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DIFFERENCIATION MAGMATIQUE

Les fluides magmatiques furent considérés pendant très longtemps comme la source
de tous les gisements métallifères connus dans le monde. Cette théorie initiale
s’explique facilement par l’histoire des exploitations minières. En effet, pendant de
longue période, les mineurs ne s’intéressaient qu’aux seuls gisements très riches de
métaux qui, généralement disposés sous forme de filons ou d’amas massifs d’oxydes
ou de sulfure présentent fréquemment des relations géométriques avec les roches
magmatiques. A partir de ces faits fut élaborée la théorie selon laquelle le magma
constituait la source universelle de tous les métaux et cette théorie devient un dogme
en dehors duquel il n’y avait point de vérité. Toutefois les recherches géométriques
entreprises ces dernières années faisaient l’inventaire de la distribution des teneurs
des éléments traces dans les différents environnements lithologiques montrent que les
roches sédimentaires ou volcano-sédimentaires contiennent autant et parfois
davantage d’oligo-éléments que les roches magmatiques. En général la teneur
moyenne des roches sédimentaires surtout (argiles et siltites) est peu différente de
celle des roches magmatiques. En conséquence la fréquente apparition des gisements
dans ces environnements est plutôt liée au processus déterminant la concentration.

DISTRIBUTION DES ELEMENTS TRACES DANS LES MAGMAS ANHYDRES

1- Considérations générales sur les liquides magmatiques

Si nous considérons un magma comme un bain silicaté fondu, c’est-à-dire un liquide


présentant une proportion variable mais le plus souvent prédominante de silice, on
peut en s’inspirant de la structure des verres considérer celui-ci comme un assemblage
instantané, tridimensionnel de tétraèdres [SiO4]4- désordonné et lacunaire avec
toutefois des ruptures périodiques des liaisons Si-O qui se reforment dans le même
temps et assurent ainsi une certaine viscosité au magma. Cette viscosité diminue
fortement lorsqu’on ajoute au liquide magmatique, certains éléments, comme par
exemple Na2O. Elle s’explique par la création de rupture de liaisons dans l’assemblage
des tétraèdres.
La libération d’oxygène (O2) résultant de la réaction favorise également la libération
des tétraèdres les uns par rapport aux autres. Pour comprendre ce phénomène il
suffit d’examiner le nombre d’atomes d’oxygène associés à chaque atome de silicium
dans les structures cristallines. Cette observation permet de constater que la
séparation des tétraèdres de silice nécessite la présence d’une grande quantité
d’oxygène dans le magma.

Tableau

Type de silicates Formule N (O) / N (Si)


structurale

Néso [SiO4]4- 4,00

Soro [Si2O7]6- 3,50

Cyclo [Si6O18]12- 3,00

Ino [SiO3]2- 3,00

[Si4O11]6- 2,75

Phyllo [Si4O10]4- 2,50

Tecto [SiO2] 2,00


L’influence de H2O qui provoque une diminution de la viscosité des liquides
magmatiques s’explique de la même manière que celui de l’oxyde de sodium (Na2O),
H+ jouera le même rôle que Na+. En revanche les halogènes comme le fluor (F) et le
chlore (Cl) jouent un rôle analogue à celui de l’oxygène. Ces différents éléments sont
appelés éléments minéralisateurs. Ils diminuent le degré de polymérisation de la
silice. La cristallisation magmatique consiste en une mise en ordre de l’assemblage
désordonné de tétraèdres qui forment le magma. Les éléments ordonnés de la
charpente silicatée les plus stables en fonction de la pression, de la température et de
la composition chimique du magma constitueront les germes des cristaux de la roche
magmatique. Ces germes peuvent par la suite réagir avec le bain magmatique résiduel
lorsqu’elles ne sont pas soustraites de ce dernier pour former de nouvelles espèces
plus stables. Par contre lorsque ces germes sont progressivement soustraits au fur et
à mesure de la cristallisation magmatique on obtient une différenciation du magma
appelée alors fractionnement magmatique.

2-Comportement général des éléments chimiques dans les magmas

Les éléments majeurs présentent deux comportements différents au cours de la


cristallisation magmatique :

-Pour les uns comme le Si et Al, ils participent directement à l’élaboration des
charpentes silicatées.

-Pour les autres comme les alcalins, alcalino-terreux et ferromagnésiens, ils


établissent les liaisons entre ces éléments des charpentes silicatées. Ces deux
groupes d’éléments sont respectivement appelés : éléments formateurs de réseau et
éléments modificateurs de réseau. La prise en considération des éléments en trace
par A.E Ringwood (1955) amena ce dernier à adopter un modèle plus nuancé que le
précédent. Il distingue ainsi :

-Les éléments complexants tels que : Si, B, S, P etc... qui dans le liquide magmatique
forment des associations (SiO4)4-, (BO3)3-, (SO4)2-, (PO4)3- etc.… se comportant
comme des entités stables lors de la cristallisation magmatique. La stabilité de ces
complexes est fonction de leur énergie avec les atomes d’oxygène.
a/ SVI , PV, BIII, CIV forment des complexes extrêmement stables.

b/ SiIV, TaV, VV forment des complexes stables autorisant quelquefois certaines


ruptures de liaison.

c/ SnIV, TiIV, ZrIV forment des complexes instables, libérant souvent par dissociation
des ions Sn4+, Ti4 , Zr4+

-Les éléments non complexant qui se comportent comme des ions libres, c'est-à-dire
des modificateurs de réseau lors de la cristallisation magmatique. Leur sort en
particulier, celui des éléments traces est déterminé par les règles de la substitution
diadochique des éléments Goldschmidt.
Quant aux différents complexes, ils peuvent :

Soit en tant que complexe, se substituer à (SiO4)4- dans les réseaux silicatés, mais
cette substitution sera beaucoup plus aisée dans les assemblages désordonnés de
liquide que dans les cristaux qui sont des assemblages assez ordonnés. Cette
substitution ne pourrait se réaliser facilement que lorsque les complexes sont
coordonnés en tétraèdre. Parmi ces complexes on distingue :

a- Ceux qui ont une charge de l’ion central très forte comme (PO4)3-, (TaO4)3-,
(NbO4)3-, (WO4)2-, (MoO4)2-, (SO4)2-. Ils ne peuvent se substituer que difficilement à
SiO4.En conséquence ils se concentreront dans le liquide magmatique lors de sa
cristallisation.

b- Ceux qui ont une taille de l’ion central assez grande comme (GeO4)4-, (TiO4)4-,
(ZrO4)4-, (HfO4)4- etc…. Ils ne peuvent également se substituer que difficilement à
(SiO4)4-. Ils se concentrent dans le liquide magmatique résiduel.
Soit aussi ne pas se substituer au tétraèdre (SiO4)4- dans le réseau silicaté parce
que le complexe n’est pas coordonné en tétraèdre. C’est le cas de (CO3)2-, (BO3)3-. Ils
s’accumulent également dans le bain résiduel.

3-Transport en masse des solutions - l’effet thermo gravitationnel.

Le transport en masse de grande quantité de matière dans les liquides magmatiques


peut s’expliquer en grande partie par le rôle de l’effet thermo gravitationnel et de l’effet
Soret qui sont permanents dans le domaine magmatique.

L’effet Soret se résume ainsi : lorsqu’une solution ionique initialement homogène et


isotherme est soumise à un gradient thermique vertical ascendant (froid en bas), elle
tendra à se concentrer à sa base. Lorsque l’état stationnaire est atteint, à savoir que
le flux de matière est nul, la variation relative de concentration ∆C/C entre deux plans
horizontaux soumis à une différence de température ∆T ne dépend que du coefficient
de soret du sel dissout et de la différence de température ∆T

∆C/C = S ∆T

Si ce gradient n’était pas vertical ascendant, mais plutôt horizontal, l’effet Soret pourra
être amplifié par les effets de la pesanteur. Les accroissements de densité ainsi
provoqués créent des courants laminaires dans le liquide descendant le long de la
paroi froide et ascendant le long de la paroi chaude, la migration ionique par thermo
diffusion se faisant généralement vers le coté froid. Il s’ensuit une augmentation de la
concentration à la base du circuit. C’est le phénomène d’effet thermo- gravitationnel
de L. Schott (1976).
La thermodiffusion (ou effet Soret dans le cas des liquides) est en général
observée sur des montages où la couche strictement horizontale de mélange
fluide est soumise à un gradient de température ascendant, de façon à éliminer
toute convection parasite.

L’une des grandes originalités de ce phénomène résulte dans la mise en évidence


d’un effet thermo-gravitationnel en milieu poreux sous gradient vertical descendant
(paroi chaude en bas) à l’image des gradients thermiques que l’on rencontre souvent
dans la nature. Ce phénomène thermo gravitationnel en milieu finement poreux peut
conduire à une migration tellement importante des éléments que l’on obtienne des
cristallisations massives des minéraux à partir de solutions très peu concentrées. Des
cristaux de surface de cuivre ont pu être obtenus à la base des colonnes de thermo
diffusion grâce à l’intervention de ce phénomène.

4- Le coefficient global de répartition des éléments

Le coefficient de répartition des éléments entre les différentes phases en présence


des liquides magmatiques permet d’expliquer les taux de concentration élevés des
éléments dans les gisements résultant de la différenciation magmatique. En effet
l’incorporation d’un élément complexant ou non dans un réseau cristallin dépend d’un
coefficient de distribution ou coefficient de répartition global de l’élément entre la phase
liquide et la phase solide.

Soit (i) un élément se répartissant entre une phase solide et une phase liquide au cours
de la différenciation magmatique. A l’équilibre le potentiel chimique de l’élément (i)
dans la phase solide, sera égal à son potentiel chimique dans la phase liquide.

Le potentiel chimique de l’élément (i) dans le solide est :

μis = μ˚is + RT log γis * Cis

Le potentiel chimique de l’élément (i) dans le liquide est :

μil = μ˚il + RT log γil * Cil

μ˚is et μ˚il sont les potentiels chimiques standards dans le solide et le liquide de
l’élément (i). Ce sont des constantes qui figurent dans des tableaux spéciaux. γis et γil
sont respectivement les coefficients d’activité de l’élément (i) dans la phase solide et
la phase liquide. Cis et Cil sont respectivement les concentrations de l’élément (i) dans
la phase solide et liquide.

5- Condition de determination des dégrés d’oxydo-réduction des magmas

La détermination des systèmes magmatiques favorables à la genèse des gisements


sulfures comme les gîtes sulfurés de nickel et de cuivre par exemple peut être facilitée
par la connaissance des conditions d’oxydoréduction du magma c'est-à-dire la
connaissance de la fugacité de l’oxygène. L’apparition des sulfures semble en effet,
étroitement corrélée à ce paramètre. L’évolution des conditions d’oxydoréduction des
magmas peut être facilement estimée à partir du comportement de l’europium. Cet
élément de la série des lanthanes constitue avec le cérium, les seuls éléments du
groupe susceptible d’avoir deux degrés d’oxydation différents suivant les conditions
du milieu, alors que tous les autres éléments de la série ont un degré d’oxydation
unique (+III). Le degré d’oxydation de l’europium varie suivant le milieu Eu2+ à Eu3+.
Lorsqu’il est réduit sous forme de Eu2+ il se comporte préférentiellement dans le milieu
par rapport aux éléments de la série des lanthanes ayant des degrés d’oxydations
fixes (+III). Cette concentration préférentielle de Eu2+ dans les milieux réducteurs se
traduit par une anomalie positive de cet élément dans les roches issues des milieux
réducteurs et en conséquence permet de déterminer les environnements favorables à
la précipitation des sulfures. L’anomalie positive en Ce par rapport aux autres
lanthanes indique en revanche un milieu largement oxydant.
Tous les éléments chimiques connus (au nombre de 118) sont classés dans ce tableau qui comprend sept lignes (ou périodes) et dix-huit colonnes (ou
groupes). Cette classification, due à l’origine au Russe Dmitri Ivanovitch Mendeleïev, repose sur le numéro atomique (nombre de protons), croissant au fil des
lignes, et sur la répartition des électrons autour du noyau, qui définissent les propriétés des éléments (chaque colonne rassemblant les éléments ayant les
mêmes caractéristiques).

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