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THÉORIES DU DÉVELOPPEMENT

 La critique du développement, Gilbert Rist : croyance occidentale, terme


"développement" très connoté  finalisme, processus irréversible et
unidimensionnel qui renvoie à un discours idéologiste de la croissance.
Développement = devenu un mot d'ordre des puissances internationales.
Pour lui, le développement durable n'est qu'un simple "accommodement" plus qu'un
changement de paradigme.
 Deaton, Prix Nobel 2015, La grande évasion (2013) : il revient sur la question de la
mesure du développement  pas de lien mécanique entre hausse du revenu et
l'amélioration des conditions de vie. La mortalité infantile avait chuté en Chine bien
avant le décollage économique par exemple, et n'a guère chuté en Inde malgré le
décollage économique. Ce qui importe est d'avoir une vision de la cohérence des
mesures et de l'adhésion de la population aux mesures. Il est très critique à l'égard
des aides au développement classiques qui ne sont que monétaires, produisent des
effets d'éviction (abandon de ses propres ressources au profit de celle recommandée
par les organisations internationales). Le soutien matériel revient à un soutien à des
régimes cléptocratiques = récupérer l'argent et le mettre sur un compte au
Luxembourg...Il faudrait plutôt jouer sur des logiques de long terme, par ex une
politique sanitaire pour résorber les épidémies.
La question de la lutte contre la pauvreté est mal posée.
 Amartya Sen : prix Nobel 1998, Un autre modèle économique, Développement et
liberté. Il définit le développement comme un "processus par lequel les libertés
réelles des personnes s'accroissent". Notion de capabilité = ce sont des moyens
concrets de faire valoir des droits. Autrement dit, il réintroduit la dimension éthique
et normative de la théorie économique originelle (théorie classique d'Adam Smith
par ex). Chez Smith, l'accroissement des richesses était un moyen (d'atteindre le
bonheur), pas une fin. Théorie des famines (une des raisons de son Nobel) = il veut
montrer que généralement on présente une famine comme un manque de
nourriture, ce qui est la plupart du temps faux (souvent, c'est une augmentation des
prix des denrées agricoles, alors que les revenus de la population ne changent pas). Il
prouve que le régime politique peut avoir une influence.
Crises = pas les conséquences du développement, mais les causes. En rester à une
vision monétaire (PIB par ex), c'est passer à côté des vraies inégalités. Ex : un
handicapé a besoin de plus de ressources pour "compenser son handicap". De même,
une femme peut ne pas être pauvre selon le pays où elle se situe mais peut ne pas
jouir d'un accès au marché du travail, ne pas avoir de revenu personnel...
On pose mal ces questions du développement.
 Esther Duflo : théorie du développement moderne. Repenser la pauvreté (2012). Idée
d'utiliser les outils de la micro-économie et ceux du travail. Elle préconise notamment
l'économie expérimentale : il s'agit d'évaluer quasiment en temps réel l'impact des
mesures (sur quelle classe faut-il concentrer le maximum de moyens pour que les
résultats soient le plus favorables?). La pauvreté ne se réduit pas selon elle à un
simple problème d'allocation des ressources. Il faut comprendre les enjeux de la
population et les choix qu'ils sont amenés à opérer. Ex : dans la région du Bengale, la
population mettait l'accent sur l'accès à l'eau potable et sur les routes plus que sur
l'éducation. D'où l'intérêt de combiner les approches expérimentales avec les
théories. Idée de propager des "bonnes idées" au sein des populations. Ex :
distribution gratuite de moustiquaires pour faire refluer les moustiques.
 Rostow : il publie en 1960 Les étapes de la croissance économique – un manifeste
non-communiste. Objectif très clair de passer d'une économie de subsistance à une
économie industrialisée. Il faut passer par le fameux take-off de l'économie jusqu'à
la "marche vers la maturité" avec une diversification économique. Ce modèle a été
dénoncé et attaqué de toute part parce qu'il s'inspire énormément de la révolution
industrielle des pays développés (Angleterre puis USA) et qu'il fait du développement
un seul problème initial d'épargne (vision néoclassique).
 Albert Hirschman : économiste américain, devient économiste du développement en
Amérique latine. 1958, 1er livre sur la stratégie du développement économique. Il
veut montrer que le sous-développement est moins un problème de manque de
ressources qu'un problème de mauvais usage des ressources.

Débat institutions/développement :
Faut-il avoir de bonnes institutions pour se développer ?
Droits de propriété mis en avant = accorder des droits de propriété, c'est autoriser les agents
économiques à disposer d'objectifs concrets de valorisation des ressources (je fais attention
à mes ressources parce que ce sont les miennes).
Douglas North : prix Nobel 1993. Pour lui, la grande force de l'institution serait de réduire
l'incertitude qui pèse sur l'agent économique.
Daron Acemoglu et James Robinson : ils publient en 2013 Why nations fail ? et insistent sur
la particularité des institutions dans leurs trajectoires historiques.
Ex : quand la colonisation s'est imposée en Afrique sub-saharienne, les colons avaient peur
des maladies infectieuses. Du coup, colonisation extractive = on récupère le maximum de
ressources naturelles et on part (afin de réduire le temps de présence sur place). À l'opposé
dans les colonies nord-américaines, le climat étant plus favorable ont été mis en place des
colonies de peuplement (institutions de long terme) : en Australie par exemple.

Dani Rodrik : Nation et mondialisation. Pour lui, la croissance asiatique ne vient pas de
l'ouverture des marchés mais d'un changement radical des autorités publiques à l'égard des
entreprises privées.

Controverse célèbre : Jeffrey Sachs  a travaillé pour l'ONU et publie en 2003 Les
institutions n'expliquent pas tout. Il récuse l'explication mono-causale : de bonnes
institutions ne font pas tout ! Il montre à quel point cette explication est tautologique : le fait
que l'on ait à faire à une économie dont les revenus s'élèvent contribue assez largement à la
mise en œuvre d'institutions solides (on peut les financer). On n'aurait pas imaginé la
construction d'un État social en Europe début 20ème s'il n'y avait pas eu un développement
technologique auparavant.
Les différents défis qui se posent aux gouvernements (défi sanitaire par ex) sont difficilement
solubles par des institutions. Sachs veut montrer que le contexte physique (le fait de
posséder ou pas un capital naturel) pèse fortement sur la stratégie de développement. Ce
n'est pas le hasard que ce soit les régions côtières de l'Asie et de l'Asie du SE qui se soient
développées et pas le reste.
Le capital naturel et le capital humain se conjuguent. La Chine occidentale éprouve des
difficultés à attirer des capitaux étrangers et à éviter les exodes de main d'œuvre.
Il invite à se pencher sur une dynamique des facteurs : les solutions mises en œuvre dans le
processus de développement dépendent évidemment de la situation géographique.
Sachs réhabilite l'aide au développement souvent critiquée par Acemoglu qui pense que
l'aide au développement est détournée par l'élite : Sachs répond qu'à condition qu'elle soit
bien utilisée, l'aide au développement peut avoir un intérêt majeur pour réaliser des
dépenses d'infrastructure et de transport qui ne seraient jamais réalisées toute seule.

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