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Nabil BOUAYAD AMINE

LE DÉVELOPPEMENT DE LA FINANCE ISLAMIQUE AU MAR

OC : QUELLES ADAPTATIONS DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEME

Le développement de la finance
islamique au Maroc : quelles
adaptations du cadre législatif et
réglementaire ?

Nabil BOUAYAD AMINE


P ofesseu de l E seig e e t U i e sitai e Ha ilit
Université HASSAN I – Settat
nabil_bouayad@hotmail.com

La finance islamique et les défis de développement | 107


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

Introduction
À l heu e où la ho te s a at su la fi a e glo alis e, il e est u e ui so t,
elle, la tête haute de la tempête financière qui sévit : la finance islamique. À croire
u il fallait e a i e là pou o p e d e ue l o a eau oup à app e d e de es
te h i ues eposa t su u e o o ie d thi ue ! Alo s ue la fi a e isla i ue a
aujou d hui plus de 61 a s, l o ide t o e e, depuis quelques années, à s
intéresser vraiment
La finance islamique correspond à un marché rentable, pouvant profiter à
tous, et pas seulement à quelques-u s, et u elle a du se s pou les pa s o -
musulmans dans la mesure où elle répond à des besoins très largement universels.
Acteur peu connu de la finance mondiale il y a encore quelques années, la
fi a e isla i ue o aît aujou d hui u d eloppe e t ui sus ite i t ts et
convoitises, dans plusieurs pays de confession musulmane et même en Europe, où
plusieurs pa s s i te oge t su la a i e d i t g e ette fi a e alte ati e au
côtés des activités conventionnelles.
La finance islamique se développe étonnamment vite. Depuis ses débuts il
a u e t e tai e d a es, le o e d i stitutio s fi a i es isla iques dans le
o de est pass d u e seule e 8475 à plus de 611 aujou d hui da s plus de 75
pays. Elles sont concentrées dans le Moyen-O ie t et l Asie du “ud-Est (Bahreïn et
la Malaisie étant les principaux centres), mais apparaissent aussi en Europe et aux
États-Unis.
Actuellement au Maroc, des milliers de personnes repoussent les offres
lassi ues p opos es pa les a ues et e t aite t a e es de i es u e as de
esoi e t e, les jugea t o o fo es au p eptes de l isla . Du oup, elles
se retrouvent en dehors des circuits formels. Ces personnes trouvent parfois
réponse à leurs besoins dans des circuits parallèles avec tous les dangers de
récupération, politique notamment, que cela représente. La prise de conscience
chez les responsables du secteur bancaire, quoique tardive, est louable.
Le développement de la finance islamique au Maroc ne nécessiterait pas un
« oule e se e t » du d oit positif d u e pa t, a elui-ci permettait de créer et
de distribuer des produits compatibles avec la loi coranique, comme par exemple la
atio d o ganismes de placement collectif en valeurs mobilières répondant aux
it es de la fi a e isla i ue ; d aut e pa t, ue e tai s dispositifs ju idi ues et
fiscaux existants étaient, dans leur mécanisme, proches des principes requis par la
finance islamique.
Problématique
Qu est do ette fi a e isla i ue do t o pa le eau oup sa s ai e t
toujou s sa oi e do t il s agit ? Est- e u e fi a e d u ge e ou eau ou peut-on
la rattacher à la finance classique ? Au-delà de la fi a e, illust e-t-elle pas une

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion, Dossier Spécial, Juin 2013 | 108


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éthique particulière bien éloignée de la morale des affaires en vigueur en occident


? Comment, enfin, cette éthique islamique dessine-t-elle les techniques spécifiques
de la finance islamique ?
Aussi, est-il possible que la question de la réduction des frottements
juridiques et fiscaux pourrait être traitée par des réformes simples, non
essai e e t d o d e l gislatif ? Pou uoi la fi a e isla i ue a-t-elle connu un
succès aussi fulgurant dans la période récente ? Quel est le marché potentiel de la
finance islamique ? Quid des perspectives marocaines ?
Des sujets aussi variés que la fiscalité, les dépenses publiques, l'intérêt, la
propriété foncière, les ressources naturelles, le taux de salaire, les finances ont fait
l'objet de commentaires soit dans le « Saint Coran » ou encore dans la Sunnah.
Le d eloppe e t d u a h o dial de la fi a e isla i ue ute su
deux obstacles : la diversité des écoles de pensée et la relativité de la chose jugée
de la fatwa. Celle-ci ne représente pas un jugement e ga o es ui s i pose ait à
tous. Il s agit d u a is, d u e e o a datio ui e gage ue elui ui l et.
Par conséquent, les investisseurs sont libres de considérer que la fatwa a
été rendue dans de bonnes conditions ou pas.
La finance islamique correspond à un marché rentable, pouvant profiter à
tous, et pas seulement à quelques-u s, et u elle a du se s pou les pa s o
musulmans dans la mesure où elle répond à des besoins très largement universels.
O o se e, e effet, aujou d hui, u e d a he o diale, ue l o
appelle finance éthique, pour qui les facteurs de production doivent découler de
aleu s sup ieu es, hu a istes et so iales. La fi a e isla i ue s i s it tout à fait
da s e ou e e t. C est, ota e t, à es uestio s ue se p opose de
po d e et a ti le. Il a pou o je tif d ide tifie les e jeu de l i t g atio de la
fi a e isla i ue da s le s st e fi a ie glo al pou le Ma o , et d aut e pa t,
de déterminer les éventuels « frottements » juridiques et fiscaux pouvant freiner le
développement de la finance islamique sur le territoire national.
Développement fulgurant de la finance islamique
La finance islamique a pour objet de développer des services bancaires et
des produits financiers compatibles avec les prescriptions de la loi coranique. Le
a a t e isla i ue d u p oduit fi a ie , ou d u e t a sa tio fi a i e, est
ta li d s lo s ue le espe t des i p i ipes de l isla fi a ie 1 a été vérifié par
un conseil de conformité à la Charia.

1
Interdiction de l’intérêt (pas de « riba »), interdiction de l’incertitude, de la spéculation (pas
de « gharar », ni de « maysir »), interdiction d’investir dans des secteurs illicites (pas de «
haram »), principe de partage des pertes et des profits, principe « d’asset-backing ».

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Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

Important essor à travers le o de et s i pose de plus e plus o eu e


concurrente de la finance dite « conventionnelle » :
 le tau de oissa e a uel de l a ti it a ai e isla i ue est esti
entre 10 et 15 % ;
 le total des a tifs g s pa les a ues et les o pag ies d assurance
se serait élevé à plus de 600 milliards de dollars;
“i la fi a e isla i ue s est histo i ue e t d elopp e da s les pa s de
t aditio usul a e, et este e o e aujou d hui t s o e t e da s le Golfe
persique et en Asie du Sud-Est, elle s e po te aux Etats-Unis et en Europe suite à la
t s fo te aug e tatio du p i du p t ole es de i es a es. E effet, l e s
de liquidités en provenance des monarchies du Golfe a, en partie, afflué vers les
grandes places financières mondiales, suscitant ainsi un intérêt croissant pour ce
système économique basé sur le Coran et la Sunna. En Europe, le Royaume Uni fait
figu e de pio ie a e l adoptio apide de esu es ju idi ues et o o i ues
desti es à fa o ise l e ge e de la fi a e isla i ue, ue e soit en renforçant
l att a ti it de sa pla e fi a i e ou e p oposa t u e off e de se i es adapt e
aux particuliers (ouverture de la première banque islamique en Europe en 2004).
De même, en Allemagne, la prise en compte de ce marché est effective comme le
démontrent les initiatives prises sur le marché des « sukuks » (produit obligataire
isla i ue ou du « takaful » assu a e . Ai si, l o o state ue la plupa t des
groupes bancaires français ont ouvert des filiales spécialisées sur le créneau de la
finance islamique au Moyen Orient afin de profiter de cette source de liquidités,
leur activité sur le territoire national dans ce domaine est plus que balbutiante.
Cet attentisme apparaît paradoxal dans la mesure où le développement de
la finance islamique en France ne nécessiterait pas un « bouleversement » du droit
positif d u e pa t, et pou ait s appu e su deu atouts ajeu s, à sa oi u e pla e
fi a i e d o es et d jà o p titi e et la p se e d u e o u aut
usul a e i po ta te, d aut e pa t.
Du côté des actions, deux indices ont été lancés en 1999 pour servir de
repères aux investissements des institutions financières islamiques : le DJIM (Dow
Jones Islamic Market Index) à Bahreïn et le GIIS (Global Islamic Index Series) de
Financial Times Sto k E ha ge. Bie ue es i di es soie t aujou d hui pu li s
dans le monde entier, ils en sont encore à leurs débuts et jouent un rôle limité sur
les marchés financiers islamiques.
Pourquoi la finance islamique a-t-elle connu un succès aussi fulgurant dans
la période récente, avec des taux de croissance compris entre 10 % et 30 % et un
marché de sukuks en plein explosion (+ 30 % à + 35 % par an) alors même que le
secteur financier est en crise ? La réponse à cette question est double. Son succès
s e pli ue, d u e pa t, pa la he t du p t ole, d aut e pa t, pa la atast ophe du

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11 septembre 2001. Ces deux évènements conjoints ont alimenté une sur-liquidité
dans le Golfe persique, laquelle a réussi à se recycler dans cette même région2.
En quoi consiste la finance islamique ?
La finance islamique se distingue de la finance conventionnelle par le fait
u elle e se a to e pas da s le ôle du p teu : elle agit e ita le pa te ai e
financier du porteur de projet avec un système de partage des risques, de la
responsabilité et des revenus. La banque islamique est partenaire à part entière
avec le client dans son projet dès lors que celui- i est pass pa des gles d a al se
et de gestio de is ue. Les e e us so t pa tag s e fo tio de l i po ta e de
l i estisse e t et p oie t u o us o s ue t au po teu du p ojet. Il s agit,
e fait, d u pa te a iat i tellige t apital /t a ail.
Le fait que les lois islamiques interdisent de verser ou de toucher un intérêt
i pli ue pas u elles d fe de t de gag e de l a ge t ou e ou age t le etou à
une économie fondée uniquement sur les espèces ou le troc. Elles incitent toutes
les parties à une transaction à partager le risque et le bénéfice ou la perte.
On peut comparer les déposants des banques islamiques à des
investisseurs ou actionnaires, qui reçoivent des dividendes quand la banque fait un
bénéfice ou perdent une partie de leurs économies quand elle subit une perte. Le
principe consiste à lier le rendement du contrat islamique à la productivité et à la
qualité du projet, pour assurer une répartition plus équitable de la richesse.
Les instruments financiers islamiques prennent la forme de contrats entre
les fournisseurs et les utilisateurs de fonds afin de gérer le risque. Du côté des
avoirs, les ban ues isla i ues e t des a ti it s d i estisse e t et de go e
conformément aux divers contrats existants. Du côté des dépôts, les fonds sont
su tout o ilis s su la ase d u o t at Mouda a a ou d u p t sa s i t ts
(Qard Al-Hasan). Globalement, les banques islamiques offrent aux déposants
uat e at go ies de o ptes : ou a t, d pa g e, d i estisse e t et
d i estisse e t à o je tifs sp ifi ues.
«C est pa e u ils o t dit ue le o e e est si ilai e à l usu e. Allah a
permis le commerce et i te dit l usu e. Celui ui a o p is le o seil de so
Seigneur et arrêté gardera ses anciens bénéfices et son état est remis à Allah. Celui
ui ep e d a ope a de la e gea e d Allah». Ce e set t aduit lai e e t la
p ohi itio adi ale de l usu e et toutes les transactions y afférent dans la Charia
isla i ue. Mais e est pas le seul. “ou at Al aka a ego ge de te tes ui
confirment ce jugement divin et menace les contestataires des pires châtiments

2
En Afrique, il existe 412 millions de Musulmans qui pourraient exprimer à terme des
demandes importantes en matière de finance islamique auprès des pays du Golfe persique. Il
est possible donc que la finance islamique fasse office de pont entre le continent africain et le
Moyen-Orient.

La finance islamique et les défis de développement | 111


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

da s l au-delà. «O croyants! Craignez Allah et abandonnez les gains qui vous


restent des transactions usurières si vous êtes des croyants. Sinon, attendez-vous à
u e gue e de la pa t d Allah et de so p oph te.
Si vous arrêtez, vous gardez vos capitaux sans subir ni faire subir de
l i justi e à aut ui». Au u aut e p h est passi le d u e telle pu itio da s
l isla .
Les transactions commerciales et financières en islam ne dépendent pas
uniquement de la finalité de profit. Le principe de solidarité et de gain mutuel y est
privilégié.
L i t odu tio de l usu e a ule e deu i e aspe t et p o o ue des
d passe e ts ui uise t à l ho tet de la elatio o e iale, selo les
textes religieux. A commencer par les profits abusifs obtenus sans implication dans
l a ti it o o i ue fi a e. Il a aussi l e p op iatio o justifi e des de ie s
d aut ui. “a s ou lie la uisa e au p i ipe de solida it e t e le p teu et
l e p u teu .
A ote ue o o e d o o istes ualifi s de « ouges» adh e t à
cette vision. Ils ont sévèrement critiqué le système bancaire actuel. Et pour cause,
les banques accaparent la majeure partie de la valeur ajoutée des entreprises
e dett es. Ce ui p alise o e t le d eloppe e t de l a ti it
économique, selon eux.
La finance islamique repose sur cinq piliers : pas d i t t, pas
d i e titude, pas de se teu s illi ites, o ligatio de pa tage des p ofits et des
pe tes et p i ipe d adosse e t à u a tif ta gi le.
Quel est le marché potentiel de la finance islamique ?
Aujou d hui, il p se 511 illia ds de dolla s. Mais quel poids est-il en
esu e d attei d e à l a e i si tous les Musul a s de la pla te e ie e t à
avoir accès au crédit, à un compte en banque et à une carte de paiement ? Son
volume potentiel est estimé à 4 billions de dollars. Autrement dit, la finance
isla i ue a de eau jou s de a t elle et est pou uoi elle o ti ue a à atti e de
nouveaux entrants, en particulier dans le Golfe persique où il ne se passe pas un
ois sa s u u ta lisse e t fi a ie espe tueu des p i ipes de la Cha ia
ou e ses po tes.
Le cadre législatif de la finance islamique au maroc
Il était grand temps que le Maroc prenne le « TGV » de la finance islamique.
Voilà 28 ans déjà que des négociations ont été entamées avec la Banque Centrale
et le Ministère des Finances pou u p ojet de atio d u e p e i e a ue
islamique en 1980. Celle- i a fi ale e t pas u le jou .
Le Ma o a use u eta d e la ati e puis u il fait pa tie des t ois seuls
pays arabo-musulmans à ne pas avoir de banque islamique.

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La banque islamique au Maroc sera participative. Après une longue


hésitation, la Banque centrale marocaine autorise les banques islamiques au
Ma o sous l appellatio , toutefois, de a ues pa ti ipati es. L a ti le 50 du p ojet
de loi précise que les banques participatives sont des personnes morales habilitées
à exercer à titre de profession habituelle en conformité avec les préceptes de la
Charia, les activités suivantes :
 la réception de fonds du public ;
 les opérations de crédit ;
 la mise à la disposition de la clientèle de tous moyens de paiement, ou
leur gestion.
Outre ces activités réservées aux établissements de crédit, les banques
participatives sont également habilitées à réaliser les opérations commerciales,
fi a i es et d i estisse e t, à l e lusio de toute opération impliquant la
pe eptio et le e se e t d i t t.
Deu l e ts etie e t l atte tio da s les dispositio s de e p ojet de
loi :
 la conformité des activités aux préceptes de la Charia ;
 la réalisation des opérations commerciales, financières et
d i estisse e t.
Le p e ie l e t e oie à l ide tit isla i ue de es a ues ui
s a stie e t de pe e oi ou de e se les i t ts assi il s au ‘i a p ohi pa la
Charia. Le deuxième élément renvoie, quant à lui, à la nature de ces banques qui
so t assi ila les à des a ues d affai es.
L a ti le 56 p ise la atu e pa ti ipati e de es a ues : «Les a ues
pa ti ipati es so t ha ilit es à e e oi du pu li des d pôts d i estisse e t do t
la rémunération est liée aux résultats des investissements convenus avec la
lie t le». Il e s agit do pas des lassi ues d pôts à te e u s à ase
d i t t, ais de d pôts u s selon le principe de la Moudaraba que
l a ti le 58 d fi it o e ta t «tout o t at etta t e elatio une banque
participative (Rab El Mal) qui fournit des fonds et un entrepreneur (Moudarib) qui
fournit son travail en vue de réaliser un projet».
Au se s de l a ti le 58, la espo sa ilit de la gestio du p ojet
d i estisse e t epose e ti e e t su l entrepreneur (la banque). Les bénéfices
réalisés sont partagés selon une répartition convenue entre les deux parties et les
pertes sont assumées exclusivement par Rab El Mal (le client) sauf en cas de fraude
commise par le Moudarib (la banque).
Notons que la banque peut être un investisseur direct ou confier elle-
même les fonds ainsi collectés à un autre investisseur et se transformer ainsi en
‘a El Mal à so tou . Out e les d pôts d i estisse e ts à ase de Mouda a a ui
concerne la réception des fonds du public et sa gestion, la banque participative

La finance islamique et les défis de développement | 113


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

peut procéder au financement de la clientèle à travers notamment les produits ci-


après (article 56) :
 Mourabaha, définie comme étant tout contrat par lequel une banque
participative acquiert un bien meuble ou immeuble en vue de le revendre à
so lie t à so oût d a uisitio plus u e a ge fi iai e o e ue
d a a e.
Le règlement par le client est effectué selon les modalités convenues entre
les parties ;
 Ijara, définie comme étant tout contrat selon lequel une banque
participative met, à titre locatif, un bien meuble ou immeuble déterminé,
ide tifi et p op i t de ette a ue, à la dispositio d u lie t pou u
usage auto is pa la loi. L Ija a peut e ti l u e des deu fo es
suivantes :
 Ijara tachghilia qui consiste en une location simple ;
 Ijara wa iqtinaa ui o siste e u e lo atio asso tie de l e gage e t
fe e du lo atai e d a u i le ie lou à l issue d u e p iode o e ue
da a e;
 Moucharaka, définie comme étant tout contrat ayant pour objet la
participation, par une banque participative, dans un projet, en vue de
réaliser un profit. Les deux parties participent aux pertes à hauteur de leur
participation et aux profits selon un prorata prédéterminé.
La Mou ha aka peut e ti l u e des deux formes suivantes :
 la Moucharaka Tabita : les deu pa ties de eu e t pa te ai es jus u à
l e pi atio du o t at les lia t ;
 la Moucharaka Moutanakissa : la banque se retire progressivement du
projet conformément aux stipulations du contrat.
Afin de rassurer la clientèle quant à la conformité des opérations de la
banque participative aux préceptes de la Charia, le projet de loi prévoit, dans son
article 61, une instance de contrôle de conformité rattachée au Conseil des
Oulémas dénommée «Comité Charia pour la Finance».
“elo l a ti le 88 le o it est habilité à :
 se prononcer sur la conformité à la Charia des opérations et produits
offerts au public ;
 répondre aux consultations des banques ;
 donner un avis préalable sur le contenu des campagnes de
o u i atio des ta lisse e ts de dit e e ça t l a ti it p ue pa
le présent titre ;
 proposer toute mesure de nature à contribuer au développement de

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tout produit ou service financier conformes à la Charia.


Ce o it est te u, selo l a ti le 89, de publier un rapport annuel faisant
esso ti les a is p o o s au ou s de l e e i e oul ai si ue so
appréciation/évaluation quant à la conformité des banques participatives aux
p eptes de la Cha ia. Ce o t ôle e te e est dou l d u o t ôle interne via un
Co it d audit a ti le 87 , ha g :
 d ide tifie et de p e i les is ues de non-conformité à la Charia;
 d assu e le sui i de l appli atio des a is du Co it ha ia pou la
fi a e et d e o t ôle le espe t ;
 de mettre en place les procédures et les manuels afférents aux
préceptes de la Charia à respecter ;
 d adopte les esu es e uises e as de o -respect avéré des
o ditio s i pos es da s la ise e appli atio d u p oduit au sujet
duquel un avis Charia a été émis.
Les conditions et les modalités de fonctionnement de ce comité sont
arrêtées par circulaire du wali de Bank Al-Maghrib3, après avis du Comité des
ta lisse e ts de dit. Le o it d audit i te e est ha g d la o e u
rapport sur la conformité à la Charia que la banque participative doit communiquer
à Bank Al-Maghrib. A la lecture du projet de loi, il est clair que la Banque centrale
est d te i e à i suffle u e ou elle d a i ue à «l isla i a ki g» au Ma o
afi de t a he a e l attitude h sita te ue les autorités monétaires et
fi a i es o t toujou s o se e à l ga d de ette fi a e p o etteuse.
Le développement de la Bourse de Casablanca et la perspective de sa
transformation progressive en place financière majeure (Casablanca Finance City),
les sollicitations permanentes des acteurs majeurs de la finance islamique (banques
islamiques du Moyen-Orient tout particulièrement), la crise financière mondiale
ai si ue l a e e t d u gou e e e t d o die e isla i ue le pa ti Justi e et
Développement) ont la ge e t o t i u à l e ge e de «l isla i a ki g» au
Maroc qui, au demeurant, est le dernier pays arabo-islamique à profiter de la
manne financière que constitue la finance islamique que les spécialistes estiment à
près de mille milliards de dollars.
Quel dispositif fiscal ?
Pour les spécialistes de la finance islamique, la Murabaha et le Sukuk sont

3
Notons que dès 2007 la Banque centrale marocaine avait autorisé les établissements de
crédit à commercialiser trois produits financiers islamiques (Mourabaha, Ijara et
Moucharaka) sous l’appellation de produits financiers alternatifs mais avait sommé les
banques à ne pas faire appel à leur connotation islamique dans leurs campagnes publicitaires,
ce qui a contribué à freiner nettement leur développement. Le chiffre d’affaires de ces
produits, déjà modeste, a même chuté passant de 900 millions de dirhams en 2010 à 800
millions de dirhams en 2011.

La finance islamique et les défis de développement | 115


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

des instruments de financement très connus. La première est un contrat de vente


transparente qui fait intervenir trois parties : un apporteur de capital, le fournisseur
et le lie t. Elle est t a spa e te pa e ue le p i d a uisitio et le p i de e e te
aug e t s d u e a ge fi iai e so t e p ess e t i di u s da s le o t at.
Le se o d est u e tifi at d i estisse e t ou tit e fi a ie eprésentant les
droits et les obligations de ses titulaires sur un actif sous-jacent. Il va sans dire que
es i st u e ts so t les plus utilis s pa l i dust ie a ai e et fi a i e
islamiques.
 DE LA MURABAHA
Te h i ue de fi a e e t d a tif, la Mu a aha est qualifiée par
l Ad i ist atio fis ale de e te à te p a e t. L o jet du o t at de Mu a aha
consiste à acquérir des biens immeubles ou des biens meubles corporels ou
i o po els ie s d uipe e t, ati es p e i es, tit es fi a ie s, et . .
Outre le p i d a uisitio et de e te, le o t at de Mu a aha i di ue
toujours une marge bénéficiaire qui est déterminée de manière préalable au
o e t de la o lusio du o t at si e est pas le as, le o t at se a e ualifi ,
en droit musulman, de Moussawama où il existe une indétermination dans le prix
de e e te de l a tif fi a .
La marge bénéficiaire correspond au « profit » escompté par le financier
qui doit être clairement explicité, connu et accepté par les deux parties

A. – Imposition du profit
Le gi e d i positio est elui des fi es i dust iels et o e iau
en raison de la qualification de contrat de vente de la Murabaha conclu entre un
financier (banque ou intermédiaire financier) et un client. Le profit est
immédiatement imposable, et il est aussi pris en compte dans la détermination du
résultat imposable de manière étalée linéairement sur la durée du différé de
paiement.
Le p ofit est assi il pa l ad i ist atio fis ale au i t ts. Il est assez
déroutant de constater que le traitement fiscal des profits réalisés par les
opérations de financement islamiques est le même que celui réservé aux intérêts,
alo s ue le d oit usul a i te dit sa s a iguït la stipulatio de l i t t.
Certes, un éclaircissement était attendu. En revanche, un tel éclaircissement doit
suppo te des iti ues pou e pas o s u i l esp it de la loi isla i ue.

B. – L’i positio des plus-values immobilières et la taxe professionnelle


Le fait g ateu de l i positio des plus-values immobilières est la
cessio des ie s i eu les. Est i posa le l e de t e t e le p i de essio et le
p i d a uisitio du ie pa le fi a ie . “i le p i de essio ui est le p i el
stipul da s l a te. E effet, « si le p i de essio et du p ofit est sup ieu au p ix

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d a uisitio du ie pa le fi a ie , l e de t o stitue u e plus-value


imposable ». Cette mesure limite ainsi les risques de spéculation puisque la loi
a o ai e et la loi isla i ue p su e t u u e a ti it est sp ulati e lo s ue la
cession inter ie t peu de te ps ap s l a uisitio du ie , et lo s ue les
opérations favorisant des gains à court terme se répètent.
Pa ailleu s, l ad i ist atio fis ale tie d a o pte du p i d a uisitio
plus que du prix de cession pour calculer la plus-value réalis e pa l a heteu s il
revend le bien. Cette mesure endiguera les intentions spéculatives des acheteurs
fi au , ais aug e te a, le as h a t, l assiette d i positio .
Des éclaircissements sont également apportés en matière de taxe
professionnelle et de valeur ajoutée. Les biens acquis par la technique de la
Mu a aha e so t pas o p is da s la ase d i positio du fi a ie et il o ie t
de et a he du p i de e te de l i eu le, le p i d a uisitio et les ha ges
externes (produit net de cession) pour déterminer la valeur ajoutée.
 LES SUKUKS
Entre dans la catégorie des titres financiers à revenu fixe tout instrument
financier procurant un rendement périodique fixe, comme les titres de créances
(les obligations, les bons du Trésor). Or, la loi isla i ue e pe et i l a hat, i la
e te de tels tit es e aiso de la p se e d u e dette g e e d u i t t.
Cependant, des titres financiers islamiques appelés « Sukuk » permettent
d e isage ue des tit es fi a ie s p o u e t u e e u fi e p iodique.
L ad i ist atio fis ale les d fi it de la a i e sui a te : « Les sukuks
ainsi que les produits financiers assimilés sont des titres représentant pour leur
titulaire un titre de créances ou un prêt dont la rémunération et le capital sont
indexés su la pe fo a e d u ou plusieu s a tifs d te us pa l etteu , affe t s
au paiement de la rémunération et au remboursement des Sukuks ou des produits
assimilés ».
Les Sukuks sont donc soit des titres de créances (obligations), soit des titres
de capital ou des p ts i de s su la pe fo a e de l a tif sous-jacent. de la
même manière que les opérations de Murabaha, les revenus des Sukuks sont
traités sous le prisme de la déductibilité des intérêts : « Les rémunérations versées
au tit e des “ukuks ou des titres de dettes et prêts indexés sont déductibles du
bénéfice imposable sous les mêmes conditions que celles prévues pour les intérêts
d e p u t.
L ad i ist atio fis ale i pose, selo u e logi ue p op e au d oit f a çais,
que les revenus servis par l etteu e soie t d du ti les ue si les “ukuks o t la
atu e ou les a a t isti ues d u i st u e t de dette. Cette o ditio o duit à
les st u tu e selo le s h a d u tit e de a e ou d u p t i de .
Pour un puriste, cette idée est assez troublante dans la mesure où le droit

La finance islamique et les défis de développement | 117


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

musulman exclut toute forme de rémunération usuraire. Or, il est encore une fois
i t essa t de oi ue le d oit e s atta he poi t à u e ualifi atio ju idi ue
extranationale mais « accommode » un nouvel instrument de financement.
La déductibilité est également conditionnée par le fait que le financement
se e l i t t de l e t ep ise. Cela suppose ue les i t ts e s s o stitue t u e
ha ge pou elle et ue les titulai es de “ukuks aie t soit la ualit d asso i
i o itai e, soit d e p u teu .
L effo t du gou e e e t est à soulig e pou le d eloppe e t de la
finance islamique. Néanmoins, des interrogations demeurent. Si le pouvoir
règlementaire a introduit de nouveaux instruments de financement, ou plus
précisé e t a d id d e te i o pte d u poi t de ue fis al, il e ie t au
l gislateu de les i t odui e plus solide e t da s l o do a e e t ju idi ue
marocain.
Le dispositif présenté, est celui appliqué en France. Le chantier vient de
Débuter au Maroc, et ‘o e e s est pas faite e u jou !

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion, Dossier Spécial, Juin 2013 | 118


Nabil BOUAYAD AMINE

Conclusion
Le Maroc a tout à gagner en intégrant la finance islamique. La finance
islamique peut apporter des ressources fraiches au Maroc. Des ressources estimées
entre 3 et 7 milliards de dollars venant des pays du Golfe, de la Malaisie, de
l I do sie ais, aussi, des o u aut s a a o-musulmanes vivant en Europe.
L a i e de la fi a e isla i ue pe ett a, gale e t, d aug e te le tau de
bancarisation en répondant à une frange de la population marocaine en attente de
e t pe de p oduit fi a ie o fo e à la « ha ia ». D ap s e tai s p o osti s, le
tau de a a isatio passe ait ai si de 69% à 55% a e l i pla tatio de la
a ue isla i ue. Aut e aspe t positif, l a i e des a ues isla i ues a
favoriser la «culture entrepreneuriale», actuellement en perte de vitesse, ainsi que
le li at de o fia e do t a uelle e t esoi l e i o e e t des affai es da s
ot e pa s. E effet, a e l a i e de la a ue isla i ue, les a ues
conventionnelles qui sont confortablement installées, seront amenées à financer
davantage les PME/PMI, à financer la croissance et à améliorer leurs services, au-
delà de la situation de monopole qui pénalise le client marocain. Enfin, la banque
islamique va permettre au Maroc de se positionner véritablement comme hub
financier régional an Afrique et dans la région MENA.
La finance islamique ne représente pas une activité à la mode. Elle repose
sur de nombreux principes sous-jacents et se distingue notamment par son
caractère participatif. Les modifications à apporter doivent consister à les rendre,
o pati les a e les p i ipes de la Cha ia, de faço à e u ils fi ie t à
l e se le du ad e ju idi ue a o ai , le uel a des i pli atio s au i eau de la
finance islamique.

La finance islamique et les défis de développement | 119


Le développement de la finance islamique au Maroc : quelles adaptations….

Bibliographie
 ABI HAYDAR A., Les Banques islamiques, thèse, Paris, 1990.
 MARTENS A., La Finance islamique : fondements, théorie et réalité, Cahier 20-
0118 de l U i e sit de Mo t al.
 Michel Galloux, Environnement juridico-politique et performances financières
des banques islamiques: Les cas égyptien et jordanien, Notes de recherche
UREF/AUPELF NE 93- 35, 1993.
 Mohsin S. Khan et Abbas Mirakhor, Les pratiques bancaires islamiques, Finances
et développement, sept. 1986, vol. 23, NE 3 (pp. 32-36).
 Stanislas Ordody, Le financement de l'entrepreneuriat (le modèle du système
financier islamique), Notes de recherche UREF/AUPELF NE 89-4, 1989.
 YAGI A., Droit musulman, Paris, Publisud, 2004.

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion, Dossier Spécial, Juin 2013 | 120

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