’activité économique.

4.2.3.1. Les réponses d’urgence

S’agissant tout d’abord de la restauration du marché de liquidité, les banques


centrales ont abaissé leur taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’intérêt de la FED
(Réserve fédérale américaine) est passé de 5 % à 2 % de septembre 2007 à mai 2008.

Pour ce qui est de la restauration de la confiance sur le marché interbancaire, les


banques centrales ont injecté sous forme de prêt aux banques, plusieurs centaines
de milliards. Ces prêts étaient sous forme de cash et de bons de trésors (actifs moins
risqués de la planète). Les banques centrales ont aussi prolongé la durée de leur prêt
et acceptaient comme garantie des crédits hypothécaires.

Par ailleurs, les Etats ont suggéré aux banques commerciales de suspendre la
distribution de dividende à leurs actionnaires en vue de disposer d’une base solide
de capital.

4.2.3.2. La politique dite du « quantitative easing (QE) » ou « assouplissement quantitatif »

Les QE correspondent à une forme de politique monétaire visant à assouplir les


conditions de crédit pour influencer les anticipations d’inflation. Les politiques QE
sont employées lorsque les moyens classiques sont inopérants. Elles sont aussi
appelées méthodes non conventionnelles.

Par exemple, si les taux d’intérêt des banques centrales sont proches de zéro, les
méthodes conventionnelles ou classiques pour influencer le taux d’intérêt sont sans
effet sur l’activité réelle (que malgré tout l’économie ne se relève pas). L’idée d’acheter
des obligations à long terme peut faire baisser les taux d’intérêt à long terme et
donner plus de liquidités à l’économie. C’est cette démarche qu’on a appelé QE.

  16  
Dans ce cas, les politiques QE facilitent l’activité économique et s’appliquent aux
leviers quantitatifs monétaires. Ces objectifs varient selon l’entité (banque,
entreprises, autres institutions financières, etc.) à laquelle elle s’applique.

Pour les banques, les QE visent à faciliter l’octroi de crédit en abaissant les taux
d’intérêt. Pour les entreprises, les QE servent à l’achat de titres financiers (des
obligations, principalement) de certaines entreprises en vue de leur permettre de
disposer des liquidités nécessaires au financement de leurs activités (modernisation,
recherche et développement, etc.).

Sur les autres institutions financières, les banques centrales par le biais des
politiques non conventionnelles (QE), achètent les titres financiers (bons du trésor et
titres risqués) à ces établissements financiers. Ces derniers disposent ainsi de la
liquidité nécessaire pour l’amélioration des activités.

La hausse de la demande de titres financiers (à risque ou non) par la banque


centrale qui provoque une élévation du prix des titres les rend moins attractifs de
sorte que les banques cherchent à développer leur activité de crédit plutôt que le
placement. En outre, la hausse du prix des titres augmente la richesse de leurs
détenteurs qui peuvent consommer davantage, ce qui conduit à une hausse de la
demande.

4.2.3.3. Le cas de quelques banques centrales

La FED et la banque d’Angleterre ont eu recours à la QE depuis le début de la crise.


La QE de la FED s’élevait à 600 milliards de dollars fin 2011. La BCE dont l’objectif
premier est la stabilité des prix a affirmé sa singularité en maintenant ses taux à
leur niveau initial. Cependant, les Etats de l’UE sont intervenus à travers des plans
de sauvetage pour assurer la recapitalisation des banques et garantir les prêts
interbancaires. Le montant de leur intervention s’élevait à environ 1700 milliards
d’euros contre 700 milliards de dollars pour les Etats-Unis.

Par ailleurs, certains pays ont adopté des plans de relance de l’économie à travers
des politiques d’austérité qui consistaient à réduire les dépenses publiques.

4.2.3.4. Les risques liés aux politiques QE

Les QE présentent des risques qui peuvent affecter leur efficacité. En reposant sur
l’hypothèse que le défaut de monnaie dans le système économique affecte la
demande, peut s’avérer fausse car l’insuffisance de la demande peut provenir d’un
manque de confiance ou de la faiblesse du pouvoir d’achat en terme réel et non
nominal. Dans ce cas, les QE sont inopérant.

En outre, l’augmentation des réserves de banques ne signifie pas augmentation des


crédits dans la même proportion. De plus, il peut avoir un effet inflationniste si les
entreprises n’ont pas repris confiance et n’augmentent pas leur production.

Il y a aussi le risque d’une fuite de capitaux vers l’étranger si les taux d’intérêt sont
plus intéressant, ce qui peut entraver le passage de la sphère financière à la sphère
réelle. La monnaie créée peut ne pas servir à accroître les dépenses des biens et
services parce que les canaux de crédit alimentant les petites et moyennes
entreprises peuvent être obstrués. Enfin, les politiques QE réduisent certes le poids

  17  
de la dette nationale, mais elles érodent aussi l’épargne de tous ceux qui ont investi
dans cette monnaie.

Par ailleurs, la faiblesse des taux d’intérêt peut avoir des effets négatifs sur l’activité
économique. En effet, la baisse des taux d’intérêt par une banque centrale
individuelle peut stimuler les exportations mais collectivement cette approche peut
s’avérer inefficace parce qu’elle peut provoquer la chute du cours des actions
bancaires (Stephen S. Roach, 2017).

De plus, des taux d’intérêt bas et surtout négatifs rendent la détention de liquidités
coûteuse, ce qui incite les investisseurs à rechercher des placements plus risqués
présentant des rendements potentiels plus élevés.

Enfin, la faiblesse persistante des taux d’intérêt peut encourager l’épargne au lieu de
la consommation. Ceci peut affaiblir la demande et ralentir les perspectives de
croissance économique.

Compte tenu de ces risques, il est recommandé de recourir aux QE qu’à titre
exceptionnel. Mieux encore, si les interventions des Etats et des banques centrales
ont permis d’atténuer les effets de la crise à court terme, en vue de prévenir une
autre crise similaire, des reformes urgentes doivent être engagées.

4.2.4. Des reformes structurelles pour le long terme

La crise financière a conduit à reformer le système financier ; à redéfinir le cadre


d’intervention des banques centrales et à mettre en place une instance mondiale de
régulation.

1°) Mettre le système financier sous surveillance

La crise financière donne la nécessité aux Etats de mettre sous surveillance le


système financier en vue de protéger les consommateurs. Il s’agit entre autre du
contrôle des produits financiers et des institutions qui les émettent, du renforcement
du système financier en moyens, d’encadrer la rémunération des traders et de
renforcer la réglementation financière.

2°) Redéfinir le cadre d’intervention des banques centrales

Il s’agit aussi au niveau macroéconomique de redéfinir le cadre d’intervention des


banques centrales pour leur permettre d’assurer la stabilité financière. Ces dernières
n’avaient jusqu’ici comme instrument de régulation conventionnelle, les taux
d’intérêt.

3°) Mise en place d’une instance mondiale de régulation

La crise a aussi remis en cause un certains nombre de principes (le libre-échange,


principalement) sur lesquels reposaient les équilibres mondiaux. Elle a montré dans
le cadre de l’UE que la recherche de l’intérêt général doit passer avant les intérêts
nationaux. C’est dans ce sen que Stiglitz a fait remarquer que la main d’Adam Smith
est invisible parce qu’elle n’avait jamais existé. Autrement dit, la recherche de
l’intérêt privé n’aboutit pas nécessairement à l’intérêt collectif, d’où la nécessité
d’une coordination des décisions.

  18  
La crise ouvre enfin la réflexion sur une « nouvelle donne » c’est-à-dire une nouvelle
façon de produire, de vivre, etc. (Florida Richard, 2010) qui redessinerait les
contours d’une nouvelle économie.

4.3. Mise en perspective historique de la crise

Les crises de 2008-2010 et 1929 présentent quelques points de similitude. D’abord,


elles sont tous deux partir des Etats-Unis avant de s’étendre aux autres continents.
Ensuite la propagation a été rapide, savoir six mois pour la crise financière de 2008
et trois ans pour celle de 1929. Enfin, elles ont toutes deux affecté l’économie réelle
du fait de la raréfaction des crédit aux ménages et aux entreprises et la chute des
pouvoirs d’achat.

Les points de divergences entre les deux crises se trouvent dans les délais et les
modes de traitement des crises. En 1929, les autorités politiques ont longtemps
laissé faire le marché. Il a fallu attendre plus de quatre ans avant que le New Deal ne
soit mis en place par Franklin Roosevelt.

La connaissance et la compréhension de la crise de 1929 ont permis d’éviter les


erreurs du passé, ce qui a précipité les réponses et limité les conséquences
désastreuses pour l’économie.

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Bibliographie

Roach S. Stephen (2017) The Courage to Normalize Monetary Policy, [En ligne],
disponible sur le World Wide Web : https://www.project-
syndicate.org/commentary/faster-monetary-policy-normalization-by-stephen-s--
roach-2017-09, consulté le 14 novembre 2017.

Sloman J. et Wride A. (2013) Principe d’Economie Pearson France, Chapitre 25 : La


crise économique de 2008-2010, p.741-759.

Stiglitz J. (2016) L’euro : Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe,


Les Liens qui Libèrent, 503p.

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