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DISCOURS DE LA MERE AZTEQUE A SA PETITE FILLE

(Tradait da chapitre 19 da livre V¡Jme da Codex de Florence.)

Par JACQUELINE FOREST.

l·Hotzin, cocotzin, tepiltzin co· Oh, ma colombe, ma fille,


netzin, nochputzin, Ca otocon· ma petite fille, ma petite en·
mocuili, ca otoconmanili, in fant, tu as pris, tu as re<;:u,
ihiyotzin, (in itlatoltzin) in ce qui t'était réservé, le sou­
motatzin, in tlacatl, in mote­ ffle vital, la parole de ton vé­
cuiotzin. nérable pere, du seigneur, de
ton seigneur.

2-0toncuic in anemiuhqui, in Tu as re<;:u quelque chose


atemaconi, in ixillantzinco, in qui n'est pas commun, quel­
itozcatlantzinco cepoatac cuelo que chose qui ne se donne ha­
pachiuhtoc. (f. 81 R.) bituellement pas a tout le
monde, que ton pere gardait
dan s son coeur, que ton pere
conservait precieusement, au
plus profond, au plus intime
de lui meme.

3-Ca tel amo mitz tlanevilia En verité, il ne te l'a pas


ca tiezyo, ca titlapallo, ca ti­ prété, car tu as son sang, tu
neiximachiliz in tlacatL Mazo as sa couleur, il se refléte en
ticihuatzintli, ca tixiptla. toí. Bien que tu soies une pe­
tite fille, tu es son image.

4-Auh inin: tle in oc miqui. Mais, que te dirai-je enco·


toz? Tle in oc nimitz ilhuiz? re, qu'ajouterai.je? J'aimerais
Quen on mach ye ami in ni. t'apporter quelque chose, mais
mitz macaz ca contlatlatlan in les paroles de ton pere furent
itlatoltzin ca onovian mitz on déja abondantes en tout, il l'a
monemitili, ca onovian mitz tout révélé, de tout iI t'a fait
150 ESTUDIOS DE CULTURA NÁHUATL

on mahaxitili ca octle oquimo­ t'approcher. Il n'a ríen laissé


cavitzino. dans l'oubli.
5-Auh inin: zan ixquich no­ Jete dirai seulement ceci,
con ¡toa nonequixtil nic chiua. afin d'accomplir mon devoir.
Ma cana toconmotlaxili in ihi­ Ne rejette pas le souffle de
yotzin m itlatoltzin motecuiot­ vie, la parole de ton vénéra­
zm. ble pere.
6-Ca tlazotic ca mavlztIc ca Précieux, merveilleux son!
zan tlazoquiza in imihiyo in le souffle vital, la parole de
intlatol totecuiouan ca nel no­ ton vénérable pere, d'eux ne
zo tlatocatlatolli. se dégage que grandeur, son
langage est empreint de no­
bIes se.
7-Ca yuhqui in chalchiuitl, ca Son langage est aussi pré­
iuhqui in teuxivitl ololovic in cieux que le jade, la turquoi­
acatic ipan nomati. Xic cui, se 1 ronde et striée. Re~ois-Ie,
xic mopialti moiollo, itech xic conserve-le, garde-Ie dans ton
tlali in tIa moyolo, itech icui­ coeur, grave-le dans ton coeur.
lo intla tinemiz, yehoatl ic ti­ Si tu vis assez longtemps, tu
tlacazcaltiz, ic titlacauapauaz, t'en serviras pour élever tes
tic temacaz, tic teiviz. (F. 81 enfants, tu en feras des hom­
V.) mes, a tous tu le transmettras,
tu le répéteras.
8-Auh iz catqui ic on camatl: Voici les paroles que Je
Ni mitz maca, ni mitz ilvia, veux te donner, que Je veux
noconetzin, tepitzin, xi nech te dire, ma petite enfant, pe­
itta: ca nehoatl in mmonan tite filIe. Regarde-moi, je suis
oni mitz itquic in quezqUl ta mere, je t'ai portée dans
metztli. mon sein plusieurs mois.
9-Auh in omatlan nocochia ya­ Et ainsi je te fai"ais dormir
ticatca in oni mitz cocozolte­ contre moi, je te couchais
1 Le jade et la turquoise étaient deux pierres précieuses tres appréciées
par les Azteques, qui s'en procuraient au moyen du commerce ou qui en re·
cevaint, en tribut, de certaines provinces.
Voir Codex Mendoza: The Mexican Manuscript known as the collection of
Mendoza and preserved in the Bodleian Library, Oxford. Edited et translated
by James Cooper Clark. 3 volumes, Waterlow and Sons limited, London, 1938,
pages 75 et suivantes.
DISCOURS DE LA MERE AZTEQUE 151

cac, in nometzpan ni mitz tla· dans ton berceau, je te me­


tlaliticatca. ttais sur mes genoux.
10-Auh in quene ca nalOlOÍl­ Avec mon lait je t'ai alí·
ca o no mitz notetzavili IC m· mentée, pour cette raison Je
quitoa in. te parle de la sorteo
U-Ca timonananuan ca timo­ Nous, ta mere et ton pe-re,
tauan in timitz notza in ti t'exhortons, t'admonestons. Re­
mitz tzatzilia: ma xic cui, ma c;ois, prends nos paroles, gar­
xic ana in totlatol, ma xic mo­ de-les précieusement.
pialti.
12-In ic timonemitiz, zan neo Ainsi, tant que tu vivras, tu
matqui amo motech tic tIa­ agiras seulement avec sagesse.
liz, amo motech tictlatlaliz in Tu ne te mettras pas, tu
tIa machio in moca tlamachti, ne te pareras pas de brode·
ca topallotI caci. ries, ni de vetements fine­
ment travaillés 2 car c'est va·
nité.
l3-Amo no ie motzotzotzoma Mais tu ne mettras pas non
tic cuiz, amo motech tictlaliz plus des oripeaux, tu ne te
in cuitlapilli in atlapilli in pareras pas des vetements, des
iaxcatzin in itlatquitzin, ca tIa­ affaires des pauvres. Car c'est
quequeloliztli caci. se rendre ridicule.
14-Zan ipan cualli in motech Tu t'habilleras d'une fa­
tic tlaliz, amo ie in topallotl, c;on convenable, mais ni trop
in xancayotl. (F. 82 R.) sompteuse, ni trop négligée.
15-Auh in motIatol amo iciuh­ De plus, tes paroles ne
ca quizaz, amo timitoniz, amo devront pas sortir avec pré.
tic micuitiuitz, amo timama· cipitation, tu ne parleras ni
naz in ic titlatoz: zan moyolic avec agitation, ni avec étour­
auh zan yiolic quizaz in mo· derie, ni par saccades, tes pa­
tlatol. roles devront etre prononcées
seulement avec réserve et cal·
me.
2 I1 est a remarquer que Motecuhzoma ler avait édícté des lois réglementant
le port des vetements ouvragés, ou de coton, lesquelles interdísaient au peuple
l'usage de tels vetements soua peine de mort. (Durán, Fray Diego de, Historia
de las Indias de Nueva España r Islas de Tierra Firme. 2 tomes. Editora Na
donal, Mexico, 1951, T. l. Ch. 26, pages 214 a 217.
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16-Amo tic aeoeuiz, amo no Tu ne crieras, ni ne traine­


cenca tic tlalehitlazaz; amo ras en parlant, ni ne siffleras
tipipitzeaz in ie titlatoz, in ie en appelant, en saluant les
titenotzaz, in ic titetlapaloz. gens.
17-Amo tiquiquintlatoz, zan Que tes paroles ne semblent
vel melaoac quizaz in motla­ pas des grognements, qu'elles
tol tlanepantla quizaz, amo no soient seulement bien dites,
tictlatlamachiz. sans recherche.
18-Auh in monenemiliz iez Que ta démarche soit me­
zan nonematqui: amo cenca surée, ne marche pas trop vi­
tic xototocaz, amo no cenca te.
zan tiyayatiaz.
19-Ca tlaquecinoliztli caci ca Ce qui seraÍt léger, ni trop
cuecuetziotl quitoznequi: zan lentement. Ce qui seraÍt pomo
iyolic in tiaz zan oyatiaz In peux. Seulement avec tranqui­
mOXCI. Hité tu iras, tu marcheras.
20-Auh ma no ye cen tieeui Mais si une fois, il te faut
in monequian xi tzitzicuicati­ te dépecher, marche avec lé­
neml. gereté.
21-Xi mocacaqui amo cho­ Sois décente, ne bondis pas,
choloayan in xi cholo in ic mais montre-toi agile, pour ne
amo te ti ca pul tixocotepul ti­ pas etre comparée a une pie·
mo cuepaz (F. 82 V.) rre, a un teiocote. (un fruit:
Gratageus mexicana.)
22-Auh in ic tiaz, in ic totla­ Mais quand tu marcheras,
tocaz, in ic utli ticnamiquiz, quand tu suivras ton chemin,
amo titoloz, amo no taquet­ ne baisse pas la tete, ne la
zaz, zan anezcalicayotl quitoz redresse pas trop non plus,
nequi, zan vel titlamelauhca cela dénoterait un manque
izatiaz. d'éducation, va seulement co·
rrectement.
23-Amo no tIplpmauaz, amo Ne montre pas non plus de
no timotetenquimiloz, amo timidité, ne fronce pas les
quecin titlatlachiaz, amo no sourcils, ne fais pas que re­
tixoxotlamatiz. garder de tous cótés, ne mar·
che pas non plus en jouant
avec tes pieds.
DlSCOURS DE LA MERE AZTEQUE 153

24-Cenca moiolic in xi nene· Mais tres sagement va, tres


mi auh cenca moiolic in xiauh discretement suis ton chemin.
in xotlatoca.
25-Auh niman iz catqui: Ca Et VOlCI, rappelle-toi, que
nel titecpiltzintli, in ic tine· tu es vraiment une petite fi­
miz amo avíc titlachiaz, amo lIe noble. Ainsi tu iras, quand
tínamacaztlachiaz, amo mlX­ tu marcheras, tu ne regarde­
cuatitlanpa titlatlachiaz, amo ras pas n'importe ou, ni ne
no ie titoloxochton tiez, amo tourneras la téte de tous ca­
no tictlatlavellaliz in mixtelo· tés, tu ne regarderas ni en
lo, amo tictlavelmanaz In l'air, ni en bas, tu n'iras pas
moxalac. non plus le regard sombre, la
coJere sur le visage.
26-Muchi tIacatl xic paccaitta Considere tous les hommes
auh no iuh ic aiac moxictiz. avec calme et ainsi aucun ne
In monequian, xic tlavelmana se sentira méprisé. Dans la
in ahíiotl. nécessité, reprends courage.
27-Auh iz ca: Ihuan ma ica Vois-tu, ne fais pas cas de
timotlatolcuitlavi: Ma ye ito· ce qu'on te dit, qu'on te dise
lo in tle in itolo, maca tehoatl ce que l'on veut, ne le répe.
xon tIato, maca no xic meca· te pas, ne désire pas l'enten·
ccanennequi te motech (F. 83 dre, que toute médisance se
R) on tzopiz in tlatolli. termine avec toL
28-Auh ma ica tic elehui, ma N'aie pas de désirs, n'aime
ica ticnec in tlapalli, in neo pas te peindre, n'aime pas les
chichiualli, in tlamioalli, in fards, les cosmétiques, le ma·
netlatlapaleviliztli, in necaca­ quillage, la peinture des le.
matlapaleviliztli, ca nencayotl vres, car c'est vanité.
quinencaiotia:
29-Ca iuintiliztli quitoz ne­ C'est comme l'ivresse. Les
qui ¿ha nenque cuecuechti femmes de moeurs dissolues,
ciuatlaveliloque? in tlacti ne vant elles pas ainsi? Les
ovintique oquipoloque tlalli fards, les couleurs excessives
in axca mixitl tlapatl quiti· les utilisent celles qui ont dé·
nemi in iteciuhquicuatinemi jit tout perdu, celles qui vont
on xoxouca octle quitinemi, in comme énivrées, celles qui
inemiliz mitoa avianime. boivent du pulque bleu, celIes
qui mt'ment cette vie et qu'on
154 ESTUDIOS DE CULTURA NÁHUATL

appelle les "eourtisanes", les


femmes de mauvaise vie.
30-Auh in ie amo mitz ihuian Mais pour ne pas etre mé­
in motlavieal, xi moeenmati, prisable aux yeux de ton
xi malti, xi mopapaca, za tel époux, pare-toi bien, baigne­
ieuae in monequi in ie amo toi, lave-toi, mais seulement
tilhviloz titoeaiotiloz: "Tape­ quand c'est nécessaire, pour
pextzon tinemaehxoeh." qu'on ne t'appelle pas, qu'on
ne te surnomme pas "la pe­
tite perle d'eau, le bouquet
de fleurs".
31-0 iz eatqui: In otli tietoeaz Ainsi, donc, tu suivras, tu
ivi in tinemiz, in in ivin in prendras le chemin de ceUes
oteeh mozealtiliatiaque, in qui nous ont élevés, des fe­
moeteeuviotzitzinuan, in tote­ mmes, de nos femmes nobles,
cuiouan, in eiuapipiltin, in des femmes nobles, des fe­
ilamatlaca, in tzoniztaque, mmes agees aux cheveux
(F. 83 V) in euaiztaque. blancs, a la tete blanche.
32-¿Cuix cenea ixquich qui­ Peut-etre ont-elles déja tuot
cauaia? In ca zan een eamatl dit? Elles ont dit, elles ont
in quitemacaia, in quieauaia, donné, elles ont laissé seule­
in quitoaia, ca zan ie ixquich ment quelques paroles, qui
intlatol: constituent tout leur discours:
33·"Xie caquiean, nemaehpan "Ecoute, c'est le moment
nemachioacan in tlaltiepac: d'apprende ici, sur la terreo
34-Iz ca tlatolli: Xie caqui­ Voici la parole, éeoute-Ia.
can, auh xic piacan auh itech Tu en sortiras ta conduite, ta
xic anacan in amonemiliz in maniere d'etre.
amotlachiual.
35-Tlaehichiquilco in tiui, in Nous eheminons, nous mar·
tinemi in tlalticpac: Niean chons a travers des lieux dan­
centlani nipa centlani, Intla gereux, sur cette terreo Des
nipa xiauh, in tlanoce nipa deux cotés un abime. Si tu
xiauh unpa tonvetziz: zan tla­ ne marches pas au milieu, tu
nepantla in viloa, in nemoa". tomberas. Seulement dans le
juste milieu on vit, on che­
mine."
DISCOURS DE LA MERE AZTEQUE 155

36-Inin tlatolli, nochputzin, Ce discours, ma petite en·


cocotzin, tepitzin, vel moyolIo. fant, colombe, petite filIe, pla.
caltitlan xic tlali, xic pia. ce-le, garde.le au Iond de ton
eoeur.
37-Ma tic ilcauh, ca yehoatl Ne l'oublie pas, respecte.le,
mocoxuh motlauil mochivaz, qu'il soit ta flamme, ta lu·
in ixquich cavitl timonemitz miere, tout le temps que tu
tlalticoac. vivras sur eette terreo
38-Iz ca oc centlamantli ic 11 ne me reste qu'a ajuoter
nocontzonquixtia in notlatol: ceci, pour terminer mon dis­
cours:
39-Intla timonemitz, intla aehi Si tu vis assez longtemps,
tic toeaz tlalticpac, ma nen si tu continues a vivre, sur ce­
cana (F. 84 R) in ic ticniuh· tte terre, ne donne pas ton
ti in monacaiotzin, nexocoi· corps en vain, ma pe tite fi­
ouh, conetzin, cocotzin, tepit. lIe, enfant, colombe petite
zin. filIe.
4O·Ma cana iliviz timotema· Ne te donne pas a la lé·
ca, intla ca aioc tiyectli. in­ f!ere, parce que si tu cesses
tIa ie ticiuatl, cana xi tlano, d'etre vierge, si tu deviens
ca aie ivian tiez in tepaltzinco. Iemme, si cela t'arrive, tu ne
pourras plus trouver la nro­
tection de quelqu'un qui t'aj·
me vraiment.
41-Ca muchipa tilnamiquHi­ Toujours tu te souviendras,
loz, muchioa monetoliniliz toujours tu seras triste, tu se­
motlaihiioviliz muchiuaz, aÍc ras tuormentée. Tu ne pou­
ivian, aic tlacaco tic chiuaz. rras plus vivre dans le calme
et la paix.
4·2-Muchioa chieotlamatiz in Ton mari, le compagnon de
motlavical, in monamic. ta vie, sera toujours soup~o­
nncux.
43-Noxoeoiouh. coeotzin: In· Ma petite fille, eolombe: si
tia tinemiz tlaltiepac, ma ume tu vis assez longtemps sur ce­
oquichtli mixeo mocoac ma tte terre, qu'un seul homme,
(ti). Auh nizca vel xic caqui, et non deux, te connaisse.
vel xic pia, vel motepitznaoa. Econte, rappelle.toi le bien,
ti1.
156 ESTUDIOS DE CULTURA NÁHUATL

44-Intla ye cana tepaltzinco Mais, si tu es déja sous le


timoetzica, ma nen itla mitic pouvoir de quelqu'un ne par­
tiquito: ma nen itla mitic ti­ le pas en toi-méme, n'invente
quiyocux. pas en toi-meme.
45-ma oc ticahavilia, ca nen Ne laisse pas ton coeur vai­
in moyollo, ma oc nen cana­ nement se tourner ailleurs.
pa itzcaliuh, ma ica auh ma N'offense pas ton mari, le
queman ica timocuavitec in compagnon de ta vie.
motlavical in monamic.
46-Ma nen ica, ma nen que­ En aucune fa<;on ne passe
man ipan tia, in iuh mitoa outre sa dignité, en un mot
tla-(F. 84 V) tollí, ma tic, ne lui sois pas adultere.
tlaxin.
47-Inin noxocoiouh, nochput­ Car, ma petite fille, ma pe­
zin icen tlanca, icen on qUlZ­ tite enfant, si cela se conso­
ca in tlalticpac: mme, sur cette terre:
4,8-aoctle icuepoa, aoc tle n n'y a plus de retour, pas
ipaio: intla tittoz, intla tima­ de possibilité de revenir en
choz ca utlica tivetztoz, ca utli­ arriere. Si tu es regardée, si
ca tivilantoz, utlica tiquetetzot­ tu es connue, le long des che­
zonaloz ticuatetepitziniloz. mins tu seras chassée, le long
des chemins tu seras trainée
a terre, le long des chemins
tu seras lapidée, ta tete sera
écrasée.
49-50-Mitoa tetl tic yecoz, ti­ On dira que tu connaitras
vivilanoz meca maviliztli veto la pierre, que tu seras trainée
ziz, moca nemauhtiloz auh ni­ aterre, pour toi il n'y aura
man ie tiquin teiyotiz, tiqui­ plus de dignité. Pour toi on
mitauhcayotiz in cuauhtla ti­ éprouvera de l'horreur, en ou­
quimantinemiz in totecuiouan, tre, a ceux auxquels tu dois
in tetecutin, in tlatoque, in in­ la vie, a ceux qui font pré.
paltzinco timotlacatili, In In­ cédée dan s l'au-dela, tu por­
techcopa timoquixti. teras préjudice, tu déplairas,
a nos seigneurs, aux chefs
auxquels tu dois d'étre née,
auxquels tu dois de vivre.
51-Teuhtli tlazulli ipan tic pi­ Tu repandras poussiere et
xoz in intlillo in intlapallo, fumier sur les livres de pein­
DlSCOURS DE LA MERE AZTEQUE 157

tiquimavilquixtiz uncim on pO­ tures rouges et noires, qui


poliuiz in motlillo in moda­ conservent leur histoire, tu en
pallo. feras des ohjets de moquerie,
par la tu détruiras le livre
de peintures rouges et noires,
qui aurait gardé ton souvenir.
52-Aocmo tinecuitiloz, mopan Tu ne serviras plus d'exem­
mitoz titeneoaloz, titocaiotiloz pIe. De toi on parlera, on mé­
"Teuhtitlan tactic". dira, on t'appellera "celle qui
,. enfoncée dans la poussie­
s'est
re .
53-Auh xic caqui: Intla ca Ecoute, quand hien-méme
nel ac mÍtz itta, intla aca mitz personne ne te verrait, pas
itta motlavical (F. 85 R), in méme ton mari, ton compag·
monamic, xic caqui: non, écoute, te voit Tloque
Ma mitz itta in Tloque Nauaque, le dieu de la pro­
Nauaque. 3 ximité.
54-yehuatl mocualanal tiz, ye­ Il s'irritera, il fera que les
huatzin quimotlacualaniliz in hommes se courroucent, il se
maceoalli, yehoatzin motzon­ vengera de toi, il te fera vivre
cuitzinoz mopan quiualmone­ dans la pauvreté et te fera su·
quiltiz in tlein quinmonequil­ hir ce qu'il décidera: la pa­
tizo ralysie peut·étre, ou le cécité,
ou hien il fera pourir ton
corps et tu ne mériteras que
des haillons, que des gueni­
lles.
56-Dmpa on quizaz in tlaltic­ Voila a quoi tu arriveras,
pac, ca nel o ica timocuavi­ ici, sur cette terre, pour avoir
tec in maceoalli, ano ce niman trahi ton mari, peut.étre qu'a.
mitz on mocxipachiviliz mitz lors celui-ci te foulera aux
on motlatiliz, mitz in miualiz pieds, t'opprimera et t'enverra
in tocenchan in mictlan. dans notre maison commune,
a Tloque Nauaque, ou lpalnemohuani, dieu de la proximité, dieu invisi·
ble, l'unique dieu adoré par Nezahualcóyotl, Roí de Texcoco. Comme le
souligne M. AIsonso Caso, The ReUgion 01 the Aztecs, p. 10, l'attitude mono·
théiste de Nezahualcóyotl ne devait pas litre acceptée par tou,., les Azteques
néanmoins l'importance que ron reconnaissait a ce dieu, devait litre assez
grande, puísque la mere Azteque conseillait a sa petite filIe de ne pas déplaire
a ce dernier.
158 ESTUDIOS DE CULTURA NÁHUATL

dans le Mictlan, dan s la "ré­


gion des morts". 4
57-Auh ca ienooaeacintli in Le seigneur, notre seigneur
tlaeatl, in toteeuio, itIa otax, est miséricordieux, mais si tu
itla otie ehiuh, intla oipan tia commettais l'adultere, si tu
motIavieal, faisais cela, si tu passais outre
la dignité de ton mari,
58-auh intla eamo niman mitz meme si on ne le découvrait
monextilix, Tloque Nauaque pas; aussÍtot Tloque Nauaque,
aoe ie ivian tiez aoe ie ivian le dieu de la proximité, ferait
tinemiz: en sorte que tu ne puisses plus
vivre en paix.
59-quiyollotiz in toteeuio in Notre seigneur le ferait dé­
oquiehtli za euaeualaniz tIa· courvrir a ton mari, il le me·
tlaveltiaz. ttrait en courroux, le rempli­
raít de colere.
60·Auh inin: noxoeoyouh, Aussi, done, ma petíte fille,
noehputzin, eonetzintli, tepit­ ma petite enfant, petite fille,
zin, ma (F. 85 V) yoeuxea petite, vis sur la terre avec
tonmonemitiz in tlaltiepae, in­ calme, le temps que tu devras
tla aehi tiemotoquiliz. y rester.
61-Catle ie tonnmizoloteeaz N'infame pas, n'outrage
auh ma eatle ie tiquimotzon­ pas, ne blesse pas tes seig­
teeonaeoeuiz in moteeuiiouan, neurs, les ehets, auxquels tu
in tlatoque, in inteehpa timo­ dois la vie.
quixti,
62-auh in tehuantín, ma mo­ Quant a nous, que graee
paltzineo tontenioazque toní. a toi, nous soyons honorés,
tauheaioazque, tic mateetzin­ renommés. Et toi, apprends
tIi noxocoiouh, nochputzin, te­ a etre heureuse, ma petite fi·
pitzin. Ile, ma petite enfant, petite
fille.
4 Si l'on en juge d'apres les lois 34 et 35 du Libro de Oro, il ne semble
pas que le mari aít eu le droit de vie ou de mort sur sa femme adultere, car
ces loís dísposent que:
" ... était condamné a mort celui tuaít sa femme sur des sOUPI<Ons ou des
índices, et meme lorqu'il la surprenait avec un autre, car c'étaient au juges de
la punir", Libro de Oro, p. 272, Capítulo 2 que trata de la Lujuria. Cité par
KOHLER, p. 37, in El Derecho de los Aztecas, Cía. Editora Latina Americana,
México, 1924.
DISCOURS DE LA MERE AZTEQUE 159

63·Ma ¡tlan xi mocalaqui in Approche·toi de notre seig­


totecuio in Tloque Nauaque. neur, Tloque Nauaque, le dieu
de la proximité.

COMMENTAIRE

Le discours que tenait la mere azteque a sa petite fille sem·


ble indiquer qu'il existait des regles morales, que toute jeune
fille digne d'estime devait suivre, et qui correspondaient au
role de la femme dans la societe aztéque.
Le premier conseil de la mere était de se rappeler la pa­
role paternelle, car celle-ci était tres importante, si l'on en
juge d'apres le discours en espagnol que rapporte Sahagún. 1
Elle portait en effet sur l'éducation a la fois du corps et de
l'esprit de la jeune fille.
Si la mere conseillait a la jeune fille de ne pas Se parer
trop luxueusement, le pere ajoutait qu'elle devait se vetir
avec soin, qu'elle devait etre soignée, mais sans exces, pour
pIaire a son mari. 2
D'autre part, il exhortait la jeune fille a prier. Meme
lorsqu'elle était de haute lignée, ce dont il n'y avait pas lieu
de tirer vanité, déclarait le pere,3 celui·ci I'engageait a ap·
prendre a cuisiner, tisser, filer, broder, pour etre en mesure
de subvenir a ses propres besoins, le cas échéant: 4
" . .. afin qu'apres notre mort, tu puisses vivre de fa~on
digne, au milieu de personnes honorables, paree que s'en aller
cueillir. des herbes, vendre du petit bois ou de l'onguent, du
sel, du salpetre, au coin des rues, ne te conviendrait nullement,
car tu es généreuse et ton ascendance est noble".5
Ces occupations manuelles n'étaient pas déshonorantes puis.
que s'y livraient les filles des Seigneurs voisins de Mexico·
Tenochtitlán qui habitaient le palais de Motecuhzoma n, 6
1 SAHACÚN, Fray Bernardino de.: Historia general de las cosas de Nueva
EspaÍÚl. 4 vols. Porrúa. México, 1956, t. n, L. VI, Ch. 18, p. 126 et suiv.
2 SAHACÚN. ldem.
a SAHACÚN. ldem, p. 130.
4 SAHAGÚN. ldem, pp. 128 et 129.

5 SAHACÚN. Idem, p. 129.


6 BERNAL DÍAZ DEL CASTILLO. JI erdadera Historia de los Sucesos de la Con·
quista de Nueva España. Bouret. Paris, 1937, t. I1, Ch. 41, p. 37.
160 ESTUDIOS DE CULTURA N..\HUATL

comme le faisaient les nonnes qui vivaient dans le couvent si­


tué pres du temple de Huichilobos. 7
D'apres Mendieta, toutes les jeunes filles nobles s'exer­
c;;aient a ces travaux, s que ne négligeaient pas les femmes
nobles, nous dit Sahagún. 9
D'ailleurs, quand une petite fiHe naissait, on plac;;ait pres
d'elle tous les instruments nécessaires au filage et au tissage. 10
Le travail manuel tenait donc une place prépondérante dans
l'éducation de la jeune filIe, puis dans les activités de la
femme azteque, meme de noble lignée.
Le pere priait, ensuite, la jeune fille de ne pas déprécier
toute demande en mariage, de ne pas choisir son futur époux
comme on choisit "una manta" (un manteau).11
D'autre part, le pere insistait beaucoúp sur la pureté de
la jeune fille et sur son honneteté future de femme mariée.
A ce propos, on lit dans le Manuscrit Ramírez: 12
"Les Mexicains étaient fort jaloux de la pureté de leurs
épouses, si bien que s'ils ne les trouvaient point vierges, ils
les accablaient d'injures, a la grande honte et confusion des
parents qui n'avaient pas su veiller sur leur fille. Quant a
celle qui apportait la virginité, on la fetait par de grandes
réjouissances et par de nombreux présents a la jeune femme
et a ses parents ... "
L'adultere devait etre un grave délit, aux yeux des Azte­
ques, si l'on en juge d'apres la sévérité avec laqueHe il
était réprimé.
L'une des 80 loÍs promulguées par Nezahualcoyotl énonce
en effet que:
"Toute femme commettant l'adultere et surprise par son
mari seraÍt lapidée, aÍnsi que son complice, dans le "tian­
guis" (sur la place du marché); si le mari ne l'apprenait
1 BERNAL DÍAz. ldem, pp. 37 et 38.
8 MENDIETA, Fray Gerónimo de. Historia Eclesiástica Indiana. Salvado!
Chávez Hayhoe. México, 1945, t. 1, p. 133.
9 SAHAG.ÚN. Op. cit., t. n, 1. VIII, Ch. 16, p. 315.
10 SAHAG.ÚN. Op. cit., t. n, L. VI, Ch. 37, p. 206.
11 SAHAG.ÚN. Op. cit., t. n, L. VI, Ch. 18, p. 130.

12 MANUSCRIT RAMÍREZ. Histoire de l'Origine des Indiens qui habitent la


Nouvelle Espagne selon leurs Traditions. Publié par D. Chamay. E. Leroux.
Paris, 1903.
DISCOURS DE LA MERE AZTEQUE 161

que par des rumeurs dont la vérité serait établie, elle et son
co;mplice seraient pendus." 13
En résumé, bien se comporter, acquérir les qualités pro­
pres a une bonne maÍtresse de maison, épouse et mere, tels
étaient les principes que les parents s'effor~aient d'inculquer
a leur fille.
Si la mere ne se préoccupait que de l'éducation de la jeu­
ne fille, le pere insistait sur le róle futur de celle-cL La jeune
fille bien élevée deviendrait une fidele épouse, qui saurait
s'occuper des travaux ménagers aussi bien que de la formation
de ses enfants.
La parole de pere est done complete, car celle défínit
l'attitude que devait adopter la jeune fille en toutes choses.
Ce la dénote l'importance de l'homme dan s la société azte­
que, et du pere dans la famille. Comme le souligne Kohler: 14
" ... Le mariage était fondé sur la puissance paternelle, et
la famille était patriarcale... cependant l'influence de la
mere se faisait toujours sentir."
Pour que cette influence. fút efficace, il était indispensable
que la jeune fille eut re~u une éducation parfaite en tous
points.

13 IxTULXOCHITL, Don Fernando de. Obras Históricas. Publicadas y anota­


das por Alfredo Chavero. Editorial Nacional. México, 1952, t. I. Relaciones,
p. 237.
14 KOHLER. Op. cit., p. 40.
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SIMBOLISMO DE
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exotéricas: el canto
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