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Séminaire Afrique subsaharienne – 2018

CARNET PAYS
MOZAMBIQUE

Léa Turpain (décembre 2018)


Antoine Le Maire et Diane Lemaire (décembre 2017)
Avec Corentin Marchal (avril 2016) - Othmane Boubkry et Thomas Ménanteau (décembre 2016)
Table des matières

Introduction 3
Informations générales 4
Grands enjeux actuels 5
Quelques indicateurs synthétiques 5
1. Contextualisation historique 6
Histoire précoloniale : empires précoloniaux et premières tentatives de colonisation portugaise
6
Le colonialisme portugais 7
2. Décolonisation et système post-colonial 8
Le processus d’indépendance et l’établissement d’un système autoritaire par le Frelimo 8
Une guerre civile meurtrière 9
3. Un processus de transition démocratique inachevé…………………………………………………..12
L’ouverture et la libéralisation du régime 12
Un retour à l’autoritarisme ? 13
Une résurgence des conflits ? 13
Quel avenir pour les négociations de paix ? 15
Le MDM, un espoir face au manque de diversité et de pluralisme ? 16
4. Sociétés civiles et inciviles 18
Les syndicats au Mozambique 18
5. Religions et libertés religieuses 19
6. Résurgence et instrumentalisations de conflits ethniques et de mémoire
précoloniale………………………………………………………………………………………………………………22
7. Situation économique………………………………………………………………………………………………..23
Un pays au niveau de développement faible 23
Le Mozambique, un territoire avec un potentiel véritable 23
De nombreux défis qui mettent à mal le décollage économique du pays 24
Budget du gouvernement du Mozambique 25
8. La situation sanitaire au Mozambique……………………………………………………………………..27
Quelle est la situation sanitaire au Mozambique ? 27
Quels sont les moyens mis à la disposition de la population ? 27
Quelles sont les mesures prises pour améliorer la situation ? 28
Quels sont les enjeux ? 30
9. Focus sur le scandale des « dettes cachées »……………………………………………………………..31
Le contexte 31
Quels emprunts ? 31

Mozambique 1
Quelles conséquences ? 33
Quelles solutions pour sortir de la crise souveraine ?34
Une reconsidération de la scène politique mozambicaine actuelle ? 34
Quelle punition pour les responsables ? 35
10. Focus sur les relations Mozambique/Asie…………………………………………………………………36
Les relations sino-mozambicaine 36
Les relations entre l’Inde et le Mozambique 38
Les relations du Mozambique avec les autres pays africains 38
Les relations entre le Portugal et le Mozambique 39

Bibliographie…………………………………………………………………………………………………………………………..40

Introduction

Le Mozambique est un pays situé en Afrique australe, et qui dispose d’une ouverture sur la
mer. C’est un pays frontalier de la Tanzanie, du Malawi, de la Zambie, du Zimbabwe, de l’Afrique
du Sud et du Swaziland. Il a pour capitale Maputo, une ville portuaire, qui présente une zone
d’influence et d’attraction économique grâce à son ouverture sur l’océan indien. Le pays est une
République présidée par Filipe Nyusi, succédant à Armando Emilio Guebuza, tous deux membres
du parti Frelimo. Sa langue officielle est le portugais et la monnaie nationale est le metical.

Ancienne colonie portugaise, le Mozambique est un pays indépendant depuis le 25 juin 1975.
Après 16 années (1977-92) de guerre civile entre le Frelimo (Front de libération du Mozambique),
parti au pouvoir de tradition marxiste, et la Renamo (Résistance nationale mozambicaine),
soutenue par le régime d’apartheid sud-africain, les accords de paix de Rome (4 octobre 1992) ont
ouvert une période de stabilité relative.

Le Mozambique, bien que faisant parti en 2017 de la liste des Pays les Moins Avancés (PMA) de
l’Organisation des Nations Unies, est un pays en pleine mutation et il s’avère intéressant d’étudier
ses dynamiques politiques ainsi qu’économiques, afin d’observer les opportunités et les faiblesses
auxquelles ce pays se confronte aujourd’hui et ses potentialités de développement et d'évolution
futures.

Mozambique 2
Informations générales

République du Mozambique
Afrique Australe
Superficie : 800.000 km²
Langue officielle : Portugais

29,63 millions d'habitants (2018)


Capitale politique : Maputo, également plus
grande ville avec 1,2 millions d'habitants (2,6
millions avec aire urbaine)
Autres aires urbaines importantes (2017) :
Nampula (955 086 habitants), Beira (644 350
habitants), Tete (615 230 habitants)
Taux d'urbanisation : 35%

IDH : 0,437 (193ème sur 203 en 2017)


Espérance de vie à la naissance : 54 ans en 2017
(moyenne en Afrique subsaharienne : 58 ans)

PIB : 12,33 milliards (current US$) (2017)


Croissance du PIB : 3,70%/an (2017)
PIB / hab : 1217 dollars (ppa, 2016, Données de la
Banque Mondiale)

Taux d'alphabétisation : 76,75% (2015)


Marché du travail : 75% des emplois dans le
secteur informel, 8% dans le secteur formel, 17%
sans emploi.

Source : diplomatie.gouv.fr
Source : populationdata.net

Chef de l’Etat : Président Filipe Nyusi (parti Frelimo)


succède à Armando Guebuza.
En fonction depuis le 15 janvier 2015

Prochaines élections : 2019

Source : thebusinessyear.com

Mozambique 3
Grands enjeux actuels :

L'instabilité politique et le risque d'éclatement d'un nouveau conflit interne : les redéfinitions
autoritaires connues actuellement par le régime, mises en œuvre par le Frelimo au pouvoir,
soulèvent de nombreuses questions quant à la pérennité et à la durabilité de la transition
démocratique entamée par le pays depuis la fin de la guerre civile. Les conflits politiques opposant
le Frelimo et le parti rival, le Renamo, menacent actuellement de dégénérer en conflit armé. Les
rapports entre les deux partis se sont d’autant plus détériorés depuis la mort d’Afonso Dhlakama
le 3 mai 2018, leader historique de la Renamo qui avait amorcé des pourparlers avec le
gouvernement de Filipe Nyusi. Les élections municipales d’octobre 2018 ont ensuite engendrés
une suspension des négociations entre les deux partis.

Le défi des inégalités et de la pauvreté : le pays connaît un développement économique rapide et


de grande ampleur depuis la fin de la guerre civile, avec notamment une croissance économique
forte et soutenue. La croissance est largement fondée sur l'afflux des IDE, en particulier dans le
secteur minier, mais est également la conséquence d'une hausse générale des revenus du pays.
Pourtant, la croissance ne remet pas en cause la pauvreté et les inégalités, très fortes, au sein de la
société mozambicaine : l'indice de Gini s'élève à 0,473 en 2008. Les fruits de la croissance sont mal
partagés : ils bénéficient au développement du centre de Maputo, à la construction d'une
mégalopole internationale attractive pour les investisseurs et qui s'impose de manière croissante
comme le centre économique du pays, sans pour autant bénéficier à la population ; les
mécanismes redistributifs sont peu efficaces (y compris pour les infrastructures, qui servent avant
tout à alimenter l'activité économique en reliant par exemple les mines, mais qui restent
inutilisables pour la population). Les inégalités régionales sont donc immenses, y compris au sein
même de la capitale. Ce sont des clivages anciens qui ont été mis en place durant la période
coloniale afin de rapprocher la capitale du pouvoir économique sud-africain. Les clivages ont
également des origines identitaires : l’islam, le christianisme et le zionisme structurent le territoire
et recoupent les allégeances politiques et les déséquilibres économiques. Les régions du nord se
retrouvent marginalisées, ce qui renforce leur adhésion à la Renamo et leur dissidence vis-à-vis du
Frelimo.

Le ralentissement de la croissance économique : Depuis 2006, le taux de croissance du PIB se


situe entre 6% et 10%. Cependant, la croissance du PIB est tombée à 3,3% en 2018 d’après les
chiffres de la Banque Mondiale, en conséquence de la rigueur budgétaire, du ralentissement des
investissements directs étrangers et surtout de l’affaire des dettes « cachées », qui a plongé le
pays dans une grave crise financière et a ternis son image sur la scène internationale puisqu’il n’a
pas pu payer les intérêts de sa dette en 2017.

2006 2009 2014 2016 2018


Taux de croissance du PIB (%) 9,9 6,4 7,4 3,8 3,3

Source : Banque Mondiale

Mozambique 4
Quelques indicateurs synthétiques :

Indice de perception de la corruption 2017 (Transparency International) : le Mozambique


obtient un score de 25, ce qui le classe en 153ème position. Le classement a longtemps connu
une amélioration dans ce classement puisqu’il était 119 ème en 2014 et 2013 et 123ème en 2012,
même si le score restait en réalité stable (31). Cependant en 2016, le pays a obtenu une note de
27/100, le faisant descendre au 142/176 rang mondial. Cette chute peut être imputée au
scandale de la “dette cachée” ayant été révélé en 2016.

CPIA (Banque mondiale) : l'indice donne une note globale de 3,4 au Mozambique en 2014. Dans
le détail, il prend en compte quatre paramètres, chacun noté indépendamment :
- 4,2 pour la gestion économique, contre 3,3 en moyenne pour l'Afrique subsaharienne.
- 3,5 pour les politiques structurelles, contre 3,2 en moyenne en Afrique subsaharienne.
- 3,4 pour les politiques d'inclusion sociale et d'équité, contre 3,2 pour l'Afrique
subsaharienne.
- 3,3 pour la gestion du secteur public et des institutions, contre une moyenne de 3 pour
l'Afrique subsaharienne.

Les notes du Mozambique sont donc, dans chacun des paramètres pris en compte, supérieures
aux moyennes en Afrique subsaharienne. Il faut toutefois noter une baisse de la note pour la
gestion économique et les politiques structurelles depuis l'étude de 2008, avec une stabilité de
la note des deux autres facteurs. De plus, il est à noter que sa note est tombée à 3,2 en 2016.

Worldwide Governance Indicators (Banque mondiale) : les six paramètres pris en compte dans
l'étude du WGI (participation et accountability ; stabilité politique et absence de
violence/terrorisme ; efficacité globale ; qualité de la régulation ; État de droit ; contrôle de la
corruption) sont tous en baisse entre 2009 et 2014.
Quatre d'entre eux (efficacité globale, État de droit et contrôle de la corruption, stabilité
politique et absence de violence/terrorisme) connaissent même une baisse particulièrement
brutale, en particulier la stabilité politique et l'absence de violence/terrorisme dont le score
passe de 67 à 32 en 5 ans (moyenne en Afrique subsaharienne en 2014 : 31). Les six paramètres
étaient supérieurs à la moyenne d'Afrique subsaharienne en 2009, trois le sont encore en 2014 :
participation et accountability, stabilité politique et absence de violence/terrorisme, et qualité
de la régulation.

La plupart des indicateurs synthétiques pris en compte concordent pour montrer une
dégradation substantielle de la situation démocratique, de la légitimité de l'État, de la
gouvernance et des politiques économiques depuis plusieurs années consécutives.

Mozambique 5
1. Contextualisation historique.

Chronologie de l’histoire du Mozambique


Source : fabricefoliogeographie.wordpress.com

Histoire précoloniale : empires précoloniaux et premières tentatives de colonisation


portugaise.

- Premiers habitants connus : chasseurs-cueilleurs


- 1er au 4ème siècle après JC : migrations bantoues (groupe linguistique d'Afrique
subsaharienne) qui déplacent les populations locales et développent une organisation
sociale et politique plus complexe.
- Fin du premier millénaire : invasion Karanga par le nord. Ils dominent les peuples locaux et
fondent l'empire du Monomotapa, avancé technologiquement (construction de maisons,
de forts et du Grand Zimbabwe, grande capitale en pierre) et inséré dans les relations
internationales (entretient des relations avec la péninsule Arabique, l'Asie et la Chine).
- 15ème siècle : émergence de trois empires Maraves dans le centre du Mozambique

Les portugais installent des comptoirs sur les côtes de l'actuelle Mozambique à partir du 15ème
siècle. Ils échouent à conquérir l'empire Karanga, et sont également confrontés à la concurrence
des Indiens, des Arabes et des sultans swahilis pour le contrôle de la région. Au début du 19ème
siècle, l'équilibre régional est redistribué en raison de l'expansion du commerce international
d'esclaves (près d'un million d'esclaves seront déportés du Mozambique), de la chute des empires
Karanga et Maraves (fragilisés par une série de sécheresses), et des migrations de peuples Nguni
venus du Sud. La rupture dans l'équilibre régional engendre une longue période de guerres qui
bouleverse les équilibres sociopolitiques de la région, avec la prise d'importance des Nguni qui
créent des institutions centralisées au sein de différents États, tous fortement militarisés.

Mozambique 6
Le colonialisme portugais.

À partir de 1860 les Portugais commencent la colonisation effective de la région, avec pour
ambition de former une grande colonie traversant le continent d'est en ouest (tenus en échec par
les Britanniques). Pour sécuriser les territoires conquis le Portugal accélère le processus de
colonisation, et déplace en 1898 la capitale à Lourenço Marques (actuel Maputo) pour développer
un grand port de commerce. Le Portugal fait le choix de déléguer la gestion de la colonie à des
compagnies à charte, qui exercent la plupart des fonctions d'un État (pouvoir de battre monnaie,
taxer la population, faire la police, assurer les services de santé et d'éducation), à l'exclusion des
droits de douane et des relations internationales de la colonie. Mais le système s'avère peu
efficient et instable, et il ne résiste pas à la montée du nationalisme au sein du pays : en 1941, la
dernière compagnie rend ses terres et ses droits au gouvernement portugais.

Cette reprise de contrôle du territoire mozambicain s'accompagne pour le Portugal d'un


engagement plus fort, à partir des années 1920 – 1930, dans le développement économique du
pays. Le régime de Salazar engage des réformes du régime colonial :

- Réforme légale permettant de réintégrer le Mozambique au Portugal et de définir les lois


fondamentales du pays
- Création d'un État bureaucratique et centralisé sous le contrôle d'un gouverneur général
directement subordonné au gouvernement portugais
- Intégration du Mozambique dans l'espace économique portugais pour favoriser le
développement économique de la colonie : développement des infrastructures et
renforcement de la production de matières premières (produits agricoles, et productions
nécessaires au développement industriel du Portugal).

Un nouveau plan de développement est mis en place entre 1959 et 1964, plus politique et moins
centré sur le développement d'infrastructures et de services. Il soutient la recherche scientifique,
investit dans l'éducation et favorise la migration de Portugais au Mozambique. La migration
explose, les migrants représentent 225 000 personnes en 1973 (environ 2.5% de la population
totale).

Le régime colonial est fondé sur une distinction de race : seuls les Européens et les populations
« assimilées » (qui ne représentent que 5000 individus en 1950) peuvent bénéficier de la
citoyenneté portugaise. Les Africains ont en revanche peu de droit et beaucoup de devoirs
(cultures forcées, travaux forcés) et sont maintenus dans leur situation sociale par le système
scolaire qui bloque leurs possibilités de mobilité. Les élites africaines tentent de s'adapter mais se
retrouve majoritairement marginalisées.

Mozambique 7
2. Décolonisation et système post-colonial.

Le processus d'indépendance et l'établissement d'un système autoritaire par le Frelimo.

À partir de 1957, des partis anticoloniaux se créent en Tanzanie, en Rhodésie du Sud et au


Nyassaland (actuel Malawi), avec le soutien du Ghana. La Tanzanie devient indépendante en 1960,
et le Front de Libération du Mozambique (Frelimo) est créé en 1962. Le parti prend la tête du
mouvement indépendantiste mozambicain, après une compétition pour ce statut avec d'autres
formations ou organisations, qui deviennent rapidement marginalisées. Le Frelimo et son leader
Eduardo Mondlane vont s'imposer sur les scènes militaire et politique internationales, et le parti
deviendra hégémonique en tant que parti indépendantiste à partir de 1974.

Eduardo Mondlane (1920-1969) est né à Manjacaze. Après avoir bénéficié


d’une bourse, il part étudier à l'université sud-africaine de Witswatersand mais
ses études sont interrompues par l’établissement de l’apartheid. Il part alors
au Portugal pour finir ses études, où il est d’ailleurs suivi par la police politique.
Il voyage ensuite aux Etats-Unis pour étudier la sociologie et l'anthropologie. Il
obtient par la suite un doctorat à l'université de Harvard. En 1957, il devient
chercheur aux Nations-Unies et revient sur le continent africain. En 1962, il
réussit à confédérer les principaux mouvements nationalistes et
anticolonialiste en un Front de Libération du Mozambique. Il a ensuite
consolidé le mouvement en définissant une ligne solide qui lui permet
d’acquérir une véritable unité. Le mouvement a donc pris la voie de la lutte
armée pour la libération du pays. La voie privilégiée est celle du socialisme. Il
meurt en 1969, victime d’un colis piégé.

Eduardo Mondlane, le héros national du Mozambique


Source : Troppen Museum Amsterdam, collectie.wereldculturen.nl

Le Frelimo peine à s'imposer militairement sur le territoire du Mozambique, en dehors de la


province du Tete (dans le nord-ouest du Mozambique). Il
mène une stratégie de guérilla. Les Portugais cherchent de
leur côté à limiter les insurrections en contrôlant les
populations sur les zones à risque, et mettent également en
place des opérations de grande envergure pour écraser le
Frelimo – sans succès. L'indépendance du Mozambique est
proclamée en 1975 à la suite de l'effondrement du régime
autoritaire de Salazar au Portugal. L'indépendance négociée
avantage le Frelimo et bloque la tenue d'élections
démocratiques (l'indépendance n'est signée qu'avec les
représentants du Frelimo). Le parti restera parti unique au pouvoir jusque dans les années 1990.
Logo du Frelimo
Source : facebook.com/Frelimo

Mozambique 8
Selon la typologie de Jean-François Médard, le Mozambique se situe, au cours de sa première
période autoritaire (au sortir de la guerre d'indépendance) dans une forme d'autoritarisme
« modéré », comprenant une faible institutionnalisation et un faible niveau de coercition. La très
forte emprise du parti unique sur la vie politique et sur les structures socio-économiques du pays,
ainsi que le degré de violences perpétrées durant la guerre civile, tendent pourtant à montrer une
réalité différente.

Après l'indépendance c'est un leader du Frelimo, Samora Machels, qui devient en 1975 le premier
président du Mozambique indépendant. Il met en place un régime socialiste, d'orientation
marxiste-léniniste. Le Frelimo développe des instruments pour établir sa domination totale sur la
vie politique et sociale du pays :
- Mise en place de structures du parti dans l'ensemble du pays. Affiliation des syndicats et
des autres organisations régulant la vie politique et sociale au parti unique, de manière à
établir un contrôle plus fort sur le pays.
- 1977 : fusion du parti unique et de l'État. Le chef de l'État est, encore aujourd'hui, en
même temps dirigeant du parti au pouvoir (Filipe Nyusi aujourd'hui).

Une guerre civile meurtrière.

L'autoritarisme politique va générer des résistances au sein de la société mozambicaine : certains


secteurs de la société résistent aux politiques mises en œuvre par l'État (notamment les
nationalisations ou les villagisations forcées) via des figures politiques locales. La résistance
apparaît par zones géographiques :
- Le centre du pays, qui avait déjà été un lieu de résistance au colonialisme
- Le nord du pays où éclatent des révoltes (1977)

Le gouvernement du Mozambique doit surtout faire face au mouvement Renamo (Résistance


Nationale du Mozambique), mouvement de
déstabilisation lancé par le gouvernement de Rhodésie en
réponse au soutien de l'État mozambicain à
l'indépendantisme rhodésien, qui sera par la suite
alimenté et renforcé par le gouvernement d'apartheid en
Afrique du Sud. Cela donne lieu à partir du début des
années 1980 à un conflit très violent (avec destruction des
infrastructures et massacre des populations), qui devient
une guerre civile après la signature d'un accord de paix
entre le Mozambique et l'Afrique du Sud.

Logo de la Renamo
Source : facebook.com/afonso-dhlakama-renamo
La guerre civile a des conséquences économiques et sociales terribles, avec près d'un million de
mort et six millions de déplacés (sur 15 millions d'habitants) et des destructions matérielles
énormes. Le conflit a annulé l'ensemble des gains sociaux obtenus depuis l'indépendance et réduit

Mozambique 9
le pays en cendre. C'est à partir de la fin de la guerre civile, à la fin des années 1980, que le Frelimo
engage le mouvement de transition démocratique : c'est le virage néo-libéral.

Déplacés et reconfiguration territoriale

Les déplacés, d’abord sous les feux médiatiques au moment de l’urgence quand le conflit atteint
son paroxysme, tombent souvent très vite dans l’oubli. Au Mozambique, ils ont été considérés très
rapidement comme des migrants venus trouver de meilleures conditions de vie en ville et n’ont
jamais été réellement perçus comme des victimes de la guerre. Ainsi, la guerre civile (1976-1992) a
entraîné le déplacement forcé de plus de 5 millions de personnes (1, 5 M de réfugiés et 3,5M de
déplacés internes) pour une population totale de 15 millions d’habitants. Plus du tiers de la
population mozambicaine se trouvait donc déplacée à la fin de la guerre.

Données migratoires au Mozambique en 2017 et sur la période 2010-2017


Source : Institut national d’études démographiques, ined.fr

La guerre avec les migrations qu’elle a entraînées a bouleversé la répartition de la population et a


contribué à l’augmentation de la population urbaine ; les villes, moins touchées par la guerre, ont
fonctionné comme des lieux refuges. La croissance des grandes villes et en particulier de Maputo,
la capitale, a été exponentielle à la fin des années 1980. Les mobilités forcées transforment et
recomposent les liens des hommes à leur territoire d’origine et à leur territoire de refuge et
génèrent des dynamiques territoriales spécifiques. Des centaines de milliers de déplacés se sont
installés dans ces villes « refuges », y construisant des maisons en matériaux précaires. Leur
présence en ville a alors été tolérée, mais considérée comme temporaire. Malgré le souhait des
autorités et de la communauté internationale que ces déplacés reviennent dans leurs zones
d’origine, la majorité de ceux qui avaient trouvé refuge à Maputo s’y est installée durablement,
produisant de nouveaux territoires dans des espaces délaissés de Maputo (zones inconstructibles
ou inondables, décharges, etc.). Les terrains urbanisés pendant la guerre, situés à proximité du
bord de mer, sont devenus très attractifs pour les promoteurs immobiliers qui souhaitent
développer de nouveaux quartiers à destination des élites. Les anciens déplacés redeviennent
alors, dans ce nouveau contexte, des populations indésirables et se retrouvent relégués en
périphérie.

Mozambique 10
Déplacés et catastrophes naturelles
Par ailleurs, le pays connaît depuis une quinzaine d’années des déplacements massifs de
populations. Le réchauffement climatique en est la principale cause par la multiplication des
catastrophes climatiques.
D’une part, les précipitations se sont accentuées de manière considérable. Elles ont notamment
causé le débordement du fleuve Limpopo en 2000 et du Zambèze dans le centre du pays en
2001, en 2007 et en 2008. Dans le cas du Zambèze, des millions d’habitants ont décidé de
quitter la région ces dix dernières années. A titre d’exemple, les inondations de 2007 ont
provoqué le déplacement de 100 000 personnes dont seulement la moitié ont pu être abrités
dans des centres d’accueil.
D’autre part, les conséquences des sécheresses, de l’érosion des sols côtiers et de l’élévation du
niveau de la mer sont également désastreuses. Le risque d’inondation et d’érosion concerne les
2 700 km de côtes. La hausse du niveau de la mer est également importante. Tous ces facteurs
contribuent à augmenter considérablement le nombre d’inondations dans le pays. Les épisodes
de sécheresses aggravent davantage l’ampleur des inondations dans la mesure où le
dessèchement du sol provoque son imperméabilité, ce qui empêche donc l’eau de s’infiltrer
dans les sols. Le Mozambique voit donc sa vulnérabilité environnementale augmenter
parallèlement au réchauffement climatique. A cela s’ajoute également la déforestation.
Selon Marc Stal, « Cette exposition au risque conduit à la perte des moyens de subsistance, et
donc à une vulnérabilité sociale accrue des habitants. Tous les experts ont mentionné le
déplacement qui s’est opéré le long de la vallée du Zambèze du fait des inondations de ces
dernières années. En particulier, les représentants des ONG, des agences internationales et du
gouvernement, qui ont travaillé sur l’aide aux victimes de catastrophes, ont mentionné les
inondations comme une cause majeure des déplacements internes et des réinstallations au
Mozambique. En réponse aux inondations de 2001 et 2007, le gouvernement a déplacé les
habitants dans des centres d’accueil. En conséquence, de nombreuses personnes déplacées en
2001 sont retournées dans la basse vallée fluviale après les inondations, parce qu’elles ne
pouvaient pas cultiver autour des centres de réinstallation.1 »

1
Marc Stal, « Mozambique. Inondations et réinstallation : la vallée du Zambèze », Hommes & migrations, 1284 | 2010, 28-40.

Mozambique 11
3. Un processus de transition démocratique inachevé.

L'ouverture et la libéralisation du régime

Libéralisation : la « préservation par la transformation ».


Dans les années 1980, la situation dans laquelle le pays est plongé est catastrophique. La guerre,
extrêmement coûteuse, a entrainé une pénurie de nourriture, la fermeture des écoles, la
destruction d’un nombre important d’infrastructures et évidemment de nombreuses pertes
humaines. On estime le nombre de victimes à un million de morts (pour 15 millions d'habitants en
1989). Le bilan tiré par les actions du Renamo est donc très mauvais, à la fois sur la méthode
socialiste, mais aussi sur les gains sociaux qui avait été acquis depuis l’indépendance. Le parti
amorce donc un « changement stratégique » à la fin des années 1980 : il prend une nouvelle voie
sur le plan interne en engageant des pourparlers avec la guérilla, et sur le plan international.
Le régime réalise donc des premiers compromis dans les années 1980 en se tournant vers l'Ouest,
notamment en adoptant les institutions financières mises en avant par Bretton Woods (FMI en
1984, premier plan d'ajustement structure en 1987), ou en privatisant les petites entreprises en
1984. Mais c'est surtout après la fin de la guerre civile que le Mozambique engage sa transition
démocratique, avec l'abandon du socialisme en 1989 par le président Joaquim Alberto Chissano
durant le Vème Congrès du Frelimo. Le système s'ouvre au pluralisme politique et au libéralisme
économique : en 1990, l'Assemblée du peuple approuve une nouvelle constitution qui change le
système politique en acceptant la formation d'autres partis. L'État met également en place un
processus de paix par la négociation avec le Renamo : l'ouverture politique vide de sa substance la
plupart des revendications du mouvement de résistance, et les deux parties s'accordent sur la
tenue d'élections multipartites.
Le processus de paix n’offrait que deux possibilités aux autres forces : la consultation (sans
caractère obligatoire) des partis politiques avant la soumission de la proposition de loi électorales
à l’Assemblée nationale et, plus tard, l’attribution des trois des vingt postes de la Commission
nationale des élections à des partis non-armés. L’accord a laissé au Frelimo le contrôle total du
ministère de l’Intérieur et des services de sécurité (qui devaient être transformés mais qui sont
finalement restés sous la responsabilité du président de la République).

Transition
En octobre 1994 ont lieu les premières élections multipartites, qui se déroulent sans problème
majeur. Elles sont remportées par le Frelimo, au Parlement et à la Présidence. Joaquim Alberto
Chissano est réélu avec 53,3% des voix. Le pays connaît un développement économique très
rapide et une croissance très forte sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale (modèle de
développement néo-libéral). L'économie repose sur des IDE (principalement dans les matières
premières) favorisant un développement économique rapide mais dont les effets bénéficient peu
à la population : en 1995, 69% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; ce taux atteint
encore 54% en 2005. Le président Chissano est réélu en 1999, de justesse.

Mozambique 12
Consolidation ?
Le pays reste sous un régime de parti unique entre son indépendance, en 1975, et les premières
élections multipartites qui ont lieu en 1994 – élections qui ne permettent pas pour autant
l'alternance, puisque c'est le Frelimo qui reste au pouvoir. Afonso Dhlakama, leader historique du
Renamo, réalise un retour important dans la politique mozambicaine à l'occasion des élections de
2014 (même si le Frelimo remporte largement les élections). Les partis politiques sont donc
incarnés par des leaders historiques, sans qu'il y ait d'alternance dans les personnalités. Enfin, les
militaires ont encore un pouvoir important. Avant d'être des partis politiques, le Frelimo et le
Renamo sont des organisations armées. Le Frelimo a encore des liens forts avec l'armée et le
Renamo possède encore une force armée – qu'ils menacent aujourd'hui de réutiliser en cas de
résurgence d'un conflit avec le Frelimo.

Un retour à l'autoritarisme ?

Armando Guebuza succède à Chissano à la tête du parti Frelimo en 2002, puis à la tête de l'État en
2004. Il entreprend dès lors de restaurer l'hégémonie du parti au Mozambique. Il reprend
plusieurs éléments du régime socialiste : la fusion du parti et de l'État, la mise en place de
structures du parti dans tout le pays, ainsi que le renouvellement d'une idéologie nationaliste
forte. Il sera de nouveau réélu en 2009.Le président actuellement en fonction est Filipe Nyusi. Il
appartient également au parti Frelimo. Le déroulement des élections, qui ont eu lieu en octobre
2014, a été vivement contesté par les deux principaux partis d'opposition (le Renamo et le
Mouvement Démocratique du Mozambique, ou MDM). Des fraudes ont été dénoncées par le
Renamo. Pourtant les observateurs de l'Union européenne présents sur place décrivent des
élections qui se sont déroulées dans le calme, malgré quelques irrégularités. La Communauté
d'Afrique Australe, dont la partialité est toutefois souvent remise en cause, a assuré que « le
scrutin était généralement pacifique, transparent, libre, honnête et crédible » ; pour leur part, les
observateurs de l'UE ont constaté plusieurs « irrégularités » et déclaré que les retards dans la
publication des résultats « ne constituaient pas un signe de transparence ».

Cet exemple d’élections permet ainsi de mettre en exergue le terme de démocratie électorale ainsi
que Dominique Darbon a pu l’étudier. En effet, d’un point de vue procédural, le Mozambique peut
être considéré comme une démocratie car des élections sont respectées, de manière régulière.
Cependant, ces dernières ne permettent pas de révéler la véritable nature du régime. Dans une
analyse sur la transition angolaise, Christine Messiant a montré́ que malgré́ la triple transition
opérée dans ce pays (d’une économie dirigée par l’Etat vers une économie de marché, d’un Etat
au parti unique qui se revendiquait du « marxisme-léninisme » vers un Etat pluraliste et de la
guerre vers la paix), il n’y a pas eu de véritable processus de démocratisation, mais plutôt une
reconversion du parti unique au pouvoir en « pouvoir hégémonique autoritaire adapté au
pluralisme ». Le processus mozambicain présente beaucoup de similitudes avec celui de l’Angola
ainsi que Luís de Brito (Institut d’études sociales et économiques, Maputo) en conclut dans un de
ses essais, Mozambique, quelle démocratie après la guerre ?

Mozambique 13
Une résurgence des conflits ?

La crise politique qui a découlé des élections, incluant non seulement des tensions entre les partis
mais également au sein même du Frelimo – le nouveau Président appuyant notamment sa
légitimité sur l'opposition au camp de Guebuza – a laissé planer le risque du déclenchement d'un
conflit social, voire d'une nouvelle guerre civile. En particulier, le leader du Renamo Afonso
Dhlakama a à plusieurs reprises annoncé son intention de faire valoir par la force sa victoire aux
élections. Bien qu'il n'ait pas mis ses menaces à exécution, l'éventualité d'une reprise du conflit
reste ouverte, le Renamo étant encore aujourd'hui doté d'une force armée indépendante. Le pays
est encore confronté à une importante violence politique : le 20 janvier 2016, le numéro 2 du parti
Renamo est blessé par balle dans la deuxième ville du pays, Beira. Le Frelimo nie toute
responsabilité dans cet attentat. Malgré un soutien relativement constant de la communauté
internationale (même si les critiques se multiplient quant aux orientations politiques du Frelimo),
le pays est aujourd'hui considéré comme autoritaire : le Democracy Index de The Economist le
classe comme « régime autoritaire », au rang 107, avec une note de 4,66.

Ainsi, bien que les tensions entre le Frelimo et le Renamo aient toujours existé, même en temps
de paix, des conflits à petite échelle (comparés à la guerre civile) ont ré-émergé en 2013. Les
événements suivants, tirés d’une note de l’Ifri intitulée The resurgence of conflict in Mozambique,
Ghosts from the past and Brakes to Peaceful Democracy cherchent à mettre en avant cette
résurgence et a donné une chronologie aux événements décrits précédemment.

2013
Avril : Attaque du Renamo dans une station de police à Muxungue
Juin : Le Renamo annonce qu’il va créer une zone de sécurité de la rivière Save à Muxungue et
que cela va couper la ligne de chemin de fer reliant Beira aux mines de charbon de Tete
Novembre : Le Renamo boycotte les élections municipales du 20 novembre

2014
Août : Cessez-le-feu signé par le gouvernement et le Renamo avant les élections générales
d’octobre
Octobre : Filipe Nyusi (Frelimo) est élu président. Le Frelimo maintient sa majorité à l’Assemblée
avec 144 sièges, le Renamo 89 et le MDM, 17. Le Renamo dénonce une manipulation des votes
par le Frelimo. Filipe Nyusi, candidat du Front de libération du Mozambique (Frelimo), est élu
président de la République, avec 57 p. 100 des suffrages, contre 36,6 p. 100 à Afonso Dhlakama,
chef de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo). Lors des élections législatives qui se
tiennent le même jour, le Frelimo, en fort recul, conserve toutefois la majorité, avec 55,9 p. 100
des suffrages et 144 sièges sur 250. La Renamo progresse fortement, avec 32,5 p. 100 des voix et
89 élus. Le taux de participation est 48,5 p. 100.

2015
Mars : Gilles Cistac, expert de droit constitutionnel, soutien au Renamo, est tué à Maputo
Juin : Dhlakama ordonne une embuscade dans le quartier Moatize contre les forces de l’ordre,
violant ainsi l’accord de cessez-le-feu de 2014
Octobre : Le Frelimo ordonne le désarmement des gardes du corps de Dhlakama

Mozambique 14
2016
Janvier : Dhlakama jure de prendre le contrôle de 6 régions du centre et du nord du
Mozambique (sur 11 au total). Des rapports apparaissent sur les réfugiés dûs à l’action du
gouvernement de contre-insurrection
Juin : Des hommes armés du Renamo attaque des trains de charbons opérant dans la province
de Sofala par la compagnie brésilienne Vale
Octobre : Des hommes armés du Renamo attaque un autre train de charbon de Vale dans la
province de Nampula et des unités de santé également à Nampula. Le négociateur du Renamo,
Jeremias Pondeca, en cours de négociations de paix, est tué à Maputo
Novembre : Des figures politiques du Renamo et du Frelimo sont tués alors que les négociations
de paix continuent d’être retardées
Décembre : Dhlakama annonce unilatéralement une semaine de trêve. Aucune attaque du
Renamo n’a été rapporté depuis.

2017
Janvier : Dhlakama annonce une extension de 2 mois du cessez-le-feu de décembre
Février : Le président Nyusi briefe le leader du troisième parti MDM, Daviz Simango, sur les
négociations en cours entre le Frelimo et le Renamo

Quel avenir pour les négociations de paix ?

La mort d’Afonso Dhlakama le 3 mai 2018 d’une crise cardiaque a renforcé les doutes quant à la
stabilité politique dans le pays. Même si la Renamo avait repris les armes en 2013 dans le centre
du pays pour contester la suprématie du Frelimo, le leader de l’opposition avait depuis amorcé des
négociations avec le gouvernement afin de trouver un accord de paix entre les deux partis. Afonso
Dhlakama avait annoncé un cessez-le-feu en 2015, une trêve qui avait été respecté par
l’imposition de sa figure. Par ailleurs, les deux parties s’étaient accordées quelques mois
auparavant sur la nécessité d’une réforme de la Constitution en faveur d’une décentralisation. Le
président Filipe Nyusi a appelé l’opposition à continuer son travail car « l’opposition ne fait de mal
à personne », affirmant que le pays ne pouvait être sans opposition si un accord de paix voulait
être trouvé. L’ancien député et secrétaire général de la Renamo Ossufo Momade a depuis été
désigné afin d’assurer la direction intérimaire du parti, dans l’attente de prochaines élections. Pour
ses quelques mois à la direction du parti, il a assuré vouloir prendre la même direction que celle
prise par Afonso Dhlakama. Le prochain congrès du parti est prévu pour mi-janvier 2019 et aura
lieu dans le district de Gorongosa. Parmi les candidats pour la présidence du parti, on retrouve
Manuel Bissopo, secrétaire général du parti, Ossufo Momade et Elias Dhlakama, frère de Afonso
Dhlakama.

Depuis la présidence du parti d’Ossufo Momade, les pourparlers avec le gouvernement ont semblé
avancé. Alors que la finalité visée par le gouvernement est le désarmement et le démantèlement
immédiat des unités armées du parti d’opposition, il a dans ce cadre concédé l’intégration
d’anciens rebelles dans la police et l’armée du pays. Des négociations similaires avaient été engagé

Mozambique 15
entre le président du pays et Afonso Dhlakama. Elles sont donc hautement symboliques et ont
pour but de montrer à la population et au Parlement (dans le cadre du travail de réforme
constitutionnelle) que le gouvernement entend bien accompagner le processus de paix par le biais
de discussions avec la Renamo.

Les élections locales qui se sont déroulées en octobre 2018 ont toutefois ravivé les tensions
politiques dans le pays. Elles devaient d’ailleurs être initialement annulées suite aux divergences
entre le gouvernement et l’opposition. Aucune loi pour encadrer les élections n’avaient pu être
adoptées, conséquence du bras de fer mené à propos de la démilitarisation des combattants de la
Renamo. Le gouvernement exigeait en effet la démilitarisation immédiate alors que la Renamo ne
promettait de l’engager que « d’ici aux élections ». Comme expliqué précédemment, un accord a
pu finalement être trouvé en intégrant des combattant au sein de la police et de l’armée. La
campagne électorale a donc fait ressurgir les discordances entre les deux partis. La Renamo a aussi
accusé son rival de fraudes électorales appuyées par la police. Le Frelimo, lui, a dénoncé des
violences des pratiques d’intimidation exercées par la Renamo pendant la campagne. Le Frelimo
est arrivé en tête des élections mais la Renamo a affirmé ne pas vouloir laisser s’installer ce
manque d’alternance politique dans le pays.

Les prochaines échéances dans l’agenda politique du Mozambique sont les élections présidentielle
et législatives prévues pour le 15 octobre 2019. Le président actuel briguera alors un second
mandat.

Le MDM, un espoir face au manque de diversité et de pluralisme ?

Fondé en 2008 par Daviz Simango, le Mouvement Démocratique du


Mozambique s’impose dans le paysage politique du Mozambique.
Contrastant avec le Frelimo et le Renamo, le MDM est un parti
pacifique post guerre civile.

Cependant, il est à noter que la motivation principale de sa création


était davantage une lutte pour le pouvoir entre Simango (ancien du
Renamo, ayant fait scission) et Dhlakama, qu’une réelle idéologie qui se
démarque. Il n’empêche que le MDM est apparu de plus en plus
comme une autre alternative institutionnalisée au sein de l’opposition,
Logo du Mouvement comme lors du boycott par le Renamo des élections municipales de
démocratique du 2013. Sans aucune implication historique dans la guerre civile, le MDM
Mozambique a semblé plus à même d’attirer les jeunes et les profils plus qualifiés
Source :
Facebook.com/MDM.Movimi que le Renamo. Cependant, le MDM présente également des risques
ento.Democratico.Mocambiq en étant un parti de famille : Lutero Simango, frère du leader du MDM,
ue
est président du groupe au Parlement.

Ainsi, en ce qui concerne ses discours ou sa culture politique, le MDM ne représente aucune réelle

Mozambique 16
alternative. Comme Guebuza et Dhlakama, Simango veut promouvoir la jeunesse et réduire les
inégalités territoriales. Il a été incapable d’établir un programme politique alternatif, avec des
propositions fortes qui auraient imposer la politisation du débat et non simplement sa
personnification. Dans la pratique, même si le MDM n’a pas réussi à empêcher le Frelimo d’obtenir
la majorité qualifiée, le MDM a marqué l’histoire en gagnant 3 sièges dans la circonscription de
Maputo, ce qui n’avait jamais été réussi par aucun parti d’opposition dans le “coeur politique” du
Mozambique, pas même par le Renamo.

Malgré les obstacles, il semble que le MDM ait les moyens de survivre en tant que parti politique
bien que cela dépende de sa gestion des sièges au Parlement, et de ses soutiens. Due à son
exclusion dans de nombreuses circonscriptions, ses possibilités d’accéder à davantage de sièges au
Parlement sont réduites. De plus, il ne faut pas oublier non plus la mainmise du Frelimo sur la vie
politique du Mozambique et sur les pots-de-vin qu’il distribue.

Le MDM, afin de s’imposer dans cette scène politique et renverser cet équilibre dual doit recruter
dans la base du Renamo à savoir les territoires ruraux. Il doit devenir une machine politique,
organisée, structurée, disciplinée, composée de militants dédiés, capables, et plus que tout, ayant
un programme politique clair qui se démarque des autres partis mozambicains afin de
concurrencer réellement le Frelimo lors des prochaines élections.

Il est important de mentionner que la principale force du MDM est celle de contrôler la ville de
Beira, ce qui a donc provoqué la perte du contrôle de cette ville par la Renamo depuis la scission
entre les deux partis. Les élections municipales d’octobre 2018 ont redonné la direction de la
municipalité au MDM.

Cependant, le ministère de la Défense nationale du Mozambique a annoncé vouloir enrôler


170.000 jeunes mozambicains des deux sexes dans l’armée pour une durée de deux mois.
L'opération de recrutement à l’échelle nationale aurait lieu dans toutes les zones administratives
et les établissements d’enseignement. La raison n’est pas très claire. Est-ce dû à la résurgence
récente de l’autoritarisme ou à la volonté de renforcer la sécurité intérieure dans un
environnement proche miné par les insurrections et le terrorisme ?

Mozambique 17
4. Sociétés civiles et inciviles

Les syndicats au Mozambique

Selon l'ITUC et son rapport sur les violations des droits syndicaux, les libertés syndicales sont
entravées de plusieurs manières au Mozambique.
- Les obstacles juridiques à l'établissement d'organisations.
L'établissement d'un syndicat nécessite une autorisation préalable par les autorités. La loi sur le
travail accorde un délai de 45 jours à l'organe central de l'administration du travail pour procéder
à l'enregistrement d'une organisation syndicale (ou d'une organisation d'employeurs).
- Les fonctionnaires et agents publics ne jouissent pas du droit syndical.
Un projet de loi prévoit de réglementer le droit d'association pour les fonctionnaires mais exclut
les sapeurs-pompiers, les fonctionnaires de la justice et les gardiens de prison.
- Le droit de grève est largement entravé dans le pays.
La loi prévoit, préalablement au droit de grève, un recours à l'arbitrage obligatoire – que l'ITUC
estime être une « procédure de conciliation et de médiation longue et complexe ». Cet arbitrage
est obligatoire pour les « services essentiels » dont la liste est trop longue selon l'OIT (secteurs
postaux, chargement et déchargement d'animaux et de denrées alimentaires périssables, services
de contrôle météorologiques, approvisionnement en combustible, zones franches). Le droit de
grève est interdit ou strictement limité dans l'ensemble des secteurs de cette liste. Les
fonctionnaires n'ont, pour leur part, le droit de faire grève que lorsque l'ensemble des recours
d'arbitrage ont été épuisés. L'organe de médiation et d'arbitrage peut également mettre fin à la
grève par simple décision.
- Les travailleurs impliqués dans des actions de grèves non autorisés risquent des sanctions
civiles ou pénales que l'ITUC estime « excessives ».
Pour les non fonctionnaires il s'agit d'une entrave à la liberté de travailler des non-grévistes, qui
constitue une infraction disciplinaire ; pour les fonctionnaires toute entrave au fonctionnement
normal du service public est punie d'emprisonnements et d'amendes.

Pour autant le Mozambique connaît parfois des mouvements sociaux, par exemple en février 2016
par les travailleurs de la mine de charbon de Moatize, gérée par la firme brésilienne Vale. La grève
a été provoquée par la décision d'annuler les primes aux travailleurs, en raison du manque de
rentabilité de la mine (provoquée en grande partie par la chute des cours du charbon). Les cinq
jours de grève ont abouti à des affrontements violents avec la police, qui a ouvert le feu sur les
grévistes, sans faire de morts. En août 2016, dans le cadre des négociations engagées entre les
deux partis, un accord préliminaire a été conclu. Celui-ci insiste sur la nécessité de se partager les
provinces afin de mettre fin aux rébellions. Par ailleurs, l’accord inclue l’élaboration d’une sous-
commission chargée d’encadrer es prochaines élections de 2019 par l’élaboration d’un ensemble
de dispositions législatives. Comme dit précédemment, cela impliquera une révision
constitutionnelle et législative. Cette partie de l’accord fait toujours l’objet de débats. La difficulté
d’encadrer les élections municipales d’octobre 2018 par des dispositions législatives a montré la

Mozambique 18
difficile entente entre les deux partis, surtout s’agissant des processus électoraux et de la marche
vers davantage de pluralisme.

Mozambique 19
5. Religions et libertés religieuses.

Répartition des appartenances


religieuses de la population au
Mozambique
Source : Observatoire de la liberté
religieuse

Deux religions dominent dans le pays : le christianisme et l’islam. Les différences


confessionnelles sur retrouvent sur l’échelle du territoire : les chrétiens se situent en majorité
dans le sud du Mozambique, le « vieux Mozambique », et dans les villes, tandis que les musulmans
(majoritairement soufi), vivent pour la plupart dans le nord, sur la côte, dans les provinces
frontalières de la Tanzanie. On dénombre aussi de nombreux adeptes des croyances
traditionnelles africaines, surtout dans les régions rurales. Le zionisme, qui rassemble des
croyances chrétiennes et indigènes, exerce une grande influence notamment dans les régions du
sud.

La vie religieuse du Mozambique se caractérise par sa diversité et son dynamisme. En


conséquence, le pays a attiré des groupes de missionnaires évangéliques comme l’Église
universelle du Royaume de Dieu, qui vient du Brésil, lusophone, ce qui explique pourquoi des
mouvements brésiliens ont choisi le pays pour leur travail missionnaire. D’après l’Observatoire de
la liberté religieuse, dans le cas des musulmans du Mozambique, « les jeunes prédicateurs
musulmans étudient principalement dans des pays comme l’Égypte, le Koweït, l’Arabie saoudite et
l’Afrique du Sud avant de retourner au Mozambique avec une interprétation très stricte de l’islam.
Comme dans d’autres pays d’Afrique de l’est, les idéologies islamistes intolérantes pourraient
s’enraciner2 ».

L’Eglise a acquis un pouvoir important sur la stabilité et le développement économique du


pays. Cela s’explique par son implication dans le processus de paix entre les deux partis. Avant le
mouvement de libéralisation engagé au début des années 1990, la liberté religieuse était
fortement restreinte au Mozambique. Le gouvernement du Frelimo tolérait les religions (tout au
plus), au nom de l'idéologie marxiste-léniniste. Ainsi, le rôle récent des différentes Églises, et celle
de l’Eglise catholique avant tout, dans les négociations de paix entre le Frelimo et le Renamo a
renforcé le rôle des institutions religieuses.

2
Observatoire de la liberté religieuse, https://www.liberte-religieuse.org/mozambique/
Mozambique 20
La liberté de religion est désormais garantie par la Constitution : « Tous les citoyens sont libres de
pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion ». La religion est cantonnée à l'espace privé :
l'instruction religieuse est formellement interdite dans les écoles publiques, et aucune fête
religieuse n'est tolérée dans l'espace public. La minorité musulmane dénonce une trop faible
représentation politique (au Parlement), et réclame le droit de pouvoir pratiquer plus librement
leur religion : ils revendiquent notamment le droit de porter le voile à l'école en dehors de la
période du Ramadan, et demandent que la fête de l'Eid al-Fitr soit reconnue jour férié (au même
titre que Noël, qui est jour férié par un moyen détourné, appelé Jour de la famille). L'Église
catholique, quant à elle, négocie encore avec le gouvernement pour se voir restituer ses biens
nationalisés en 1975.

Selon l'Observatoire de la Liberté Religieuse, il n'y a eu « aucun cas de violence liée à des questions
religieuses ou d'initiative portant atteinte à la liberté de religion de la part des institutions de
l'État ».
Les Églises jouent un rôle croissant dans la vie politique :
- À la suite de l'escalade récentes des tensions entre le Frelimo et le Renamo, l'Église
catholique et le Conseil chrétien du Mozambique ont fortement insisté en faveur de
l'ouverture de négociations directes entre les autorités étatiques et les représentants du
Renamo.
- Plusieurs représentants de l'Église catholique accusent le gouvernement d'être responsable
de la hausse des tensions sociales et des attaques contre les symboles et les représentants
du parti Renamo : ces tensions seraient « le résultat de l'absence d'éducation sociale,
morale et civile ».

Toutefois, on recense tout de même des épisodes de violences liées à aux religions, comme en
2013 avec un individu ayant mis le feu à deux chapelles de l'église apostolique. De plus, un pasteur
a été abattu dans la ville de Chimoio en février 2016, meurtre suspecté d’avoir été causé par des
rivalités avec d’autres Eglises.

Mais aujourd’hui, ce sont les dérives terroristes islamiques qui menacent le pays. Pour mieux
comprendre cette menace, il faut donc faire un historique de la présence islamique dans le pays et
la région. Selon Le Monde, « L’islam a une très vieille présence au Mozambique, particulièrement
sur la côte et dans le nord du pays. Plusieurs sultanats et cheikats existaient avant que le Portugal
n’occupe effectivement le territoire à la fin du XIXe siècle. ». Le système colonial a privilégié le
catholicisme, ce qui a expliqué son rôle dans le processus de paix. L’islam a cependant gagné du
terrain malgré les réprimandes de l’Etat colonial. Toujours selon Le Monde, « en 1975, les
musulmans constituaient officiellement 13 % de la population. Selon le recensement, ils étaient
17,8 % en 1997, mais ce chiffre est contesté par les musulmans, qui l’estiment trop bas. ». Les
musulmans du Mozambique appartiennent à différentes confréries. L’influence de l’Arabie
Saoudite a redynamisé le courant réformiste scripturaliste dans le pays dans les années 1970.
L’islam a ensuite souffert de la politique marxiste-léniniste du Frelimo et de sa proximité avec
l’Eglise catholique. Le Monde raconte ces mesures prises à l’encontre du culte musulman : « Le

Mozambique 21
président Samora Machel entra avec ses chaussures dans la principale mosquée du pays. Et le
gouvernement imposa des porcheries dans des zones et quartiers musulmans au nom du
développement. ». Les musulmans ont donc été marginalisés malgré leur forte présence.

Le 27 mai 2018, une attaque terroriste a été perpétré dans le nord du Mozambique par un groupe
d’extrémistes salafistes appelé Al-Chehbab par la population. Le groupe, de son véritable nom
Ansar al-Sunna, avait déjà frappé la province quelques mois auparavant en s’introduisant dans un
commissariat et une caserne. Dix personnes ont donc été décapité dans le village de Monjane. Le
groupe a trouvé refuge en Tanzanie et réclame « une plus grande rigueur, en dénonçant l’impiété
de la société et encore plus, du régime3 ». Il est apparu dans la région en 2014, région minée par le
trafic de drogue. Le gouvernement avait déjà riposté contre ce groupe islamique avec violence à la
suite de l’attaque d’octobre 2017. Ces ripostes avaient cependant été contreproductives, puisque
le groupe avaient gagné en effectif : la population se sent abandonnée par le gouvernement, qui
ne parvient pas à lutter contre le trafic de drogue dans la région. Il s’agit des premières attaques
terroristes en Afrique australe, zone qui étaient jusque-là épargnée par le terroriste islamique. Ces
attaques constituent donc un grand défi pour le gouvernement, même s’il a tenu à rassurer la
population en assurant qu’il n’existait aucun lien entre Ansar al-Sunna et les Chebab qui sèment la
terreur en Somalie.

3
« Des islamistes frappent le Mozambique », La Croix, Laurent Larcher, 30 mai 2018,
https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/islamistes-frappent-Mozambique-2018-05-30-1200943068

Mozambique 22
6. Résurgences et instrumentalisations de conflits ethniques et de
mémoire précoloniale.

Les groupes ethniques au Mozambique :


Source : axl.cefan.ulaval.ca/afrique/mozambique.htm

Le Mozambique compte quatre principaux groupes


ethniques, qui regroupent environ 30 sous-groupes :

Les Macua, qui se répartissent dans la province de


Cabo Delgado et d'une partie de celle de Niassa.
Les Tsonga (ou Changana), surtout dans les provinces
de Gaza et de Manica, avec des ramifications dans la
province de Tete.
Les Charanga, habitant entre les fleuves Save et
Localisation des différents Zambeze (provinces de Sofala et de Manica)
groupes ethniques au Les Nhanja, qui occupent tout le nord-ouest du pays
Mozambique et la plus grande partie de la vallée du Zambeze et de
Source : lallumeurdereverbere.over-
blog.com

Le Mozambique connaît une très forte diversité linguistique avec près de trente langues parlées,
les principales étant le macua, le tsonga, le lomwe, le sena et le portugais.

Pour décrire le fonctionnement de la violence armée et de la guerre civile au Mozambique,


Derlugian (1989) note une tendance à l'apparition de « classes archaïques sous forme de castes de
guerriers professionnels dont l'identité ethnique avait été aliénée ou même détruite. Ces castes
n'étaient pas à proprement parler des classes mais plutôt des communautés (ou collectivités). »
Selon Patrick Chabal (Transitions libérales en Afrique lusophone), les « relations de domination-
subjugation » mises en place par ces différentes castes auraient été reprises par le Renamo. Le
mouvement aurait « repris à son compte l'organisation, le mode de recrutement, l'idéologie
guerrière et les comportements prédateurs vis-à-vis des populations rurales et des soldats
esclaves » des castes précoloniales. Cette grande diversité ethnique explique en partie la difficulté
de la construction d’une unité nationale. La lutte anti-coloniale s’est accompagné d’une lutte anti-
blancs et non d’une lutte pour l’indépendance nationale construit autour d’une identité commune.

Mozambique 23
7. Situation économique

Un pays au niveau de développement faible

Comme nous l’avons vu précédemment, les années de colonisation et la guerre civile qu’a
connu le Mozambique ont mis à mal son développement économique. Pour preuve, le
Mozambique demeure l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Son PIB par habitant est de 515
$US constants en 2016 d’après la Banque Mondiale (382 $US courants en 2016), ce qui le situe à la
178e place mondiale en PPA sur 184 pays pris en compte. Le rapport du PNUD sur le
développement humain le classe en 2018 en 180 ème position (sur 189 pays classés) avec une valeur
de 0,437, même si le pays a connu une augmentation de 108,9% de 1990 à 2017. Avec le seuil de
pauvreté national définit par la Banque mondiale, 46,1 % de la population vivait toujours sous le
seuil de pauvreté national en 2014.

L’espérance de vie dans le pays est rythmée par les épisodes de pandémies comme la tuberculose,
le choléra et le sida, très présent en Afrique australe, ainsi que par le paludisme. Les catastrophes
aggravent les difficultés de développement (voir précédemment).

Le Mozambique, un territoire avec un potentiel véritable

Le pays est marqué par des contrastes spatiaux et un faible niveau de développement mais n’en
est pas pour autant un pays marginalisé. Il a en effet plusieurs arguments à faire valoir.

Ce sont tout d’abord ses atouts


naturels et la richesse de son sol qui
font la force du pays. D’après le
Ministère de l’Economie et des
Finances français, le pays possède
d’importants gisements de gaz, à
savoir 5 000 Md m3, ce qui équivaut
aux 9èmes des réserves mondiales
dans le bassin du Rovuma. Le pays
pourrait ainsi se positionner en tête de
liste des producteurs mondiaux de
GNL.

Cependant, ses potentialités sont plus


larges, puisque le Mozambique
possède de bonnes terres et des
réserves en eau qui prévalent des
atouts en matière de pêche et de

Mozambique 24
Les atouts économiques du Mozambique : l’exploitation des
ressources naturelles
Source : monde-diplomatique.fr/cartes/mozambique
sylviculture. Le Mozambique recèle également d’importants gisements de charbon (10èmes
réserves mondiales), de sables lourds (dérivés du titane) et de graphite (1ères réserves mondiales)
qui commencent à être exploités à grande échelle. Ainsi, le pays encourage et attire les
investissements directs à l’étranger. De grands projets sont lancés dans le pays, favorisés par un
statut de “succès africain” auprès des bailleurs de fonds, d’apparente stabilité politique et d’un
credo libéral qui inspire confiance.

Enfin, l’emplacement géographique du Mozambique lui permet de se construire des perspectives


intéressantes. Sa façade littorale est une opportunité incontestable pour le pays. Ses pays voisins,
davantage enclavés, sollicitent l’accès à la mer dont dispose le Mozambique (notamment le
Malawi, Zambie, Zimbabwe…) dans un contexte d’expansion économique en Afrique australe. Les
relations de voisinage sont donc importantes pour l’économie du pays, dans la mesure où les
économies sud-africaine et tanzanienne constituent des géants dans la région. Ainsi que l’a mis en
avant en 2008 Fabrice Folio dans Regards sur le Mozambique contemporain, Dynamiques
historiques et recompositions socio-spatiales d’une façade stratégique, « les investisseurs sud-
africains (plus de 250 sociétés présentes) y prennent ancrage (Daniel, Naidoo, Naidu, 2004). L’un
des symboles de la nouvelle réussite nationale est la remise sur pied des corridors de
développement (…) A l’initiative du système BOT (Build, Operate and Transfer), il branche à
nouveau le pays à l’économie sud-africaine. Grâce au consortium TRAC (Trans African Concession,
composé de compagnies locales et sud-africaines) et à la société portuaire et ferroviaire
Companhia de Portos e Caminhos de Ferro de Moçambique (CFM), il entend vivifier ce couloir de
503 km entre les deux pays, pour une meilleure intégration de la région. Déjà, le volume de trafic
entre Witbank et Maputo s’élève à 60 000 véhicules par jour en moyenne 4 » Le gouvernement
mozambicain a donc déjà beaucoup œuvré afin d’améliorer la connectivité du pays avec ses
voisins.

De nombreux défis qui mettent à mal le décollage économique du pays

Il est nécessaire cependant de mettre en perspective ces opportunités. En effet, l’économie


mozambicaine est dite « d’enclave ». Elle est concentrée géographiquement, dépendante de
capitaux étrangers et rentière.
Un modèle de croissance qui apparaît pour l’instant sans développement et sans impact sur la
grande majorité de la population. Dans le cas du Mozambique, non seulement elle ne réduit pas la
pauvreté mais elle accroît les inégalités. L’économie est rentière et n’est pas mise au service du
développement et de l’augmentation du niveau de vie. Ce modèle semble se rapprocher de celui
de l’Etat prédateur développé par Dominique Darbon où émerge des structures de domination
dédiées à la captation privative des ressources au profit d’un petit groupe clientéliste sans
investissements productifs localement. Une telle croissance ne transforme donc pas le pays mais
peut par contre s’accommoder durablement de la pauvreté. Il sera difficile de concevoir une
réduction sensible des niveaux de pauvreté dans un contexte de déclin économique. Mais, même
si les inégalités (mesurées ci-dessus par l’indice de Gini) n’augmentent pas, la croissance du
PIB/habitant n’entraîne pas forcément une amélioration des niveaux de vie et par conséquent une

4
Fabrice Folio, « Regards sur le Mozambique contemporain », EchoGéo n°7, 2008

Mozambique 25
réduction de la pauvreté.
De plus, le tout demeure largement dépendant de l’extérieur que cela se manifeste par les
investisseurs, les bailleurs ou les visiteurs étrangers. Il interroge quant à la durabilité et aux leviers
réels de ses interventions étrangères sur le développement local. Les entreprises nationales, en
amont comme en aval, y ont été assez peu associées. De plus, la suspension des aides des bailleurs
de fonds à la suite du scandale des dettes cachées (voir chapitre suivant) a considérablement
affecté le secteur des transports, ce qui a donc freiné les relations du pays avec ses voisins. Le port
de Beira, par exemple, ne semble aujourd’hui plus à même d’assurer les échanges sur le plan
régional et international de par son ancienneté.
Pour finir, comme le met en avant Fabrice Folio dans Regards sur le Mozambique contemporain,
les contrastes spatiaux au Mozambique sont réels. De fortes disparités existent entre l’extrême
sud, polarisé par la capitale, et le reste du pays. Selon lui, « il s’agit de la principale clé de lecture
de l’organisation spatiale nationale et elle tend à se renforcer. La capitale est devenue la “vitrine”
du nouveau Mozambique. Elle attire de nouveau les touristes en jouant de sa carte culturelle
(patrimoine portugais, quartier et marché populaire) et balnéaire (Costa do Sol, île d’Inhaca) (...).
Les élites du parti au pouvoir, les coopérants ainsi que les entrepreneurs étrangers s’y sont
établis5 ». Les cartes ci-dessous témoigne de cette disparité spatiale forte.
Un des clivages, d'ordre économique, est relativement ancien mais s'est accentué à la fin du XXe
siècle. L'extrême sud, notamment la région-capitale, bénéficie d'un développement plus important
que les régions centre et nord. En 1999, l'I.D.H. de la ville de Maputo était de 0,603 et celui de la
province de Maputo de 0,407, alors que celui des provinces de Nampula et de Zambézia, où vit 40
p. 100 de la population nationale, n'était respectivement que de 0,198 et 0,17. Dans la province du
Niassa, 70 p. 100 de la population vivaient au-dessous du seuil de pauvreté absolue (moins d'un
dollar par jour). Les inégalités régionales et à l'intérieur même de la capitale, où près de 40 p. 100
des habitants vivaient au-dessous du seuil de pauvreté absolue sont donc immenses. Elles
s'expriment notamment par un taux de mortalité infantile supérieur dans le nord (près de 20 p. 1
000 contre 12 p. 1 000 dans le sud) et par une espérance de vie inférieure (moins de 40 ans au
nord contre plus de 45 ans au sud). Cela reflète la fin de l'hégémonie économique du Mozambique
colonial, amorcée dès 1907 avec la décision de déplacer la capitale de Mozambique à Lourenço
Marques (actuel Maputo) afin de rapprocher le pouvoir politique du dynamisme de l'économie
sud-africaine, puis confirmée par la convergence entre les décisions politiques prises dans le cadre
de la politique de réhabilitation des années 1990 et la localisation des investissements sud-
africains.
Tout ceci contribue à détériorer le climat des affaires dans le pays. L’indicateur Doing Business a
classé le pays 137ème sur 190 en 2017, le faisant perdre alors trois rangs par rapport au classement
de l’année précédente.

Budget du gouvernement du Mozambique

Le budget 2018 du gouvernement mozambicain a accordé davantage de place aux problématiques


socio-économiques. D’après l’agence Ecofin, « ces secteurs occuperont 63,4% d’un budget dont
5
Ibid.

Mozambique 26
les dépenses totales sont estimées à 5,05 milliards de dollars (302,9 milliards de meticais) 6 »
Selon les annonces du ministre de l’économie et des finances Adriano Maleiane, « L’éducation, les
infrastructures routières et la santé, concentreront la majorité des investissements, avec
respectivement 22,6%, 13,2% et 11,5% du budget global. En outre, l’Etat envisage le recrutement
de 10 000 nouveaux agents dont 5 213 dans l’éducation, 2 019 dans la santé pour pallier le
manque cruel de ressources humaines dans ces sous-secteurs. »
Les dépenses liées aux secteurs publics ont eu pour but d’être réduites au moyen de plusieurs
mesures d’austérité. Les allocations au logement de certains fonctionnaires ont été réduite, une
des mesures qui devraient permettre au pays d’économiser jusqu’à 18 millions $ en 2018.
L’Agence Ecofin ajoute : « Au vu des prévisions de recettes de l’Etat et des dépenses inscrites dans
la loi de finances de l’an prochain, le gouvernement prévoit un déficit budgétaire de 8,1% du
produit intérieur brut (PIB), un chiffre en baisse de 2,6% par rapport à celui de l’année en cours. »

Croissance économique et développement dans


les différentes régions du Mozambique

Démographie et répartition de la population


au Mozambique

6
« Mozambique : un budget 2018 tourné vers les secteurs socio-économiques », agenceecofin.com, 12 décembre
2017.

Mozambique 27
La structure du territoire mozambicain

Source : Fabrice Folio, Regards sur le Mozambique contemporain, Dynamiques historiques et recompositions socio-
spatiales d’une façade stratégique

8. La situation sanitaire dans le pays : le cas du paludisme

La situation sanitaire au Mozambique


La situation sanitaire dans le pays est très délicate, surtout en province.
La principale maladie endémique qui touche le pays est le paludisme. En 2008, 4,8 millions de
malades ont été recensés. Il cause 30% des décès survenus à l’hôpital. Les provinces les plus
touchées sont celles de Gaza et Nampula. Le Mozambique est le troisième pays du monde le plus
touché par la maladie, rassemblant à lui seul 5% des personnes atteintes du paludisme.
Ensuite, le SIDA/HIV a touché 11,5% de la population en 2009 ; classant le Mozambique dans les
dix pays les plus touchés par la maladie.
Concernant la tuberculose, il a fortement augmenté ces dernières années. Le pays est classé par
l’OMS au 17ème rang des pays les plus atteints par la maladie.

Mozambique 28
Moyens sanitaires mis à la disposition de la population
L’accès aux soins est très disparate. Le gouvernement ne dispose pas des ressources nécessaires
pour améliorer efficacement la situation dans le pays. Selon l’Observatoire mondial de la santé, le
pays consacre 6,98% de son PIB aux dépenses de santé, chiffres datant de 2014. Les dépenses
privées constituent 43,5% des dépenses de santé (2014), ce qui prouve là aussi la capacité limitée
du gouvernement. Le budget de santé du gouvernement n’a cessé de diminuer et reste trop bas.
Alors que l’OMS recommande une dépense publique pour les soins de santé de 60 dollars par an
et par habitant, le Mozambique, n’y consacre que 13 dollars. Ainsi, seul 1,2% de la population
bénéficie de la sécurité sociale obligatoire et 1,1% d’une protection sociale de base.

La province de Maputo est la mieux équipée en termes d’accès aux soins. La capitale dispose en
effet de l’hôpital le plus grand et le plus moderne du pays et de plusieurs cliniques privées. L’accès
rapide à un poste de soin est un privilège dans un pays où 50% de la population vit à plus de 45
minutes à pied d’un poste de santé. La plupart des infrastructures ont en effet été ravagées par la
guerre civile.

En termes d’accès aux médicaments, il s’est nettement amélioré depuis que les importations de
médicaments peuvent être effectuées par des sociétés privées (elles étaient auparavant un
monopole de l’Etat). Également dans ce secteur, le pays est dépendant de l’aide des bailleurs
internationaux. Les bailleurs se rassemblent au sein du Prosaude, mécanisme commun de
financement aux seize bailleurs de l’aide dans le secteur de la santé). L’achat des médicaments se
font donc grâce au financement de l’Etat, qui dépense environ 100 millions de dollars, appuyés par
les bailleurs internationaux. 80% de cette dépense est destiné aux antirétroviraux. Les
médicaments sont en partie gratuits ou subventionnés par le secteur public. Certains
médicaments, comme les antirétroviraux ou les médicaments contre la tuberculose et le
paludisme, sont gratuits dans les pharmacies publiques. Dans les pharmacies privées, l’accès aux
soins est beaucoup plus coûteux et inaccessible pour la majeure partie de la population. Ce qui
différencie ces deux types d’établissements est la disponibilité des médicaments. La moitié des
médicaments disponibles dans le pays ne le sont pas dans les pharmacies publiques. Ceci participe
au développement du marché des médicaments falsifiés.

Il est donc important de faire état de l’existence d’un marché médicamenteux informel. Il est
difficile d’estimer le nombre de médicaments falsifiés. Toutefois, le Ministère de la Santé estime
que le réseau public et le réseau privé formel rassemblent 90% des médicaments mis en vente. En
plus des 10% de produits illégaux, 40 à 60% des médicaments issus du réseau formel auraient des
problèmes de qualité.

Mozambique 29
On constate aussi un manque de personnel soignant. Le pays ne comptait que 46 docteurs en
pharmacie en 2006, même si un projet d’enseignement public a depuis été mis en place dans
l’université Eduardo Mondlane.

Le secteur de la santé au Mozambique : budgets, aides, infrastructures et traitements


mis en place
Source : Partenariat pour la Couverture sanitaire, uhcparnership.net/fr/country-profile/mozambique/

Mesures prises pour améliorer la situation

Le gouvernement mozambicain a signé le pacte IHP+ (aujourd’hui CSU2030) en 2007, afin de


développer une politique nationale de santé. Le Plan Stratégique du Secteur de la Santé (PESS en
portugais), et le PESS 2014-19 est un « programme de réforme et de décentralisation » visant à
améliorer l’accès aux soins par les femmes, les jeunes et les personnes âgées.

Concernant le paludisme, la Mozambique a fait l’objet du lancement de la campagne « Réduire le


paludisme là où il pèse le plus », lancée le 19 novembre 2018. Cette campagne s’appuie sur les
chiffres apparaissant dans le rapport sur le paludisme dans le monde de 2018. Ce projet est porté
par l’OMS et le partenariat Roll Back Malaria.

En outre, les organisations internationales ont développé leurs aides au pays. L’Assistance
officielle au développement (AOD) de l’OMS a augmenté de 346% de 2001 à 2011. Le Millenium
Development Goals numéro 6 (MDG6) vise à réduire la propagation du virus HIV et du SIDA, à
augmenter l’accès aux médicaments et à réduire les impacts de la malaria et d’autres maladies
majeures. Ces objectifs représentent 68% des dépenses de l’OMS dans le pays, comme le souligne
le document joint. L’aide est en majeure partie financée par les Etats-Unis (voir document).

Mozambique 30
Part et répartition des contributions de l’aide de l’OMS dans le cadre de l’AOD, de 2001 à 2011
Source : World Health Organization, Official Development assistance (ODA) for health in Mozambique

Principaux contributeurs de l’aide distribuée par


l’OMC dans le cadre de l’AOD, de 2001 à 2011.
Source : World Health Organization, Official Development assistance
(ODA) for health in Mozambique

Quels sont les enjeux ?

Mozambique 31
La lutte contre les maladies vectorielles s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale qui dépasse
les frontières. Cela passe par un diagnostic des populations atteintes et la mise en place rapide des
traitements pour endiguer la propagation des virus. Après de gros progrès, la lutte contre le
paludisme a régressé depuis 2015, comme l’indique le rapport de l’OMS. Selon l’ancien ministre
de la santé éthiopien et actuel directeur du programme Roll back Malaria, « On ne peut plus se
contenter du « business as usual», il est impératif d’amener des réponses différentes de ce que
l’on a fait jusqu’à aujourd’hui si l’on veut espérer pouvoir combattre l’un des défis de santé les
plus importants auquel nous faisons actuellement face.» Dans le cas du Mozambique, il s’agit
avant tout de sensibiliser à l’importance de la lutte contre le paludisme et les maladies
vectorielles.

La situation sanitaire dans le pays a aussi de lourdes conséquences sur la démographie et donc sur
l’économie. La population a en effet augmenté de 40% de 1997 à 2017. L’autre fait majeur est
l’augmentation du nombre de grossesses précoces. Elles sont dues aux pratiques sociales du
mariage dès le plus jeune âge, mais aussi au manque de sensibilisation des jeunes femmes. Seules
un quart des mozambicaines utilisent un moyen de contraception aujourd’hui. Les conséquences
économiques sont nombreuses, l’augmentation de la population nécessitant le développement
d’infrastructures pour ne pas empirer la situation. Il s’agit en fait d’un cercle vicieux qui peut être
endiguer par une baisse du taux de natalité puis par une amélioration des infrastructures
sanitaires.

Ainsi, même si le gouvernement peine à prendre en charge les questions sanitaires dans le pays,
on voit une réelle volonté d’améliorer les conditions. Cette amélioration passe, d’une part, par
l’augmentation de la part du budget alloué à la santé et un meilleur accès aux soins ; d’autre part,
par une coordination avec les institutions internationales d’aide au développement afin
d’optimiser cette aide afin qu’elle constitue un meilleur ressort pour favoriser l’action du
gouvernement.

Mozambique 32
9. Le scandale des “dettes cachées”

Le contexte :

Le Mozambique a connu une décennie de croissance économique forte, avec des taux supérieurs à
6% par an en moyenne et un régime stable dominé par un seul parti -le Frelimo- depuis la fin de la
guerre civile en 1992. Il a ainsi été présenté comme un des succès économiques du continent
africain. Dirigés par d’anciens marxistes- léninistes convertis au capitalisme, les gouvernants
mozambicains ont privatisé ainsi 800 des 1 250 entreprises publiques entre 1989 et 1998 comme
le met en avant une note de l’Ifri, La crise financière du Mozambique Un pays modèle remis en
cause.
Pour soutenir cet effort, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont accepté
que 90 % des prêts qu’ils ont accordés à l’État afin de soutenir les petites et moyennes entreprises
ne soient pas remboursés, ce qui est loin d’être négligeable ans la mesure où l’aide internationale
contribuait pour 51,4 % au budget de l’État en 2010. En 2011, le pays constitue la troisième
destination des IDE en Afrique derrière l’Angola et l’Afrique du Sud : le stock d’IDE a dépassé 1,9
milliard de dollars. En 2013, il atteint 6 milliards en 2013, devant même le Nigéria et l’Afrique du
Sud selon une étude du Financial Times sur les investissements de création de capacités ou
greenfield. Cette politique néolibérale a donc semblé porter ses fruits aux vues des taux de
croissance du Mozambique de cette dernière décennie, ce qui a été renforcée par la découverte
d’énormes réserves de gaz au large des côtes mozambicaines dans les années 2010 comme nous
l’avons déjà abordé. La dynamique de l’économie mozambicaine était donc présentée comme le
nouvel eldorado africain pour les investisseurs étrangers.
Cependant, cette “success story” en Afrique subsaharienne semble avoir pris fin en avril 2016 suite
aux révélations d’emprunts cachés contractés par les autorités politiques, à hauteur de 2 milliards
de dollars. Cette découverte a en effet plongé le pays dans un scandale international engendrant
des sanctions des bailleurs de fonds et des grandes instances internationales provoquant elles-
mêmes une crise financière importante dans le pays. Il s’agit ici d’évaluer en quoi ce scandale est si
conséquent et ce qu’il révèle sur l’avenir du Mozambique tant sur la scène internationale qu’au
niveau interne, que cela soit dans la sphère politique, économique ou sociale.

Quels emprunts ?
Au début du mois d’avril 2016, des journaux africains révélaient que l’État mozambicain avait
contracté entre 2013 et 2014 deux prêts, de 622 et 535 millions de dollars, sans même l’avis des
bailleurs internationaux et du Parlement, qui concernent les sociétés Proindicus et Mozambique
Asset Management (MAM). Dans la liste des dettes contractées, on trouvait déjà celle de la société
Empresa Moçambicana de Atum (Ematum) d’un montant de 850 millions de dollar en 2013. Ces
trois sociétés sont des entreprises à capitaux publics de droit privé étaient principalement
détenues par les services secrets mozambicains qui avaient obtenu des garanties d’État pour ces
emprunts. Il s’agissait donc de mécanismes de dissimulation financière de certains dignitaires du
régime. Les raisons de ces emprunts étaient en effet à l’origine d’ordre économique mais

Mozambique 33
l’enquête a peu à peu montré que ces emprunts ont servi à l’achat de matériels militaires et
navals ; même si un doute persiste dans la mesure où les montants empruntés ne couvrent pas la
totalité des achats. Le Gestão de Investimentos, Participações e Serviços (GIPS), une émanation
des renseignements mozambicains (SISE) et dont la supervision revient au ministère de l’Intérieur
est le responsable de ses emprunts cachés.

Quelles conséquences ?
Ce scandale révèle les dessous du succès économique mozambicain, à savoir un changement de
cap et des privatisations qui ne profitent pas à l’ensemble de la population et accroit les inégalités
dans le pays. La plupart des entreprises ont été privatisé dans la plus grande opacité ; ne
bénéficiant ainsi qu’aux personnes proches du pouvoir.

Un impact majeur sur l’économie du pays


Le gouvernement a annoncé le défaut de paiement le 16 janvier 2017, : « Le ministère de
l’Économie et des Finances du Mozambique souhaite informer les détenteurs des 726,5 millions
de dollars de titres [...] émis par la République, que le paiement d’intérêts d’une valeur de
59,7millions de dollars dus le 18 janvier ne sera pas honoré7 ».
Cela s’explique d’une part par l’explosion du poids du remboursement de la dette. Comme le met
en avant la note de l’Ifri auparavant évoquée, « les prêts cachés – équivalant à plus de 2 milliards
de dollars – ont tous été contractés sous forme d’emprunts commerciaux. L’encours total de la
dette du Mozambique a donc fait un bond considérable car il s’élève maintenant à plus de 12,4
milliards de dollars, soit 95 % du PIB en 2016 (contre 40 % en 2012 et 67 % en 2015). Il est
désormais constitué à 70 % d’emprunts commerciaux établis par des banques étrangères 8 »
Parallèlement, le montant des importations avait augmenté pour favoriser le développement
économique alors que les revenus d’exportations se contractaient. En effet, le Mozambique a été
affecté par la chute des cours des matières premières et le pays est d’autant plus touché qu’il
importe énormément de biens de consommation et que le pays exporte majoritairement du gaz
naturel, du charbon, du coton et de l’aluminium. Ainsi, comme le souligne Tristan Coloma et Leslie
Fauvel dans le rapport de l’Ifri, « en 2016, la monnaie nationale, le metical, a perdu 70 % de sa
valeur face au dollar et l’inflation a atteint 25,26 % en 2016 9 ». L’explosion de la dette conjuguée à
une situation économique internationale défavorable a donc pesé lourdement sur la croissance
économique du pays. Mais les conséquences vis-à-vis des bailleurs et investisseurs internationaux
sont d’autant plus graves.

Des sanctions de la part de la scène internationale


Premièrement, comme le soulignent les deux auteurs, « la note souveraine du pays a été dégradée
le 16 février 2017. Deux agences de notation ont exprimé des doutes sur la capacité du
Mozambique à maîtriser le comportement de l’emprunt obligataire émis il y a trois ans aux vues
de la conjecture économique actuelle du pays. Moody’s a dégradé la note du Mozambique de B2 à
7
« Le Mozambique ne remboursera pas 60 millions de dollars d'intérêts de sa dette souveraine », voaafrique.com, 16
janvier 2017
8
« Un succès économique exemplaire remis en cause : comprendre la crise financière du Mozambique », Note n°15 de
l’Ifri, Tristan Coloma et Leslie Fauvel, 2017, p. 14.
9
Ibid, p.15.
Mozambique 34
B3 tout en indiquant qu’il n’excluait pas une dégradation ultérieure. De même, Standard & Poor’s
a fait passer Maputo de B- à CC 10 ». Le Mozambique est donc passé dans le grade
d’investissements de nature spéculative.
Deuxièmement, le FMI a exigé une « révélation complète et une évaluation des nouveaux
éléments ». Le FMI a ensuite suspendu ses aides budgétaires au pays dans le cadre d’un
programme lancé en décembre 2015. Le montant de la dette est passé à 130% de son PIB en 2016
à la suite de cette suspension, ce qui a donc mené les dirigeants à annoncer le défaut de paiement.
Outre les effets directs de la suspension de l’aide du FMI, cela a eu des conséquences plus
indirectes. Les bailleurs de fonds se sont en effet détournés du pays alors que l’aide directe au
budget de l’État représentait un engagement de 467 millions de dollars en 2016, soit près de 12 %
du budget national. Les principaux bailleurs qui forment le G14 (c’est-à-dire 10 pays européens
ainsi que l’Union européenne, la Banque mondiale, le Canada et la Banque africaine de
développement) ont eux aussi suspendu leur aide budgétaire.

Quelles solutions pour sortir de la crise souveraine ?

Le FMI a ensuite accepté la proposition du gouvernement de restructurer sa dette hors prêts


cachés, selon des révélations de The Africa Monitor. Le but recherché était la levée de la
suspension d’aide des bailleurs multilatéraux et bilatéraux d’ici la fin de l’année 2017. Cela a
toutefois été fait selon plusieurs conditions posées par le FMI : il doit s’engager dans un plan
d’ajustement structurel qui inclura des mesures d’austérité, des privatisations et une réforme
fiscale. Le gouvernement devra aussi respecter les clauses du Policy Support Instrument qui vise à
encadrer par le FMI les réformes économiques et participer activement à un audit de ses prêts
cachés par la société Kroll. Aussi, la restructuration de la dette hors prêts cachés induira des
mesures d’austérité pour un pays à la population déjà très pauvre et ce pour une durée
conditionnée par la mise sur le marché des ressources gazières qui interviendra au mieux en 2023
comme la note auparavant mentionnée de l’Ifri l’explique. Cette production qui est encore
hypothétique risque d’être donc gagée pour le désendettement avant même le début de son
exploitation.

De plus, du côté de la société mozambicaine et du parti d’opposition, les banques internationales


qui ont négocié les emprunts ont largement été critiqué. Comme le relate Le Monde, « En
novembre, le régulateur bancaire britannique a toutefois abandonné ses poursuites contre la
branche londonienne de Credit Suisse, qui, avec la banque russe VTB, a organisé l’émission des
trois emprunts cachés au cœur du scandale 11 ». La Renamo et une partie de la société civile a
contesté et a demandé une annulation de ces emprunts jugés illégaux. Une grande partie de la
société civile, dont de nombreuses ONG mozambicaines, critiquent ainsi les intentions du
Royaume-Uni et des bailleurs de fonds.
Du côté du gouvernement, celui-ci ne demande pas l’annulation de la dette ; ce qui reviendrait en
effet a délaissé les responsables du parti impliqués dans l’affaire comme dit précédemment. Le

10
Ibid.
11
« Au Mozambique, « l’hypocrisie » des Occidentaux face à la dette du pays est dénoncée », LeMonde.fr, Adrien
Barbier, 22 décembre 2018
Mozambique 35
gouvernement vise plutôt à conclure un accord de restructuration avec ses créanciers concernant
la dette obligataire d’un montant de 850 millions de dollars – celle qui est en défaut depuis janvier
2017.

Une reconsidération de la scène politique mozambicaine actuelle ?

Le scandale des dettes cachées visant finalement l’acquisition de matériels militaires a laissé voir
qu’une grande partie des sommes contractées s’est évaporée et qu’elle a donc pu servir au
Frelimo à renforcer ses capacités militaires terrestres pour en finir avec la Renamo. Ce sont en
effet 500 millions de dollars qui ont disparu, selon un audit du cabinet Kroll révélé en juin 2017. La
révélation des emprunts cachés a intensifié les rivalités entre les deux partis, même s’ils ont été
contraints à négocier.
Comme le mettent en avant les deux auteurs du rapport de l’Ifri, « en plus d’être une demande
des bailleurs, la reprise des négociations vise aussi à rassurer les investisseurs étrangers qui ont
ralenti le processus de développement des projets gaziers en attendant de voir l’issue de ce
conflit. Les négociations ont donc repris sous l’égide d’une équipe de médiateurs internationaux
composée du Vatican, de l’Union européenne, des anciens présidents du Botswana (Quett Masire)
et de Tanzanie (Jakaya Kikwete), du gouvernement sud-africain et d’Inter-Mediate 12 ». Alors
ministre de la Défense, Filipe Nyusi a rejeté la responsabilité sur le président de l’époque Armando
Guebuza. Toutefois, il a rapidement été atteint le scandale, ce qui a porté atteinte à l’unité du
Frelimo.
L’hégémonie du Frelimo n’a pas été remis en cause. Les appels à manifester au sein de la société
mozambicaine avec pour mot d’ordre « Stop à la corruption » ont jusque-là été contenus par les
démonstrations de force de l’appareil sécuritaire et, depuis fin avril 2016. Le mécontentement
populaire n’a pas fait descendre les Mozambicains dans la rue. Cela tend donc à nuancer le poids
de la société civile dans le pays et à l’inverse à montrer le poids toujours très important du
Frelimo.
Quant aux relations entre les deux partis, la Renamo a affirmé sa fermeté face à la situation. Le
porte-parole du parti Jose Manteigas a assuré : « Nous refusons toute renégociation car cela va
continuer à créer des problèmes pour le pays. Nous exigeons que ceux qui ont contracté cette
dette et ceux qui ont détourné l’argent soient poursuivis 13 ». Cela vise donc directement certains
dirigeants du Frelimo ainsi que les proches du parti. La situation a particulièrement défié la
position de Filipe Nyusi, pourtant quasi certain d’assurer un nouveau mandat en 2019. Il se
retrouve désormais en position délicate, entre les exigences du FMI qui demande la vérité sur
l’affaire en échange de la reprise de son aide, et celles du Frelimo qui fait pression pour garder le
silence sur l’affaire. Dans la perspective des élections de 2019, c’est donc plutôt le côté de son
parti que semble avoir pris le président.

Quelle punition pour les responsables ?

12
Ibid, p.22.
13
« Mozambique : l’énorme « dette cachée » fait fuir investisseurs et créanciers », FranceTvInfo.fr, Mohamed Berkani,
28 mars 2018.
Mozambique 36
Dans le cadre de l’enquête américaine, les « Tuna Bonds », l’ancien ministre des Finances du pays
Manuel Chang a été arrêté en décembre 2018 à Johannesburg par la police locale en vue de son
extradition aux Etats-Unis.
L’ex-ministre était recherché pour conspiration à des fins d’ « escroquerie en ligne », « fraude aux
assurances » et « blanchiment d’argent ». La justice américaine s’intéresse, dans le cas du
Mozambique, à la responsabilité de trois grandes banques européennes dont Crédit Suisse et BNP
Paribas. Un cadre de Privinvest, entreprise qui a fourni les équipements aux trois entreprises
concernées a été arrêté à New York. L’enquête et les arrestations qui s’en suivent n’en sont donc
qu’à leurs débuts.
Une enquête a été menée dans le pays dans le cadre d’une Commission d’enquête parlementaire
pour déterminer les personnes impliquées dans ce scandale et le poids de leur responsabilité. Le
rapport a confirmé la responsabilité notamment d’Armando Guebuza, la violation des lois et de la
Constitution et la responsabilité des trois entreprises. Toutefois, il n’éclaire pas sur les utilisations
de l’argent, sur le jugement des responsables et sur le rôle du Président Filipe Nyusi. Il n’éclaire
pas non plus sur le rôle joué par Privinvest.
Les conséquences de ce scandale sont donc nombreuses et indéniables. Que cela soit au niveau de
son économie ou des sanctions imposées sur la scène internationale, cet événement a permis de
montrer la dépendance du Mozambique à l’aide internationale, aux IDE, sa vulnérabilité dans le
commerce international, très dépendant de l’étranger de par ses exportations et importations. Ce
scandale a également mis en avant le fait que le Mozambique est toujours dans un régime
politique où une certaine élite au pouvoir a la mainmise sur les ressources du pays. C’est en effet
tout l’appareil d’Etat qui a été impliqué dans cette affaire (services de renseignements, ministères
de l’Intérieur et de la Défense, le président Armando Guebuza…) Ainsi, la résilience de l’Etat
mozambicain des conséquences de ces dettes cachées est comprise si des réformes ne sont aps
engagées pour offrir davantage de transparence et de séparation des secteurs privé et public.
Il est également intéressant de voir que pour répondre à cette crise, les autorités mozambicaines
ont décidé de se tourner vers les pays émergents. En effet, les dirigeants mozambicains,
sanctionnés par les bailleurs traditionnels font désormais appel à de nouveaux partenaires tels que
la Turquie, la Chine et l’Inde. Leurs liens sont effectivement de plus en plus forts, ce que nous
allons étudier maintenant.

Mozambique 37
10. Les relations Mozambique/Asie

Dans un contexte de mondialisation avancé, l’Asie entend servir ses intérêts stratégiques à travers
le développement de relations bilatérales envers le continent Africain. En effet, ces deux berceaux
de l’humanité sont interconnectés depuis des siècles. Dans cette partie, nous mettrons en avant
l’ancienneté et la diversité des relations bilatérales qu’entretiennent deux pays très influents, que
sont la Chine et l’Inde avec le Mozambique et comment ces échanges influent sur son
développement durable.

Les relations Sino-Mozambicaine

Depuis une quinzaine d’années, les relations entre les deux Etats ne cessent de se développer. La
classe politique du Mozambique, est en effet très réceptive à l’intérêt de la Chine, l’ancien
Président Guebuza (2005-2015) le considérant comme “un partenaire et non un néo-colonisateur”

Une interdépendance ancienne


Les connexions entre les deux pays ne sont pas si récentes. En effet, les premiers Chinois ayant
débarqué au Mozambique au milieu du XIX siècle, était venu pour travailler dans cette colonie
portugaise. Ce flux migratoire s’est poursuivi jusqu’à l’indépendance, permettant l’installation
progressive d’une importante communauté chinoise, majoritairement commerçante, d’environ
20000 personnes, sous l’approbation des Portugais. On peut établir que ces relations se sont
intensifiées à partir de la guerre d’indépendance où la Chine, nation dites “anti-colonialistes”,
offrait son soutien inconditionnel au FRELIMO. La Chine fut l’un des premiers pays à reconnaître
l’indépendance du Mozambique et à établir des échanges diplomatiques dès la fin de l’époque
coloniale (25 juin 1975). Les secteurs de la santé et de l’agriculture furent à l’époque, les
fondements de la coopération bilatérale entre ces deux nations. Au début des années 2000, la
libération économique a permis de resserrer les liens entre ces deux pays. En 2006, le
Mozambique a été approuvé comme destination touristique privilégiée pour les Chinois et la
dette, peu conséquente, du Mozambique envers la Chine a été tout simplement annulée. De nos
jours, la Chine met en avant une coopération multisectorielle et se montre toujours très
généreuse (octroi de dons et de crédits concessionnels). Cette “empathie stratégique”, a aussi
permis aux entreprises chinoises de prendre une place prépondérante dans de nombreux secteurs
économiques de ce pays d’Afrique australe.

Une coopération chinoise très active


Le soutien de la Chine au Mozambique depuis près de 40 ans est plutôt disparate. Le pays a fait
don, par exemple, de plusieurs bâtiments officiels, de logements sociaux à Zimpeto ainsi que de
multiples matériaux forces militaires mozambicaines. Dans le secteur agricole, la Chine a
récemment fait don d'un centre technologique dans le district de Boane sur 52 hectares et
projette de réaliser d’autres projets similaires. Aussi dans le domaine médical, un centre de
recherche sur la malaria doit bientôt être créé. De plus, l'hôpital central de Maputo accueil en son

Mozambique 38
sein quelques médecins chinois. Dans le secteur éducatif et culturel, plusieurs institutions ont mis
en place des cours de chinois mandarin. Enfin de nombreux étudiants mozambicains ont
l'opportunité de partir étudier en Chine grâce au bourse gouvernementales.

Des investissements et des échanges commerciaux en pleine croissance


Il est important de noter que les deux pays ont signé en 2001 deux accords pour la promotion des
échanges commerciaux et la protection réciproque des investissements. Entre 2001 et 2008, la
Chine est passé du 26ème au 2ème rang des investisseurs étrangers (derrière l'Afrique du Sud).
Une quarantaine d'entreprises sont actuellement actives au Mozambique, surtout dans les
secteurs de l'agriculture, pêche et construction et de l'agro-industrie. Ces 4 secteurs employant
près de 11 000 personnes. A noter que la forte poussée chinoise en matière d'IDE a notamment
été favorisée par l’implantation en 1999 du Center for Investment Promotion and Trade of China
(CPIDCC).
Au cours des dernières années, les échanges bilatéraux ont fortement augmenté, passant de 50
MUSD en 2002 à plus de 200 MUSD en 2010. Le principal poste à l'exportation pour le
Mozambique concerne les produits de la sylviculture (70%), plaçant ce pays au 6ème rang parmi
les exportateurs africains de bois à destination de la Chine. S'en suivent les minéraux (19%) et
l'agriculture (11%). Au niveau du secteur de la sylviculture, il faut admettre que le bois
mozambicain est d’excellente qualité et bon marché. L’appétit féroce qu’il suscite entraînent la
destruction lente mais constante d’immenses zones forestières dans les provinces du centre et du
nord du pays, en particulier celles de Sofala, de Zambézie et de Cabo Delgado. Journaux locaux et
associations dénoncent régulièrement le pillage des forêts, mais le trafic continue. L’ONG
britannique Environmental Investigation Agency (EIA) avance que 93 % de l’exploitation forestière
au Mozambique est illégale.
Quant au Mozambique, il importe de Chine des véhicules, matériaux électriques, produits
métallurgiques, de construction et de multiples biens de consommation (textiles, chaussures,
électroménager) Selon l’OCDE, la Chine représente 13,5% des échanges commerciaux avec
l’Afrique contre 2,7% pour le Japon. Il est à noter que la Chine et le Japon sont les principaux
(éternels) rivaux concernant les investissements en Afrique. En janvier 2015, le premier Ministre
japonais a fait une tournée africaine, en passant par le Mozambique, au moment même où le
Ministre des Affaires Etrangères chinois était en train de signer de multiples accords commerciaux
en terre africaine.

Contrairement au gouvernement du Mozambique, certaines parties de la société civile font preuve


de méfiance à l’égard de la coopération Chine-Mozambique. Ils sont en effet réputés pour ne
vouloir réaliser que des profits, sans réellement s’intéresser au développement dans le pays. Cette
méfiance est liée à l’histoire du pays puisque selon eux, les Chinois ne seraient que les nouveaux
colonisateurs, après l’Occident. La Chine est accusée de faire sortir des matières premières en
contrebande avec l’appui de certaines personnalités au pouvoir, de ne pas respecter les droits du
travail, de maltraiter les travailleurs mozambicains en ne leur versant que des salaires indécents et
en les battant. Parmi de nombreux cas, on citera qu’en mars 2006, la ministre du travail Helena
Taipo a fait fermer deux compagnies chinoises (Monte de Ouro et Irmãos Comércio Kodak) basées

Mozambique 39
à Quelimane, dans la province de Zambézie. Ces deux compagnies étaient accusées de violences
physiques et mentales à l’encontre de leurs employés mozambicains. Ces compagnies ont rouvert
leurs portes après avoir présenté “des excuses publiques” à leurs employés et à la population de
Quelimane.

Les relations entre l'Inde et le Mozambique

Le Mozambique a intégré depuis la fin du XIXème siècle une population d'origine indienne. L'inde
comme d'autre pays émergents (Brésil, Chine) s’intéresse de plus en plus au continent africain
dans une course à la sécurisation de ses besoins énergétiques et miniers. Le charbon apparaît
comme le principal objectif, prochainement exploité par la multinationale Tata steel au sein d'un
consortium constitué avec Riversdale.

Investissements et commerce extérieur


En 2010, l'Inde était le 7ème client du Mozambique et son 3ème fournisseur. Selon les chiffres
avancés par le Centre de Promotion des Investissements, l'Inde avait déposé pour 64 MUSD de
projets (secteur minier, énergétique) en 2009 se positionnant au 4ème rang. Parmi les structures
récemment mise en place, on mentionnera l'usine de sodas à Matola, productrice de Pepsi-Cola
(50 MUSD). D'autres investissements dans les secteurs de l’agriculture, des IAA et des mines sont
aussi à mettre en exergue.

Principaux secteurs d'activités et entreprises représentés


Le charbon. Le concessionnaire de l'exploitation de la mine de charbon de Benga est un
consortium composé par Riversdale (65%) et Tata Steel (35%). Une partie de ce charbon sera
destinée à l'exportation vers l'Inde, l'autre alimentera la centrale électrique de Benga. L'entreprise
Coal India a obtenu la concession de deux blocs d'environ 200km² dans la région de Moatize afin
d'y entreprendre des travaux d'exploration carbonifère pendant au moins deux ans. Une
estimation établie les réserves à environ 1 milliard de tonne. 85 % de la production éventuelle
serait exportée vers l'Inde et 15% serait destiné à la vente sur le marché local. On admettra que
ces projets créent des nombreuses problématiques liées aux déplacement des populations et
participent au réchauffement climatique à travers l’augmentation des gaz à effet de serre.
Transport ferroviaire. Les entreprises indiennes Ircon International et Rail India Technical &
Economic Services tentent depuis plusieurs années de réhabiliter la seule voie d'exportation
possible du charbon de la province de Tete à Beira : Linha da Sena (environ 670 kms de chemin de
fer). Cependant, les coûts liés à la réalisation de ce projet ont augmenté passant de 152 à 225
MUSD entraînant une lente avancée du projet.

Relations du Mozambique avec les autres pays africains

Le Mozambique entretient des bonnes relations avec tous les pays africains avec un passé
marxiste. La coopération est particulièrement étroite avec l'Angola, qui en plus d’avoir été

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marxiste et lui aussi lusophone.
Par ailleurs, le pays a fait preuve de son soutien aux pays marxistes en soutenant l’Algérie dans son
contentieux avec le Maroc concernant le problème du Sahara. D’ailleurs, le pays est si fortement
ancré dans sa tradition marxiste qu’il est des derniers à soutenir avec l’Angola et le Zimbabwe
alors que le paradigme marxiste/ pro-américains n’est plus pertinent avec la montée en puissance
de forces régionales en Afrique telles que l’Inde, la Turquie et la Chine.

Les relations entre Moscou et Maputo sont cependant très développées, et ce depuis les années
1960, quand la Russie s’est mise à soutenir le Frelimo dans son opposition au colonialisme
portugais. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été officiellement établies le 25 juin
1975, peu après l’indépendance du Mozambique, et une coopération économique et dans le
secteur de la défense a été instaurée.

Relations entre le Portugal et le Mozambique

Les Portugais sont les étrangers les plus employés au Mozambique, avec environ 23.000
ressortissants dans le pays. De nombreux jeunes Portugais fuyant la crise en Europe sont venus
tenter l'aventure mozambicaine, parfois sans succès. Ce mouvement tend toutefois à se stabiliser
car la situation économique s'est améliorée au Portugal, tandis que le Mozambique a durci les
conditions d'entrée.

Mozambique 41
Bibliographie :

Ouvrages :
Lachartre Brigitte, Enjeux urbains au Mozambique : de Lourenço Marquès à Maputo, Ed. Karthala,
2000, 320 pages.

Articles de revue et chapitres :


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dans les espaces lusophones, Cahiers d’études africaines, volume 37 n°147, 1997
Chaponnière Jean-Raphaël, Gabas Jean-Jacques, Qi Zheng, « Les investissements agricoles de la
Chine. Une source d'inquiétudes ? », Afrique contemporaine, 2011/1 (n° 237), p. 71-83.
De Brito Luis et al., « Mozambique, quelle démocratie après la guerre ? », Politique africaine,
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Folio Fabrice, « Dynamisme et réorientation territoriale au Mozambique : un PMA en sortie ? »,
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Presse :
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« Le Mozambique a un nouveau palais présidentiel construit par les Chinois », RFI Afrique, 26
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« Le Mozambique élit son président sur fond de boom économique », , RFI Afrique, 15 octobre
2014.
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« Mozambique : la crise des matières premières et les investissements publics plombent
l’économie », Le Monde, 16 décembre 2015
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« Le Mozambique : la guerre silencieuse », Le Monde, 9 février 2016,
« « L'Union européenne s'inquiète de la crise politico-militaire au Mozambique », Le Monde, 23
février 2016
« Le Mozambique, un eldorado en péril », Le Monde, 11 mars 2016,

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« Le FMI gèle ses prêts au Mozambique », Le Monde, 18 avril 2016
« En Afrique, l’Inde à l’ombre du géant chinois », Le Monde, 6 juillet 2016
« Tournée africaine du Premier ministre indien Narendra Modi », RFI Afrique, 7 juillet 2017
« Dette cachée du Mozambique : le FMI exige des explications », RFI Afrique, 10 juillet 2017
« ‘Dettes cachées’ du Mozambique : après de FMI, le Japon suspend ses financements », La
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« Au Mozambique, « l’hypocrisie » des Occidentaux face à la dette du pays est dénoncée »,
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Chichava Sérgio, “MDM, a new political force in Mozambique?”, Institutio de estudos sociais e
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Mozambique 45

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