Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
d’Afrique Noire
Mai 2012
Résumé
Introduction : Sous les tropiques, la fibrillation atriale non valvulaire tend à augmenter en raison de
la prévalence sans cesse croissante des cardiopathies non valvulaires. Les objectifs de cette étude
étaient de déterminer la prévalence de la fibrillation atriale non valvulaire au CHU de Dakar, d’en
déterminer les étiologies et d’étudier les aspects thérapeutiques et évolutifs de la maladie.
Patients et méthode : Nous avons recensé les dossiers des patients hospitalisés pour fibrillation
atriale ou l’ayant présenté en cours d’hospitalisation dans le service de cardiologie du CHU de Dakar.
L’ECG et l’écho doppler cardiaque étaient systématiques. Le Holter ECG, la tomodensitométrie céré-
brale ainsi que l’échocardiographie trans-œsophagienne étaient réalisés selon les cas. Les valvulaires et
porteurs de prothèse valvulaire étaient non inclus. Mots-clés :
Résultats : La fibrillation atriale non valvulaire représentait 65,55% des fibrillations atriales. Le sex- Fibrillation atriale
ratio était de 1,62 en faveur des femmes. L’âge moyen était de 67,36 ± 13,23 ans. La prévalence de la non valvulaire,
maladie augmentait avec l’âge des patients. Les causes cardiaques étaient retrouvées dans 82,20% tropiques,
des cas. Les formes idiopathiques étaient au nombre 4 cas (3,39%). Les causes cardiaques étaient traitement
dominées par la cardiopathie hypertensive (57,73%), la myocardiopathie dilatée (22,68%) et la cardio- anticoagulant,
pathie ischémique (12,37%). Le traitement réducteur a été administré chez 12 (10,17 %) patients et complications
un traitement ralentisseur chez 108 patients (91,52%). Les antivitamines K étaient utilisées dans
66,10% des cas. Parmi les patients non traités par antivitamine K, 34 (soit 28,81% de l’échantillon)
avaient un score CHADS supérieur ou égal à 3. Les complications étaient retrouvées dans 37,29% des
cas soit 44 patients dont 18 cas d’AVC ischémiques, 32 cas de thromboses intracardiaques et 5 cas de
décès.
Conclusion : La fibrillation atriale non valvulaire est fréquente sous les tropiques. Sa principale
étiologie est la cardiopathie hypertensive. Les complications sont fréquentes et dominées par les
thromboses intracardiaques. Plus d’un quart des patients qui devrait bénéficier d’un traitement par les
AVK n’en bénéficie pas.
Abstract
Non valvular atrial fibrillation, a study on 118 cases observed at the teaching hospital
of Dakar
Keywords :
Introduction : In sub-Saharan Africa, non-valvular atrial fibrillation increases as a result of ever- Atrial fibrillation,
increasing prevalence of non-valvular heart disease. The objectives of this study were to determine the non valvular,
prevalence of non-valvular atrial fibrillation and its etiologies at the CHU of Dakar, and to study sub-Saharan Africa,
therapeutic aspects and outcome of this disease. anticoagulant
Patients and methods : We reviewed the records of patients hospitalized for atrial fibrillation or who therapy,
presented it during their hospitalization in the cardiology department of the teaching hospital of Dakar. complications
The ECG and echocardiography were systematic. Holter ECG, brain CT scan and transesophageal
echocardiography were performed as appropriate. Patients who had valvular disease or prosthetic
valve were not included.
Results : Atrial fibrillation accounted for 65.55% non-valvular atrial fibrillation. The sex ratio was 1.62
for women. The average age was 67.36 ± 13.23 years. The prevalence increased with patient age. The
cardiac causes were found in 82.20% of cases and the idiopathic forms in 4 cases (3.39%). The car-
diac causes were dominated by hypertensive myocardiopathy (57.73%), dilated cardiomyopathy
(22.68%) and ischemic heart disease (12.37%).
The reducing treatment was administered in 12 (10.17%) patients and a retarder treatment in 108
patients (91.52%). Oral anticoagulants were used in 66.10% of cases. Among patients not treated
with anticoagulants, 34 (or 28.81% of the sample) had a CHADS score greater than or equal to 3.
Complications were found in 44 patients including 18 cases of ischemic stroke, 32 cases of intracardiac
thrombosis and 5 cases of death.
Conclusion : non-valvular atrial fibrillation is common in sub-Saharan Africa. Its main cause is the
hypertensive myocardiopaty. Complications are common and dominated by intracardiac thrombosis.
More than a quarter of patients who should be treated by oral anticoagulants are not.
Introduction La fibrillation atriale est le trouble du rythme concernait tous les patients admis présentant
cardiaque soutenu le plus fréquent, particuliè- une fibrillation atriale, ou ayant présenté en
rement chez les sujets âgés ou porteurs de cours d’hospitalisation une fibrillation atriale.
cardiopathie [1]. Elle constitue un problème de Tous les patients avaient bénéficié d’un exa-
santé publique du fait de sa prévalence dans la men clinique complet, d’un électrocardio-
population âgée, de son incidence annuelle et gramme et d’une échocardiographie transtho-
de la gravité de ses complications emboliques racique systématiques. La tomodensitométrie
[2]. En Afrique subsaharienne, une grande cérébrale était réalisée chez les patients qui
pourvoyeuse de la fibrillation atriale est la avaient présenté un accident vasculaire céré-
maladie rhumatismale par le biais des valvulo- bral. Le Holter ECG des 24 heures était réalisé
pathies, surtout mitrales [3, 4]. A côté de la chez les patients qui présentaient des symp-
fibrillation atriale valvulaire, celle non valvulaire tômes paroxystiques et chez qui l’ECG n’objec-
est de en plus non négligeable vue l’évolution tivait pas de trouble du rythme cardiaque.
sans cesse croissante des cardiopathies non L’échocardiographie transœsophagienne a été
valvulaires sous les tropiques. réalisée chez les patients qui devaient béné-
Cette étude avait pour objectifs de déterminer ficier d’une régularisation programmée. Nous
la prévalence de la fibrillation atriale non val- avons recherché les étiologies cardiaques et
vulaire au CHU de Dakar et d’étudier les extracardiaques, analysé le traitement et
aspects étiologiques, thérapeutiques et évolu- apprécié l’évolution et les complications.
tifs de la maladie dans nos conditions d’exer- Les patients qui étaient porteurs de valvulopa-
cice. thie organique ou de prothèse valvulaire n’ont
pas été inclus dans l’étude.
Patients et méthode
tait 3,93% des hospitalisations, 39,73% des 11,02% et 5,93% des cas respectivement.
troubles du rythme cardiaque et 65,55 % des
fibrillations atriales. Etiologies
L’échantillon était composé en majorité de Les causes cardiaques étaient retrouvées dans
femmes (61,86%) avec un sex-ratio femme/ 82,20% des cas soient 97 patients et les
homme de 1,62. causes non cardiaques dans 14,41% des cas
L’âge moyen des patients était de 67,36 ± soit 17 sujets. Aucune étiologie n’a pu être
13,23 ans (extrêmes de 24 et 91 ans). La mise en évidence dans 4 cas (3,39%).
figure I indique la prévalence de la fibrillation Les causes cardiaques étaient dominées par la
atriale non valvulaire selon l’âge. cardiopathie hypertensive (57,73%), la myo-
cardiopathie dilatée (22,68%) et la cardiopa-
La fibrillation atriale permanente était la plus thie ischémique (12,37%). Ces causes cardia-
fréquente (83,05%) soit 98 cas. Les formes ques sont résumées dans le tableau I.
paroxystiques et permanentes représentaient Les causes extracardiaques étaient représen-
tées par les hyperthyroïdies (58,82%) et les
Figure I : Evolution de la prévalence de fibrillation atriale non valvulaire en pleuro-pneumopathies (41,18%).
fonction de l’âge
notre étude, les causes cardiaques représen- Pour certains, la nécessité de contrôles san-
taient 82,20% des étiologies. Les principales guins fréquents [15,16] serait la principale
cardiopathies en cause étaient par ordre raison, pour d’autres, il s’agit de facteurs liés au
décroissant les myocardiopathies hypertensive patient lui même comme l’âge avancé (< 80
(57,73%), dilatée (22,68%) et ischémique ans), seul ou associé à un autre facteur de ris-
(12,37%). ELLENGA MBOLLA et al. étaient que hémorragique [17]. D’autres prescripteurs
parvenus aux mêmes conclusions. Ils avaient évitent les antivitamines k par peur d’une mau-
trouvé en plus une fréquence non négligeable vaise observance [18, 19]. Les antécédents ou
de fibrose endomyocardique (6,1%) [3]. le risque de chutes sont aussi une cause de
L’étude ALPHA [10], menée chez 756 patients non prescription des AVK [17, 20]. Enfin, la dif-
âgés en moyenne de 68,6 ans, a montré que ficulté de maintenir un International Normalized
dans la population française les causes de la Ratio (INR) stable dans la zone thérapeutique
fibrillation atriale étaient essentiellement l’hy- limite la prescription des AVK [21, 22].
pertension artérielle (38,4%) associée à une
hypertrophie ventriculaire gauche dans plus de Nos résultats sont en accord avec les données
20% des cas, la cardiopathie ischémique récentes de la littérature [17] qui concluent que
(16,6%), la cardiopathie dilatée (9%) et la parmi les patients en fibrillation atriale à haut
cardiopathie hypertrophique (5%). risque thromboembolique ne recevant pas de
Le traitement réducteur était administré dans traitement d’antivitamine k, environ la moitié
seulement 10,17% des cas dans notre étude. n’a pas de sur-risque hémorragique. Le seul
Le choix du ce traitement ou du traitement facteur limitant retrouvé étant l’âge avancé
ralentisseur était guidé par l’étiologie. alors que ce sont ces derniers qui bénéficient le
mieux de ce traitement.
La complication essentielle de la fibrillation
atriale reste les embolies périphériques avec Conclusion
essentiellement les accidents vasculaires céré-
braux (AVC) dont la fréquence est multipliée Notre étude, malgré la petite taille de l’échan-
par un facteur de 4 à 7 [11]. La prévention de tillon montre que la fibrillation atriale non val-
cette complication constitue le fondement du vulaire est fréquente sous les tropiques à côté
traitement anticoagulant dans la fibrillation de la fibrillation atriale valvulaire. Elle survient
atriale. Mais bien que de nombreuses études sur terrain de cardiopathie hypertensive, de
aient montré l’efficacité des antivitamines k cardiomyopathie dilatée hypokinétique et de
dans cette prévention, ils restent sous-utilisés cardiopathie ischémique essentiellement avec
[12, 13]. Dans notre étude, ils n’ont pas été une fréquence importante des complications
prescrits dans 28,81% des cas. TRIMECHE et thrombotiques.
al. en Tunisie montrent que 25% des patients
présentant un fibrillation atriale ne sont pas Notre étude montre également que plus du
traités par antivitamine k selon les recomman- quart des patients en fibrillation atriale avec
dations [14]. un haut risque thrombotique n’est pas traité
Plusieurs raisons ont été rapportées dans la par antivitamines k. L’âge avancé en serait la
littérature pour expliquer cet état des faits. raison en moyenne une fois sur deux.
Références
1. MABO P, LEENHARDT A, JAILLON P, KACET S, AUBIN F, DENJOY 2. FANG MC, CHEN J, RICH MW. Atrial fibrillation in the elderly. Am J
I, LE HEUZEY J-Y. Fibrillation atriale, description de la prise en charge par Med 2007 ; 120 : 481-7.
les cardiologues, étude observationnelle. Résultats de l’étude Factuel. Ann. 3. ELLENGA MBOLLA BF, GOMBET T, IKAMA MS, DILOU
Card. et d’Angéiologie 2009 ; 58 : 151-8. BASSEOUKA L, EKOBA J, KIMBALLY-KAKY G, et coll. Fibrillation
auriculaire a propos de 131 cas congolais. Méd Afr Noire 2006 ; 53 : 73-8. 14. TRIMECHE B, BOURAOUI H, MAHDHAOUI A, ERNEZ-HAJRI S,
4. TANTCHOU TCHOUMI JC, AMBASSA JC. La fibrillation auriculaire et JERIDI G. Anti-coagulation orale et fibrillation auriculaire. Rev méd intern
prise en charge en milieu rural. The Pan African Medical Journal. 2009 ; 30 : 311-5.
Proceedings of the 6th Congress of Cameroon Cardiac Society 2008 ; 1 :15. 15. KUTNER M, NIXON G, SILVERSTONE F. Physicians’ attitudes toward
5. GAGE BF, VAN WALRAVEN C, PEARCE L, HART RG, KOUDSTAAL oral anticoagulants and antiplatelet agents for stroke prevention in elderly
PJ, BOODE BSP. Patients with atrial fibrillation for anticoagulation stroke patients with atrial fibrillation. Arch Intern Med 1991 ; 151 : 1950-3.
risk stratification in patients taking aspirin. Circulation 2004 ; 110 : 2287- 16. MCCRORY DC, MATCHAR DB, SAMSA G, SANDERS LL,
92. PRITCHETT ELC. Physician attitudes about anticoagulation for non valvular
6. EDERHY S, MEULEMAN C, HAMMOUDI N, JANOWER S, BOCCARA atrial fibrillation in the elderly. Arch Intern Med 1995 ; 155 : 277-81.
F, COHEN A. Prévention des accidents vasculaires cérébraux dans la fibril- 17. WALDO AL, BECKER RC, TAPSON VF, COLGAN KJ, for the NABOR
lation auriculaire non valvulaire. Presse Med 2005 ; 34 : 1315-24.
Steering Committee Hospitalized patients with atrial fibrillation and a high
7. GENTRIC A, ESTIVIN S, JESTIN C. Indications des antivitamines K et
risk of stroke are not being provided with adequate anticoagulation. J Am
de l’aspirine chez les sujets âgés en fibrillation atriale. Rev méd intern
Coll Cardiol 2005 ; 46 : 1729-36.
2009; 30 : 671-7.
18. COPLAND M, WALKER ID, CAMPBELL TAIT RC. Oral
8. LE HEUZEY JY, OTMANI A, MARIJON E, WAINTRAUB X,
anticoagulation and hemorrhagic complications in an elderly population with
LEPILLIER A, CHACHOUA K, et coll. Fibrillation atriale : le plus fréquent
atrial fibrillation. Arch Intern Med 2001 ; 161 : 2125–8.
des troubles du rythme. Presse Med 2008 ; 37: 821-6.
19. MAN-SON-HING M, LAUPACIS A. Anticoagulant-related bleeding in
9. GENTRIC A. Fibrillation atriale. EMC-Médecine 2, 2005: 153-9.
older persons with atrial fibrillation. Physicians’ fears often unfounded. Arch
10. LEVY S, MAAREK M, COUMEL P, GUIZE L, LEKIEFFRE J,
Intern Med 2003 ; 163 : 1580-6.
MEDVEDOWSKY JL. Characterization of different subsets of atrial fibril-
lation in general practice in France: the ALFA study. Circulation 1999 ; 99 : 20. MONETTE J, GURWITZ JH, ROCHON PA, AVORN J. Physician
3028-35. attitudes concerning warfarin for stroke prevention in atrial fibrillation :
11. TURAZZA FM, FRANZOSI MG. Is anticoagulation therapy underused results of a survey of long-term care practitioners. J Am Geriatr Soc 1997 ;
in elderly patients with atrial fibrillation? Drugs Aging 1997 ; 10 : 174-84. 45 : 1060-5.
12. COHEN N, ALMOZNINO-SARAFIAN D, ALON I, GORELIK O, 21. KUTNER M, NIXON G, SILVERSTONE F. Physicians’ attitudes
KOOPFER M, CHACHASHVILY S. Warfarin for stroke prevention still towards oral anticoagulants and antiplatelet agents for stroke prevention in
underused in atrial fibrillation. Patterns of omission. Stroke 2000 ; 31 : elderly patients with atrial fibrillation. Arch Intern Med 1991 ; 151 : 1950-3.
1217-22. 22. RODGERS H, SUDLOW M, DOBSON R, KENNY RA, THOMSON RG.
13. BUCKINGHAM TA, HATALA R. Anticoagulants for atrial fibrillation : Warfarin anticoagulation in primary care: a regional survey of present prac-
why is the treatment so low? Clin Cardiol 2002 ; 25 : 447-54. tice and clinicians’ views. Br J Gen Pract 1997 ; 47 : 309-10.