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UNIVERSITE PELEFORO GON COULIBALY

(UPGC)

Support de cours/Licence 2 Economie

Politique Monétaire

Maxime Assi Tano, Docteur


d’Etudes Rurales en Economie,
Maître-Assistant

2022-2023

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Université Peleforo GON COULIBALY - DESCRIPTIF DE COURS 2019-2020

UE : Analyse économique
avancée Politique Monétaire

Ecue : Politique Monétaire

Volume CM : 20H
horaire/Crédits TD : 17H
3 crédits
Enseignants ASSI Tano Maxime,
Docteur d’Etudes Rurales en Economie,
UFR des Sciences Sociales / Département d’Economie
Maître assistant,
(00225) 78061322/40914468
tanass24@yahoo.fr
Lieu du cours UPGC
Langue Français
d’enseignement
Pré-requis Aucun
Intention Ce cours analyse l’effet de la politique monétaire sur l’activité
pédagogique économique
Plus précisément, il s’agit de :
1°) Présenter les instruments de la politique monétaire,
2°) Déterminer canaux de transmission de la politique
monétaire à l’activité économique
Compétences A l'issue de ce cours, l'étudiant devrait être capable:
- définir les objectifs de la politique monétaire et leurs
références théoriques
- de maîtriser les instruments de la politique monétaire
- maîtriser les canaux de transmission de la politique
monétaire sur l’activité économique
- maîtriser les réponses de la politique monétaire face à la
crise financière de 2008
Contenu Le cours magistral portera sur quatre chapitres :
d‘apprentissage Chapitre I : Référence théorique de la politique monétaire
Chapitre II : Instruments de politique monétaire et Efficacité
Chapitre III : Canaux de transmission de la politique monétaire
Chapitre IV : Politiques monétaires et crise financière
Activité - Devoirs (contrôle continu) / 40%
d’évaluation et - Examen de fin de session (contrôle terminal)/ 60%
pondération/
Matériels - Syllabus,
- présentations sur supports informatiques,
- notes de cours.
Public cible Etudiants en Formation continue ou initiale en Licence 2
Sciences Economiques

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Introduction

La politique monétaire est l'action par laquelle l'autorité monétaire, en général la banque
centrale, agit sur l'offre de monnaie dans le but de remplir son objectif de triple stabilité, à savoir
la stabilité des taux d'intérêts, la stabilité des taux de change et la stabilité des prix en vue de
favoriser la croissance. Il s’agit ici de permettre aux ménages de garder un pouvoir d'achat
décent et de ne pas dévaluer la monnaie. La politique monétaire englobe l'ensemble des moyens
dont disposent les autorités monétaires pour agir sur l'activité économique par l'intermédiaire de
la masse monétaire et des taux d'intérêt.

L’objet de ce cours est de présenter l’effet des politiques monétaires sur l’activité économique.
Pour ce faire, nous analyserons successivement, les théories relatives à la politique monétaire,
l’efficacité des politiques monétaires, les canaux de transmission à l’activité économique et les
réponses des banques centrales (via les politiques monétaires) à la crise financière de 2008-
2010.

Chapitre I : Objectifs et références théoriques de la politique monétaire

Chapitre II : Instruments de politique monétaire et Efficacité

Chapitre III : Canaux de transmission de la politique monétaire

Chapitre IV : Politiques monétaires et crise financière

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Chapitre I : Objectifs et références théoriques de la politique monétaire

Les objectifs de la politique monétaire comprennent les objectifs généraux ou finaux et les
objectifs intermédiaires. Il s’agira ici de les présenter ainsi que les justifications économiques
théoriques qui les soutiennent dans le cas de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO).

I- Les objectifs de la politique monétaire

1.1. Les objectifs généraux de la politique monétaire

Les objectifs de la politique monétaire sont ceux de toute politique économique (croissance
économique, stabilité des prix, plein emploi et équilibre des échanges extérieurs). La réalisation
simultanée de ces quatre objectifs est représentée par ce qu'on a appelé le « carré magique» de
l'économiste britannique Kaldor.

Ce carré représente un idéal à atteindre, mais il peut exister des conflits d'objectifs. Par exemple,
une politique de relance de la croissance, afin de parvenir à des créations d'emploi peut induire
une hausse des prix, si l'offre de biens et services ne s'adapte pas instantanément à la demande.
Par conséquent, les autorités peuvent privilégier un ou plusieurs objectifs.

C'est ainsi qu'il existe une controverse entre keynésiens et monétaristes pour déterminer si
l'objectif le plus important de la politique monétaire est la croissance du revenu national ou la
maîtrise de l'inflation. Pour les représentants du monétarisme, la seule cause de l'inflation est la
hausse inconsidérée de la masse monétaire dans l'économie, dont l'évolution, supérieure à celle
du revenu national, a pour conséquence immédiate la hausse des prix. Cet accroissement indu
de la quantité de monnaie est néfaste pour la croissance parce qu'il oblige à lutter contre
l'inflation en ralentissant l'activité économique. Pour les keynésiens, en revanche, la cause de
l'inflation n'est pas nécessairement monétaire et une hausse importante de la quantité de
monnaie ne produit pas automatiquement de l'inflation. Elle peut contribuer à créer du pouvoir
d'achat supplémentaire dans une économie où les capacités de production sont en partie
inemployées pour cause de chômage et de faible augmentation des revenus.

La politique monétaire de la BCEAO a pour principal objectif de faire en sorte que l'économie
dispose des liquidités nécessaires à son fonctionnement et à sa croissance tout en contrôlant
l'inflation. Elle s'était fixée essentiellement trois objectifs principaux, d'abord d'augmenter la
croissance économique, ensuite de maîtriser l'inflation et enfin de défendre la valeur interne et
externe de la monnaie. Conformément à l'article 12 du Traité de l'UEMOA, le Conseil des
Ministres des Finances de l'Union « définit la politique monétaire et de crédit afin d'assurer la
sauvegarde de la monnaie commune et de pourvoir au financement de l'activité et du

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développement économique des États de l'Union ». Cependant depuis les années 1980 on a
assisté à un recentrage de la politique monétaire sur le seul objectif de stabilité des prix. La
stabilité des prix doit être maintenue sur le moyen terme, ce qui permet à la BCEAO de tenir
compte d'une possible forte volatilité des prix à court terme.

1.2. Les objectifs intermédiaires de la politique monétaire

Afin d'atteindre l'objectif de la stabilité des prix en matière de politique monétaire, les autorités
de la BCEAO définissent des objectifs intermédiaires. Elles les définissent parce qu'il leur est
impossible d'agir directement sur l'objectif final c'est-à-dire la stabilité des prix. Les objectifs
intermédiaires représentent une interface entre l'objectif final de la stabilité des prix et les
instruments de la politique monétaire.

Les objectifs intermédiaires sont donc les variables monétaires à travers lesquelles les autorités
monétaires cherchent à atteindre les objectifs finals. On peut citer le taux de croissance de
l'agrégat M2, le niveau des taux d'intérêt et le taux de change.

Les objectifs intermédiaires ou objectifs de moyen terme ont la triple qualité d'être contrôlables,
mesurables par les Instituts d'Emission, et d'avoir un impact prévisible sur les évolutions de la
stabilité des prix.

- Ce sont des variables sur lesquels les autorités monétaires peuvent agir à l'aide des
instruments dont elles disposent. Ce sont donc des variables qu'elles sont susceptibles de
contrôler. Rien ne servirait en effet de définir des objectifs intermédiaires sur lesquels les
autorités monétaires ne pourraient agir.

- Ce sont des variables mesurables rapidement permettant ainsi d'évaluer les résultats de la
politique menée par la BCEAü et éventuellement de la réajuster.

- Ce sont des variables dont on suppose qu'elles sont censées permettre la réalisation de
l'objectif de la stabilité des prix .En effet, rien ne sert de définir des objectifs intermédiaires afin
d'atteindre l'objectif final si aucune relation n'existe entre ces deux catégories d'objectifs.

II- Les références théoriques

2.1. La politique monétaire keynésienne

Selon les keynésiens (John Maynard Keynes (1883-1946) est le chez de file), la politique
monétaire est "fille de la politique budgétaire" puisque sa principale mission est d'accompagner
cette dernière dans le réglage fin de la conjoncture dérivé de la grille de lecture IS-LM.

Pour eux, la politique monétaire se présente comme une politique active d’utilisation de
l’instrument monétaire dans le but de favoriser la croissance économique et de lutter contre le
chômage. Elle a également pour mission de corriger les déséquilibres extérieurs.

La politique monétaire keynésienne se fixe comme objectif final l'arbitrage entre inflation et
chômage et retient comme objectif intermédiaire les taux d'intérêt : lorsque l'économie est en
surchauffe, une politique monétaire restrictive, en augmentant le taux d'intérêt, permet de
combattre les tensions inflationnistes. À l'inverse, en période de hausse du chômage, une
politique monétaire expansionniste avec une diminution des taux d'intérêt doit permettre de
relancer l'activité et l'investissement.

Ainsi, la stabilité des prix n'est pas une priorité affichée car il existerait d'un arbitrage inflation-
chômage à court-moyen terme issu des premières lectures de la courbe de Phillips. Keynes réfute
la théorie quantitative de la monnaie et indique que l'accroissement de la quantité de monnaie
ne produit absolument aucun effet sur les prix tant qu'il reste du chômage.
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La théorie keynésienne de la politique monétaire se base sur l'hypothèse que la monnaie à court
terme n'est pas neutre. Pour Keynes et ses disciples la politique monétaire est un instrument de
politique conjoncturelle. On parle à ce propos de « policy mix ».

2.2. La politique monétaire monétariste

Selon les monétariste (Milton Friedman (1912-2006) est le chef de file), la politique monétaire est
plutôt passive. Elle vise avant tout à combattre l’inflation et non pas à relancer l’activité
économique. Le mal est donc l'inflation qu’ils présentent comme un phénomène d'origine
monétaire.

Selon les monétaristes, si l’on essaie de faire descendre le taux de chômage au-dessous d’un
seuil critique, qu’ils appellent taux naturel, et qu’on le maintient dans cette position, il y aura
une croissance continuelle de l’inflation (Friedman, 1968, 1977 ; Edmund Phelps, 1968). Selon
cette thèse, les banquiers centraux n’avaient pas à effectuer d’arbitrage entre chômage et
inflation. Leur tâche consistait simplement à maintenir le chômage à son niveau naturel.

Le meilleur moyen de lutter contre l'inflation consiste à agir sur la création monétaire. Il convient
de mesurer et de contrôler un agrégat monétaire, et de se tenir à un comportement prédéfini,
prévisible. Ainsi, la masse monétaire doit progresser au même rythme que la production (ceci
renvoie à la neutralité de la monnaie) et la politique monétaire ne doit pas servir à relancer la
croissance.

Les monétaristes défendent quelques principes que nous pouvons résumer par les points
suivants :

1°) l’offre de monnaie est déterminée par la banque centrale (elle est donc exogène au système
économique). Les banques centrales doivent rester indépendantes des états ;

2°) la demande de monnaie est stable ;

3°) l’inflation est toujours un phénomène monétaire. Cela signifie qu’une augmentation trop
rapide de la masse monétaire augmente les moyens de paiement qui sont mis en circulation et
donc favorise la hausse des prix, l’inflation. La lutte contre l’inflation doit primer la lutte contre
le chômage ;

4°) Il existe un taux de chômage en-dessous duquel on ne peut pas descendre ;

5°) les politiques conjoncturelles de relance ou de rigueur sont inutiles et il préconise des règles
de croissance fixe pour la masse monétaire. Il suppose que les agents économiques s’adaptent en
fonction des situations.

1.3. Consensus autour des objectifs de la politique monétaire

Il existe aujourd'hui un large consensus entre les banquiers centraux et entre les économistes
concernant les coûts de l'inflation et les avantages de la stabilité des prix. En effet, les
conceptions keynésienne et monétariste de la politique monétaire ont convergé vers une
troisième qui avait été décrite par Jacques Rueff dans L'Ordre social (1945) : la politique
monétaire est un instrument efficace qui consiste à doser avec précision l'offre de monnaie pour
répondre à la demande en évitant les écueils de l'inflation et de la déflation.

Pour atteindre l'objectif de stabilité des prix (objectif final) et les objectifs intermédiaires qu'elle
s'est fixée, la BCEAO a recours à différents instruments.

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Chapitre II : Instruments de politique monétaire et Efficacité

Ces instruments sont des procédés d'action sur les variables monétaires. Les instruments de la
politique monétaire sont les outils dont dispose la banque centrale pour orienter le niveau des
agrégats monétaires ou des taux d'intérêt (objectifs intermédiaires), afin d'influencer l'évolution
des prix ou de l'activité économique. On distingue traditionnellement les instruments directs et
les instruments indirects.

Les instruments directs font référence aux règles établies par l'Autorité monétaire, qui affectent
directement les taux d'intérêt ou le volume du crédit (plafonds sur les taux d'intérêt nominaux,
contrôles quantitatifs et/ou allocation sélective du crédit. Cette politique consistant à imposer
des restrictions sur l'activité des banques commerciales, tout en maintenant les taux réels
faibles, a été désignée sous le terme de répression financière (McKinnon, 1973). Elle a le plus
souvent généré des inefficacités sévères, entravant le développement de l'intermédiation
financière et, partant, celui de l'investissement et de l'épargne

Les instruments indirects se rapportent aux opérations d'open market, aux facilités de
refinancement et de réescompte de la banque centrale ainsi qu'aux réserves obligatoires. Ils sont
censés affecter l'ensemble des conditions monétaires et de crédit par l'intermédiaire des
variations de l'offre et de la demande de liquidités. Leur utilisation confère une plus grande
flexibilité à la conduite de la politique monétaire.

2.1. Les instruments de la politique monétaire

Les autorités monétaires disposent d’un ensemble d’instruments pour réguler la quantité de
monnaie disponible dans l’économie. Il s’agit du réescompte, des pensions, de l’open-market, des
réserves obligatoires, la politique des changes.

2.1.1. Le réescompte

La politique du réescompte est une opération qui consiste, pour une banque centrale, à acheter
un effet avant son échéance à une banque ou à un organisme financier qui l'a déjà escompté, en
remettant le montant de la créance, déduction faite du taux d'escompte officiel, appelé taux
de réescompte et fixé par la banque centrale. Il s’agit donc pour la banque de se fournir en
liquidités en précédant à la cession d'effets qu'elle détient à une banque centrale. C’est un
refinancement contrôlé des banques auprès de la banque centrale. Etant considéré comme
rigide, la politique de réescompte a été abandonnée par la plupart des pays et remplacée par un
système de mise en pension. Le refinancement désigne des opérations effectuées par les banques
qui ont un besoin de liquidités. Soit elles s’en procurent auprès de la banque centrale, soit elles
se portent demandeuses de monnaie sur le marché monétaire en échange de titre.

2.1.2. Les pensions de titres

Les pensions de titres représentent une des techniques les plus utilisées par la banque centrale
dans leurs interventions. La mise en pension consiste en ce que les banques qui ont des besoins
de liquidité cèdent des titres avec engagement de rachat à un terme déterminé, à la banque
centrale qui, en contrepartie, leur accorde des liquidités. Il s’agit généralement d’opération de
court terme dont les durées vont d'un jour à un an. Au niveau européen, la prise en pension de
la banque centrale européenne à une durée de deux semaines.

Les pensions de titres permettent à la banque centrale d'influer sur le niveau des liquidités dans
le système financier et d'approvisionner l'économie en liquidités. Selon les besoins de la politique
monétaire et la situation en matière de liquidités sur le marché monétaire, la banque centrale
conclut des pensions de titres destinées soit à injecter, soit à résorber des liquidités. Dans le
premier cas, elle achète des titres à une contrepartie et crédite la somme correspondante en
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francs sur le compte de virement de cette dernière à la banque centrale. Parallèlement, la banque
centrale convient avec la contrepartie qu'elle lui revendra à l'échéance une quantité équivalente
de titres de même catégorie. L'établissement concerné verse un intérêt (taux des pensions de
titres) à la banque centrale pour ce crédit en francs d'une durée limitée couvert par des titres.
Les pensions de titres visant à résorber des liquidités (reverse repo) fonctionnent dans le sens
inverse : la banque centrale vend des titres à l'établissement et lui débite la somme
correspondante de son compte de virement. Parallèlement, il est convenu qu'elle rachètera les
titres à l'échéance. Pour la durée de l'opération, la banque centrale verse à la contrepartie un
intérêt (taux des pensions de titres). Les banques concluent également des pensions de titres
entre elles selon ce même principe (marché interbancaire gagé) afin d'optimiser leur gestion des
liquidités.

2.1.3. L’open-market

Il s’agit d’intervention directe de la banque centrale sur le marché monétaire. La politique


d’open-market consiste en ce que la banque centrale se présente sur le marché monétaire
comme un agent financier ordinaire qui achète et vend des titres. Si elle veut augmenter la
liquidité par exemple, elle se portera acheteuse de titres, ce qui aura pour effet d’en faire monter
le cours et de baisser le taux d’intérêt. Ainsi, un achat de titre se traduit par un versement
d’espèce qui vient alimenter le compte d’une banque. En revanche, une vente de titre se traduit
par une destruction de monnaie centrale.

2.1.4 Les réserves obligatoires

La politique de réserves obligatoire est très rigide. Elle consiste à imposer aux banques de
constituer des réserves liquides auprès de la banque centrale. En général cette politique est
utilisée plutôt comme base structurelle de la politique monétaire. Elle se détermine dans des
perspectives de plus long terme.

2.1.5. La politique des changes

La politique de change représente l'action des pouvoirs publics visant à modifier le taux de
change de la monnaie nationale vis-à-vis des autres monnaies. C’est la banque centrale qui
déteint et gère les réserves de change du pays ou de la zone monétaire en or ou en devises. Alors
qu'autrefois la politique de change avait pour but de rétablir l'équilibre commercial, elle est
utilisée aujourd'hui pour lutter contre l'inflation. La mise en œuvre de la politique de change
peut se traduire par une politique de dévaluation/dépréciation ou la réévaluation/appréciation.

Une dévaluation est un terme employé quand la monnaie à un cours fixe (système de change
fixe), que ce soit par rapport à un métal (l’or, l’argent, voire les deux) ou par rapport à une
monnaie (la Livre Sterling, le Dollar, etc.). La parité est garantie par l’État, qui s’engage à
échanger une certaine quantité de sa monnaie contre une certaine quantité de la référence, soit
métallique soit d’une autre monnaie, à un taux de change donné. On dit qu’il y
a dévaluation quand ce taux est administrativement baissé. Il s’agit donc d’une décision officielle
des autorités monétaires consistant à diminuer la valeur de la monnaie nationale par rapport à
un étalon de référence (or, une autre monnaie, etc.).

Ainsi, après une dévaluation, il est nécessaire de fournir davantage de monnaie nationale pour
obtenir la même devise étrangère qu’auparavant. Il est donc plus coûteux d’acheter à l’étranger.
Inversement, les étrangers trouvent le territoire national meilleur marché (favorable au tourisme,
favorable aux exportations, etc.).

La dépréciation d'une monnaie (sur le plan externe) doit être distinguée de la dévaluation. Dans
un système monétaire international où les changes ne sont pas fixes, c'est-à-dire lorsque les
banques centrales ne sont pas obligées d'assurer la stabilité de leur propre monnaie par rapport
à d'autres devises, les taux de change fluctuent librement sur le marché des changes. La

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dépréciation correspond alors à la diminution de la valeur d'une monnaie par rapport à une ou
plusieurs autres devises. Une dépréciation (ou, à l'inverse, une appréciation) peut être un
processus très lent, à l'inverse d'une dévaluation qui est une modification brutale et officielle de
la valeur d'une monnaie.

Ainsi, la dépréciation est la baisse du taux de change d’une monnaie constatée sur un marché
des changes en l’absence d’intervention directe de l’État ou de la Banque Centrale pour en fixer
le cours.

Cependant, la politique de dévaluation présente un effet important et néfaste pour l’économie, à


savoir qu’elle favorise l'inflation. Avec l'incompressibilité de certaines importations, si
nécessaires que leur demande ne diminue pas alors que leurs prix augmentent après une
dévaluation (énergie, matières premières, machines), se produit un accroissement des prix
intérieurs (inflation importée). Les coûts de production des entreprises s'élèvent alors, ce qui
contribue à l'augmentation générale des prix et annule les effets bénéfiques de la dévaluation.

2.2. Condition d’efficacité et limites de la politique monétaire

L’efficacité de la politique monétaire peut s’analyser en fonction de la sensibilité de la demande


de monnaie au taux d’intérêt.

2.2.1. Condition d’efficacité de la politique monétaire

La politique monétaire est efficace si la demande de monnaie est peu élastique au taux d'intérêt
et s'il existe une forte élasticité de l'investissement au taux d'intérêt. Si la demande de monnaie
est très élastique au taux d'intérêt, une baisse de celui-ci se traduira par une hausse de la
détention monétaire qui n'aura pas d'impact sur l'activité économique. Si les entreprises
autofinancent leurs investissements, elles ne sont pas contraintes directement par une hausse
des taux.

L'efficacité d'une politique monétaire dépend donc de la réalisation de deux conditions :


l'accroissement de l'offre de monnaie et la baisse des taux d'intérêt.

- l'accroissement de l'offre de monnaie doit conduire à une baisse du taux d'intérêt ; or cette
condition n'est pas toujours vérifiée en particulier dans les situations de trappe à liquidité. Il
s’agit d’une situation où le taux d’intérêt est à son niveau plancher (le plus bas possible) et ne
plus baisser. A ce taux, la demande de monnaie est parfaitement (infiniment) élastique par
rapport au taux d’intérêt : les agents pensent alors tous que le taux va augmenter, et leur
préférence pour la liquidité est alors absolue. Une politique monétaire de baisse du taux d'intérêt
est alors totalement inefficace dans le cadre d'une relance.

- la baisse des taux d'intérêt doit se traduire par une reprise de l'investissement.

2.2.2. Les limites de la politique monétaire

De nombreuses critiques ont été adressées à la politique monétaire. Certains portent sur les
problèmes que pose la politique monétaire unique dans le cas de pays hétérogènes et d'autres
portent sur les objectifs finaux et intermédiaires aujourd'hui privilégiés par la BCEAO. Malgré la
politique monétaire actuelle et son objectif d'inflation à 3% la zone UEMOA est encore composée
de pays économiquement hétérogène.

L'objectif final de stabilité des prix de la BCEAO peut en effet engendrer des problèmes dans
certains pays de l'union en raison des différentiels d'inflation. En effet, un taux d'inflation plus
élevé dans un ou plus plusieurs pays conduit à une élévation de l'Indice des prix à la
consommation harmonisé dans l'ensemble de la zone.

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Dés lors, si cette élévation perdure et si la BCEAO suit son objectif, elle doit élever ses taux.
L'élévation des taux renchérit les investissements et la consommation dans toute la zone, y
compris dans les pays dans lesquels l'inflation est très faible, ce qui pèse sur leur croissance
dans un contexte où la politique budgétaire est aussi contrainte. Par ailleurs, l'existence de taux
d'inflation différents dans les pays de la zone UEMOA alors que les taux d'intérêt sont identiques
se traduit de fait par des taux réels plus faibles dans les pays à plus forts taux d'inflation et
inversement. Les bons résultats en matière d'inflation sont alors pénalisés et les mauvais
récompensés.

2.2.3. Mise en œuvre de la politique monétaire

La politique monétaire est délicate à mettre en œuvre : une action par trop expansionniste peut
se traduire par une perte de crédibilité auprès des marchés et par un relèvement des
anticipations d'inflation, tandis qu'une action par trop restrictive sera accusée de brimer la
croissance et l'emploi.

Autant que la "dose", le délais" pose aussi problème. L’ajustement de l’économie ne s’effectue pas
de manière instantanée. En effet, il existe un décalage entre la mise en œuvre des politiques (le
temps pour elles de se propager : et les conditions réelles de l’économie. S'agissant du PIB par
exemple, il faut attendre avril pour connaître les chiffres à peu près définitifs du dernier
trimestre de l'année précédente (c'est encore pire pour les pays sous-développés). Dans ces
conditions, le risque est grand de multiplier les erreurs.

Ainsi, une politique qui se veut contra-cyclique peut in fine s'avérer procyclique (c'est-à-dire
qu'elle va amplifier les fluctuations économiques plutôt que les réduire) soit parce qu'une
politique accommodante aura été décidée au moment où l'économie a déjà touché le fond et
s'apprêtait à repartir d'elle-même, soit parce qu'une politique restrictive aura été entreprise en
haut du cycle à un moment où l'activité entamait toute seule le début d'une chute. Autrement
dit, selon Friedman, si les cycles d'activité sont courts et que les délais d'efficacité de la politique
monétaire sont longs alors une politique monétaire contra-cyclique risque de se retrouver pro-
cyclique.

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Chapitre III : Canaux de transmission de la politique monétaire

Comment les modifications de taux d’intérêt directeurs décidées par les autorités monétaires
affectent-elles l’ensemble du secteur financier et du secteur réel de l’économie ?

Le schéma de base : instrument(s) objectif(s) intermédiaire(s) / cible(s) ou pilier(s)  objectif(s)


final(s), ne peut se réaliser sans l’existence de canaux de transmission représentés par les
flèches.

Ces canaux constituent des liens spécifiques par lesquels les impulsions de la politique
monétaire se répercutent sur l’activité économique et, plus particulièrement, sur le niveau des
prix. La littérature théorique identifie trois canaux essentiels de la politique monétaire : le canal
du taux d’intérêt ou canal monétaire, le canal du crédit et le canal des prix d’autres actifs.

Le canal du crédit met en avant l’offre de crédit des banques alors que le canal du taux porte sur
la demande de monnaie des agents non financiers.

3.1. Le canal du taux d’intérêt ou canal monétaire

Dans le cadre du canal du taux (ou canal monétaire), le rôle des banques se limite à la création
de monnaie. L’offre de monnaie est proportionnelle à la base monétaire. Les variations de taux
entraînent des substitutions au sein des portefeuilles d’actifs (monnaie et titres) détenus par les
agents non financiers. Ainsi, les interventions de politique monétaire modifient les conditions
monétaires et s’observent par l’intermédiaire du passif du bilan des banques. L’actif du bilan des
banques n’intervient pas dans l’analyse. Il n’existe d’ailleurs pas de différences entre les titres et
les crédits pour le financement de l’activité économique.

Les effets des modifications de taux d’intérêt directeurs sont généralement étudiés dans le cadre
d’une analyse des comportements de dépenses des agents (ménages, entreprises et Etat) :
dépenses de consommation et d’investissement.

3.1.1. Effet sur la consommation et l’épargne

Dans une perspective de court terme et en supposant une baisse non anticipée des taux
d’intérêt, trois effets peuvent être mis en évidence sur les comportements de dépenses des
ménages :

1°) L’effet de substitution : les modifications de taux d’intérêt conduisent les agents à revoir
l’arbitrage entre consommation immédiate et épargne. Une baisse de taux rend l’épargne moins
attractive et incite à consommer aujourd’hui. Dans ce cas, la valeur de la consommation future
diminue.

2°) L’effet de revenu : une baisse de taux entraîne une hausse de la valeur actualisée des
dépenses de consommation anticipées pour des périodes futures. Dès lors, la consommation
future est plus coûteuse, toutes choses égales par ailleurs. Les ménages préfèrent par
conséquent épargner davantage et réduire leur consommation immédiate pour faire face à cette
situation.

3°) L’effet de richesse : une baisse de taux d’intérêt entraîne une hausse de la valeur actualisée
des revenu futurs des ménages. Cette augmentation s’applique au capital humain, au capital
physique et au capital financier.

3.1.2. Effet sur l’investissement

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En ce qui concerne les effets sur l’investissement, une baisse de taux implique une hausse de
l’investissement qui se produit à travers deux effets.

1°) Une baisse de taux entraîne une baisse du coût d’usage du capital et donc une augmentation
de la profitabilité de la production et une offre supérieure de biens.

2°) une substitution du capital au travail.

Le canal du taux d’intérêt est le principal mécanisme de transmission de la politique monétaire


dans le modèle keynésien de base IS-LM, qui sert de référence dans l’enseignement de la macro-
économie. La conception keynésienne IS-LM traditionnelle du mécanisme de transmission de la
politique monétaire peut se résumer par le schéma suivant, qui illustre les effets d’une
expansion monétaire : M↑ ⇒ ir↓ ⇒ I↑ ⇒ Y↑ où M↑ indique la conduite d’une politique monétaire
expansionniste, qui aboutit à une baisse des taux d’intérêt réels (ir↓) ; celle-ci réduit le coût du
capital, ce qui entraîne une augmentation des dépenses d’investissement (I↑) et, par là-même, un
accroissement de la demande globale et de la production (Y↑).

Pour Keynes, le taux d’intérêt agit principalement par l’intermédiaire des décisions des
entreprises en matière de dépenses d’investissement. Les décisions d’investissement concernent
l’investissement en logement et l’acquisition de biens de consommation durables des ménages.
Par conséquent, le schéma présenté ci-dessus s’applique tout aussi bien à certaines dépenses
des consommateurs, I représentant alors les dépenses relatives au logement et à l’achat de biens
de consommation durables.

Une caractéristique importante du canal du taux d’intérêt est l’accent qu’il met sur le taux
d’intérêt réel plutôt que nominal, comme étant celui qui affecte les décisions des consommateurs
et des entreprises. En outre, c’est le taux d’intérêt réel à long terme, et non à court terme, qui est
souvent considéré comme ayant une incidence majeure sur les dépenses.

Comment se fait-il que des modifications du taux d’intérêt nominal à court terme induites par
une banque centrale entraînent une variation correspondante du taux d’intérêt réel à court et à
long terme ? Cela s’explique par la rigidité des prix, de sorte qu’une politique monétaire
expansionniste qui abaisse le taux d’intérêt nominal à court terme réduit également le taux
d’intérêt réel à court terme et à long terme.

Ce fléchissement des taux d’intérêt réels aboutit ensuite à une hausse de l’investissement en
capital fixe des entreprises, de l’investissement en logements, des dépenses de biens de
consommation durables et de formation des stocks, le tout provoquant une augmentation de la
production globale.

L’incidence du taux d’intérêt sur les dépenses de consommation et d’investissement en fait un


puissant mécanisme de transmission de la politique monétaire selon Taylor (1995). Cependant,
de nombreux chercheurs, parmi lesquels Bernanke et Gertler (1995) mettent les taux d’intérêt
comme mécanisme de transmission de la politique monétaire. Cela a d’ailleurs encouragé la
recherche d’autres mécanismes, notamment le canal du crédit.

3.2. Le canal du crédit

Dans le cadre du canal du crédit, les banques jouent un rôle déterminant dans le processus de
financement par l’intermédiaire de l’octroi de crédits. Désormais, le système bancaire n’est plus
neutre dans la transmission de la politique monétaire. L’actif et le passif du bilan des banques
doivent être considérés de façon symétrique. En cas de durcissement de la politique monétaire,
les banques vont ajuster leurs conditions débitrices : augmentation du taux des nouveaux
crédits et/ou une diminution des crédits offerts. De plus, les crédits bancaires ne sont pas
parfaitement substituables aux émissions de titres pour financer les projets d’investissement.
Cette substituabilité imparfaite résulte des imperfections constatées sur le marché du crédit. En

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effet, les emprunteurs disposent d’une meilleure information que les prêteurs sur les
caractéristiques de leurs projets d’investissement et sur leurs situations financières (asymétrie
d’information : problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité). Les prêts bancaires sont
considérés comme spécifiques puisqu’ils constituent la principale source de financement en cas
d’asymétrie d’informations. Les agents économiques les plus fréquemment touchés sont les
ménages et les petites et moyennes entreprises.

Comme la probabilité de non-remboursement des prêteurs se trouve par là même renforcée, la


dégradation de la situation nette des emprunteurs (entreprise, notamment) aboutit à une
diminution des prêts et donc des dépenses d’investissement.

La politique monétaire est susceptible d’affecter les bilans des entreprises de plusieurs manières.
Une politique monétaire expansionniste (M↑), qui entraîne une hausse des cours des actions
(Pe↑) du fait de la baisse du taux d’intérêt, renforce la situation nette des entreprises et aboutit
donc à une augmentation des dépenses d’investissement (I↑) et de la demande globale (Y↑),
puisque les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité sont atténués. On en déduit
donc le schéma suivant, pour un canal de transmission de la politique monétaire par le bilan :
M↑ ⇒ Pe↑ ⇒ sélection adverse↓ et aléa de moralité↓ ⇒ prêts↑ ⇒ I↑ ⇒ Y↑.

Une politique monétaire expansionniste, qui suscite une baisse des taux d’intérêt, entraîne
également une amélioration des bilans des entreprises car elle accroît leur revenu d’exploitation,
réduisant par là même les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité. On en déduit le
schéma suivant, pour un canal de bilan supplémentaire : M↑ ⇒ i↓ ⇒ trésorerie↑ ⇒ sélection
adverse↓ et aléa de moralité↓ ⇒ prêts↑ ⇒ I↑ ⇒ Y↑

La transmission à la sphère réelle s’opère par les variations de l’offre de crédit. L’action
monétaire aura des effets sur les décisions d’investissement.

3.3. Le canal des prix d’autres actifs : le canal du taux de change

Pour les monétaristes, l’analyse des effets de la politique monétaire sur l’économie ne concerne
par seulement le prix d’un seul actif, à savoir le taux d’intérêt, mais aussi le prix de plusieurs
actifs telles que les devises (les taux de change) et les actions qui sont aussi essentielles dans le
mécanisme de transmission de la politique monétaire.

Compte tenu de l’internationalisation croissante des économies, et du passage aux taux de


change flexibles, la transmission de la politique monétaire peut se faire à travers l’influence des
taux de change sur les exportations nettes.

Ce canal fait également intervenir les effets du taux d’intérêt. En effet, la baisse des taux
d’intérêt réels nationaux réduit l’attrait des dépôts nationaux en dollars par rapport aux dépôts
libellés en monnaies étrangères, ce qui entraîne une chute de la valeur des dépôts en dollars par
rapport aux dépôts en devises, c’est-à-dire une dépréciation de la monnaie nationale (figurée par
E↓). La dépréciation de la monnaie nationale abaisse le prix des biens nationaux par rapport aux
biens étrangers, ce qui se traduit par une augmentation des exportations nettes (NX↑) et donc de
la production globale. Par conséquent, le schéma du mécanisme de transmission de la politique
monétaire par le canal du taux de change est le suivant : M↑ ⇒ir↓ ⇒E↓ ⇒NX↑ ⇒Y↑. Ce canal de
transmission de la politique monétaire a été mis en évidence par Bryant, Hooper et Mann (1993)
et de Taylor (1993).

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Chapitre IV : Politiques monétaires et crise financière

Une crise financière se définit comme une perturbation affectant les marchés financiers, qui
aggrave sensiblement les problèmes d’asymétrie d’information, de sorte que ces marchés ne sont
plus capables d’orienter efficacement les fonds vers les agents dont les projets d’investissement
sont les plus rentables. Il s’ensuit une forte contraction de l’activité économique.

4.1. Effets des politiques monétaire de rigueur sur les crises financières

Une politique de rigueur monétaire (restriction monétaire) peut jouer un rôle important dans le
déclenchement de crises financières. La théorie des crises financières liée à l’asymétrie
d’information exposée par Bernanke (1983) et Mishkin (1991, 1994) présente au moins cinq
facteurs susceptibles de favoriser l’apparition des crises financières : la hausse des taux
d’intérêt, la baisse de la Bourse, le déclin non anticipé du niveau des prix, la montée de
l’incertitude et les paniques bancaires.

Une contraction de la masse monétaire, qui induit une hausse des taux d’intérêt, accentue le
phénomène de sélection adverse car les agents économiques disposés à prendre des risques plus
importants, et donc à payer un taux d’intérêt plus élevé, sont aussi les plus désireux d’obtenir
des prêts. En outre, la hausse des taux d’intérêt, qui réduit la capacité de financement des
entreprises, affecte leur situation financière, ce qui aggrave les problèmes d’aléa de moralité et de
sélection adverse et n’incite guère les marchés à leur prêter des fonds. Une contraction de la
masse monétaire entraîne également un recul des cours des actions, qui dégrade la situation
nette des entreprises et renforce, là encore, les problèmes de sélection adverse et d’aléa de
moralité sur les marchés de crédit. Par ailleurs, elle peut également entraîner un recul non
anticipé du niveau des prix qui, étant donné que la dette est libellée en termes nominaux,
aboutit, comme l’a démontré Fisher (1933), à un scénario de déflation par la dette dans lequel la
dégradation de la situation nette des entreprises accentue les problèmes de sélection adverse et
d’aléa de moralité.

4.2. Cas de la crise financière de 2008-2010

En 2006, l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis suivi de la faillite de Lehman


Brothers, une banque d’affaires américaine précipite le pays dans une crise financière. La crise
financière est devenue crise économique et a ébranlé tout le système financier et économique
dans un contexte de mondialisation. Quelles en sont les causes ? Quelles en sont les
conséquences économiques et enfin quelles réponses face à cette récession ?

4.2.1. Les causes de la crise

L’origine de la crise se trouve aux Etats-Unis. La crise a été précédée, jusqu’en 2006, d’une
longue période d’euphorie marquée par l’accroissement rapide et massif du crédit. Cela a
entraîné une dynamique d’achat et une hausse des actifs immobiliers. A partir de 2007, les
premiers signes de la crise apparaissent. La crise résulte pour l’essentiel du non respect des
procédures traditionnelles d’octroi de crédit. Au moins quatre raisons permettent d’expliquer la
crise. Il s’agit des défauts de paiement sur les subprimes ; la titrisation des subprimes, la
dégradation de leur valeur et la propagation de la crise du fait de la globalisation économique.

1°) Les défauts de paiement sur les subprimes

Les subprimes sont des crédits hypothécaires destinés à diluer et à transférer les risques du
crédit à des organismes financiers appelés helges funds. Les subprimes ont permis aux ménages
modestes d’’accéder à la propriété. En septembre 2008, Lehman Brothers, une banque d’affaires
américaine a perdu 73 % de sa capitalisation boursière. La crise est marquée par l’accroissement
des défauts de paiement sur les crédits hypothécaires, par une limitation des possibilités de

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crédit aux ménages et aux entreprises, une augmentation du taux interbancaire, une chute du
cours des actions et une crise de confiance généralisée. La crise financière devient donc une
crise économique dès lors que les ménages et les entreprises voient diminuer leur possibilité de
crédit.

2°) La titrisation des subprimes

Certaines de ce qu’elles ne supporteront point de risque, les banques ont privilégié la « quantité »
au détriment de la « qualité » en faisant fi de la capacité des emprunteurs à rembourser. En effet,
la titrisation des crédits hypothécaires leur donnaient d’être protégées par la dilution des risques
induite par le système des dérivés de crédit. Le système des dérivés de crédits est composé de
deux produits : les Collateralised Obligation Debt (COD) et les Credit Default Swaps (CDS).

Les COD sont des sortes de packages de dettes que les grandes banques revendent à des fonds
de pension appelés aussi hedge Funds. Ce sont ces structures qui prennent à la place des
banques le risque associé au prêt en échange d’intérêt fourni par le package. L’accroissement
des risques de défaut a fait baisser la valeur des créances titrisées ce qui a conduit les hedge
funds à la faillite.

Quant au CDS, ils sont des sortes d’assurances contre une défaillance de l’emprunteur. En cas
de défaut de paiement, un CDS peut fournit à son détenteur un versement égal à la perte qu’il
aurait subie s’il ne s’était pas assuré. Le vendeur de CDS s’engage à rembourser à la place de
l’emprunteur en échange d’une prime variant en fonction du marché et de la qualité de
l’emprunteur.

3°) La dégradation de la valeur des crédits hypothécaires

Les agences de notation telles que Moody’s, Fitch, etc., qui initialement avaient considéré les
subprimes comme des prêts bien diversifiés et peu risqués leur accordaient de bonnes notes
(AAA). Ce qui a conduit à la vente massive de ces produits. Mais la détérioration de la valeur des
titres a amené les agences de notation a abaissé leur note, aggravant ainsi l’illiquidité des titres
et la détérioration de leur valeur.

4°) La propagation de la crise du fait de la globalisation économique

Hormis les aspects microéconomiques et financiers de la crise, d’autres facteurs


macroéconomiques sont à la base du déclenchement et la propagation de la crise. Il s’agit
principalement de la globalisation de l’économie. Par exemple, les capitaux chinois tirés des
excédents commerciaux finançaient le déficit américain, ce qui a permis d’entretenir des
conditions de crédit facile aux ménages et aux entreprises.

Un modèle du mécanisme de diffusion de la crise

Le mécanisme de diffusion de la crise à travers la situation d’une banque peut s’apprécier en dix
étapes :

1°) La banque accorde un crédit ;

2°) elle procède par la suite à la titrisation de la créance ;

3°) la créance titrisée est présentée sous forme de dérivées de crédit et vendue à des fonds
d’investissement à risque (des heldge funds) ;

4°) le heldge funds emprunte davantage auprès de la banque pour acheter d’autres titres émises
aussi par d’autres banques, profitant ainsi de l’effet de levier (qui consiste d’emprunter plus pour
gagner plus) ;
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5°) en cas de défaut de paiement de la part du débiteur, la valeur de la créance titrisée
s’effondre, mettant en difficulté le hedge funds ;

6°) le hedge funds en difficulté vis-à-vis de la banque qui lui refuse de nouveaux crédits dont il
aurait besoin pour financer ses pertes et poursuivre ses activités ;

7°) le hedge funds fait faillite ;

8°) la banque aussi se trouve en difficulté. Elle se tourne vers d’autres établissements
financiers ;

9°) les autres établissements financiers ne sont pas non plus mieux épargnés. Ils lui refusent le
prêt ou le fait à des conditions très rigoureuses.

10°) la crise s’installe durablement et perturbe les activités interbancaires mais aussi celles des
ménages et des entreprises.

Ce mécanisme de diffusion de la crise peut s’adapter au cas de Bear Stearns, une banque
d’investissement américaine qui a perdu 80 % de sa capitalisation boursière en mars 2008, ce
qui l’a conduit à la faillite. Il en est de même pour Lehman Brothers, une banque d’affaires
américaine dont les actions ont perdu 73 % de leur valeur en 2008.

4.2.2. Les conséquences économiques de la crise

Les conséquences de la crise sur l’économie peuvent être mesurées à travers son impact sur la
croissance, sur le marché du travail et sur les politiques budgétaires.

1°) L’effet sur la croissance

La crise a provoqué un ralentissement de la production et donc de la croissance dans la plupart


des économies qu’elle a affectées. En effet, la raréfaction des crédits bancaires et la hausse des
taux d’intérêt ont freiné les investissements productifs. Il s’en est suivi une hausse de l’épargne
et la réduction des dépenses.

2°) Impact sur le marché du travail

La crise a provoqué la baisse des taux de croissance sur plusieurs trimestres consécutifs, faisant
ainsi planer le spectre de la récession. Celle-ci a favorisé des conséquences sociales,
principalement la hausse du chômage. Selon le BIT, le monde comptait 212 millions de sans-
emploi en 2009, soit une hausse de 34 millions par rapport à 2007, à la veille de la crise. La
baisse des investissements et de la consommation a conduit beaucoup d’entreprises à la faillite,
accentuant ainsi le phénomène du chômage. La crise a donc provoqué sur le marché du travail
l’élévation du taux de chômage et contribué à la fragilisation des entreprises.

3°) L’effet sur les politiques budgétaires

La crise a provoqué un gonflement des déficits budgétaires du fait de la baisse des recettes
fiscales qui dépendent du niveau de l’activité, de la hausse des dépenses tirées des indemnités
chômage et des mesures de sécurité sociale. A moins de mener une politique d’austérité avec ses
conséquences néfastes sur la population, le recours à l’emprunt extérieur accentue le risque de
surendettement.

4.2.3. Les réponses à la crise

Les réponses à la crise émanaient des Etats et des banques centrales. Elles visaient trois
objectifs essentiels :
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1°) restaurer le marché des liquidités pour la circulation de l’argent ;

2°) restaurer la confiance entre les banques commerciales en vue d’assurer leur solvabilité, soit
par la recapitalisation, soit par la nationalisation ;

3°) limiter les répercutions de la crise sur l’activité économique.

4.2.3.1. Les réponses d’urgence

S’agissant tout d’abord de la restauration du marché de liquidité, les banques centrales ont
abaissé leur taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’intérêt de la FED (Réserve fédérale américaine)
est passé de 5 % à 2 % de septembre 2007 à mai 2008.

Pour ce qui est de la restauration de la confiance sur le marché interbancaire, les banques
centrales ont injecté sous forme de prêt aux banques, plusieurs centaines de milliards. Ces prêts
étaient sous forme de cash et de bons de trésors (actifs moins risqués de la planète). Les
banques centrales ont aussi prolongé la durée de leur prêt et acceptaient comme garantie des
crédits hypothécaires.

Par ailleurs, les Etats ont suggéré aux banques commerciales de suspendre la distribution de
dividende à leurs actionnaires en vue de disposer d’une base solide de capital.

4.2.3.2. La politique dite du « quantitative easing (QE) » ou « assouplissement quantitatif »

L’assouplissement quantitatif, ou quantitative easing (QE) en anglais, est un outil de politique


monétaire non conventionnelle. Il est employé lorsque les moyens classiques sont inopérants. il
consiste, pour une banque centrale, à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur
les marchés financiers en achetant des actifs (notamment des titres de dette publique) aux
banques commerciales et à d’autres acteurs. Ces achats massifs entrainent une baisse des taux
d’intérêt. Cela permet aux ménages, aux entreprises et aux États de continuer à se financer à de
bonnes conditions, favorisant la croissance économique et la remontée du taux d’inflation à un
niveau compatible avec la stabilité des prix. La politique QE est utilisée pour lutter contre le
risque de déflation et de récession.

Par exemple, si les taux d’intérêt des banques centrales sont proches de zéro, les méthodes
conventionnelles ou classiques pour influencer le taux d’intérêt sont sans effet sur l’activité
réelle (malgré tout l’économie ne se relève pas). L’idée d’acheter des obligations à long terme peut
faire baisser les taux d’intérêt à long terme et donner plus de liquidités à l’économie. C’est cette
démarche qu’on a appelé QE.

Dans ce cas, les politiques QE facilitent l’activité économique et s’appliquent aux leviers
quantitatifs monétaires. Ces objectifs varient selon l’entité (banque, entreprises, autres
institutions financières, etc.) à laquelle elle s’applique.

Pour les banques, les QE visent à faciliter l’octroi de crédit en abaissant les taux d’intérêt. Pour
les entreprises, les QE servent à l’achat de titres financiers (des obligations, principalement) de
certaines entreprises en vue de leur permettre de disposer des liquidités nécessaires au
financement de leurs activités (modernisation, recherche et développement, etc.).

Sur les autres institutions financières, les banques centrales par le biais des politiques non
conventionnelles (QE), achètent les titres financiers (bons du trésor et titres risqués) à ces
établissements financiers. Ces derniers disposent ainsi de la liquidité nécessaire pour
l’amélioration des activités.

La hausse de la demande de titres financiers (à risque ou non) par la banque centrale qui
provoque une élévation du prix des titres les rend moins attractifs de sorte que les banques

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cherchent à développer leur activité de crédit plutôt que le placement. En outre, la hausse du
prix des titres augmente la richesse de leurs détenteurs qui peuvent consommer davantage, ce
qui conduit à une hausse de la demande.

Par ailleurs, la crise Russo-Ukrainienne qui a provoqué une hausse générale des prix, a obligé
les autorités monétaires, notamment la FED à faire recours à un nouvel outils de politique
monétaire, à savoir le QT ou quantitative tightening, soit le resserrement quantitatif en Français.
En quoi cela consiste cette politique ? A réduire le bilan de la banque centrale. Une fois qu’elle
arrête d’acheter des titres de dette, la Fed peut conserver ceux qu’elle a dans son bilan et prêter
de quoi les rembourser quand ils arrivent à échéance. C’était ce qui était attendu. Il semble
qu’elle aille plus vite plus loin, à savoir revendre progressivement les titres qu’elle détient.

4.2.3.3. Le cas de quelques banques centrales

La FED et la banque d’Angleterre ont eu recours à la QE depuis le début de la crise. La QE de la


FED s’élevait à 600 milliards de dollars fin 2011. La BCE dont l’objectif premier est la stabilité
des prix a affirmé sa singularité en maintenant ses taux à leur niveau initial. Cependant, les
Etats de l’UE sont intervenus à travers des plans de sauvetage pour assurer la recapitalisation
des banques et garantir les prêts interbancaires. Le montant de leur intervention s’élevait à
environ 1700 milliards d’euros contre 700 milliards de dollars pour les Etats-Unis.

Par ailleurs, certains pays ont adopté des plans de relance de l’économie à travers des politiques
d’austérité qui consistaient à réduire les dépenses publiques.

4.2.3.4. Les risques liés aux politiques QE

Les QE présentent des risques qui peuvent affecter leur efficacité. En reposant sur l’hypothèse
que le défaut de monnaie dans le système économique affecte la demande, peut s’avérer fausse
car l’insuffisance de la demande peut provenir d’un manque de confiance ou de la faiblesse du
pouvoir d’achat en terme réel et non nominal. Dans ce cas, les QE sont inopérant.

En outre, l’augmentation des réserves de banques ne signifie pas augmentation des crédits dans
la même proportion. De plus, il peut avoir un effet inflationniste si les entreprises n’ont pas
repris confiance et n’augmentent pas leur production.

Il y a aussi le risque d’une fuite de capitaux vers l’étranger si les taux d’intérêt sont plus
intéressant, ce qui peut entraver le passage de la sphère financière à la sphère réelle. La
monnaie créée peut ne pas servir à accroître les dépenses des biens et services parce que les
canaux de crédit alimentant les petites et moyennes entreprises peuvent être obstrués. Enfin,
les politiques QE réduisent certes le poids de la dette nationale, mais elles érodent aussi
l’épargne de tous ceux qui ont investi dans cette monnaie.

Par ailleurs, la faiblesse des taux d’intérêt peut avoir des effets négatifs sur l’activité économique.
En effet, la baisse des taux d’intérêt par une banque centrale individuelle peut stimuler les
exportations mais collectivement cette approche peut s’avérer inefficace parce qu’elle peut
provoquer la chute du cours des actions bancaires (Stephen S. Roach, 2017).

De plus, des taux d’intérêt bas et surtout négatifs rendent la détention de liquidités coûteuse, ce
qui incite les investisseurs à rechercher des placements plus risqués présentant des rendements
potentiels plus élevés.

Enfin, la faiblesse persistante des taux d’intérêt peut encourager l’épargne au lieu de la
consommation. Ceci peut affaiblir la demande et ralentir les perspectives de croissance
économique.

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Compte tenu de ces risques, il est recommandé de recourir aux QE qu’à titre exceptionnel. Mieux
encore, si les interventions des Etats et des banques centrales ont permis d’atténuer les effets de
la crise à court terme, en vue de prévenir une autre crise similaire, des reformes urgentes
doivent être engagées.

4.2.4. Des reformes structurelles pour le long terme

La crise financière a conduit à reformer le système financier ; à redéfinir le cadre d’intervention


des banques centrales et à mettre en place une instance mondiale de régulation.

1°) Mettre le système financier sous surveillance

La crise financière donne la nécessité aux Etats de mettre sous surveillance le système financier
en vue de protéger les consommateurs. Il s’agit entre autre du contrôle des produits financiers et
des institutions qui les émettent, du renforcement du système financier en moyens, d’encadrer la
rémunération des traders et de renforcer la réglementation financière.

2°) Redéfinir le cadre d’intervention des banques centrales

Il s’agit aussi au niveau macroéconomique de redéfinir le cadre d’intervention des banques


centrales pour leur permettre d’assurer la stabilité financière. Ces dernières n’avaient jusqu’ici
comme instrument de régulation conventionnelle, les taux d’intérêt.

3°) Mise en place d’une instance mondiale de régulation

La crise a aussi remis en cause un certains nombre de principes (le libre-échange,


principalement) sur lesquels reposaient les équilibres mondiaux. Elle a montré dans le cadre de
l’UE que la recherche de l’intérêt général doit passer avant les intérêts nationaux. C’est dans ce
sen que Stiglitz a fait remarquer que la main d’Adam Smith est invisible parce qu’elle n’avait
jamais existé. Autrement dit, la recherche de l’intérêt privé n’aboutit pas nécessairement à
l’intérêt collectif, d’où la nécessité d’une coordination des décisions.

La crise ouvre enfin la réflexion sur une « nouvelle donne » c’est-à-dire une nouvelle façon de
produire, de vivre, etc. (Florida Richard, 2010) qui redessinerait les contours d’une nouvelle
économie.

4.3. Mise en perspective historique de la crise

Les crises de 2008-2010 et 1929 présentent quelques points de similitude. D’abord, elles sont
tous deux partir des Etats-Unis avant de s’étendre aux autres continents. Ensuite la propagation
a été rapide, savoir six mois pour la crise financière de 2008 et trois ans pour celle de 1929.
Enfin, elles ont toutes deux affecté l’économie réelle du fait de la raréfaction des crédit aux
ménages et aux entreprises et la chute des pouvoirs d’achat.

Les points de divergences entre les deux crises se trouvent dans les délais et les modes de
traitement des crises. En 1929, les autorités politiques ont longtemps laissé faire le marché. Il a
fallu attendre plus de quatre ans avant que le New Deal ne soit mis en place par Franklin
Roosevelt.

La connaissance et la compréhension de la crise de 1929 ont permis d’éviter les erreurs du


passé, ce qui a précipité les réponses et limité les conséquences désastreuses pour l’économie.

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Bibliographie

Roach S. Stephen (2017) The Courage to Normalize Monetary Policy, [En ligne], disponible sur le
World Wide Web : https://www.project-syndicate.org/commentary/faster-monetary-policy-
normalization-by-stephen-s--roach-2017-09, consulté le 14 novembre 2017.

Sloman J. et Wride A. (2013) Principe d’Economie Pearson France, Chapitre 25 : La crise


économique de 2008-2010, p.741-759.

Stiglitz J. (2016) L’euro : Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe, Les Liens qui
Libèrent, 503p.

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