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Langue ergative

En grammaire et en typologie des langues, une langue ergative, ou plus précisément une langue à
structure d'actance de type absolutif-ergatif, est une langue dont la grammaire comporte une opposition
fondamentale entre deux fonctions syntaxiques qui correspondent d'une part au sujet d'un verbe transitif,
d'autre part à l'objet d'un tel verbe, confondu avec le sujet d'un verbe intransitif. Dans les langues ergatives
à déclinaison, la première fonction est indiquée par le cas ergatif, la seconde par l'absolutif, généralement
non marqué. Du point de vue de leur rôle sémantique, la première fonction tend à correspondre à un actant
qui est un agent, tandis que la seconde tend à correspondre à un actant qui est un patient.

Le concept s'oppose principalement à celui de langue accusative, où le sujet du verbe intransitif et du verbe
transitif sont confondus et s'opposent globalement à l'objet du verbe transitif. Les fonctions de sujet et
d'objet, développées pour la grammaire des langues accusatives, sont mal adaptées à la description des
langues ergatives.

Sommaire
Langues ergatives et accusatives
Construction morphologique de l'ergatif
Construction syntaxique de l'ergatif
Illustration
Répartition
Bibliographie
Articles connexes
Liens externes

Langues ergatives et accusatives


Les langues ergatives et accusatives se distinguent par la manière dont se construit l'association entre un
verbe intransitif et son argument nominal.

Une langue ergative adopte la même construction syntaxique ou morphologique (ordre


des mots, déclinaison) pour associer un verbe intransitif à son sujet que celle associant un
verbe transitif à son argument nominal ; une construction « différente » (ergative) étant
utilisée pour associer un verbe transitif à son agent.
Par contraste, les langues accusatives (comme le français) traitent de la même manière
l'argument d'un verbe intransitif et l'agent d'un verbe transitif, le cas « différent » (accusatif)
étant l'objet d'un verbe transitif.

Construction morphologique de l'ergatif

Quand la langue a des déclinaisons, les arguments du verbe se déclinent alors de la manière suivante :
L'argument nominal d'un verbe intransitif se met à l'absolutif.
L'objet d'un verbe transitif se met également à l'absolutif.
L'agent d'un verbe transitif se met à l'ergatif, ou à un cas similaire comme l'oblique.

L'exemple suivant en basque illustre l'opposition entre ergatif et absolutif :

Langue ergative
Phrase : Gizona etorri da. Gizonak mutila ikusi du.
Mots : gizon-a etorri da gizon-ak mutil-a ikusi du
Sens : homme-ABS est arrivé homme-ERG garçon-ABS a vu

Fonction : Argument nominal VERBintrans Agent Objet VERBtrans

Traduction : « L'homme est arrivé. » « L'homme a vu le garçon. »

Exemple en basque où l'agent du


verbe suhiltzaileek se met à l'ergatif.

Par contraste, le japonais est une langue accusative, opposant l'accusatif au nominatif :

Langue accusative
Phrase : Otoko ga tsuita. Otoko ga kodomo o mita.
Mots : otoko ga tsuita otoko ga kodomo o mita
Sens : homme-NOM arrivé homme-NOM enfant -ACC a vu

Fonction : Argument nominal VERBintrans Agent Objet VERBtrans

Traduction : « L'homme est arrivé. » « L'homme a vu l'enfant. »

Construction syntaxique de l'ergatif

Outre la morphologie, l'ergativité peut également se manifester par la syntaxe (ordre des mots, accord du
verbe, marquage des propositions relatives…). Ce type de marquage est relativement rare : toutes les
langues ergatives ont un marquage morphologique, mais peu comprennent de plus un marquage
syntaxique.

De même que pour le marquage syntaxique, le marquage peut être de degré variable, certaines
constructions syntaxiques étant marquées de manière accusative et d'autre l'étant de manière ergative. La
syntaxe de la langue sera plus ou moins marquée par l'ergativité, suivant l'importance des constructions
syntaxiques où l'argument nominal d'un verbe intransitif se construit de la même manière que l'objet d'un
verbe transitif. Cette ergativité syntaxique est souvent qualifiée d'inter-clausale, dans la mesure où elle
apparaît typiquement dans la mise en relation de deux clauses.

Illustration
Opposition fondamentale
Fonctions : Objet d'un verbe transitif / sujet d'un verbe
Sujet d'un verbe transitif
intransitif
Cas : → ergatif → absolutif
Exemples Gizon-ak otso-bat du Gizon-ak otso-bat du
(basque)1 : « L'homme a un loup » « L'homme a un loup »
Gizon-a otso-bat da
« L'homme est un loup »
Na'e taamate'i 'a Tolu 'e he talavou
« Le garçon a tué Tolu »
Langues Na'e taamate'i 'a e talavou 'e
Exemples
ergatives Tolu Na'e lea 'a Tolu
(tongien)2 :
« Tolu a tué le garçon »
« Tolu a parlé »

Xojuchapo ri ak'aal
« L'enfant nous a attrapés »
Xqachapo ri ak'aal
Exemples
« Nous avons attrapé Xojtzaaqik ri ak'aal
(k'iche')3 :
l'enfant »
« Nous sommes tombés »

Fonctions : Sujet Objet


Langues Cas : → nominatif → accusatif
accusatives
Exemples (latin)4: Homo lup-us est Homo lup-um habet
« L'homme est un loup » « L'homme a un loup »

Notes :

1. basque : gizon = « homme », otso = « loup », -ak est le suffixe d'ergatif singulier, -a
d'absolutif ; bat = « un » ; du (transitif) se traduit « [il] a », da « [il] est » (intransitif) ; en
basque, l'ergativité apparaît non seulement au niveau du marquage casuel (suffixe -ak / k
pour l'ergatif et suffixe -a / bat pour l'absolutif), mais aussi dans l'indexation des constituants
nominaux (ex : les variations de l'indice représentant l'agentif sont : daramat, daramazu,
darama, daramagu, daramazue, daramate (je, tu, il, nous, vous, ils l'emmènent) ; les
variations de l'indice représentant le sujet d'un verbe intransitif sont : noa, zoaz, doa, goaz,
zoazte, doaz (je, tu, il, nous, vous, ils vont) ; les variations de l'indice représentant le patientif
sont : narama, zaramatza, darama, garamatza, zaramatzate, daramatza (il m', t', l', nous,
vous, les emmène) ;
2. tongien : e talavou = « le garçon » ; 'e est la particule indiquant le cas ergatif, 'a le cas
absolutif ; en tongien, l'ergativité apparaît uniquement au niveau du marquage casuel
(particule 'e pour l'ergatif et particule 'a pour l'absolutif), le tongien ignorant l'indexation des
constituants nominaux ;
3. k'ichee' : ri ak'aal = « l'enfant » ; en k'ichee', l'ergativité apparaît uniquement au niveau de
l'indexation des constituants nominaux, le k'ichee' ignorant le marquage casuel ;
4. latin : homo, « homme », est au nominatif, comme lup-us, « loup », -us étant une désinence
de nominatif et -um d'accusatif ; habet (transitif) se traduit « [il] a », est (intransitif) « [il] est ».

Répartition
Les langues ergatives sont plus rares que les langues accusatives. On peut toutefois citer comme exemples
le basque, la plupart des langues caucasiennes, le sumérien, le hourrite, l'urartéen, le kurde, le tibétain, les
langues eskimo-aléoutes, les langues mayas, les langues mixe-zoque et un grand nombre de langues
aborigènes d'Australie.

Bibliographie
Gilbert Lazard, L'Actance, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Linguistique
nouvelle », 1994, xiv-285 p., 22 cm (ISBN 2-13-045775-4 et 978-2-13-045775-6,
OCLC 33131670 (https://worldcat.org/oclc/33131670&lang=fr), notice BnF
no FRBNF35719390 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb357193908.public),
LCCN 94233276 (https://lccn.loc.gov/94233276), présentation en ligne (https://books.google.fr/books?id=qWli
AAAAMAAJ)).
(en) Robert Malcolm Ward Dixon, Ergativity, Cambridge, Cambridge University Press,
coll. « Cambridge studies in linguistics » (no 69), 1994, XXII-271 p., 23 cm
(ISBN 0-521-44446-2 et 0-521-44898-0, OCLC 463811748 (https://worldcat.org/oclc/463811748&lang=fr),
notice BnF no FRBNF35698640 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35698640s.public),
LCCN 93015925 (https://lccn.loc.gov/93015925), lire en ligne (https://books.google.fr/books?isbn=052144898
0)).
(it) Michele Gulina, « Ancora sulla teoria dell'ergatività del protoindoeuropeo. Un' ipotesi
di ricostruzione », Studi e saggi linguistici, Edizioni ETS (d), vol. 38,‎2000, p. 101-128
(ISSN 0085-6827 (https://www.worldcat.org/issn/0085-6827&lang=fr) et 2281-9142 (https://www.worldcat.org/is
sn/2281-9142&lang=fr), notice BnF
no FRBNF33184688 (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33184688g.public)).

Articles connexes
Antipassif
Verbe ergatif

Liens externes
(en) Martin Haspelmath (dir.), Matthew S. Dryer (dir.), David Gil (dir.) et Bernard Comrie (dir.), The World
Atlas of Language Structures Online, Munich, Max Planck Digital Library, 2011 (ISBN 978-3-9813099-1-1)

Bernard Comrie, chapitre 98 (http://wals.info/chapter/98) « Alignment of Case Marking »


Anna Siewierska, chapitre 100 (http://wals.info/chapter/100) « Alignment of Verbal Person
Marking »
Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Langue_ergative&oldid=184289972 ».

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