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L’abord du thème de la sublimation impose une double approche. Il existe en effet une
double entrée, selon que l'on privilégie les conditions de son avènement au sein de l’économie
psychique d'un sujet, ou que l’on centre la réflexion sur ce qu’est la culture et le processus de
civilisation. De fait, toute réflexion sur la sublimation suppose un va et vient entre ces deux
polarités qui constituent son essence. C’est notre partie pris.
civilisation...
Pour certains, nous serions entrés dans une ère post-culturelle, pour d'autres, dans une pé-
riode post-humaine, eu égard aux progrès modernes de reproduction artificielle qui boule-
versent l 'univers fantasmatique touchant aux origines de l 'humanité. Période marquée par
un vacillement sans précèdent des paradigmes qui ont depuis la renaissance construits les
modèles culturels qui nous furent transmis et dont la sublimation, est, et fut, un des moteurs.
Y aurait- il une crise du processus sublimatoire lui-même, un malaise dans la sublimation,
dont nous serions les témoins et les acteurs face à ce mouvement d'acculturation, de decultu-
ration généralisée? Accordons-nous à constater que le cycle séculaire qui faisait de la culture
le cadre de notre vie et de nos aspirations, ciment de la civilisation occidentale est en train de
se fermer. Le cycle, dont l’épicentre trouve ses appuis les plus solides dans le siècle des lu-
mières, et dont notre civilisation en crise porte un héritage mourant. Aujourd'hui, les échos
du passé deviennent presque imperceptibles. Ils se dissolvent, le sentiment de continuité
culturel, qui jusque là, permettait de contempler dans notre imaginaire les traces de ce qui
avait fait l 'objet de cet héritage, paraissent effacées; les conséquences sont doubles:
- menace de l 'identité culturelle avec le retour des fanatismes et de ses formes les plus bar-
bares!
:
- fascination pour " la supériorité du fait" , l'impérialisme de la preuve, inlassablement re-
quise face aux incertitudes de la pensée et de la réflexion, s'emparent du pouvoir sans grande
résistance. Ils animent un positivisme simplificateur et imparable dont le pragmatisme pour-
rait conduire la culture vers un abîme sans fond, en attendant l' hypothétique jaillissement de
nouveaux éclats.
-------------
Or, ainsi que le propose Baldacci , Freud « lie sur le mode antithétique sublimation et sexua-
lisation, puisque tantôt la sublimation évite la sexualisation ( Leonard) tantôt la sexualisation
défait les sublimations ( Schreber) ; il y a là une contradiction qui n’est pas levée loin sans
faut par le commentaire de Baldacci qui considère « qu’ il semble que la désexualisation soit
à entendre dans son opposition à la sexualisation, ce qui n’est pas une opposition au sexuel
» Comment le sexuel et la désexualisation ne seraient pas en opposition ?! Vouloir à l’excès
réduire les tensions internes propres au développement freudien nuit à la richesse dont elles
sont porteuses.
N’est-il pas plus stimulant de faire le constat comme le fait Christian David que la sublima-
tion conjugue " l’inachèvement et l’incertitude théorique" , plutôt que de s’efforcer de gommer
les apories. Malgré son incomplétude et c'est un premier paradoxe, la sublimation est une des
pièces maîtresses de la métapsychologie.
Rappelons de quelles critiques la sublimation dans la théorie freudienne a, par le passé, fait
l’objet. Que retrouve t-on chez les grands mystiques si l’opération sublimatoire recèle les
mêmes incertitudes ?
Rappelons brièvement quels sont les points d'achoppement de la théorie freudienne et ses
apories. Ils sont répertoriés avec rigueur par Laplanche, trop connues pour être rappelées en
détail ici. Je me référerai plutôt à la lecture que fait François Roustang, du travail de La-
planche.
Laplanche considère que la sublimation est certainement une des croix (dans tous les sens du
terme, à la fois un point de recoupement, de croisement, mais aussi ce qui met à la croix) de
la psychanalyse et une des croix de Freud.
La sublimation étant définie comme le passage du sexuel vers des buts non sexuels d'ordre
culturels, ou pourrait-on dire supérieurs, destinés nous dit Freud, à fournir les forces d'une
grande part des "œuvres de la civilisation".
La réponse suggérée par Roustang serait: "ou bien le non sexuel est interprétable en sexuel,
:
alors la sublimation n’existe pas, ou bien la sublimation existe, et il y a du non sexuel qui
échappe à l'analyse et s'écarte de la théorie des pulsions, menaçant du coup sa cohérence".
La difficulté revient à imaginer comment le sexuel peut il, en se développant, produire du non-
sexuel ? ( tout en restant du pulsionnel)
Freud contourne la difficulté et propose avec le " Léonard" une hypothèse qui évacuerait la
question, en développant l’idée qu’il y aurait une sublimation dès l’origine, idée qui ne le
convaincra que peu de temps, puisque son travail sur le narcissisme offrira l’occasion d'une
nouvelle conception de la sublimation. La transformation d'une activité sexuelle en une activi-
té sublimée nécessiterait un temps intermédiaire; le retrait de la libido sur le moi, qui rend
possible la désexualisation. A partir de ce constat, Freud suggère que l 'énergie du moi s’af-
firme comme une" énergie désexualisée et sublimée" !
Les commentaires sont appelés à être sans fin, inépuisables pour éclairer ce mystérieux pas-
sage ! A t’il pressenti la fragilité conceptuelle de ses hypothèses? Probablement! Le chapitre
sur la sublimation destiné à la contribution de l’ouvrage métapsychologique n' y survivra
pas! Sublimation ratée, peut être ou exercice impossible?
L’excitation ressentie, et la violence de son activité créatrice l’entraînent vers des états
proches de la dépersonnalisation. Elle se réfugie alors dans une masturbation, sorte de procé-
dé auto-calmant, qui contrecarre l’hémorragie narcissique, liée à l’investissement de l 'œuvre
en gestation. L'activité sublimatoire est ici à son acmé. La brutalité de l'oscillation des inves-
tissements narcissiques et objectaux est une menace pour son intégrité. Elle dépossède furti-
vement l’artiste de son sentiment d’existence. L’œuvre attire à elle, dans une violence créa-
trice, toute la libido narcissique exacerbant le risque de désintrication pulsionnelle.
Cette violence, pour Freud est liée, je cite, à " la transposition de la libido d'objet en libido
narcissique (qui) comporte nécessairement l’abandon des buts sexuels, une désexualisation,
donc une espèce de sublimation. En s'emparant ainsi de la libido des investissements d’objet,
en s'exposant comme seul et unique objet d'amour, en désexualisant et en sublimant la libido
du ça, le moi travaille à l'encontre des destins d'éros et se met au service de motions pulsion-
nelles adverses" .
Pour Julia Kristeva, " Le tressage habituel qui rassemble pulsion de vie et pulsion de mort se
défait. Dans l’activité sublimatoire, la pulsion érotique ne vise plus un objet sexuel de satisfac-
tion, mais un médium qui est soit un pole d'idéalisation amoureuse (la beauté, d'un autre ou
de soi), soit une production verbale, musicale ou picturale, elle même hautement idéalisée.
:
Quant à la pulsion thanatique qui s'en trouve ainsi libérée, elle a le choix: soit de se diriger
vers le dehors ( objet, autre) et de l'attaquer avec un maximum de violence, de destructivité,
de cruauté; soit de s'infléchir vers le moi sous l 'aspect d'une dépréciation, d'une sévérité cri-
tique, d 'une dépressivité, voire d'une mélancolie suicidaire… l'aventure sublimatoire expose
en réalité le sujet qui s' y engage aux risques d'une catastrophe psychique dont seul peut le
sauver… la continuation de la créativité sublimatoire elle- même.
Apparaît très nettement enfin toute la dimension violente, tragique, traumatique et doulou-
reuse inhérente à toute aventure sublimatoire. Il est curieux de constater que l’idée de vio-
lence est quasi absente des travaux portant sur ce thème. Elle est largement contre investie,
comme si l'attente du meilleur qui côtoie implicitement l 'idée de sublimation, était en soi suf-
fisante, pour oublier la rupture profonde qui la précède. Il n'y a pas de sublimation sans crise
préalable, sans effacement de la cohérence, sans deuil préalable. Il n'y a pas de sublimation
sans oubli. Cet oubli est l’œuvre d'un renoncement, d'une séparation d'avec soi-même, dont le
deuil de soi, et souvent de l’autre, s'imposent.
La sublimation n’a jamais été considérée par Freud comme une finalité de la cure. " Aimer et
travailler" sont des buts bien en deçà des aspirations sublimatoires que l’on imaginerait.
Reste absent de la réflexion freudienne un point essentiel: Les rapports entre sublimation et
temporalité. La sublimation s’installe t-elle de manière durable? Porteuse d’une dynamique
dont on percevrait durablement les manifestations... N’est elle pas souvent la manifestation
d'un mouvement interne frappé par son " éphemerité" ? S'agirait-il alors non pas de sublima-
tion, mais d'une banale idéalisation?
Elargissons à d’autres champs notre réflexion. Celui propre au mystique et celui du rêveur...
Sublimation et religion
Les incertitudes, les impasses de la théorie freudienne touchant à la sublimation nous auto-
risent à parcourir les champs ou les manifestations de la sublimation fleurissent. Je veux par-
ler de la place centrale que la sublimation occupe au sein de la religion et de ses formes mys-
tiques.
Peuvent-elles constituer des modèles au sein desquels nous pourrions puiser des éléments
d'une réflexion? Pointer cette proximité peut-il enrichir le débat? C' est le pari proposé, qui
vise à prolonger les interrogations freudiennes concernant la religion, telles qu 'elles figurent
dans l'Avenir d' une Illusion.
Le choix du titre de cette contribution, est une paraphrase un peu provocatrice d'une réfé-
rence biblique généralement galvaudée, puisque on a coutume de dire ou d'entendre, " les
voies du seigneur sont impénétrables!"
Je cite la traduction telle qu 'elle figure dans le texte " L'épître aux Romains" , traduit du grec,
:
tiré de " l 'Hymne à la sagesse miséricordieuse":
" O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de dieu! Que ses décrets sont inson-
dables et ses voies incompréhensibles! ". " L' impénétrabilité" n'est pas forcement incompré-
hensible; elle peut être un symptôme. Les hystériques peuvent en attester!
Je n'insisterai pas! Cette référence trouve ici sa place, car la psychanalyse, de mon point de
vue, est une formation de compromis entre science et religion.
Comme les trois monothéismes, la théorie psychanalytique repose sur la référence axiologique
au meurtre, ou au sacrifice, du père primitif. La psychanalyse se nourrit sans cesse de ce
double référentiel, que constituent la religion d'un coté, la science de l 'autre, qu'elle enrichit
d'une découverte majeure, celle de l'inconscient! Ainsi toute tentative de formalisation de la
sublimation va se nourrir de ce double référentiel, pas seulement au regard de l 'exploration
de cette puissante volonté et curiosité de savoir, mais en donnant à la passion d'investigation,
dès quelle aboutit, une coloration nouvelle, c'est à dire non- sexuelle. Ce positionnement sin-
gulier de la psychanalyse entre science et religion nous permet d' opérer un changement de
perspective, afin d'examiner le processus sublimatoire sous un angle nouveau?
Tout réexamen de la théorie de la sublimation, du fait même de la richesse de ses modalités d'
expression permet de soulever trois hypothèses:
La première hypothèse: l 'expérience des mystiques, si on admet que la vocation qui les
anime procède d'un processus sublimatoire, peut elle enrichir notre réflexion?
Deuxième hypothèse: existe t-il des invariants propres à toutes les expériences sublimatoires
quelques soient leurs champs d'expression?
Troisième hypothèse: les psychanalystes, en vertu de leur pratique mais aussi de leur analyse
personnelle, peuvent-ils, comme observateurs privilégiés de ce que sont les processus de
changement, apporter leur contribution dans le prolongement ou au-delà du témoignage freu-
dien?
Ce qui réunit les différentes modalités de la sublimation, c'est la transformation du moi soumis
à la violence d'une métamorphose intérieure.
Aux frontières du théologique, la sublimation est, pour les mystiques, l' épreuve qu 'affronte le
sujet dans la rencontre avec l' idéal. Cette étape est la " Conversion" même ; Conversion
prise ici, comme action de tourner, comme passage ou changement. Pour Plotin, c'est ce mou-
vement par lequel les êtres se retournent vers l 'être originel dont ils procèdent. Quel est cet
idéal, dont les effets animent ce mouvement conversif, et déterminent ce " saut" , non pas
dans le somatique, mais dans l'esprit ? ( même si les processus qui relient les diverses formes
de conversion s'entrecroisent). Cet univers se construit-il paradoxalement à partir de l 'expé-
rience du vide, de la vacuité interne, propice à l' accueil de l'être noétique?
Pour maître Eckhart et d'autres à sa suite, c'est le détachement, l' abandon de soi qui est la
voie vers le rien. Se faire " comme guenille dans la gueule du chien"; S'épurer jusqu' à s'abo-
lir!
"L 'âme affranchie de toute image temporaire, accomplit l 'anéantissement de son être maté-
riel, par où elle rejoint son essence" .
:
Les cathares considéraient que l 'âme d'essence divine habitait un corps d'essence diabolique.
C'est par le baptême dit " de feu et d'eau" que le consolamentum apportait la pureté souhai-
tée. Cet idéal, on le sait, n'était pas partagé par Rome fustigeant le manichéisme. L 'attache-
ment à cet idéal soulève une question toujours actuelle, concernant les processus à l 'œuvre
dans la conversion spirituelle. Quelle force psychique a pu conduire en 1244 les hérétiques
sur le bûcher à quelques pas d'ici? Un seul mot eut suffit à leur grâce. S'agit il encore dans ce
sacrifice, de sublimation, portée ici à son extrême, d'une sublimation outrepassée, d' une de
ses formes ultimes? L' idéalisation de la promesse d 'être libéré de la tyrannie du corps et de
ses impuretés côtoie la poussée pulsionnelle. Il n' y a pas de sublimation à l'état pur, elle
contient toujours une partie de d 'idéalisation de l 'objet, et forme un mixte indissociable!
Si l'intensité des forces sublimatoires est variable, les formes de l'idéal qui les animent sont
innombrables. Elles sont toujours le fait d'une rencontre, a commencer par la rencontre avec
cette figure paternelle internalisée, qu'est le surmoi. Freud avait bien saisi les rapports de la
sublimation et de l'identification. Mais la rencontre avec d' autres idéaux peut avoir les mêmes
conséquences. La rencontre avec les textes sacrés en atteste. Le processus d'intériorisation de
l'objet idéalisé produira les mêmes effets. Le processus d'intériorisation rappelle Jeanine Chas-
seguet-Smirgel n' est il pas lié au remplacement des objets externes par des symboles?
Cette rencontre consacre un changement radical dans l' existence du sujet; elle donne nais-
sance à une métamorphose intérieure profonde, durable. Désormais, rien ne sera plus comme
avant! Cette expérience de la rencontre se déploie aux limites de la raison, du savoir et du
pouvoir, aux limites même de soi, en un mot aux limites de l 'identité. Cette expérience est
hors-langage. Elle mobilise des charges émotionnelles melancoliformes, qui côtoient une sorte
de dépouillement imaginaire, cousin de la déréalisation.
C' est peut-être à ce point précis que la sublimation comme expérience ultime des mystiques,
se démarque de la sublimation supposée avoir déterminée nos choix professionnels de psy-
chanalystes. Notre choix, et c'est assez spécifique de la condition d' analyste et de sa pos-
ture, maintient et anime un double courant. La croyance en l' inconscient est indéfectible, ab-
solue, mais sans cesse à renouveler (croyance qui se fonde sur l' expérience d' un élargisse-
ment de nos capacités auto-perceptives avec l 'analyse personnelle) mais le doute méthodolo-
gique institué comme outil de connaissance est tout aussi présent! cette posture si singulière
structurellement " clivante" , folle à certains égards, nous démarque du credo sans faille des
mystiques et illustre l' hypothèse formulée plus haut, indiquant ce cheminement original de la
pensée et de la pratique psychanalytique sur ce sentier bordé d'un coté par la science et sa
rigueur à la recherche de la validation d' hypothèses, et de l 'autre par la religion, nourrie par
une inspiration divine qu 'il convient de célébrer "ad vitam aeternam" .
Une question, quelque peu hors de propos, en tout cas impertinente trouve pourtant ici sa
place. Embrasser la carrière d’analyste, reposerait sur une sublimation? Ce choix profession-
nel, engage l’essentiel de la personne de l 'analyste dans une certaine ascèse, y compris dans
ses choix existentiels. Pourtant un certain degré de perplexité s 'impose quand on observe la
:
vie des analystes, l'activité de certaines formes de clivages résistants bien aux effets de la su-
blimations.
Peut-on ainsi, en différenciant sublimation telle que l' élation des mystiques en atteste, et su-
blimation dont les créateurs et les analystes peuvent temoigner, concevoir plusieurs formes de
sublimations? Je ne le croix pas. Il existe un processus sublimatoire . En revanche les occur-
rences de la sublimation dépendent du degré de clivage du moi toujours actif, même dans le
silence et le retrait, parfois même dans les formes d'engagement les plus irréductibles. Aussi ,
il n'y a pas d' état pur de la sublimation!
Une constante, un point de convergence entre les diverses modalités d'expression du fait su-
blimatoire se dessine: C' est la découverte que le véritable sujet c'est l 'Autre; le moi se dé-
pouille de ses certitudes au profit de la naissance d'une croyance ;" je crois en dieu ou encore,
je crois en l' Inconscient ; je l 'ai rencontré!"
Lacan ne disait t'il pas:" l 'inconscient c'est dieu! '' formule oh combien séductrice, (qu'il au-
rait plus ou moins récusé) qui, si elle touche quelque chose de profond, possède un pouvoir
attractif redoutable. A un glissement prés on pourrait considérer que la tentation oraculaire
des mystiques prompt à interpréter les rêves, serait concurrentielle de l 'interprétation psy-
chanalytique, qui ne l 'oublions pas, confère au rêve une intelligibilité potentielle, au prix d'un
travail auto-reflexif. Cette " compétition" dont le terrain de jeu serait l' interprétation du rêve
est toute relative, car dans l 'ancien testament, c 'est Dieu qui donne l 'interpretation. N' ob-
serve t' on pas à nouveau, combien est incertaine la ligne de crête empruntée par la psycha-
nalyse qui serpente entre religion et psychanalyse. Dès l' instant ou on postule l 'existence
d'un contenu latent déguisé en contenu manifeste, la tentation mystique rode. Freud dans "
les Nouvelles conférences" constate que le sujet mystique est lui même en quête des profon-
deurs de l 'âme et le je le cite; " nous voulons ajouter que les efforts thérapeutiques de la
psychanalyse se sont attaqués au même point ( que celui des mystiques) avec le même ob-
jectif ; élargir le champ perceptif: le devenir conscient; le wo es war…comme finalité com-
mune?
Le souci de conférer le statut de science à la psychanalyse, définie elle- même comme nou-
velle discipline scientifique, résonne t 'il comme formation réactionnelle face à cette trop
grande proximité entre psychanalyse et religion? Les conséquences de cette proximité ne se-
ront pas explorée par Freud. Elles seront evitées! Ni les positions de Jung, ou l'enthousiasme
messianique de Romain Rolland ne troubleront durablement l' esprit de Freud. L'ancrage dans
le champ de la science de la nouvelle discipline est une priorité.
Sublimation et rêve...
le rêve quant à lui, profite de la régression induite par le retrait sensori-moteur physiologique
du sommeil, pour mettre en scène le désir inconscient. Au moi de subvertir, de détourner ce
désir en le transformant pour apaiser l' excitation qu'il contient. Le moi du rêveur laisse un
chance au sujet d'étendre son territoire; son champ d'investigation s'ouvre. Ses propres per-
ceptions endo-psychiques le conduisent vers une conquête incertaine et difficile, vers l 'explo-
ration de l'univers inconscient animé par la poussée pulsionnelle.
Nombreux sont les exemples ou le rêve apparaît comme médiateur d' une création et trouve
son ressort dans la sublimation du courant pulsionnel.
En voici quelques exemples célèbres: Ainsi, Borges rapporte dans son texte le rêve de Cool-
ridge, cette étrange aptitude de Kubilay Khan, empereur mogol, à composer pendant son
sommeil 300 vers, dont seuls 54 resteront mémorisés au réveil, aptitude doublée de ce pou-
voir d' imaginer le plan dans tous ses détails du palais qu 'il fera construire. Mozart dit- on au-
rait écrit " la flûte" à la faveur d' un rêve. Wagner, le prélude à l'0r du Rhin. Einstein, on le
sait, aurait découvert la théorie de la relativité en puisant son inspiration dans un rêve. Freud
enfin, n 'a t' il pas avec l' interprétation du rêve de l'injection faite à Irma et de celui de la Mo-
nographie, esquissé les grandes lignes de traumdetung! La substitution passagère de son plai-
sir addictif, dans une période de forte consommation de cocaïne, par l' étude de l 'activité oni-
rique induite par les phénomènes narcotiques, constitue assurément un bel exemple de subli-
mation réussie, même si ses propres composantes addictives resteront intactes.
Plus proche, Mick Jagger, au cours d'une tournée en Californie, aurait pendant un rêve compo-
sé les premières notes de " Satisfaction" , enregistré dés son réveil sur le petit magnétophone
qu'il ne quittait jamais. Rêve et sublimation concourent à la réalisation d'une création ; le rêve
a une fonction de médiateur sur la voie de la sublimation d'un courant pulsionnel.
Pour conclure:
La sublimation comme l 'art est une aventure, pour le moi, et pour le narcissisme.
Pour le moi, nous l 'avons évoqué, elle transforme et transcende parfois le destin de l'individu.
Le prix à payer est celui d' un renoncement, d'une perte de ses particularités défensives. Pour
le narcissisme, l 'aventure est contradictoire ; d' abord, œuvre de mort, elle annihile toute
considération positive de soi, afin de " s'épurer jusqu' à s'abolir" . L e sacrifice de soi serait la
forme la plus aboutie du renoncement; être pour autrui, tel serait le credo des mystiques, im-
primant au narcissisme une portée illimitée. De ce point de vue, on pourrait affirmer que la
sublimation œuvre pour l 'auto-conservation, de l' individu, de la culture, voire de l ' espèce.
Comment mieux illustrer la complexité de ce double mouvement, ses effets de rupture et de
changement, si ce n 'est en évoquant, après les deux rêves de Freud fondateurs de la science
des rêves, la célèbre première phrase du " Moise" ? auquel il s'est largement identifié. Elle a
ceci d'intéressant car elle condense, un renoncement et une profonde métamorphose, appe-
:
lant Freud- Moise, vers son propre destin sublimé.
" Déposséder un peuple de l ' homme qu 'il célèbre comme le plus grand de ses fils est une
tache sans agreement, que l 'on accomplit pas d 'un cœur léger. Toutefois aucune considéra-
tion ne saurait m 'induire à négliger la vérité au nom d'un prétendu intérêt national."
Dr Pierre DECOURT
Psychiatre psychanalyste - www.psychiatriemed.com
#Dossier Psychanalyse
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coupable ?- d'un monde ! >
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