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Politique monétaire

I/ Faits stylisés
A/ L’indépendance des banques centrales a renforcé leur action contre l’inflation, leur permettant
de fortement réduire les taux d’inflation durant la période de « Grande modération » jusqu’en
2008 : Après-guerre et jusqu’aux années 1980, période d’inflation importante qui va ensuite être
modérée :

Inflation annuelle 1973 – 1981 1999 – 2007


OCDE 10,9% 2,7%

Modération de l’inflation est concomitante avec l’indépendance des banques centrales, qui devient
la norme dans les années 1990 (ex. Loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France). 
Alesina, Summers, Central Bank Independence and Macroeconomic Performance, 1993 :
corrélation entre indépendance de la banque centrale et maîtrise de l’inflation sur la longue durée.

Modèle de l’indépendance s’appuie sur les théories des années 60 de critique la courbe de Phillips et
de l’incohérence temporelle. Remise en cause de la courbe de Phillips (Friedman, 1968) met fin à
l’arbitrage inflation/chômage et justifie l’objectif de stabilité des prix. + analyse des cycles dénonce
les stratégies opportunistes de politiques monétaires expansionnistes des gouvernements. Le biais
inflationniste d’une banque centrale non-indépendante conduirait à affaiblir les politiques
économiques en ce que les agents ne trouveraient pas crédible les annonces d’une cible basse
d’inflation.  Woodford, 2003 : en cas d’indépendance, les agents économiques n’anticipent plus
d’interférences entre la conduite de la politique monétaire et le cycle politique, ce qui renforce la
crédibilité des banques centrales et donc l’ancrage des anticipations d’inflation.

Mais l’action des banques centrales seule ne justifie pas la maîtrise de l’inflation, puisque la
désinflation a également été constatée dans des pays ne disposant pas d’institutions monétaires
solides et indépendantes (Rogoff, 2003). D’autres vecteurs :

- Politique de désindexation des salaires sur les prix, en France en 1983


- DGT, Intégration commerciale internationale et évolution des prix à la consommation en
Europe, 2011 : intensification de la concurrence par l’ouverture au commerce mondial a
permis une baisse d’inflation de 0 à 0,25% /an depuis 2000
- Effets incitatifs de la mondialisation financière en imposant une meilleure discipline au
marché

B/ Face aux limites des outils traditionnels, les banques centrales ont mobilisé des outils non
conventionnels, qui ont permis de dépasser la contrainte du taux zéro : Avec des taux directeurs
proche de zéro, la politique monétaire conventionnelle a été mise en échec. On parle d’inefficacité
de la politique de taux d’intérêt à la borne zéro (zero lower bound). Durant la crise de 2008, il aurait
en effet fallu un taux directeur négatif // Pour R. Hall, 2013 : le taux d’intérêt réel qui équilibre les
marchés des biens et des services aux USA était en 2008-2009 de -4%. Comme on avait un taux
directeur à 0,1%, une inflation à 1,8%, le taux réel était de -1,7%, soit bien au-dessus du niveau
d’équilibre. La politique monétaire se trouvait de facto très restrictive, en dépit d’un taux directeur
très faible.

D’où la mise en place d’outils non-conventionnels :


- Assouplissement quantitatif pour alimenter le marché interbancaire par l’achat de titres :
1700Mds de titres achetés en 2009 par la FED / politique plus tardive de la BCE
- Allongement de la maturité des opérations de refi, baisse de la qualité des collatéraux…
- Instauration d’une politique de taux d’intérêt négatifs avec un taux de facilité de dépôt
négatif à partir de 2014 pour la BCE  FMI, The evidence is in on negative interest rate,
2021 : les effets des taux d’intérêt négatifs ont été bons sur l’assouplissement du
financement de l’économie, tandis que les effets défavorables sur la rentabilité des
banques ont été limités.

La crise de 2008 a été une récession sans déflation grâce aux interventions monétaires mais le risque
de déflation a été élevé, notamment en zone euro suite à la crise de la dette souveraine. Alors que
l’annonce d’une politique de QE avait entraîné une baisse du taux de change de l’euro, de 1,4$
(2014) à 1,2$ (2018) – ce qui est favorable à l’inflation – le recul de l’inflation s’est renforcé en 2014 à
cause de la baisse du cours du pétrole et des matières premières, et le déficit de demande lié au
désendettement privé et public.

 C’est ce que Eggertsson et Krugman (2012) appellent le « paradoxe de la flexibilité » :


lorsque l’économie connaît un processus de désendettement, une flexibilité accrue des prix
et salaires ne facilite pas la reprise de l’activité économique, mais décuple au contraire les
effets récessifs, en comprimant la consommation, entraînant une nouvelle hausse du
chômage et une baisse des prix. La déflation n’accroît pas la demande, mais élève la valeur
réelle de la dette et réduit la dépense des débiteurs. La politique de dévaluation interne
laisse donc la dette inchangée et réduit les revenus. C’est ce que les pays « périphériques »
ou du sud de la zone euro ont connu. Raison pour laquelle Krugman plaide pour une politique
néo-keynésienne.

Bien que l’inflation y demeure plus faible qu’avant-crise, les USA ont connu une brève phase de
reflation à partir de 2016, entraînant une normalisation de la politique de la FED… La crise sanitaire a
nécessité l’intervention massive de toutes les banques centrales qui ont acheté la vaste majorité des
titres de dette émis par les Etats. Les effets de la crise économique et l’hystérèse devraient réduire la
pression à la hausse sur l’inflation pendant quelques années… Mais les effets de long terme sur les
facteurs structurels sont plus nuancés, et dépendront des effets d’internationalisation et de
l’évolution démographique, non nécessairement déflationniste (Goodhart, Pradhan, 2020).

C/ Ces politiques non conventionnelle ne sont pas sans risques pour la stabilité financière : La
variation de la politique de la FED génère des externalités fortes pour les pays émergents. Les faibles
taux et le QE ont injecté une grande quantité de capitaux dans les pays émergents, créant une
pression haussière sur les taux de change. Avec la fin du QE américain en octobre 2014, les pays
émergents ont connu une forte sortie de capitaux, une dépréciation des taux de change, entraînant
un resserrement monétaire (ex. Brésil) défavorable à la croissance.

 BRI, Borio et Zabai, Unconventional monetary policies, 2016 : les politiques accommodantes de
type « helicopter money » ont tendance à prolonger les phases de croissance faibles en retardant
le nettoyage des bilans bancaires et en entretenant des crédits improductifs. D’autre part, cet excès
de liquidité favorise le canal de la prise de risque : l’augmentation de la masse monétaire sans
préjudice pour l’inflation signifie que des bulles financières sont en formation (cf. 2008) ! Borio
rejette ainsi l’hypothèse de Schwartz selon laquelle la stabilité des prix renforce la stabilité
financière ! Pour Borio, qui plus est, une politique de financement monétaire n’a d’intérêt que si le
taux d’intérêt est nul, ce qui implique qu’une nouvelle phase d’expansion monétaire aurait un effet
additionnel limité et qu’une telle politique requiert d’abandonner la politique conventionnelle de
modification des taux d’intérêt.

L’environnement de taux bas voire négatifs crée une pression sur la rentabilité des banques et
assurances, dont certains ont commercialisé des contrats à taux garantis, et qui ont une marge nette
d’intérêt très faible. Cela est compensé par la baisse des coûts de financement bancaire, la hausse
des volumes de crédits, les profits sur les opérations obligataires liées aux achats d’actifs, et surtout
l’amélioration de la situation conjoncturelle qui réduit les risques de défaut.

Les effets néfastes du maintien de taux négatifs peuvent être durables (Brunnermeier et Koby, the
reversal interest rate, 2017) : il existe un taux d’intérêt reversal, en-deçà duquel une baisse
marginal des taux d’intérêt à un impact sur la rentabilité financière plus dommageable que n’est
bénéfique l’effet stimulus. Ce taux dépend de la nature de l’actif et des taux appliqués. Il serait ainsi
le taux minimum effectif. En ce sens, certains évoquent un taux d’intérêt reversal sur le plan
macroéconomique (Banque centrale des Pays-Bas, DNB, Macroeconomic reversal rate, 2020).

II/ Théories
A/ La création monétaire et la demande de monnaie : La banque centrale peut contrôler la monnaie
centrale en circulation. En achetant des titres, elle augmente la taille de son bilan et la masse de
monnaie centrale en circulation ; en vendant des titres, elle la réduit. A la suite d’une augmentation
de la quantité de monnaie centrale en circulation, se met en place l’effet multiplicateur du crédit
bancaire : une banque peut accorder un montant de prêts excédentaires correspondant au montant
de ses réserves excédentaires. Les banques commerciales contrôlent ainsi de facto le création de
monnaie, dans la limite des réserves obligatoires exigées par la réglementation.

La théorie quantitative de la monnaie indexe la masse monétaire (M) sur l’inflation et


réciproquement. L’approche keynésienne affirme, elle, que la monnaie n’est pas qu’un intermédiaire
des échanges, mais une réserve de valeurs : le taux d’intérêt va exercer une influence forte la
demande de monnaie, puisque la détention de monnaie sera justifiée si son rendement anticipé est
supérieur à celui des titres.
M. Friedman a développé une vision monétariste nuançant le rôle du pilotage par les taux d’intérêt. Il
va considérer la monnaie comme un actif standard, or la demande d’un actif est déterminée par
l’écart entre son rendement et le rendement des autres actifs. Selon son analyse, la hausse des taux
d’intérêt conduit à une hausse des profits des banques sur les opérations de prêt. Comme les
banques cherchent à attirer davantage de dépôts pour accroître le volume de prêts, alors elles vont
mécaniquement augmenter les rendements des dépôts pour être attractives. Ainsi, le rendement des
dépôts, et donc de la monnaie, suit la hausse des taux d’intérêts. Selon Friedman, il n’y a donc pas ou
peu d’impact de la variation des taux d’intérêt sur la demande de monnaie. En pratique, les études
montrent une corrélation qui va dans le sens de la théorie keynésienne.

Finalement, la théorie moderne de la monnaie développée par H. Minsky (The role of employment
policy, 1965) et soutenue actuellement par Mitchell et Fazi postule que la monnaie peut permettre à
un Etat de financer, sans dette, d’importants programmes, notamment à destination de l’emploi
pour atteindre une situation de chômage frictionnelle // Tcherneva, The Job Guarantee (2018) : vise
à garantir un emploi à tous en faisant de l’Etat l’employeur en dernier ressort par le financement
monétaire.

B/ Le pilotage de l’inflation a longtemps été considéré comme l’objectif premier des banques
centrales : A partir de la courbe de Phillips (1958), on a longtemps considéré que niveau d’inflation et
de chômage étaient inversement proportionnels, créant un biais inflationniste en faveur de l’emploi.
Cette théorie est récusée par les années 1970 combinant les deux phénomènes, la « stagflation ». La
remise en cause du modèle vient alors de Friedman (1968) qui met fin à l’arbitrage
inflation/chômage et justifie l’objectif de stabilité des prix.

Récemment, on observe un aplatissement des courbes de Phillips (zone euro et US) sous l’effet de la
modification des structures du marché du travail et de l’élévation du taux de chômage naturel. Cet
aplatissement ne remet pas en cause l’utilité des courbes de Phillips (Blanchard, 2016).

La question du bon niveau de cible d’inflation est en débat. Pour O. Issing (2001) et W. Tietmeyer
(1999), une inflation forte crée des rigidités, avec le recours à des contrats indexés ou le fait de
libeller des contrats en devises étrangères. Les coûts de l’inflation selon Philippe d’Arvisenet :

- Inflation élevée  prix relatifs, entrave les décisions de long terme  incertitude du
rendement des actifs crée une prime de risque et donc un gonflement des taux d’intérêt
- Peut déboucher sur des comportements de fuite devant la monnaie et générer une
hyperinflation
- Shoe-leather costs : Coûts d’opportunité de n’avoir que peu de cash sur soi
- Menu costs : ajuster fréquemment les prix  coûts des grilles tarifaires, relation clients…
- Sortir de l’inflation implique une politique restrictive (hausse des taux d’intérêts réels)
ralentissant la croissance
- L’inflation entraîne une perte de compétitivité prix.

 Barro, Inflation and economic growth, 1996: un supplément d’inflation de 10 points induit une
perte de croissance de 0,3 point de PIB.

D’autres économistes alertent sur les risques d’une inflation trop faible. Taux d’intérêt et inflation
faibles peuvent conduire à une trappe à liquidités dont l’inflation protège (Krugman, exemple du
Japon, Pourquoi les crises reviennent toujours). L’inflation permet aussi de détourner de la détention
monétaire, et de favoriser ainsi l’investissement, tout en allégeant le poids réel de la dette par
rapport à sa valeur nominale.

Différentes règles peuvent guider la banque centrale, notamment la règle de Taylor qui propose un
calcul du taux directeur où

Taux de Taylor = taux naturel + α (inflation – cible d’inflation) + β (PIB – PIB potentiel)

Soit un taux fort quand l’inflation est forte et la cible faible, ou quand l’économie est en surchauffe !

Pour le ciblage de l’inflation, la banque centrale peut aussi utiliser des règles de ciblage intermédiaire
comme un agrégat monétaire (M1, M2, M3). L’inflation est à long terme un phénomène monétaire.
Une hausse de l’offre de monnaie par rapport à la demande dégrade le pouvoir d’achat de la
monnaie et conduit à une hausse des prix des biens. Cependant les expériences de politique
d’objectif monétaire quantitatif sont contrastées car le lien entre croissance du M3 et inflation n’est
pas régulier.

Une politique monétaire contracyclique peut également être utile en raison de la viscosité des prix
(Keynes, 1936). Keynes montre en effet que les prix sont visqueux, ils s’ajustent peu fréquemment et
ne suivent pas la taille de la masse monétaire, notamment en raison des menu costs : une entreprise
change peu souvent ses prix. Certes, l’inflation va rattraper la croissance monétaire à long terme ;
mais à court terme, une injection de liquidités va augmenter la consommation et peut éviter des
effets d’hystérèse.
Cette viscosité a été justifiée par Phelps et Taylor (1977) par l’échelonnement temporel des
négociations salariales, et par Akerlof (1985) ou Mankiw (1985) par l’existence des menu costs. Cette
viscosité des prix est au cœur des préconisations monétaire des néo-keynésiens.

Finalement, le risque majeur combattu par les banques centrales est celui de la déflation. La
déflation est la baisse soutenue du niveau général des prix des biens et des services. Anticipations
déflationnistes font preuve d’attentisme dans l’achat, entretenant des pressions baissières et donc la
déflation, qui s’autoentretient.

Déflation  augmentation de la valeur réelle des dettes + érosion de la valeur des collatéraux 
détérioration financière des débiteurs et amélioration relative de celle des créanciers. Si l’inflation
détruit de la valeur pour les créanciers, la déflation opère un transfert de richesse à leur profit  ! Les
créanciers profitent de leurs gains de pouvoir d’achat pour dépenser davantage (effet Pigou), mais
l’alourdissement du poids de la dette réduit les dépenses des emprunteurs (effet Fisher).
Contrairement à ce qu’affirmaient Pigou et Fisher, ces deux phénomènes ne se compensent pas et
on assiste à une détérioration de la demande globale (Tobin, 1980).

Par ailleurs, l’augmentation de la valeur réelle des dettes et le maintien d’un service de la dette
constant au moment où les prix/recettes baissent, exposent les ménages, les entreprises et l’Etat à
consacrer une part croissante de leurs revenus au service de la dette. Cette baisse de consommation
alimente encore la déflation et rend l’endettement encore moins soutenable. De sorte que les agents
économiques, en cherchant à rembourser cette dette, se rapprochent du défaut de paiement. La
multiplication des défauts entraîne le secteur bancaire, qui lui-même réalisé une restriction des
prêts, entraînant faillites, contraction de l’offre, et un risque d’effondrement global de l’économie.
Cette dynamique de déflation par la dette a été mis en évidence par Fisher, The debt-deflation
theory of the great depression, 1933

C/ La politique monétaire se transmet à l’économie via des canaux :

1. La politique monétaire est l’instrument central de la politique macroéconomique en économie


ouverte

En économie ouverte, une augmentation de l’offre de monnaie provoque une baisse du taux
d’intérêt. Cette baisse conduit à une augmentation de la demande de crédits, et alimente donc
l’investissement et la consommation. Au-delà de l’effet direct des taux sur la demande de crédit,
effets indirects :

- L’effet de richesse : taux d’intérêt bas agit sur les conditions de financement du logement
et une hausse de l’immobilier. Comme les actifs immobiliers servent de garantie
(collatéraux), les crédits sont plus facilement octroyés
- Des taux bas stimulent les arbitrages en faveur de placements boursiers, à la
rémunération plus attractive  stimule l’investissement
- Politique de taux bas entraîne une dépréciation de la monnaie domestique qui dope les
exportations, mais entraîne une hausse des prix à l’importation.

Un taux est accommodant s’il est inférieur au taux naturel ou au taux de Taylor. Sinon le taux
d’intérêt est restrictif. Si le taux d’équilibre devient négatif, alors la politique conventionnelle ne
suffit plus, on calcule alors un shadow rate (négatif) qui permet d’évaluer le caractère accommodant
ou non des mesures monétaires, à la fois conventionnelles et non conventionnelles.

Plus l’output gap est important, plus une politique accommodante est nécessaire (ce que suggère
également la formule du taux de Taylor). BCE, An inflation-predicting measure of the output gap in
the euro area, 2016 : la mesure de l’écart de production serait sous-évaluée et il faudrait mener
une politique plus accommodante que ne le suggère l’output gap facial afin de résorber les forces les
forces déflationnistes.

La politique monétaire peut connaître des limites :

- En zone euro, elle est unique et intégrée et ne permet pas de répondre à des chocs
asymétriques.
- Son objectif traditionnel poursuit le maintien d’un niveau stable d’inflation et une
croissance proche de son niveau potentiel. En cas de choc de demande, la production et
les prix évoluent de la même façon. Cependant, en cas de choc d’offre, il y a
contradiction entre les deux objectifs de la Banque centrale (Clarida, Gali, Gertler,
1999) : un choc d’offre positif va augmenter la production et réduire les prix ; un choc
d’offre négatif va réduire la production et augmenter les prix.
- Une politique de taux proches de zéro peut enfermer dans une trappe à liquidité.
Théorie de Keynes selon laquelle, en dessous d’un certain seuil de taux d’intérêt, les
agents pensent que celui-ci est forcément amené à remonter et la liquidité devient la
valeur absolue  plutôt que de renforcer l’investissement, cela crée l’effet inverse et
renforce l’épargne. // USA de 1930-31 ou Japon des années 1990.

2. La transmission de la politique monétaire s’effectue par divers canaux  :


- Le canal du taux d’intérêt (cf. infra)
- Le canal du taux de change (cf. infra : taux bas entraîne un départ des capitaux et une
dépréciation compétitive qui dope les exportations)
- Le canal du crédit : le taux d’intérêt du crédit varie avec le taux d’intérêt fixé par la
banque centrale, et la marge des banques. Des tensions sur la liquidité conduisant à un
essoufflement des transactions interbancaires conduit sur un rationnement du crédit
(credit crunch)  augmentation de la marge, qui a le même effet macroéconomique
qu’une augmentation du taux d’intérêt de la banque centrale.
Un facteur de freinage de l’investissement est l’asymétrie d’information qui fait que les
banques n’accordent des crédits qu’afin d’être remboursée. En résulte que :
o Des investissements rentables peuvent être éliminés en raison de l’impossibilité
d’emprunter (capacité d’autofinancement trop faible).
o Les crédits sont alourdis par l’intégration du risque de défaut, ce qui pénalise les
bons projets

 Pour limiter le rationnement des crédits, il faut s’assurer de la solidité du secteur bancaire. Si les
banques ont des créances douteuses avec un risque de défaut important, alors l’octroi de crédits
sera restrictif. Pour éviter cela, une politique budgétaire peut renforcer les fonds propres des
banques par exemple. Le canal crédit sera d’autant plus important que la part des PME est
importante dans la production (principales concernées par le rationnement) et que l’économie
dépend du financement bancaire.

- Le canal du risque (Borio, Zhu, 2008) : les banques empruntent à court terme et prêtent à
long terme, une politique monétaire peut donc jouer sur le spread pour influer la prise
de risque des banques. En règle générale, taux bas = relâchement des conditions de
crédit (effet de richesse) = plus de crédits, plus de risques.

III/ Politiques
A/ Les banques centrales répondent d’un mandat et inscrivent leurs actions dans un cadre
opérationnel précis : La stabilité des prix est un objectif universel mais l’inflation-cible peut être
déterminée par le gouvernement (UK) ou la banque centrale elle-même (BCE). L’objectif premier du
Système européen des banques centrales (SEBC) dirigé par la BCE est de « maintenir la stabilité des
prix » (article 127 TFUE). Le Conseil des gouverneurs, à la tête de la BCE, définit cette cible comme
« inférieure mais proche de 2% ». D’autre part, l’objectif de stabilisation de la production à son
niveau potentiel est un objectif égal à celui de la stabilité des prix pour la FED ou la BOJ, mais pas
pour la BCE, où c’est un objectif secondaire.

Après la stabilité des prix, l’objectif secondaire est « d’apporter son soutien aux politiques
économiques générales de l’Union » (art. 127 TFUE).

Au sein de la zone euro, le Conseil des gouverneurs est composé d’un Directoire de six membres
(dont le président de la BCE) et des 19 gouverneurs des banques centrales nationales (BCN). La
politique monétaire est décidée à la majorité simple.

FED et BCE ont l’indépendance inscrite dans leur statut. Le système de responsabilité de la FED
implique un compte-rendu devant le Congrès deux fois par an et des auditions fréquentes. Le
système de responsabilité de la BCE implique la remise d’un rapport annuel au Conseil et au
Parlement, et la participation du président du Conseil et d’un membre de la Commission aux
réunions du Conseil des gouverneurs.

B/ L’activation d’outils non conventionnels reflète l’ampleur de la Grande récession : La grande


récession a en effet conduit les banques centrales à adopter de nouvelles mesures de politique
monétaire.

1. Politique de guidage prospectif des anticipations (forward guidance) : la banque centrale


s’engage sur l’orientation future de sa politique monétaire et sur les taux d’intérêt à long
terme, permettant de donner une visibilité à long terme sur sa politique accommodante. Le
guidage des anticipations peut être :
- Qualitatif // BCE en 2013 défend des taux bas « pour une période de temps prolongée »
- Conditionnel // FED en 2011 s’engage « pendant au moins deux ans »
 BRI, Filardo et Hofmann, 2014 : Le guidage des anticipations conditionnelles sont plus
efficaces car plus engageantes pour les banques centrales
2. Assouplissement quantitatif : Après 2008, l’application d’une règle de Taylor aurait
recommandé des taux nominaux négatifs. Contraintes par la borne zéro, les banques
centrales ont donc eu recours au QE, politique d’achats d’actifs à grande échelle, augmentant
la taille du bilan de la banque centrale et injectant des liquidités.
Les achats de la banque centrale augmentent le prix des actifs et réduisent leur taux,
diminuent la perception du risque, et réduisent la sensibilité des taux.
Cette remontée de la courbe du risque réduit le coût de financement des obligations, mais,
également, des autres titres financiers, puisque la réduction des rendements obligataires par
la politique de rachat détourne les investisseurs vers d’autres actifs plus risqués et donc
accroît leur prix
Le QE a également des effets sur le canal crédit, l’augmentation de la monnaie centrale
baissant les taux d’emprunts réels des ménages. D’autant que l’abaissement des taux longs
stimule les anticipations d’inflation et provoque donc une baisse des taux réels ;
 Weale et Wieladek, What are the macroeconomic effort of asset purchases ?, 2014 : le QE
mène à une accélération de la croissance et de l’inflation. 1% de PIB d’achats d’actifs
conduit à une hausse de 0,36% du PIB réel et de à 0,38% de l’indice des prix, aux USA.
Les différents programmes varient selon les banques centrales :

i. BOJ : Première banque centrale à lancer un programme de QE, en 2001, alors que taux
zéro a été atteint en 1999.
ii. FED : Premier programme de QE (LSAP  : Large scale asset purchases) en 2009 pour
2100Mds avec des achats notamment de dette d’agence hypothécaire ; Deuxième
programme en 2010-2011 avec 600Mds, essentiellement de bons du Trésor, afin de faire
face à un risque de détérioration des anticipations d’inflation ; Troisième programme dès
fin 2012 avec un rythme d’achats de 40Mds à 80Mds par mois.
iii. BCE :

Outre une baisse progressive du taux directeur (de 4,25% en septembre 2008 à 1% en 2009), la BCE a
été contrainte comme la FED de se substituer au marché interbancaire : activation de la procédure
de Fixed Rate Full Allotment (FRFA) en 2010 qui permet de fournir aux banques des liquidités à taux
fixe sans limite de montant. On a donc une fourniture illimitée de liquidités au jour le jour et un taux
de refi historiquement bas. Des programmes de prêts à long terme (LTRO  : Long-term refinancing
operation) sont également mis en œuvre, sur un an (2011) puis trois ans (2012), pour soutenir les
banques des pays en difficulté.

Dispositif de soutien exceptionnel à la liquidité bancaire (ELA  : Emergency liquidity assistance) en


cas de « bank run » : une banque centrale nationale peut apporter un prêt d’urgence sous sa
responsabilité à une banque solvable mais illiquide, contre collatéral. Cela permet aux BCN de
soutenir dans l’urgence des canards boiteux alors que la création monétaire appartient normalement
à la BCE. L’octroi du prêt est pleinement libre pour la BCN en-deçà de 2Mds, et nécessite l’accord du
Conseil des gouverneurs et de la BCE pour fixer un plafond, au-delà de 2Mds. La Banque de Grèce a
eu recours à ce dispositif ELA en juillet 2015.

A partir de 2010, la crise des dettes souveraines prend le relais, et ces mesures ne suffisent plus.
Premier programme d’achats de titres (SMP : Security Market Program) autorise enfin la BCE à
racheter de la dette privé et publique sur le marché secondaire (ce qui n’est pas explicitement
interdit par les traités). La BCE a ainsi accumulé plus de 200Mds d’obligations souveraines d’Etats du
sud.

SMP est remplacé par le programme OMT (Outright Monetary Transactions) en 2012, qui permet à
la BCE de racheter sans limitation de montants les titres publics des Etats qui en font la demande, et
qui sont soit sous un programme d’ajustement économique (Grèce) soit éligibles au MES (Mécanisme
européen de stabilité). Ce mécanisme n’a pour l’instant pas été déclenché.

Contrairement aux mesures de QE ultérieures, les programmes SMP et OMT veulent initialement
stériliser la liquidité créée en retirant auprès des banques commerciales le même montant.
Concrètement, dans le cadre de SMP, les banques commerciales devaient placer leurs liquidités sur
des comptes à termes rémunérés (dépôts auprès de la BCE) pour un montant égal aux achats des
titres. Il ne s’agissait donc pas de financement monétaire.

A partir de 2014, la détérioration des conditions financières et la faiblesse de l’inflation engagent le


Conseil des gouverneurs dans des programmes d’achats d’actifs privé pour faire baisser le coût de
financement des banques. Il s’agit d’achat de titres adossés à des actifs ( ABSPP  : asset-backed
securities purchase program) et d’obligations sécurisées (CBPP3  : third covered bond purchase
program). Le sous-jacent de ces actifs est souvent un produit titrisé de crédits immobiliers. Ces deux
programmes représentent 6-7Mds d’achats mensuels.
Face au risque de déflation, la BCE doit recourir début 2015 à de l’assouplissement quantitatif inédit
en acquérant de la dette publique, permettant de baisser les taux souverains en augmentant la taille
de son bilan. C’est le PSPP (Public Sector Purchase Program). La BCE et les BCN ont ainsi racheté des
titres souverains pour 60Mds/mois (2015) ; 80Mds/mois (2016) ; 60Mds/mois (2017 ;
30-15Mds/mois (2018) ; 20Mds/moi (T2 2019, après arrêt au T1). La répartition des achats du PSPP
suit la répartition du capital de la BCE : la Bundesbank achète 26% des titres, la BdF 20%...

Tous ces programmes constitue l’EAPP (Expanded asset purchase program).

En parallèle, des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO) sont mises en œuvre
dès 2014 pour accorder des facilités de prêts aux banques à 3-4 ans aux taux de refi soit 0%.

De toute ces politiques résulte une hausse massive du bilan de la BCE atteignant 40% du PIB zone
euro.

Phases de normalisation :

i. FED sort du QE en 2015, remonte ses taux directeurs à 2,5% et commence à réduire son
stock de titres pour réduire son bilan. Mais volatilité monétaire début 2019 l’oblige à
arrêter la réduction de bilan et réintroduire des facilités de refinancement d’urgence.
Crise sanitaire réintroduit les instruments de 2008 : taux directeur à 0% avec une
forward guidance ambitieuse ; programme d’achat de bons du Trésor pour 2000Mds
(mars-août 2020) puis 80Mds/mois
Et de nouveaux outils innovants : facilité de prêts aux PME/ETI pour 600Mds (Main
Street Lending Program) avec une participation du Trésor à hauteur de 75Mds ; rachats
d’obligations à des ménages ; facilité de prêt aux municipalités pour 500Mds
ii. BCE n’était jamais sorti du QE depuis 2014-2015 : 120Mds en 2020 au titre des anciens
programmes + 1850Mds au titre du PEPP (Pandemic Emergency Purchase Program) sans
contrainte de répartition entre banque centrale, incluant les titres souverains de
maturité courte (<1 ans)

C/ L’impact des mesures non conventionnelles est positif mais leur efficacité marginale est
décroissante

L’efficacité des instruments de politique monétaire mobilisés est débattue. Malgré ses efforts, le
ciblage de l’inflation par la BCE n’est pas atteint : 0% (2015) ; 0,2% (2016) ; 1,1% (2017).

- Conti, Neri, Nobili, Lift task force, 2017 : action appropriée pour la stabilité des prix
- Ciccareli, Osbat, Lift task force, 2017 : action appropriée pour soutenir la demande
agrégée
- BRI, Borio et Zabai, Unconventional monetary policies, 2016 : impact positif sur les
conditions financières mais réservé sur l’inflation et la croissance
- Banque centrale des Pays-Bas, DNB, Macroeconomic reversal rate, 2020 : crainte de se
heurter au taux de renversement : plus d’effet stimulus par une baisse de taux
- Critiques sur la répartition de l’excédent de monnaie centrale, plus favorable aux pays
centraux
- Critiques de politiques non conventionnelles qui soutiennent la valeur des obligations et
indirectement des actions, plus favorables aux ménages avec patrimoine mobilier

Des dynamiques globales réduisent l’efficacité des mesures non conventionnelles, comme
l’hypothèse de la stagnation séculaire (Summers) qui réduit la réactivité de l’inflation face à la hausse
de l’activité. L’aplatissement des courbes de Phillips lié à l’hystérèse du chômage réduit la réactivité
des salaires face à la hausse de l’activité.

- Etudes trimestrielles de la BCE (Bank lending survey) font été d’une évolution favorable
des conditions d’octroi de prêts et d’une évolution positive de la demande de crédits
depuis le lancement des mesures non conventionnelles
- Conditions d’accès au financement convergent et l’effet signal négatif domestique se
résorbent : sociétés ITA/ESP empruntent désormais à même taux qu’une société FRA/ALL
- PSPP a permis de réduire les taux souverains, de 95pb pour les taux longs en juin 2018
(BCE, Tracing the impact of the BCE’APP on the yield curve, 2019)
- Impact sur l’activité difficile à estimer : 0,4 point de PIB FRA serait lié à l’assouplissement
quantitatif (INSEE, 2015) + impact significatif à court terme sur la hausse de PIB (BCE,
Gambetti, Musso, 2019)

S’agissant de la crise covid, l’intervention de la BCE a permis de stabiliser les marchés financiers lors
de l’épisode de mars-avril 2020 de forte volatilité. L’impact sur l’inflation et la croissance demeure
limité : il serait de 0,8pp sur les prix de 1,3pp sur la croissance entre 2020 et 2022 (BCE).

IV/ Recommandations
A/ Les évolutions récentes des objectifs de politique monétaire de la FED et la BCE auront un
impact important à long terme : Les objectifs de 2012 de la FED (cible d’inflation à 2%, forward
guidance, etc.) ont été remplacés par une nouvelle stratégie, dans un contexte de réduction du taux
neutre réel limitant la capacité de la banque centrale  FED, The Fed review of its monetary policy
framework, 2020 : pas de ciblage de l’inflation à 2% mais d’une moyenne d’inflation à 2% (possibilité
de période d’inflation plus élevés pour compenser des périodes basses) (forward guidance
améliorée) ; objectif d’emploi prioritaire notamment pour résorber le « racial gap ». Moins ambitieux
et plus crédible qu’un ciblage traditionnel.

BCE termine son cadre opérationnel de politique monétaire, axé sur la symétrie autour de l’inflation
cible. C. Lagarde, The monetary policy strategy review, 2020 : objectif plus ambitieux pour atteindre
les 2% d’inflation ; BCE reconnaît qu’un retour aux taux et à la taille de bilan de 2008 est impossible.
[A COMPLETER]

D’autres pistes non considérées :

- Blanchard, Rethinking Macroeconomic policy, 2010 : Favorable à une inflation cible de


4% à moyen terme pour que les politiques monétaires retrouvent de l’amplitude en cas
de prochaine crise (taux de refinancement à 0% crée un taux réel à -4% qui est un vrai
stimulus) ; et pour sortir du risque de trappe à liquidité ou de déflation

B/ Perspectives pour la BCE : Les marges de manœuvre conventionnelles des banques centrales sont
durablement limitées avec la durabilité du taux zéro voire négatif. Le taux naturel (lorsque inflation =
inflation cible et PIB = PIB potentiel, cf. Taylor) demeure lui aussi très faible ; et les forward guidances
actuelles présagent d’une durabilité de cette situation.

En résulte que la BCE a des perspectives d’accommodation importante pendant une longue période,
avant une éventuelle normalisation. Sur le plan des taux, la BCE estime que le reversal rate se situe à
autour de -1% mais peut évoluer en fonction de la capitalisation du secteur bancaire et donc de la
justesse de la politique macro-prudentielle (Darracq Pariès, Kok, Rottner, Reversal interest rate and
macroprudential policy, 2020). La reprise d’inflation en 2021 (2% été, 4% octobre en zone euro) est
assimilée à la reprise économique et ne justifie pas de resserrement de la politique monétaire.
Sur la politique d’achats de titres du PEPP, des modalités d’élargissement sont envisageables
(allongement des maturités, répartition, classes d’actifs, etc.) mais les lointaines perspectives de
normalisation devront être annoncées très en amont pour éviter de générer une volatilité.

Finalement politique monétaire et budgétaire sont intrinsèquement liés puisqu’une réduction de


taille de bilan (non-reconduction de titres arrivés à échéance) conduirait à une hausse des taux
souverains et réduirait les capacités d’endettement des Etats pour financer leur budget. Cette
dominance budgétaire limite l’indépendance de la banque centrale dans une forme d’indépendance
tacite faible, au sens de Bertrand Blancheton (Mythes économiques, 2017 : indépendance des
banques centrales figure parmi les grands mythes selon lui). Une approche intéressante pour
concilier ces deux politiques pourrait être la création de véhicules financiers avec des apports
budgétaires et monétaires, à l’image du Main Street Lending Program de la FED, financé à 75Mds par
le Trésor américain.

C/ La mise en œuvre de nouveaux instruments peut permettre d’améliorer l’efficience de la


politique monétaire :

Politique monétaire verte : En dépit d’une prise en compte du défi environnemental (Coeuré,
Monetary policy and climate change, 2018), la lutte contre le changement climatique ne fait pas
partie du mandat des banques centrales. Mais, pour Coeuré, impact déjà pris en compte dans la
politique monétaire : climat joue sur le prix des récoltes, sortie du fossile va réduire la volatilité des
prix. Au-delà demeure la question du mandat et de la faisabilité d’un verdissement des outils
monétaire // marché des obligations vertes est insuffisamment liquide pour y lancer un programme
d’achats d’actifs (BdF, Verdir le système financier, 2019). Mais d’autres modalités, comme
l’évolution du cadrage du collatéral (admis en garantie des opérations de refi) en rendant éligible les
obligations liées à des objectifs durables/soutenables (Bruegel, Greening monetary policy, 2019) 
C’est ce qu’envisage la BCE, et la membre de son Directoire, Isabelle Schnabel, en jouant sur la
collatéral et en ciblant mieux les rachats d’actifs avec des critères environnementaux.

Politique monétaire adaptée aux cycles locaux : Proposition d’A. Levy, Targeted inflation targeting,
2018 : adapter la politique monétaire selon l’output gap et l’écart d’inflation de chaque économie en
modulant les achats de titres et les critères des opérations de refinancement pour mieux cibler par
pays au sein de l’Eurosystème. // Permettrait de répondre efficacement aux chocs asymétriques et
aux divergences de l’inflation entre pays.

Politique de contournement du secteur bancaire : Néokeynésiens détournent la métaphore de


l’hélicoptère de Friedman pour en faire une politique monétaire : la « monnaie hélicoptère » qui est
une « création de monnaie sans achat d’actifs en contrepartie » (Artus). Cela se traduit
comptablement par une augmentation du passif de la banque centrale, que l’on pourrait qualifier de
monétisation de la dette ou de financement monétaire. Mise en œuvre possible de plusieurs
manières : créditer les comptes des ménages et des entreprises, octroi de crédits d’impôts par l’Etat
financés par la banque centrale, grands travaux financés par la création monétaire… Et, plus réaliste  :
la BCE pourrait financer les déficits budgétaires annuels des Etats membre jusqu’à ce que l’output
gap redevienne positif (Roubini, 2016). Pour d’autres, il s’agirait d’octroyer un chèque de 500€ à
chaque citoyen pour augmenter la consommation et donc les prix (Muellbauer, QE for the people,
2014). Mais ces solutions ont été explicitement rejetées par la BCE. Elles ont connu un regain
d’intérêt avec la crise sanitaire puisqu’elles ont l’avantage d’être un versement direct avec un
impact immédiat sur la croissance (Gali, Helicopter money : the time is now, 2020). Note du CAE,
juin 2021 : le versement direct aux ménages pourrait être un outil monétaire de dernier ressort,
assurant plus d’autonomie à la politique monétaire qu’un achat massif de dette publique / une étude
en annexe précise qu’un versement de monnaie de 1% du PIB stimulerait l’inflation de 0,5% sur une
année.

Mise en place d’une monnaie numérique banque centrale : Question de la création d’une monnaie
numérique banque centrale au moment où l’usage de fiduciaire recule avec le développement des
moyens de paiement électroniques  Riskbank suédoise a lancé un projet de e-krona pour protéger
l’accès du public à la monnaie centrale en cas d’attrait dégressif sur le fiduciaire. La gestion de
transactions serait permise via la blockchain et permettrait ainsi de contourner le système bancaire.

BCE, Report on a digital euro, 2020 : nécessité de réfléchir à un moyen de paiement numérique sûr
en cas de réduction de l’utilisation de cash. Son développement dépendrait de principes concrets en
matière de lutte contre le blanchiment et les fraudes et de protection de la vie privée. Un e-euro
moins bien rémunéré que les réserves banques centrales permettrait d’éviter l’évincement des
réserver et de jouer le rôle de monnaie en dernier ressort.

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