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Bulletin de la Société française de

Minéralogie et de Cristallographie

Argiles des gîtes phosphatés de la région de Thiès (Sénégal)


Laurent Capdecomme, Georges Kulbicki

Résumé
Dans la région de Thiès, les phosphates tricalciques et les phosphates alumino-calciques sont liés à d'importantes formations
argileuses qui constituent un ensemble exceptionnel par leur puissance, leur variété et par les relations qu'elles présentent
entre elles.
En s'aidant des diverses techniques pétrographiques, des rayons X et de la microscopie électronique, on a distingué et décrit
des palygorskites, des montmorillonites sédimentaires, des montmorillonites formées par altération sur places de brèches
basaltiques, des kaolinites résultant de l'épigénie des montmorillonites sédimentaires et, enfin, des kaolinites de néogénèse
dans des fissures.
Le processus du passage des minéraux du basalte aux montmorillonites et de ces argiles aux kaolinites fait, en particulier,
l'objet d'une étude détaillée.

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Capdecomme Laurent, Kulbicki Georges. Argiles des gîtes phosphatés de la région de Thiès (Sénégal). In: Bulletin de la
Société française de Minéralogie et de Cristallographie, volume 77, 1-3, 1954. Soixante-quinzième anniversaire de la société
française de minéralogie 1878-1953. pp. 500-518;

doi : https://doi.org/10.3406/bulmi.1954.4904

https://www.persee.fr/doc/bulmi_0037-9328_1954_num_77_1_4904

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Bull. Soc. franç. Minér. Crist.
(1954). LXXVII, 500-18.

ARGILES DES GITES PHOSPHATÉS

DE LA RÉGION DE THIÈS (SÉNÉGAL)

LaboratoirePAR
de Minéralogie
L. Capdecomme
de la Faculté
et G.desKdlbicri,
Sciences de Toulouse.

Sommaire. — Dans la région de Thiès, les phosphates tricalciques


et les phosphates alumino-calciques sont liés à d'importantes forma¬
tions argileuses qui constituent un ensemble exceptionnel par leur
puissance,
elles. leur variété et par les relations qu'elles présentent entre

En s'aidant des diverses techniques pétrographiques, des rayons X


et de la microscopie électronique, on a distingué et décrit des palv
gorskites, des irrontmorillonites séiJimentaires,. des montmorillonites
formées par altération sur places de brèches basaltiques, des kaolini tes
résultant de l'épigénie des montmorillonites sédimentaires et, enfin, des
kaolinites de néogénèse dans des fissures.
Le processus du passage des minéraux du basalte aux montmorillo¬
nites et de ces argiles aux kaolinites fait, en particulier, l'objet d'une
étude détaillée.

Dans des publications récentes (L. Capdecomme, 1952),


l'un de nous a indiqué la nature des argiles qui apparaissent
dans les formations phosphatées de la région de Thiès (Séné¬
gal) et précisé leur rôle respectif au cours de la genèse des
phosphates alumineux. Dans la présente étude nous apporte¬
rons des indications phis détaillées sur ces argiles.
Au point de vue de leur mise en place, on doit distinguer
deux grands groupes :

a) les argiles purement sédimentaires, palygorskites, mont¬


morillonites et kaolinites ;
b) les argiles de formation secondaire, montmorillonites for¬
mées à partir de brèches de basalte, kaolinites résultant d'al¬
tération de montmorillonites, et kaolinites précipitées dans
les fissures du phosphate alumineux ou alumino-calcique.
— 501 —

I. — Argiles sédim entai res.

A. Palygorskites.

Elles apparaissent le plus souvent à la base des formations


phosphatées, tantôt au-dessous des couches de phosphates
de chaux pulvérulent, tantôt au mur des phosphates alu-
mino-calciques,
derniers. parfois même entre deux niveaux de ces

Dans tous les cas, elles sont liées directement à des marnes
ou calcaires et marquent l'apparition d'une sédimentation
calcaire. L'argile extraite des marnes par l 'acide chlorhydrique
est aussi de la palygorskite. Ajoutons qu'en dehors même des
gîtes de phosphates actuellement exploités, on connaît des
couches très importantes de ces argiles dont l'épaisseur peut
avoir plusieurs mètres.
Leur aspect en masse est très constant : carton brun clair
formant,
intervenu.en surface, des plaquettes là où le gonflement est

Dans les plaques minces, on voit des paillettes d'une dizaine


de microns d'épaisseur en moyenne (Nm: 1,54; B : 20/1. 000e
environ), imparfaitement stratifiées, accompagnées d'éléments
détritiques : quartz en petite quantité, particules de limonite
diffusant dans l'argile. Les analyses chimiques de deux échan¬
tillons relativement purs prélevés, l'un dans un puits de
Pallo, l'autre dans la carrière de Lam Lam, répondent aux
compositions des palygorskites très ferriques citées dans la lit¬
térature (A, B, C, D, E, F, tableau I) (une petite proportion
du fer peut être due à la limonite observée au microscope).
Soul ignons que le taux P205 est beaucoup plus faible dans
ces argiles que dans les montmorillonites sédimentaires.
Les caractères thermiques, très nefs et constants dans les
divers échantillons étudiés, sont conformes, eux aussi, aux
données classiques (courbes A et B, planche II) : grand cro¬
chet endothermique double entre 120 et 200°, crochet endo¬
thermique moins important vers 300°, crochet endothermique
— 502 —

étalé de 400 à 600°, crochet exothermique faible un peu avan


900°.

Les rayons X marquent avec une grande netteté les raie


du minéral, en particulier celle des plans (140) à 10, o Â
caractéristique des palygorskites (diagramme A, planche I)
Certains échantillons produisent une raie plus ou moin
intense vers 15 Â due à la présence de montmorillonite (dia¬
gramme B, planche I).
Les examens au microscope électronique confirment le
déterminations précédentes : ils montrent les classique
aiguilles prismatiques des palygorskites accompagnées parfoi
de pellicules attribuables à des traces de montmorillonit
(fig. A, pl. IV).

B. Montmorillonites.

En couches d'épaisseur variable pouvant atteindre plusieur


mètres d'épaisseur, des montmorillonites forment régulière¬
ment le mur des phosphates alumineux et s'intercalent trè
souvent dans les formations sous-jacentes. Elles engloben
une grande abondance de grains de quartz clastique, de l
limonite et des nodules de phosphate tricalcique en propor¬
tions extrêmement variables. Elles sont onctueuses, de cou¬
leur verte à ocre avec parfois des lits incolores. Les marque
de glissements par solifluctions y sont fréquentes.
Leur compacité les distingue aisément des palygorskite
très feuilletées, de teinte généralement plus claire, et beau¬
coup moins riches en nodules de phosphate quand elles n'en
sont pas totalement dépourvues. Très souvent, les deux type
d'argile se trouvent en contact et se différencient, alôrs, beau¬
coup mieux lorsque l'humidité a entraîné un gonflement : le
palygorskites se sont rompues en petites plaquettes feuille¬
tées tandis que les montmorillonites ont formé une pâte com¬
pacte et, parfois, glissé suivant des surfaces gauches.
Les plaques minces montrent des lits fins, jaunes ou ocres
plissés et cassés par les solifluctions. Les particules argileuse
(Nm : 1 ,52 à 1 ,56 ; B : 30/1 .000e environ) sont, en gros, orien¬
_ 503

le quartz détritique, la limonite, et des organismes phospha¬


tés dont les détails ont généralement disparu et dont les con¬
tours arrondis donnent à penser qu'il -s'agit d'éléments roulés
provenant de formations antérieures.
L'analyse chimique d'une de ces argiles, séparée autant que
possible des minéraux clastiques dont elle était chargée, montre
qu'elle est magnésienne et assez fortement ferrique (G,
tableau I). Cette composition se distingue de celle des paly-
gorskites par une teneur plus faible en MgO, plus élevée en
A]203 et Fe203. Nous verrons, d'autre part, que cette compo¬
sition chimique n'est pas très sensiblement différente de celle
des montmorillonites provenant de l'altération des basaltes
de la même région.
Les carac-tè-res thermiques sont assez constants : grand cro¬
chet endothermique à 100°, crocliet endothermique vers 500-
600°, réaction endothermique vers 850-900° (courbes G et D,
planche II). On remarquera que le second crochet est situé à
une température plus basse que celui des montmorillonites
proprement dites (700°) et plus élevée que celui des nontro-
nites (450°). Il caractérise bien des montmorillonites ferrifères
et ce résultat est en accord avec l'analyse chimique.
Les rayons X donnent des diagrammes de poudre bien carac¬
téristiques avec, en particulier, la raie vers 15 Â plus ou moins
accusée (diag. C, pi I).
Les examens au microscope électronique révèlent soit les
pellicules classiques de la montrnorillonite, soit de fines par¬
ticules en forme de latte analogues à celle des nontronites ou
des hectorites (fig. B, pl. IV). Des grains d'apatite apparaissent
très fréquemment, en «prismes hexagonaux semblant souvent
présenter une macle en genoux (fig. B} pl. IV).

C. Kaolinites.

Les kaolinites sédimentaires sont rares dans la région de


Thiès. Elles existent cependant, à la grande carrière de Lam
Lam par exemple, sous forme d'argile sableuse grise consti¬
tuant symétriquement le toit et le mur d'un curieux niveau
— 504 —

latéritique inclus dans la grande lentille de phosphate tri—


calcique.
Les plaques mincent montrent une pâte faiblement biréfrin¬
gente à texture phylliteuse renfermant de nombreux éléments
détritiques : quartz anguleux, nodules de phosphate trical-

cique
de basalte
souvent
kaolinisé.
bordés d'un liseré de staffelite, microfragments

La texture phylliteuse de l'argile résulte de la sédimenta¬


tion de paillettes détritiques de kaolinite. Nous avons souvent
observé cette texture par ailleurs et, à notre avis, elle permet
de distinguer les kaolinites purement sédimentaires de celles
qui proviennent de néogénèses. Ces paillettes empilées paral¬
lèlement peuvent, sous l'effet des pressions, glisser facile¬
ment les unes sur les autres pour mouler les éléments durs
de la roche ou en remplir les fentes. 11 en résulte un nouveau
faciès de kaolinite dit « en coulées » (Kulbicki, G., 1953 — de
Lapparent, J., 1930) que nous n'avons jamais observé à par¬

tir desà néoformations


sens l'échelle du millimètre.
dont les paillettes sont orientées en tous

Les nodules phosphatés sont fréquemment constitués par


des organismes à structure bien conservée : les parcelles de
ciment phosphaté isotrope qui y adhèrent encore souvent,
indiquent que ces nodules proviennent du remaniement de sédi¬
ments phosphatés antérieurement consolidés.
Les fragments de basalte kaolinisé paraissent avoir été
déposés après complète altération, car le faciès de l'argile y
est identique à celui qu'elle présente dans les brèches basal¬
tiques altérées en place. Il est peu probable en effet que l'al¬
tération de fragments de basalte ne dépassant pas 1 mm. de
diamètre ait pu évoluer identiquement dans deux milieux
aussi différents que le basalte lui-même et qu'un kaolin.
Ainsi, le dépôt de kaolinite observé à Lam Lam, avec ses
éléments détritiques provenant des roches que nous retrouvons
en place par ailleurs, paraît lié à une variation des conditions
de la sédimentation, qui par une sorte de renversement serait
passée d'une phase phosphatée calcique avec montmorillonite,
à une phase très kaolinique et sableuse, puis uniquement
— 505 —

sableuse, avant de redevenir kaolinique et, finalement, phos¬


phatée calcique. Ce renversement, probablement dû à des
mouvements orogéniques de faible amplitude, pourrait expli¬
quer la remarquable symétrie observée entre toit et mur du
niveau latérique inclus dans le phosphate tricalcique. Quant
à la formation de latérite, elle-même, nous pensons qu elle
découle de la grande perméabilité de la couche de sable com¬

rables
prise entre
à d'intenses
lits de circulations.
kaolin et de sa
La continuité
latérisationprobable,
corrode d
favo¬
ail¬

leurs irrégulièrement à la fois le toit et le mur argileux,


montrant par là qu'il s'agit d'un phénomène postérieur à la
mise en place de ces roches.

II. — Argiles d'origine secondaire.

A. Formation de montmorillonites à partir de basaltes.

Les puits de recherche ont souvent recoupé des bancs


importants de roches bréchiques formées surtout de fragments
de basalte de dimensions très variables, allant de quelques
microns à quelques décimètres, mêlés à des éléments détri¬
tiques divers (quartz, limonite, nodules phosphatés, galets
calcaires...). On observe ainsi des couches argileuses ayant
parfois plusieurs mètres d'épaisseur dont les parties basses,
vertes, sont formées essentiellement de montmorillonites
montrant encore la structure du basalte dont elles procèdent,
lundis que cette structure s'efface progressivement vers le
haut, la roche se colorant en rouge violacé et devenant kao¬
linique et ocreuse.
Les plaques mincent montrent nettement le processus de
formation de la montmorillonite à partir des minéraux basal¬

tiques.
Les échantillons les moins altérés conservent la teinte vert

sombre du basalte, mais sont très friables ; à l'œil nu, on


voit de nombreuses mouches blanches de zéolites. Les plaques
minces révèlent que les feldspaths et les olivines sont entiè-
— 506 —

rement épigénisés par une montmorillonite vermiculaire qui


conserve nettement les contours primitifs de ces minéraux
(fig. A, pl. V) ; l'augite n'est que partiellement altérée en
montmorillonite développée en bordure et le long des clivages;
la magnétite est intacte.
Une altération plus avancée que l'on peut observer dans
des roches recouvrant les précédentes donne une argile
compacte, vert clair ou jaune, où tous les éléments du basalte,
sauf la magnétite, sont entièrement transformés en montmo¬
rillonite.

Le contour des anciens cristaux de feldspath s'est alors,


généralement, estompé ; les vermicules de montmorillonite
qu'ils contenaient précédemment se sont divisés jusqu'à

tillons
donnerconservant
parfois unetoutefois
pâte à peu
assez
près
nettement
homogène,
leur
certains
microtexture
échan¬

primitive.
Les olivines sont transformées en amas de vermicules et de
sphérolithes (fig. C, pl. V).
Les augites sont facilement reconnaissables grâce à leur
contour caractéristique encore conservé. La montmorillonite
qui les a épigénisées montre, en lames minces : des plages
étendues, monocristallines, couvrant parfois la quasi-totalité
du cristal; des festons formés de paillettes empilées, le long
des clivages ou en bordure du cristal ; des amas de vermicules,
comme dans l'olivine, au cœur des cristaux (fig. A et C,
pl. V).
Qu'elle provienne du feldspath, de l'olivine ou de l'augite,
la montmorillonite possède très approximativement les mêmes
caractéristiques : réfringence voisine de l,56o, biréfringence
proche de 20/1.000, très léger pléochroïsme (incolore à
vert clair). L'examen en lumière convergente des plages
monocristallines qui épigénisent l'augite montre un miné¬
ral
nul. biaxe négatif, avec un angle des axes optiques petit ou

Les courbes thermiques différentielles comportent les trois


crochets classiques (courbe E, pl. II). La position du second
(vers 600°) s'accorde bien avec la présence d'ions ferriques
— 507 —

dans le réseau, comme nous l'avons déjà fait remarquer à pro¬


pos des montmorillonites sédimentaires.
Les rayons X donnent des diagrammes caractéristiques de
montmorillonites (diag. E et F, pl. I).
Le microscope électronique présente de petites pellicules
informes de 0,2 micron de diamètre environ.
Par suite de l'hétérogénéité de la roche, les analyses chi¬
miques ne donnent que des indications approximatives sur la
composition de l'argile. Celles de deux échantillons prélevés
dans un puits de Lam Lam à une distance verticale de 4 mètres
l'un de l'autre (H et I, tableau I), indiquent toutefois que
l'altération s'accompagne essentiellement d'un entraînement
du calcium,
tration de l'aluminium
' du magnésium
O et du et
fer.
des alcalins et d'une concen-

En résumé, les différents minéraux du basalte, avec des


vitesses et par des processus divers, se transforment en une
même variété de montmorillonite. Les faciès différents que
présentent les agrégats de cette argile dans les épigénies d'o-
livine, augite et feldspath s'expliquent par la texture de
ces minéraux : l'altération se produisant à partir de la
bordure, des fentes et des clivages des cristaux, on conçoit
que l'olivine, très craquelée, donne des amas homogènes de
vermicules, quel'augite engendre, le plus souvent, des festons
parallèles aux clivages principaux et que les baguettes de
feldspaths se transforment en une double rangée de vermi¬
cules (comparer les figures A, B et C, pl. V).
Dans les zones que l'hétérogénéité de la roche rendait par¬
ticulièrement perméables, des apports siliceux postérieurs à
cette première phase d'altération du basalte ont notablement
modifié la montmorillonite. Les plaques minces réalisées dans
ces échantillons montrent de l'opale remplissant les fentes et
imbibant la roche où elle corrode et dissout la montmorillonite.
Au sein de cette opale, on voit de nombreux sphérolithes de
montmorillonite de neogénèse en bordure desquels se ras¬
semblent de petits grains très réfringents que nous n'avons pu

encore déterminer
semblablement de (fîg.
la kaolinisation
F, pl. V). Cette
des opale
montmorillonites
provient très vrai¬
à la
— 508 —

partie supérieure de la formation. Les conditions de milieu


déterminées par des venues importantes de solutions siliceuses
basiques dans les parties basses du gisement sont favorables
à la dissolution de la montmorillonite épigénisant les miné¬
raux du basalte; les produits de cette dissolution n'étant pas
entièrement entraînés, ils peuvent recristalliser sur place en
donnant une montmorillonite (peut-être différente de la pre¬
mière) en sphérolithes dans un gel d'opale.

B. Formation de kaolinites
à partir de montmorillonites.

La formation progressive de kaolinite au toit des couches


de montmorillonite est un phénomène général, aussi bien là
où les montmorillonites sédimentaires forment le mur des gîtes
de phosphates alumino-calciques que sur les brèches basal¬
tiques altérées.

1) Kaolinite dérivant des brèches basaltiques.

L'altération kaolinique des montmorillonites de basalte se


prête à des observations en plaques minces qui montrent
les détails d'une évolution susceptible de se développer
sur des épaisseurs de plusieurs mètres grâce aux facilités de
circulations
la roehe. aqueuses résultant de l'hétérogénéité même de

a) En premier lieu, la montmorillonite qui épigénise les


feldspaths est transformée en kaolinite, avant que soit atteinte
celle des augites et des olivines (diag. A, pl. III). Ceci appa¬
raît dans les échantillons où les feldspaths ont conservé leurs
contours en se transformant en montmorillonite. De petites
particules très réfringentes que nous n'avons pu déterminer
vraisemblablement
se rassemblent alorsd'une
à la limite
association
des cristaux
d'ions
: elles
résiduels
proviennent
de la

montmorillonite.
b) Les épigénies d'augite, puis celles d'olivinese kaolinisent
par plages. Ici encore, de petites particules très réfringentes
— 509 —

se rassemblent en bordure des cristaux dans leurs clivages et


dans leurs fissures.
c) Ces particules et la mag-nétite, intacte jusque-là, s'al¬
lèrent en donnant de la limonite et parfois de la goethite qui
sont dispersées dans l'argile. A ce stade, la roche est jaune
ocre avec de nombreux petits points blancs de kaolin.
d) L'hvdroxyde de fer se rassemble à la limite des nodules
de kaolinite qui se soudent .et perdent peu à peu leur contour
caractéristique : à l'œil nu, l'argile paraît ocre foncé avec de
gros points blancs. Alors que précédemment le microscope
électronique montrait de fines paillettes hexagonales encore
mal formées et ne dépassant pas 0,2 micron (fig. D, pl. IV);
celles qu'il révèle ici atteignent 2 à 3 microns avec des formes
sorte
très nettes
de recristallisation
(fig. C, pl. IV).
de Il
la semble
kaolinite.
qu'à ce stade il y ait une

e) L'argile s'imprègne uniformément de limonite. La biré¬


fringence de la kaolinite diminue rapidement jusqu'à dispa¬
raître totalementdans les argiles très ferrugineuses des couches
supérieures. Au microscope électronique, les larges paillettes
des échantillons précédents ont fait place à de petites parti¬
cules souvent corrodées ne dépassant pas 0,4 micron. Cette
division des cristallites de kaolinite en milieu très ferrugineux
explique l'isotropie (par compensation) des sections minces.
Le schéma que nous venons de tracer appelle encore les
remarques suivantes :
Dans la succession des phénomènes décrits, l'un deux peut
débuter alors que le précédent n'est pas encore terminé. C'est
ainsi, par exemple, que l'oxydation de la magnétite peut
en
avoir
kaolinite.
lieu sans que toute la montmorillonite soit transformée

L'altération n'est pas forcément au même stade en tous les


points d'un niveau horizontal. Dans une même plaque mince,
des plagés voisines peuvent être différemment altérées, sui¬
vant les caprices des circulations. C est pourquoi des tech¬
niques comme l'analyse chimique, l'analyse thermique et les
rayons X ne permettent pas, à elles seules, de suivre les
détails des transformations de l'argile (Voir diag. F, pl. I ; A
— 510 —

et B, pl. III ; courbes E, G, H, pl. II; analyses H et I,


tableau I).
Le faciès des amas de cristaux de kaolinite évoque celui
des agrégats de mon-tniorillonite dont ils proviennent : c'est
ainsi que les épigénies d'olivine sont encore des boules de
vermicules, tandis que les montmorillonites d'augite et de
feldspaths donnent de la kaolinite en petits vermicules et en
traînées parallèles.
La montmorillonite des olivines, plus cohérente, se con¬
serve intacte plus longtemps que celle des augites. Ceci a pu
expliquer l'anomalie apparente d'une lévigation effectuée sur
une argile de basalte partiellement kaolinisée, où les fractions
les plus grossières étaient de la montmorillonite presque
pure (provenant de ses épigénies d'olivine), tandis que la
kaolinite
fines. (moins cohérente) se rassemblait dans les parties

2) Kaolinite dérivant des montmorillonites sédimcntaires.

La formation de kaolin au toit des niveaux supérieurs de


montmorillonite sédimentaire, à leur contact avec les couches
de phosphate alumino-calcique, modifie l'aspect de ces argiles
accusée.
qui deviennent moins grasses et prennent une teinte ocre très

Au microscope, le phénomène paraît essentiellement marqué


par une véritable épigénie des cristallites de montmorillonite :
les cristallites de kaolinite ont, en effet, même forme, mêmes
dimensions et même disposition que ceux de la montmoril¬
lonite sous-jacente. Une forte diminution de la biréfringence
marque toutefois la transformation. Des filets incolores suivent
parfois les strates ou les recoupent : ils sont constitués par
de la kaolinite identique à celle de la masse de la roche,
mais sans imprégnation d'hydrate ferrique. Très souvent, des
sphérolithes de crandallite se sont développés dans ces zones
décolorées, ce qui marque le passage de solutions relativement
acides susceptibles d'entraîner l'oxyde de fer en déposant le
phosphate alumino-calcique. Dans certains cas, des vermi-
— 511 —

cules de kaolinite ont pu naître au sein même de la kaolinite


épigénisant la montmorillonite.
En général, l'imperméabilité des couches de montmorillo¬
nites sédimentaires limite l'altération à une bande très super¬
ficielle dépassant rarement quelques décimètres. Notons que

les
montmorillonites
palygorskites, n'ont
placéesmontré
dans les
aucune
mêmes
transformation
conditions que
de les
ce

type.
3) Néogénèse de kaolinite
par précipitation dans des fissures.

Une genèse de kaolinite, de moindre importance que les


précédentes, apparaît dans la zone superficielle des gîtes phos¬
phatés.
L'un de nous a signalé (Capdecomme L., 1952) que l'alté¬

concentration
ration actuelle d'alumine
du phosphate
en surface
alumino-calcique
et à un entraînement
aboutit à une
en

profondeur d'ions phosphoriques, ferriques et calciques.


Ce ruissellement vertical laisse dans les fissures des couches
supérieures du phosphate, parfois à plusieurs mètres de la sur¬
face du sol, des ensuits bruns, biréfringents, dont l'examen
microscopique montre la nature kaolinique, confirmée parles
rayons X(diag. D et E, pl. III).
Dans les phosphates alumino-calciques, ainsi que dans l'au-
gelite qui se concentre parfois à la surface de ces phosphates,
le microscope montre l'existence des grains de quartz tou¬

jours
de néoformation
fortement est
corrodés.
dû à une
Il recombinaison
est vraisemblable
delà que
silice
le libérée
kaolin

par corrosion des grains de quartz et de l'alumine résiduelle


provenant du remaniement des phosphates alumino-calciques.

III. — Conclusions.

Les argiles de la région de Thiès constituent un ensemble


exceptionnel par leur puissance, par leur variété et par les
relations qu'elles présentent entre elles.
Les palygorskites et les montmorillonites sédimentaires
— 312 —

marquent deux phases différentes de sédimentation qui peuvent


toutefois être en continuité : les premières sont liées à une
sédimentation chimique calcaire, les secondes à une sédimen¬
tation essentiellement détritique.
Il est vraisemblable — sans que nous puissions avoir de
certitude sur ce point — que les palygorskites soient elles-
mêmes des argiles de précipitation et que les montmorillo¬
nites résultent d'un véritable transport à partir des produits
d'altération d'un basalte. La grande analogie chimique de ces
montmorillonites et de celles qui épigénisent les brèches basal¬
tiques que l'on a pu étudier en place, est un argument en
faveur de cette origine détritique des montmorillonites sédi-
mentaires de Thiès. Toutefois, les aspects particuliers d'une
partie de leurs éléments, observés au microscope électronique,
pourraient marquer une néogénèse partielle au cours du dépôt,
en milieu marin forcément un peu différent de celui des
brèches basaltiques.

cessus
Ces brèches
d'altération
basaltiques
des différents
permettent
minéraux
de déterminer
du basalte
le pro¬
en

montmorillonite et d'observer, ensuite, la transformation épi-


génique de cette montmorillonite en kaolinite.
La kaolinite se présente elle-même sous les aspects les
plus variés, et apparaît non seulement comme produit de les¬
sivage des montmorillonites sédimentaires ou de celles des
brèches de basalte, mais encore comme produit sédimentaire
lié essentiellement à du quartz détritique, et comme forma¬
tion actuelle de néogénèse par altération superficielle des phos¬
phates alumineux et du quartz qu'ils contiennent.
Nous ne saurions terminer cette étude sur les argiles de la
région de Thiès sans y souligner l'énorme importance des
montmorillonites et argiles qui en dérivent et, par là, l'énorme
apport d'origine basaltique dans la sédimentation contempo¬
raine de la formation des gîtes phosphatés. La concentration
de phosphate, dont on est d'accord pour penser qu'elle cor¬
respond à des conditions exceptionnelles de composition des
eaux marines, est ainsi connexe d'une activité volcanique très
intense.
TOTAL 99,58 99,75 100,7 99,80 99,58 100,01
100,0 101,35 100,27 1951).
W.
G.
1,3 2,40
DIVERS Lam. Lam.
,06
1 (Brindley de
Pallo.
Na20 "' 1,86 1,80
Lam de
de Lam
k2o —
1,36 0,20
JSfovgorod
basalte de
de basalte
p2o5 0,84 0,30 1,21 1,08 0,22 sédimentaire
Nijni
de
Ti02 0,6 1,10 2,64 2,64
MgO 6,83 8,30 4,6 9,05 5,44 6,40 2,20 9,23 2,35
1
Palygorskite G
:
F Montmoril onite II
: Montmoril onite I
: Montmoril onite
:
73
4,
CaO 3,14 2,83 2,1 2,02 2,79 2,89 3,64 2,66
Tableau
FeO 0,3 0,23 0,31 1937).
J.
1951
W.
G.
*

GO
art
art
Fe203 7,14 5,26 6,3 3,36 2,10 7,18
18,35
Lapparent
(de
(Brindley
A1203 11,98 12,04- 11,6 8,76 13,48 13,73 16,87 -13,09 17,59
Lam.
Si02 Pallo. de
de Lam de
51,91 52,41 53,0 53,64 54,71 39,25 43,30 Mormoiron de
Attapulgu
13,2451,17+
10,29 50,45
50
,
9
- 314 —

BIBLIOGRAPHIE

Brindley, G. W. 1951 . — « X-Rays identification and crystal structures


of clay minerals », London, 235.
Capdecomme, L. 1952. — C. R. Ac. Sc., Paris, 235, 187.
— 1952. — « Etude minéralogique des gîtes phosphatés de la région
de Thiès (Sénégal). XIXe Congrès géologique, Alger.
Kulbicki, G. 1953. — Thèse, Toulouse, n° 107.
Lapparent, J. de, 1930. — Les Bauxites de la France méridionale.
Mém. Cart. Géol. Fr., Paris.
— 1937. — Z . Kristallogr . Dtsch., 98 (A), 233.

Légende des planches I à V.

Planche I

Diagrammes de poudre (KaCu).

A. — Palygorskite pure de Lam Lam.


B. — Palygorskyte de Pallo contenant un peu de montmorillonite.
G. — Montmorillonite sédimentaire de Lam Lam.
D. — Kaolinite sédimentaire de Lam Lam, avec quartz.
E. — Montmorillonite de basalte de Lam Lam.
F. — Montmorillonite de basalte partiellement kaolinisée de Lam Lam.

Planche II

Courbes thermiques différentielles (abscisses fonction du temps).

A. — Palygorskite pure de Pallo.


B. — Palygorskite de Mormoiron.
G. — Montmorillonite sédimentaire de Pallo (le crochet à 350° est dû à la
goethite).
D. — Montmorillonite sédimentaire peu ferrugineuse de Lam Lam.
E. — Montmorillonite de basalte de Lam Lam.
F. — Montmorillonite de basalte légèrement kaolinisée de Lam Lam.
ténuation
Noter le de
développement
la réaction à 850°.
du crochet endothermique vers 580° et l'at¬
— 515 —

Planche III

Diagrammes de poudre (KaCu).

A. — Fragment de basalte dont les feldspatlis seuls sont kaolinisés (K), les
autres minéraux étant transformés en montmorillonite (M) (Lam
Lam).
B. — Kaolinite dérivant de basalte (Lam Lam).
G. — Kaolinite (K) dérivant de montmorillonite sédimentaire et enrobant du
quartz (Q) (Pallo).
D et E. — Enduits kaoliniques (K) dans le phosphate alumino-calcique (P)
avec quartz (Q) (Pallo).

Planches IV a et b

Suspensions argileuses au microscope électronique.


Ombrage au chrome 15°.

A. — Palygorskite de Pallo (P) : aiguilles mêlées de pellicules de montmoril¬


lonite
Grt :(m).
20.000.

B. — Montmorillonite sédimentaire ferrug'ineuse en très fines lattes, de Lam


Lam (-as).
Remarquer les nombreux cristaux d apatite parfois maclés (A).
Grt : 17.000
C. — Gros cristaux de kaolinite de basalte avec clivages bien apparents

{cl).
Grt : 30.000.

D. — Argiles de basalte en voie de kaolinisation : pellicules de montmoril¬


lonite
Grt :[m)
21.000.
passant à des hexagones de kaolinite (k).

Planche V a et b

A. — Montmorillonite épigénisant l'olivine (O) et le feldspath (F) d'un frag¬


ment
cristaux.
de basalte. Remarquer ses différences de textures dans les deux

Polariseurs croisés. Grt : 250.


B. — Cristal d'augite épigenisé par la montmorillonite. Comparer la texture
dePolariseurs
l'argile à celle
croisés.
qu'elle
Grtmontre
: 500. sur le cliché précédent.

C. — Augite (A) et olivine (O) épigénisées par la montmorillonite. Comparer


la Polariseurs
texture de l'argile
croisés.dans
Grt :les130.
deux cristaux.

D. — Montmorillonite d'augite (M) corrodée par l'opalê (Z) dans laquelle


Plancfie I

J -1-1 -1 ' I '-■ '••.•'■■ ■ ■ * ' I I » I »


20 10 7 6 4 3 2 1,5 A
Planche II

A 100* £92Lo800' 900' jooo-


300"

B '200

c 6 ,0 ,10

H .soo1
Planche III

_J -L_J-, , I I, ......, , -1 o
20 10 7 5 4 3 2 1,5 A
.

,
,
Planche IV a

B
Planche IV h
B

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