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EMC-Dentisterie 1 (2004) 349–360

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PARODONTOPATHIES ET HYGIÈNE BUCCODENTAIRE

Prophylaxie des parodontopathies et hygiène


buccodentaire
Periodontal disease: prophylaxis and oral hygiene
procedures
J.-M. Svoboda (Maître de Conférences, praticien hospitalier) *,
T. Dufour (Interne en odontologie)
Section de parodontologie, UFR d’odontologie de Reims, 2 rue du Général Koenig, 51100 Reims France

MOTS CLÉS Résumé Le développement des parodontopathies est en relation avec la présence de
Hygiène plaque dentaire (ou biofilm). L’accumulation de ces dépôts bactériens crée une niche
buccodentaire ; écologique où chaque espèce bactérienne va pouvoir se développer, favorisant ainsi une
Brosse à dents ; flore pathogène pour le parodonte. Si le travail du chirurgien-dentiste consiste à éliminer
Fil dentaire ;
les dépôts tartriques et bactériens de manière mécanique ou chirurgicale, il doit
Brossage ;
Révélateur de plaque
également enseigner au patient les techniques d’hygiène buccodentaire à appliquer
dentaire ; quotidiennement. Cet enseignement répondra à trois objectifs : le matériel disponible,
Phase de soutien l’utilisation de ce matériel et l’adaptation à la situation clinique propre à chaque patient.
Associé à un entretien professionnel régulier, l’hygiène buccodentaire individuelle doit
permettre de maîtriser l’évolution des parodontopathies et demande un contrôle perma-
nent de la part du patient et du praticien.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS
Abstract Periodontitis development is related to the presence of dental plaque (biofilm).
Oral hygiene Bacterial deposit accumulation creates an ecological niche where each bacterial species
procedure; will be able to grow, promoting the development of a pathological periodontal flora.
Toothbrush; Dental surgery has to eliminate, mechanically or surgically, calculus and bacterial
Dental floss; deposits, but the surgeon must also teach the patient daily oral hygiene procedures. This
Teeth brushing; information must be adapted to the nature of the available material, its utilisation, and
Disclosing agents; the adequacy of its use regarding the specific clinical situation of the patient. Associated
Supportive care with regular professional cleaning interventions, individual oral hygiene procedures must
allow controlling periodontitis evolution; it necessitates permanent follow-up by both the
patient and the practitioner.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction est nécessaire de s’intéresser au rôle fondamental


joué par l’accumulation bactérienne aux différen-
Pour évaluer l’importance de l’hygiène buccoden- tes surfaces que représentent les dents et les tissus
taire dans la prévention des parodontopathies, il mous. La facilité avec laquelle les micro-
* Auteur correspondant. organismes peuvent coloniser ces sites est en rap-
Adresse e-mail : svoboda.jm@wanadoo.fr (J.-M. Svoboda). port avec la multitude de niches, fissures et anfrac-
1762-5661/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcden.2004.08.002
350 J.-M. Svoboda, T. Dufour

tuosités présentes ; les moyens physiques de


nettoyage représentés par la langue, les joues et
les lèvres peuvent être qualifiés de défense super-
ficielle dans la mesure où l’atteinte des endroits
difficiles d’accès est impossible.
Si le dentifrice est actuellement considéré
comme le principal vecteur de fluor, la brosse à
dents reste l’élément indispensable à son applica-
tion et surtout à l’élimination mécanique de la
plaque dentaire.

Importance de l’élimination de la plaque


supragingivale Figure 1 Patient sans aucune hygiène buccodentaire.

L’action d’une prophylaxie individuelle a pour but


Les études de Löe1 ont clairement établi que l’ac-
de maîtriser l’accumulation de plaque dentaire su-
cumulation de plaque dentaire entraînait l’appari-
pragingivale, indispensable au développement de
tion d’une inflammation gingivale, réversible lors
la plaque sous-gingivale, beaucoup plus pathogène
de la reprise des techniques d’hygiène buccoden-
pour les tissus parodontaux et impliquée dans la
taire. La plaque dentaire est un des nombreux
progression des maladies parodontales.5 De nom-
biofilms du corps humain, retrouvé dans la cavité
breuses études à long terme ont prouvé qu’un haut
buccale et difficile à éliminer. Il est constitué de
niveau d’hygiène buccale pouvait réduire, voire
400 à 1000 espèces bactériennes, toutes en relation
éviter la progression d’une parodontite.6–9
les unes avec les autres, et devant faire face à des
La phase de soutien (ou phase de maintenance)
situations favorables ou défavorables à leur crois-
effectuée par le professionnel de santé reste la
sance. Une étude récente de Thien-Fah Mah2 (2003)
condition indispensable à la stabilisation d’une pa-
a montré que la croissance de Pseudomonas aeru-
rodontite traitée, mais l’hygiène quotidienne du
ginosa développe une résistance aux antibiotiques
patient en est le garant au long terme, voire peut-
beaucoup plus complexe lorsqu’il croît sous forme
être même la condition indispensable à ce succès.10
de biofilm que lorsqu’il est mis en culture seul.
Si la brosse à dents et le dentifrice sont les plus
Appliqué à la cavité buccale, il est possible de
connus des matériels utilisés, les moyens complé-
comparer la plaque dentaire à un véritable « tissu
mentaires le sont peu du grand public, même dans
bactérien » dont la virulence est très supérieure à
des pays mieux informés par les moyens de commu-
une simple association de bactéries. Si cette com-
nication modernes.
plexité implique une modification de nos thérapeu-
tiques médicamenteuses, l’importance de l’élimi-
nation quotidienne de la plaque dentaire apparaît
encore plus fondamentale dans nos thérapeutiques Moyens d’élimination de la plaque
parodontales. La présence de salive et l’action dentaire
naturelle des muqueuses, joues et langue contri-
buent à l’élimination des débris alimentaires situés Brossage
sur les dents, mais n’est pas suffisante pour élimi-
ner la plaque dentaire, véritable « colle » impré- La brosse à dents est l’instrument couramment
gnée aux diverses surfaces présentes, surtout si le utilisé pour éliminer la plaque dentaire, alors que
patient ne prend pas soin de l’éliminer quotidien- d’autres instruments moins élaborés sont retrouvés
nement (Fig. 1) selon les traditions ou cultures existant dans les
Il est donc indispensable que le patient utilise de différents pays.
façon régulière des instruments d’hygiène adaptés Quels sont les critères à prendre en considéra-
à sa propre bouche ; le praticien doit donc le tion pour éliminer la plaque dentaire lors du bros-
motiver, lui enseigner ces techniques et bien sage dans les meilleures conditions ?
connaître tout le matériel disponible. • la forme de la brosse ;
Des études ont montré que même si ces techni- • l’habileté de l’utilisateur ;
ques bien utilisées peuvent empêcher le dévelop- • la fréquence et la durée d’utilisation.
pement d’une gingivite, elles ne sont pas suffisan- Ces trois critères devraient être suffisants pour
tes si une thérapeutique professionnelle n’est pas maintenir un niveau d’hygiène buccale élevé à long
parallèlement mise en œuvre de façon adéquate.3,4 terme ; malheureusement, il semble que la techni-
Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire 351

que la plus couramment utilisée soit une technique Il existe une multitude de brosses à dents, mais
de brossage horizontal, pendant un laps de temps avec pour chacune une conception différente, tant
trop court, la durée idéale reconnue par les profes- dans le matériau que dans la présentation (Fig.
sionnels étant de deux minutes par jour.11 4,5).
Parmi les brosses à dents disponibles actuelle-
Brosse à dents ment sur le marché, on ne peut affirmer avec
Il arrive encore, pour des raisons économiques ou certitude qu’une possède toutes les qualités requi-
d’éducation, qu’une même brosse à dents soit uti- ses ou est supérieure aux autres.
lisée par toute la famille ! et que la notion d’usure Certaines formes visaient à atteindre toutes les
ne soit pas comprise par tous les patients (Fig. 2). faces dentaires en même temps (Fig. 6) et en
multipliant la direction des rangées de poils (Fig.
Idéalement, quels sont les critères de qualité 7), un meilleur accès aux surfaces proximales a été
d’une brosse à dents (Fig. 3) ? recherché.
Ils ont été définis lors du Workshop européen sur En ce qui concerne la densité idéale et la dureté
le Contrôle de Plaque :12 des poils, peu de différences sont trouvées d’un
• avoir une taille adaptée à l’âge du patient et à point de vue clinique quant à leur efficacité à
sa dextérité ; éliminer la plaque dentaire.
• avoir une taille adaptée à la bouche du patient ; De toutes les études, bien souvent à court terme
• avoir des poils en nylon ou polyester dont les et impliquant des patients particulièrement moti-
pointes sont arrondies avec un diamètre de vés comme des étudiants en chirurgie dentaire, il
20/100 de millimètres au maximum ; ne ressort pas une brosse à dents idéale ; en fait, la
• avoir une douceur de poils compatible avec les meilleure brosse à dents sera celle utilisée de la
normes internationales (normes ISO) ;
• avoir des extrémités de poils favorisant l’élimi-
nation de la plaque dentaire dans les espaces
proximaux et le long de la gencive marginale.

Figure 4 Vue au microscope électronique à balayage de poils de


brosse à dents neuve.

Figure 2 Brosse hors d’utilisation.

Figure 5 Vue au microscope électronique à balayage de poils


Figure 3 Brosses à dents neuves. d’un autre type de brosse à dents également neuve.
352 J.-M. Svoboda, T. Dufour

Technique verticale (technique de Leonard)


La position de la brosse est identique à la technique
précédente ; seul le mouvement change, devenant
vertical, parallèlement au grand axe de la dent.

Technique de Stillman (vibratoire)


La tête de la brosse est positionnée obliquement
vers l’apex, recouvrant la zone gencive marginale-
partie cervicale de la couronne, puis un léger mou-
vement vibratoire est effectué, sans déplacer la
brosse.

Technique de Stillman modifiée


Elle est la même que la précédente mais se termine
par un mouvement de rouleau vers les faces occlu-
sales.

Figure 6 Brosse à dents avec trois têtes.


Technique de Charters
L’orientation de la brosse par rapport à la dent est
l’inverse de celle de la technique de Stillman,
dirigée donc vers la couronne dentaire, et le mou-
vement rotatoire est effectué vers le bord incisif
des dents. Cette technique est intéressante lorsque
les papilles interdentaires ne remplissent plus l’es-
pace interdentaire, dans la mesure où les poils de la
brosse vont venir s’écraser le long des faces proxi-
males des dents.

Technique de Bass
C’est l’une des plus conseillées. Elle consiste à
positionner la tête de la brosse à 45 degrés par
rapport à la couronne dentaire (Fig. 8), les poils
Figure 7 Brosse avec plusieurs directions pour les poils.

meilleure manière par le patient chez qui elle sera


le mieux adaptée.13

Techniques de brossage
Il existe de nombreuses méthodes de brossage, cha-
cune prenant en compte un aspect particulier des
recommandations visant à éliminer la plaque den-
taire. La meilleure méthode de brossage pourrait
être définie comme celle contribuant à l’élimina-
tion d’un maximum de plaque dentaire en un mini-
mum de temps, sans causer de lésions tissulaires.14

Technique horizontale
La tête de la brosse est positionnée perpendiculai-
rement à la surface externe de la dent et des
mouvements horizontaux sont appliqués au man-
che ; les surfaces occlusale, linguale et palatine
sont brossées bouche ouverte et la surface vestibu-
laire bouche fermée.
C’est la technique la plus utilisée par les patients Figure 8 Angulation de la brosse à 45° par rapport à la couronne
car la plus facile, mais pas la plus efficace ! dentaire.
Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire 353

recouvrant la gencive marginale et la partie cervi- Méthodologie du brossage


cale de la dent, mais surtout pénétrant dans le
sulcus (d’environ 0,5 mm). Un mouvement antéro- Personnalisation du brossage
postérieur est effectué, sans déplacer le manche Aucune technique de brossage n’ayant prouvé une
(Fig. 9). efficacité supérieure aux autres, il semble préféra-
ble d’adapter la propre technique du patient en
Technique de Bass modifiée fonction de l’examen clinique.
À la fin de la technique précédente, un mouvement Ainsi, en présence de récessions gingivales, voire
de rotation en direction occlusale est effectué (Fig. de bourrelets gingivaux (festons de Mac Call) (Fig.
10). 12), la position horizontale de la brosse ne permet-
tra pas d’atteindre la zone cervicale (Fig. 13) ; il est
Cliniquement, la technique de Bass modifiée est
montré au patient qu’une position verticale est plus
l’une des plus utilisées, mais il faut noter qu’elle
efficace pour éliminer la plaque dentaire (Fig. 14).
peut entraîner la formation de récessions gingivales
D’une manière plus générale, il est préférable de
chez les patients au parodonte fin (Fig. 11).
demander au patient droitier de commencer le
brossage par le côté droit de sa cavité buccale, et
au gaucher par le côté gauche, dans la mesure où
bien souvent, c’est l’inverse qui est fait de façon
toute naturelle.
De même, il est souhaitable de commencer ce
brossage par les faces linguale et palatine, faces
bien souvent oubliées ou trop rapidement net-
toyées.
Il faut noter que certaines brosses à dents ont été
conçues dans le but de faciliter une technique de
brossage particulière. Dans le cas de la Figure 15, la
forme de la tête permet aux poils les plus longs de
Figure 9 Mouvements vibratoires sans déplacer la brosse.

Figure 10 Mouvement de rouleau terminal dans la technique de


Bass modifiée. Figure 12 Bourrelets gingivaux.

Figure 11 Technique de Bass modifiée. Figure 13 Brosse horizontale.


354 J.-M. Svoboda, T. Dufour

En ce qui concerne la durée du brossage, même si


de nombreuses études l’ont évoqué, elle dépend de
façon très personnelle de chaque individu. La majo-
rité des patients en fait moins qu’elle n’en dit, et
actuellement une moyenne de 30 à 60 secondes est
à prendre en considération, temps à comparer aux
deux minutes quotidiennes recommandées par les
professionnels.

Usure des brosses a dents


La technique de brossage peut influencer la vitesse
d’usure d’une brosse, en rapport également avec sa
propre qualité de fabrication. Il est du devoir du
chirurgien-dentiste d’enseigner au patient non seu-
Figure 14 Brosse positionnée verticalement pour atteindre la
zone cervicale.
lement une technique adéquate mais également le
moment où il doit considérer sa brosse comme
inefficace (Fig. 2). Les études ne sont pas toutes
unanimes, mais il semble tout de même logique de
penser qu’une brosse à dents neuve est plus effi-
cace dans l’élimination de la plaque dentaire
qu’une brosse ancienne.

Brosses à dents électriques


Existant depuis plus de 50 ans, les brosses à dents
électriques étaient considérées comme une aide
chez les patients peu habiles de leurs mains ou
présentant un handicap interdisant la manipulation
d’une brosse manuelle. Effectuant un mouvement
essentiellement horizontal et vertical, elles n’ont
jamais prouvé leur supériorité sur les brosses à
dents manuelles. Les nouvelles brosses électriques
présentent une tête bien souvent ronde et effec-
Figure 15 Brosse permettant de respecter les principes de la tuent des mouvements rotatifs/oscillatoires ou vi-
technique de Bass. bratoires, avec une fréquence de vibrations des
s’insérer dans le sulcus alors que les poils les plus poils élevée (Fig. 16).
courts s’appliquent sur les faces dentaires, comme Il semblerait d’après les études cliniques compa-
recommandé dans la technique de Bass. ratives, que le mouvement de rotation/oscillation
donne de meilleurs résultats que le mouvement
Fréquence et durée du brossage vibratoire.16 Elles seraient également moins trau-
Plus que le nombre de brossages quotidien, il sem- matiques que les brosses à dents manuelles, notam-
ble que la qualité de ce brossage intervienne dans ment au niveau des tissus gingivaux fins, si elles
la prévention des parodontopathies. Ramberg et sont bien utilisées après une explication détaillée
al.15 préconisent au minimum un brossage par jour, du praticien et un peu d’entraînement.
surtout chez les patients présentant une inflamma- Un autre point non négligeable à prendre en
tion gingivale, situation tissulaire favorisant une considération est l’apport de ces brosses électri-
accumulation de plaque plus rapide. ques dans le nettoyage interproximal, même si
Mais concrètement, et en raison d’un manque de elles ne remplacent pas les moyens traditionnels.
motivation à un brossage de qualité chez la plupart Rapley et Killoy17 ont montré suite à des extrac-
des patients, deux brossages par jour semblent tions dentaires que chez les patients utilisant des
acceptables, en insistant bien sur la notion de brosses manuelles, 30,6 % des surfaces proximales
qualité de brossage plus que de « quantité » de ne présentaient plus de plaque dentaire alors que le
brossage. Il faut cependant noter que les notions score était de 53,2 % chez les utilisateurs de brosse
d’haleine fraîche et de dents blanches se dévelop- électrique. Cette notion est à prendre en compte
pent chez les patients, en relation avec une média- car il est sûr qu’une grande majorité de la popula-
tisation pas toujours rigoureuse d’un point de vue tion n’utilise pas de moyens spécifiques au net-
scientifique mais évocatrice d’une prise de cons- toyage interdentaire, la brosse électrique pouvant
cience. être naturellement un plus à cet égard.
Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire 355

Figure 17 Patient présentant une inflammation gingivale.

gingivite. Mais la transformation d’une gingivite en


parodontite n’atteignant que 10 à 15 % des pa-
tients, le rôle du nettoyage des zones interdentai-
res a pu être remis en question. Comme pour les
brosses à dents, un nombre de plus en plus impor-
tant de matériel nécessaire au nettoyage interden-
taire a été élaboré. Mais de la même façon, il faut
adapter à chaque situation clinique (largeur de
l’espace, forme des dents, présence ou non de
Figure 16 Brosse à dents électrique.
récessions gingivales...) la prescription du matériel
Enfin, la durée de nettoyage avec les brosses a priori idéal.
électriques est moins importante qu’avec les bros-
ses manuelles, d’où une préférence naturelle pour Fil dentaire
les patients. Cependant, l’effet « nouveauté » est C’est le plus connu et le plus utilisé des matériels
également à double tranchant, car bien souvent de nettoyage interdentaire ; associé au brossage, la
après la découverte d’un nouveau « jouet », les quantité de plaque éliminée est beaucoup plus
patients ont la tentation de revenir à des matériels importante que lors du brossage effectué seul ;19 il
et techniques plus conventionnels.18 est ainsi vivement indiqué chez les patients présen-
À l’heure actuelle, l’utilisation des brosses à tant une inflammation marginale et interdentaire
dents électriques peut être indiquée chez les pa- importante (Fig. 17). Il est également plus efficace
tients handicapés mentaux ou physiques, chez les que d’autres moyens de nettoyage interdentaire en
patients peu habiles de leurs mains, chez ceux peu présence d’une papille gingivale remplissant toute
motivés à un effort quotidien et chez les patients l’embrasure.
atteints de maladie parodontale et peu motivés à Correctement utilisé, il peut ôter jusqu’à 80 % de
conserver un haut niveau d’hygiène. plaque dentaire localisée en interdentaire, et éga-
lement pénétrer en sous-gingival dans la mesure où
Nettoyage interdentaire il peut être introduit de 2,5 à 3 mm sous le sommet
de la papille gingivale.
En accord avec les définitions proposées lors du Sa présentation est variée, ciré ou non ciré, mais
Workshop européen sur le contrôle de plaque méca- sans preuve évidente d’une meilleure efficacité
nique en 1999, les zones proximales sont les espa- pour l’une ou l’autre des formes (Fig. 18), et l’uti-
ces visibles entre les dents mais non situés sous les lisation d’un porte-fil permet d’atteindre les zones
points de contact alors que le terme interproximal postérieures (Fig. 19).
(ou interdentaire) concerne la zone située au ni- Il peut être également présenté sous forme de
veau et sous le point de contact entre deux dents. ruban ou avec une partie rigide permettant de
Dans ces zones, le brossage seul n’est pas suffisant l’utiliser chez les porteurs de prothèse conjointe
pour éliminer la plaque dentaire, même à l’aide plurale, la partie rigide permettant de passer sous
d’une brosse électrique, et surtout chez les pa- les intermédiaires prothétiques (Fig. 20).
tients atteints de maladie parodontale. Cet acte L’éducation du patient prend encore toute son
est moins souvent effectué que le brossage par les importance dans la mesure où il lui est souvent
patients, permettant ainsi le développement d’une inconnu. Son utilisation nécessite une courte zone
356 J.-M. Svoboda, T. Dufour

Figure 18 Tube de fil dentaire. Figure 20 Fil dentaire permettant de passer sous les intermé-
diaires de bridge.

Figure 21 Utilisation du fil dentaire.

patients présentant des pertes d’attache inter-


proximales, l’utilisation d’autres adjuvants parais-
sant possible et avec vraisemblablement plus d’ef-
ficacité.

Bâtonnets interdentaires
Généralement constitués à partir d’un bois tendre,
de forme triangulaire, les bâtonnets interdentaires
sont plus utilisés que le fil dentaire car plus mania-
Figure 19 Porte-fil. bles (Fig. 22). On les préférera dans les zones où la
papille gingivale est rétractée, donnant ainsi plus
de travail, le fil devant être utilisé après le bros- facilement accès aux surfaces dentaires. En revan-
sage et devant un miroir. Il est bien souvent consi- che, leur utilisation chez des patients indemnes de
déré par les patients comme l’instrument néces- rétraction gingivale peut entraîner une perte d’at-
saire au nettoyage des « aliments » restés entre les tache pouvant atteindre 2 mm, perte inesthétique
dents, mais cette interprétation est erronée et doit surtout dans les régions antérieures.
être signalée de façon positive avec démonstration
à l’appui (Fig. 21). Brossettes interdentaires
Un doute subsiste cependant quant à l’utilisation Présentées au début de leur fabrication comme une
régulière du fil dentaire chez les patients au paro- alternative aux bâtonnets interdentaires, les bros-
donte sain et sans perte de papille,20 et chez les settes sont devenues des éléments importants dans
Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire 357

Figure 22 Bâtonnet interdentaire en place.


Figure 24 Brosse monotouffe.
la prévention et le traitement des espaces inter- Adjuvants aux méthodes traditionnelles
dentaires dénudés. Elles sont disponibles sous plu-
sieurs tailles, avec possibilité de les utiliser sur un Si l’utilisation des matériels vus précédemment
manche permettant d’atteindre les zones posté- n’est pas systématique par les patients, loin s’en
rieures de la cavité buccale (Fig. 23) ; « l’écrase- faut, il faut noter que les professionnels ont
ment » des poils lors du passage entre les dents d’autres possibilités à proposer aux patients, qui,
favorise l’élimination de plaque, avec même la chez la plupart de ceux motivés, représentent une
possibilité de les utiliser dans les atteintes interra- aide non négligeable dans l’ensemble des méthodes
diculaires des pluriradiculées. de prévention.
Elles peuvent être les vectrices de solution anti-
septique telle que la chlorhexidine, mais même si Révélateur de plaque dentaire
elles sont d’utilisation plus aisée que le fil dentaire, C’est le seul moyen de mettre en évidence la
leur principal inconvénient est la nécessité d’en plaque dentaire, bien souvent invisible à l’œil nu
utiliser plusieurs dans une bouche aux espaces in- en faible quantité, mais également de permettre
terdentaires de taille différente. Mal utilisées, el- au patient de vérifier l’efficacité de son hygiène
les peuvent entraîner également des hypersensibi- buccodentaire.
lités d’origine dentinaire. Présenté sous différentes formes (pastilles, li-
quide...) (Fig. 25), sa composition est générale-
Brosses monotouffes ment à base d’éosine, érythrosine ou fuchsine.
Leur utilisation, plus spécifique, concerne les zones L’inconvénient de ces produits est une coloration
difficiles d’accès, telles que les furcations interra- persistante après utilisation ; des formes plus dis-
diculaires ouvertes, les faces distales des dernières crètes à base de fluorescéine ont été mises au
molaires ou les faces linguales des molaires mandi- point, la révélation de la couleur jaune caractéris-
bulaires où l’adaptation de la gencive marginale est tique étant possible grâce à l’utilisation de lampe à
souvent irrégulière (Fig. 24). ultraviolet (Figs 26,27).

Figure 25 Différentes présentations de révélateur de plaque


Figure 23 Brossettes interdentaires. dentaire.
358 J.-M. Svoboda, T. Dufour

Figure 26 Révélateur à base de fluorescéine en bouche sans Figure 28 Mise en évidence de la colonisation bactérienne de la
lampe UV. langue par un révélateur de plaque dentaire à base de fluores-
céine et utilisation d’une lampe UV.

Figure 29 Gratte-langue.

Dentifrices et bains de bouche

Dentifrices
Les dentifrices sont toujours considérés par les
patients comme l’élément le plus important dans la
Figure 27 Mise en évidence de la plaque dentaire après utilisa-
tion de la lampe UV. recherche d’une hygiène buccodentaire parfaite,
bien souvent à cause de la médiatisation qui en est
Si l’utilisation du révélateur de plaque dentaire a faite. Dans le but d’éliminer la plaque dentaire, des
une importance dans les premiers temps dans la éléments abrasifs pour leur action mécanique ou du
mise en évidence de cette plaque, il peut devenir fluor pour son action chimique ont été incorporés
après un certain temps un contrôle pour le patient, depuis de nombreuses années aux pâtes dentifri-
contrôle de la qualité du nettoyage effectué. ces.
Actuellement, et dans le souci de prévenir le
Hydropulseurs développement des maladies parodontales, sont
incorporées des substances antibactériennes, anti-
Leur fonctionnement consiste en une propulsion tartre ou avec des propriétés désensibilisantes.
d’eau ou de solutions antiseptiques, mais leur ac- Malheureusement, leur efficacité n’est pas prouvée
tion est assez limitée. Cependant, il peut aider les de façon évidente, bien souvent à cause des agents
patients porteurs de bridge notamment, à éliminer (détergents ou parfums) qui leur sont associés. La
les éventuels débris alimentaires dans les zones chlorhexidine et le triclosan sont les substances
postérieures difficiles d’accès. chimiques les plus couramment utilisées, mais l’ef-
ficacité à long terme n’est pas prouvée, notam-
Gratte-langue ment sur l’aggravation des parodontites actives.21
La face dorsale de la langue abrite une flore bacté- Les dentifrices « antitartre » où l’on retrouve des
rienne en quantité énorme, qui peut servir de point pyrophosphates dans la composition sont essentiel-
de départ de la colonisation des différents sites de lement actifs sur la formation du tartre supragingi-
la cavité buccale (Fig. 28). Si les résultats ne sont val.
pas concluants en ce qui concerne la diminution de
la formation de la plaque dentaire, le brossage ou Bains de bouche
le grattage de la langue de façon régulière inter- La multitude des bains de bouche disponibles sur le
viennent cependant dans la diminution de l’hali- marché avec chacun une action spécifique ne doit
tose, due à des composés volatils sulfurés (Fig. 29). pas cacher leur action thérapeutique ; à cet égard,
Prophylaxie des parodontopathies et hygiène buccodentaire 359

une utilisation quotidienne ne peut être envisagée


qu’en présence d’indications très précises (après
chirurgie, en cas d’inflammation importante...). De
plus, leur action est essentiellement dirigée contre
la formation de la plaque dentaire supragingivale et
en aucun cas contre la plaque sous-gingivale. Une
application professionnelle peut être envisagée
dans le cas de poches parodontales, mais en privi-
légiant ceux actifs en présence de suppuration
et/ou saignement, en l’occurrence ceux contenant
de l’iode dans leur composition, la chlorhexidine
étant dénaturée par les protéines.

Mauvaise utilisation des instruments Figure 31 Récessions gingivales et abrasions dentaires.


d’hygiène buccodentaire
À partir du moment où de nombreuses possibilités
de prévention existent, une mauvaise utilisation
peut entraîner des effets nocifs sur les tissus den-
toparodontaux.
Un brossage inadéquat peut entraîner des bles-
sures au niveau gingival, sous forme d’érosions ou
de récessions gingivales (Fig. 30).
Un mauvais brossage associé à l’utilisation d’un
dentifrice trop abrasif entraîne plus fréquemment
des récessions gingivales et des abrasions dentaires
(Fig. 31).
Une mauvaise utilisation des brossettes inter-
dentaires peut également entraîner la formation de
blessures gingivales associées ou non à des destruc- Figure 32 Destruction de la papille gingivale et usure dentaire
tions dentaires (Fig. 32). en rapport avec une mauvaise utilisation de brossette interden-
taire.
Enfin, la présence de certaines substances médi-
camenteuses dans les dentifrices ou bains de bou-
che peut naturellement entraîner des colorations
(chlorhexidine), des réactions allergiques (pyro- et le rôle du professionnel de santé est fondamen-
phosphates, parfums, détergents...) ou des altéra- tal. La méthodologie de cet apprentissage peut
tions des muqueuses buccales. commencer par la mise en évidence de la plaque
dentaire par du révélateur de plaque dentaire,
puis, après l’élimination effectuée par le patient
Conclusion sans lui donner de conseils, il sera nécessaire de
faire avec lui un premier bilan de son travail. Après
L’utilisation de tous ces matériels d’hygiène bucco-
démonstration, il est plus aisé lors des visites sui-
dentaire nécessite un apprentissage pour le patient
vantes de contrôler les zones difficilement attein-
tes et de conseiller le patient.
Toute thérapeutique de soutien (ou de mainte-
nance) doit avoir pour but non seulement d’élimi-
ner le biofilm présent mais également de contrôler
et renforcer la méthode de nettoyage utilisée par le
patient.
Il existe de nombreuses possibilités permettant
aux patients d’entretenir une hygiène buccoden-
taire compatible avec le maintien de sa santé paro-
dontale mais le maître mot est de renforcer fré-
quemment cette hygiène lorsqu’elle montre une
moins grande efficacité, toujours dans le souci
Figure 30 Érosion gingivale débutante. d’encourager le patient et non de le décourager.
360 J.-M. Svoboda, T. Dufour

Références 12. Egelberg J, Claffey N. Role of mechanical dental plaque


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