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POLITIQUE MONETAIRE

COURS THEORIQUE ET ANALYSES PRATIQUES

Mars 2022

Drs Alain W. NIKIEMA

Economiste planificateur, DGESS-Eau


Research Associate, IPA Burkina
Faso
Tel 226 76146705
Courriel : alainnikiema88@gmail.com
Skype : live:alainnikiema88
Avant-propos

Ce manuel est une introduction à l’analyse des politiques et décisions en lien avec la
monnaie dans une économie. Il s’adresse aux étudiants de licence et master des
universités, aux élèves des grandes écoles et à tous ceux et celles qui désirent
comprendre la nature, les fonctions et la gouvernance de la monnaie dans les
économies contemporaines.

Cette version se veut une initiation à la politique monétaire. Elle s’inspire d’ouvrages
théoriques et analytiques reconnus dont elle fait la synthèse non exhaustive. L’objectif
de ce cours est de présenter les bases de l’économie monétaire et financière et plus
spécifiquement les objectifs et instruments de la politique monétaire dans une
économie. Il détaille le rôle de la monnaie, le fonctionnement du système bancaire et
financier et les mécanismes et théories de création monétaire. Il permet ainsi de
comprendre les grands bouleversements contemporains de la sphère monétaire et
financière et d’éclairer les débats et crises actuels au sein de la zone UEMOA.

Dans une démarche pédagogique, ce support présente dans un premier temps des
généralités sur la monnaie, ses fonctions et ses formes. Puis il s’évertue à présenter
les fondements théoriques de la politique monétaire ainsi que ses canaux de
transmissions. Pour finir, il fait une brève présentation de la politique monétaire dans
l’UEMOA.

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Sommaire

Avant-propos ................................................................................................................ 1
Sommaire ..................................................................................................................... 2
Introduction Générale ................................................................................................... 4
Chapitre.I. Généralités sur la monnaie .................................................................... 6
I. Les fonctions de la monnaie .............................................................................. 6
II. Genèse et formes de la monnaie....................................................................... 8
III. La création monétaire .................................................................................... 11
Chapitre.II. Les fondements théoriques de la politique monétaire .............................. 14
I. La théorie classique ......................................................................................... 14
1. LA STABILITE DE LA DEMANDE DE MONNAIE ........................................... 14
L’OFFRE DE MONNAIE .................................................................................. 15
L’EQUILIBRE MONETAIRE ............................................................................ 15
2. LA THEORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE ........................................... 16
3. L’EFFET D’ENCAISSE REELLE OU « EFFET PIGOU » ................................ 16
II. Le keynésianisme et le monétarisme .............................................................. 17
1. Le monétarisme............................................................................................... 17
L’approche monétariste de la demande de monnaie ....................................... 17
L’approche monétariste de la neutralité ........................................................... 18
2. Le keynésianisme............................................................................................ 19
L’offre et la demande de monnaie ................................................................... 19
Taux d’intérêt et spéculations boursières ........................................................ 20
La fonction de demande spéculative de monnaie ............................................ 21
L’équilibre du marché monétaire ..................................................................... 22
Chapitre.III. La transmission de la politique monétaire ............................................... 23
I. Le canal des taux d’intérêt ............................................................................... 23
II. Le canal du crédit ............................................................................................ 25
Chapitre.IV. La politique monétaire dans l’UEMOA .................................................... 33
I. Présentation de l’autorité monétaire ouest africaine ........................................ 33
II. Les instruments de la politique monétaire dans l’UEMOA ............................... 33

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III. Les banques et la création monétaire dans l’UEMOAError! Bookmark not
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Introduction Générale

La politique économique désigne l’ensemble des interventions des pouvoirs publics


dans l’économie. Ces interventions sont caractérisées par la hiérarchie des objectifs
poursuivis et le choix des instruments mis en œuvre pour les atteindre. De ce fait, la
politique économique constitue le socle de la gestion de l’économie d’un pays et cela
dans plusieurs domaines et selon plusieurs horizons. C’est ainsi que lorsqu’il s’agit de
la gestion de recettes et dépenses de l’Etat, on parlera de politique budgétaire qui peut
avoir un effet sur l’offre globale et les circuits de financement de l’économie. Mais
lorsqu’il s’agit de la masse monétaire et des taux d’intérêts, on parle de politique
monétaire qui peut avoir des effets sur l’inflation, l’emploi et le taux de change. De
même, la politique économique est dite conjoncturelle lorsqu’elle est menée à court
terme en vue d’orienter l’activité économique dans un sens jugé souhaitable, et
structurelle lorsqu’elle vise plutôt une modification profonde du fonctionnement de
l’économie ou une modification des institutions et des comportements des agents
économiques.

La politique économique poursuit principalement quatre (04) objectifs notamment :

• La croissance économique qui désigne l’augmentation soutenue, sur une


période plus ou moins longue de la production du pays. C’est le Produit Intérieur
Brut (PIB) qui est généralement retenu comme indicateur de la croissance
économique. On utilise particulièrement soit le taux de croissance du PIB soit
le taux de croissance du PIB/habitants ;
• Le plein-emploi c’est-à-dire une situation dans laquelle le seul chômage qui
existe est le chômage frictionnel (chômage des personnes qui se trouvent entre
deux emplois). C’est une situation où toutes les ressources disponibles
(notamment la main d’œuvre) sont utilisées ;
• La stabilité des prix qui se mesure à travers l’inflation. L’inflation est le
déséquilibre économique se manifestant par une hausse durable et cumulative
du niveau général des prix ;
• L’équilibre des échanges extérieurs qui implique un équilibre de la balance
commerciale et une stabilité du taux de change.
Quant à la politique monétaire, elle met généralement l’accent sur la lutte contre
l’inflation à travers le contrôle de la masse monétaire en circulation mais peut
également avoir des effets sur la croissance économique et des liens avec l’équilibre
extérieur. La politique monétaire est une politique conjoncturelle qui s’inscrit dans le
cadre de la politique économique générale. Avec la politique budgétaire, la politique
monétaire est l’un des principaux instruments dont dispose les responsables
économiques d’un pays. Définir une politique monétaire est une obligation pour un

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pays, car la production de moyen de paiement, c'est-à-dire la création monétaire, ne
peut être laissée à la seule initiative des agents privés.
La politique monétaire est l’ensemble des mesures qui sont destinées à agir sur les
conditions du financement de l’économie, elle est l’action par laquelle les autorités
monétaires (la BCEAO, pour les pays de l’UEMOA) agissent sur l’offre de monnaie
dans le but d’atteindre les objectifs de la politique économique qui sont la croissance,
le plein emploi, la stabilité des prix et l’équilibre extérieurs. Le problème est de savoir
quel objectif assigné à la politique monétaire. Il y a sur ce point deux conceptions qui
s'affrontent : pour les keynésiens, la politique monétaire peut être utilisée dans un
objectif de régulation conjoncturelle macro-économique, c'est-à-dire qu'elle peut agir
sur la production et l'emploi. Quant aux monétaristes, la politique monétaire ne peut
avoir qu'un objectif, celui de la stabilité des prix. Pour ce courant d'analyse, l'inflation
a des causes uniquement monétaires.
Les objectifs finaux de la politique monétaire rejoignent ainsi les objectifs de la politique
économique que sont la croissance (avec un niveau satisfaisant de moyens de
paiement en circulation dans l’économie) et la stabilité interne de la monnaie (afin
d’éviter l’inflation). Mais la politique monétaire ne peut pas agir directement sur ces
objectifs. En revanche, elle peut agir efficacement sur certaines variables de
l’économie qui elles-mêmes influencent les objectifs de croissance et de stabilité des
prix. Ces variables comme la masse monétaire par exemple, sont appelées des «
Objectifs intermédiaires ». Les autorités monétaires se fixent donc des objectifs
intermédiaires sur lesquels elles exercent une influence directe.
Pour atteindre leurs différents objectifs, les autorités monétaires doivent utiliser des
instruments directs et indirects, tout en tenant des limites de chaque instrument.
Le présent module cherche à présenter les bases de l’économie monétaire et
financière et plus spécifiquement les objectifs et instruments de la politique monétaire
dans une économie. Pour ce faire, le premier chapitre présente les généralités sur la
monnaie notamment les fonctions, les formes et les origines de la création monétaire.
Le deuxième chapitre renseigne sur les fondements théoriques de la politique
monétaire en mettant l’accent sur les approches classiques, keynésiennes et
monétaristes. Dans le troisième chapitre, les mécanismes et canaux de transmission
de la politique monétaire sont expliqué, puis le quatrième chapitre présente les réalités
de la politique monétaire dans la zone monétaire ouest africaine.

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Chapitre.I. Généralités sur la monnaie

La monnaie est un actif dont les formes varient selon les structures économiques et
sociales et qui sert à l’évaluation et au règlement des échanges. Les variations du
stock de monnaie et de sa valeur sont en relation d’interdépendance avec le volume
de production et des prix.

I. Les fonctions de la monnaie


La monnaie est définie par Aristote par trois fonctions : unité de compte, réserve de
valeur et intermédiaire des échanges. À la période contemporaine, cette définition a
subi de légères modification pour tenir compte de l’environnement économique.
La monnaie est l'instrument de paiement en vigueur en un lieu et à une époque donnée
:
- Du fait de la loi : on parle de cours légal ;
- Du fait des usages : les agents économiques l'acceptent en règlement d'un achat,
d'une prestation ou d'une dette.

La monnaie est censée remplir quatre fonctions principales :


Intermédiaire dans les échanges : la capacité d'éteindre les dettes et les
obligations, notamment fiscales, constitue le « pouvoir libératoire » de la monnaie ;
En l'absence de monnaie, les échanges commerciaux et relations professionnelles ne
peuvent se réaliser que sous forme de troc d'un bien ou d'un service contre un autre.
Pour que deux agents A et B échangent des biens X et Y, il faut que celui qui possède
X préfère Y et que celui qui possède Y préfère X. C'est ce qu'on appelle la condition
de « double coïncidence des désirs ». Cette condition limite le nombre de situations
où le troc est immédiatement possible pour ces échanges et relations.

La monnaie permet de s'affranchir des limitations du troc en constituant une valeur


échangeable contre biens et services dans la mesure où les autres acteurs de
l'économie l'acceptent aussi. La monnaie a pour valeur la convention collective de
l'utiliser pour tous les échanges qui nécessiteraient sinon du troc ou une autre
comptabilité pour des échanges différés dans le temps.

Un échange d'un bien contre un autre utilise alors la monnaie comme un intermédiaire
qui dissocie deux opérations distinctes : d'abord la vente du bien possédé contre de la
monnaie, et ensuite l'achat du bien désiré. La fonction de moyen de paiement,
quelquefois présentée comme une quatrième fonction de la monnaie est de servir

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d'intermédiaire commun comme moyen d'échange immédiat. En facilitant les
échanges par rapport au troc, la monnaie est un outil essentiel du commerce libre
La monnaie facilite aussi le paiement de rémunérations de travailleurs libres qui
autrement ne peut se faire qu'au pair ou plus généralement par compensation. Ces
dernières méthodes sont lourdes, potentiellement arbitraires et sujettes à contentieux.

La monnaie facilite l'emploi salarié, la division du travail et l'établissement des contrats.


Elle donne une expression commode aux obligations privées nées de toutes les sortes
de contrat, ou publiques (amendes, taxes, impôts) dès lors que la puissance publique
lui donne un pouvoir libératoire.

C'est une institution fondamentale pour l'économie des sociétés modernes fondées sur
la liberté du travail, des productions, de la consommation et de l'épargne.
réserve de valeur ;
Par réserve de valeur ou d'épargne, on entend la capacité que possède un instrument
financier ou réel de transférer du pouvoir d'achat dans le temps. Ainsi, un bien
immobilier constitue une réserve de valeur puisqu'il peut être acheté aujourd'hui et
revendu dans le futur en procurant un pouvoir d'achat à son détenteur. On appelle cela
un actif réel par opposition à la notion d'actifs financiers ou de titres, dont les actions
et les obligations font partie.

La capacité de la monnaie est pratiquement garantie à court terme : il est rare qu'elle
soit amputée fortement de sa valeur du jour au lendemain, même si cela s'est déjà
produit. À plus long terme le pouvoir d'achat de l'unité monétaire est réduit par
l'inflation. Pour échapper à ce phénomène, les épargnants cherchent à placer leur
épargne plutôt qu'à la conserver sous forme de monnaie, sauf en cas de panique.

La thésaurisation de la monnaie est le placement le plus liquide. La propension


collective à conserver plus ou moins « liquide » son épargne conditionne tous les
marchés financiers et est suivie avec attention par les autorités monétaires. Lorsque
les agents économiques accroissent leurs encaisses, c'est qu'ils se détournent des
placements et la conséquence la plus fréquente est une restriction du crédit. Les
paniques financières se manifestent par des ruées vers les espèces (monnaie de
banque centrale) qui déstabilisent gravement le système bancaire.
unité de compte pour le calcul économique ou la comptabilité.
Une monnaie se caractérise par la confiance qu'ont ses utilisateurs dans la persistance
de sa valeur et de sa capacité à servir de moyen d'échange. Elle a donc des

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dimensions sociales, politiques, psychologiques, juridiques et économiques. En
période de troubles, de perte de confiance, une monnaie de nécessité peut apparaître.
La monnaie est un équivalent général, c’est-à-dire une marchandise qui exprime la
valeur d’échange de toutes les autres marchandises.
Elle sert donc en tant qu’unité de mesure ou un numéraire qui permet d’exprimer la
valeur des différents bien en une seule unité. Dans le cadre d’une économie de troc la
valeur d’un bien est exprimée en fonction des autres biens (prix relatif). En présence
de n bien nous avons 𝐶𝑛2 = n ! /((n-2) ! *2 !) = n(n-1) /2 prix relatifs. Si un d’entre ces
biens doit jouer le rôle de monnaie nous aurons n-1 prix absolus.
Tout comme le kilogramme permet d’évaluer le poids des objets et ainsi de comparer
leurs poids respectifs, la monnaie permet de mesurer la valeur des marchandises
(exprimée par un multiple ou une fraction de l’unité monétaire) et de comparer leurs
valeurs respectives.
Exemple
Un pantalon vaut 10.000FCFA un débardeur vaut 1000FCFA. Par conséquent, la
valeur d’un pantalon est égale à 10 fois la valeur d’un débardeur.
La monnaie est donc un instrument de mesure de la valeur des marchandises. Elle
simplifie le système des prix. En simplifiant le système des prix, elle facilite l’échange
marchand, et, par la même occasion, la mesure des grandeurs économiques. Il est en
effet, beaucoup plus simple d’évaluer (c’est-à-dire de mesurer la valeur) d’un ensemble
de biens et services hétérogènes à l’aide d’un étalon unique. Imaginez la complexité
du calcul de la demande finale sans l’utilisation de la monnaie …

Instrument de politique économique


Une fonction relativement récente, qui ne date que du 20ème siècle. La monnaie en
tant qu’instrument de politique économique constitue un outil puissant entre les mains
des autorités publiques. En effet, elle permet d’influencer l’activité économique de façon
considérable. Ainsi la politique monétaire peut servir les objectifs de croissance
économique et de stabilité de prix.

II. Genèse et formes de la monnaie

Pour comprendre l’évolution de la monnaie et les différentes formes qu’elle a pu revêtir


à travers l’histoire, nous allons supposer que l’histoire a évolué de manière linéaire.

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II.1. Du troc a la monnaie marchandise
Dans les sociétés primitives ou l’homme s’adonnaient à des activités destinées à
satisfaire la quasi-totalité de ses besoins, la seule forme d’échange était le troc. Le troc
consistait à échanger une marchandise contre une autre.
Au fur et a mesure que le nombre de biens augmente dans l’économie le troc devient
une opération très laborieuse car :
- Il faut que les désirs des uns coïncident avec ceux des autres
- Certains biens sont indivisibles
- Le terme de l’échange est difficile à déterminer dans une économie de troc. Pour
une économie de n biens, il faut établir 𝐶𝑛2 = n ! /((n-2) ! *2 !) = n(n-1) /2 prix relatifs.
- Tous ses inconvénients ont fait que les biens les plus divisibles et le moins
périssables ont été appelé à jouer le rôle d’intermédiaire d’échange. Il s’agit de la
monnaie marchandise. On assiste donc au passage d’un système de prix relatifs a
un système de prix absolus. Toutefois cette nouvelle forme de monnaie a montré
ses limites (périssable, pondéreuse et hétérogène). La découverte des métaux a
donc favorisé le passage à la monnaie métallique.
II.2. De la monnaie métallique a la monnaie fiduciaire
Au début les principaux métaux utilisés étaient le bronze et le cuivre. Avec la découverte
de l’or et l’argent nous avons acheminé vers un système bimétallique ou les valeurs
relatives s’appréciaient ou se dépréciaient en fonction des découvertes des se métaux.
Ces métaux étaient fondus et transformés en pièces de façon libre (il n’y avait pas de
monopole de fonte ni de frappe). Les pouvoirs publics ont fait irruption dans les affaires
monétaires pour éviter la circulation anarchique des métaux dans l’économie. Il a
d’abord s’agit d’une apposition d’un sceau sur les pièces en circulation. Ce sceau était
un signe gravé sur la pièce et était sensé garantir à la fois le poids et la teneur en
métaux précieux. Mais a la suite de l’hétérogénéité des pièces du faite de la triche
(Grattage de pièce) et la fraude princière (Retrait des pièces en circulation et leur
remplacement par d’autre moins lourdes tout en gardant la même valeur d’échange),
les agents économiques on préférèrent garder la bonne monnaie et utilisent la
mauvaise monnaie pour les échanges. D’où la loi de Gresham.
A cela s’ajoute le problème de pillages lié au transport de l’or. Ainsi les commerçants
déposaient leur or et argent auprès de orfèvres en contrepartie de reçues nominatifs
qui sont acceptés par les orfèvres des autres villes ou pays. La circulation de billets
reçu remplacera progressivement la circulation de métaux précieux. Ces reçus sont
devenus anonymes par la suite permettant la circulation prodigieuse de la monnaie
papier. C’est l’avènement de la monnaie fiduciaire. Les orfèvres, en plus de leurs
activités de gardiennage, ont commencé à prêter de la monnaie papier (reçus), sans
pour autant avoir l’équivalent en or. Ce phénomène a entrainé le gonflement de la
quantité de monnaie en circulation par rapport au stock de métaux précieux disponibles.

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La hausse de prix engendrée par cette situation à faire perdre à la monnaie papier de
sa valeur occasionnant la phobie de la monnaie papier d’où la faillite de plusieurs
orfèvres incapable d’assurer la conversion de billets en ors. Cette perte de confiance
en la monnaie papier a poussé l’Etat a intervenir en monopolisant de la monnaie
fiduciaire.

II.3. La monnaie scripturale


Elle est apparue au 12ème siècle en Italie mais n’a commencé a se généraliser qu’au
19ème siècle en Grande bretagne. Face a une demande d’emprunt de plus en plus
importante de la part des entreprises, les banques ont trouvé la solution suivante : créer
de la monnaie par un simple jeu d’écriture. C’est ainsi que si une banque est sollicitée
et qu’elle n’a pas suffisamment de monnaie en réserve, elle porte le montant
correspondant au crédit du compte client. Il suffit pour ce client de signer des chèques
pour ses fournisseurs dans la limite du montant de son crédit. Si ses derniers sont de
la même banque que lui, il suffit de présenter leurs chèques et la banque procèdera à
une double écriture (Débit -Crédit). Ainsi une ou plusieurs transactions peuvent avoir
lieu sans qu’il y’ai circulation de la monnaie fiduciaire. La seule trace de cette monnaie
est la monnaie scripturale (une simple écriture sur un compte et le chèque constitue
l’instrument de mobilisation).
II.4. La monnaie électronique
Selon le Larousse c’est l’ensemble des dispositifs utilisant l’informatique et
l’électronique dans les transactions bancaires. Le système électronique de payement
est l’ensemble de techniques électroniques magnétiques, informatiques et télématiques
permettant l’échange de fonds sans support papier et impliquant une relation tripartite
(banques, offreurs, demandeurs).
La monnaie électronique consiste en un encours stocké dans une carte prépayée
multiprestataire. Appelée carte à puce, elle représente une carte bancaire possédant
un ordinateur miniaturé permettant de stocker des informations (unités monétaires). La
carte prépayée multiprestataire présente une différence essentielle avec la monnaie
scripturale puisse que la monnaie n’est pas issue d’un dépôt à vue individualisé mais
plutôt la carte elle-même dont la simple détention est la preuve de la créance du porteur
sur l’émetteur. Elle se distingue de la monnaie fiduciaire à deux égards.
- Elle n’a pas cours légal
- Elle n’est pas réutilisable comme les billets de banque.
On peut donc considérer que que les unités chargées sur une carte prépayée
multiprestataire constituent une nouvelle forme de monnaie irréductible a l’une ou
l’autre des deux formes traditionnelles à savoir la monnaie fiduciaire et la monnaie
scripturale. On parle donc de monnaie électronique.

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Ce point de vue ne fait toutefois pas l’unanimité, le statut de cette nouvelle forme de
monnaies dépendra de la nature de l’émetteur. S’il est un agent non financier, il va
recevoir en payement un pouvoir d’achat utilisable sur le marché de biens et services.
Ce pouvoir d’achat ne lui sera retiré que lorsque le détenteur épuise le potentiel de
dépenses contenues dans la carte et lorsque les bénéficiaires de ses achats auront été
réglés. Dans ce cas on l’assimile à une création monétaire transitoire et renouvelée.
Si par contre, l’émetteur est un établissement de crédit (banque ou société financière),
l’opération s’assimile a une simple substitution d’une forme de monnaie (la carte
multiprestataire) à une autre forme de monnaie (dépôts ou billets).
Alors toute monnaie électronique émise par l’institution en charge de la gestion de la
monnaie est considérée comme de la monnaie scripturale exemple le e-Dinar.

III. La création monétaire

Pourquoi faut-il créer de la monnaie ?

Le financement de l’économie
Le schéma ci-dessous montre comment la création monétaire contribue au financement
de l’économie.

Ménage Etreprises
(Investisse
Epargne ment
d’exploitati
Financement Besoin de on)
non monétaire Financement
Enterprise

Creation
Financement
Monétaire monétaire Ménages

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Une entreprise qui a un besoin de capitaux peux se procurer des ressources soit par
financement interne (autofinancement) soit par financement externe (endettement). Ce
financement n’est pas monétaire si c’est de l’épargne qui finance le besoin de capitaux.
Le financement est monétaire lorsque le besoin de crédit ne réduit pas l’encaisse
disponible d’un autre agent.

Processus de création monétaire.

 Financement d’un investissement


Il n’est pas aisé de comprendre que la monnaie puisse être créée à partir de rien, qu’elle
se mette à circuler dans l’économie. Pourtant c’est un phénomène très simple.
Supposons que ECOBANK , une banque commerciale, autorise un découvert de 80
millions de FCFA a la société immobilière Abdoul Service (AS) pour la construction des
villas dans une cité. AS peut donc faire un chèque de 80 millions de FCFA. Elle va
rémunérer l’architecte, acheter les matériaux, payer les ouvriers par virement bancaire
de 80 millions de FCFA. Au bout d’une année, elle vend les villas a 120 millions de
FCFA et règle ses intérêts a son banquier a hauteur de 10 millions de FCFA.

Dans cet exercice, le banquier a créé de la monnaie supplémentaire 80 millions de


FCFA pendant un an. Cette monnaie a circulé entre l’entrepreneur, les fournisseurs, les
salariés, les commerçants etc… Le remboursement de la banque constitue l’annulation
de la dette. Les 80 millions de FCFA de monnaie créée sont détruits et le banquier a
touché son intérêt. L’entreprise a fait un bénéfice de 30 millions de FCFA et des villas
sont construites.

 Autres facteurs de création monétaire


Il convient de signaler que la création monétaire ne provient pas exclusivement du crédit
à court terme. Il y a deux autres canaux :

 Quand les réserves de devises s’accroissent dans l’économie, ses devises sont
remises par leur détenteurs (particuliers ou banque) `a la banque centrale qui
les achète contre la monnaie centrale. Il y’a donc création monétaire. Dans le
cas où les réserves diminuent, on parle de destruction monétaire.
 Lorsque les l’Etat finance son déficit budgétaire par des emprunts auprès de la
banque centrale ou des banque commerciales (émission de bon de trésor), il y’a
création monétaire jusqu'à ce que les emprunts soit remboursé

 Limites de création monétaire

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Lorsque les besoins de liquidités excèdent les ressources, la banque doit se refinancer.
Elle doit donc trouver de liquidités et surtout les rémunérer alors que les dépôts ne sont
pas à la hauteur de ce besoin. Cela constitue donc une limite a la création monétaire.
Exemples :
 La faiblesse de la demande de crédit est un facteur de restriction de la création
monétaire. Quand la rentabilité des investissements est faible, la demande de
crédit faiblit. Les banques n’ont donc pas l’occasion de créer de la monnaie dans
des conditions de sécurités suffisantes.
 Un risque élevé dissuade les banquiers à prêter des fonds. Quand les affaires
déclinent les possibilités de faillite augmentent, les banques restreignent le crédit
pour préserver leurs fonds ainsi que ceux des clients.
 Le profit est un principe motivateur pour les banques. Si les prêts exigent des
taux d’intérêts élevés les banques augmenterons donc leurs taux, rendant plus
difficile l’accès au crédit. Cela constitue don une contrainte pour aussi bien l’offre
que la demande de crédit.
 La politique monétaire est classiquement un facteur régulateur de l’offre,
l’encadrement du crédit. Les interventions sur le marché monétaire sont donc
des moyens de contrôle de l’expansion du crédit.

13 | P a g e
Chapitre.II. Les fondements théoriques de la
politique monétaire

L’analyse des fondements de la politique monétaire renvoi aux travaux des classiques
néoclassiques et keynésiens sur l’équilibre macroéconomique. Cet équilibre passe non
seulement par l’analyse du marché des biens et services et du marché du travail, mais
aussi par l’analyse du marché monétaire. Ainsi, les différentes propositions théoriques
sont des analyses sur l’équilibre du marché monétaire et les agrégats monétaires.
C’est en cela que nous présentons dans ce chapitre deux approches importantes
notamment la théorie classique de la politique monétaire, et la théorie keynésienne.

I. La théorie classique

1. LA STABILITE DE LA DEMANDE DE MONNAIE


La demande de monnaie peut être considérée comme une fonction stable du
revenu nominal (Md= P.Y ) si la vitesse de circulation de la monnaie est stable. La
vitesse de circulation de la monnaie peut dépendre de deux types de facteurs :

Les habitudes de paiement d’une communauté donnée, qui dépendent elle-même


de l’état des techniques de paiement et de l’organisation du système bancaire ;
Les taux d’intérêt qui déterminent le coût de détention des encaisses non ou peu
rémunérées. Les agents rationnels doivent en effet arbitrer entre la commodité pour
les échanges que représentent la détention d’encaisses monétaires et le coût
d’opportunité que constituent les intérêts offerts sur les encaisses placées sur le
marché financier. Si les taux d’intérêts s’élèvent, les agents peuvent tenter d’assurer
un même volume de transactions en réduisant l’encaisse oisive qu’ils détiennent en
stock, ce qui accroît la vitesse de circulation de la monnaie. Inversement, des taux
d’intérêts particulièrement faibles peuvent inciter à développer des encaisses dont le
coût d’opportunité est peu élevé ; dans ce cas, la vitesse de circulation diminue.

L’approche néoclassique élémentaire néglige ce dernier facteur. La demande de


monnaie est supposée peu sensible voire, voire complètement inélastique au taux
d’intérêt. Les agents maintiennent toujours leurs encaisses non rémunérées au niveau
minimum qui est nécessaire au financement des transactions ; ils ne peuvent donc pas
réduire ces encaisses, même si les taux d’intérêts s’élèvent, tant que le volume des
échanges n’est pas modifié ; par ailleurs, si le volume des échanges ne se développe
pas, ils n’ont aucun besoin d’une encaisse non rémunérée supplémentaire, même si
les taux d’intérêts diminuent. Ainsi, le taux d’intérêt ne détermine que l’arbitrage entre
l’épargne et la consommation, n’agissant pas (ou peu) sur l’arbitrage entre la détention

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de monnaie et les placements financiers. La monnaie n’étant détenue que pour assurer
de façon efficace les échanges, la quantité qui est nécessaire pour assurer cette
fonction ne dépend que des habitudes et des techniques de paiements. Ces dernières
pouvant être considérées comme relativement stable dans une économie donnée, la
vitesse de circulation doit être à peu près constante, du moins à court terme. Si v est
constante, la demande de monnaie apparaît comme une fonction stable du revenu
nominal.

L’OFFRE DE MONNAIE
La monnaie est offerte par les banques. Cette offre dépend de la politique
monétaire de la banque centrale.

Ici nous retiendrons uniquement que dans les modèles simples, l’analyses
macroéconomiques, admet pour hypothèse que l’offre de monnaie est parfaitement
contrôlée par les autorités monétaires ou le gouvernement. On dit que l’offre de
monnaie Mo est exogène.

Mo = M (1)
Où M/ indique une quantité constante pour une politique économique donnée ; rien
ne peut faire varier la quantité de monnaie, hormis une décision des autorités
monétaires.

L’EQUILIBRE MONETAIRE
L’équilibre monétaire suppose simplement que Mo l’offre de monnaie soit égale à la
demande de monnaie Md.
Mo = Md = 1/V (P.Y)
Ce qui donne Mo .V = P.Y (2)
Notons que cette relation d’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie ne
constitue pas à proprement parler une théorie. Tant que l’on ne fait pas d’hypothèses
sur l’évolution des différentes variables et des liens de causalités qui existent entre
elles, l’équation (2) n’est qu’une tautologie comptable qui dit ceci : la valeur totale
des échanges effectués dans l’année (P.Y ) est égale au nombre d’unités monétaires
utilisées dans les échanges (Mo) multiplié par le nombre de fois où chaque unité
monétaire a été en moyenne utilisée dans l’année (V). Il convient donc, pour dépasser

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l’identité comptable de préciser les hypothèses néoclassiques qui donnent une réelle
signification théorique à cette présentation de l’équilibre monétaire.

2. LA THEORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE


Reprenons la relation (2) :

Mo .V = P.Y (2)
Nous sommes dans une économie où la parfaite flexibilité des prix garantie l’équilibre
simultané des marchés des biens et services et des marchés des facteurs. Y
correspond donc au PIB qui assure le plein emploi des facteurs de production : Y = Ype
; Ype ne dépend que de la quantité de facteurs disponibles et du progrès technique.
V dépend uniquement des habitudes et des techniques de paiements qui
n’évouent que très lentement dans le long terme. Donc, à un moment donné V peut
être considérée comme une donnée institutionnellement constante : V = V/ (8) devient
donc :
Mo . V/ = P. Ype (3)
Puisque V et Ype sont des données exogènes indépendantes de la quantité de
monnaie, la relation (3) décrit une relation directe entre la quantité de monnaie en
circulation et le niveau général des prix. Une augmentation de la quantité de monnaie
en circulation pour V et Ype constants, entraine nécessairement de l’inflation ( une
hausse de P). Inversement une réduction de M provoque une baisse du niveau général
des prix (déflation).telle est l’hypothèse essentielle de la théorie quantitative de la
monnaie. La quantité de monnaie détermine le niveau général des prix ; elle n’a
aucune influence réelle sur l’économie : la production (Y) et l’utilisation des facteurs ne
sont pas affectées par les variations de M. On dit que la monnaie est « neutre » ;elle
ne modifie que les valeurs nominales,le prix absolu des choses, mais laisse inchangés
les quantités et les prix réels (prix relatifs).

3. L’EFFET D’ENCAISSE REELLE OU « EFFET PIGOU »


Par quel mecanisme concret les variations de la quantité de monnaie sont-elles
reflétées dans le niveau général des prix ? Par ce qu’on appelle effet d’encaisse réelle
(initialement énoncé par Arthur Cecil PIGOU).
L’effet d’encaisse réelle est la variation des dépenses monétaires décidée par les
détenteurs de monnaie en vue de ramener au niveau désiré la valeur réelle de leurs
encaisses monétaires après qu’elles ont été modifiées par un choc quelconque.
Admettons que les pouvoirs publics décident d’accroitre l’offre de monnaie, dans
l’espoir par exemple de stimuler l’activité. La quantité de monnaie en circulation
augmente ; pour un niveau généra des prix inchangé, le pouvoir d’achat monétaire mis
en circulation augmente. Partant d’une situation d’équilibre où les agents detenaient

16 | P a g e
des encaisses réelles qu’ils jugeaint satisfaisantes pour assurer les transactions, ils se
retrouvent avec des encaisses réelles excédentaires qu’ils vont dépenser sur les
marchés. Ces dépenses vont augmenter la demande. Mais l’offre de biens et services
ne peut augmenter puisqu’on est en permanence au plein emploi des facteurs de
production ; en conséquence, les pressions sur la demande font monter les prix. La
hausse des prix réduit la valeur réelle des encaisses detenues par les agents. Le
mouvement se poursuit jusqu’au moment où les encaisses réelles ont retrouvé leur
niveau initial.
Inversement, on peut se trouver dans une situation de pénurie d’encaisse, à la suite
d’une politique de freinage de la création monétaire. Dans ce cas, les encaisses réelles
sont jugées insatisfaisantes par les agents, qui vont chercher à les reconstituer en
réduisant leur dépenses ; la réduction des dépenses provoquera une baisse du niveau
général des prix (sur des marchés parfaitement concurrentiels) ; la baisse des prix se
poursuit jusqu’au moment où l’on peut à nouveau financer un même volume
d’échanges avec moins de monnaie en circulation et où les encaisses réelles ont
retrouvé leur niveau initial. Là encore, la monnaie est neutre, le volume d’activité et
l’emploi n’ont pas varié, seul l’ensemble des valeurs monétaires a baissé.
La théorie quantitative de la monnaie, qui constitue l’une des clés de voute de
l’économie politique classique et néoclassique, présente quelques caractéristiques
manifestement contradictoires avec la réalité. En particulier, la vitesse de circulation
de la monnaie n’est pas constante mais connait des fluctuations significatives, et les
variations de la quantité de monnaie, semblent le plus souvent entrainer
simultanément des variations de prix et des variations de production. Pour expliquer
cette instabilité de la demande de monnaie et l’absence de neutralité de la monnaie,
les monétaristes ont proposé une interprétation plus large de la théorie quantitative de
la monnaie dont nous nous contenterons ici de résumer les résultats.

II. Le keynésianisme et le monétarisme


1. Le monétarisme
L’approche monétariste de la demande de monnaie
En premier lieu, les monétaristes tentent de montrer que la demande de monnaie peut
en effet présenter quelque instabilité à court terme, mais qu’elle est stable à long terme.
Selon eux, la demande de monnaie ne dépend pas du revenu courant des agents mais
de leur revenu permanent.

Le revenu permanent est le flux de revenu perpétuel qu’un agent peut escompter retiré
de l’exploitation de son patrimoine sans diminuer la valeur de ce dernier. Le patrimoine
au sens plus large proposé par Milton Friedman, comprend tous les avoirs (actif) d’un
agent (biens, terrain, actifs financiers) mais aussi son capital humain (éducation
qualification expérience). Si un individu loue au mieux les biens immobiliers dont il

17 | P a g e
dispose, il peut en retirer un flux de revenu perpétuel sans réduire la valeur de son
capital immobilier ; de même, il peut placer au mieux ses actifs financiers sur les
marchés financiers ; il peut aussi louer au mieux son capital humain à des employeurs
tout au long de sa vie, etc. il y a quelque bon sens à considérer que les individus ne
déterminent pas leur comportement uniquement à partir du revenu qu’ils perçoivent
aujourd’hui, mais aussi en fonction de la façon dont ils anticipent leur revenu
permanent.

Milton Friedman et les monétaristes systématisent cette réflexion de bon sens en


faisant l’hypothèse que la demande d’encaisses réelles ne dépend que du revenu
permanent réel. On peut formuler cette hypothèse ainsi :
Md/P=Rp/Pp

Où Rp mesure le revenu permanent et Pp le niveau général des prix permanent qui


reflète la façon dont les agents anticipent l’inflation à long terme.
Si l’hypothèse monétariste est vérifiée, les fluctuations à court terme du revenu courant
n’affecteront pas la demande de monnaie ; le rapport entre la quantité de monnaie et
le revenu courant (c’est-à-dire la vitesse de circulation de la monnaie) peut donc être
instable. Mais ce phénomène, observé à court terme, masque la stabilité de la relation
de long terme entre la demande de monnaie et le revenu permanent.

L’approche monétariste de la neutralité


Par ailleurs, les monétaristes expliquent comment, à court terme, les imperfections
dans le fonctionnement des marchés et la lenteur des agents à percevoir correctement
l’inflation permettent aux variations de la monnaie d’avoir des effets réels sur
l’économie. Mais ces effets ne sont pas durables.
Examinons, par exemple, les conséquences d’une augmentation des encaisses
monétaires des ménages provoquée par une politique d’extension du crédit à la
consommation. Cela peut temporairement stimuler l’activité économique en même
temps que l’inflation. En effet, les agents dépensent leurs encaisses supplémentaires
; comme on est au plein emploi, les entreprises ont des difficultés à accroitre la
production et les prix commencent à monter ; mais, à court terme, chaque entreprise
ne sait pas si l’augmentation de ses commandes est un phénomène particulier ou un
phénomène général, et peut espérer accroitre sa part de marché au détriment des
autres ; les entreprises sont alors tentées d’élever les salaires pour attirer vers elles
les chômeurs volontaires et développer leur production ; elles le font d’autant plus
volontiers que les prix de vente ont tendance à monter sur les marchés ; comme les
chômeurs ne perçoivent pas immédiatement l’inflation qui est en cours, ils pensent que
la hausse des salaires nominaux correspond à une hausse des salaires réels, et
acceptent plus rapidement les emplois offerts ; le chômage peut donc baisser en deçà
de son niveau naturel. La production et l’emploi augmentent donc, au moins dans
certaines entreprises, en même temps que les prix. La monnaie a des effets réels, elle
n’est pas complètement neutre.

18 | P a g e
Mais cela ne peut durer. En effet, le niveau général des prix s’élève quand, finalement,
les individus anticipent correctement l’inflation, ils réalisent que seuls les salaires
monétaires s’améliorent et non les salaires réels ; l’offre de travail et le chômage
reviennent progressivement vers leur niveau initial ; la quantité de travail régressant,
la production fait de même et retourne aussi vers son niveau de départ. Au terme du
processus, les encaisses monétaires, les prix et les salaires nominaux sont plus
élevés, mais les encaisses réelles, les salaires réels, la production et l’emploi sont
inchangés. A long terme, la monnaie est neutre et la théorie quantitative de la monnaie
est vérifiée.
Dans les années 1970, la théorie des anticipations rationnelles (initiée par Barro, Lucas
et Sargent) critiquera la théorie monétariste, en estimant que des individus rationnels
anticipent correctement l’inflation dès l’instant où le gouvernement annonce une
politique monétaire expansionniste. Dans ce cas, il est impossible d’augmenter l’offre
en faisant croire aux salariés que les salaires réels augmentent. Cette approche revient
donc à la théorie classique de la monnaie : la monnaie est neutre, même à court terme.

2. Le keynésianisme
L’offre et la demande de monnaie
Sur le point de l’offre de monnaie, il n’y a pas de différence entre les approches
keynésienne et classique dans les modèles élémentaires. Nous reprenons donc
exactement les hypothèses classiques. Ainsi l’offre de monnaie est parfaitement
contrôlée par les autorités ou le gouvernement. On dit que l’offre de monnaie (Mo) est
exogène. Rien ne peut faire varier la quantité de monnaie hormis une décision des
autorités monétaires. Les agents étant intéressés par la valeur réelle de la monnaie en
circulation, nous raisonnerons toujours en termes d’offre et de demande réelles de
monnaie (Mo/P).
On admet, comme dans l’approche néoclassique, que la demande d’encaisses réelles
est une fonction croissante du revenu. Il existe un décalage entre la perception et la
dépense des revenus par les ménages et les entreprises ; en attendant d’effectuer
leurs dépenses, les agents détiennent des encaisses destinées à financer les
transactions (dans la terminologie de Keynes, cette demande correspond au motif de
revenu pour les ménages et au motif d’entreprises pour les producteurs). De plus, les
agents peuvent avoir détenu des encaisses liquides pour faire face à des dépenses
imprévues (motif de précaution chez Keynes). Tous ces motifs de détention
d’encaisses sont liés aux transactions sur les biens et services ; on les regroupe donc
en une seule composante : la demande de monnaie des transactions, que nous
désignerons par L1. Cette demande de monnaie est d’autant plus importante que le
niveau d’activité économique est élevé. On a donc :
L1=L1(Y) une fonction positive du revenu
Comme nous l’avons déjà fait pour les autres fonctions macroéconomiques, on peut
adopter une formulation de cette fonction de demande de monnaie :

19 | P a g e
L1=gY avec g positif
Le coefficient g peut être interprété comme un indicateur de l’élasticité de la demande
de monnaie par rapport au revenu. Cette dernière dépend des habitudes de paiement,
de la plus ou moins grande facilité avec laquelle on peut transformer ses avoirs en
monnaie liquide au moment où l’on en a besoin pour les échanges, de l’organisation
du système bancaire.

Sur cette composante de la demande de monnaie, l’approche keynésienne suit donc


d’assez près les analyses néoclassiques. La divergence d’analyse vient de
l’introduction d’une autre fonction essentielle de la monnaie. La monnaie n’est pas
seulement un intermédiaire dans les échanges, elle constitue aussi une réserve de
valeur et, à ce titre, elle peut être détenue pour elle-même, indépendamment du
volume des échanges de biens et services, à des fins de spéculation sur les marchés
financiers.
Taux d’intérêt et spéculations boursières
Keynes ajoute à la demande de monnaie classique une seconde composante (L2) qui
est indépendante du revenu mais qui dépend du taux d’intérêt.

En effet, les variations des taux d’intérêt déterminent l’évolution du cours en


Bourse des titres à revenu fixe(les obligations) ; elles influencent donc l’incitation des
agents à placer leurs encaisses monétaires ou à les garder sous forme liquide. Si les
agents anticipent une baisse des cours, Ils préfèrent vendre des titres et conserver de
la monnaie ; la demande de monnaie augmente. Inversement, la demande de monnaie
diminue si les agents anticipent une hausse des cours et préfèrent acheter des titres.
Le motif de détention d’encaisses est appelé par Keynes, la demande spéculative de
monnaie.

Précisons la nature du lien entre le taux d’intérêt et le cours des obligations.


Les variations du taux d’intérêt entrainent sur le marché financier une variation en sens
inverse du cours des obligations. Admettons par exemple qu’à une date quelconque,
les obligations déjà émises aient une valeur de 100 et rapportent chaque année un
intérêt fixe égal à 10. Le taux de rendement des obligations est donc égal à 10%.que
se passe-t-il à présent si les nouvelles obligations émises présentent un taux d’intérêt
de 12% ? Tous les investisseurs préfèrent vendre les anciennes obligations pour
acheter les nouvelles. Il n’y a aucune raison pour que les agents rationnels acceptent
détenir des titres présentant un degré de risque identique et offrant des taux de
rendement différents. Ils procèdent en permanence à des arbitrages, c’est-à-dire qu’ils
vendent les titres dont les taux de rendement sont relativement plus faibles pour en
acquérir ceux dont les taux de rendement sont relativement plus élevés. L’offre accrue
des obligations en Bourse fait baisser leur cours. Cette baisse des cours augmente le
taux de rendement des obligations anciennes puisqu’elles rapportent un intérêt de 10,
inchangé, mais rapporté à un prix d’achat plus faible. Etant donné la rationalité des

20 | P a g e
investisseurs, le cours en Bourse doit baisser jusqu’à ce que le taux de rendement des
obligations anciennes soit identique à celui des nouvelles. Il faut donc que :
10 12
= = 0,12
𝑁𝑜𝑢𝑣𝑒𝑎𝑢 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 100

D’où l’on tire : = Nouveau cours =83,33

Le cours des anciennes obligations baisse jusqu’à 83,33, niveau auquel l’intérêt fixe
annuel de 10 représente un taux de rendement de 12%. Inversement si les taux
d’intérêt diminuent, tout le monde veut acheter les anciennes obligations, dont le taux
de rendement est supérieur ;leur cours en Bourse va donc augmenter, ce qui réduit
leur taux de rendement ; le cours va augmenter jusqu’à ce que le taux de rendement
des anciennes obligations soit identique à celui des nouvelles.

La fonction de demande spéculative de monnaie


S’appuyant sur ce mécanisme boursier bien établi, Keynes estime qu’il existe une
demande d’encaisses de spéculation (L2) qui varie en fonction inverse du taux
d’intérêt. Plus les taux d’intérêt sont élevés, plus les cours des obligations sont bas,
plus les agents anticipent un retournement des cours à la hausse. C’est donc le
moment d’acheter des titres à bas prix dans l’espoir de réaliser un gain en capital
quand les taux d’intérêt se mettront à nouveau à baisser et les cours des titres à monter
; les encaisses spéculatives diminuent.
Inversement, plus les taux d’intérêt sont bas, plus les cours des obligations sont hauts,
plus les agents anticipent un retournement des cours à la baisse. C’est donc le moment
de vendre des titres à un cours élevé, pour éviter une perte en capital quand les taux
d’intérêt se mettront à nouveau à monter et les cours des titres à baisser ; les encaisses
spéculatives augmentent.
Les encaisses spéculatives L2 sont donc une fonction inverse du taux d’intérêt :

L2=L2(i) une fonction négative


Comme pour les autres fonctions macroéconomiques nous utiliserons une formulation
linéaire très simple de cette fonction :

L2=hi où h est un indicateur de l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au


taux d’intérêt.
Si l’on tient compte des deux composantes de la demande d’encaisses réelles chez
Keynes, on obtient une fonction globale de la demande de monnaie sous la forme :

Md/P=L1(Y) + L2(i) = gY + hi

21 | P a g e
L’équilibre du marché monétaire
L’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie peut donc s’écrire, en rapprochant
les équations d’offre et de demande de monnaie :
M/P =L1 (Y) + L2 (i)=gy + hi
Keynes fait l’ hypothèse qu’ il existe un taux d’ intérêt plancher i0 ,à partir duquel tous
les agents sont convaincus que les taux ne peuvent que remonter ; tout le monde
anticipe alors une baisse des cours et préfère détenir des encaisse spéculative ; il
existe alors une préférence absolue pour la liquidité ; dans cette situation tout
augmentation de la quantité de monnaie en circulation sera absorbe part l’encaisse
spéculative :personne n’ est « assez fou » pour placer cette monnaie supplémentaire
alors qu’ il parait certain que les cours des titres ne peuvent plus que baisser ; c’ est
pour quoi Keynes dénomme cette situation extrême « trappe à liquidité ».
Le taux d’intérêt effective est déminé par le point de rencontre entre l’offre et la
demande (i*).

L’INTERACTION ENTRE SECTEUR REEL ET SECTEUR MONETAIRE


Si i est fixé sur le marché monétaire, il n’y a pas, comme dans l’approche classique,
dichotomie entre l’analyse des phénomènes réels et celle des phénomènes
monétaires. En effet, les variations du taux d’intérêt engendrées sur le marché
monétaire entrainent des variations de L’investissement et donc, à travers l’effet
multiplicateur, des fluctuations du produit intérieur qui, à leur tour, modifient l’emploi.
Inversement, les fluctuations du marché du bien et services ont une incidence directe
sur le marché monétaire. Par exemple, une élévation du niveau d’activité(y) entraine
une augmentation de la demande de monnaie de transaction, parce que le volume des
échanges se développe ; pour une offre de monnaie inchangée, cette pression
nouvelle de la demande de monnaie fait monter le taux d’intérêt. On peut ainsi
comprendre pourquoi l’efficacité du multiplicateur Keynésien dépend du taux d’intérêt.
Lorsqu’ un politique de stimulation de l’ activité de la part des autorités publiques est
mise en œuvre, il y a un effet multiplicateur qui ne tient compte que des effets sur le
marché de biens et services .Mais, au fur et à mesure que l’ effet multiplicateur agit sur
le PIB, la demande de monnaie pour financer les transaction augmente ; il s’ ensuit
une hausse de i sur le marché monétaire, ce qui freine l’ investissement et contrarie l’
effet favorable des dépenses publiques sur le PIB.L’ effet final de la politique
économique dépend donc du degré de réaction du taux d’ intérêt et de la sensibilité de
l’investissement au taux d’ intérêt.
On le voit, l’approche Keynésienne suppose un examen simultané de l’équilibre sur le
marché des biens et de l’équilibre sur le marché monétaire. C’est la raison pour
laquelle Hicks a pu développer, à partir de la théorie de Keynes, un modèle décrivant
simultanément l’équilibre réel et l’équilibre monétaire. Il s’agit du modèle IS -LM.

22 | P a g e
Chapitre.III. La transmission de la politique
monétaire

Les années récentes ont vu les banques centrales de nombreux pays mener une
stratégie de relèvement anticipé des taux d’intérêt destinée à prévenir une hausse de
l’inflation due à la surchauffe de l’économie. Pour que cette stratégie s’avère un
succès, les autorités monétaires doivent pouvoir évaluer précisément le rythme et
l’incidence de leurs actions sur l’économie, ce qui suppose une compréhension des
mécanismes par lesquels la politique monétaire affecte l’économie.

La politique monétaire se situe désormais au coeur des débats relatifs aux mesures
susceptibles de favoriser une croissance durable et la stabilité des prix dans
l’économie. La politique budgétaire a perdu son attrait en tant qu’instrument de
stabilisation de l’ensemble de l’économie, en raison des doutes quant à la capacité de
régler les mesures budgétaires de façon à atteindre le degré de stabilisation souhaité
et également du fait des préoccupations relatives aux déficits budgétaires. Il s’ensuit
que, depuis quelques années, économistes et hommes politiques recommandent que
l’objectif de stabilisation de la production et de l’inflation revienne à la politique
monétaire. Les économistes en sont également venus à prôner plus fermement la
stabilité des prix comme principal objectif à long terme d’une banque centrale.

I. Le canal des taux d’intérêt


Je débute la présentation des mécanismes de transmission de la politique monétaire
par les canaux de taux d’intérêt, car il s’agit là d’un thème classique de la littérature
économique depuis plus de cinquante ans et aussi du principal mécanisme de
transmission de la politique monétaire dans le modèle keynésien de base ISLM, qui
sert de référence dans l’enseignement de la macro-économie.

23 | P a g e
La conception keynésienne ISLM traditionnelle du mécanisme de transmission de la
politique monétaire peut se résumer par le schéma suivant, qui illustre les effets d’une
expansion monétaire : 𝑴 ↑→ 𝒊𝒓 ↓→ 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (1)
où 𝑴 ↑ indique la conduite d’une politique monétaire expansionniste, qui aboutit à une
baisse des taux d’intérêt réels (ir) ; celle-ci réduit le coût du capital, ce qui entraîne une
augmentation des dépenses d’investissement (I ) et, par là-même, un accroissement
de la demande globale et de la production (Y ).
Bien que, à l’origine, Keynes ait présenté ce canal comme agissant principalement par
l’intermédiaire des décisions des entreprises en matière de dépenses
d’investissement, des études ultérieures ont montré que l’investissement en logement
et l’acquisition de biens de consommation durables des ménages étaient également
des décisions d’investissement. Par conséquent, le schéma présenté ci-dessus
s’applique tout aussi bien à certaines dépenses des consommateurs, I représentant
alors les dépenses relatives au logement et à l’achat de biens de consommation
durables.
Une caractéristique importante du canal du taux d’intérêt est l’accent qu’il met sur le
taux d’intérêt réel plutôt que nominal, comme étant celui qui affecte les décisions des
consommateurs et des entreprises. En outre, c’est le taux d’intérêt réel à long terme,
et non à court terme, qui est souvent considéré comme ayant une incidence majeure
sur les dépenses. Comment se fait-il que des modifications du taux d’intérêt nominal à
court terme induites par une banque centrale entraînent une variation correspondante
du taux d’intérêt réel à court et à long terme ? Cela s’explique par la rigidité des prix,
de sorte qu’une politique monétaire expansionniste qui abaisse le taux d’intérêt
nominal à court terme réduit également le taux d’intérêt réel à court terme ; cet
enchaînement resterait encore valable dans un monde régi par les anticipations
rationnelles. L’hypothèse des anticipations de la structure par terme des taux, selon
laquelle le taux d’intérêt à long terme représente une moyenne des prévisions relatives
aux taux d’intérêt futurs à court terme, donne à penser que la baisse du taux d’intérêt
réel à court terme entraîne une chute du taux d’intérêt réel à long terme. Ce
fléchissement des taux d’intérêt réels aboutit ensuite à une hausse de l’investissement
en capital fixe des entreprises, de l’investissement en logements, des dépenses de
biens de consommation durables et de formation des stocks, le tout provoquant une
augmentation de la production globale.

Le fait que ce soit le taux d’intérêt réel, et non nominal, qui exerce une influence sur
les dépenses constitue un mécanisme important de la façon dont la politique monétaire
est susceptible de stimuler l’économie, même si les taux d’intérêt nominaux atteignent
un seuil zéro lors d’une phase de déflation.

Avec des taux d’intérêt nominaux au plancher, une croissance de la masse monétaire
(M) est susceptible d’élever le niveau des prix attendu (𝑷𝒆 ) et donc l’inflation anticipée
(𝝅𝒆 ), entraînant par conséquent une réduction des taux d’intérêt réels (ir) même

24 | P a g e
lorsque le taux d’intérêt nominal est fixé à zéro, et une stimulation des dépenses par
le canal du taux d’intérêt ci-dessus, soit :

𝑴 ↑→ 𝑷𝒆 ↑→ 𝝅𝒆 ↑→ 𝒊𝒓 ↓→ 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (2)
Par conséquent, ce mécanisme indique que la politique monétaire peut continuer d’être
efficace même lorsque les autorités monétaires ont déjà ramené les taux d’intérêt
nominaux à zéro. De fait, ce mécanisme est un des thèmes principaux des débats
monétaristes visant à expliquer pourquoi l’économie américaine ne s’est pas retrouvée
prise dans une trappe à liquidité durant la grande dépression et pourquoi une politique
monétaire expansionniste aurait pu prévenir la chute de la production durant cette
période.
Taylor (1995) propose une excellente vue d’ensemble des récentes études menées
sur les canaux de taux d’intérêt et, selon lui, l’expérience prouve largement que les
taux d’intérêt exercent un effet considérable sur les dépenses de consommation et
d’investissement, ce qui en fait un puissant mécanisme de transmission de la politique
monétaire. Sa position est fortement controversée : de nombreux chercheurs, comme
Bernanke et Gertler (1995), professent une toute autre opinion et affirment que les
études empiriques ont eu beaucoup de mal à déceler une incidence significative des
taux d’intérêt par le biais du coût du capital. Ces experts considèrent que l’échec du
taux d’intérêt comme mécanisme de transmission de la politique monétaire a
encouragé la recherche d’autres mécanismes, notamment le canal du crédit.

II. Le canal du crédit


L’insatisfaction face aux thèses traditionnelles exposant comment l’action des taux
d’intérêt explique l’incidence de la politique monétaire sur les dépenses portant sur des
actifs durables a abouti à une nouvelle conception du mécanisme de transmission, qui
met l’accent sur l’asymétrie d’information sur les marchés de capitaux 1. Il existe deux
canaux de base pour la transmission de la politique monétaire, découlant des
problèmes d’information sur les marchés du crédit : le canal du crédit bancaire et le
canal du bilan.
2.1. Canal du crédit bancaire
Le canal du crédit bancaire est fondé sur l’idée que les banques jouent un rôle
spécifique au sein du système financier, car elles sont particulièrement bien placées
pour résoudre les problèmes d’asymétrie d’information sur les marchés de crédit. Du
fait de ce rôle spécifique des banques, certains emprunteurs n’auront pas accès aux
marchés de crédit s’ils n’empruntent pas auprès d’elles. Tant qu’il n’existe pas de
parfaite substituabilité pour les banques commerciales entre dépôts et autres sources

25 | P a g e
de refinancement, le canal du crédit bancaire agit de la façon suivante. Une politique
monétaire expansionniste, qui contribue à accroître les réserves et les dépôts
bancaires, augmente la quantité de prêts bancaires disponibles. Compte tenu du rôle
spécifique des banques en tant que prêteurs à certaines catégories d’emprunteurs,
cette augmentation du volume de prêts conduira à une hausse des dépenses
d’investissement (et éventuellement de consommation). De façon schématique, l’effet
de politique monétaire est le suivant :

𝑴 ↑→ 𝐝é𝐩ô𝐭𝐬 𝐛𝐚𝐧𝐜𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 ↑→ 𝐩𝐫ê𝐭𝐬 𝐛𝐚𝐧𝐜𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 ↑ → 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (3)


Une conséquence importante de la thèse du crédit est que la politique monétaire aura
une incidence plus forte sur les dépenses des petites entreprises, qui dépendent
davantage des prêts bancaires, que sur les grandes entreprises qui ont directement
accès aux marchés de capitaux, sans avoir à solliciter les banques.
Certains travaux ont soulevé des doutes quant au rôle du canal du crédit bancaire. Il
existe de bonnes raisons de penser qu’il n’est probablement plus aussi puissant
qu’autrefois aux États-Unis. En premier lieu, la réglementation américaine actuelle
n’impose plus aux banques de restrictions limitant leur capacité de collecter des fonds.
Avant le milieu des années quatre-vingt, les certificats de dépôt (CD) étaient soumis à
l’obligation de constitution de réserves et à la réglementation Q (plafonnement de la
rémunération des dépôts), ce qui empêchait les banques de remplacer les dépôts qui
s’échappaient du système bancaire en période de contraction de la masse monétaire.
La suppression de ces restrictions permet aux banques de réagir plus facilement à une
réduction de leurs réserves et à une perte de dépôts en émettant des certificats de
dépôt aux taux du marché, qui n’imposent pas la constitution de réserves obligatoires.
En second lieu, le déclin de l’activité traditionnelle de prêt à l’échelle mondiale (cf.
Edwards et Mishkin 1995) signifie que les banques jouent un rôle moins important sur
les marchés de crédit, d’où une moindre efficacité du canal du crédit bancaire.
2.2. Canaux des bilans
Le déclin de l’importance du canal du crédit bancaire n’implique pas pour autant qu’il en va de
même pour l’autre canal de crédit, celui du bilan. Ce canal trouve, lui aussi, son origine dans
l’existence de problèmes d’asymétrie d’information sur les marchés de crédit. Plus la situation
nette d’une entreprise est faible, plus les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité
sont aigus lorsqu’il s’agit de lui octroyer des prêts. En effet, une diminution de la situation nette
signifie que les prêteurs disposent d’une moindre garantie en contrepartie de leurs prêts et les
pertes dues à la sélection adverse sont donc plus importantes. La dégradation de la situation
nette, qui aggrave le problème de sélection adverse, aboutit par conséquent à une réduction
des prêts destinés à financer les dépenses d’investissement. En outre, elle accentue
également le problème d’aléa de moralité, car cela signifie que la valeur des participations
dans l’entreprise diminue pour les propriétaires, ce qui les incite à s’engager dans des projets
d’investissement plus risqués. Comme la probabilité de non-remboursement des prêteurs se
trouve par là même renforcée, la dégradation de la situation nette des entreprises aboutit à
une diminution des prêts et donc des dépenses d’investissement.

26 | P a g e
La politique monétaire est susceptible d’affecter les bilans des entreprises de plusieurs
manières. Une politique monétaire expansionniste (M), qui entraîne une hausse des cours des
actions ( 𝑷𝒂 ) selon l’enchaînement décrit précédemment, renforce la situation nette des
entreprises et aboutit donc à une augmentation des dépenses d’investissement (I) et de la
demande globale (Y ), puisque les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité sont
atténués. On en déduit donc le schéma suivant, pour un canal de transmission de la politique
monétaire par le bilan :

𝑴 ↑→ 𝑷𝒂 ↑→ sélection adverse ↓ → aléa de moralité ↓→ prêts ↑→ 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (4)

Une politique monétaire expansionniste, qui suscite une baisse des taux d’intérêt, entraîne
également une amélioration des bilans des entreprises car elle accroît leur revenu
d’exploitation, réduisant par là même les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité.
On en déduit le schéma suivant, pour un canal de bilan supplémentaire :

𝑴 ↑→ 𝒊𝒓 ↓→ 𝐓𝐫é𝐬𝐨𝐫𝐞𝐫𝐢𝐞 ↑→ 𝐒é𝐥𝐞𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐝𝐯𝐞𝐫𝐬𝐞 ↓ → 𝐚𝐥é𝐚 𝐝𝐞 𝐦𝐨𝐫𝐚𝐥𝐢𝐭é ↓→ 𝐩𝐫ê𝐭𝐬 ↑→ 𝑰 ↑→


𝒀 ↑ (5)

Un autre mécanisme apparenté au précédent, qui se réfère également à la sélection


adverse, et par lequel une politique monétaire expansionniste contribuant à réduire les
taux d’intérêt est susceptible de stimuler la production globale, concerne le phénomène
de rationnement du crédit. Comme l’ont démontré Stiglitz et Weiss (1981), le
rationnement du crédit intervient dans des cas où les emprunteurs se voient refuser
des prêts, même s’ils sont disposés à payer un taux d’intérêt plus élevé. Cela tient au
fait que les ménages et les entreprises dont les projets d’investissement comportent le
plus de risques sont ceux-là mêmes qui acceptent de payer les taux les plus élevés
car, si leur investissement s’avère rentable, ils en seront les principaux bénéficiaires.
Par conséquent, une hausse des taux d’intérêt aggrave le problème de sélection
adverse et une baisse exerce l’effet contraire. Lorsqu’une politique monétaire
expansionniste favorise une baisse des taux d’intérêt, les emprunteurs moins enclins
à prendre des risques représentent une proportion plus importante des demandeurs
de prêts et les bailleurs de fonds sont donc plus disposés à octroyer des prêts, ce qui
entraîne une hausse de l’investissement et de la production, selon l’enchaînement
décrit par une partie du schéma ci-dessus.

Un troisième canal de bilan agit par le biais des effets de la politique monétaire sur le
niveau général des prix. Étant donné que les versements au titre d’une dette sont fixés
par contrat en termes nominaux, une hausse non anticipée du niveau des prix réduit
la valeur du passif d’une entreprise en termes réels (elle allège le poids de la dette),
mais pas celle de l’actif, en principe. L’expansion monétaire, qui aboutit à une hausse
non anticipée du niveau des prix (P ), accroît par conséquent la situation nette réelle,
ce qui atténue les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité et suscite une
hausse des dépenses d’investissement et de la production globale, comme le montre
le schéma ci-dessous :

27 | P a g e
𝑴 ↑→ 𝑃 ↓ 𝐧𝐨𝐧 𝐚𝐧𝐭𝐢𝐜𝐢𝐩é𝐞 → 𝐓𝐫é𝐬𝐨𝐫𝐞𝐫𝐢𝐞 ↑→ 𝐒é𝐥𝐞𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐝𝐯𝐞𝐫𝐬𝐞 ↓ → 𝐚𝐥é𝐚 𝐝𝐞 𝐦𝐨𝐫𝐚𝐥𝐢𝐭é ↓→
𝐩𝐫ê𝐭𝐬 ↑→ 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (6)

La thèse selon laquelle les variations non anticipées du niveau des prix ont une forte
incidence sur la demande globale n’est guère une nouveauté en économie : c’est la
principale caractéristique de la thèse d’Irving Fisher (1933) de la déflation par la dette
lors de la grande dépression.
2.3. Effets sur le patrimoine des ménages

Bien que la plupart des ouvrages relatifs au canal du crédit traitent principalement des
dépenses des entreprises, ce canal devrait tout aussi bien s’appliquer aux dépenses
des consommateurs, notamment celles portant sur des biens de consommation
durables et le logement. Une réduction des prêts bancaires induite par une politique
de rigueur monétaire devrait entraîner une baisse des achats de biens de
consommation durables et de logements par les ménages, qui n’ont pas accès à
d’autres sources de crédit. De même, un relèvement des taux d’intérêt entraîne une
dégradation de la situation patrimoniale des ménages, car la valeur des actifs à revenu
fixe est affectée négativement.
Une autre façon d’envisager l’action du canal du bilan par le biais des consommateurs
consiste à évaluer les effets de liquidité sur les dépenses portant sur les biens de
consommation durables et le logement — considérés comme d’importants facteurs lors
de la grande dépression (Mishkin 1978). Selon la thèse des effets de liquidité,
l’incidence sur le patrimoine agit plutôt par le biais de la propension des consommateurs
à dépenser que par celle des prêteurs à octroyer des crédits. Compte tenu de
l’existence d’asymétries d’information sur leur qualité, les biens de consommation
durables et les logements sont des actifs très peu liquides. Si, à la suite d’un choc
affectant négativement leurs revenus, les consommateurs étaient amenés à vendre
leurs biens durables ou leur logement afin d’obtenir des liquidités, ils devraient
s’attendre à subir une perte importante, ne pouvant pas récupérer
la valeur totale de ces actifs lors d’une vente d’urgence. (Il s’agit simplement d’une
manifestation du « problème des vieux tacots 1 » décrit par Akerloff (1970), qui a
encouragé les études sur le canal du crédit). En revanche, si les consommateurs
détenaient des actifs financiers (dépôts bancaires, actions ou obligations, par
exemple), ils pourraient les réaliser rapidement sans difficulté, pour la totalité de leur
valeur de marché, et obtenir les liquidités nécessaires. Par conséquent, si les
consommateurs anticipent une probabilité plus forte de connaître des difficultés
financières, ils ont tout intérêt à détenir moins de biens de consommation durables ou
immobiliers peu liquides, et davantage d’actifs financiers, plus liquides.
Le patrimoine d’un consommateur devrait avoir une forte influence sur son estimation
de la probabilité qu’il a de subir des difficultés financières. Plus précisément, lorsque
les consommateurs détiennent un montant élevé d’actifs financiers par rapport à leur
endettement, leur évaluation de la probabilité de connaître des difficultés financières

28 | P a g e
est faible et ils seront davantage disposés à acquérir des biens de consommation
durables ou des logements. Une hausse des cours des actions se traduit par un
accroissement de la valeur des actifs financiers ; les dépenses de biens de
consommation durables augmenteront également, car les consommateurs ont une
position financière plus sûre et estiment que la probabilité de subir des difficultés
financières est moindre. On aboutit ainsi à un autre mécanisme de transmission de la
politique monétaire, qui agit par le biais de la relation entre liquidité et cours des actions
:
𝑴 ↑→ 𝐚𝐜𝐭𝐢𝐟𝐬 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐢𝐞𝐫𝐬 ↑ → 𝐩𝐫𝐨𝐛𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭é 𝐝𝐞 𝐝𝐢𝐟𝐟𝐢𝐜𝐮𝐥𝐭é𝐬 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐢è𝐫𝐞𝐬 ↓→
𝐝é𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐛𝐢𝐞𝐧𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐨𝐦𝐦𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐮𝐫𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐨𝐠𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 ↑→ 𝒀 ↑ (7)

Le caractère non liquide des biens de consommation durables et des actifs immobiliers
constitue une autre raison pour laquelle une contraction de la masse monétaire, qui
contribue à élever les taux d’intérêt et par conséquent à réduire la valeur du patrimoine
des consommateurs, aboutit à une chute des dépenses de biens de consommation
durables et de logement. Une diminution du patrimoine des consommateurs élève la
probabilité de connaître des difficultés financières, ce qui réduit leur propension à
détenir des biens durables ou un logement, d’où une diminution des dépenses
afférentes et, donc, de la production globale. L’unique différence entre cette thèse et
celle décrite dans le schéma (8) tient au fait que ce n’est pas la réticence des prêteurs
à octroyer des crédits aux consommateurs qui entraîne une baisse des dépenses, mais
celle des consommateurs à dépenser.
2.4. Crises financières

Une forme extrême des canaux de crédit décrits précédemment fournit une ligne
directrice pour expliquer les effets de la politique monétaire sur l’économie par
l’intermédiaire d’une crise financière. Une crise financière se définit comme une
perturbation affectant les marchés financiers, qui aggrave sensiblement les problèmes
d’asymétrie d’information du type de ceux évoqués précédemment, de sorte que ces
marchés ne sont plus capables d’orienter efficacement les fonds vers les agents dont
les projets d’investissement sont les plus rentables. Il s’ensuit une forte contraction de
l’activité économique. La théorie des crises financières liée à l’asymétrie d’information,
exposée par Bernanke (1983) et Mishkin (1991, 1994), donne à penser qu’une politique
de rigueur monétaire est susceptible de jouer un rôle important dans le déclenchement
de crises financières. Mishkin (1994) retient cinq facteurs susceptibles de favoriser leur
apparition :
– hausse des taux d’intérêt,

– baisse de la Bourse,

– déclin non anticipé du niveau des prix,

– montée de l’incertitude et,

– paniques bancaires.

29 | P a g e
Les développements précédents montrent de quelle manière une politique de rigueur
monétaire peut engendrer des problèmes d’asymétrie d’information susceptibles
d’entraîner une contraction de l’activité économique résultant des trois premiers
facteurs. Une contraction de la masse monétaire, qui induit une hausse des taux
d’intérêt, accentue le phénomène de sélection adverse car les agents économiques
disposés à prendre des risques plus importants, et donc à payer un taux d’intérêt plus
élevé, sont aussi les plus désireux d’obtenir des prêts. En outre, la hausse des taux
d’intérêt, qui réduit la capacité de financement des entreprises, affecte leur situation
financière, ce qui aggrave les problèmes d’aléa de moralité et de sélection adverse et
n’incite guère les marchés à leur prêter des fonds. Une contraction de la masse
monétaire entraîne également un recul des cours des actions, qui dégrade la situation
nette des entreprises et renforce, là encore, les problèmes de sélection adverse et
d’aléa de moralité sur les marchés de crédit. Par ailleurs, elle peut également entraîner
un recul non anticipé du niveau des prix qui, étant donné que la dette est libellée en
termes nominaux, aboutit, comme l’a démontré Fisher (1933), à un scénario de déflation
par la dette dans lequel la dégradation de la situation nette des entreprises accentue
les problèmes de sélection adverse et d’aléa de moralité. Par conséquent, notre
précédente analyse des canaux de crédit montre comment la politique monétaire est
susceptible de provoquer une crise financière, qui est un cas extrême d’aggravation des
problèmes d’asymétrie d’information, et donc une forte contraction de l’activité
économique.
Les deux derniers facteurs favorisant l’apparition de crises financières peuvent
également être engendrés par une politique de rigueur monétaire. Une récession,
susceptible de résulter d’une telle politique, se traduit généralement par une incertitude
accrue quant au remboursement des dettes, ce qui ne facilite guère la distinction entre
bons et mauvais risques de crédit. Par conséquent, la montée de l’incertitude accentue
l’asymétrie d’information sur les marchés de capitaux et aggrave le problème de
sélection adverse, freinant ainsi l’octroi de prêts et provoquant par là-même une baisse
de l’activité économique. Une contraction de la masse monétaire est également
susceptible de favoriser les paniques bancaires car, comme nous l’avons vu, elle peut
aboutir à une dégradation des bilans des entreprises, qui se traduit pour les banques
par des créances douteuses. Étant donné que les déposants sont probablement
incapables de distinguer entre les établissements bancaires qui ont octroyé des prêts à
problèmes et les autres, ils se précipitent indistinctement pour retirer leurs fonds. La
contraction des dépôts qui en résulte et le souhait des banques d’accroître leurs
réserves pour se prémunir contre les retraits de fonds aboutit alors à une contraction
cumulative des prêts et des dépôts, comme le montrent fort bien Friedman et Schwartz
(1963), qui favorise d’autres faillites bancaires et provoque une panique générale au
sein du système bancaire. Comme nous l’avons vu précédemment, les banques ont un
rôle spécifique au sein du système financier car elles sont très bien placées pour
résoudre les problèmes d’asymétrie d’information sur les marchés du crédit. La
diminution du nombre de banques et la contraction de leurs ressources pour octroyer
des prêts réduit la capacité du système financier à résoudre les problèmes de sélection

30 | P a g e
adverse et d’aléa de moralité sur les marchés de crédit, provoquant ainsi une baisse de
l’investissement et un déclin de l’activité économique.
Comme le démontre Mishkin (1991), la plupart des crises financières aux États-Unis
ont débuté par une forte hausse des taux d’intérêt, un effondrement du marché boursier
et une montée de l’incertitude après le début d’une récession, tous ces facteurs étant
induits par une politique de rigueur monétaire. La dégradation de la situation des
entreprises et l’incertitude quant à la santé des banques ont provoqué une vague de
retrait des dépôts, ce qui a déclenché un mouvement de panique. Dans les périodes de
crises les plus graves, un recul non anticipé du niveau des prix s’est alors amorcé, du
fait de la contraction de la masse monétaire, ce qui a entraîné une déflation par la dette
et une poursuite de la dégradation de la situation nette des entreprises. Nous voyons
donc comment une contraction de la masse monétaire est susceptible de créer un
enchaînement d’événements aboutissant à une aggravation sensible des problèmes de
sélection adverse et d’aléa de moralité et, enfin, à une crise financière. Celle-ci fournit
alors une autre explication de la manière dont la politique monétaire est susceptible
d’affecter l’économie.
2.5. Canal du taux de change
Ce canal fait intervenir les effets du taux d’intérêt car la baisse des taux d’intérêt réels
nationaux réduit l’attrait des dépôts nationaux en dollars par rapport aux dépôts libellés
en monnaies étrangères, ce qui entraîne une chute de la valeur des dépôts en dollars
par rapport aux dépôts en devises, c’est-à-dire une dépréciation du taux de change (
E ).
La dépréciation de la monnaie nationale abaisse le prix des biens nationaux par rapport
aux biens étrangers, ce qui se traduit par une augmentation des exportations nettes
(NX ) et donc de la production globale. Par conséquent, le schéma du mécanisme de
transmission de la politique monétaire par le canal du taux de change est le suivant :

𝑴 ↑→ 𝒊𝒓 ↓→ 𝑬 ↓→ 𝑵𝑿 ↑→ 𝒀 ↑ (8)

Ce canal joue un rôle important dans la façon dont la politique monétaire affecte
l’économie nationale, ce qui apparaît clairement dans les récentes études menées sur
ce sujet, comme celles de Bryant, Hooper et Mann (1993) et de Taylor (1993).
2.6. Canal du cours des actions
Il existe deux canaux importants impliquant les cours des actions pour le mécanisme
de transmission de la politique monétaire : ils se réfèrent à la théorie de
l’investissement de Tobin (coefficient q) et aux effets de richesse sur la consommation.

La théorie du coefficient q de Tobin


Cette théorie établit un mécanisme selon lequel la politique monétaire affecte
l’économie par le biais de ses effets sur la valorisation des actions (cf. Tobin 1969).
Tobin définit le coefficient q comme étant le rapport entre la valeur boursière des
entreprises et le coût de renouvellement du capital. Si q est élevé, la valeur boursière

31 | P a g e
des entreprises est élevée par rapport au coût de renouvellement du capital et les
nouveaux investissements productifs sont peu onéreux par rapport à la valeur
boursière des entreprises.

Celles-ci peuvent alors émettre des actions et en obtenir un prix élevé, compte tenu du
coût des investissements productifs qu’elles réalisent. Par conséquent, les dépenses
d’investissement augmenteront car les entreprises peuvent acquérir beaucoup de
biens d’équipement en émettant peu d’actions nouvelles.

En revanche, lorsque q est faible, les entreprises ne chercheront pas à acquérir de


nouveaux biens d’équipement, car leur valeur boursière est faible par rapport au coût
du capital. Si les entreprises veulent se procurer du capital lorsque q est faible, elles
peuvent acheter une autre entreprise à un prix avantageux et acquérir ainsi du capital
existant. Dans ce cas, les dépenses d’investissement seront faibles.
L’existence d’un lien entre le coefficient q de Tobin et les dépenses d’investissement
se situe au centre du débat. Néanmoins, comment la politique monétaire est-elle
susceptible d’affecter les cours des actions ? Selon la conception monétariste, lorsque
l’offre de monnaie augmente, les agents estiment qu’ils disposent de trop de liquidités
par rapport au niveau souhaité et tentent, dès lors, de réduire leurs encaisses en
accroissant leurs dépenses. Le marché boursier leur offre une possibilité de dépenser
ce surplus, ce qui accroît la demande d’actions et fait ainsi monter les cours. Selon
une conception plus keynésienne, qui aboutit à la même conclusion, la chute des taux
d’intérêt découlant d’une politique monétaire expansionniste augmente l’attrait des
actions, ce qui suscite une hausse des cours de ces dernières. En combinant ces
thèses avec le fait que la hausse des cours des actions (Pa) entraîne une
augmentation du coefficient q (q) et donc des dépenses d’investissement (I), on déduit
le mécanisme suivant de transmission de la politique monétaire :
𝑴 ↑→ 𝑷𝒂 ↑→ 𝒒 ↑→ 𝑰 ↑→ 𝒀 ↑ (9)
Effets de richesse
Un autre canal de transmission par les cours des actions agit par le biais des effets de
richesse sur la consommation. Ce canal a été mis en évidence par Franco Modigliani
dans son modèle MPS, dont une version est actuellement utilisée par le Conseil des
gouverneurs du Système de réserve fédérale (cf. Modigliani 1971). Dans le modèle du
cycle de vie de Modigliani, les dépenses de consommation sont déterminées par les
ressources des consommateurs tout au long de leur vie, qui sont constituées du capital
humain, du capital matériel et de la richesse financière — ou patrimoine. Les actions
ordinaires sont une composante majeure du patrimoine financier. Lorsque les cours
des actions s’élèvent, la valeur de ce patrimoine financier s’accroît et, par conséquent,
les ressources globales des consommateurs pendant l’ensemble de leur vie
augmentent, et par conséquent la consommation. Comme nous avons déjà constaté
qu’une politique monétaire expansionniste peut entraîner une hausse des cours des
actions

32 | P a g e
(Pa), nous en déduisons alors un autre mécanisme de transmission de la politique
monétaire :

𝑴 ↑→ 𝑷𝒂 ↑→ 𝐫𝐢𝐜𝐡𝐞𝐬𝐬𝐞 ↑→ 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐨𝐦𝐦𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 ↑→ 𝒀 ↑ (10)

Chapitre.IV. La politique monétaire dans l’UEMOA

Présentation de l’autorité monétaire ouest africaine

La Banque Centrale est investie des missions fondamentales suivantes :

- définir et mettre en œuvre la politique monétaire au sein de l’UEMOA ;


- veiller à la stabilité du système bancaire et financier de l’UEMOA ;
- promouvoir le bon fonctionnement et assurer la supervision et la sécurité des
systèmes de paiement dans l’UEMOA ;
- mettre en œuvre la politique de change de l’UEMOA dans les conditions arrêtées par
le Conseil des Ministres ;
- gérer les réserves officielles de change des Etats membres de l’UEMOA.

I. Les organes de la BCEAO

1. Le Gouverneur

Le Gouverneur veille au respect et à l'application des dispositions des traités, accords


et conventions internationales, des présents Statuts, du Protocole relatif aux privilèges

33 | P a g e
et immunités de la BCEAO ainsi que des dispositions législatives et réglementaires
relatives à la Banque Centrale.

2. Le Comité de Politique Monétaire

Le Comité de Politique Monétaire est chargé de la définition de la politique monétaire


au sein de l’UEMOA, ainsi que de ses instruments, conformément aux dispositions des
Statuts.
Le Comité de Politique Monétaire comprend :

- le Gouverneur de la Banque Centrale, Jean-Claude Kassi BROU (CIV)


- les Vice-Gouverneurs de la Banque Centrale, (NIGER : Monsieur Mamadou DIOP
et BURKINA : Burkina Monsieur Norbert TOE)
- un membre proposé par chacun des Gouvernements des Etats membres de
l’UMOA et nommé par le Conseil des Ministres,
- un membre nommé par l’Etat assurant la garantie de la convertibilité de la
monnaie commune,
- quatre autres membres ressortissants des Etats membres de l’UEMOA,
nommés intuitu personae par le Conseil des Ministres.

3. Le Conseil d’Administration
Le Conseil d’Administration est chargé des questions relatives à la gestion de la
Banque Centrale, conformément aux dispositions des Statuts. Le Conseil
d’Administration comprend :
- Le Gouverneur de la Banque Centrale ;
- Un membre nommé par chacun des Gouvernements des Etats membres
de l’UMOA ;
- Un membre nommé par l’Etat assurant la garantie de la convertibilité de
la monnaie commune.

4. Le Comité d’Audit

Le Comité d’Audit est chargé d’apprécier la qualité de l’administration, du


fonctionnement, de l’information financière et du système de contrôle de la Banque
Centrale. Le Comité d’Audit est composé de quatre membres.
Le Comité d'Audit comprend :
- un Administrateur de la BCEAO, ressortissant de l’Etat membre assurant
la présidence du Conseil des Ministres de l’UMOA ;

34 | P a g e
- trois Administrateurs de la BCEAO, ressortissants des autres Etats
membres de l’UMOA.

5. Les Conseils Nationaux du Crédit

Le Conseil National du Crédit étudie les conditions de fonctionnement du système


bancaire et financier, notamment dans ses relations avec la clientèle et dans la gestion
des moyens de paiement ainsi que les conditions de financement de l’activité
économique.
Le Conseil National du Crédit peut être consulté sur toute question monétaire ou de
crédit. Il émet des avis et peut faire procéder aux études qu’il juge nécessaires.
Le Conseil National du Crédit comprend :
- le Ministre chargé des Finances,
- le Représentant de la Banque Centrale,
- le ou les membres du Comité de Politique Monétaire, ressortissants de
l’Etat membre concerné,
- quatre membres nommés par le Gouvernement de l’Etat membre
concerné, dont le Directeur du Trésor public,
- un membre désigné par le Conseil Economique et Social,
- le Président de l’Association Professionnelle des Banques et
Etablissements Financiers et un autre membre désigné par cette association,
- trois membres désignés par les chambres consulaires,
- deux membres désignés par les associations de consommateurs et
représentant les intérêts de la clientèle des banques et établissements
financiers,
- deux membres désignés par les universités et centres de recherche,
- quatre personnalités nommées intuitu personae par le Comité de
Politique Monétaire, en raison de leur compétence dans les domaines
économique, monétaire, financier, juridique ou comptable.
Le Conseil National du Crédit est présidé par le Ministre chargé des Finances.

II PAYSAGE BANCAIRE DE L'UEMOA


2.1 Activité bancaire

Le réseau bancaire de l'union a augmenté d'une unité par rapport à fin décembre
2019, pour s'établir à 131 banques à fin décembre 2020. Cette évolution est en
lien avec la création de deux établissements bancaires, dont l’un au Sénégal et
l’autre au Togo, dans un contexte de fusion de deux banques au Bénin 1 .
Relativement aux établissements financiers, il a également été noté une
progression similaire, l’effectif passant de 20 unités en 2019 à 21 unités en 2020.

1
Fusion-absorption entre Banque Africaine pour l'Industrie et le Commerce (BAIC) et la Banque Internationale du Bénin (BIBE)
pour former la Banque Internationale pour l'Industrie et le Commerce (BIIC).

35 | P a g e
Tableau 2 : Répartition des établissements de crédit par pays

Nombre d'unités en 2019 Nombre d'unités en 2020

Pays Banques E.F (*) Banques E. F

Bénin 15 0 14 1

Burkina 15 4 15 4

Côte d'Ivoire 29 2 29 2

Guinée-Bissau 5 0 5 0

Mali 14 3 14 3

Niger 14 4 14 4

Sénégal 25 4 26 4

Togo 13 3 14 3

Ensemble 130 20 131 21


Sources : BCEAO, SGCB (*) : Établissement financier

L'activité du système bancaire de l’Union en 2020, comparée à l'année 2019 a


poursuivi sa croissance, accompagnée d’une amélioration de la qualité du
portefeuille des assujettis. Les emplois du système bancaire se sont accrus de
14,6% pour s'établir à 41.052,4 milliards à fin décembre 2020. Tout comme
l'année précédente, cette évolution résulte d'une progression des crédits de
campagne (+2.808,6 milliards ou +472,6%) et des crédits à la clientèle (+1.613,1
milliards ou +7,0%), notamment ceux à long terme (+2 687,2 milliards ou
+237,5%). Quant aux ressources bancaires, elles ont progressé de 5.353,5
milliards pour se fixer à 38 325,0 milliards à fin décembre 2020, en rapport avec
la hausse simultanée des dépôts et emprunts (+4.787,4 milliards ou +117,5%),
des fonds propres nets (+422,3 milliards ou +11,5%) et des diverses ressources
(143,8 milliards ou +7,1%).

2.2 Marché monétaire

Les incertitudes induites par la pandémie de la Covid-19 ont conduit la BCEAO


à maintenir durant l’année 2020 une orientation accommodante de sa politique
monétaire. Dans un contexte de faible inflation, elle a réduit son principal taux
directeur à son niveau historique le plus bas et accru substantiellement ses
interventions en faveur des banques dès le déclenchement de la crise sanitaire.
En outre, pour conforter son action monétaire et préserver le financement de
l’activité, la BCEAO a également pris des mesures fortes en faveur de plusieurs
acteurs de la vie économique.
En effet, la Banque Centrale a notamment accru de 340 milliards en une
semaine, son offre de liquidité le 24 mars 2020. Elle a ensuite décidé, à compter

36 | P a g e
du 31 mars 2020, de servir la totalité des besoins exprimés par les banques sur
ses guichets de refinancement, au taux unique de 2,50%, son taux minimum à
cette date. Ce taux a été ramené depuis le 24 juin 2020 à 2,00%, soit l’un des
plus faibles en Afrique.
Ainsi, le montant moyen des injections hebdomadaires de liquidité est ressorti à
3.562,0 milliards, au cours de l’année 2020, en hausse de 7,2 milliards par
rapport à l’année 2019. Le taux moyen pondéré des opérations hebdomadaires
d’injection de liquidités s’est établi à 2,35% au cours de l’année 2020, en recul
de 116,06 points de base (pdb) par rapport à 2019.
Au total, l’encours du refinancement accordé aux banques a progressé de
24,5% ou +1.152,5 milliards, passant de 4.712,6 milliards à fin décembre 2019
à 5.918,0 milliards à fin décembre 2020.
En 2020, le marché interbancaire de l’Union a été caractérisé par une contraction
du volume moyen de transactions. Ainsi, le volume moyen des transactions
toutes maturités confondues s’est élevé à 275 milliards de FCFA en 2020, contre
455 milliards de FCFA en 2019 (-40%). S’agissant des taux d’intérêt, le
compartiment à une semaine a enregistré une détente du taux d’intérêt moyen
pondéré de 4,50% en 2019 à 3,48% en 2020.
Graphique 1 : Taux d’intérêt du marché monétaire (%)

Source : BCEAO

III.CRÉDITS MIS EN PLACE


3.1 Montants des crédits mis en place

A l'instar des années précédentes, l'offre de crédits bancaires dans l'Union a


maintenu sa dynamique haussière en 2020. En effet, le volume de crédit mis en
place s'est inscrit en hausse de 5,0%, ressortant à 16.212,5 milliards en 2020,
contre 15.435,7 milliards en 2019. Par objet, des progressions significatives ont
été relevées pour les crédits d'habitation (+133,4%) et de consommation
(+26,3%). L'accroissement significatif du crédit à l'habitation est imprimé par le
Bénin, où une importante expansion du crédit destiné à financer le programme
de logements sociaux a été notée. Une légère progression est également

37 | P a g e
observée pour les concours destinés à l'équipement (+0,8%) et à la trésorerie
(+0,2%). En revanche, une baisse de 18,6% est relevée pour les crédits destinés
à l'exportation. En termes de répartition, près des deux tiers des crédits octroyés
sont destinés à la trésorerie (57%), tandis que ceux consacrés à la
consommation et l'équipement sont respectivement de 16% et 12%.

Graphique 2 : Structure des crédits mis en place selon l'objet dans l'UEMOA en 2020 (%)

Source : BCEAO

La tendance haussière du montant des nouveaux crédits dans l'Union s'est


maintenue grâce à l'accroissement du financement de l’activité économique
observée au Niger (+15,3%), en Guinée-Bissau (+14,2%), au Burkina (+13,0%),
en Côte d'Ivoire (+12,0%) et au Sénégal (+0,8%). Cependant, les nouvelles
mises en place de crédits se sont contractées au Mali
(-11,2%), au Togo (-7,0%) et au Bénin (-0,4%).

Tableau 3 : Évolution des crédits mis en place par pays (en milliards FCFA)
Variation
2020/2019 en (%)
2016 2017 2018 2019 2020

Bénin 1 112,2 781,5 766,8 853,8 850,8 -0,4

Burkina Faso 1 566,1 1 629,2 1707,1 1 709,1 1 931,4 13,0

Côte d'Ivoire 4 368,5 4 496,0 5 343,8 5 275,2 5 906,4 12,0

Guinée-Bissau 56,8 64,9 88,9 115,1 131,4 14,2

Mali 1 296,3 1 459,1 1 602,5 1 603,2 1 423,2 -11,2

Niger 566,4 508,5 568,5 644,7 743,1 15,3

Sénégal 2 746,1 3 057,8 4 093,1 4 572,4 4 610,4 0,8

Togo 664,4 636,2 660,2 662,4 615,8 -7,0

38 | P a g e
UEMOA 12 376,8 12 633,2 14 831,0 15 435,7 16 212,5 5,0

Source : BCEAO

Selon la nature des bénéficiaires, l'augmentation du volume des crédits dans


l'Union en 2020 a notamment concerné la Clientèle financière (+42,3%), les
Coopératives et groupements villageois (+35,0%), les particuliers (+23,72%) et
les Etats et organismes assimilés (+19,5%). Le volume de crédit s’est par contre
contracté pour les sociétés d’État (-13,7%), les entreprises individuelles (-8,6%)
et les structures d'assurance et de caisse de retraite (-3,4%). La structure des
crédits selon la catégorie de la clientèle, reste prédominée par les crédits aux
entreprises privées (54,3%), en lien avec l'importance des crédits de trésorerie.
Les crédits aux particuliers représentent 18,2% des montants accordés en 2020.
Graphique 3 : Évolution de la structure des crédits selon la catégorie de la clientèle en %
(UEMOA)

Source : BCEAO

Relativement à la durée des concours bancaires mis en place en 2020, les


demandes de crédits de court terme, plus précisément ceux dont l'échéance est
inférieure ou égale à deux (2) ans, demeurent les plus importantes. Les crédits
à court terme ont représenté près des trois quart du crédit total en 2020 (73,9%)
et sont en hausse de 1,3 points de pourcentage par rapport à l’année
précédente. Il est également noté un maintien de la dynamique haussière des
crédits dont la maturité est comprise entre 2 et 5 ans, avec une part de 13,7%
des concours en 2020, contre 12,9% en 2019.
Tableau 4 : Structure des crédits par durée (en %)
Variation 2020/2019
2016 2017 2018 2019 2020 (en point de
pourcentage)

inf ou égale à 1 mois 25,2 22,3 23,1 26,2 26,3 0,1

sup à 1 mois et inf ou égale à 3 mois 21,4 23 24,3 17,4 19,2 1,8

sup à 3 mois et inf ou égale à 6 mois 11,3 10,9 9,4 9,8 9,3 -0,4

39 | P a g e
sup à 6 mois et inf ou égale à 1 an 10 12,5 12,8 14,3 14,2 -0,1

sup à 1 an et inf ou égale à 2 ans 5,7 5,9 5,6 5,0 4,9 -0,1

sup à 2 ans et inf ou égale à 5 ans 15,8 14,0 12,5 12,9 13,7 0,8

sup à 5 ans et inf ou égale à 10 ans 9,3 10,1 11 11,7 11,4 -0,3

Plus de 10 ans 1,3 1,3 1,4 2,9 0,9 -1,9

Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source : BCEAO

3.2 Evolution des taux débiteurs

L'orientation baissière du taux d'intérêt débiteur moyen dans les pays membres
de l'UEMOA, entamée depuis 2010, s'est maintenue en 2020. En effet, le coût
du crédit s’est réduit d'environ 173,2 points de base au cours des 11 dernières
années, passant de 8,39% en 2010 à 6,68% en 2019, avant de s’établir à 6,59%
en 2020.
Graphique 4 : Évolution du taux d’intérêt débiteur moyen dans les pays de l'UEMOA (%)

Source : BCEAO

Le maintien de la tendance des taux débiteurs nonobstant le contexte marqué


par la crise sanitaire mondiale de la COVID-19, s'explique notamment en partie
par les mesures prises par la Banque Centrale en faveur des établissements de
crédit (voir encadré 1).
Encadré 1 : MESURES PRISES PAR LA BCEAO EN FAVEUR DES ÉTABLISSEMENTS DE
CRÉDIT

Dans le contexte de la COVID-19, la BCEAO, à l'instar des autres banques centrales, a pris des
mesures en faveur de plusieurs acteurs économiques, notamment des banques.

La BCEAO a augmenté le 24 mars 2020, de 340 milliards, son offre de liquidité. Elle a ensuite
décidé de servir la totalité des besoins exprimés par les banques sur ses guichets de
refinancement, au taux unique de 2,50% à compter du 31 mars 2020. Ce taux a été ramené
depuis le 24 juin 2020, à 2,00%, soit son niveau historiquement le plus bas et l’un des plus faibles
en Afrique.

40 | P a g e
En outre, la Banque Centrale a élargi le champ des collatéraux à la disposition des banques pour
accéder à ses guichets. Dans ce cadre, elle a procédé à la cotation de 1.700 entreprises non
financières pour lesquelles les banques créancières n’avaient pas jusque-là sollicité des
demandes d’accord de classement. Cette cotation a abouti à l’admissibilité aux guichets de la
BCEAO des collatéraux portant sur les créances détenues sur celles ayant la qualité de signature
A ou B. Pour la signature cotée B, la créance doit bénéficier d’une garantie souveraine. Cette
nouvelle disposition offre aux banques la possibilité d'accéder à des ressources complémentaires
de 1.600 milliards auprès de la Banque Centrale. Par ailleurs, le Conseil des Ministres de l’UMOA
a prolongé, d'une année, la période de mise en œuvre des dispositions transitoires du dispositif
prudentiel. Cette décision a induit un abaissement de la norme à respecter pour le ratio de
solvabilité total, du seuil initial de 10,375% à 9,5% en 2020.

Le repli du taux débiteur moyen est observé dans la quasi-totalité des pays de
l'Union en 2020. En effet, le coût du crédit a diminué au Burkina (-64 points de
base), au Niger (-58 points de base), au Bénin (-15 points de base), au Togo (-9
points de base) et en Guinée-Bissau (-6 points de base). Par contre, un
renchérissement de crédit a été noté au Mali (+16 points de base) et une relative
stabilité en Côte d'Ivoire et au Sénégal.
Graphique 5 : Évolution du taux d’intérêt débiteur par pays (%)

Source : BCEAO

Les principaux bénéficiaires des conditions d'assouplissement des crédits sont


les sociétés d’État (-82 points de base), les particuliers (-34 points de base), les
coopératives et groupements villageois (-24 points de base), la clientèle
financière (-18 points de base), les entreprises d'assurances-caisses de retraite
(-33 points de base) et les entreprises privées (-7 points de base). En revanche,
un durcissement des conditions d'octroi de crédits est enregistré pour les
entreprises individuelles (+25 points de base).
Graphique 6 : Évolution du taux d’intérêt débiteur selon la catégorie de la clientèle en % (UEMOA)

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Source : BCEAO

Quant à l'objet du crédit, les baisses les plus significatives ont été observées au
niveau des prêts pour la consommation (-46 points de base), suivis des concours
de trésorerie (-9 points de base). Comparé à 2019, le taux des concours destinés
à financer l'exportation a connu une hausse de 130 points de base.
Tableau 5 : Taux débiteurs moyens selon l'objet du crédit (UEMOA en %)

Variation
2016 2017 2018 2019 2020 2020/2019
Objet du crédit (en point de base)

Habitation 7,53 8,05 7,59 7,37 7,42 5

Exportation 7,21 7,16 7,02 6,84 8,14 130

Equipement 7,82 7,53 7,76 7,39 7,51 12

Consommation 7,34 8,19 8,06 7,66 7,20 -46

Trésorerie 6,54 6,5 6,31 6,23 6,15 -8

Autres 7,32 7,37 7,1 7,04 6,57 -47

Ensemble des crédits


6,93 6,92 6,79 6,68 6,59 -9

Source : BCEAO

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IV.DÉPÔTS À TERME DANS LES BANQUES
4.1 Montants des nouveaux2 dépôts à terme

Les montants des nouveaux dépôts à terme à l'ouverture de comptes dans les
places de l'Union se sont fixés à 9.127,8 milliards en 2020 contre 7.469,6
milliards en 2019, soit une hausse de 22,2%.
Graphique 7 : Montants des nouveaux dépôts à terme (en milliards FCFA)

Source : BCEAO

Les encours des nouveaux dépôts à terme ont progressé pour l'ensemble des
pays de l'Union. Les progressions les plus significatives sont relevées au Burkina
(+42,9%), au Sénégal (+40,7%), en Guinée-Bissau (+32,2%) et au Niger
(+25,5%).
Tableau 6 : Montants de dépôts à terme effectués par pays (milliards FCFA)

2015 2016 2017 2018 2019 2020 Variation 2020/2019 en (%)

Bénin 444,5 444,6 476,4 454,4 498,5 536,2 7,6

Burkina Faso 1699,6 1857,6 1601,2 1659,7 1481,6 2116,6 42,9

Côte d'Ivoire 1660,1 1576,9 1847,0 1924,8 2050,0 2176,2 6,2

Guinée Bissau 62,2 38,6 17,8 25,4 27,2 35,9 32,0

Mali 411,1 428,0 490,7 438,8 349,8 373,9 6,9

Niger 227,4 213,4 198,0 146,1 148,1 178,4 20,5

Sénégal 1405,9 1757,3 2510,8 1277,9 1663,8 2340,2 40,7

Togo 1444,0 1742,4 1254,4 1234,6 1250,7 1370,4 9,6

UEMOA 7354,7 8058,8 8396,2 7161,7 7469,6 9127,8 22,2

2
Les montants recouvrent les nouveaux dépôts à terme ainsi que ceux effectués à l'occasion du renouvellement des
conventions en vigueur.

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Source : BCEAO

Les dépôts à terme, d'une maturité inférieure ou égale à 2 ans restent


prépondérants et représentent 81,2% des dépôts en 2020, contre 77,6% en
2019. Une faible proportion (10,5%) des dépôts à terme est placée pour une
durée supérieure à 5 ans.
Tableau 7 : Structure des dépôts à terme par durée (%)

Variation 2020/2019
2016 2017 2018 2019 2020 (en point de base)

inf ou égale à 1 mois 17,4 14,6 15,3 17,3 25,2 7,94

sup à 1 mois et inf ou égale à 3


mois 21,9 21,3 18,7 21,3 20,6 -0,75

sup à 3 mois et inf ou égale à 6


mois 17,3 23,7 18,5 17,4 14,6 -2,79

sup à 6 mois et inf ou égale à 1 an 17,2 13,1 15,1 14,0 13,5 -0,44

sup à 1 an et inf ou égale à 2 ans 8,2 8,8 9,1 7,6 7,2 -0,40

sup à 2 ans et inf ou égale à 5 ans 12,0 12,7 13,7 13,4 12,3 -1,16

sup à 5 ans et inf ou égale à 10 ans 4,9 3,6 5,7 4,2 4,9 -0,22

Sup à 10 ans ou non déterminée 1,1 2,2 3,9 4,7 5,6 -2,18

Ensemble 100 100 100 100 100


Source : BCEAO

Les montants déposés à terme, au titre de l'année 2020, sont essentiellement


effectués par les entreprises privées et individuelles (27,8%), la clientèle
financière (23,8%), les sociétés d'Etat (21,8%) et les particuliers (18,7%).
Graphique 8 : Evolution de la structure des dépôts à terme effectués selon la catégorie de la clientèle UEMOA
(%)

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Source : BCEAO

4.2 Taux créditeurs des dépôts à terme

Les taux de rémunération des dépôts à terme des clients ont continué leur
tendance à la baisse entamée en 2019. Le taux d’intérêt créditeur moyen dans
l'UEMOA est ressorti à 5,13% en 2020, contre 5,34% en 2019 et 5,41% en 2018.
Tableau 8 : Taux créditeurs moyens des dépôts à terme par pays (UEMOA)

Variation 2020/2019
2015 2016 2017 2018 2019 2020
(en point de base)

Bénin 5,98 5,78 5,85 5,76 5,35 5,54 19

Burkina Faso 4,70 5,40 5,67 5,70 5,87 5,79 -8

Côte d'Ivoire 5,01 5,10 4,98 4,98 4,82 4,67 -15

Guinée- 4,54 4,24 4,07 4,62 4,61 4,59 -2


Bissau
Mali 4,82 4,82 4,92 4,92 5,00 4,67 -33

Niger 5,22 5,98 5,70 5,70 5,80 5,65 -15

Sénégal 5,58 5,38 5,13 5,46 5,39 4,65 -74

Togo 5,35 5,56 5,40 5,69 5,56 5,62 6

UEMOA 5,16 5,37 5,28 5,41 5,34 5,13 -21


Source : BCEAO

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