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CARACTERISTIQUES DU TRANSPORT COLLECTIF INFORMEL DANS LA VILLE

DE BOUAKE : DYNAMISME AMBIVALENT D’UNE ACTIVITE EN PLEIN ESSOR


OUATTARA Drissa1, DAKOURI Guissa Desmos Francis2
1-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Felix Houphouët-Boigny de Cocody-
Abidjan ;
2-Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Felix Houphouët-Boigny de
Cocody-Abidjan

Résumé
Le système de transport de personnes dans la ville de Bouaké est fondé sur la démographie
galopante, de l’étalement de la ville et de la dynamique de l’économie urbaine. Le transport
collectif y est essentiellement dominé par l’informel au rang desquels viennent en tête les
mototaxis. C’est une activité qui implique un nombre élevé d’acteurs dont le niveau d’instruction
est très faible. Cependant des dysfonctionnements infrastructurels (état des voies), le
vieillissement du parc auto, la maintenance approximative des véhicules, le non-respect du code
de la route, les agressions tous azimuts et récurrentes sur les chauffeurs et usagers, l’absence du
transport collectif formel, etc, sont autant d’éléments qui caractérisent le transport collectif à
Bouaké. Cette situation interpelle les pouvoirs publics mais plus particulièrement les collectivités
décentralisées à qui incombe désormais la gestion de ces espaces.

Mots clés : Caractéristique -transport– collectif - ville –Bouaké


Abstract
The transportation system for people in the city of Bouaké is based on rampant demography, the
sprawl of the city and the dynamics of the urban economy. Public transport is mainly dominated
by the informal sector, among which mototaxis come first. It is an activity that involves a large
number of actors with a very low level of education. However, infrastructural malfunctions
(condition of the tracks), the aging of the car fleet, the approximate maintenance of vehicles, non-
compliance with the highway code, all-out and recurrent attacks on drivers and users, the absence
of public transport formal, etc, are all elements that characterize public transport in Bouaké. This
situation calls upon the public authorities but more particularly the decentralized communities
which are now responsible for the management of these spaces.

Keywords: Characteristic – Transport – Collective – City - Bouaké

INTRODUCTION
Les villes, à l’heure où l’urbanisation devient la caractéristique majeure de la croissance
démographique, se densifient et s’étalent en phagocytant chaque année, de nouveaux territoires
urbains gagnés par le mécanisme de la périurbanisation ou celui de la rurbanisation. L’éclatement
qui se produit entre les lieux de vie et d’activités fait des villes jadis pédestres, des villes de plus
en plus motorisées. En l’absence d’une véritable politique de planification urbaine, l’urbanisation
rapide que connaissent les villes en développement génère de nombreuses externalités négatives.
On note par exemple l'inadéquation entre l’offre et la demande de transport comme résultat d’un
dysfonctionnement spatial et de l’absence d’une planification urbaine cohérente qui mettent en
évidence celle des transports et d'occupation des sols (T.Baouni, 2010, p.1). L'augmentation de la
population urbaine au rythme annuel moyen de 3 %, le déséquilibre spatial entre logements et
emplois, l'extension rapide de la ville et la mono-fonctionnalité des quartiers sont les facteurs
traditionnels d'une demande soutenue de déplacements et de l'accroissement des distances de

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transport (I. Kassi, 2010, p.397). L’organisation des transports collectifs dans les grands centres
urbains constitue donc l’un des défis majeurs du fonctionnement de la ville ; puisque par leur
équipement, les transports influent sur l’ensemble de l’activité humaine (E. B. KOFFI, 2008,
p.127). Comme le corps humain est soutenu par son squelette et vivifié par le sang dans ses
vaisseaux, ainsi les organismes urbains reposent sur le réseau de voies de communication et sur les
moyens de circulation qui les parcourent » (Garnier 1998 in E. B. KOFFI, 2008, p.127). Ainsi, la
mobilité s’inscrit pour cela au cœur de l’organisation des cités et rappelle l’importance des
systèmes de transport adéquats capables de répondre aux besoins de déplacement des biens et des
personnes générées par la fragmentation socio spatiale.
Bouaké, deuxième ville du pays après Abidjan, est une métropole régionale de par son statut
administratif, socioculturel et économique. Cette fonction de pôle suscite une forte demande en
transport. Or, en dehors de la capitale économique (Abidjan), aucune agglomération ivoirienne ne
dispose de système de transport collectif public. Toute chose qui a instinctivement suscité le
développement des initiatives privées pour satisfaire au besoin de mobilité des populations de la
ville. Ce présent travail met en évidence les caractéristiques du transport collectif dans la ville de
Bouaké, en ébauchant quelques pistes de réflexion pour y remédier.
1-Matériels et méthode
1.1-Aperçu synthétique de la ville de Bouaké
Bouaké (figure 1) est la deuxième ville du pays située à 351 km d’Abidjan entre la latitude 7°69 N
et à la longitude 5°03 O, couvre plus de 312 km2 avec une importante constellation de villages
autour d'elle (près de 143 dans un rayon de 20 kilomètres) et compte 536.719 habitants (INS,
2014).

Figure 1 : Localisation de la ville de Bouaké

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Son urbanisation s’est faite suivant un schéma inspiré par la séparation des espaces autour de trois
fonctions majeures : la fonction administrative ; la fonction commerciale et industrielle ; la
fonction résidentielle. Les quartiers centraux étant saturés, l'urbanisation se développe de plus en
plus loin d'un centre qui se vide de ses habitants, avec pour conséquence une accentuation
importante du déséquilibre emplois/logements. Du fait des contraintes géographiques imposées
par le site de la ville et de cette spécialisation de l'espace urbain, les principaux flux de
déplacement sont d'orientation Nord-Sud, c’est-à-dire, des quartiers périphériques Nord vers les
quartiers centraux Sud.
1.2. Technique de collecte des données
L’appareillage méthodologique retenu à cette fin se résume en trois étapes fondamentales que
sont : la recherche documentaire, l’enquête de terrain à travers l’administration d’un questionnaire
et le traitement des données. La recherche bibliographique sur le sujet, faite dans les bibliothèques
et quelquefois sur des sites web a été orientée vers des documents susceptibles de nous apporter
des informations fortes utiles. Ce sont des ouvrages généraux, des dictionnaires, des thèses, des
mémoires de maîtrise, des articles scientifiques, des rapports de séminaires, conférences et
colloques sur la question du transport urbain. Cette documentation qui offre un regard global et
théorique sur le sujet a permis d’identifier les problèmes auxquels ce secteur est confronté.
L’enquête de terrain menée de Janvier 2020 à Mars 2020 a été participante et a permis de vérifier
les informations contenues dans la littérature afin de jeter les bases devant aider à faire une
argumentation rigoureuse. Les critères tels que la typologie de transport, infrastructures routières,
l’état des véhicules et engins, et acteurs (usagers, propriétaires, chauffeurs, syndicats, coxers) ont
été les critères retenus pour l’enquête de terrain.
Par ailleurs, pour cette étude, des entretiens semi-directifs et des entretiens centrés ont été utilisés.
Si l’entretien centré s’est fait avec un questionnaire auprès des acteurs et usagers du transport
collectif, le semi-directif, quant à lui, s’est réalisé avec les agents de la mairie, du conseil régional,
et de la Société Ivoirienne de Contrôle Technique Automobile et Industriel (SICTA). La SICTA
de Bouaké a permis d’obtenir des données sur le taux et le rythme de visites techniques par les
différents modes après la reprise de leur service. Cela a donné une idée plus claire de la question
de la maintenance des véhicules.
Pour définir l’échantillonnage, faute de base de données et à cause de la trop grande méfiance et
réticence des acteurs, la méthode « boule de neige » a été utilisée. Cette technique est
généralement utilisée lorsqu’il est difficile d’avoir une idée exacte de la population mère, de sa
localisation géo-spatiale, et/ou de la difficulté à trouver de potentiels répondants. C’est une
méthode par laquelle on constitue un échantillon en choisissant d’abord arbitrairement un petit
groupe d’individu ayant les caractéristiques recherchée pour l’étude. Par la suite, on demande à
ces individus de sélectionner d’autres personnes de leur entourage qui présentent les mêmes
caractéristiques pour qu’ils prennent part à l’échantillon à leur tour. Ces nouvelles personnes
devront elles aussi en sélectionner d’autres de la même manière et ainsi de suite jusqu’à ce que
l’échantillon compte le nombre d’individus voulu. Grâce à un questionnaire, des enquêtes ont été
menées auprès de certains acteurs et animateurs comme les propriétaires de véhicules et de motos,
les chauffeurs, les apprentis, les chargeurs ou "coxers" et les usagers, pour cette fois recueillir des
informations complémentaires à l'analyse documentaire. Cette enquête a donc porté sur un
échantillon de 92 personnes.
Les données obtenues ont été exploitées à partir des logiciels Word pour la saisie du texte et Excel
pour la construction des tableaux et des graphiques. Le logiciel Arc gis 10.2.2 a été utilisé pour la
réalisation des cartes.
Cette méthodologie adoptée a permis de structurer le présent travail sur les points suivants : la
typologie du transport collectif à Bouaké, les sources de financement, Gbaka et taxis communaux,
un parc vieillissant avec une maintenance approximative, un faible niveau d’instruction des

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acteurs, un mode recrutement basé sur le népotisme, une circulation quelque fois anarchique, des
cas d’agressions signalés.
2-Résultats et discussion
2.1-Typologie du transport collectif à Bouaké
Bouaké, deuxième ville de la Côte d’Ivoire après Abidjan, connaît une dynamique urbaine
importante. Malheureusement, l’incapacité de l’Etat à offrir un service de transport collectif
efficace a favorisé la naissance de trois types de transport collectif essentiellement informel. Les
minibus communément appelés gbakas et les taxis communaux ont vu le jour à l’indépendance
avant que n’apparaissent en 2002 les motos-taxis pendant la crise militaro-politique comme le
confirme les travaux de J. M. K. Kouakou Attien, (2017, p.1).
2.1.1- Les taxis communaux à Bouaké
Les taxis communaux sont des voitures de cinq places, repérables par leur couleur orange (photo
1) et dont la zone de compétence ne dépasse pas les limites de la commune. C’est en 1956 que ces
taxis de marques diverses ont commencé à circuler dans la ville de Bouaké.

Photo 1 : Vue de taxis communaux à Bouaké (Cliché : Ouattara, 2020)


Les investigations menées auprès de l’Agence des Transports Urbains (AGETU) par A. K. AKA
(2006, p.51) indiquent la place de choix qu’occupent les véhicules japonais, 91% par rapport à
l’ensemble des wôrô-wôrô de Cocody. Il en est de même dans la ville de Bouaké où les taxis
communaux de marques japonaises sont en tête avec 952 véhicules, (soit 90,6%), sur un total de
1.050 en Avril 2020 selon la Direction des Transports Terrestres du gbêkê, en rapport avec les
syndicats des Transporteurs de Bouaké. Ils se répartissent comme suit : Toyota (70%), Nissan
(14%), Mazda et Mitsubishi (6,6%) et les autres marques, ne représentent que 9,4%. Le choix des
transporteurs pour les véhicules japonais s’explique principalement par la disponibilité des pièces
de rechange, la consommation raisonnable d’énergie et la facilité d’importation des véhicules.
L’exploitation des taxis communaux suit des structures classiques: une organisation interne et une
organisation externe. Les conditions d’exploitation diffèrent selon que l’on veut assurer des
liaisons intra ou extra urbaines. Dans tous les cas, des conditions générales d’exercice de l’activité
s’imposent à tous les acteurs. Le préalable est la constitution d’un dossier d’autorisation
municipale d’exploitation moyennant le paiement de 77 000 FCFA représentant les frais
d'acquisition de l'autorisation de circulation. Une fois autorisé, il est fait obligation à l’exploitant
de peindre son véhicule aux couleurs imposées par l’autorité municipale (orange) et de se doter
d'une antenne lumineuse au coût de 42 000 FCFA.
Le nouvel entrepreneur est astreint de payer à la commune, une somme mensuelle de 6500 FCFA
comme taxes de circulation. Ces conditions générales remplies, des conditions spécifiques,
existent selon la ligne à exploiter. Pour chacune des lignes, en plus de l’autorisation de circulation
délivrée par la mairie, l'intéressé fait une demande (verbale) auprès des responsables du syndicat
de la gare. Si la suite est favorable, le demandeur doit s’acquitter des frais relatifs à l'exploitation
permanente de la ligne qui s’élèvent à 27000 FCFA.

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Les services débutent à 5h du matin et prennent fin à 21heures, par ailleurs, ils peuvent se
poursuivre jusqu'à 22 h ou 23 h pendant les week-ends. Dans les gares, les chargements se font en
ligne respectant l'ordre d'arrivée du véhicule. En attendant son tour, le chauffeur de taxi peut jouer
parfois le double rôle de régulation des départs et de vendeurs de billets et perçoit après les frais
de chargement qui sont de 10% du montant du chargement. La tarification des bagages est laissée
à l’appréciation des chauffeurs. Sur chaque gare, des responsables syndicaux veillent au respect de
leurs lois. Toute fraude (chargement hors de la gare, enfreinte à l’ordre de chargement, non-
paiement de ticket journalier, etc.) est sanctionnée. Ainsi, la sanction part de la mise à pieds (de
deux jours à une semaine) à l’exclusion pour des fautes jugées trop grave par les responsables
syndicaux de ladite gare.
L'objectif principal du service des taxis communaux est de générer des ressources financières aux
propriétaires. Les résultats financiers s’apprécient au regard de la recette quotidienne et des
dépenses effectuées dans l’exercice de cette activité. Après une journée de travail, l'exploitant doit
verser au propriétaire une somme forfaitaire imposée. Cette recette journalière n’est pas uniforme
pour tous les propriétaires et sa détermination tient compte de l'état du véhicule, mais aussi des
circonstances de force majeure où la durée de travail est réduite par les autorités. En général, une
somme forfaitaire est imposée au chauffeur et varie entre 10 000 FCFA et 15 000 FCFA.
Le propriétaire s'attache les services d'un chauffeur titulaire à qui il confie la gestion du véhicule.
Il en est donc le seul responsable devant le propriétaire et est chargé en conséquence de lui faire
chaque soir le point de la situation financière et technique. Le chauffeur titulaire dans la pratique a
recours à un contractuel pour des cas d’indisponibilité : fatigue, maladie, urgence… Ce dernier
n'est pas souvent connu du propriétaire. Ainsi, en cas de dommages causés au véhicule ou à une
tierce personne, seule la responsabilité du chauffeur titulaire est engagée devant le propriétaire.
Contrairement au chauffeur titulaire qui bénéficie d’un salaire mensuel de 40000 FCFA, le
contractuel n'en a pas mais se contente d’une prime journalière variant entre 2 000 FCFA et 5 000
FCFA. Dans tous les cas, les chauffeurs sont obligés de travailler dans des conditions très
exécrables pour réunir la recette journalière exigée par le propriétaire et un surplus susceptible de
combler la faiblesse de leur salaire fixe mensuel.
Quant à la maintenance, le propriétaire du taxi a la charge des frais d'entretien et de visite, de
réparation et d'assurance du véhicule. Il a également la charge de déterminer le mode d'utilisation
du taxi, le nombre de chauffeurs à employer, les plages horaires à respecter et la rémunération de
ces employés.
2.1.2- Les gbaka à Bouaké
Le gbaka (photo 2) est un minicarde dix-huit, vingt-quatre, trente-deux ou trente-six places qui
sert au transport des biens et des personnes dans les différents quartiers, mais aussi les périphéries
de la ville de Bouaké.

Photo 2 : Vue d’un gbaka à Bouaké (Cliché : Ouattara, 2020)

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Le nom gbaka vient du terme Malinké qui veut dire littéralement « chose gâtée », « véhicule
épave, déglingué ou fatigué ». C’est donc un nom a une connotation péjorative qui désigne un
véhicule très usagé dont le synonyme français pourrait être « tacot » ou « guimbarde » (Ouattara,
2018, p.135). A l’instar des taxis communaux, ce sont des véhicules parés de messages collés à
l’extérieur comme à l’intérieur et qui roulent de 5h à 22h. On peut ainsi lire des messages tels que
« Dieu merci », « le bienfait n’est jamais perdu », « merci le boss », « la beauté d’un garçon, c’est
son travail », « wourou fatô (qui veut dire chien enragé) », etc. Ce moyen de transport a la
particularité d'employer une personne plus jeune appelée « apprenti » afin de jouer le double rôle
de rechercher des clients et de collecter les titres de transport des passagers. Cet apprenti, accroché
à la portière du véhicule en circulation (photo 3), attire l'attention d’éventuels passagers par des
cris, des gesticulations et des acrobaties qui lui valent d'être appelé aussi « balanceur ». Lequel
balanceur jouant également le rôle de surveillant, est parfois imposé au chauffeur par le
propriétaire qui supporte seul les frais de maintenance et de mise jour des pièces du véhicule.

Photo 3 : Un apprenti accroché à la portière d’un gbaka (Cliché : Ouattara, 2020)

Le propriétaire du gbaka tout comme celui du taxi communal, communément appelé « Dioulatchê
», s’attache les services d’un chauffeur titulaire qu’il paye mensuellement entre 30.000 et
40.000FCFA. Il exige de son chauffeur une somme quotidienne forfaitaire variant entre 15.000 et
25.000 francs CFA. Le chauffeur titulaire est le seul responsable du véhicule devant le
propriétaire. Il garde la recette acquise en supplément de la somme forfaitaire imposée. C’est de
cette recette excédentaire que va dépendre une bonne ou une mauvaise journée. Comme la recette
dépend du nombre de tours effectués, le chauffeur dépasse parfois le nombre d’heures de service
imposé par le propriétaire. Le chauffeur titulaire effectue son service les heures de pointes et est
généralement relayé entre midi et deux par un autre avec lequel il partage la recette additionnelle.
Les deux chauffeurs assurent le petit entretien du véhicule pendant les temps de pause de la demi-
journée (vidange, réparation de pneu et de frein, lavage).
Dans le secteur des gbakas, la progression professionnelle et sociale est théoriquement simple :
d’apprentis, on devient chauffeur en second, puis chauffeur titulaire et enfin propriétaire d’un et
même de plusieurs véhicules. Aussi bien au niveau des gbaka que les taxis communaux, il arrive
quelquefois que le propriétaire soit lui-même chauffeur titulaire de son véhicule.
2.1.3-Les mototaxis, un mal nécessaire
Quant aux mototaxis (photo 4), apparues en 2002à Bouaké, à la faveur de la crise militaro-
politique (I. P. Traoré, 2015, p. 1), assuraient au départ la liaison interurbaine Bouaké-Djébonoua-
Bouaké, avant de se muer progressivement en transport intra-urbaine. Et cela, du fait de la
disparition des moyens de transport habituel.

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Photo 4 : Vue de mototaxi à Bouaké
Cliché : Siriki Barro (VOA) le 5 juin 2017

Ainsi pour combler ce vide et répondre en même temps au besoin de l’insertion socio-économique
des jeunes, l’avènement des motos-taxis est une opportunité de création d’emploi. En effet, les
métiers de chauffeur, de syndicaliste, de vendeur de carburant et autres lubrifiants, et de
mécanicien sont autant d’emplois générés par cette activité de mototaxi dans la ville de Bouaké
comme le confirment les travaux de J. N. Aloko et P. G. Guélé (2016, p.52).
Contrairement à ceux de la ville de Korhogo (plus grande ville dans la partie nord de la Côte
d’Ivoire), les mototaxis à Bouaké ont mis du temps pour mettre en place un système permettant de
les distinguer des motos personnelles. C’est depuis la fin du mois d’avril 2014, grâce à la
contribution de l’USAID, que de nombreux chauffeurs de mototaxis se distinguent par le port de
chasuble à rayures orangées (photo 5), mettant ainsi fin à la confusion entre les motos à usage
personnel et celles du transport collectif.

Photo 5 : Vue d’un chauffeur de mototaxi à Bouaké


Cliché : Ouattara, 2020

Mototaxi est une appellation locale de la pratique. Elle tente de répondre à la demande de la
population tant bien que mal, pour une ville qui ne dispose pas de transport collectif public ou
privé pouvant répondre aux aspirations de la population. Ainsi, l’acceptation de ce mode de
transport dans la plupart des villes y compris certaines capitales est l’un des signes du manque ou
d’insuffisance du transport en commun public ou privé de qualité et surtout de l’hégémonie
qu’impose le transport artisanal (H. M.Hemchi, 2015, p.2). La réduction des prix d’achat des
motos (350 000 FCFA), la possibilité de conduire sans permis et sans assurance, la facilité de se
créer un emploi pour survivre, sont autant de raison qui attirent massivement la jeunesse
déscolarisée et désœuvrée dont l’âge moyen est de 25 ans, dans ce métier.

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Les taxis communaux, les gbaka et même les véhicules personnels les jugent envahissants et la fin
de la crise qui devrait consacrer leur disparition a été une aubaine pour les régulariser. Ainsi,
malgré le désordre sur les routes qu’occasionnent ces mototaxis et les nombreux accidents de la
route dont la responsabilité leur est imputée, l’Etat ivoirien a décidé de les reconnaître
officiellement à travers l’instauration d’une patente annuelle inscrite dans l’annexe fiscale 2018.
Le coût de cette patente s’élève à 20.000 francs CFA l’année pour les motos taxis à deux-roues, et
à 25.000 francs CFA l’année pour les mototaxis à trois roues avec une majoration de 1.500 francs
CFA par attelage. Toujours selon l’article 33 de cette annexe fiscale, ce dispositif fiscal vient
corriger l’inégalité de traitement entre les mototaxis et les véhicules de transport à quatre roues qui
s’acquittent d’une contribution annuelle de 120.480 francs CFA et auxquels ils livrent concurrence
dans le secteur des transports.
2.2- Les sources de financement
L’acquisition d’une voiture particulière est pour la conscience collective africaine le signe d’une
réussite sociale évidente, l’aboutissement d’un rêve, le couronnement de plusieurs années de
sacrifices et de travail. L’accessibilité à ces véhicules nécessite un minimum de moyens, souvent
hors de portée pour la majeure partie de la population incapable de subvenir à ses besoins
fondamentaux (N. H. J.Kablan, 2010, p.369).
Les modes d’accès au capital constitutif des entrepreneurs en transport sont variables. Les
différentes sources ayant permis la mobilisation des fonds de départ apparaissent clairement dans
la Figure 2 qui montre que l’épargne personnelle antérieure (autofinancement et tontine)
représente 35% des enquêtés et 54% pour les dons de parents, amis ou conjoint. On constate pour
l’essentiel que le recours à un tiers est le modèle dominant (65 % des enquêtés).

11% Epargne
35% personnelle
Parents, Amis ou
54% Conjoints
Prêt auprès d'un
tiers

Figure 2 : Mode de financement du transport collectif privé à Bouaké


Source : notre enquête, Janvier 2020

Contrairement aux travaux de A. Y Fauré (1992, p. 67) qui soulignent que les efforts monétaires
consentis directement par l’entrepreneur constituent, et de loin, la première source de formation du
capital initial. Dans son étude, l’épargne personnelle accumulée antérieurement à l’activité
entrepreneuriale est vérifiée auprès de 62 exploitants sur 106 entrepreneurs enquêtés, alors que les
prêts ont concerné 28 sur 106 et les dons, 21 sur 106. Dans plusieurs cas, il apparaît que des
médiateurs sont mis à contribution pour compléter les moyens financiers, servir de caution pour
l’accès à un crédit, céder un patrimoine, etc. La solidarité des groupes d’appartenance est requise
selon des formes multiples. La parenté est l’un des principaux registres sociaux mobilisés (G. D.
F. Dakouri, 2012, p.147). Mais on peut la considérer comme le lien solidaire le plus visible. Dans
leur début, les entrepreneurs en transport sont, en règle générale, des opérateurs économiques
financièrement démunis. Le système bancaire et le système de subside des pouvoirs publics ne
leur sont pas accessibles. Au demeurant, même la simple reconnaissance de leur existence
constitue, en soi, un problème.

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Malgré ces conditions austères, l’expérience montre que la somme requise pour le démarrage de
leur entreprise est généralement au moins 350000 FCFA pour les mototaxis et 3000000 FCFA
pour les véhicules. Le constat qui se dégage également est, que le requérants d’un fonds de
démarrage ne disposent que de sa volonté et de l’idée du projet à réaliser, en plus de son faible
apport financier personnel.
2.3- Gbaka et taxis communaux, un parc vieillissant avec une maintenance approximative
S’il est une réalité particulière que reflètent de nombreuses capitales africaines, c’est la
prolifération des voitures d’occasion. La dégradation des économies, couplée à la détérioration du
pouvoir d’achat qu’elle entraîne, a contribué à rendre inaccessible pour le plus grand nombre, les
véhicules neufs qui, pour des raisons d’acheminement et de douane, coûtent plus cher en Afrique.
Et Abidjan n’échappe pas à cette règle. Ces voitures, généralement importées d’Europe et
d’Amérique, sont parfois dans un état de délabrement avancé. Et pourtant, elles arpentent les rues
de la capitale économique et les villes de l’intérieure. La raison de leur succès vient du fait que ces
voitures de seconde main comblent les besoins de ceux qui ne pourraient supporté le coût d’un
véhicule neuf.
Dans la ville de Bouaké, 96,67% des taxis et gbaka en circulation, ont été achetés en seconde main
et sont pour la plupart, soit 62 %, âgés de plus de 10 ans. Dans le détail, s’il est vrai que quelques
taxis de moins de 10 ans circulent dans les rues de Bouaké, il faut préciser que les gbaka sont les
plus vieux véhicules parmi les trois types de transport collectif exerçant dans la ville. L’étude
révèle de façon éclatante, l’absence de véhicule de moins de dix ans dans les gbaka en circulation
dont 68% sont âgés de 20 ans et plus.
Malgré l’âge avancé de ces véhicules d’occasion qui transportent quotidiennement au moins
400 000 personnes, la maintenance y est approximative. Ces véhicules de transport collectif dans
la ville de Bouaké présentent souvent un piteux état lié au poids de l’usage. Certains composants
tels que les phares, le système de freinage, les amortisseurs, le poignet de portière, la manivelle
des vitres, les rétroviseurs extérieurs et intérieurs, le feu de cabine, les ceintures de sécurité, etc,
ont même atteint la durée de vie. Et ce sont les usagers, victimes du peu de confort accordé, qui
en souffrent le plus. Même la visite technique qui porte sur un contrôle entier du véhicule c’est-à-
dire l’identification effective du véhicule à contrôler, l’essai d’éclairage, le ripage, le freinage, le
parallélisme, la direction, la suspension, n’est pas souvent faite. Lorsqu’elle est faite, du fait des
nombreux problèmes techniques que ces véhicules trainent, les dessous de table d’ailleurs très
courant dans le milieu de transport, variant de 5000 à 120000f selon la réparation à corriger, est
un moyen efficace pour mettre les pièces de la voiture à jour. Cependant, le système le plus
répandu est celui de la location ou emprunt de pièces d’un autre de véhicules en bon état, pour
passer la visite technique. Les pièces ayant servi à l’opération sont restituées au propriétaire une
fois la visite passée avec succès pour revenir ensuite aux pièces défaillantes du véhicule. Aussi,
sur le terrain, les arrangements avec les policiers et gendarmes font que ces transporteurs véreux
ne sont nullement inquiétés.
Par ailleurs, grâce aux données de la Direction des Transports Terrestres du gbêkê, en rapport avec
les syndicats des Transporteurs de Bouaké en Avril 2020, le nombre de taxis communaux (1.050
véhicules) et gbaka (195 véhicules), c’est un peu plus d’un millier de véhicules de ce genre qui
serait en circulation. Seuls les mototaxis disposent d’un parc suffisamment fourni (5.885 motos) à
même de faire face aux sollicitations des usagers, bien que celles-ci soient d’une grande source
d’insécurité. Ainsi, les mototaxis prédominent la part modale en nombre de véhicules (70%) et
(52%) en nombre de personnes comme l’indique les figure 3 et 4 suivantes.

53
20% 10% 20% 28%

70% 52%

Gbaka Mototaxi Taxis communaux gbaka mototaxis taxis communaux

Figure 3: Répartition modale en % de véhicules Figure 4: Répartition modale en % de personnes


Source : notre enquête de terrain, Janvier 2020

Les mototaxis, selon notre enquête assurent près de 52% le transport des personnes. Ce taux de
préférence pour un mode de transport qui accorde très peu de sécurité peut trouver son explication
par les raisons suivantes : l’enclavement de certains quartier de la ville; l’extension anarchique de
la ville qui a pour conséquence une absence d’anticipation en ce qui concerne l’aménagement des
voies d’accès dans certains quartiers; le souci de l’usager de se voir déposer devant sa porte; le
gain de temps du fait que la moto se faufile et ne fait pas de ramassage; la réduction de la dépense
par rapport au taxi communal et gbaka; la cessation d’activités des entreprises formelles de
transport telles que la Société des Transports Urbains du Bouaké (SOTUB) et la Société de
Transport Urbain de Bouaké (STUB) , qui a fait que l’offre de transport à Bouaké ne permettait
plus de couvrir la forte demande.
2.4-Un faible niveau d’instruction des acteurs
Le niveau d’instruction est un facteur très important dans le domaine du transport, puisqu’il
permet de prendre conscience de la péremption des pièces et des défaillances techniques du
véhicule, mais aussi des risques encourus lorsque le code de la route est violé. Malheureusement,
en dehors des chauffeurs dont le diplôme requis pour l’exercice du métier est le permis de
conduire, aucun niveau d’étude n’est préalablement exigé pour accéder au secteur de transport.
Toute chose qui explique la suprématie des analphabètes dans ce domaine d’activité.
Au terme des enquêtes menées pour cette étude, il ressort que 62,85% des propriétaires de
véhicules et mototaxis n’ont franchi le cap du primaire et ne savent parfois ni lire, ni écrire. Il en
est de même pour les chauffeurs dont 61,52% ont affirmé avoir le niveau primaire. Les raisons
sont liées au faible taux de scolarisation de l’époque, au manque d'encadrement et au peu d'intérêt
manifesté pour l'école. Cependant, il convient de préciser que nombreux parmi eux ont fréquenté
les écoles franco-arabes ou écoles medersa qui sont d’ailleurs fortement implantées à Bouaké.
2.5-Un mode recrutement basé sur le népotisme
Dans un contexte de crise économique où l’Etat ne peut plus satisfaire les besoins d’emploi de
tous, les populations développent instinctivement des stratégies pour survivre. Le transport
collectif informel se présente comme une aubaine pour ces populations démunies. La possession
d’un véhicule ou d’une moto est la condition sine qua non pour intégrer le milieu des
transporteurs. Le recrutement du personnel se fait pour la plupart dans le cercle familial, l’objectif
étant ici de pérenniser l’œuvre des parents. Le recrutement peut également se faire sur
recommandation d’un collègue transporteur ou d’un membre de syndicat ou encore simplement
d’un autre chauffeur.

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Ainsi, 70% des chauffeurs et apprentis interrogés, sont plus ou moins parentés au propriétaire,
25% ont été recrutés sur recommandation et 5% d’une manière occasionnelle (figure 5).

Figure 5: Mode de recrutement du personnel


Source : notre enquête de terrain, janvier 2020

Dans ce système, le chauffeur peut se faire aider par un autre qu’il recrute par ses propres soins.
Ce chauffeur en second, appelé aussi américain est entièrement responsable devant le titulaire à
qui il rend compte et qui se charge de sa rémunération quotidienne.
Quant au chauffeur titulaire, il peut être rémunéré comme l’illustre la figure 6, soit mensuellement
(73%), soit quotidiennement (20%) ou par semaine (7%). Quelquefois, le propriétaire permet au
chauffeur de garder la recette totale d’une journée de travail (généralement le dimanche) sur les
sept jours de la semaine.

Figure 6 : Mode de rémunération des chauffeurs


Source : notre enquête de terrain, janvier 2020
2.5-Une circulation anarchique
L'augmentation de la congestion pose un vaste problème dans la ville. La faible motorisation dans
la ville de Bouaké, l'inadéquation des infrastructures, la faible capacité et la mauvaise régulation
de la circulation, les embouteillages, sont autant de facteurs limitants qui coûtent de plus en plus
cher à la population en termes d'heures perdues dans la circulation et d'allongement des temps de
déplacement domicile/travail. Le secteur informel, les voitures et les mototaxis contribuent tous à
ces engorgements. La congestion menace la viabilité économique et aggrave la pollution. La
Banque Mondiale (2000, p.6) l’atteste en soutenant que le système tel qu’il fonctionne génère
d’importantes externalités négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau
important d’accidents, pollution atmosphérique, etc. Une grande majorité des chauffeurs (53%) de
tous les différents types de transport collectif ne possède pas de permis de conduire jusqu’à ce jour

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notamment ceux des mototaxis (67% des chauffeurs de mototaxi). D’où une ignorance totale des
règles du code de la route. Cette situation entraine une circulation parfois aveugle et folle surtout
de la part des mototaxis avec des dépassements par la droite, des stationnements anarchiques
entrainant un encombrement de la chaussée surtout au niveau du rond-point central. Certains
chauffeurs de mototaxis n’hésitent même pas à circuler en sens inverse sur quelques distances en
raison de leur impatience, en attendant d’avoir la possibilité de prendre le côté droit de la
chaussée, voie indiquée.
Hormis les sociétés de transport interurbain (régional ou national) qui disposent toutes d’aires
privées de chargement / déchargement dans le centre-ville de Bouaké, le mode d'organisation pour
l'ensemble des transports collectifs, est intimement lié à la zone du Marché central comme l’atteste
les travaux du Groupement URBAPLAN-TRANSITEC-IOA (2015, p.18 et 20). D’une part, cette
centralité géographique, au croisement des axes qui drainent l'ensemble de l'aire urbaine de
Bouaké, est une aubaine pour l'exploitation de ces transports ; d’autre part, les fonctions
économique et marchande de la zone du Marché central font que celle-ci reste très génératrice de
déplacements que ce soit en termes de personnes que de marchandises. A ce titre, il est bon de
préciser que le transport collectif urbain et interurbain sert aussi à l’approvisionnement en
marchandises de Bouaké, faute d'une organisation logistique structurée.
La circulation des gbakas est organisée selon un système de quatre lignes dirigées vers les quatre
points cardinaux. Ces quatre têtes de ligne (stations) prennent place autour du Marché central. Ces
têtes de ligne souffrent d’un défaut d’aménagement qui agit sur les conditions d’activité des
gbakas et sur les conditions de circulation dans la zone marchande. L’absence totale d’un espace
aménagé faisant office de gare, fait ressortir atrocement le caractère informel du transport collectif
intra urbain à Bouaké.
Les mototaxis et les taxis communaux n’ont pas de points d'arrêt pour charger et décharger les
personnes et les marchandises. Leurs arrêts ponctuels et récurrents sur la chaussée entravent les
conditions de circulation dans la zone marchande. De nombreux chauffeurs de mototaxis très
imprudents, roulent à vive allure en faisant montre d’une indiscipline caractérisée même au niveau
des feux tricolores. Malgré l'interdiction de téléphoner en roulant, il est courant de voir beaucoup
parmi les chauffeurs de mototaxis s’y adonner aisément, si ce n’est pas pour écouter de la musique
avec des écouteurs à l’oreille. Ce qui les rend parfois sourds aux klaxons de véhicules qui
voudraient les dépasser pendant qu’ils roulent en plein milieu de la chaussée.
2.6- Des vols et agressions récurrentes
Depuis la période de crise jusqu’à ce jour, le problème de sécurité se pose avec acuité. Certes le
taux d’agressions a sensiblement baissé du fait du redéploiement des forces de l’ordre dans la
ville, mais des cas d’agressions de chauffeurs ou usagers sont fréquemment signalés. L’enquête de
terrain selon la figure ci-dessous, révèle de façon éclatante que plus de 60% des usagers ont été
victime d’agression. Il en est de même pour les chauffeurs au rang desquels viennent en tête ceux
des mototaxis (70,67%).

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100% 78%
80% 70,67% 62,22%
60%
60% 40% 37,78%
40% 29,33% 22%
20%
0%
Usagers Chauffeurs de Chauffeurs de Chauffeurs
mototaxis taxis gbaka
communaux
Oui Non

Figure7: Avis des usagers et chauffeurs ayant connu des cas d’agression
Source : nos enquêtes de terrain, Janvier 2020
Les travaux de A. N. Dosso (2017, p.3257 et 3258) sur la criminalité routière aboutissent aux
mêmes conclusions. Elle souligne que de façon récurrente, 27% et 63% des enquêtés
reconnaissent avoir été victime respectivement de vol et d’agression. Cela s’explique par le fait
que les mototaxis, en raison de leur souplesse, parcourent tous les quartiers et travaillent jusqu’à
des heures tardives. Ces agresseurs issus pour la plupart des rangs des soldats démobilisés sans
être désarmé de l’ex-rébellion, dépossèdent les chauffeurs et usagers de tout bien matériel y
compris le plus souvent la moto. Paradoxalement, le faible pourcentage d’agression des chauffeurs
de gbaka s’explique par le fait que ceux-ci ont des lignes fixes mais surtout arrêtent le travail un
peu plus tôt (20h30) par rapport autres.
Conclusion
Au terme de cette étude, il ressort que les transports collectifs informels à Bouaké ont su apporter
des réponses appropriées à la marginalité sociale et géographique de la ville. L’étude met en relief
trois types de transport collectif de la ville, tous appartenant à des particuliers. Ainsi, en l’absence
de transport collectif public, les entreprises privées de transport des personnes et des biens à
Bouaké notamment les taxis communaux, gbakas et les mototaxis, sont aujourd’hui
incontournables. Cependant, bien qu’indispensable, le système tel qu’il fonctionne génère
d’importantes externalités négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau
important d’accidents, pollution atmosphérique, vols et diverses formes d’agressions. Ces
externalités sont la conséquence de quatre principaux facteurs :
 un secteur très atomisé qui repose sur une multitude de petites entreprises privée;
 un secteur dominé par l’informel;
 un parc auto vieillissant;
 des chauffeurs obligés de travailler dans des conditions « limites » pour réunir la recette
journalière exigée par le propriétaire et un surplus susceptible de combler la faiblesse de
leur salaire fixe mensuel.
Il revient donc à l’Etat de jouer son rôle régalien pour répondre aux besoins et attentes des
populations de Bouaké, en matière de mobilité urbaine, en mettant en place une société publique
de transport collectif.
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