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MOZAMBIQUE
Introduction 3
Informations générales 4
Grands enjeux actuels 5
Quelques indicateurs synthétiques 5
1. Contextualisation historique 6
Histoire précoloniale : empires précoloniaux et premières tentatives de colonisation portugaise
6
Le colonialisme portugais 7
2. Décolonisation et système post-colonial 8
Le processus d’indépendance et l’établissement d’un système autoritaire par le Frelimo 8
Une guerre civile meurtrière 9
3. Un processus de transition démocratique inachevé…………………………………………………..12
L’ouverture et la libéralisation du régime 12
Un retour à l’autoritarisme ? 13
Une résurgence des conflits ? 13
Quel avenir pour les négociations de paix ? 15
Le MDM, un espoir face au manque de diversité et de pluralisme ? 16
4. Sociétés civiles et inciviles 18
Les syndicats au Mozambique 18
5. Religions et libertés religieuses 19
6. Résurgence et instrumentalisations de conflits ethniques et de mémoire
précoloniale………………………………………………………………………………………………………………22
7. Situation économique………………………………………………………………………………………………..23
Un pays au niveau de développement faible 23
Le Mozambique, un territoire avec un potentiel véritable 23
De nombreux défis qui mettent à mal le décollage économique du pays 24
Budget du gouvernement du Mozambique 25
8. La situation sanitaire au Mozambique……………………………………………………………………..27
Quelle est la situation sanitaire au Mozambique ? 27
Quels sont les moyens mis à la disposition de la population ? 27
Quelles sont les mesures prises pour améliorer la situation ? 28
Quels sont les enjeux ? 30
9. Focus sur le scandale des « dettes cachées »……………………………………………………………..31
Le contexte 31
Quels emprunts ? 31
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Quelles conséquences ? 33
Quelles solutions pour sortir de la crise souveraine ?34
Une reconsidération de la scène politique mozambicaine actuelle ? 34
Quelle punition pour les responsables ? 35
10. Focus sur les relations Mozambique/Asie…………………………………………………………………36
Les relations sino-mozambicaine 36
Les relations entre l’Inde et le Mozambique 38
Les relations du Mozambique avec les autres pays africains 38
Les relations entre le Portugal et le Mozambique 39
Bibliographie…………………………………………………………………………………………………………………………..40
Introduction
Le Mozambique est un pays situé en Afrique australe, et qui dispose d’une ouverture sur la
mer. C’est un pays frontalier de la Tanzanie, du Malawi, de la Zambie, du Zimbabwe, de l’Afrique
du Sud et du Swaziland. Il a pour capitale Maputo, une ville portuaire, qui présente une zone
d’influence et d’attraction économique grâce à son ouverture sur l’océan indien. Le pays est une
République présidée par Filipe Nyusi, succédant à Armando Emilio Guebuza, tous deux membres
du parti Frelimo. Sa langue officielle est le portugais et la monnaie nationale est le metical.
Ancienne colonie portugaise, le Mozambique est un pays indépendant depuis le 25 juin 1975.
Après 16 années (1977-92) de guerre civile entre le Frelimo (Front de libération du Mozambique),
parti au pouvoir de tradition marxiste, et la Renamo (Résistance nationale mozambicaine),
soutenue par le régime d’apartheid sud-africain, les accords de paix de Rome (4 octobre 1992) ont
ouvert une période de stabilité relative.
Le Mozambique, bien que faisant parti en 2017 de la liste des Pays les Moins Avancés (PMA) de
l’Organisation des Nations Unies, est un pays en pleine mutation et il s’avère intéressant d’étudier
ses dynamiques politiques ainsi qu’économiques, afin d’observer les opportunités et les faiblesses
auxquelles ce pays se confronte aujourd’hui et ses potentialités de développement et d'évolution
futures.
Mozambique 2
Informations générales
République du Mozambique
Afrique Australe
Superficie : 800.000 km²
Langue officielle : Portugais
Source : diplomatie.gouv.fr
Source : populationdata.net
Source : thebusinessyear.com
Mozambique 3
Grands enjeux actuels :
L'instabilité politique et le risque d'éclatement d'un nouveau conflit interne : les redéfinitions
autoritaires connues actuellement par le régime, mises en œuvre par le Frelimo au pouvoir,
soulèvent de nombreuses questions quant à la pérennité et à la durabilité de la transition
démocratique entamée par le pays depuis la fin de la guerre civile. Les conflits politiques opposant
le Frelimo et le parti rival, le Renamo, menacent actuellement de dégénérer en conflit armé. Les
rapports entre les deux partis se sont d’autant plus détériorés depuis la mort d’Afonso Dhlakama
le 3 mai 2018, leader historique de la Renamo qui avait amorcé des pourparlers avec le
gouvernement de Filipe Nyusi. Les élections municipales d’octobre 2018 ont ensuite engendrés
une suspension des négociations entre les deux partis.
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Quelques indicateurs synthétiques :
CPIA (Banque mondiale) : l'indice donne une note globale de 3,4 au Mozambique en 2014. Dans
le détail, il prend en compte quatre paramètres, chacun noté indépendamment :
- 4,2 pour la gestion économique, contre 3,3 en moyenne pour l'Afrique subsaharienne.
- 3,5 pour les politiques structurelles, contre 3,2 en moyenne en Afrique subsaharienne.
- 3,4 pour les politiques d'inclusion sociale et d'équité, contre 3,2 pour l'Afrique
subsaharienne.
- 3,3 pour la gestion du secteur public et des institutions, contre une moyenne de 3 pour
l'Afrique subsaharienne.
Les notes du Mozambique sont donc, dans chacun des paramètres pris en compte, supérieures
aux moyennes en Afrique subsaharienne. Il faut toutefois noter une baisse de la note pour la
gestion économique et les politiques structurelles depuis l'étude de 2008, avec une stabilité de
la note des deux autres facteurs. De plus, il est à noter que sa note est tombée à 3,2 en 2016.
Worldwide Governance Indicators (Banque mondiale) : les six paramètres pris en compte dans
l'étude du WGI (participation et accountability ; stabilité politique et absence de
violence/terrorisme ; efficacité globale ; qualité de la régulation ; État de droit ; contrôle de la
corruption) sont tous en baisse entre 2009 et 2014.
Quatre d'entre eux (efficacité globale, État de droit et contrôle de la corruption, stabilité
politique et absence de violence/terrorisme) connaissent même une baisse particulièrement
brutale, en particulier la stabilité politique et l'absence de violence/terrorisme dont le score
passe de 67 à 32 en 5 ans (moyenne en Afrique subsaharienne en 2014 : 31). Les six paramètres
étaient supérieurs à la moyenne d'Afrique subsaharienne en 2009, trois le sont encore en 2014 :
participation et accountability, stabilité politique et absence de violence/terrorisme, et qualité
de la régulation.
La plupart des indicateurs synthétiques pris en compte concordent pour montrer une
dégradation substantielle de la situation démocratique, de la légitimité de l'État, de la
gouvernance et des politiques économiques depuis plusieurs années consécutives.
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1. Contextualisation historique.
Les portugais installent des comptoirs sur les côtes de l'actuelle Mozambique à partir du 15ème
siècle. Ils échouent à conquérir l'empire Karanga, et sont également confrontés à la concurrence
des Indiens, des Arabes et des sultans swahilis pour le contrôle de la région. Au début du 19ème
siècle, l'équilibre régional est redistribué en raison de l'expansion du commerce international
d'esclaves (près d'un million d'esclaves seront déportés du Mozambique), de la chute des empires
Karanga et Maraves (fragilisés par une série de sécheresses), et des migrations de peuples Nguni
venus du Sud. La rupture dans l'équilibre régional engendre une longue période de guerres qui
bouleverse les équilibres sociopolitiques de la région, avec la prise d'importance des Nguni qui
créent des institutions centralisées au sein de différents États, tous fortement militarisés.
Mozambique 6
Le colonialisme portugais.
À partir de 1860 les Portugais commencent la colonisation effective de la région, avec pour
ambition de former une grande colonie traversant le continent d'est en ouest (tenus en échec par
les Britanniques). Pour sécuriser les territoires conquis le Portugal accélère le processus de
colonisation, et déplace en 1898 la capitale à Lourenço Marques (actuel Maputo) pour développer
un grand port de commerce. Le Portugal fait le choix de déléguer la gestion de la colonie à des
compagnies à charte, qui exercent la plupart des fonctions d'un État (pouvoir de battre monnaie,
taxer la population, faire la police, assurer les services de santé et d'éducation), à l'exclusion des
droits de douane et des relations internationales de la colonie. Mais le système s'avère peu
efficient et instable, et il ne résiste pas à la montée du nationalisme au sein du pays : en 1941, la
dernière compagnie rend ses terres et ses droits au gouvernement portugais.
Un nouveau plan de développement est mis en place entre 1959 et 1964, plus politique et moins
centré sur le développement d'infrastructures et de services. Il soutient la recherche scientifique,
investit dans l'éducation et favorise la migration de Portugais au Mozambique. La migration
explose, les migrants représentent 225 000 personnes en 1973 (environ 2.5% de la population
totale).
Le régime colonial est fondé sur une distinction de race : seuls les Européens et les populations
« assimilées » (qui ne représentent que 5000 individus en 1950) peuvent bénéficier de la
citoyenneté portugaise. Les Africains ont en revanche peu de droit et beaucoup de devoirs
(cultures forcées, travaux forcés) et sont maintenus dans leur situation sociale par le système
scolaire qui bloque leurs possibilités de mobilité. Les élites africaines tentent de s'adapter mais se
retrouve majoritairement marginalisées.
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2. Décolonisation et système post-colonial.
Mozambique 8
Selon la typologie de Jean-François Médard, le Mozambique se situe, au cours de sa première
période autoritaire (au sortir de la guerre d'indépendance) dans une forme d'autoritarisme
« modéré », comprenant une faible institutionnalisation et un faible niveau de coercition. La très
forte emprise du parti unique sur la vie politique et sur les structures socio-économiques du pays,
ainsi que le degré de violences perpétrées durant la guerre civile, tendent pourtant à montrer une
réalité différente.
Après l'indépendance c'est un leader du Frelimo, Samora Machels, qui devient en 1975 le premier
président du Mozambique indépendant. Il met en place un régime socialiste, d'orientation
marxiste-léniniste. Le Frelimo développe des instruments pour établir sa domination totale sur la
vie politique et sociale du pays :
- Mise en place de structures du parti dans l'ensemble du pays. Affiliation des syndicats et
des autres organisations régulant la vie politique et sociale au parti unique, de manière à
établir un contrôle plus fort sur le pays.
- 1977 : fusion du parti unique et de l'État. Le chef de l'État est, encore aujourd'hui, en
même temps dirigeant du parti au pouvoir (Filipe Nyusi aujourd'hui).
Logo de la Renamo
Source : facebook.com/afonso-dhlakama-renamo
La guerre civile a des conséquences économiques et sociales terribles, avec près d'un million de
mort et six millions de déplacés (sur 15 millions d'habitants) et des destructions matérielles
énormes. Le conflit a annulé l'ensemble des gains sociaux obtenus depuis l'indépendance et réduit
Mozambique 9
le pays en cendre. C'est à partir de la fin de la guerre civile, à la fin des années 1980, que le Frelimo
engage le mouvement de transition démocratique : c'est le virage néo-libéral.
Les déplacés, d’abord sous les feux médiatiques au moment de l’urgence quand le conflit atteint
son paroxysme, tombent souvent très vite dans l’oubli. Au Mozambique, ils ont été considérés très
rapidement comme des migrants venus trouver de meilleures conditions de vie en ville et n’ont
jamais été réellement perçus comme des victimes de la guerre. Ainsi, la guerre civile (1976-1992) a
entraîné le déplacement forcé de plus de 5 millions de personnes (1, 5 M de réfugiés et 3,5M de
déplacés internes) pour une population totale de 15 millions d’habitants. Plus du tiers de la
population mozambicaine se trouvait donc déplacée à la fin de la guerre.
Mozambique 10
Déplacés et catastrophes naturelles
Par ailleurs, le pays connaît depuis une quinzaine d’années des déplacements massifs de
populations. Le réchauffement climatique en est la principale cause par la multiplication des
catastrophes climatiques.
D’une part, les précipitations se sont accentuées de manière considérable. Elles ont notamment
causé le débordement du fleuve Limpopo en 2000 et du Zambèze dans le centre du pays en
2001, en 2007 et en 2008. Dans le cas du Zambèze, des millions d’habitants ont décidé de
quitter la région ces dix dernières années. A titre d’exemple, les inondations de 2007 ont
provoqué le déplacement de 100 000 personnes dont seulement la moitié ont pu être abrités
dans des centres d’accueil.
D’autre part, les conséquences des sécheresses, de l’érosion des sols côtiers et de l’élévation du
niveau de la mer sont également désastreuses. Le risque d’inondation et d’érosion concerne les
2 700 km de côtes. La hausse du niveau de la mer est également importante. Tous ces facteurs
contribuent à augmenter considérablement le nombre d’inondations dans le pays. Les épisodes
de sécheresses aggravent davantage l’ampleur des inondations dans la mesure où le
dessèchement du sol provoque son imperméabilité, ce qui empêche donc l’eau de s’infiltrer
dans les sols. Le Mozambique voit donc sa vulnérabilité environnementale augmenter
parallèlement au réchauffement climatique. A cela s’ajoute également la déforestation.
Selon Marc Stal, « Cette exposition au risque conduit à la perte des moyens de subsistance, et
donc à une vulnérabilité sociale accrue des habitants. Tous les experts ont mentionné le
déplacement qui s’est opéré le long de la vallée du Zambèze du fait des inondations de ces
dernières années. En particulier, les représentants des ONG, des agences internationales et du
gouvernement, qui ont travaillé sur l’aide aux victimes de catastrophes, ont mentionné les
inondations comme une cause majeure des déplacements internes et des réinstallations au
Mozambique. En réponse aux inondations de 2001 et 2007, le gouvernement a déplacé les
habitants dans des centres d’accueil. En conséquence, de nombreuses personnes déplacées en
2001 sont retournées dans la basse vallée fluviale après les inondations, parce qu’elles ne
pouvaient pas cultiver autour des centres de réinstallation.1 »
1
Marc Stal, « Mozambique. Inondations et réinstallation : la vallée du Zambèze », Hommes & migrations, 1284 | 2010, 28-40.
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3. Un processus de transition démocratique inachevé.
Transition
En octobre 1994 ont lieu les premières élections multipartites, qui se déroulent sans problème
majeur. Elles sont remportées par le Frelimo, au Parlement et à la Présidence. Joaquim Alberto
Chissano est réélu avec 53,3% des voix. Le pays connaît un développement économique très
rapide et une croissance très forte sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale (modèle de
développement néo-libéral). L'économie repose sur des IDE (principalement dans les matières
premières) favorisant un développement économique rapide mais dont les effets bénéficient peu
à la population : en 1995, 69% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; ce taux atteint
encore 54% en 2005. Le président Chissano est réélu en 1999, de justesse.
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Consolidation ?
Le pays reste sous un régime de parti unique entre son indépendance, en 1975, et les premières
élections multipartites qui ont lieu en 1994 – élections qui ne permettent pas pour autant
l'alternance, puisque c'est le Frelimo qui reste au pouvoir. Afonso Dhlakama, leader historique du
Renamo, réalise un retour important dans la politique mozambicaine à l'occasion des élections de
2014 (même si le Frelimo remporte largement les élections). Les partis politiques sont donc
incarnés par des leaders historiques, sans qu'il y ait d'alternance dans les personnalités. Enfin, les
militaires ont encore un pouvoir important. Avant d'être des partis politiques, le Frelimo et le
Renamo sont des organisations armées. Le Frelimo a encore des liens forts avec l'armée et le
Renamo possède encore une force armée – qu'ils menacent aujourd'hui de réutiliser en cas de
résurgence d'un conflit avec le Frelimo.
Un retour à l'autoritarisme ?
Armando Guebuza succède à Chissano à la tête du parti Frelimo en 2002, puis à la tête de l'État en
2004. Il entreprend dès lors de restaurer l'hégémonie du parti au Mozambique. Il reprend
plusieurs éléments du régime socialiste : la fusion du parti et de l'État, la mise en place de
structures du parti dans tout le pays, ainsi que le renouvellement d'une idéologie nationaliste
forte. Il sera de nouveau réélu en 2009.Le président actuellement en fonction est Filipe Nyusi. Il
appartient également au parti Frelimo. Le déroulement des élections, qui ont eu lieu en octobre
2014, a été vivement contesté par les deux principaux partis d'opposition (le Renamo et le
Mouvement Démocratique du Mozambique, ou MDM). Des fraudes ont été dénoncées par le
Renamo. Pourtant les observateurs de l'Union européenne présents sur place décrivent des
élections qui se sont déroulées dans le calme, malgré quelques irrégularités. La Communauté
d'Afrique Australe, dont la partialité est toutefois souvent remise en cause, a assuré que « le
scrutin était généralement pacifique, transparent, libre, honnête et crédible » ; pour leur part, les
observateurs de l'UE ont constaté plusieurs « irrégularités » et déclaré que les retards dans la
publication des résultats « ne constituaient pas un signe de transparence ».
Cet exemple d’élections permet ainsi de mettre en exergue le terme de démocratie électorale ainsi
que Dominique Darbon a pu l’étudier. En effet, d’un point de vue procédural, le Mozambique peut
être considéré comme une démocratie car des élections sont respectées, de manière régulière.
Cependant, ces dernières ne permettent pas de révéler la véritable nature du régime. Dans une
analyse sur la transition angolaise, Christine Messiant a montré́ que malgré́ la triple transition
opérée dans ce pays (d’une économie dirigée par l’Etat vers une économie de marché, d’un Etat
au parti unique qui se revendiquait du « marxisme-léninisme » vers un Etat pluraliste et de la
guerre vers la paix), il n’y a pas eu de véritable processus de démocratisation, mais plutôt une
reconversion du parti unique au pouvoir en « pouvoir hégémonique autoritaire adapté au
pluralisme ». Le processus mozambicain présente beaucoup de similitudes avec celui de l’Angola
ainsi que Luís de Brito (Institut d’études sociales et économiques, Maputo) en conclut dans un de
ses essais, Mozambique, quelle démocratie après la guerre ?
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Une résurgence des conflits ?
La crise politique qui a découlé des élections, incluant non seulement des tensions entre les partis
mais également au sein même du Frelimo – le nouveau Président appuyant notamment sa
légitimité sur l'opposition au camp de Guebuza – a laissé planer le risque du déclenchement d'un
conflit social, voire d'une nouvelle guerre civile. En particulier, le leader du Renamo Afonso
Dhlakama a à plusieurs reprises annoncé son intention de faire valoir par la force sa victoire aux
élections. Bien qu'il n'ait pas mis ses menaces à exécution, l'éventualité d'une reprise du conflit
reste ouverte, le Renamo étant encore aujourd'hui doté d'une force armée indépendante. Le pays
est encore confronté à une importante violence politique : le 20 janvier 2016, le numéro 2 du parti
Renamo est blessé par balle dans la deuxième ville du pays, Beira. Le Frelimo nie toute
responsabilité dans cet attentat. Malgré un soutien relativement constant de la communauté
internationale (même si les critiques se multiplient quant aux orientations politiques du Frelimo),
le pays est aujourd'hui considéré comme autoritaire : le Democracy Index de The Economist le
classe comme « régime autoritaire », au rang 107, avec une note de 4,66.
Ainsi, bien que les tensions entre le Frelimo et le Renamo aient toujours existé, même en temps
de paix, des conflits à petite échelle (comparés à la guerre civile) ont ré-émergé en 2013. Les
événements suivants, tirés d’une note de l’Ifri intitulée The resurgence of conflict in Mozambique,
Ghosts from the past and Brakes to Peaceful Democracy cherchent à mettre en avant cette
résurgence et a donné une chronologie aux événements décrits précédemment.
2013
Avril : Attaque du Renamo dans une station de police à Muxungue
Juin : Le Renamo annonce qu’il va créer une zone de sécurité de la rivière Save à Muxungue et
que cela va couper la ligne de chemin de fer reliant Beira aux mines de charbon de Tete
Novembre : Le Renamo boycotte les élections municipales du 20 novembre
2014
Août : Cessez-le-feu signé par le gouvernement et le Renamo avant les élections générales
d’octobre
Octobre : Filipe Nyusi (Frelimo) est élu président. Le Frelimo maintient sa majorité à l’Assemblée
avec 144 sièges, le Renamo 89 et le MDM, 17. Le Renamo dénonce une manipulation des votes
par le Frelimo. Filipe Nyusi, candidat du Front de libération du Mozambique (Frelimo), est élu
président de la République, avec 57 p. 100 des suffrages, contre 36,6 p. 100 à Afonso Dhlakama,
chef de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo). Lors des élections législatives qui se
tiennent le même jour, le Frelimo, en fort recul, conserve toutefois la majorité, avec 55,9 p. 100
des suffrages et 144 sièges sur 250. La Renamo progresse fortement, avec 32,5 p. 100 des voix et
89 élus. Le taux de participation est 48,5 p. 100.
2015
Mars : Gilles Cistac, expert de droit constitutionnel, soutien au Renamo, est tué à Maputo
Juin : Dhlakama ordonne une embuscade dans le quartier Moatize contre les forces de l’ordre,
violant ainsi l’accord de cessez-le-feu de 2014
Octobre : Le Frelimo ordonne le désarmement des gardes du corps de Dhlakama
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2016
Janvier : Dhlakama jure de prendre le contrôle de 6 régions du centre et du nord du
Mozambique (sur 11 au total). Des rapports apparaissent sur les réfugiés dûs à l’action du
gouvernement de contre-insurrection
Juin : Des hommes armés du Renamo attaque des trains de charbons opérant dans la province
de Sofala par la compagnie brésilienne Vale
Octobre : Des hommes armés du Renamo attaque un autre train de charbon de Vale dans la
province de Nampula et des unités de santé également à Nampula. Le négociateur du Renamo,
Jeremias Pondeca, en cours de négociations de paix, est tué à Maputo
Novembre : Des figures politiques du Renamo et du Frelimo sont tués alors que les négociations
de paix continuent d’être retardées
Décembre : Dhlakama annonce unilatéralement une semaine de trêve. Aucune attaque du
Renamo n’a été rapporté depuis.
2017
Janvier : Dhlakama annonce une extension de 2 mois du cessez-le-feu de décembre
Février : Le président Nyusi briefe le leader du troisième parti MDM, Daviz Simango, sur les
négociations en cours entre le Frelimo et le Renamo
La mort d’Afonso Dhlakama le 3 mai 2018 d’une crise cardiaque a renforcé les doutes quant à la
stabilité politique dans le pays. Même si la Renamo avait repris les armes en 2013 dans le centre
du pays pour contester la suprématie du Frelimo, le leader de l’opposition avait depuis amorcé des
négociations avec le gouvernement afin de trouver un accord de paix entre les deux partis. Afonso
Dhlakama avait annoncé un cessez-le-feu en 2015, une trêve qui avait été respecté par
l’imposition de sa figure. Par ailleurs, les deux parties s’étaient accordées quelques mois
auparavant sur la nécessité d’une réforme de la Constitution en faveur d’une décentralisation. Le
président Filipe Nyusi a appelé l’opposition à continuer son travail car « l’opposition ne fait de mal
à personne », affirmant que le pays ne pouvait être sans opposition si un accord de paix voulait
être trouvé. L’ancien député et secrétaire général de la Renamo Ossufo Momade a depuis été
désigné afin d’assurer la direction intérimaire du parti, dans l’attente de prochaines élections. Pour
ses quelques mois à la direction du parti, il a assuré vouloir prendre la même direction que celle
prise par Afonso Dhlakama. Le prochain congrès du parti est prévu pour mi-janvier 2019 et aura
lieu dans le district de Gorongosa. Parmi les candidats pour la présidence du parti, on retrouve
Manuel Bissopo, secrétaire général du parti, Ossufo Momade et Elias Dhlakama, frère de Afonso
Dhlakama.
Depuis la présidence du parti d’Ossufo Momade, les pourparlers avec le gouvernement ont semblé
avancé. Alors que la finalité visée par le gouvernement est le désarmement et le démantèlement
immédiat des unités armées du parti d’opposition, il a dans ce cadre concédé l’intégration
d’anciens rebelles dans la police et l’armée du pays. Des négociations similaires avaient été engagé
Mozambique 15
entre le président du pays et Afonso Dhlakama. Elles sont donc hautement symboliques et ont
pour but de montrer à la population et au Parlement (dans le cadre du travail de réforme
constitutionnelle) que le gouvernement entend bien accompagner le processus de paix par le biais
de discussions avec la Renamo.
Les élections locales qui se sont déroulées en octobre 2018 ont toutefois ravivé les tensions
politiques dans le pays. Elles devaient d’ailleurs être initialement annulées suite aux divergences
entre le gouvernement et l’opposition. Aucune loi pour encadrer les élections n’avaient pu être
adoptées, conséquence du bras de fer mené à propos de la démilitarisation des combattants de la
Renamo. Le gouvernement exigeait en effet la démilitarisation immédiate alors que la Renamo ne
promettait de l’engager que « d’ici aux élections ». Comme expliqué précédemment, un accord a
pu finalement être trouvé en intégrant des combattant au sein de la police et de l’armée. La
campagne électorale a donc fait ressurgir les discordances entre les deux partis. La Renamo a aussi
accusé son rival de fraudes électorales appuyées par la police. Le Frelimo, lui, a dénoncé des
violences des pratiques d’intimidation exercées par la Renamo pendant la campagne. Le Frelimo
est arrivé en tête des élections mais la Renamo a affirmé ne pas vouloir laisser s’installer ce
manque d’alternance politique dans le pays.
Les prochaines échéances dans l’agenda politique du Mozambique sont les élections présidentielle
et législatives prévues pour le 15 octobre 2019. Le président actuel briguera alors un second
mandat.
Ainsi, en ce qui concerne ses discours ou sa culture politique, le MDM ne représente aucune réelle
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alternative. Comme Guebuza et Dhlakama, Simango veut promouvoir la jeunesse et réduire les
inégalités territoriales. Il a été incapable d’établir un programme politique alternatif, avec des
propositions fortes qui auraient imposer la politisation du débat et non simplement sa
personnification. Dans la pratique, même si le MDM n’a pas réussi à empêcher le Frelimo d’obtenir
la majorité qualifiée, le MDM a marqué l’histoire en gagnant 3 sièges dans la circonscription de
Maputo, ce qui n’avait jamais été réussi par aucun parti d’opposition dans le “coeur politique” du
Mozambique, pas même par le Renamo.
Malgré les obstacles, il semble que le MDM ait les moyens de survivre en tant que parti politique
bien que cela dépende de sa gestion des sièges au Parlement, et de ses soutiens. Due à son
exclusion dans de nombreuses circonscriptions, ses possibilités d’accéder à davantage de sièges au
Parlement sont réduites. De plus, il ne faut pas oublier non plus la mainmise du Frelimo sur la vie
politique du Mozambique et sur les pots-de-vin qu’il distribue.
Le MDM, afin de s’imposer dans cette scène politique et renverser cet équilibre dual doit recruter
dans la base du Renamo à savoir les territoires ruraux. Il doit devenir une machine politique,
organisée, structurée, disciplinée, composée de militants dédiés, capables, et plus que tout, ayant
un programme politique clair qui se démarque des autres partis mozambicains afin de
concurrencer réellement le Frelimo lors des prochaines élections.
Il est important de mentionner que la principale force du MDM est celle de contrôler la ville de
Beira, ce qui a donc provoqué la perte du contrôle de cette ville par la Renamo depuis la scission
entre les deux partis. Les élections municipales d’octobre 2018 ont redonné la direction de la
municipalité au MDM.
Mozambique 17
4. Sociétés civiles et inciviles
Selon l'ITUC et son rapport sur les violations des droits syndicaux, les libertés syndicales sont
entravées de plusieurs manières au Mozambique.
- Les obstacles juridiques à l'établissement d'organisations.
L'établissement d'un syndicat nécessite une autorisation préalable par les autorités. La loi sur le
travail accorde un délai de 45 jours à l'organe central de l'administration du travail pour procéder
à l'enregistrement d'une organisation syndicale (ou d'une organisation d'employeurs).
- Les fonctionnaires et agents publics ne jouissent pas du droit syndical.
Un projet de loi prévoit de réglementer le droit d'association pour les fonctionnaires mais exclut
les sapeurs-pompiers, les fonctionnaires de la justice et les gardiens de prison.
- Le droit de grève est largement entravé dans le pays.
La loi prévoit, préalablement au droit de grève, un recours à l'arbitrage obligatoire – que l'ITUC
estime être une « procédure de conciliation et de médiation longue et complexe ». Cet arbitrage
est obligatoire pour les « services essentiels » dont la liste est trop longue selon l'OIT (secteurs
postaux, chargement et déchargement d'animaux et de denrées alimentaires périssables, services
de contrôle météorologiques, approvisionnement en combustible, zones franches). Le droit de
grève est interdit ou strictement limité dans l'ensemble des secteurs de cette liste. Les
fonctionnaires n'ont, pour leur part, le droit de faire grève que lorsque l'ensemble des recours
d'arbitrage ont été épuisés. L'organe de médiation et d'arbitrage peut également mettre fin à la
grève par simple décision.
- Les travailleurs impliqués dans des actions de grèves non autorisés risquent des sanctions
civiles ou pénales que l'ITUC estime « excessives ».
Pour les non fonctionnaires il s'agit d'une entrave à la liberté de travailler des non-grévistes, qui
constitue une infraction disciplinaire ; pour les fonctionnaires toute entrave au fonctionnement
normal du service public est punie d'emprisonnements et d'amendes.
Pour autant le Mozambique connaît parfois des mouvements sociaux, par exemple en février 2016
par les travailleurs de la mine de charbon de Moatize, gérée par la firme brésilienne Vale. La grève
a été provoquée par la décision d'annuler les primes aux travailleurs, en raison du manque de
rentabilité de la mine (provoquée en grande partie par la chute des cours du charbon). Les cinq
jours de grève ont abouti à des affrontements violents avec la police, qui a ouvert le feu sur les
grévistes, sans faire de morts. En août 2016, dans le cadre des négociations engagées entre les
deux partis, un accord préliminaire a été conclu. Celui-ci insiste sur la nécessité de se partager les
provinces afin de mettre fin aux rébellions. Par ailleurs, l’accord inclue l’élaboration d’une sous-
commission chargée d’encadrer es prochaines élections de 2019 par l’élaboration d’un ensemble
de dispositions législatives. Comme dit précédemment, cela impliquera une révision
constitutionnelle et législative. Cette partie de l’accord fait toujours l’objet de débats. La difficulté
d’encadrer les élections municipales d’octobre 2018 par des dispositions législatives a montré la
Mozambique 18
difficile entente entre les deux partis, surtout s’agissant des processus électoraux et de la marche
vers davantage de pluralisme.
Mozambique 19
5. Religions et libertés religieuses.
2
Observatoire de la liberté religieuse, https://www.liberte-religieuse.org/mozambique/
Mozambique 20
La liberté de religion est désormais garantie par la Constitution : « Tous les citoyens sont libres de
pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion ». La religion est cantonnée à l'espace privé :
l'instruction religieuse est formellement interdite dans les écoles publiques, et aucune fête
religieuse n'est tolérée dans l'espace public. La minorité musulmane dénonce une trop faible
représentation politique (au Parlement), et réclame le droit de pouvoir pratiquer plus librement
leur religion : ils revendiquent notamment le droit de porter le voile à l'école en dehors de la
période du Ramadan, et demandent que la fête de l'Eid al-Fitr soit reconnue jour férié (au même
titre que Noël, qui est jour férié par un moyen détourné, appelé Jour de la famille). L'Église
catholique, quant à elle, négocie encore avec le gouvernement pour se voir restituer ses biens
nationalisés en 1975.
Selon l'Observatoire de la Liberté Religieuse, il n'y a eu « aucun cas de violence liée à des questions
religieuses ou d'initiative portant atteinte à la liberté de religion de la part des institutions de
l'État ».
Les Églises jouent un rôle croissant dans la vie politique :
- À la suite de l'escalade récentes des tensions entre le Frelimo et le Renamo, l'Église
catholique et le Conseil chrétien du Mozambique ont fortement insisté en faveur de
l'ouverture de négociations directes entre les autorités étatiques et les représentants du
Renamo.
- Plusieurs représentants de l'Église catholique accusent le gouvernement d'être responsable
de la hausse des tensions sociales et des attaques contre les symboles et les représentants
du parti Renamo : ces tensions seraient « le résultat de l'absence d'éducation sociale,
morale et civile ».
Toutefois, on recense tout de même des épisodes de violences liées à aux religions, comme en
2013 avec un individu ayant mis le feu à deux chapelles de l'église apostolique. De plus, un pasteur
a été abattu dans la ville de Chimoio en février 2016, meurtre suspecté d’avoir été causé par des
rivalités avec d’autres Eglises.
Mais aujourd’hui, ce sont les dérives terroristes islamiques qui menacent le pays. Pour mieux
comprendre cette menace, il faut donc faire un historique de la présence islamique dans le pays et
la région. Selon Le Monde, « L’islam a une très vieille présence au Mozambique, particulièrement
sur la côte et dans le nord du pays. Plusieurs sultanats et cheikats existaient avant que le Portugal
n’occupe effectivement le territoire à la fin du XIXe siècle. ». Le système colonial a privilégié le
catholicisme, ce qui a expliqué son rôle dans le processus de paix. L’islam a cependant gagné du
terrain malgré les réprimandes de l’Etat colonial. Toujours selon Le Monde, « en 1975, les
musulmans constituaient officiellement 13 % de la population. Selon le recensement, ils étaient
17,8 % en 1997, mais ce chiffre est contesté par les musulmans, qui l’estiment trop bas. ». Les
musulmans du Mozambique appartiennent à différentes confréries. L’influence de l’Arabie
Saoudite a redynamisé le courant réformiste scripturaliste dans le pays dans les années 1970.
L’islam a ensuite souffert de la politique marxiste-léniniste du Frelimo et de sa proximité avec
l’Eglise catholique. Le Monde raconte ces mesures prises à l’encontre du culte musulman : « Le
Mozambique 21
président Samora Machel entra avec ses chaussures dans la principale mosquée du pays. Et le
gouvernement imposa des porcheries dans des zones et quartiers musulmans au nom du
développement. ». Les musulmans ont donc été marginalisés malgré leur forte présence.
Le 27 mai 2018, une attaque terroriste a été perpétré dans le nord du Mozambique par un groupe
d’extrémistes salafistes appelé Al-Chehbab par la population. Le groupe, de son véritable nom
Ansar al-Sunna, avait déjà frappé la province quelques mois auparavant en s’introduisant dans un
commissariat et une caserne. Dix personnes ont donc été décapité dans le village de Monjane. Le
groupe a trouvé refuge en Tanzanie et réclame « une plus grande rigueur, en dénonçant l’impiété
de la société et encore plus, du régime3 ». Il est apparu dans la région en 2014, région minée par le
trafic de drogue. Le gouvernement avait déjà riposté contre ce groupe islamique avec violence à la
suite de l’attaque d’octobre 2017. Ces ripostes avaient cependant été contreproductives, puisque
le groupe avaient gagné en effectif : la population se sent abandonnée par le gouvernement, qui
ne parvient pas à lutter contre le trafic de drogue dans la région. Il s’agit des premières attaques
terroristes en Afrique australe, zone qui étaient jusque-là épargnée par le terroriste islamique. Ces
attaques constituent donc un grand défi pour le gouvernement, même s’il a tenu à rassurer la
population en assurant qu’il n’existait aucun lien entre Ansar al-Sunna et les Chebab qui sèment la
terreur en Somalie.
3
« Des islamistes frappent le Mozambique », La Croix, Laurent Larcher, 30 mai 2018,
https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/islamistes-frappent-Mozambique-2018-05-30-1200943068
Mozambique 22
6. Résurgences et instrumentalisations de conflits ethniques et de
mémoire précoloniale.
Le Mozambique connaît une très forte diversité linguistique avec près de trente langues parlées,
les principales étant le macua, le tsonga, le lomwe, le sena et le portugais.
Mozambique 23
7. Situation économique
Comme nous l’avons vu précédemment, les années de colonisation et la guerre civile qu’a
connu le Mozambique ont mis à mal son développement économique. Pour preuve, le
Mozambique demeure l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Son PIB par habitant est de 515
$US constants en 2016 d’après la Banque Mondiale (382 $US courants en 2016), ce qui le situe à la
178e place mondiale en PPA sur 184 pays pris en compte. Le rapport du PNUD sur le
développement humain le classe en 2018 en 180 ème position (sur 189 pays classés) avec une valeur
de 0,437, même si le pays a connu une augmentation de 108,9% de 1990 à 2017. Avec le seuil de
pauvreté national définit par la Banque mondiale, 46,1 % de la population vivait toujours sous le
seuil de pauvreté national en 2014.
L’espérance de vie dans le pays est rythmée par les épisodes de pandémies comme la tuberculose,
le choléra et le sida, très présent en Afrique australe, ainsi que par le paludisme. Les catastrophes
aggravent les difficultés de développement (voir précédemment).
Le pays est marqué par des contrastes spatiaux et un faible niveau de développement mais n’en
est pas pour autant un pays marginalisé. Il a en effet plusieurs arguments à faire valoir.
Mozambique 24
Les atouts économiques du Mozambique : l’exploitation des
ressources naturelles
Source : monde-diplomatique.fr/cartes/mozambique
sylviculture. Le Mozambique recèle également d’importants gisements de charbon (10èmes
réserves mondiales), de sables lourds (dérivés du titane) et de graphite (1ères réserves mondiales)
qui commencent à être exploités à grande échelle. Ainsi, le pays encourage et attire les
investissements directs à l’étranger. De grands projets sont lancés dans le pays, favorisés par un
statut de “succès africain” auprès des bailleurs de fonds, d’apparente stabilité politique et d’un
credo libéral qui inspire confiance.
4
Fabrice Folio, « Regards sur le Mozambique contemporain », EchoGéo n°7, 2008
Mozambique 25
réduction de la pauvreté.
De plus, le tout demeure largement dépendant de l’extérieur que cela se manifeste par les
investisseurs, les bailleurs ou les visiteurs étrangers. Il interroge quant à la durabilité et aux leviers
réels de ses interventions étrangères sur le développement local. Les entreprises nationales, en
amont comme en aval, y ont été assez peu associées. De plus, la suspension des aides des bailleurs
de fonds à la suite du scandale des dettes cachées (voir chapitre suivant) a considérablement
affecté le secteur des transports, ce qui a donc freiné les relations du pays avec ses voisins. Le port
de Beira, par exemple, ne semble aujourd’hui plus à même d’assurer les échanges sur le plan
régional et international de par son ancienneté.
Pour finir, comme le met en avant Fabrice Folio dans Regards sur le Mozambique contemporain,
les contrastes spatiaux au Mozambique sont réels. De fortes disparités existent entre l’extrême
sud, polarisé par la capitale, et le reste du pays. Selon lui, « il s’agit de la principale clé de lecture
de l’organisation spatiale nationale et elle tend à se renforcer. La capitale est devenue la “vitrine”
du nouveau Mozambique. Elle attire de nouveau les touristes en jouant de sa carte culturelle
(patrimoine portugais, quartier et marché populaire) et balnéaire (Costa do Sol, île d’Inhaca) (...).
Les élites du parti au pouvoir, les coopérants ainsi que les entrepreneurs étrangers s’y sont
établis5 ». Les cartes ci-dessous témoigne de cette disparité spatiale forte.
Un des clivages, d'ordre économique, est relativement ancien mais s'est accentué à la fin du XXe
siècle. L'extrême sud, notamment la région-capitale, bénéficie d'un développement plus important
que les régions centre et nord. En 1999, l'I.D.H. de la ville de Maputo était de 0,603 et celui de la
province de Maputo de 0,407, alors que celui des provinces de Nampula et de Zambézia, où vit 40
p. 100 de la population nationale, n'était respectivement que de 0,198 et 0,17. Dans la province du
Niassa, 70 p. 100 de la population vivaient au-dessous du seuil de pauvreté absolue (moins d'un
dollar par jour). Les inégalités régionales et à l'intérieur même de la capitale, où près de 40 p. 100
des habitants vivaient au-dessous du seuil de pauvreté absolue sont donc immenses. Elles
s'expriment notamment par un taux de mortalité infantile supérieur dans le nord (près de 20 p. 1
000 contre 12 p. 1 000 dans le sud) et par une espérance de vie inférieure (moins de 40 ans au
nord contre plus de 45 ans au sud). Cela reflète la fin de l'hégémonie économique du Mozambique
colonial, amorcée dès 1907 avec la décision de déplacer la capitale de Mozambique à Lourenço
Marques (actuel Maputo) afin de rapprocher le pouvoir politique du dynamisme de l'économie
sud-africaine, puis confirmée par la convergence entre les décisions politiques prises dans le cadre
de la politique de réhabilitation des années 1990 et la localisation des investissements sud-
africains.
Tout ceci contribue à détériorer le climat des affaires dans le pays. L’indicateur Doing Business a
classé le pays 137ème sur 190 en 2017, le faisant perdre alors trois rangs par rapport au classement
de l’année précédente.
Mozambique 26
les dépenses totales sont estimées à 5,05 milliards de dollars (302,9 milliards de meticais) 6 »
Selon les annonces du ministre de l’économie et des finances Adriano Maleiane, « L’éducation, les
infrastructures routières et la santé, concentreront la majorité des investissements, avec
respectivement 22,6%, 13,2% et 11,5% du budget global. En outre, l’Etat envisage le recrutement
de 10 000 nouveaux agents dont 5 213 dans l’éducation, 2 019 dans la santé pour pallier le
manque cruel de ressources humaines dans ces sous-secteurs. »
Les dépenses liées aux secteurs publics ont eu pour but d’être réduites au moyen de plusieurs
mesures d’austérité. Les allocations au logement de certains fonctionnaires ont été réduite, une
des mesures qui devraient permettre au pays d’économiser jusqu’à 18 millions $ en 2018.
L’Agence Ecofin ajoute : « Au vu des prévisions de recettes de l’Etat et des dépenses inscrites dans
la loi de finances de l’an prochain, le gouvernement prévoit un déficit budgétaire de 8,1% du
produit intérieur brut (PIB), un chiffre en baisse de 2,6% par rapport à celui de l’année en cours. »
6
« Mozambique : un budget 2018 tourné vers les secteurs socio-économiques », agenceecofin.com, 12 décembre
2017.
Mozambique 27
La structure du territoire mozambicain
Source : Fabrice Folio, Regards sur le Mozambique contemporain, Dynamiques historiques et recompositions socio-
spatiales d’une façade stratégique
Mozambique 28
Moyens sanitaires mis à la disposition de la population
L’accès aux soins est très disparate. Le gouvernement ne dispose pas des ressources nécessaires
pour améliorer efficacement la situation dans le pays. Selon l’Observatoire mondial de la santé, le
pays consacre 6,98% de son PIB aux dépenses de santé, chiffres datant de 2014. Les dépenses
privées constituent 43,5% des dépenses de santé (2014), ce qui prouve là aussi la capacité limitée
du gouvernement. Le budget de santé du gouvernement n’a cessé de diminuer et reste trop bas.
Alors que l’OMS recommande une dépense publique pour les soins de santé de 60 dollars par an
et par habitant, le Mozambique, n’y consacre que 13 dollars. Ainsi, seul 1,2% de la population
bénéficie de la sécurité sociale obligatoire et 1,1% d’une protection sociale de base.
La province de Maputo est la mieux équipée en termes d’accès aux soins. La capitale dispose en
effet de l’hôpital le plus grand et le plus moderne du pays et de plusieurs cliniques privées. L’accès
rapide à un poste de soin est un privilège dans un pays où 50% de la population vit à plus de 45
minutes à pied d’un poste de santé. La plupart des infrastructures ont en effet été ravagées par la
guerre civile.
En termes d’accès aux médicaments, il s’est nettement amélioré depuis que les importations de
médicaments peuvent être effectuées par des sociétés privées (elles étaient auparavant un
monopole de l’Etat). Également dans ce secteur, le pays est dépendant de l’aide des bailleurs
internationaux. Les bailleurs se rassemblent au sein du Prosaude, mécanisme commun de
financement aux seize bailleurs de l’aide dans le secteur de la santé). L’achat des médicaments se
font donc grâce au financement de l’Etat, qui dépense environ 100 millions de dollars, appuyés par
les bailleurs internationaux. 80% de cette dépense est destiné aux antirétroviraux. Les
médicaments sont en partie gratuits ou subventionnés par le secteur public. Certains
médicaments, comme les antirétroviraux ou les médicaments contre la tuberculose et le
paludisme, sont gratuits dans les pharmacies publiques. Dans les pharmacies privées, l’accès aux
soins est beaucoup plus coûteux et inaccessible pour la majeure partie de la population. Ce qui
différencie ces deux types d’établissements est la disponibilité des médicaments. La moitié des
médicaments disponibles dans le pays ne le sont pas dans les pharmacies publiques. Ceci participe
au développement du marché des médicaments falsifiés.
Il est donc important de faire état de l’existence d’un marché médicamenteux informel. Il est
difficile d’estimer le nombre de médicaments falsifiés. Toutefois, le Ministère de la Santé estime
que le réseau public et le réseau privé formel rassemblent 90% des médicaments mis en vente. En
plus des 10% de produits illégaux, 40 à 60% des médicaments issus du réseau formel auraient des
problèmes de qualité.
Mozambique 29
On constate aussi un manque de personnel soignant. Le pays ne comptait que 46 docteurs en
pharmacie en 2006, même si un projet d’enseignement public a depuis été mis en place dans
l’université Eduardo Mondlane.
En outre, les organisations internationales ont développé leurs aides au pays. L’Assistance
officielle au développement (AOD) de l’OMS a augmenté de 346% de 2001 à 2011. Le Millenium
Development Goals numéro 6 (MDG6) vise à réduire la propagation du virus HIV et du SIDA, à
augmenter l’accès aux médicaments et à réduire les impacts de la malaria et d’autres maladies
majeures. Ces objectifs représentent 68% des dépenses de l’OMS dans le pays, comme le souligne
le document joint. L’aide est en majeure partie financée par les Etats-Unis (voir document).
Mozambique 30
Part et répartition des contributions de l’aide de l’OMS dans le cadre de l’AOD, de 2001 à 2011
Source : World Health Organization, Official Development assistance (ODA) for health in Mozambique
Mozambique 31
La lutte contre les maladies vectorielles s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale qui dépasse
les frontières. Cela passe par un diagnostic des populations atteintes et la mise en place rapide des
traitements pour endiguer la propagation des virus. Après de gros progrès, la lutte contre le
paludisme a régressé depuis 2015, comme l’indique le rapport de l’OMS. Selon l’ancien ministre
de la santé éthiopien et actuel directeur du programme Roll back Malaria, « On ne peut plus se
contenter du « business as usual», il est impératif d’amener des réponses différentes de ce que
l’on a fait jusqu’à aujourd’hui si l’on veut espérer pouvoir combattre l’un des défis de santé les
plus importants auquel nous faisons actuellement face.» Dans le cas du Mozambique, il s’agit
avant tout de sensibiliser à l’importance de la lutte contre le paludisme et les maladies
vectorielles.
La situation sanitaire dans le pays a aussi de lourdes conséquences sur la démographie et donc sur
l’économie. La population a en effet augmenté de 40% de 1997 à 2017. L’autre fait majeur est
l’augmentation du nombre de grossesses précoces. Elles sont dues aux pratiques sociales du
mariage dès le plus jeune âge, mais aussi au manque de sensibilisation des jeunes femmes. Seules
un quart des mozambicaines utilisent un moyen de contraception aujourd’hui. Les conséquences
économiques sont nombreuses, l’augmentation de la population nécessitant le développement
d’infrastructures pour ne pas empirer la situation. Il s’agit en fait d’un cercle vicieux qui peut être
endiguer par une baisse du taux de natalité puis par une amélioration des infrastructures
sanitaires.
Ainsi, même si le gouvernement peine à prendre en charge les questions sanitaires dans le pays,
on voit une réelle volonté d’améliorer les conditions. Cette amélioration passe, d’une part, par
l’augmentation de la part du budget alloué à la santé et un meilleur accès aux soins ; d’autre part,
par une coordination avec les institutions internationales d’aide au développement afin
d’optimiser cette aide afin qu’elle constitue un meilleur ressort pour favoriser l’action du
gouvernement.
Mozambique 32
9. Le scandale des “dettes cachées”
Le contexte :
Le Mozambique a connu une décennie de croissance économique forte, avec des taux supérieurs à
6% par an en moyenne et un régime stable dominé par un seul parti -le Frelimo- depuis la fin de la
guerre civile en 1992. Il a ainsi été présenté comme un des succès économiques du continent
africain. Dirigés par d’anciens marxistes- léninistes convertis au capitalisme, les gouvernants
mozambicains ont privatisé ainsi 800 des 1 250 entreprises publiques entre 1989 et 1998 comme
le met en avant une note de l’Ifri, La crise financière du Mozambique Un pays modèle remis en
cause.
Pour soutenir cet effort, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont accepté
que 90 % des prêts qu’ils ont accordés à l’État afin de soutenir les petites et moyennes entreprises
ne soient pas remboursés, ce qui est loin d’être négligeable ans la mesure où l’aide internationale
contribuait pour 51,4 % au budget de l’État en 2010. En 2011, le pays constitue la troisième
destination des IDE en Afrique derrière l’Angola et l’Afrique du Sud : le stock d’IDE a dépassé 1,9
milliard de dollars. En 2013, il atteint 6 milliards en 2013, devant même le Nigéria et l’Afrique du
Sud selon une étude du Financial Times sur les investissements de création de capacités ou
greenfield. Cette politique néolibérale a donc semblé porter ses fruits aux vues des taux de
croissance du Mozambique de cette dernière décennie, ce qui a été renforcée par la découverte
d’énormes réserves de gaz au large des côtes mozambicaines dans les années 2010 comme nous
l’avons déjà abordé. La dynamique de l’économie mozambicaine était donc présentée comme le
nouvel eldorado africain pour les investisseurs étrangers.
Cependant, cette “success story” en Afrique subsaharienne semble avoir pris fin en avril 2016 suite
aux révélations d’emprunts cachés contractés par les autorités politiques, à hauteur de 2 milliards
de dollars. Cette découverte a en effet plongé le pays dans un scandale international engendrant
des sanctions des bailleurs de fonds et des grandes instances internationales provoquant elles-
mêmes une crise financière importante dans le pays. Il s’agit ici d’évaluer en quoi ce scandale est si
conséquent et ce qu’il révèle sur l’avenir du Mozambique tant sur la scène internationale qu’au
niveau interne, que cela soit dans la sphère politique, économique ou sociale.
Quels emprunts ?
Au début du mois d’avril 2016, des journaux africains révélaient que l’État mozambicain avait
contracté entre 2013 et 2014 deux prêts, de 622 et 535 millions de dollars, sans même l’avis des
bailleurs internationaux et du Parlement, qui concernent les sociétés Proindicus et Mozambique
Asset Management (MAM). Dans la liste des dettes contractées, on trouvait déjà celle de la société
Empresa Moçambicana de Atum (Ematum) d’un montant de 850 millions de dollar en 2013. Ces
trois sociétés sont des entreprises à capitaux publics de droit privé étaient principalement
détenues par les services secrets mozambicains qui avaient obtenu des garanties d’État pour ces
emprunts. Il s’agissait donc de mécanismes de dissimulation financière de certains dignitaires du
régime. Les raisons de ces emprunts étaient en effet à l’origine d’ordre économique mais
Mozambique 33
l’enquête a peu à peu montré que ces emprunts ont servi à l’achat de matériels militaires et
navals ; même si un doute persiste dans la mesure où les montants empruntés ne couvrent pas la
totalité des achats. Le Gestão de Investimentos, Participações e Serviços (GIPS), une émanation
des renseignements mozambicains (SISE) et dont la supervision revient au ministère de l’Intérieur
est le responsable de ses emprunts cachés.
Quelles conséquences ?
Ce scandale révèle les dessous du succès économique mozambicain, à savoir un changement de
cap et des privatisations qui ne profitent pas à l’ensemble de la population et accroit les inégalités
dans le pays. La plupart des entreprises ont été privatisé dans la plus grande opacité ; ne
bénéficiant ainsi qu’aux personnes proches du pouvoir.
10
Ibid.
11
« Au Mozambique, « l’hypocrisie » des Occidentaux face à la dette du pays est dénoncée », LeMonde.fr, Adrien
Barbier, 22 décembre 2018
Mozambique 35
gouvernement vise plutôt à conclure un accord de restructuration avec ses créanciers concernant
la dette obligataire d’un montant de 850 millions de dollars – celle qui est en défaut depuis janvier
2017.
Le scandale des dettes cachées visant finalement l’acquisition de matériels militaires a laissé voir
qu’une grande partie des sommes contractées s’est évaporée et qu’elle a donc pu servir au
Frelimo à renforcer ses capacités militaires terrestres pour en finir avec la Renamo. Ce sont en
effet 500 millions de dollars qui ont disparu, selon un audit du cabinet Kroll révélé en juin 2017. La
révélation des emprunts cachés a intensifié les rivalités entre les deux partis, même s’ils ont été
contraints à négocier.
Comme le mettent en avant les deux auteurs du rapport de l’Ifri, « en plus d’être une demande
des bailleurs, la reprise des négociations vise aussi à rassurer les investisseurs étrangers qui ont
ralenti le processus de développement des projets gaziers en attendant de voir l’issue de ce
conflit. Les négociations ont donc repris sous l’égide d’une équipe de médiateurs internationaux
composée du Vatican, de l’Union européenne, des anciens présidents du Botswana (Quett Masire)
et de Tanzanie (Jakaya Kikwete), du gouvernement sud-africain et d’Inter-Mediate 12 ». Alors
ministre de la Défense, Filipe Nyusi a rejeté la responsabilité sur le président de l’époque Armando
Guebuza. Toutefois, il a rapidement été atteint le scandale, ce qui a porté atteinte à l’unité du
Frelimo.
L’hégémonie du Frelimo n’a pas été remis en cause. Les appels à manifester au sein de la société
mozambicaine avec pour mot d’ordre « Stop à la corruption » ont jusque-là été contenus par les
démonstrations de force de l’appareil sécuritaire et, depuis fin avril 2016. Le mécontentement
populaire n’a pas fait descendre les Mozambicains dans la rue. Cela tend donc à nuancer le poids
de la société civile dans le pays et à l’inverse à montrer le poids toujours très important du
Frelimo.
Quant aux relations entre les deux partis, la Renamo a affirmé sa fermeté face à la situation. Le
porte-parole du parti Jose Manteigas a assuré : « Nous refusons toute renégociation car cela va
continuer à créer des problèmes pour le pays. Nous exigeons que ceux qui ont contracté cette
dette et ceux qui ont détourné l’argent soient poursuivis 13 ». Cela vise donc directement certains
dirigeants du Frelimo ainsi que les proches du parti. La situation a particulièrement défié la
position de Filipe Nyusi, pourtant quasi certain d’assurer un nouveau mandat en 2019. Il se
retrouve désormais en position délicate, entre les exigences du FMI qui demande la vérité sur
l’affaire en échange de la reprise de son aide, et celles du Frelimo qui fait pression pour garder le
silence sur l’affaire. Dans la perspective des élections de 2019, c’est donc plutôt le côté de son
parti que semble avoir pris le président.
12
Ibid, p.22.
13
« Mozambique : l’énorme « dette cachée » fait fuir investisseurs et créanciers », FranceTvInfo.fr, Mohamed Berkani,
28 mars 2018.
Mozambique 36
Dans le cadre de l’enquête américaine, les « Tuna Bonds », l’ancien ministre des Finances du pays
Manuel Chang a été arrêté en décembre 2018 à Johannesburg par la police locale en vue de son
extradition aux Etats-Unis.
L’ex-ministre était recherché pour conspiration à des fins d’ « escroquerie en ligne », « fraude aux
assurances » et « blanchiment d’argent ». La justice américaine s’intéresse, dans le cas du
Mozambique, à la responsabilité de trois grandes banques européennes dont Crédit Suisse et BNP
Paribas. Un cadre de Privinvest, entreprise qui a fourni les équipements aux trois entreprises
concernées a été arrêté à New York. L’enquête et les arrestations qui s’en suivent n’en sont donc
qu’à leurs débuts.
Une enquête a été menée dans le pays dans le cadre d’une Commission d’enquête parlementaire
pour déterminer les personnes impliquées dans ce scandale et le poids de leur responsabilité. Le
rapport a confirmé la responsabilité notamment d’Armando Guebuza, la violation des lois et de la
Constitution et la responsabilité des trois entreprises. Toutefois, il n’éclaire pas sur les utilisations
de l’argent, sur le jugement des responsables et sur le rôle du Président Filipe Nyusi. Il n’éclaire
pas non plus sur le rôle joué par Privinvest.
Les conséquences de ce scandale sont donc nombreuses et indéniables. Que cela soit au niveau de
son économie ou des sanctions imposées sur la scène internationale, cet événement a permis de
montrer la dépendance du Mozambique à l’aide internationale, aux IDE, sa vulnérabilité dans le
commerce international, très dépendant de l’étranger de par ses exportations et importations. Ce
scandale a également mis en avant le fait que le Mozambique est toujours dans un régime
politique où une certaine élite au pouvoir a la mainmise sur les ressources du pays. C’est en effet
tout l’appareil d’Etat qui a été impliqué dans cette affaire (services de renseignements, ministères
de l’Intérieur et de la Défense, le président Armando Guebuza…) Ainsi, la résilience de l’Etat
mozambicain des conséquences de ces dettes cachées est comprise si des réformes ne sont aps
engagées pour offrir davantage de transparence et de séparation des secteurs privé et public.
Il est également intéressant de voir que pour répondre à cette crise, les autorités mozambicaines
ont décidé de se tourner vers les pays émergents. En effet, les dirigeants mozambicains,
sanctionnés par les bailleurs traditionnels font désormais appel à de nouveaux partenaires tels que
la Turquie, la Chine et l’Inde. Leurs liens sont effectivement de plus en plus forts, ce que nous
allons étudier maintenant.
Mozambique 37
10. Les relations Mozambique/Asie
Dans un contexte de mondialisation avancé, l’Asie entend servir ses intérêts stratégiques à travers
le développement de relations bilatérales envers le continent Africain. En effet, ces deux berceaux
de l’humanité sont interconnectés depuis des siècles. Dans cette partie, nous mettrons en avant
l’ancienneté et la diversité des relations bilatérales qu’entretiennent deux pays très influents, que
sont la Chine et l’Inde avec le Mozambique et comment ces échanges influent sur son
développement durable.
Depuis une quinzaine d’années, les relations entre les deux Etats ne cessent de se développer. La
classe politique du Mozambique, est en effet très réceptive à l’intérêt de la Chine, l’ancien
Président Guebuza (2005-2015) le considérant comme “un partenaire et non un néo-colonisateur”
Mozambique 38
sein quelques médecins chinois. Dans le secteur éducatif et culturel, plusieurs institutions ont mis
en place des cours de chinois mandarin. Enfin de nombreux étudiants mozambicains ont
l'opportunité de partir étudier en Chine grâce au bourse gouvernementales.
Mozambique 39
à Quelimane, dans la province de Zambézie. Ces deux compagnies étaient accusées de violences
physiques et mentales à l’encontre de leurs employés mozambicains. Ces compagnies ont rouvert
leurs portes après avoir présenté “des excuses publiques” à leurs employés et à la population de
Quelimane.
Le Mozambique a intégré depuis la fin du XIXème siècle une population d'origine indienne. L'inde
comme d'autre pays émergents (Brésil, Chine) s’intéresse de plus en plus au continent africain
dans une course à la sécurisation de ses besoins énergétiques et miniers. Le charbon apparaît
comme le principal objectif, prochainement exploité par la multinationale Tata steel au sein d'un
consortium constitué avec Riversdale.
Le Mozambique entretient des bonnes relations avec tous les pays africains avec un passé
marxiste. La coopération est particulièrement étroite avec l'Angola, qui en plus d’avoir été
Mozambique 40
marxiste et lui aussi lusophone.
Par ailleurs, le pays a fait preuve de son soutien aux pays marxistes en soutenant l’Algérie dans son
contentieux avec le Maroc concernant le problème du Sahara. D’ailleurs, le pays est si fortement
ancré dans sa tradition marxiste qu’il est des derniers à soutenir avec l’Angola et le Zimbabwe
alors que le paradigme marxiste/ pro-américains n’est plus pertinent avec la montée en puissance
de forces régionales en Afrique telles que l’Inde, la Turquie et la Chine.
Les relations entre Moscou et Maputo sont cependant très développées, et ce depuis les années
1960, quand la Russie s’est mise à soutenir le Frelimo dans son opposition au colonialisme
portugais. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été officiellement établies le 25 juin
1975, peu après l’indépendance du Mozambique, et une coopération économique et dans le
secteur de la défense a été instaurée.
Les Portugais sont les étrangers les plus employés au Mozambique, avec environ 23.000
ressortissants dans le pays. De nombreux jeunes Portugais fuyant la crise en Europe sont venus
tenter l'aventure mozambicaine, parfois sans succès. Ce mouvement tend toutefois à se stabiliser
car la situation économique s'est améliorée au Portugal, tandis que le Mozambique a durci les
conditions d'entrée.
Mozambique 41
Bibliographie :
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