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(1) Nous nous proposons de publier une série d'études faites pour initier
à la philosophie et à la théologie thomiste pa.r la mise en lumière des prin-
cipes qui dominent chacune des grandes questions. En morale, pour se faire
Une juste idée de ce qu'est la vertu morale pour saint Thomas, nous trai-
terons aujourd'hui de la prudence qui dirige toutes vertus morales, et du
caractère spécial de la certitude pratique du jugement prudentiel.
REVUE THOMISTE
Ordre d'intention
ACTBS D'INTBLLI GBNCB ACTES DE VOLONTÉ
1. Jugemen t: cette fin est bonne. 1 .. Désir non encore efficace de cette fin.
3. Jugement : cette fin peut et doit être 4. Intention efficace ...••
atteinte. .
Ordre d'élection
5. Conseil sur les moyens. 6. Consentement aux divers moyens envi-
sagés in globo.
7. Jugement pratique: le meilleur moyen 8. Élection ou choix du moyen qui pa-
est celui-ci. • rait le meilleur .
Ordre d'exécution
9. Imperium ou comman dement qui di- 10. Usus actiuus : la volonté applique les
rige l'exécuti on des moyens choi- autres facultés à l'exécuti on des
sis. moyens.
I l . Us us passiuus. applicati on passive des
JO. Fruitio, joie dans la posse ion de la
autres facultés, ex. : attention . fin conquise .
sens des vérités qu'il traduit, adapter son style au génie de la langue
da!l3
laquelle il s'exprim e. » Cette édition, qui se présente à des prix
abordab les,
en de jolis volumes , élégants et maniabl es, a reçu déjà le meilleu
r accueil.
LA PRUDENCE 415
(1) Cf. S. THOMAS, la, q. 103, a.3 : « Necesse est dicere, quod mundus ao
uno gubernetur. Cum enim finis gubernationis mundi sit quod est essen-
tialiter bonum, quod est optimum, necesse est quod mundi gubernatio sit
optima. Optima autem gubernatio est, quae fit per unum. Cujus ratio est.
quia gubernatio nihil aliud est, quam directio gubernatorum ad finem. qui
est aliquod bonum; unitas autem pertinet ad rationem bonitatis, ut Boetius
probat in III de Gonsol ... Et ideo id, ad quod tendit intentio multitudinem
gubernantis, est unitas, sive pax; unitalis autem causa per se est unum.
Manifestum est enim, quod pl ures multa unire et concordare non possunt,
nisi ipsi aliquo modo uniantur. Illud autem quod est per se unum, poLes t
esse causa unitatis convenientius quam multi uniti. Vnde mullitudo melius
gubernatur per unum, quam per plures. »
(2) Ua U··, q. 50, a. :1 : « Vltrum politica con venienter ponatur pars pru-
dentiae. » Par où l'on voit que le bien commun, qui spécifie à des litres divers
ces vertus, qui sont la prudence politique, et la justice légale ou sociale,
le bien commun n'est pas seulement un bien utile, comme le disent les u!i-
litaristes, mais un bien honnête. La prudence politique et la prudence mili-
LA PRUDENCE
.
'" '"
La prudence requiert nécessairement la rectitude de la volonté
et celle de l'appétit sensit~f
1
Ce point de doctrine, très bien mis en relief par Aristote et
par saint Thomas (1), montre admirablement la place de la
prudence dans l'organisme des vertus et les relation~ mutuelles
qu'elle a avec les vertus morales, qui ont leur siège soit dans
la volonté (appétit rationnel), soit dans la sensibilité ou appé-
tit sensitif. .
Il est clair que la rectitude de la volonté et de la sensibilité
est requise pour le troisième acte de la prudence, celui auquel
les deux autres sont ordonnés, l'imperium ou commandement.
Il ne peut en effet y avoir commandement droit et efficace des
moyens, sans qu'il y ait eu d'abord et sans que persévère l'inten-
tion droite et efficace de la fin. Nous verrons tout à l'heure que
cette rectitude de l'appétit rationnel et sensitif est requise aussi
pour le jugement pratique qui doit, avant l'imperium, détermi-
ner le juste milieu qui me convient à moi hic et nunc, étant
donné mon âge, ma situation, etc., en matière de force, de
patience, de magnanimité, d'humilité, de c.hasteté, de man-
suétude, etc.
Mais nous voyons déjà qu'en tant qu'elle présuppose la rec-
titude de la volonté, la prudence diffère de la science morale et
de l'art. Un pervers peut connaître spéculativemeD:t la science
morale, et son advertance n'en est que plus grande lorsqu'il
pèche; un 'pervers peut aussi être un bon artisan, un bon
maçon, même un bon architecte, mais un pervers ne peut
pas être prudent; il peut être finaud, rusé, avoir de l'astuce,
mais il ne peut pas avoir la vertu de prudence dont l'acte
principal est le commandement droit et efficace des moyens
en vue d'une fin morale, préalablement voulue par une inten-
tion droite et efficace. C'est ici qu'on voit la distinction entre
taire ne sont pas seulement des arts spécifiés par l'ulile, mais des vertus
spécifiées par l'honnête. Cf. I1a U", q. 50, a . 2, 3 et 4.
( 1) Cr. S. THOMAS, la Ua•• q. 57, 'a. 4, a . 5, ad 3, - q. 58, a. 4 et 5, et apud
Aristotelem, Ethica, LVI. c. 2.
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