CLASSIQUE DU SOIN
L’ouvrage est construit en cinq parties :
Le corps n’oublie rien
Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison
du traumatisme
Bessel van der Kolk
La synthèse de 50 ans de recherches sur le traumatisme.
DOMINIQUE FRIARD
Infirmier, superviseur d’équipes.
L’AUTEUR
Depuis les années 1970, le psychiatre
Bessel van der Kolk (né en 1943),
poursuit des recherches sur le trouble
de stress post-traumatique (TSPT, ou
post-traumatic stress disorder, PTSD en
anglais) à propos duquel il a publié plus
de 150 articles scientifiques. Il a étudié
la nature de la mémoire traumatique
et joué un rôle de premier plan dans
les études sur les traitements pharma-
cologiques de ce trouble. Il a participé
aux premières études de neuroimage-
rie du TSPT et du trouble dissociatif
de l’identité. Il a obtenu les premières
subventions de l’Institut national de la
santé américain afin d’étudier les effets
du yoga et de l’EMDR (Eye Movement
Desensitization and Reprocessing, soit
désensibilisation et retraitement par les
mouvements oculaires). Il a décrit com-
ment le traumatisme agit en fonction du
stade de développement et de la qualité
du système d’attachement de la personne
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impactée. En 1999, il a initié la création
du National Traumatic Stress Network,
réseau regroupant aujourd’hui 150 sites
spécialisés dans le traitement des
enfants traumatisés et de leurs familles,
et préconisé de nouveaux traitements.
L’OUVRAGE
Best-seller aux États-Unis, ce livre est
autant un ouvrage scientifique que l’évo-
cation du parcours d’un psychiatre sin-
gulier confronté à la détresse psychique
des soldats rescapés de la guerre du Viet-
nam. Écrit en première personne (du sin-
gulier mais également du pluriel chaque
fois que sont évoquées les équipes avec
lesquelles il a travaillé), l’auteur partage
ses rencontres, ses doutes et ses trou-
vailles avec le lecteur qui se sent tout de
suite plus intelligent…
Le sous-titre décrit bien la démarche de
Van der Kolk. Son approche se carac-
térise en effet par le refus de la dicho-
tomie corps-esprit et n’écarte a priori
aucune piste thérapeutique ou théo-
rique. Il s’inspire autant de la psychana-
lyse que des neurosciences. Ses riches
indications bibliographiques men-
tionnent Winnicott, Freud, Ferenczi,
Lebigot, Douville ou Crocq tout autant
que Pavlov, Servan-Schreiber ou Sha-
piro. « Je n’ai pas de préférence quant
au mode de traitement, car aucune
approche n’est bonne pour tout le monde
et je pratique l’ensemble des thérapies
abordées dans ce livre. Chacune est
susceptible d’amener des changements
profonds, selon la nature du problème
et le caractère du patient. » L’ouvrage
évite d’objectiver des patients que l’au-
teur fait exister en tant que personne
et dont il retrace le parcours et les cir-
constances de leur rencontre. Il n’élude
aucune fausse piste et s’autorise parfois
à être ironique quant à tel ou tel traite-
ment recommandé.
– la redécouverte du traumatisme (les
nombreux écrits, souvent d’origine psy-
chanalytique, nés des deux guerres mon-
diales, ont été oubliés puis redécouverts
autour de la guerre du Vietnam) ;
– le cerveau traumatisé dans tous ses
états (l’anatomie de la survie, les relations
corps-esprit et la nécessité de perdre son
corps de ne plus être soi-même) ;
– l’esprit des enfants (attachement et
accordage, sévices et négligences, l’épi-
démie cachée de traumatisme dévelop-
pemental) ;
– l’empreinte du traumatisme (la
mémoire traumatique, le poids intolérable
du souvenir) ;
– les voies de la guérison (de loin le cha-
pitre le plus long).
Attardons-nous sur cette dernière par-
tie. Contrairement à ce que l’on pour-
rait penser, les voies de la guérison sont
nombreuses. Van der Kolk les décrit, à
chaque fois, sur le même modèle : com-
ment les a-t-il découvertes ? Quel est le
premier patient a en avoir bénéficié ?
Pour quel résultat ? Comment s’y est-il
formé ? Que lui ont-elles renvoyé à lui ?
Quelles recherches lui ou ses collègues
ont-ils effectué ? Que nous apprennent-
elles sur le traumatisme psychique et son
traitement ? Il serait vain de toutes les
présenter. In fine, surmonter le trauma-
tisme, pour la plupart des gens, nécessite
de trouver un moyen de se calmer et de
se concentrer, d’apprendre à garder ce
calme face à des images, des pensées et
des sons qui rappellent le passé, d’arriver
à être pleinement présent et investi dans
ses rapports avec son entourage, de ne
rien se cacher à soi-même et notamment
les tactiques que l’on a mises en œuvre
pour survivre.
L’INTÉRÊT POUR LES SOINS
Cet ouvrage est une source d’inspira-
tion, un discours de la méthode qui n’est
en rien un protocole, bien au contraire.
Il s’agit à chaque fois de s’ajuster au
patient, de se représenter les choses de
son point de vue, de passer par le corps,
la parole, tout moyen permettant d’établir
un lien et de lui permettre de se sentir en
sécurité dans la relation. Tel ou tel point
théorique peut être discuté et l’auteur
invite le lecteur à le faire.
Van der Kolk B., Le corps n’oublie rien. Le cerveau,
l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme,
Paris, Albin Michel, 2018.