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Frederick Winslow Taylor naît à Germantown (Pennsylvanie) le 20 mars 1856.

Sa
jeunesse, au sein d'une famille de forte tradition quaker, n'est pas une partie de
plaisir. Il reçoit une éducation rigoureuse basée sur le travail, les exercices physiques
et la discipline. Bon élève, le jeune Taylor n'en oublie pas le sport. Il pratique à un
haut niveau le base-ball et le tennis. Il est aussi un bricoleur hors pair. Ainsi, il
confectionne sa propre raquette de tennis en vue d'accroître ses performances. En
1872, il prépare le concours d'entrée à Harvard, mais un problème de santé vient
bousculer ses plans. Il change d'orientation et intègre un atelier pour apprendre le
dessin et la mécanique. A 22 ans, il entre aux aciéries de Midvale. Il s'y ennuie
profondément et décide de suivre des cours du soir pour décrocher un diplôme
d'ingénieur. Son ascension est alors fulgurante. En l'espace de six ans, il devient
ingénieur en chef de l'usine.

A 37 ans, une nouvelle carrière s'ouvre à lui : celle d'ingénieur consultant. Voici venu
le temps de ses premières publications ( A Piece of Rate System , 1895) et des
premières interventions. En 1898, la Bethlehem Steel Company fait appel à lui pour
réduire les coûts. Taylor réorganise la production, la gestion financière et la gestion
des temps en chronométrant toutes les tâches. L'OST (organisation scientifique du
travail) en gestation soulève déjà la révolte des ouvriers. Taylor est congédié en
1901. Il se met à écrire : Shop Management en 1904, les fameux Principles of
Scientific Management en 1911, et il donne des conférences à travers le monde
pour vanter les mérites de son OST. Mais il se heurte à une forte résistance,
notamment syndicale, qui impulse une commission d'enquête sur les effets du
« système Taylor ». En 1915, il est hospitalisé. Motif : dépression. La mort l'emporte
à 59 ans, sa montre à la main, selon la légende.

1.1 Frederick Winslow Taylor (1856-1915)

Le père de l'organisation scientifique du travail


EVELYNE JARDIN
Mensuel N° 120 - Octobre 2001

Pour Frederick W. Taylor, l'amélioration des techniques, le chronométrage des


ouvriers... sont autant d'éléments d'une science du travail.

« La flèche » ( speedy ), tel est le sobriquet de Frederick Winslow Taylor à l'usine,


tant le souci de la vitesse et de la performance est prégnant chez lui. S'il fallait lui
trouver des circonstances atténuantes, on pourrait évoquer une éducation qui ne lui
a guère donné l'occasion d'être un contemplatif. Entre les études, la pratique
intensive du sport et... ses insomnies, le jeune Taylor ne connaît pas l'inactivité.
Aussi, lorsque suite à des problèmes de santé, il interrompt ses études et pénètre
l'univers de l'usine, il est effaré par le manque d'entrain des ouvriers. Dans ses
premiers écrits, et notamment la Direction des ateliers (1907), il souligne la « flânerie
systématique » des ouvriers.
Qu'est-ce que cela signifie ? Elle est « systématique » dans le sens où elle est
permanente et généralisée. Permanente, car les ouvriers semblent exécuter leur
tâche au ralenti, et généralisée, car ce rythme est collectif. Comment cela est-il
possible ? C'est manifestement une volonté des ouvriers : « La majeure partie de la
flânerie systématique est pratiquée par les ouvriers avec l'intention délibérée de tenir
leur patron dans l'ignorance de la vitesse à laquelle on peut faire un travail.

La plus grande part de flânerie systématique est accomplie par des ouvriers qui ont
pour objectif raisonné de maintenir leurs employeurs dans l'ignorance de la qualité
de travail qu'ils peuvent normalement effectuer (Taylor, 1956: 29).

En effet, si le patron découvre que l'ouvrier est «capable de faire plus de travail
qu'actuellement, il trouvera tôt ou tard un moyen de l'obliger à le faire en
n'augmentant pas son gain ou en l'augmentant très peu». Taylor comprend que les
ouvriers se situent dans un rapport de force, un conflit d'intérêts bien réel, bien
concret avec leur patron. Et c'est cela qu'il veut éradiquer. On voit très précisément
qu'il cherche à se substituer aux ouvriers pour définir à leur place quels sont leurs
intérêts. Il ne met pas en cause leur honnêteté («ceci est le point de vue honnête de
l'ouvrier moyen dans pratiquement toutes les professions») mais il veut montrer qu'ils
sont dans l'erreur, qu'ils n'ont pas compris, qu'ils se trompent: ce préjugé adopté par
la classe ouvrière est «fallacieux» écrit-il (idem: 35). Il ne prend évidemment en
considération qu'une dimension de la réalité, le fait que plus de productivité peut
entrainer une croissance et plus d'emploi – «chaque fois qu'il y a eu augmentation de
la production... il y a eu plus de travail pour un plus grand nombre d'hommes»
(ibidem: 37). Mais il fait l'impasse sur le fait que la flânerie est une arme ouvrière
dans le cadre d'un rapport de force. Car ce que veut précisément éradiquer Taylor
c'est la possibilité pour les ouvriers de s'opposer, d'imposer quoi que ce soit au
patron. Il veut y arriver au nom ce qu'il met en avant comme l'intérêt commun, c'est à
dire la progression des emplois et de la consommation pour tous. Il veut montrer que
les ouvriers méconnaissent leurs véritables intérêts, et font obstacle au
développement de la consommation pour tous.

La «science» implique de fait une nouvelle «répartition de la responsabilité du travail


entre la direction et les ouvriers plus équitable

la suppression de la flânerie permet une augmentation de salaire de 30 à 100%. En


permanence, dans son livre, Taylor revient sur la nécessité de concilier les intérêts
de toutes les parties prenantes, ET PROPOSE L’organisation scientifique du travail

1.2 Ford: un pas de plus dans la mauvaise foi. L'enchaînement des


contradictions

Henry Ford introduira les premières chaines de montage dans l'industrie pour la
production des automobiles, lui aussi au nom de la prospérité américaine. Lui aussi
écrira pour propager son modèle et le légitimer. Dans «Propos d'hier et
d'aujourd'hui» (1926) notamment, il affirme

Chaque fois que vous tolérez qu'un ouvrier produise moins que ce que son salaire
représente, vous encouragez la baisse de son salaire réel et vous faites en sorte qu'il
lui sera encore plus difficile de gagner sa vie. La raison en est évidente, moins un
homme produit et moins nombreux seront ceux qui auront besoin du fruit de son
travail (Ford, 1926: 134).

Notre premier progrès dans le montage consista à apporter le travail à l'ouvrier, au


lieu d'amener l'ouvrier au travail. Aujourd'hui, toutes nos opérations s'inspirent de ces
deux principes. Nul homme ne doit avoir plus d'un pas à faire; autant que possible,
nul homme ne doit avoir à se baisser (Ford, 1929: 90).

Avec la chaîne, instaurée en 1913, les ouvriers sont fixés sur place et ce sont les
pièces qui défilent selon un ordre séquentiel, dans un flux ininterrompu, pour être
travaillées. Cette innovation majeure implique une réorganisation de l'entreprise car il
faut assurer une standardisation et homogénéisation de toutes les pièces qui entrent
dans l'activité de montage. Le rythme devenait une obsession pour le personnel et la
maladie nerveuse qui en découle était appelée «fordite» par les ouvriers. (Ce que
nous appelons le stress de nos jours).

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