Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
PARLENT
Dans la collection « Le Grand Jeu »
Remerciements
Sébastien Laurent
Avertissement
L’éditeur
Préface
5
Les espions français parlent
9
Introduction
1. Ceci est l’occasion pour nous de remercier l’Association des anciens des services
spéciaux de la Défense nationale (AASDN) pour nous avoir autorisé à reproduire ce
document.
10
La parole est aux espions
11
Introduction
1. Sur cette notion, cf. S. Laurent (dir.), Archives « secrètes », secrets d’archives ? Le
travail de l’historien et de l’archiviste sur les archives sensibles, Paris, éditions du CNRS,
2003, 288 p.
2. Dans l’ordre chronologique, du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale :
Sébastien Laurent, Politiques de l’ombre. État, renseignement et surveillance en France,
Paris, Fayard, 2009, 692 p. ; Olivier Forcade, La République secrète. Histoire des ser-
vices spéciaux français de 1918 à 1939, Paris, Nouveau Monde éditions, coll. « Le
Grand Jeu », 2008, 701 p. et Sébastien Albertelli, Les services secrets du général de
Gaulle. Le BCRA 1940-1944, Paris, Perrin, 2009, 617 p. Ces livres sont tirés de deux
thèses d’habilitation (O. Forcade, 2005 et S. Laurent, 2007) et d’une thèse de doc-
torat (S. Albertelli, 2006). Il faut y ajouter également pour l’entre-deux-guerres le
Ph. D. précurseur de : Peter Jackson, France and the Nazi Menace. Intelligence and
Policy Making 1933-1939, Oxford, Oxford University Press, 2000, 446 p.
12
La parole est aux espions
13
Introduction
14
La parole est aux espions
15
Introduction
16
La parole est aux espions
17
Introduction
Il ne s’agit donc pas ici d’un « roman vrai » des services, même
si certains pourront estimer que la réalité dépasse parfois la
fiction. Sélectionnés, mis en ordre, présentés avec précision et
annotés de façon détaillée avec un souci pédagogique destiné à
aller au-delà du seul public des spécialistes, les 24 documents et
témoignages de Les Espions français parlent sont autant de vues
singulières sur des petits et grands épisodes de l’histoire que
celle-ci se joue dans des couloirs de bureaux ou sur des champs
de bataille, qu’elle s’exprime par des rapports dactylographiés,
des actions de désinformation ou dans ses relations, rarement
distantes, avec le pouvoir exécutif. En près de cinquante années,
1. cf.http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/interventions/09.20_Discours_
du_Premier_ministre_Installation_de_lAcademie_du_renseignement.pdf ), p. 5.
18
La parole est aux espions
1. Cf. dans ce volume les entretiens avec trois de ces directeurs, Rémy Pautrat
(1985-1986), Jacques Fournet (1990-1993) et Jean-Jacques Pascal (1997-2002).
21
Prologue
1. Le terrorisme qui se manifesta en France à partir des années 1970 entra dans les
attributions de la DST : cf. sur la lutte antiterroriste, l’entretien avec Jean-François
Clair dans ce volume.
2. Cf. sur ce point un document : général Louis Rivet, Carnets du chef des services
spéciaux 1936-1944, Paris, Nouveau Monde éditions, coll. « Le Grand Jeu », 2010,
1004 p.
3. Après 1966, le SDECE fut rattaché administrativement au ministère de la
Défense tout en demeurant étroitement lié à l’exécutif.
22
Les « services » français depuis 1945
23
Prologue
24
Les « services » français depuis 1945
25
Prologue
27
Ouverture
29
Ouverture
1. Sur tous les personnages cités ici nous renvoyons pour plus de détails à : Général
Louis Rivet, Carnets du chef des services spéciaux 1936-1944, Paris, Nouveau Monde
éditions, coll. « Le Grand Jeu », 2010, aux pages 787 à 902 où l’on trouvera des
notices biographiques beaucoup plus détaillées que celles que nous donnons ici en
bas de page.
2. R. Wybot s’adresse ici à l’auteur anonyme de la « Mise au point » parue au début
de l’année 1956 dans le Bulletin des anciens des services spéciaux de la défense nationale
aux pages 22 à 24. Cette « mise au point » à laquelle R. Wybot réagit ici n’est pas
du colonel Paillole même si elle reflète l’état d’esprit de l’ensemble de l’AASSDN, à
commencer par celle de son président.
3. Les bureaux des menées antinationales (BMA) furent créés en zone libre par les
services spéciaux militaires après l’armistice de 1940. Ayant la charge de traquer toute
forme de « menées » qu’elles soient allemandes, britanniques ou même gaullistes, ces
bureaux remplissaient de facto une mission de contre-espionnage défensif. Ils étaient
principalement encadrés par des officiers issus des services spéciaux mais également,
faute d’effectifs suffisants, par des officiers non spécialistes tel l’auteur de la lettre, à
l’époque le lieutenant Roger Wybot, officier d’artillerie.
30
SDECE-DST : les guerres des services
31
Ouverture
32
SDECE-DST : les guerres des services
33
Ouverture
34
SDECE-DST : les guerres des services
1. Il s’agissait d’un poste très exposé, le poste TR 112 bis, qui fut décapité quelques
mois plus tard par l’arrestation de son chef, le lieutenant Martineau.
2. En passant au mois d’octobre 1941 par les Pyrénées, l’Espagne et le Portugal, il
attint Londres à la fin du mois.
3. Le lieutenant-colonel Georges Ronin (1894-1954) avait créé à l’été 1940 le ser-
vice de renseignement clandestin de l’armée de l’air qui entretenait des liaisons régu-
lières avec l’Intelligence Service.
4. Grâce à Fourcaud, Groussard avait pu gagner en juin 1941 la Grande-Bretagne
où il rencontra le général de Gaulle et le chef de ses services spéciaux. Groussard fut
arrêté à son retour en France à la mi-juillet 1941 sur ordre de Darlan.
35
Ouverture
36
SDECE-DST : les guerres des services
Source : « Lettre de Roger Wybot à l’AASSDN, 4 mai 1956 », Bulletin des anciens
des services spéciaux de la défense nationale, n° 11, juillet 1956, p. 4-8.
12
L’Asie vacille
1. Une opération d’agit-prop des services spéciaux
franco-laotiens contre le Viet-Minh au Siam
(1947-1948)
41
L’Asie vacille
1. Les tensions territoriales sont vives et débouchent sur un conflit, perdu par les
forces françaises d’Indochine en 1940-1941.
2. Jean Deuve a déposé ses archives personnelles au Mémorial de la Paix à Caen.
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
1947-1948 : LA LUTTE
CONTRE LE VIET-MINH AU SIAM
UNE OPÉRATION D’AGIT-PROP
avril 1947
Les Forces du Laos comprennent six bataillons de chasseurs Lao et
quatre commandos encadrés de Français soit 7 000 hommes. Depuis jan-
vier, les meilleures unités et la quasi-totalité des moyens de transport sont
engagées dans l’opération Alpha 2 (dégagement de la région Hué-Dong
Hoï-Dong Ha1). Il ne reste que quelques unités très éparpillées pour sur-
veiller et protéger 4 300 km de frontières, toutes sensibles et menacées.
La frontière du Siam (1 635 km) est particulièrement dangereuse par suite
du regroupement dans ce pays de Vietnamiens ayant fui le Laos réoccupé
par les Français, d’anciennes colonies vietnamiennes très organisées par le
Parti communiste indochinois du « gouvernement Lao Issala2 » en exil, et
de l’hostilité générale vis-à-vis de la France des autorités siamoises. Cette
frontière lao-siamoise, en grande partie constituée par le Mékong, tra-
verse des zones de grande densité forestière, des zones en général peu
peuplées du côté lao et, souvent, d’accès difficile.
Or se reforment au Siam, où elles s’entraînent, une quinzaine de com-
pagnies viet-minh3 dont la mission est d’agir au Laos. Malgré l’efficacité
de son SR, le colonel de Crèvecœur, commandant les Forces du Laos, est
inquiet de ces unités viet-minh, car, ayant tiré la leçon de leur échec de
mars au Laos, elles vont agir avec une plus grande discrétion et pourront,
maîtres du jour et de l’heure, venir attaquer les voies de communications
entre le Nord et le Sud-Laos, essentiellement le fleuve lui-même et la
RC 134, très vulnérables. Elles pourront aussi, par des raids aller et retour,
43
L’Asie vacille
attaquer les villes, créer des zones d’insécurité. Elles seront d’autant plus
dangereuses qu’elles bénéficient de la bienveillance active ou de l’inertie
du gouvernement siamois.
Mais la présence militaire viet-minh au Siam n’intéresse pas seulement
le Laos. Elle intéresse toute l’Indochine, car les Viet-Minh au Siam fixent
au Laos des troupes qui pourraient être utilisées ailleurs, participent aux
opérations au Cambodge, envoient vers la Cochinchine, hommes, équipe-
ments, armes, poudre, métaux précieux. Le Siam est aussi pour les Viet-
Minh un précieux centre de renseignements.
Ce gouvernement siamois est dominé par Pridi Panomyong1, Thamrong2
et par les Thai Seri, ancien mouvement dit de résistance, qui sont ouver-
tement favorables à la lutte de « libération » des peuples de l’Indochine.
Parmi les aides que ce gouvernement apporte aux Viet-Minh, on peut
citer la communication des BR des services de renseignement siamois en
ce qui concerne les activités de l’armée française au Laos et au Cambodge,
le transport sous escorte militaire d’armes et de volontaires (pour le Sud-
Vietnam) par trains ou camions, le transport par des vedettes de la marine
siamoise d’armes et d’équipements jusque sur les côtes de Cochinchine, le
prêt de pilotes et d’avions pour effectuer des liaisons avec le Nord-Vietnam
et en ramener de l’opium (pour acheter des armes). Les plus hautes auto-
rités siamoises, militaires et civiles (qui prennent leur part au passage) se
font les intermédiaires pour des achats d’armes en Tchécoslovaquie, aux
Philippines, en Indonésie, en Suède…
Quand on envisage l’ensemble de la guerre d’Indochine, il peut sem-
bler dérisoire de s’inquiéter de la possible action de quinze compagnies
ennemies. Pour le Laos, qu’Hô Chi Minh veut neutraliser afin de proté-
ger son flanc ouest, c’est une menace réelle. C’est pourquoi le colonel de
Crèvecœur, commandant les Forces du Laos, prescrit au chef du SR3 « de
le débarrasser de ces quinze compagnies ou, du moins, de les neutraliser ».
44
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
1. Vu Huu Binh a été officier dans l’armée thaïlandaise durant la Seconde Guerre
mondiale. Il intègre le Parti communiste indochinois durant cette période. Grâce à ses
contacts, il permet le développement des bases du Vîet-Minh en Thaïlande.
2. (1911-2010), un des principaux leaders communistes au Sud Viêt-Nam, membre
du Parti communiste français. Grâce à ses relations avec Pridi Panomyong qu’il a
connu à Paris, il obtient le soutien du gouvernement thaïlandais.
3. Direction générale des études et recherches à laquelle le SDECE succèdera en
1946. Deuve ayant été officier du premier service conserve l’ancienne titulature.
4. La force 136 est l’antenne Sud-Est asiatique du Special Operations Executive
(SOE). Le SOE doit coordonner toutes les actions (subversion et sabotage) menées
contre le Japon. Deuve est lui-même un ancien de ce service.
45
L’Asie vacille
46
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
L’action extérieure doit dresser les Viet-Minh contre les Siamois et réci-
proquement, le but étant de pousser les autorités siamoises à prescrire le
déménagement des camps viet-minh ou leur suppression.
47
L’Asie vacille
48
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
49
L’Asie vacille
50
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
51
L’Asie vacille
Mékong de ne pas tolérer des actes tels que ceux qui sont signalés, de se
livrer à des enquêtes serrées pour découvrir les coupables et de proposer
des sanctions sévères à leur égard.
Les télégrammes interprétés entre les 21 et 24 juin montrent que la
hiérarchie viet-minh prend très au sérieux le « mouvement rebelle ». Le
commissaire politique du Front du Mékong vient en inspection dans la
région de Sakhon-Lakhon, réunit les chefs locaux, confirme l’existence
d’un « mouvement rebelle », mais assure que, pour l’instant, il n’est pas
dangereux. Il précise que ceux qui en font partie sont des Vietnamiens
traîtres.
21 juin. – Deux Vietnamiens, Duc et Chuc, sont arrêtés à Oudorn par
le Comité de résistance comme traîtres. Le commissaire politique Hong
ordonne de les interroger et d’obtenir les noms des chefs et les projets
du mouvement rebelle. Il demande aussi que l’on assure les autorités sia-
moises que les jets de grenades ne proviennent pas des communautés
vietnamiennes et prescrit de régler les problèmes sans que la gendar-
merie siamoise puisse trouver le prétexte de se mêler des affaires des
Vietnamiens.
21 juin. – Le Comité central viet-minh à Bangkok avertit le Front du
Mékong de se méfier « car il y a un grand nombre d’espions ennemis
autour de lui ».
Un télégramme du gouvernement Hô Chi Minh prescrit à tous les
comités du Siam d’agir avec énergie et de se montrer sans pitié envers les
traîtres.
Le 22 juin, le SR/Laos fait lancer une grenade dans l’atelier de réparation
d’armes des Viet-Minh à Oubon (comme à Thabo, il n’y a pas de victimes)
et exploite au maximum cet attentat, mis sur le compte des rebelles.
Immédiatement, les instructions pleuvent. Nguyen Duc Quy prescrit de
distribuer des cartouches aux unités considérées comme sûres à Oudorn,
de distribuer des armes supplémentaires à Quang, chef du Comité de
résistance d’Oubon, qui a toute la confiance de ses chefs et le seul à opé-
rer encore au Sud-Laos. Il annonce qu’il va personnellement procéder à
une enquête pour déterminer les causes des mécontentements qui se font
jour et chercher les responsables. De son côté, le commissaire politique
du Front du Mékong adresse le 24 des instructions précises pour les uni-
tés de la région d’Oubon : surveillez d’éventuels mouvements de troupes
52
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
siamoises autour des camps, n’arrêtez pas les suspects ouvertement, évi-
tez tout prétexte à incident avec les Siamois, prenez toutes mesures de
défense pour faire face à un mouvement rebelle qui se développe.
Il y a un dernier point dans ces instructions qui réjouit les officiers du
SR/Laos ; Hong prescrit en effet de dissoudre la compagnie Ghuong. Or
Chuong était le premier objectif du SR tant par la personnalité de son chef
que par la qualité de la troupe.
L’interception d’un télégramme indiquant que Dinh, membre du Comité
central de Bangkok, est chargé par le gouvernement d’Hô Chi Minh de
surveiller l’orthodoxie idéologique de ses collègues permet au SR/Laos,
dès le 27 juin, de lancer une campagne particulière de dissension. On a
intercepté un télégramme de Dinh au gouvernement central viet-minh
dans lequel il signalait que deux des membres les plus importants de la
Délégation viet-minh à Bangkok, Nguyen Duc Quy et Hoang, faisaient
passer leur propre intérêt avant celui du parti. Le SR/Laos ignore s’il y a du
vrai dans cette affirmation ou s’il s’agit d’une manifestation de la psychose
d’espionnite, toujours est-il qu’il y a là une occasion à ne pas rater.
Le SR fait donc envoyer à Dinh deux lettres signées d’initiales transpa-
rentes qui dénoncent certains chefs locaux du nord-est du Siam comme
à l’origine des difficultés de ravitaillement et font état de troubles graves
à venir si des sanctions sévères ne sont pas prises. D’autres lettres ano-
nymes sont adressées à ceux dont le SR a emprunté les initiales leur
annonçant que Dinh est l’espion officiel d’Hô Chi Minh et qu’ils sont
sous surveillance. Une copie de ces lettres est adressée à Nguyen Duc
Quy…
Juillet. – Le Comité central viet-minh de Bangkok envisage de créer un
organisme spécial chargé d’enquêter, d’arrêter et de juger les suspects de
« rébellion » et prescrit, encore une fois, à tous les comités de réprimer
avec vigueur l’activité des Viet Gian.
25 août. – Le commandant de compagnie Xet (camp d’Oudorn) est
relevé de son commandement pour critiques envers ses chefs. Sa compa-
gnie cesse d’être opérationnelle. Le rapport qui rend compte à Bangkok de
cette sanction lie l’affaire au mouvement des Viet Gian.
Nuit du 24 au 25 août. – Des grenades sont lancées dans le camp viet-
minh de Nong Song Hong, près de Nongkhay. La même nuit, une autre des
équipes du SR vole les armes du poste de garde d’un des camps d’Oubon.
53
L’Asie vacille
54
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
55
L’Asie vacille
56
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
57
L’Asie vacille
58
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
59
L’Asie vacille
60
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
61
L’Asie vacille
62
Une opération d’agit-prop des services spéciaux franco-laotiens
63
L’Asie vacille
– au sud, dans le Bassac, Sithon avec des groupes Loven, Viet, Jap et Lao
du Siam, est le plus actif et bénéficie d’une aide viet-minh.
Colonel Deuve
65
L’Asie vacille
1. Les Binh Xuyen sont l’une des nombreuses sectes présentes en Cochinchine. Ral-
liés en 1948, ils prennent le contrôle de la principale maison de jeu de Cholon, « Le
Grand Monde » en 1950 qui devient le cœur des activités de leur leader, Bay Vien qui
prend le titre officiel de général Le Van Vien.
66
Lorsque l’opium finance la guerre des services spéciaux
1. Scandale dénoncé d’abord dans un article du Monde, puis dans un livre du même
nom par Jacques Despuech, Le trafic de piastres, paru aux éditions Deux-Rives en
1953. L’auteur, employé de la Banque de l’Indochine, fait état du trafic généré par la
différence de convertibilité du franc et de la piastre : la valeur officielle de la piastre
indochinoise est fixée par décret à 17 francs alors que sa valeur réelle, telle qu’elle est
estimée sur les marchés parallèles, est comprise entre 8 et 10 francs. Il dénonce les
transferts de fonds organisés par des personnalités et des notables. En définitive, les
bénéficiaires de cette particularité sont extrêmement nombreux. Pour répondre au
scandale, le président du Conseil, René Mayer, décide le 11 mai 1953 la dévaluation
de la monnaie au taux unique de 10 francs.
2. Mouvement républicain populaire. Parti démocrate-chrétien présent dans la coa-
lition au pouvoir au début des années 1950. Ils sont dix dans le gouvernement du
radical René Mayer de janvier à mai 1953.
68
Lorsque l’opium finance la guerre des services spéciaux
Ce 13 mai 1953
Veuillez agréer
69
L’Asie vacille
Cher père,
Tu vas être étonné d’avoir une lettre postée à Marseille, mais je m’y
trouve depuis trois jours. J’ai été rapatrié sur ordre du ministre, après
cinq mois de séjour en Indochine, pour une affaire très grave, mais je
suis du bon côté de la barrière.
J’ai l’impression qu’en Indochine le commandement se refuse à
signer l’ordre d’informer, pour que cette affaire ne passe pas devant
le tribunal militaire, malgré les conclusions des rapports faits par la
justice militaire en Indochine, la prévôté en Indochine, et l’inspection
générale de la France d’Outre-Mer. Ces trois autorités ont demandé
comme moi qu’une action judiciaire soit intentée.
Voici en gros les faits :
À mon arrivée en Indochine, j’ai été affecté dans une unité en qualité
de major, c’est-à-dire chargé de vérifier la comptabilité. Je me suis
rendu compte, après une semaine de travail que, depuis la création
de l’unité en juin 19511, de très fortes sommes d’argent étaient
détournées de leur destination principale par le trésorier, lequel avait
la pleine confiance du chef de corps2 et était fortement soutenu
par ce dernier. Celui-ci étant en mission, je fis part de ces choses à
son adjoint, type parfait de l’officier3. L’intendant chargé de la véri-
fication des comptes ainsi que le chef direct de mon commandant
d’unité étaient aussitôt mis au courant. Une enquête fut ordonnée.
On essaya par intermédiaire de me mettre dans le coup, mais je refu-
sai malgré les millions que l’on me promettait. On tenta de me faire
enfermer dans un asile. Le trésorier qui buvait parfois un peu trop,
racontait que l’on allait me faire la peau sur ordre du chef de corps.
70
Lorsque l’opium finance la guerre des services spéciaux
1. En février 1953, une mission parlementaire menée par le député radical Paul
Devinat, président de la sous-commission de contrôle de l’emploi des crédits budgé-
taires, est en Indochine.
2. Georges Bidault (1899-1983). Ministre MRP des Affaires étrangères du gouver-
nement Mayer. Il appartient à plusieurs gouvernements et sera président du Conseil
d’octobre 1949 à juillet 1950.
3. André Marie (1897-1914), ministre radical de l’Éducation nationale du gouver-
nement Mayer. Il appartient à plusieurs gouvernements et sera président du Conseil
du 26 juillet au 5 septembre 1948.
4. Franck Arnal (1898-1985), député SFIO et membre de la sous-commission de
contrôle de l’emploi des crédits budgétaires.
71
L’Asie vacille
1. Jean Letourneau (1907-1986), Ministre MRP chargé des relations avec les États-
associés (Viêt-Nam, Cambodge et Laos sont « indépendants » depuis 1949) sous diffé-
rents gouvernements d’octobre 1949 à juin 1953. De janvier 1952 à mai 1953, il sera
également haut-commissaire de France en Indochine.
72
Lorsque l’opium finance la guerre des services spéciaux
Fin mars, je n’ai pas perçu ma solde, mon unité prétextant que, muté
au Laos, je devais la réclamer à ma nouvelle unité. Je me rendis une
fois de plus au contrôle de l’armée qui alerta le Cabinet militaire de
M. Letourneau. Le vendredi 10 avril, à 11 heures, j’étais convoqué au
cabinet de M. Letourneau et je demandais à avoir un entretien avec
le ministre. On me demanda de me tenir prêt à rejoindre Paris par
l’avion du mardi matin.
Le samedi matin j’étais convoqué à l’E.-M. où l’on m’apprenait que
j’étais muté au Tonkin. L’officier qui s’occupe des mutations m’a
déclaré qu’il avait reçu des instructions formelles pour me mettre
73
L’Asie vacille
en route le plus tôt possible. Je lui dis que n’ayant pas encore perçu
ma solde, je ne pouvais quitter Saïgon avant mardi matin. J’en rendis
compte aussitôt au Cabinet de M. Letourneau. À 11 heures, il y avait
réunion de notre amicale. Nombreux étaient ceux qui étaient au
courant et qui savaient que si je quittais Saïgon, j’étais sûr de « mou-
rir pour la France » avec une belle citation !
Malgré une série incroyable d’obstructions, j’ai eu mes papiers : pas-
seport, ordre de mission et billet d’avion pour le mercredi soir. Après
le déjeuner, vers 14 heures, arrivèrent trois officiers de mes amis
qui me supplièrent de me cacher jusqu’au départ de l’avion. On me
fit escorter au terrain d’aviation par deux officiers armés. De nom-
breuses personnes m’accompagnaient et, en particulier, un officier
du Cabinet militaire. Ils n’ont pas quitté le terrain jusqu’au départ de
l’avion. On s’attendait à quelque chose. À Orly, un officier me remit
une lettre du ministre me convoquant à son cabinet à 11 heures
J’eus un entretien d’une demi-heure avec lui. J’espère que l’affaire
sera reprise à Paris, car M. Letourneau m’a assuré que la lumière
serait faite et que la justice suivrait son cours.
Étant militaire et tous mes chefs étant prévenus, je ne sais que faire,
mais je ne voudrais pas que cela en reste là. Tu connais les questions
juridiques, et je sais comme tu es « à cheval » sur ces questions d’ar-
gent. Je souhaiterais être convoqué à Paris par les services compé-
tents du ministère de la Défense nationale dont je dépends.
On m’a bien recommandé de suivre l’affaire, car si on l’étouffait, j’en
subirais les conséquences par la suite. Je n’ai rien à me reprocher et je
crois avoir fait mon devoir en signalant ces faits à mes supérieurs. Je
voudrais, si tu peux, que tu rentres en relations avec les autorités ci-
dessous, toutes désireuses que l’affaire ait la suite qu’elle comporte
(suit une liste de personnalités militaires et civiles).
Je voudrais que toutes ces personnes qualifiées te donnent leur
appréciation sur cette triste affaire, à titre personnel. Comme je le
disais à M. Letourneau, j’avais la foi mais j’ai été trop déçu par ce que
j’ai vu…
74
Lorsque l’opium finance la guerre des services spéciaux
QUELQUES QUESTIONS
1. Il s’agit du capitaine Desfarges qui avait entre ses mains les fonds issus de la vente
de l’opium et qu’il acheminait dans les locaux du GCMA. Il est libéré sur la demande
du colonel Gracieux, sous-chef d’état-major chargé des opérations du général Salan et
qui s’occupe plus particulièrement des relations avec les services spéciaux.
75
L’Asie vacille
L’Observateur
PREMIÈRE PARTIE
LA POLITIQUE CHINOISE
[…]
CHAPITRE III
POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LA CHINE
Question posée : C – politique de la CHINE dans le SUD-EST ASIATIQUE.
La CHINE et l’INDE (nature des liaisons) par rapport à leur position réci-
proque sur le problème indochinois. Différence entre la position russe et la
position chinoise sur le VIET-MINH
1. Note préliminaire
a) Méthode d’étude
Avant d’entreprendre l’étude de la politique chinoise dans le SEA, il
faut préciser en premier lieu que la méthode classique habituellement
employée pour l’étude de la politique étrangère d’un État, ne peut être
utilisée pour la CHINE communiste.
En effet, dans un pays communiste, le gouvernement n’est que l’organe
administratif de l’État sous le contrôle du Parti, qui, lui, conserve la direc-
tion de la politique et le contrôle absolu de son exécution.
Le gouvernement central de PÉKIN, de plus, n’entretient de relations
diplomatiques normales qu’avec une minorité d’États non communistes
qui l’ont reconnu.
80
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
2°) par ses nombreuses « colonies d’expatriés », vite adaptés aux condi-
tions locales mais jamais assimilées, formant dans toute la zone
d’expansion autant de points de catalyse autour desquels se déve-
loppent les Partis communistes locaux ;
3°) enfin et surtout, par sa position de communisme dans les pays
coloniaux, semi-coloniaux, dépendants et sous-développés – posi-
tion acquise depuis l’inauguration de la République populaire de
CHINE, le 1er octobre 1949, par suite de la défaite des troupes du
Kuomintang, mais prévue par le 6e Congrès de l’Internationale
communiste qui, dès 1928, nota la grande différence existant
entre les pays « capitalistes » et les pays « dépendants » du point de
vue communiste et définit les stades intermédiaires spéciaux par
lesquels devaient passer ces pays dépendants avant d’atteindre la
dictature du Prolétariat, stade actuellement atteint par l’URSS seu-
lement.
81
L’Asie vacille
a) Origine
L’un des thèmes essentiels du Congrès de réorganisation de la FSM qui
s’est tenu à MILAN en juillet 1949 fut « l’aide aux peuples des pays colo-
niaux et semi coloniaux » ; l’une des décisions importantes fut consacrée à
la tenue, en novembre à PÉKIN, d’une conférence syndicale panasiatique
qui aurait à décider de la création d’un Bureau asiatique de la FSM.
À l’occasion de cette Conférence, le bureau exécutif de la FSM se réunit
à PÉKIN du 15 novembre au 8 décembre 1949 et prit sur le plan de l’orga-
nisation les principales décisions ratifiées par les délégués à la Conférence
panasiatique. Ainsi fut établie l’organisation « continentale » de la FSM,
complément nécessaire et logique de son organisation horizontale.
b) Création et organisations
En application de la résolution sur la création des Bureaux de liaison de
la FSM (point 5 de l’ordre du jour du bureau exécutif de la FSM de PÉKIN)
et compte tenu de la résolution adoptée par la Conférence syndicale de
PÉKIN des pays d’ASIE et d’AUSTRALASIE, le Bureau exécutif de la FSM
prend les décisions suivantes :
1°) Il est créé un Bureau de liaison pour l’ASIE dont le siège sera éta-
bli en CHINE et provisoirement à PÉKIN par accord conclu avec la
Fédération pan-chinoise du Travail.
2°) Le nombre de membres du Bureau de liaison pour l’ASIE est fixé à
quatre, à savoir :
a) un représentant de la Fédération pan-chinoise du Travail,
b) un représentant du Congrès des Syndicats pan-hindous,
82
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
c) Rôle
Les Bureaux de liaison de la FSM, et celui de PÉKIN en particulier, auront
comme fonction fondamentale :
– d’aider les organisations syndicales de leur ressort à appliquer et à
réaliser les décisions de la FSM ;
– de mener une propagande aussi large que possible au sujet des buts
et objectifs de la FSM, et de diffuser ses publications ;
– de lutter contre la politique scissionniste dans les rangs de la classe
ouvrière ;
– d’établir des contacts avec les centrales syndicales affiliées à la FSM,
ainsi qu’avec les organisations syndicales progressistes qui, pour une rai-
son quelconque, ne sont pas adhérentes à la FSM ;
– d’informer la FSM du développement du mouvement syndical dans le
ressort de leur compétence territoriale.
83
L’Asie vacille
d) Importance
De tous les Bureaux de liaison créés ou dont la création est envisagée,
celui de PÉKIN est le plus intéressant de cette organisation horizontale en
raison des succès soviétiques en EXTRÊME-ORIENT.
Son rôle, en effet, s’étendra à l’INDE tant que le Bureau du PROCHE et
du MOYEN-ORIENT ne sera pas organisé1. Or, cette organisation, bien
que nécessaire à l’équilibre de l’organisation de la FSM, en raison des riva-
lités sino-indiennes, pour la « manipulation de l’ORIENT », s’avère pour
le moment difficile vu les répressions exercées contre les « syndicats pro-
gressistes » du PROCHE et MOYEN-ORIENT et l’importance prise par la
CHINE au sein du Bureau de PÉKIN.
e) Thèmes d’agitation-propagande
Les thèmes d’agitation-propagande donnés pour les syndicats d’Asie
à la Conférence de PÉKIN et que le Bureau de liaison a charge de faire
appliquer, furent principalement exposés dans le discours d’ouverture
de LIU SHAO-CHI, vice-président de la FSM, et le discours de clôture de
SAILLANT, les exposés des délégués des divers syndicats asiatiques se
bornant à les confirmer.
Ces thèmes furent :
– opposition à l’oppression impérialiste et féodale et lutte pour l’indé-
pendance nationale et la démocratie populaire ;
– évolution différente du mouvement syndical suivant que l’on envisage
le cas des syndicats des pays :
• déjà libérés (démocraties populaires, CHINE, MONGOLIE, CORÉE du
Nord et URSS) où les syndicats participent à la direction de l’État ;
• en voie de libération ; les syndicats de ces pays (CORÉE du Sud, Viet-
Nam, MALAISIE, PHILIPPINES, INDONÉSIE, SIAM) peuvent déve-
lopper leur influence auprès des populations en accentuant leur lutte
libératrice anti-impérialiste et anti-colonialiste ;
• où une aggravation des mesures terroristes est envisagée. Les syn-
dicats de ces pays (INDE, PAKISTAN, CEYLAN, JAPON, BIRMANIE,
84
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
f) Rôle de la CHINE
Contrôlant statutairement le Bureau de liaison des syndicats d’ASIE et
d’AUSTRALASIE, les syndicalistes chinois ont en main actuellement toute
l’organisation syndicale de l’ASIE. L’INDOCHINE, l’INDE et l’AUSTRA-
LASIE elle-même sont considérées comme de simples secteurs d’activité
du « syndicalisme de la GRANDE ASIE » contrôlés par les dirigeants de la
Fédération pan-chinoise des syndicats, lesquels, il est bon de le noter ici,
ont toujours passé pour être plus « Kominformistes » que les dirigeants du
PCC, y compris MAO TSE TUNG.
Le Bureau de liaison de PÉKIN doit en principe, d’après les décisions
de constitution, être contrôlé au point de vue finances et organisation
par le secrétariat de la FSM. Mais du fait qu’un délégué des syndicats
85
L’Asie vacille
86
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
b) Création
Le 2 octobre 1952 se réunirent à PÉKIN 400 délégués et observateurs
représentant 37 pays, et LIU NING I fut nommé secrétaire général de la
Conférence pour la Paix des pays d’ASIE et du Pacifique.
Cette conférence, qui se termina le 13 octobre, prit en matière d’or-
ganisation l’importante décision de créer, sur la proposition du délégué
indien : « un Comité permanent de liaison pour la Paix des pays d’ASIE et
du Pacifique. »
c) Organisation
Ce Comité permanent ayant ses assises à PÉKIN est composé de
73 membres représentant 38 nations.
Son organisation interne est calquée sur l’organisation du Conseil mon-
dial de la Paix.
Le secrétariat doit, d’une façon permanente, assurer le travail du Comité.
d) Rôle
Le rôle du Comité de liaison est défini comme suit :
e) Importance
Le Comité de liaison pour la Paix des pays d’ASIE et du Pacifique doit son
importance au fait qu’il est le premier « Comité régional » du Mouvement
mondial de la Paix à être constitué.
f) Thèmes d’agitation-propagande
Les travaux de la Conférence de PÉKIN ont abouti à 7 résolutions que le
Comité de liaison est chargé de diffuser et de faire appliquer.
87
L’Asie vacille
Elles concernent :
1. La CORÉE : ouverture immédiate de pourparlers de paix.
2. Le JAPON : lutte contre le militarisme et le traité de paix de San
Francisco.
3. L’indépendance nationale : le respect de l’indépendance souveraine
et de l’intégrité territoriale est une garantie de paix. Les pays possé-
dant des systèmes politiques différents peuvent cœxister pacifique-
ment.
4. Le pacte de paix entre les Cinq Grands devant assurer la paix dans le
monde.
5. Les échanges culturels.
6.
Les relations diplomatiques : oppositions contre tout blocus ou
embargo.
7. La défense de la Femme et de l’Enfant.
Ces résolutions furent suivies : d’un appel aux peuples du monde entier ;
d’un message aux Nations Unies qui, au cours de 7 années d’existence,
ont continuellement violé leur propre constitution, appuyant les agres-
seurs, couvrant la guerre de CORÉE, refusant d’admettre la République
populaire chinoise.
g) Rôle de la CHINE
La préparation, le déroulement et les résultats de la Conférence de
PÉKIN révèlent l’intention du Parti communiste chinois, par l’intermé-
diaire de son organisation de masse « le Comité de la Paix chinoise », de
devenir le Bureau d’agitation-propagande de « tous les peuples coloniaux
et dépendants sans distinction géographique et ethnique ».
En effet, la liste des délégués invités à la Conférence et celle des repré-
sentants du Comité de liaison montrent que la notion classique du Sud-
Est asiatique a été largement dépassée, tandis que l’ordre du jour établi à
la conférence préparatoire était limité aux questions intéressant la CHINE
ou pouvant servir d’exemple aux peuples « coloniaux ou dépendants ».
Enfin à la Conférence elle-même le rôle de guide tenu par la CHINE a
été exalté par certains délégués (dont celui de l’INDE affirmant sa « fidé-
lité inconditionnelle » à la CHINE « source d’inspiration pour l’ASIE tout
entière »).
88
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
4. Conclusion
La CHINE, par l’intermédiaire du Parti communiste chinois, concentre
désormais tous les pouvoirs de deux sections « régionales » des plus
importantes organisations internationales de masse :
– le Bureau de liaison des syndicats d’ASIE et d’AUSTRALASIE, bureau
panasiatique de la FSM,
– le Comité de liaison pour la Paix des pays d’ASIE et du PACIFIQUE,
comité des Partisans de la Paix des pays coloniaux et dépendants.
Elle devient de ce fait le pays-pilote des peuples coloniaux et écono-
miquement dépendants, tenant effectivement le rôle que MOSCOU lui
réservait dès 1928.
Sa politique étrangère, s’appliquant en particulier au Sud-Est asiatique,
est contenue dans les thèmes d’agitation-propagande diffusés par les
deux organismes de liaison qu’elle contrôle.
On peut noter, entre 1949 et 1952, l’élargissement du domaine contrôlé
par les dirigeants chinois qui étendirent leur influence des peuples d’ASIE à
tous les peuples coloniaux et dépendants.
[…]
89
L’Asie vacille
plan mondial, et leur action sur un point donné est fonction de l’évo-
lution de la conjoncture internationale.
b) En ce qui concerne plus particulièrement la politique suivie à l’égard
du Viet-Minh, les renseignements précis et de premier ordre font
malheureusement défaut. En dehors des indications fournies par le
dépouillement systématique de la presse soviétique, nous ne dispo-
sons guère que d’interprétations fondées sur l’étude de l’information
ouverte, nous n’en retiendrons naturellement que celles qui sont for-
mulées par des observateurs qualifiés.
1. L’URSS appuie officiellement le gouvernement HO CHI MINH qu’elle
reconnaît de jure depuis le 16 janvier 1950 et avec lequel elle entretient
des relations diplomatiques normales. Il ne s’ensuit pas nécessairement
que les dirigeants soviétiques aient l’intention, tout au moins dans l’im-
médiat, de favoriser une victoire rapide de ses protégés. Celle-ci aurait
éventuellement de profondes répercussions matérielles, psychologiques
et morales favorables au communisme dans le monde entier. Mais il ne
semble pas cependant que, pour l’instant tout au moins, MOSCOU ait
intérêt à une issue rapide du conflit, ni, évidemment, dans le sens d’une
victoire française, ni même dans le sens d’un succès complet du Viet-Minh.
Les maîtres du Kremlin semblent au contraire désirer une prolongation
de la guerre d’INDOCHINE. En effet, tant qu’elle durera, le gouvernement
français ne pourra songer à porter l’armée française d’Europe et d’Afrique
du Nord au degré de perfection désirable. Or, il ne faut pas oublier que
l’Europe reste la préoccupation dominante des dirigeants de MOSCOU.
Ceux-ci cherchent avant tout à empêcher la réalisation de la Communauté
européenne de la Défense (CED), tout au moins à la rendre inefficace.
Le conflit du Viet-Nam leur fournit une occasion excellente de paralyser
le développement d’un des éléments essentiels de la CED, l’armée fran-
çaise, qui est d’ailleurs déjà une pièce maîtresse du Pacte de l’Atlantique.
L’action soviétique consiste donc à aider le Viet-Minh suffisamment pour
empêcher sa défaite par les Français, mais sans pour cela lui permettre
une victoire prompte et complète.
En fait, si les preuves d’une aide matérielle de la CHINE au Viet-Minh
abondent, elles sont beaucoup plus rares et imprécises en ce qui concerne
l’aide russe. Indépendamment du soutien moral et psychologique
que l’URSS apporte au gouvernement HO CHI MINH dans son action
90
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
91
L’Asie vacille
92
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
93
L’Asie vacille
en les faisant passer pour des idées personnelles, des idées et des citations
de LÉNINE.
5. Enfin, il reste à déterminer quelle sera la conséquence de l’armistice
de PAN MUN JOM sur la politique soviétique à l’égard du Viet-Minh. Sur
ce sujet encore, on en est réduit à des hypothèses plus ou moins contra-
dictoires. Cependant, on admet en général que l’arrêt des hostilités en
CORÉE peut être gros de conséquences en INDOCHINE. Toute la question
est de savoir si MOSCOU a maintenant intérêt à poursuivre la politique
esquissée plus haut et qui tend à faire durer le conflit pour des raisons de
politique européenne ou si, au contraire, le Kremlin juge que le moment
est venu de mettre un terme au conflit, soit en précipitant les événements
pour s’assurer la mainmise sur le Sud-Est asiatique, prélude indispensable
à une action future contre l’INDE, soit d’une manière pacifique, une telle
solution pouvant avoir sur l’économie française des répercussions consi-
dérables que MOSCOU pourrait éventuellement utiliser.
DEUXIÈME PARTIE
LA CHINE ET LE VIET-MINH
CHAPITRE I
IMPORTANCE DU PROBLÈME INDOCHINOIS
POUR LA CHINE
La Chine s’intéresse à l’Indochine et plus particulièrement au Tonkin
pour des raisons, les unes permanentes, les autres actuelles ou acciden-
telles.
1. L’Indochine du Nord est le débouché naturel du YUNNAN ; la voie
ferrée KUNMING (YUNNAN-FOU) – HAÏPHONG fut la solution du pro-
blème des échanges entre le Tonkin, d’une part, et, d’autre part, les trois
provinces chinoises (YUNNAN, KWANG-SI, KWANG-TUNG) qui le bor-
dent et la riche province de SSEU-CHUAN qui en constitue l’arrière-pays.
Pendant des siècles, l’Annam reconnaît la suzeraineté de la Chine, dont
il avait reçu son écriture et les principaux traits de sa civilisation. Les traités
94
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
imposés à la Chine au XIXe siècle lui firent renoncer à cette suzeraineté ; mais
les souvenirs historiques alliés aux nécessités économiques entretenaient
le regret des provinces perdues ; la propagande nationaliste chinoise rap-
pelait fréquemment les anciens droits de la Chine ; l’animosité contre la
France, qui frappe quand on étudie la presse de Chine méridionale vers
les années 1947-1949, s’explique par la déception d’avoir dû en 1946 éva-
cuer le Tonkin que les armées chinoises occupaient jusqu’au 16e parallèle.
2. La propagande communiste fait le silence sur les droits historiques
de la Chine, peut-être pour ménager les susceptibilités de la République
populaire du Viet-Nam. La Chine nouvelle ne peut cependant se désinté-
resser de l’Indochine :
a) Et d’abord pour des raisons stratégiques. En cas de conflit, le Tonkin
peut jouer le rôle de « tête de pont » pour les armées occidentales. De
même que PÉKIN ne peut supporter de voir s’installer sur le Yalu les
armées d’un État puissant, il ne peut non plus tolérer que ces armées
installent leurs bases dans le delta du Tonkin.
b) Mais les raisons avouées de l’intérêt que porte la Chine à l’Indochine
sont d’ordre idéologique : le Viet-Minh est un mouvement anti-colo-
nialiste et « progressiste » ; à ce double titre, la Chine se doit de le
soutenir si elle veut jouer le rôle de leader des pays asiatiques, dans la
lutte pour l’indépendance et pour l’avènement du marxisme.
Bien que la presse communiste n’ait jamais accordé à la guerre du Viet-
Minh autant de place qu’à la guerre de Corée, l’aide de la Chine au VM
permet de mesurer l’importance qu’a, pour l’avenir de la Chine, l’issue de
cette guerre. Il est permis de supposer qu’à l’inverse peut-être de l’URSS
elle n’a pas intérêt à voir prolonger le conflit, et que, seule, la prudence lui
interdit d’accorder une aide plus efficace mais plus voyante et de précipi-
ter ainsi la victoire du Viet-Minh ; elle ne se sent pas en mesure de mener
au Sud-Est asiatique une guerre aussi dure que celle de Corée.
3. On peut se demander quelle serait, en cas de victoire du Viet-Minh,
la position de la République populaire du Viet-Nam vis-à-vis de la Chine.
La politique suivie par la Chine à l’égard des minorités ethniques, puis
des provinces extérieures (TIBET, MONGOLIE intérieure), permet d’ima-
giner ce que serait cette position. Appliquant le principe stalinien qu’il
faut libérer les peuples avant de les fédérer, qu’il faut développer leurs
95
L’Asie vacille
CHAPITRE II
LIAISONS ENTRE PÉKIN ET LE VIET-MINH
1. Relations diplomatiques :
96
Longs feux impériaux, théorie des dominos et révolution asiatique
b) Contacts à l’étranger :
Des relations ont pu s’établir avec les missions diplomatiques chinoises
et des représentants du Viet-Minh dans trois pays : l’URSS, la BIRMANIE
et l’INDONÉSIE.
En effet, le gouvernement Viet-Minh est représenté à l’étranger auprès
du gouvernement soviétique (ambassadeur : NGUYEN LUONG BANG).
En BIRMANIE une délégation officieuse du VM, dirigée par TRAN VAN
LUAN, est installée à RANGOON, mais le gouvernement birman ne lui a
accordé aucun statut diplomatique, et il semble actuellement moins dis-
posé à le faire qu’il y a seulement deux ans.
Enfin, en INDONÉSIE, une mission VM a manifesté une certaine activité
à JAKARTA, où elle avait organisé un centre de propagande. Le gouverne-
ment indonésien n’est jamais entré en rapport avec elle ; d’ailleurs, cette
mission n’a fait preuve d’aucune activité depuis 1951.
97
L’Asie vacille
100
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
1. Il a laissé des Mémoires : Roger Trinquier, Le temps perdu, Paris, Albin Michel,
1978, 442 p. et un ouvrage extrêmement connu sur la guerre révolutionnaire : La
guerre moderne (Paris, éditions de la Table Ronde, 1961).
2. Sur cette affaire, cf. le document : « Un officier d’Indochine accuse », L’Observa-
teur, 28 mai 1953, édité dans ce volume.
101
L’Asie vacille
RAPPORT
du Lieutenant-Colonel TRINQUIER
de la Brigade Coloniale Parachutiste
C’était devenu un Organisme très important qui groupait sur les arrières
V.M. – particulièrement au TONKIN et au LAOS 20 000 guérilleros1,
– 83 Officiers
– 300 Sous-Officiers
– 200 Hommes de Troupe
– 800 Autochtones réguliers.
103
L’Asie vacille
– 3°) les plans d’extension qui étaient prévus pour la campagne d’au-
tomne
– 4°) les principaux résultats obtenus
– 5°) les leçons à tirer de cette expérience
– 6°) les possibilités d’envisager préventivement la création d’un autre
organisme semblable en V.F.
A. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
I. Il apparaît de plus en plus évident que Notre Armée, dans sa forme
actuelle, est inadaptée pour lutter contre l’ennemi qui menace l’Union
Française. En Indochine par exemple malgré une supériorité manifeste en
matériel moderne, elle n’a pas réussi à écraser le V.M.
Dans la guerre qui vient de s’ouvrir en AFRIQUE DU NORD nous
employons encore la même armée. Il ne semble pas, malgré la supériorité
écrasante de ses moyens qu’elle soit en voie d’éliminer rapidement l’ad-
versaire qui lui est opposé.
Notre appareil militaire fait penser au marteau pilon qui tenterait d’écra-
ser une mouche.
C’est pourtant ce que nous avons essayé de faire en Indochine. Le
Commandement, à tous les échelons a vainement espéré, d’une cam-
pagne à l’autre d’acculer les V.M. dans une bataille rangée, où, grâce à la
supériorité de ses moyens il aurait pu facilement l’anéantir. Mais le Viet ne
s’est jamais prêté à cette manœuvre ; comme la mouche il s’est toujours
dérobé lorsque le marteau menaçait de l’écraser.
Finalement lorsqu’il a accepté la bataille rangée classique – tant atten-
due – c’est lui qui avait rassemblé sur le champ de bataille des moyens
supérieurs aux nôtres et qui nous a battus.
104
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
1. Na San est une base aéroterrestre située en pays Thaï dans le nord-ouest du Ton-
kin. Établie pour limiter les intrusions vietnamiennes au Laos, elle subit les assauts
du corps de bataille du général Giap du 30 novembre au 2 décembre 1952. C’est une
victoire défensive à mettre au crédit du général Salan. Le camp est évacué avec succès
en août 1953.
2. Drop Zone : zone de largage pour les troupes aéroportées.
3. Lorsque le général Salan passe le commandement au général Navarre en mai
1953, c’est la quasi-totalité des grands commandements qui change de mains. Toute
la génération venue avec de Lattre en 1951 quitte l’Indochine.
105
L’Asie vacille
Si l’on persiste dans cette voie le résultat final ne fait pas de doute. On
essaiera peut-être d’alléger nos Unités actuelles et de les adapter en les
rendant plus mobiles. Mais le chemin qu’il faudrait parcourir pour les
transformer, changer leurs procédés de combat, leurs habitudes et les
réflexes de nos cadres, est si grand qu’on ne parviendra que très difficile-
ment à leur donner une efficacité suffisante pour gagner la guerre.
En Indochine cependant une expérience a été faite, qui dans la lutte
contre un adversaire apparemment insaisissable, a donné des résultats
concluants. Elle est peu connue puisque ses résultats n’ont jamais été
divulgués. C’est l’action menée par le G.M.I. sur les arrières V.M.
Un exposé succinct des résultats obtenus et le programme d’expansion
en bonne voie de réalisation, devant être mis en place avant l’automne
1954, seront donnés. Le Général Commandant en Chef, qui suivait de
près son évolution, estimait que l’action du G.M.I. constituerait sa carte
maîtresse.
Cependant, dès la cessation des hostilités le G.M.I. a été dissous, ses
archives versées au SDECE, sans qu’aucun rapport de fin de mission n’ait
été demandé à son Chef et à ses Cadres.
B. CRÉATION ET ORGANISATION
I. Au début de 1950, il vint à l’idée du Commandant des Troupes
Aéroportées en Indochine que l’on pourrait peut-être capturer certaines
personnalités V.M. au cours de leur déplacement entre le Nord et le
Sud-Vietnam. Les Troupes Aéroportées en Indochine avaient un certain
nombre d’Officiers venant du S.A.S. Britannique, et habitués à ce genre
de mission. L’inventaire en fut fait et le Commandant des T.A.P.I. s’ouvrit
de cette possibilité à l’E.M.I.F.T1.
106
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
II. – Création
Les moyens
– personnel
– matériel
– crédits2
étaient donnés presque en totalité par le Général Commandant en Chef
– une faible partie seulement était fournie par les services spéciaux – (à
la dissolution du G.M.[I.] (Note de J.-M. Le Page : nous corrigeons ainsi
certaines approximations et erreurs de l’auteur du rapport) , par exemple,
sur un effectif global de 83 Officiers, 4 seulement venaient des services
spéciaux.
107
L’Asie vacille
Les missions
étaient étudiées par un Comité d’Orientation de l’action (voir compo-
sition jointe).
Les ordres
lui étaient donnés par le Général, Commandant en Chef par l’intermé-
diaire du Colonel, Chef d’État-Major, Adjoint au Chef d’État-Major de
l’E.M.I.F.T.
En fait le G.M.I. à l’origine émanation des T.A.P.I. a été pratiquement
une création du Général Commandant en Chef.
III. – Implantation
a) – L’implantation du G.M.I. était calquée sur celle du Commandant.
Le Commandant du G.M.I. et son État-Major étaient installés à SAIGON
auprès du Général Commandant en Chef, qui lui donnait ses directives et
ses ordres.
Les comptes rendus d’activité et le rapport trimestriel lui étaient adressés
directement : une copie était adressée au Directeur Délégué du SDECE.
Dans chaque territoire était créée une représentation régionale, dont le
Chef était installé auprès du Commandant du territoire. Le Commandant
du territoire, destinataire des comptes rendus journaliers et des rapports
trimestriels de la R.R. était ainsi tenu au courant des activités du G.M.I.
dans sa zone d’action.
Les suggestions quant à l’emploi du G.M.I. pouvaient être adressées par
le Commandant du territoire au Chef de la R.R. du G.M.I. qui les trans-
mettait pour étude au Commandant du G.M.I., ou adressées directement
au Général Commandant en Chef.
Chaque représentation régionale disposait d’un certain nombre d’an-
tennes, chargées de l’entretien des centaines ou des maquis.
108
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
Il faut d’abord dire que vouloir en 1951 créer des maquis sur les arri-
ères lointains V.M. apparaissait à tout le monde comme une gageure.
Personne n’y croyait.
La mission très générale qui avait été donnée :
– créer des maquis,
– former des équipes de sabotage,
– monter des filières d’évasion,
était un but qui ne pouvait être que lointain. Il fallait pour l’atteindre créer
d’abord un climat favorable qui nous permette d’y parvenir.
En prenant en janvier 1952, le Commandant de la R.R. au Nord-
Vietnam, afin d’orienter dès le départ les efforts de tous, et sans perdre
de vue la mission donnée, je définissais une mission plus immédiate du
G.M.I. qui lorsqu’elle serait réalisée permettrait de réaliser la mission don-
née. Je la définissais ainsi :
« La Mission du G.M.I. est de s’implanter sur toute l’étendue du terri-
toire contrôlé par les V.M. et de créer sur leurs arrières un état d’insécurité
permanent.
Dans cette zone qui est notre champ d’action, nous devons pousser des
antennes pour :
1°) Être d’abord renseigné sur les populations, leur état d’esprit, leur
attitude vis-à-vis des V.M.
2°) Les amener ensuite à collaborer avec nous d’abord, et nous rensei-
gnant ensuite en participant effectivement à l’action.
3°) Enfin, créer en zone V.M. une organisation qui nous en permette le
contrôle.
Ce n’est en effet que lorsque ce travail préparatoire aurait été accompli,
qu’il serait possible d’envisager la création :
– des maquis
– des filères d’évasion etc.
En 1952, une telle mission apparaissait cependant comme une chimère.
Pourtant, deux ans d’expériences, dont les leçons ont été tirées, ont mon-
tré qu’au LAOS en particulier et dans l’immense zone du Nord-Vietnam
nous avions des possibilités pratiquement illimitées. Le fruit de cette expé-
rience a été mis au point et codifié dans un petit fascicule « Les Maquis
109
L’Asie vacille
1. La défaite française sur la route coloniale n°4 entre Cao Bang et Lang Son a eu
comme conséquence une évacuation de toute la frontière entre le Tonkin et la Chine.
2. Ces unités commandos, appelées « commandos Nord-Viêt Nam », dirigées par
le colonel Fourcade sont mises en place à partir de juillet 1951. Constituées d’une
centaine de supplétifs dirigés par quelques officiers et sous-officiers français des TAPI,
elles se spécialisent dans des opérations coups de poing en zone viêt-minh. À la diffé-
rence des GCMA, elles ne sont pas destinées à s’installer sur le long terme et se conten-
tent de missions de « va-et-vient ».
110
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
LA GUERRILLA DE CHO-QUANG-LO
Lorsque nous nous étions repliés en 1950 de la rive gauche du Fleuve
Rouge et que nous avions abandonné LAO [K]AY, un chef de partisan
nommé CHO-QUANG-LO avait refusé de nous suivre, s’estimant capable
111
L’Asie vacille
112
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
Le 19 juin 1952, la 302e D.I. chinoise en entier, forte des 3e, 11e, 112e
et 113e régiments, aidée du 148 reçu[t] la mission de réduire CHO-
QUANG-LO. Des combats acharnés eurent lieu, que nous appuyâmes
quand nous le prîmes avec l’Aviation. Le 3e Régiment en particulier fut
totalement anéanti le 25 juin. Mais les Chinois ne lâchèrent pas prise, le
19 août après 3 mois les liaisons radio cessèrent.
CHO-QUANG-LO, cependant avant de succomber allait seul pendant
plus d’un an avec quelques fidèles, continuer la lutte1.
Néanmoins au TONKIN, après la chute de CHO-QUANG-LO et de
NGHIA LO, de THAN YEN, il ne nous restait plus que la base de LAICHAU,
soit peu de choses.
Tout ce qui avait pu être sauvé du G.M.I. s’était replié dans NASAN avec
le Général GILLES, ou à LAICHAU.
C’est à partir de ces deux bases, LAICHAU et NASAN, que le G.M.I.
allait reprendre son effort.
NASAN
Un Officier et deux Sous-Officiers plus quelques partisans fidèles y
furent envoyés, avec mission de contacter, les MEOS établis entre DIEN
BIEN PHU et NASAN. Des contacts furent pris en profitant des sorties
des Groupes Mobiles. Au mois d’avril, nos missions spéciales s’infiltrent
dans toute la zone, et le 20 mai se sentant assez fort, un commando de
40 hommes réussi[rent] à se glisser sur les arrières V.M. et gagnèrent la
région MEO. Rapidement tous les MEOS se rallièrent à eux.
En deux mois, un maquis fort de 1 500 hommes armés commandé par
un Capitaine et 5 Sous-Officiers disposant de 3 terrains de beaver pu être
installé entre NASAN et DIEN BIEN PHU. C’est le maquis COLIBRI2.
À LAICHAU tous nos rescapés autochtones étaient regroupés et ins-
truits sous la direction d’un Officier Autochtone d’une rare valeur. Des
missions spéciales furent parachutées sur toute la zone que nous avions
1. La date de son décès n’est pas connue avec précision. Selon un supplétif du
GCMA qui a réussi à rejoindre les lignes françaises en 1953, il aurait été tué en octobre
1952. David, op.cit., p.116.
2. Il s’agit du groupe dirigé par le capitaine Hébert.
113
L’Asie vacille
114
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
Français. Tous les combats que nous avions appuyés dans la mesure du
possible avec notre Aviation avaient été conduits uniquement par des
Autochtones.
[…]
*
À cette date PHONG SALY avait été évacué par les Troupes régulières
et confié au G.M.I.
115
L’Asie vacille
1. L’opération « Castor » visait à réoccuper Diên Biên Phu afin de mettre en place
une base aéroterrestre. La base doit permettre de recueillir les partisans thaïs qui éva-
cuent Lai Chau sous la pression viêt-minh, de créer un pôle qui donne la possibilité
aux troupes de rayonner autour afin de provoquer de l’insécurité sur les arrières de la
RDVN et surtout de bloquer la route du Laos au corps de bataille adverse qui est en
mouvement depuis le début du mois de novembre 1953 dans cette direction.
2. Seuls une cinquantaine de maquisards thaïs et méos réussissent à rejoindre le
camp où ils retrouvent le capitaine Hébert, arrivé le 29 novembre.
3. Le 20 novembre 1953.
116
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
ÉVOLUTION DE L’ORGANISATION
Cette extension rapide pour rester contrôlable et commandable, a
nécessité une évolution constante de l’organisation du G.M.I. au fur et à
mesure que ses moyens augmentaient et que sa zone d’action s’étendait.
1. Il s’agit sans doute d’une référence aux groupements de supplétifs présents à Lai
Chau et qui ont gagné Diên Biên Phu en novembre : le commando de 400 supplé-
tifs du lieutenant Wieme, mais également les groupements mobiles de partisans thaïs
comme celui de Bordier, le gendre de Déo Van Long, chef de la fédération thaïe. Ces
groupes vont régulièrement entrer en contact avec les unités qui encerclent le camp
retranché.
117
L’Asie vacille
118
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
III. Forces d’intervention
Les maquis représentaient surtout une masse de gens peu instruits. Il
leur manquait un élément de choc, capable de monter des embuscades
payantes et le cas échéant d’enlever une résistance localisée.
Chaque R.R. avait été dotée d’un camp d’entraînement où les élé-
ments les plus actifs des maquis furent réunis et instruits pour former des
Groupements d’appui de guérillas, destinés à être parachutés.
C’est ainsi que le 11 juillet 1954, deux Groupements d’appui de gué-
rillas – 60 hommes au total – furent parachutés sur PA[K]HA pour faire
cesser la résistance des éléments V.M. qui s’y étaient retranchés.
FONCTIONNEMENT
À ce stade le G.M.I. était devenu un organisme très important (voir
annexe l’organigramme).
Il était formé de 2 éléments distincts :
– un corps de troupe
– un service spécial
a) Un corps de troupe
Un corps de troupe disposant des services administratifs d’un régiment,
avait à la cessation des hostilités le tableau d’effectif suivant :
119
L’Asie vacille
6 Officiers Supérieurs
Officiers 74 Officiers Subalternes
3 Officiers Autochtones
83
Sous-Off. 214 Sous-Officiers Européens
61 Sous-Officiers Autochtones
275
Troupe 163 Hommes de troupe Européens
850 Hommes de troupe Autochtones
soit environ un total de 1 300 Hommes.
b) Un service spécial
En temps que Service Spécial, le G.M.I. disposait :
– de crédits
– de personnels spéciaux
– de matériel
120
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
–
puis assurer l’extension des maquis, les armements importants
(15 000 armes) avaient été donnés au G.M.I. directement par les
Américains1.
d) Emploi
1. Le G.M.I. était pratiquement une création du Général Commandant
en Chef qui lui donnait ses moyens :
– personnel
– matériel
– fonds.
Il entendait donc l’employer et l’orienter en fonction de ses besoins, sans
trop se soucier si les doctrines spéciales au service « ACTION » étaient res-
pectées ou non. Ce qui importait avant tout, c’était de causer aux V.M. en
particulier sur leur arrière, le maximum de pertes.
Il apparut vite en effet que le travail de sabotage par petites équipes
contre un adversaire qui avait établi sa puissance sur la dispersion et la
fluidité, ne laisserait aucun objectif valable à des équipes de sabotage.
Il en était de même pour les filières d’évasion qu’il était impossible de
créer en pays de forêt où les rares pistes sont aisément contrôlables sur
des centaines de Kilomètres.
Après des tâtonnements multiples, le procédé qui s’est révélé le plus
rentable a été la création de vastes maquis sur les arrières V.M. (V. Maquis
d’Indochine – étude générale – jointe).
En plein accord avec le Général, Commandant en Chef, c’est vers la
création et le développement de ces maquis, devenus une véritable armée
de l’intérieur, que le G.M.I. a développé le maximum d’efforts.
C’est en travaillant en étroite collaboration avec l’E.M.I.F.T que le G.M.I.
était arrivé à les mettre sur pied.
2. Les Commandants des R.R. du G.M.I. auprès des Commandants
des territoires restaient aux ordres directs du G.M.I., mais les suggestions
faites étaient toujours très sérieusement étudiées.
Les Commandants de territoires convaincus de l’utilité du G.M.I. lui ont
toujours donné le plus large appui.
1. Une convention est signée entre la CIA et le SDECE qui prévoit l’échange de
missions Action en Indochine et en Corée – dont Trinquier profitera – ainsi que la
fourniture de matériels, en particulier des postes radio au SDECE.
121
L’Asie vacille
e) Résultats obtenus
1. Les croquis du C.R. d’activité établit à la cessation des hostilités le
27 juillet sont joints en annexe.
Les durs combats soutenus par nos maquis pendant toute la campagne
d’hiver, contre les V.M. désireux d’assurer d’abord la sécurité de la R.P. 41
vitale pour le ravitaillement de DIEN BIEN PHU, et pour assurer la sécurité
de leurs arrières, nous avaient obligés à abandonner un certain nombre de
points importants.
Le terrain Dakotable de TAN HUYEN réoccupé depuis 7 mois, ainsi que
la ville de PHONG SALY durent être abandonnés.
Mais l’essentiel était conservé. Le potentiel de nos maquis restait intact.
La saison des pluies, qui chaque année ralentissait l’activité V.M. allait
leur permettre de reprendre rapidement le terrain perdu, et de poursuivre
notre programme d’extension.
À la cessation des hostilités le G.M.I. groupait sur les arrières V.M.
15 000 maquisards instruits, armés, organisés. Un réseau radio complet,
dont la carte est donnée en annexe, en permettait un Commandement
facile.
2. Il serait fastidieux de donner ici un bilan complet des résultats obte-
nus par le G.M.I., les plus marquants seront simplement indiqués.
– À la fin de la campagne d’hiver 1952-1953 les maquis du plateau du
TRAN NINH, bien que de création très récente, ont récupéré, après l’éva-
cuation de SA[M] NEUA, une centaine d’Européens (Officiers – Sous-
Officiers et Hommes de Troupe – dont le Lieutenant-Colonel ME[L]
EPLATTE, Commandant de la Colonne) et environ 200 Autochtones de
tous grades.
122
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
1. Les chiffres sont très exagérés. Ce sont plutôt 6 bataillons qui ont été réunis par
Giap pour lutter contre les maquis et protéger les arrières de son front. Néanmoins, ce
sont des unités qui étaient effectivement absentes autour du camp.
123
L’Asie vacille
Il est par contre fait abstraction d’un facteur qui tend à devenir très
important dans la guerre moderne1, particulièrement dans l’Union
Française où les conflits sont d’ordres idéologiques c’est :
L’HABITANT
Le champ de bataille extrêmement étendu n’est plus vide. Sauf en cas
de stabilisation rarement envisagé (DIEN BIEN PHU ou NASAN) l’habi-
tant reste chez lui au milieu de la bataille2. Il est en fait l’élément stable au
milieu d’actions dont les points d’application varient constamment.
Il est donc désormais indispensable dans les zones d’opérations pos-
sibles, de le préparer lui aussi à la Bataille, à laquelle bon gré ou mal gré il
participera, et de le mettre de notre côté.
Mais l’on ne peut demander au Commandement local ou à un
Commandant d’unités régulières, dont les missions de combat absorbent
toute l’activité, de s’intéresser à ce problème.
Par contre un service analogue au G.M.I. agissant à la fois dans le
domaine civil et militaire peut être capable de mener à bien une telle mis-
sion.
II. Une des difficultés principales rencontrées par le G.M.I. a été juste-
ment de convaincre le Commandement de la nécessité de préparer à la
guerre les habitants d’une zone susceptible d’être éventuellement occu-
pée par l’ennemi et de les faire participer à la lutte à nos côtés (voir annexe
numéro 7 Préparation du Pays THAI.).
L’expérience a montré qu’il n’était nullement nécessaire d’avoir les sym-
pathies de la totalité des populations, qui en général sont amorphes et
indifférentes. Il suffit de former une élite agissante et de l’introduire dans
la masse comme un levain, qui agira au moment voulu.
Mais cette élite il faut la détecter et la former.
Bien que l’idée de patrie n’ait pas chez nos Autochtones une résonance
profonde, nous trouverons certainement chez eux des gens dévoués à la
France et prêts à se dévouer pour elle. L’Indochine nous en a fourni d’in-
nombrables exemples. Mais en général ils sont plus attachés aux privilèges
1. Trinquier donnera ce titre à son livre de référence paru en 1961 aux éditions de
la Table Ronde.
2. Il y avait tout de même entre 8 000 et 15 000 habitants à Diên Biên Phu au
moment du siège et de la bataille.
124
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
1. Contre-espionnage.
125
L’Asie vacille
126
Lorsque les services évaluaient leur guerre non conventionnelle
127
L’Asie vacille
ANNEXE N° 1
COMITÉ D’ORIENTATION DE L’ACTION1
L’Afrique : la formation
du « pré carré »
après les indépendances
1. Début de la piraterie aérienne : l’interception
de l’avion de Ben Bella, le 22 octobre 1956
131
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
132
Début de la piraterie aérienne
1. Ahmed Ben Bella (né en 1916), ancien sous-officier dans l’armée française durant
la Seconde Guerre mondiale, s’engagea après le conflit dans une formation nationa-
liste (PPA-MTLD) et devint conseiller municipal de Maghnia en 1947. Accusé d’avoir
participé en 1949 à la tête d’un groupe de « l’Organisation secrète » (OS) à l’attaque
de la poste d’Oran, il fut condamné en 1952 à sept ans de prison mais parvint rapi-
dement à s’évader, gagna l’Égypte et participa au déclenchement de l’insurrection en
novembre 1954.
2. Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider (1912-1967), Mohamed Boudiaf (1919-
1993), Mostefa Lacheraf (1917-2007), et Hocine Aït Ahmed (né en 1926).
3. L’auteur commet une erreur, il ne s’agit pas d’Air France, mais d’une compagnie
marocaine : l’équipage de l’avion était français, mais le DC3 était la propriété du Sul-
tan du Maroc, d’où les effets politiques et diplomatiques négatifs. Il y avait également
à bord des journalistes français et étrangers.
4. « Wirth : chef du deuxième Bureau de la Xe Région militaire ; « Germain » :
chef du poste SDECE d’Afrique du Nord à Alger ; Simoneau : chef du CCI (Centre
de Coordination interarmées) ; moi-même : mis « dans le coup » car l’avion pouvait
atterrir à Oran, où j’ai alerté tout de suite mes représentants (une sous-direction) pour
constituer un éventuel « comité d’accueil » (note du colonel Parisot).
Le terme de quarteron est ironique car il renvoie à l’expression employée à la télé-
vision par le général de Gaulle le 23 avril 1961, pour qualifier les quatre généraux
auteurs du putsch en Algérie (« un quarteron de généraux en retraite »).
134
Début de la piraterie aérienne
1. Il s’agit en fait de Robert Lacoste (1898-1985) qui outre ses fonctions en Algérie
était demeuré député (SFIO) de la Dordogne où il se trouvait lors de cette opération.
2. Gouvernement général.
3. « Préfet régional de Rouen quand j’y étais détenu ; sans doute pour se dédouaner
et rester en grâce, il a refusé de recevoir lui-même une délégation d’épouses de prison-
niers ; dont ma femme faisait partie. » (Note du colonel Parisot)
135
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
S.-H. Parisot
138
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
Cher ami,
140
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
141
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
[signature manuscrite]
ROBERT
142
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
Cher Ami,
Votre lettre du 21 mai m’était bien parvenue mais, débordé d’occu-
pations, je n’ai pu encore y accuser réception.
Les événements ont été très vite. Je suis très confiant dans l’avenir.
Je vous écrirai plus longuement lorsque je serai moins pris. Je tenais,
néanmoins, à vous dire que j’ai bien reçu votre lettre et vous remercie
de toutes les indications fort intéressantes qu’elle contenait.
Croyez, cher Ami, à l’assurance de mes meilleurs sentiments.
J. Foccart
Capitaine ROBERT
Boîte postale 3.004
Dakar
Sénégal
[Lettre manuscrite]
Le 28-8-58
N° 1/58
Cher ami,
Quelques mots seulement pour vous parler en gros du meeting du
Parc des Sports du 26 et vous transmettre les dernières décisions du
Comité directeur de l’UGTAN.
143
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1. Union progressiste sénégalaise, créée en 1958. Elle devient en 1976 le Parti socia-
liste.
144
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
[signature manuscrite]
ROBERT
145
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
31 août 1958
Cher Ami,
Bien reçu votre lettre du 28. Merci.
En ce qui vous concerne, je fais le nécessaire auprès de la FOM.
Ne manquez pas de me donner de vos nouvelles.
Bien amicalement à vous.
J. Foccart
Capitaine ROBERT
Boîte postale 3.004
Dakar
Sénégal
[Lettre manuscrite]
Le 19-9-58
A
Cher ami,
C’est une lettre hors série. Peut-être rirez-vous. Mais les représen-
tants de LEBOUS1 ont tenu à ce qu’elle parvienne au Général en
personne. Ils veulent aussi qu’un de leurs représentants qui doit se
rendre à PARIS au début de la semaine soit reçu par le Général.
Je vous enverrai lundi une longue et documentée lettre qui vous fera
le point complet de la situation.
Dernier détail… SÉKOU reviendrait sur son NON si Houphouët
allait à CONAKRY « s’excuser » d’avoir pris position avant la réunion
146
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
Le 29 septembre 1958
N° 4/58
Cher ami,
Les jeux sont faits et même au-delà de toutes nos espérances
puisque les pronostics sont largement dépassés. Vous ne pouvez
savoir la joie que c’est pour moi. Mais ne nous laissons pas entraîner
par l’euphorie du moment car il reste beaucoup de bonne besogne à
faire et il faut que nous soyons très vigilants du côté de SÉKOU qui
ne se laissera sûrement pas faire et cherchera par tous les moyens à
nous nuire, du côté de DJIBO BAKARY qui n’encaissera pas facile-
ment sa défaite et nous inquiète à cause de ses flirts avec le GHANA
d’une part et peut-être la RAU2 d’autre part qui en sous main l’aurait
aidé pécuniairement : ceci reste à vérifier cependant. Enfin, du côté
des leaders Sénégalais de l’UPS qui ont fait voter OUI avec un petit
regret derrière la tête et qui ont voulu justement un succès éclatant
pour qu’on ne puisse pas les taxer de mauvaise foi. Il faudra aussi sur-
veiller de très près les activités de N’KRUMAH et de son équipe qui
sur le plan du Pan-Africanisme ne désarmeront pas malgré l’échec
de leur propagande pour un vote négatif des territoires français au
référendum.
147
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
[signature manuscrite]
ROBERT
148
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
29 septembre 1958
Cher Ami,
J’ai bien reçu votre lettre « A » du 19 septembre. Je vous remercie
des indications que vous me donnez et attends la lettre que vous
m’annoncez.
Croyez, cher Ami, à mes sentiments très amicaux.
Jacques FOCCART
Monsieur ROBERT
[Lettre manuscrite]
Niamey le 7-10-58
5/58
Cher ami,
Je comptais pouvoir vous faire une mise au point sérieuse de la situa-
tion au Soudan [Mali] et au Niger, il me manque quelques éléments ;
je le ferai donc jeudi avant de quitter Niamey. En gros, cependant,
voici ce que je pense de la situation.
SOUDAN : Pas de problème immédiat. L’UGTAN et le PRA sont
partagés, donc affaiblis. Diallo Abdoulaye, ex ministre du Travail
du Soudan, est parti en Guinée son pays d’origine pour y devenir
ministre dans le g[ouvernemen]t de Sékou. L’UGTAN se trouvera
donc affaiblie considérablement. Quant au PRA, un de ses leaders,
Fily DABO CISSOKO, désavoué, a perdu le peu d’audience qu’il avait.
À suivre : la section du PAI qui vient de se créer.
NIGER : Les résultats exceptionnels du référendum ont mis bien
entendu DJIBO BAKARY en minorité. Certes, si cet état des choses
avait été exploité immédiatement, il n’y aurait plus de DJIBO, mais
149
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
[signature manuscrite]
ROBERT
150
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
14 octobre 1958
Cher Ami,
Bien reçu votre lettre du 5. Merci.
Le ministre a pris personnellement en main la question de votre
affectation. J’espère que nous aurons un bon résultat.
Merci encore.
Bien amicalement.
[Lettre manuscrite]
Lomé le 12-10-58
N° 6/58
Cher ami,
Très bousculé je n’ai pu vous écrire jeudi comme je le voulais, je m’en
excuse. J’ai donc quitté NIAMEY vendredi matin pour LOMÉ.
DJIBO BAKARY et CONDAT ont dû quitter le NIGER hier au soir et
arriver à Paris ce matin. Les positions n’ont pas été modifiées et nous
aurons beaucoup de mal à mon avis avec DJIBO. Je vous adresse ci-
joint le communiqué du 6 octobre des ministres et conseillers terri-
toriaux du SAWABA1. C’est un modèle du genre et il ne faut pas s’y
laisser prendre. DJIBO est un homme dangereux qu’il faut descendre
de son piédestal si nous voulons redonner confiance aux éléments
sains de ce territoire du Niger. Laisser le Conseil et le gouvernement
actuel poursuivre sa mission équivaut pour ceux qui ont voté OUI à
un désaveu et à une blessure. Pour eux rien n’est changé et on les a
trompés. Pour que notre action soit durable et efficace dans le sens
de la Communauté il faut rapidement éliminer DJIBO et son équipe
gouvernementale. Mais il lui faut un remplaçant valable et à mon
151
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
152
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
[signature manuscrite]
ROBERT
15 octobre 1958
Cher Ami,
Comme je vous le disais dans ma lettre d’hier, le ministre1 s’est
occupé de votre situation.
Malheureusement, comme vous avez déjà eu une première prolon-
gation, il n’est pas possible de vous en accorder une nouvelle parce
qu’il n’en est accordé à personne, pour aucun motif.
Mais, le ministre a donné des instructions très larges pour que « de
larges délais vous soient laissés pour la mise au courant de votre suc-
cesseur ». Cela devrait reporter votre départ au premier trimestre
1959.
J’espère que tout se passera bien ainsi.
Bien amicalement.
153
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Le 18-11-58
N° 7/58
Cher ami,
Un mot en hâte pour vous fournir un tuyau intéressant.
Hier, 17-11, à Abidjan il y a eu une réunion orageuse des différentes
délégations RDA.
Celles du SOUDAN1 et de la Côte d’Ivoire se sont trouvées en complet
désaccord et la délégation du SOUDAN a quitté Abidjan en claquant
les portes. D’autre part HOUPHOUËT a refusé catégoriquement de
se rendre à la conférence de Brazzaville. De ce fait d’ARBOUSSIER
n’ira pas non plus. Conclusion : la conférence RDA de Brazzaville
tombe à l’eau.
Je vous écrirai plus longuement à la fin de la semaine.
Bien amicalement vôtre
[signature manuscrite]
ROBERT
1. Mali.
154
« Amicalement vôtre » : Jacques Foccart
21 novembre 1958
Cher Ami,
J’ai bien reçu votre lettre n° 7.
Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez.
Bien amicalement.
1. Maurice Robert a indiqué en 2004 l’identité de cet agent dans ses souvenirs :
« […] un autre de mes agents, un Béninois, conseiller de Tombalbaye, Antoine
Hazoume […] », in Renault André, Maurice Robert « Ministre de l’Afrique », Paris,
Seuil, 2004, p. 128.
157
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Les traces laissées par cet agent sont très rares. Elles se retrou-
vent, pour l’essentiel, dans les archives de Philippe Lettéron – et
sans doute dans celles de Jean Mauricheau-Beaupré. Le rapport
présenté est hautement symbolique car il correspond à sa pre-
mière mission internationale, ancrée dans la ligne anticommu-
niste qui domine son activité d’agent du SDECE en Afrique.
Pour la première fois, Maurice Robert révèle dans ses Mémoires
publiés en 2004 l’identité de son agent, décédé en 1966 à Fort-
Lamy.
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
162
« Un autre de mes agents » : Antoine Hazoume
Mais je dois souligner que Monsieur DACKO tient à avoir le texte inté-
gral de tous les documents généraux et surtout le document qui traite de
l’organisation politique et tactique de l’UJC.
163
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
TCHAD
Suivant mon programme, je débarquai à FORT-LAMY le 12 mai 1960
à 19 h 45. Accueilli par mes amis du Tchad, j’avais aussitôt cherché à tou-
cher le Président TOMBALBAYE ; mais hélas, retenu par des réunions du
Parti, et les délégations de la conférence du 16 qui commençaient déjà
à arriver, il m’avait été littéralement impossible de l’accrocher immédia-
tement.
Ce n’est donc que vers 1 heure du matin que nous avons pu heureu-
sement nous retrouver au domicile du Premier ministre TOMBALBAYE,
Monsieur LISETTE, vice-président, s’étant joint à nous.
164
« Un autre de mes agents » : Antoine Hazoume
Tous les documents ont été lus et épluchés un à un. Mais comme la
RCA, le Tchad nous a demandé également de lui adresser copie intégrale
des documents dits généraux.
Messieurs TOMBALBAYE et LISETTE m’ont chargé ensuite de trans-
mettre leurs vifs remerciements au Président YOULOU, qui par une orga-
nisation efficace, à laquelle ils rendent hommage, vient de porter un coup
sérieux aux organismes de subversion tels que la CGAT et l’UJC.
Monsieur LISETTE a trouvé très adroit et très intelligent l’envoi
d’un émissaire spécial auprès du Premier ministre de chaque État. Cela
prouverait aux uns et aux autres, a-t-il ajouté, que l’union ne put être
un vain mot.
AUDIENCE DE LA CGAT ET DE LA JT
CGAT et JT
La CGAT et la JT éprouvent de grosses difficultés pour le recrutement de
leurs membres. En effet, les jeux de syndicalisme et autres n’ont aucune
emprise ni sur le Sara, ni sur l’Arabe – Il y a une petite amorce à Fort-Lamy
et c’est tout – Les éléments sont d’ailleurs très suivis.
De toutes façons le séjour au Tchad est interdit à MATSIKA et
BOUKAMBOU. Je peux dire que la documentation remise permet-
tra au Gouvernement du Tchad d’orienter aisément ses services de
renseignement.
165
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
166
« Un autre de mes agents » : Antoine Hazoume
FOLIO CONFIDENTIEL
REMARQUES PARTICULIÈRES
167
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
lutte politique est donc toujours ouverte dans cette République – Les
critiques les plus vives partent de part et d’autre.
• Comme on le voit, il y a des divisions ou divergences profondes au sein
de tous les partis politiques des 4 Républiques – Le Communisme lui
est unitaire – il peut soumettre ses membres à une forte discipline.
Ses noyaux installés par-ci, par-là, en Afrique Équatoriale, prêchent
l’UNITÉ syndicale ou politique [ajout manuscrit].
• Je crois quant à moi, si nous voulons juguler le péril marxiste et plus
particulièrement le danger communiste, il est nécessaire que la lutte
soit engagée sur deux fronts : le travail de choc (perquisitions, arres-
tations), qui est le rôle des autorités gouvernementales, et la contre-
propagande communiste qui serait celui des partis politiques.
Actuellement, seules les méthodes policières fonctionnent – Les partis
politiques, en raison de leur situation, ne peuvent nous apporter aucune
contribution utile en ce moment, et il faut reconnaître qu’il ne nous est pas
possible de se passer de leur action.
Pour ma part, je souhaiterais que, après la conférence de Fort-Lamy,
l’on provoque une réunion générale inter-États des partis politiques pour
les mettre en face de leurs responsabilités. Au cours de cette manifesta-
tion on pourrait mettre l’accent sur la formation des cadres politiques.
Dans les quatre Républiques de l’ex-AEF, l’organisation et la propa-
gande des partis politiques sont anarchiques – Leur but qui est de donner
un idéal commun à la plus forte majorité possible de leur Nation a été
bafoué par des ambitions, et des querelles inutiles.
Il faut rétablir l’équilibre tout de suite – Ce sont ces petites fissures qui
ont permis à la CGAT et à l’UJC de se conduire comme des roitelets au
Congo.
A. Hazoume
[signature manuscrite]
170
Jean Poitevin et le SSEC
172
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’une réunion secrète aurait lieu
à ACCRA les 4 et 5 février 1960.
Assistaient à cette réunion :
– les délégués du CCP ghanéen2
– des représentants du NEPU (Parti du Nord Nigeria)3
– des leaders politiques du Cameroun sous mandat britannique
– des chefs des groupes terroristes opérant au Cameroun français4.
Ces différents délégués auraient pris la résolution d’apporter un appui
total au mouvement de rébellion camerounais.
Un représentant du CPP aurait déclaré que le Gouvernement du Ghana
était décidé à donner son appui financier aux rebelles du Cameroun pour
leur permettre d’intensifier leur propagande et leurs actions.
Par ailleurs, un groupe de Ghanéens et de Nigériens du Nord serait
envoyé, à la fin du mois de janvier, dans l’extrême Nord du Cameroun
britannique. Une base d’opérations y serait installée pour coordonner la
campagne politique contre l’actuel Gouvernement camerounais. Cette
174
Jean Poitevin et le SSEC
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Il m’est signalé de très bonne source que 1500 nouveaux membres des
« Builders Brigades » stationnent actuellement à TAMALE (Ghana) où
ils suivent, par petits groupes, des stages à la Direction régionale de la
Police et dans l’Armée. Certains d’entre eux seraient destinés à constituer
une force de gardes-frontières et seraient bientôt envoyés sur la frontière
de HAUTE-VOLTA. La création de 4 nouveaux camps serait envisagée :
un à LAWRA, un à TUMUJ, un à BONGO (NNE [Nord Nord Est] de
BOLGATANGA et au S [Sud] de ZECCO) et un à BAWKU. En outre, le
camp de NAVRONGO serait renforcé.
175
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Observations :
Le SSEC de HAUTE-VOLTA a constaté des infiltrations d’agents
ghanéens. Mais les crédits mis actuellement à la disposition du SSEC
(150 millions) ne permettent pas de mettre en place les postes de GAOUA
– LEO – PO – BITTOU, dont l’utilité se fait de plus en plus sentir.
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN (division Renseignement)
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
176
Jean Poitevin et le SSEC
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCARD1, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN / DIV. RENSEIGNEMENT
DGSN / Renseignements Généraux
/ Dir. Surveillance Territ.
1. Sic.
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
178
Jean Poitevin et le SSEC
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN / REN
SN / RG
DST
Camarades,
Au commencement de cette réunion je dois vous dire ma conviction sur
le problème algérien et vous demander de me répondre sur ce problème
comme si vous étiez algériens.
179
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Le dernier point est le plus important et doit être pris par la voie la plus
discrète et la plus délicate. Je sais que nous pouvons le faire et je sais aussi
que les Algériens seront bientôt libres.
L’Algérie a besoin d’argent et d’hommes pour supporter le fardeau sur
ses épaules. Les Algériens ont commencé la guerre et ils ne doivent pas
perdre. De plus le succès des Nationalistes sera le succès de l’Afrique sur
la France sur le sol africain.
Cette réunion historique que nous tenons est sans aucun doute impor-
tante pour l’Afrique, mais elle est aussi d’égale importance pour la posi-
tion future du GHANA et notre rêve des États-Unis d’Afrique.
Mettons-nous donc au travail pour résoudre au mieux ce problème.
LIBERTÉ
180
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
4. Projets de N’GO
N’GO aurait l’intention de créer un « Front de Libération nationale de la
Côte d’Ivoire » en regroupant les mouvements formés par Camille ADAM
(Comité de libération de la Côte d’Ivoire – BP 264 Conakry) et celui
des Sanwis réfugiés au Ghana (le roi des Sanwis est actuellement jugé à
Abidjan pour atteinte à la Sûreté extérieure de l’État).
Il devait d’ailleurs à son retour de Tunis séjourner à Accra où il espérait
s’entretenir avec les représentants des Sanwis.
N’GO Blaise avait l’intention d’amener avec lui un tirailleur originaire de
BOUNA (Côte d’Ivoire) qui a été fait prisonnier puis libéré par le FLN en
Algérie. Il pensait pouvoir en faire spectaculairement un « combattant »
181
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
5. Appuis extérieurs
N’GO aurait des promesses d’aide financière de la Chine, de la Russie
et du Maroc. Le représentant du Parti travailliste anglais aurait promis
de fournir rapidement des « moyens matériels de travail ». Le délégué
tchèque aurait promis des armes, si besoin était.
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN
SDECE
DST
SN / RG
SSEC Abidjan
182
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
183
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Ministère des Affaires étrangères – direction Afrique –
EMGDN
SDECE
DST
SN / RG
184
Jean Poitevin et le SSEC
Le Premier Ministre
à
Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères
Direction AFRIQUE
J. POITEVIN
Copies :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN
SDECE
DST
185
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Les chefs de district de la Région Nord du Ghana ont tenu dans la nuit
du 17 février 1960 une réunion secrète à NAVRONGO en présence de
l’Honorable L.R. ABANAVA, chef de Région Ghana-Nord.
Au cours de cette réunion, diverses mesures intéressant la sûreté inté-
rieure et extérieure de la Haute-Volta et de la Communauté ont été prises.
186
Jean Poitevin et le SSEC
8. A
rrestation ou saisie des biens de toute personnalité officielle fran-
çaise trouvée dans la Région Nord dans le cadre de mesures propres
à empêcher tout nouvel essai nucléaire français.
9. P
erception par la police préventive d’un droit spécial et d’une double
taxe sur toutes les marchandises appartenant à un sujet français
entrant ou quittant le Ghana.
10. Recrutement auprès de chaque chef coutumier de la région Nord de
250 hommes, pour être enrôlés dans l’armée et participer à ce qui
est désigné sous le terme : la guerre du saut du Lion (Lion’s Jump
War).
NOTA. Cette expression « Lion’s Jump War » paraît être le nom de code
de l’opération de recrutement des combattants pour le FLN décidée par la
2e Conférence des Peuples africains à TUNIS.
En première application de ces mesures, on signale que les membres
des Builders Brigades procèdent actuellement à la délimitation du camp
destiné à recevoir les renforts des gardes frontières. Ce camp est situé à
600 yards à l’Est de la route NAVRONGO-PO, entre le mile 6 et le mile
7 de NAVRONGO, c’est-à-dire à proximité immédiate du poste frontière
ghanéen de PAGA.
D’ores et déjà, des éléments du camp de NAVRONGO procèderaient
à des patrouilles de nuit sur la frontière. On doit souligner que le Builders
Brigade de NAVRONGO n’est composé que d’originaires de l’ex-Togoland
britannique et de la région d’ACCRA, à l’exclusion de tout originaire de
l’Ashanti ou des Northern Regions.
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
Ministère des Affaires étrangères (direction Afrique)
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
EMGDN (div. Renseignement)
SDECE
DGSN / DST
187
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
TRADUCTION
EN PRÉSENCE DE :
HON. L.R. ABAVANA, Chef de Région Ghana Nord
Article 1 / 60
ÉLECTION DU PRÉSIDENT
Article 2 / 60
188
Jean Poitevin et le SSEC
Article 3 / 60
ESPIONS
Article 4 / 60
Article 5 / 60
Article 6 / 60
MESURES PRÉVENTIVES
Il est décidé que, puisque la Région Nord est gouvernée par ses habi-
tants, ceux-ci ont tout pouvoir pour empêcher de nouvelles expériences
de la France par tous moyens possibles et efficaces. En conséquence, on
devra arrêter immédiatement toute personnalité officielle française trou-
vée au Ghana, surtout dans n’importe quelle partie du Nord, soit saisir ses
biens.
189
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Article 7 / 60
Article 8 / 60
Conclusion
La séance est close à 4h30, chaque membre ayant prêté serment ainsi
que les deux secrétaires, M. D.Y. DANIEL et M. Y. AMONDO et le repré-
sentant de la « Ghana News Agendy », M. B.L. DWOMOH.
190
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
191
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Secrétariat général de la Communauté
EMGDN / Rens
SDECE
192
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Secrétariat général de la Communauté
EMGDN / Rens
SDECE
DGSN / DST
193
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Secrétariat général de la Communauté
Ministère des Affaires étrangères (direction Afrique)
Direction CAMEROUN, 27 rue Oudinot
EMGDN / Rens
SDECE
194
Jean Poitevin et le SSEC
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Secrétariat général de la Communauté
EMGDN / REN
SSEC NIGER
195
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
196
Jean Poitevin et le SSEC
Opinion
Cette opinion du député ghanéen sur les mobiles inspirant l’action
du Gouvernement d’ACCRA permet de penser que la constitution des
« Brigades de volontaires » :
– répond à des préoccupations de politique intérieure,
– doit constituer un instrument de pression sur les États voisins du
Ghana (Togo plus particulièrement) en créant une force d’interven-
tion d’allure inter-africaine.
L’évocation du problème algérien, comme celui des explosions nucléaires
au Sahara, ne semble être qu’un prétexte et une « couverture ».
Le Préfet
Directeur de la Sécurité extérieure de la Communauté
J. POITEVIN
Destinataires :
M. FOCCART, conseiller technique, cabinet de la Présidence de la République
M. MELNIK, conseiller technique, cabinet du Premier ministre
Secrétariat général de la Communauté
EMGDN / Renseignements
SDECE
DGSN / DST
1. Romain Gary, Les Racines du ciel, Paris, Gallimard, 1956, Prix Goncourt 1956.
199
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
201
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
202
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
203
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1er octobre 1965, et, dès les premiers jours, il noue d’excellentes
relations avec le chef d’état-major de l’armée centrafricaine… le
colonel Bokassa. Au lendemain du putsch de la Saint-Sylvestre,
le colonel Mehay conserve l’estime et la confiance du nouvel
homme fort de Bangui : il est l’un des rares Français à pouvoir le
toucher quand il le souhaite, même en temps de crise avec l’am-
bassade. C’est là une des clés du succès de ses analyses.
Deux rapports aussi symboliques qu’éloquents sont propo-
sés pour évoquer le putsch de Jean-Bédel Bokassa, conservés au
département Terre du Service historique de la Défense (SHD).
Le premier document est la note de renseignement du 5 janvier
1966 faisant le bilan à chaud du coup de force (10 T 641) ; le
second est le rapport annuel pour 1966, dans lequel le colonel
Mehay fait une analyse prospective de la situation politique en
Centrafrique (10 T 640). À l’image des dernières lignes de son
rapport annuel, ses analyses semblent s’avérer prophétiques tant
elles sont empreintes de pragmatisme et précision.
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
[SECRET/CONFIDENTIEL]
NOTE DE RENSEIGNEMENTS
205
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
206
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
207
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
208
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
Ce Conseil a adopté :
– l’acte institutionnel n° 1, qui abroge l’ancienne constitution et habilite
le Président de la République à prendre par ordonnance toutes les
mesures exigées par les circonstances actuelles ;
– un projet de décret fixant la composition du nouveau gouvernement ;
– un projet d’ordonnance portant dissolution de l’Assemblée nationale,
à compter du 1er janvier 1966 ;
– une note et une ordonnance relatives à la création d’une commission
spéciale de vérification des comptes du gouvernement démission-
naire ;
– un projet de décret portant suppression du régime de la journée conti-
nue dans les services administratifs ;
– une note relative à la conférence des chefs d’État de l’OCAM à
Tananarive ;
– une ordonnance reportant la date du quatrième Congrès international
du MESAN qui devait se tenir en mars prochain ;
– un projet de décret portant suppression de la direction de la Sécurité
intérieure de l’État, rétablissement des indemnités forfaitaires pour
frais de mission à l’étranger – et que la loi des Finances 1966 avait
abolies – suppression de l’abattement de 10 % prévu sur les soldes
des fonctionnaires, création d’un orchestre national de la République
centrafricaine.
Dans l’ensemble, le coup d’État semble avoir été bien accueilli à Bangui,
surtout chez le petit peuple ; aucune manifestation n’est signalée en
brousse où la masse reste indifférente et les fonctionnaires circonspects.
De nombreux messages de félicitations et de ralliement sont adressés au
colonel BOKASSA.
209
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Destinataire
EMA/Ren
Copie à
EMAT/2
EMAA/2
DN/CER
DN/CERST
COMSUP LAMY
210
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
[secret]
Exemplaire n° 5/12
(a) Titre 1
AMBIANCE GÉNÉRALE
Situation politique
Personnage discuté et, jusqu’au 31 décembre 1965, à peine toléré dans
ses fonctions de chef d’état-major de la Défense nationale, le colonel
Jean-Bédel BOKASSA, onze mois après le coup d’État – qu’il l’ait ou non
improvisé – est aujourd’hui le maître incontesté de la RCA et il a bien
l’intention de le rester.
Il a mis à profit le temps écoulé pour asseoir son régime tant sur le plan
intérieur que sur le plan international. L’étape du « provisoire », dans ces
deux domaines, est maintenant franchie. Les fêtes du 1er décembre consa-
creront pour le peuple centrafricain la représentativité du gouvernement
actuel auquel un probable remaniement ministériel en janvier prochain
pourrait conférer un aspect de légitimité, sans qu’on ait eu recours aux
procédés trop dangereux d’une consultation démocratique. La venue
aussi de chefs d’État et de délégations étrangères – dont notamment les
211
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
212
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
213
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
214
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
Action israélienne
Dans la ligne de sa politique visant à assurer partout en Afrique fran-
cophone des appuis contre l’offensive musulmane, Israël s’est relative-
ment taillé, en RCA, une place de choix. La représentation de Tel-Aviv,
dynamique, envahissante, qui a érigé la flagornerie en système et dont
les agents dans ce pays sympathisent tous ouvertement avec les États-
Unis, a fait le siège des chefs successifs de la Centrafrique. La tactique a
consisté à inciter, en toute occasion, les dirigeants de la RCA à s’émanci-
per, autant que possible, de la « tutelle » de l’ancien colonisateur, à entre-
tenir la méfiance à notre égard, à leur conseiller de marcher dans le sens de
l’Afrique nationaliste. Cette attitude s’est révélée payante, valant à Israël
la sympathie de l’intelligentsia, séduite également par les positions prises
de façon spectaculaire sur le plan international par la diplomatie israé-
lienne, en faveur de l’émancipation des territoires du continent demeurés
sous dépendance étrangère (faits portés à la connaissance de l’opinion
publique, en langue vernaculaire). Israël s’était ainsi acquis, à peu de
frais, des positions solides, au point de nous gêner en certains domaines,
notamment dans celui des services de sécurité, voire dans celui de la for-
mation d’une armée pionnière.
Le Président DACKO qui, il est bon de le rappeler, a effectué une visite
officielle en Israël, en juin 1963, avant même de se rendre à Paris – cepen-
dant que le Président BEN ZVI venait en République centrafricaine deux
mois plus tard – a favorisé l’implantation économique israélienne dans
son pays : en avril 1962, a été créée la société de diamants SOPICAD,
qui a monopolisé pratiquement cette industrie en matière d’importation
jusqu’en décembre 1963 (époque où la compagnie est devenue, à la suite
d’une décision du gouvernement centrafricain, simple bureau d’achat).
En contrepartie, Tel-Aviv a été appelé à faire l’apprentissage civique
de la jeunesse : création de villages coopératifs, fermes pilotes, enseigne-
ment agricole dans le style des Kibboutzims et, surtout, fondation de la
Jeunesse Pionnière nationale (JPN) par des officiers israéliens. Cette der-
nière organisation tendait à prendre, peu à peu, l’aspect d’une milice civile
de soldats-pionniers sur lesquels l’ancien Président pensait pouvoir s’ap-
puyer pour neutraliser l’armée nationale. Conscient de l’essoufflement de
215
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
216
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
[…]
217
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Le colonel MEHAY
Conseiller militaire
[Signature manuscrite du colonel Mehay]
218
Bokassa dans l’œil du 2e bureau
1. Dominique Fonvielle (et Jérôme Marchand), Mémoires d’un agent secret, Paris,
Flammarion, 2002.
221
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
J’avais très tôt exprimé mon souhait de rejoindre N1, cela s’est
passé sans difficulté.
Dès mon arrivée au secteur « Afrique », je suis mis entre les
mains du lieutenant-colonel Q., patron du bureau d’exploita-
tion. Q. n’a jamais été en poste mais il a une connaissance très
approfondie de l’Afrique. Il m’explique les problématiques afri-
caines avec une pertinence largement supérieure à tout ce que
j’ai pu connaître ensuite, auprès de journalistes ou d’experts.
Je suis placé directement sous les ordres d’une femme remar-
quable, madame M., qui avait été traductrice et interprète à
l’OTAN. Elle avait un sens de la rédaction tout à fait extraor-
dinaire et connaissait parfaitement bien tous les pays anglo-
phones. C’est donc elle qui traitait le Nigeria, le Ghana, le
Liberia. J’ai eu pour ma part à traiter du Sierra Leone, comme
de la Gambie, parce qu’il y avait des liens particuliers avec
la Guinée et avec le Sénégal. Je pense qu’elle avait acquis sa
connaissance du monde africain et notamment anglophone
au secteur N. Elle réfléchissait vite et travaillait bien.
Dès mon arrivée, je me vois confier le Sénégal et les pays
avoisinants (Mauritanie, Gambie, Guinée, îles du Cap-Vert
et Guinée-Bissau). Je démarre donc au SDECE avec un
ensemble de pays important, assez cohérent sur un plan géo-
politique, pas trop agité par rapport à d’autres zones, et j’ap-
prends mon rôle de rédacteur, avec des échéances et un profil
de carrière plutôt motivants. J’y reviendrai.
Pendant la guerre Tchad-Libye2, je « fais un saut » au Tchad :
nous sommes deux analystes sur le Tchad avec la diffusion
1. Sur cette composante du SDECE spécialisée sur l’Afrique, nous nous permettons
de renvoyer à notre thèse ; Jean-Pierre Bat, La décolonisation de l’AEF selon Foccart.
Entre stratégies politiques et tactiques sécuritaires (1956-1969), thèse de doctorat d’his-
toire contemporaine sous la direction du professeur Pierre Boilley, université Paris I
Panthéon-Sorbonne, 2011, 925 p.
2. Dans le cadre des guerres civiles tchadiennes, et la prise du pouvoir par des élé-
ments rebelles du Frolinat, à compter de 1979, la Libye investit directement ce théâtre
d’opérations pour une décennie.
223
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
224
Entretien avec Dominique Fonvielle
226
Entretien avec Dominique Fonvielle
227
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1. Jean-David Levitte (né en 1946) est un diplomate français, qui a été, entre autres
fonctions en administration centrale, sous-directeur de l’Afrique de l’Ouest au Quai
d’Orsay. Il est conseiller diplomatique et sherpa du président Chirac de 1995 à 2000,
ambassadeur de France à l’ONU (2000-2002) puis aux États-Unis (2002-2007) avant
de devenir conseiller diplomatique et sherpa du président Sarkozy en 2007.
229
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
JPB : Le service arrivait-il à y voir plus clair dans ces eaux qui
se troublent, à décrypter les tenants et aboutissants de ces
mutations en cours dans la décennie 1980 ?
DF : Il sentait bien que l’arrivée d’Abdou Diouf au pouvoir
n’était pas réellement ce qu’attendaient les Sénégalais et vrai-
semblablement ce que Senghor avait prévu. J’avais eu l’im-
pression que Senghor – et j’ai rédigé une note du service en ce
sens – est parti parce qu’on lui a dit : « Monsieur le Président,
vous êtes à l’Académie française, vous êtes en pleine gloire,
vous êtes un des phares de la décolonisation, prenez donc
votre retraite, passez la main. » On l’a poussé dehors, comme
on avait poussé Ahidjo dehors, en lui faisant croire qu’il était
230
Entretien avec Dominique Fonvielle
232
Entretien avec Dominique Fonvielle
1. Les PLR ont été longuement évoqués par leur créateur, le colonel Maurice Robert
(« Ministre » de l’Afrique. Entretiens avec André Renault, Paris, le Seuil, 2004, p. 115-
118). Cf. dans notre thèse, les pages consacrées à cet élément majeur du système de
renseignement français en Afrique (J.-P. Bat, op. cit., pp. 385-387, 612-613, 753-759
et 828-834).
234
Entretien avec Dominique Fonvielle
235
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1. Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1985, le colonel Diarra Traoré tente un coup d’État
(qui échoue) contre le général Lansana Conté, parvenu au pouvoir l’année précédente
suite à un coup d’État.
240
Entretien avec Dominique Fonvielle
sais pas plus mais reste attentif à tout ce qui se passe en lien
avec ce dossier.
Quelque temps après, l’ambassadeur m’appelle et me montre
l’article du Monde : « Voilà, qu’est-ce qu’on fait ? Vous m’avez
dit que ce n’était pas la DGSE et c’est le Premier ministre en
personne qui vous désigne. Comment puis-je avoir confiance
en quelqu’un qui me raconte pareille énormité ? »
Alors – il doit y avoir un Saint-Esprit pour les chefs de poste
(rires) – je dis : « Il faut que je retrouve votre confiance, je
peux donc vous proposer un deal. » Première surprise dans
son regard. « Voilà, il y a des choses sur lesquelles je travaille
qui vous intéressent. Par exemple, les problèmes liés à l’op-
position, l’opposition politique et les problèmes religieux qui
font partie de votre connaissance de l’ambiance générale du
pays mais sur lesquels vous n’avez pas d’autre éclairage qu’of-
ficiel. » Il acquiesce. « Quand j’ai quelque chose qui vous
intéresse, et si vous voulez, Excellence – je l’appelais ainsi, ce
qui l’agaçait tout en l’amusant parce qu’il convenait de dire
monsieur l’ambassadeur depuis l’arrivée du PS au pouvoir et
la création des Relations extérieures –, vous me dites ce qui
peut vous intéresser, je vous le donne et je ne le transmets
pas tout de suite à mon service. Vous avez la priorité pendant
deux ou trois jours. Et si ça vous intéresse vraiment et que
vous voulez garder l’exclusivité, vous me le dites et je retiens
l’information. Par votre canal ou par le mien, l’essentiel est
qu’elle arrive. » Il me précise alors ce qui l’intéresse, c’est-
à-dire les partis d’opposition, et avance les noms de Wade,
Babacar Niang, Serigne Diop, ou encore Ahmed Khalifa
Niasse.
Par conséquent, pendant mon séjour, j’ai eu ce type d’échanges
avec les ambassadeurs de France au Sénégal, au Mali, aux îles
du Cap-Vert, et en Sierra Leone. À chaque fois, nous avions
des conversations qui n’étaient pas de pur protocole, mais
réellement des conversations professionnelles entre la diplo-
matie et le renseignement, et qui s’avéraient de véritables
241
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
253
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
256
Entretien avec Dominique Fonvielle
aussitôt écrié : « Ah, zut ! Mais bon, de toute façon, ça n’a pas
gâché la pellicule en retirant le viseur… » J’ai bricolé devant
lui, il n’a pas insisté. J’avais quand même la pellicule dans la
poche.
Je n’ai pas pu aller en Guinée-Bissau parce que les choses
ne se sont pas passées normalement, mais j’avais des sources
guinéennes. De plus, c’est le PLR qui y allait et du fait de
la situation, je n’ai vraiment pas pu organiser mon emploi
du temps pour m’y rendre. J’étais pourtant prêt. J’avais un
honorable correspondant qui était le résident d’une célèbre
agence d’information. Il m’avait préparé le voyage dans les
moindres détails pratiques et m’avait indiqué les endroits où
(ne pas) aller. Finalement, je n’ai pas pu y aller à cause de la
situation sénégalaise.
274
Entretien avec XXX
JPB : En Afrique ?
XXX : Non, ce n’était pas en Afrique, c’était dans une autre région
du monde tout à fait différente. C’était en Asie. Cela voulait
donc dire que l’on avait confiance en moi puisque l’on m’avait
proposé un autre poste. Le futur chef de poste en question,
avec lequel je travaillais tous les jours et que, naturellement, je
connaissais bien, m’avait dit : « J’ai besoin de vous. Acceptez,
vous verrez. Je sais qu’on se dispute souvent mais je mettrai de
l’eau dans mon vin, vous en mettrez aussi et vous verrez, on
s’entendra très bien. » Il appréciait mes qualités et avait besoin
d’un type comme moi pour ce genre de poste, m’a-t-il dit.
J’ai maintenu ma position en lui disant : « Écoutez, on sera à
10 000 km ou je ne sais pas combien de Paris, tous les deux,
et s’il y a le moindre accrochage, ça ne va pas aller. » En dépit
de l’envie que j’avais de partir rapidement, j’ai donc refusé.
Quelque temps après, on m’a dit : « Est-ce que Lusaka vous
intéresse ? » et j’ai accepté. Ça s’est passé comme cela.
Pourquoi le service avait un poste à Lusaka ? Je pense que
c’était effectivement pour avoir un poste en Afrique australe,
278
Entretien avec XXX
279
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
JPB : Alors lorsque vous abordez votre poste, quel est le pay-
sage de la Zambie et la place qu’elle occupe dans cette
« ligne de front » ?
XXX : C’est intéressant parce qu’effectivement Kenneth Kaunda
était l’homme au mouchoir blanc. Il agitait toujours un petit
mouchoir blanc pour dire bonjour aux foules. Il était un adepte
du socialisme scientifique. C’était le socialisme africain qui était
également pratiqué dans d’autres pays d’Afrique. Lorsque j’ar-
rivai à Lusaka, en juin 1980, le fait dominant de la région était
que la Rhodésie du Sud venait d’obtenir son indépendance et
avait changé de nom pour s’appeler Zimbabwe, depuis avril
1980. Ce qui changeait donc la donne dans la région. À partir
de son indépendance et de l’arrivée au pouvoir de Mugabe, le
Zimbabwe faisait partie de la « ligne de front ». Nous n’avions
donc pas de poste au Zimbabwe qui est devenu un pays d’une
grande importance du fait de Mugabe et des luttes qu’il y avait
avec Nkomo qui était dans l’opposition. Nkomo était très for-
tement soutenu par Kenneth Kaunda, en Zambie.
JPB : Ils avaient, d’ailleurs, tous les deux été des nationalistes
réprimés par le système colonial.
XXX : Absolument. Tous les deux. C’est le fait dominant. Peu de
temps après mon arrivée et avoir pris mes marques à Lusaka,
j’ai dû aller très rapidement à Harare qui était le nouveau nom
de Salisbury pour prendre contact. Je me souviens que j’avais
rencontré Gabriel de Bellescize, le premier ambassadeur de
France au Zimbabwe. Il m’avait reçu à sa résidence et j’avais
été frappé par sa sympathie un peu excessive pour le régime
de Mugabe. Je lui avais émis quelques réserves sur les qualités
d’homme politique de Mugabe et je lui avais parlé de Nkomo.
Nous avions un léger désaccord, mais tout à fait courtois, sur
l’appréciation de la situation. En un sens, il a eu raison sur le
fait que Mugabe reste au pouvoir. Personnellement, je voyais
très fortement la situation déstabilisée et elle l’a été parce
que Nkomo a été pendant longtemps une forte menace pour
280
Entretien avec XXX
281
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
284
Entretien avec XXX
287
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
288
Entretien avec XXX
290
Entretien avec XXX
291
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
293
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1. Alexandre de Marenches, Dans le secret des princes, Paris, Stock, 1986. Michel
Roussin, Afrique majeure, Paris, France-Empire, 1997. Pierre Lethier, Argent secret :
l’espion de l’affaire Elf parle, Paris, Albin Michel, 2001.
294
Entretien avec XXX
295
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
JPB : C’est d’autant plus visible que cette faille-là, cet arc de
tension qui va naître le long de la frontière congolaise du
Shaba jusqu’à l’Itouri et l’Ouganda, reste tout de même
une ligne que seuls les Américains ont finalement réelle-
ment infiltrée ?
XXX : Je ne sais pas si les Américains l’ont pleinement infiltrée.
296
Entretien avec XXX
299
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
300
Mission d’information du commissaire principal René Galy
1. Bob Maloubier, Plonge dans l’or noir, espion !, Paris, Robert Laffont, 1986.
301
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Monsieur le PRÉFET,
Tout d’abord, il me faut m’excuser d’utiliser la machine à écrire pour
vous adresser ce qui est plus une lettre qu’un rapport mais mon écri-
ture devient pratiquement illisible dès la dixième ligne.
Après un voyage sans trop d’histoires (quelques petites difficultés
au sujet des trois personnes qui m’accompagnaient, difficultés dont
je vous entretiendrai verbalement), je me suis fait conduire, dès
ma descente d’avion au près de M. M’BA et lui ai « remis » les trois
personnes citées plus haut1. Je dois vous dire que le Président a été
très étonné. J’ai appris depuis la raison de cet étonnement : il n’avait
pas été prévenu par Paris de notre arrivée… [il fallait attendre les
contacts des ambassadeurs – note manuscrite marginale d’Alain
Plantey, conseiller technique de Jacques Foccart]
304
Mission d’information du commissaire principal René Galy
305
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
GALY.
306
Mission d’information du commissaire principal René Galy
307
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Monsieur le PRÉFET,
Voici le second topo et, je l’espère, l’avant-dernier que je vous
adresse. En effet, je pourrai, dès le début de la semaine prochaine,
vous soumettre les grandes lignes du rapport d’ensemble que je
compte remettre vers le 15 avril au Président M’BA sur la réorganisa-
tion de la police gabonaise, ce qui donnerait la possibilité de prendre
l’avion le 18. Je voudrais seulement, aujourd’hui, vous parler de mon
action dans le cadre de la mission ex-SCTIP.
Dans ma lettre du 30 mars, je vous disais que ma proposition de
centralisation du renseignement avait été agréée par le Président et
qu’une réunion devait être organisée au cours de laquelle les autori-
tés intéressées devaient être mises au courant de cet aspect de ma
mission. Pour des raisons puisées dans le « grenouillage local », cette
réunion n’a pas eu lieu. Je vous donnerai verbalement les détails de
cette lutte d’influences (qui m’a rappelé le bon vieux temps d’Al-
gérie !). J’en suis quand même sorti avec les honneurs de la guerre
d’une part en obtenant du Président et par écrit les pleins pouvoirs
souhaités, d’autre part en provoquant moi-même cette réunion.
Malheureusement ces beaux résultats n’ont été obtenus que le
3 avril, 8 jours après mon arrivée ici et 8 jours avant la date fatidique
du 12 avril (ci-joint une copie de la lettre adressée au Président). Ceci
étant, je ne me fais aucune illusion sur l’efficacité de mon action trop
limitée dans le temps mais j’ose espérer que l’impulsion et certaines
bonnes habitudes administratives seront prises pour l’avenir.
Pratiquement, mon action va se ramener à diriger dans ce laps de
temps le Centre de Documentation qui a été ébauché il y a un an
et demi et qui ne fonctionnait pas encore. Les locaux et le matériel
sont prêts. Il reste à jeter les bases de la structure et du fonctionne-
ment de cet organisme et je me suis engagé à fournir un rapport aux
Autorités tant gabonaises que françaises. Les graves événements
que vient de vivre le Gabon feront activer les décisions qui s’impo-
sent pour mettre définitivement en train cet organisme essentiel. Ce
sujet constituera d’ailleurs le fond du rapport que j’aurais à dresser
sur les résultats de ma mission extra-SCTIP.
308
Mission d’information du commissaire principal René Galy
J’ai mis à profit ces 8 jours d’inaction artificielle forcée pour, d’une part,
étudier la situation à Libreville mais aussi d’autre part, pour préparer le
travail dont vous m’avez chargé dans le cadre du SCTIP. Je me rendrai
à Port-Gentil mardi prochain et je réunirai le lendemain une « table
ronde de la police ». Je serai à même, aussitôt après, de vous adres-
ser le projet de rapport d’ensemble final. Je pourrai alors recevoir vos
critiques éventuelles au début de la semaine suivante puis rédiger et
remettre ce rapport au Président, avant le 18 avril. Je ne préfère pas
« m’éterniser » ici. En effet, dès mon arrivée, on m’a collé une étiquette
dans le dos et j’ai beaucoup de mal à la faire disparaître : celle de « chef
des gorilles ». J’ai eu d’ailleurs les honneurs d’une surveillance spéciale
et d’aimables inconnus m’accompagnaient, de loin, dans mes dépla-
cements après le coucher du soleil… L’atmosphère est malgré tout
moins lourde que la semaine dernière et l’opposition semble perdre
de sa virulence. Le Président est parti hier pour une tournée de pro-
pagande dans la brousse. D’importantes mesures de sécurité ont été
prises et il est probable qu’il n’y aura pas d’incident grave à Libreville.
En ce qui concerne les pronostics électoraux, il semble que l’opposition
puisse espérer entre 15 et 17 sièges sur les 47 à pourvoir. Ce que je puis
affirmer c’est que cette opposition a deux aspects. Celui de la rivalité
purement tribale dans la lutte pour « l’assiette au beurre » (ceci n’est
pas très grave, subsistera de tout temps et peut être atténué par une
répartition judicieuse des prébendes). Le second aspect est le résultat
de manœuvres classiques où il faut reconnaître la main du commu-
nisme. J’ai trop bien connu cela en Algérie où le FLN n’avait fait que
reprendre à son compte la structure et les méthodes du Viet-Minh.
Après les élections, il faudra procéder à un travail en profondeur au
sein de la jeunesse gabonaise si l’on veut préserver pendant quelques
années encore la situation politique actuelle. Les Américains jouent
aussi leur carte. Mais ils la jouent presqu’ouvertement [sic] et toujours
sans penser aux conséquences directes : ils sont stupéfaits quand on
leur démontre qu’en soutenant les opposants du Président, il leur
arrive de soutenir un communiste…
Dès mon retour à Paris, je pourrai vous donner verbalement les
détails importants.
Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à mes sentiments respec-
tueux et dévoués.
309
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Monsieur le Président,
Comme suite à ma lettre du 4 avril dernier, j’ai l’honneur de vous
rendre compte de ce que la mission de liaison et de coordination dont
vous m’aviez chargé a été remplie dans les meilleures conditions eu
égard à la période d’exception que vient de vivre le Gabon.
Le Centre de Documentation a fonctionné comme prévu et j’ai
même jeté les bases, au cours d’un rapide voyage à Port-Gentil, d’un
système de liaisons quotidiennes devant permettre à l’organisme
central d’obtenir des informations en provenance de cette région
dans les meilleurs délais.
Il reste bien entendu que le Centre de Documentation doit être main-
tenant structuré et organisé. Il possède déjà les locaux et une bonne
partie du matériel nécessaire. La première impulsion a été donnée. Il
faut trouver les hommes qui l’animeront…
Sans entrer aujourd’hui dans le détail, je puis vous présenter les sug-
gestions suivantes et le fonctionnement de cet organisme essentiel.
LA STRUCTURE
310
Mission d’information du commissaire principal René Galy
LE FONCTIONNEMENT
311
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
312
Mission d’information du commissaire principal René Galy
313
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
1. Les noms des officiers de police ont été rendus anonymes par nos soins.
2. Le nom de l’officier de police a été rendu anonyme par nos soins.
314
Mission d’information du commissaire principal René Galy
315
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Monsieur le Préfet,
[…]
Je joins à la présente le rapport que j’ai fourni au Ministère de l ’Intérieur.
Je n’ai pas pu vous le soumettre avant car la date limite de dépôt a
été fixée au 31 mai. Comme vous pourrez le voir je n’ai évoqué que
la structure générale et les principes de base. Ceci pour deux raisons.
11. Dans le cas où vous voudriez apporter des modifications il me
sera possible de le faire encore.
12. Je me donne un peu de recul puisque les renforts promis ne sont
pas arrivés.
Je dois vous dire que ce rapport a reçu un excellent accueil, notam-
ment en ce qui concerne la mission confiée aux assistants techniques
de former des spécialistes au cours de cette expérience. Je joins éga-
lement au présent la copie du « chapeau » adressé au Président.
Sur le plan général rien de particulier à signaler. Un léger incident
ayant mis aux prises des membres de l’Enseignement et le Ministre de
l’Éducation nationale, on a failli avoir une grève pour les corrections
des épreuves du BEPC, ce qui aurait encore perturbé l’atmosphère.
Un compromis est intervenu. Je vous adresse une note détaillée sur
cette petite affaire.
Avez-vous des nouvelles de L.1 ? Faut-il que j’en fasse mon deuil ? Par
la somme de travail que j’ai devant moi, et les multiples tâches qui me
sont confiées, vous pourrez juger qu’un adjoint n’était pas un luxe. Je
reste étonné d’avoir rencontré les seules vraies difficultés à Paris alors
qu’à Libreville les choses se sont arrangées. Certes, il faut encore régler
certains petits problèmes matériels mais, chacun y mettant du sien, on
arrive tout de même à fonctionner. Il serait catastrophique que l’expé-
rience tentée ici et suivie avec un intérêt grandissant parmi les milieux
gabonais échoue ou n’atteigne pas son but qu’en partie à cause de ce
qu’on considérerait au Gabon comme un désintéressement aussi subit
1. Le nom de l’officier de police a été rendu anonyme par nos soins : il s’agit du
policier de la PJ de Marseille réclamé par René Galy.
316
Mission d’information du commissaire principal René Galy
Le 3 juin 1964
Au moment de faire partir cette lettre, j’ai pensé qu’il valait mieux
attendre pour vous donner d’autres détails sur cette menace d’attentat.
Il y a effectivement quelque chose dans l’air comme on peut bien s’en
douter mais il est certain que C. a gonflé la chose (il voudrait que le P.
paye le retour de sa femme au Gabon). De toute manière, en tant que
directeur du CD j’ai réuni tous les responsables et ai proposé un renfor-
cement du contrôle des entrées et de la surveillance de la Présidence. Il
y avait là un laisser-aller… gabonais. Le P. m’a immédiatement chargé
de lui faire des propositions concrètes. J’ai passé ma journée à ça.
J’ai vu M. TEHTEN à son arrivée. Il m’a fait part de votre message. Je
suis heureux que ces démarches aboutissent pour les raisons expri-
mées plus haut. Mais je reste navré de ne pas obtenir L1. Je ne sais
pas comment je vais régler le problème quand il s’agira pour moi de
me rendre à l’intérieur. Je peux vous assurer que si j’obtiens quelque
chose ici c’est à force de « taper sur le clou » et d’être continuelle-
ment derrière ceux dont je veux obtenir le maximum. D’autre part,
j’ai pu réaliser qu’ici plus qu’ailleurs tout reposait sur les contacts per-
sonnels. Je passe mes journées à aller voir ces messieurs. Je joins au
présent la copie de la lettre m’attribuant les fonctions de conseiller
technique auprès du ministre de l’Intérieur.
1. Le nom de l’officier de police a été rendu anonyme par nos soins : il s’agit du
policier de la PJ de Marseille réclamé par René Galy.
317
L’Afrique : la formation du « pré carré » après les indépendances
Je reste très optimiste quant à la réussite des projets en cours dès que
les gens attendus seront là, je suis sûr que nous obtiendrons rapide-
ment des résultats spectaculaires.
J’ai adressé avant-hier une note à R. pour la remise de la voiture. Je
n’en ai pas de nouvelles.
Sentiments respectueux et dévoués.
Jacques FOCCART
321
La guerre froide secrète
322
Entretien avec Jacques Laurent
323
La guerre froide secrète
324
Entretien avec Jacques Laurent
325
La guerre froide secrète
1. La suite du propos est synthétisée dans le graphique 1. Tous les acronymes sont
explicités dans le corps du texte.
2. Le poste de Moscou était appelé « Mission militaire » tant par les autorités sovié-
tiques que par les états-majors français, tradition remontant à 1942, date de l’envoi en
URSS de l’escadrille Normandie, futur régiment Normandie-Niemen (note du général
Laurent).
326
Entretien avec Jacques Laurent
328
Entretien avec Jacques Laurent
329
La guerre froide secrète
FV : Quoi d’autre ?
JL : C’est déjà énorme ! Compte tenu de la superficie du pays…
FV : Voyagiez-vous beaucoup ?
JL : Énormément. Il s’agit d’une condition primordiale pour la
recherche du renseignement. Nous devions prévoir un itiné-
raire, le plus astucieux possible, de manière à nous offrir le
maximum d’opportunités de collecte du renseignement. Mais
il faut distinguer Moscou et ses environs du reste de l’Union
soviétique. Concernant cette dernière zone, le temps néces-
saire pour la préparation du voyage, la durée du voyage en
lui-même, l’exploitation du renseignement recueilli au retour,
limitaient considérablement nos trajets. Lors de mon premier
séjour, si j’additionne tous les déplacements effectués en train
ou en avion, j’ai passé près de dix mois hors de Moscou.
Concernant les environs de Moscou et la partie occidentale
de l’URSS, nous empruntions principalement la voiture et
le train. Il faut savoir que, excepté dans la partie occidentale
de la Russie, il n’existait pratiquement pas de routes et, sur-
tout, peu de routes praticables en dehors des alentours des
grandes villes. D’une ville à l’autre, le réseau routier s’avérait
très modeste. Ainsi, les implantations militaires, la totalité des
330
Entretien avec Jacques Laurent
335
La guerre froide secrète
336
Entretien avec Jacques Laurent
337
La guerre froide secrète
338
Entretien avec Jacques Laurent
341
La guerre froide secrète
343
La guerre froide secrète
345
La guerre froide secrète
1. – Introduction
Le 27 avril 1967, la Cour de Sûreté de l’État a condamné aux peines
suivantes :
– Peter KRANICK : 20 ans de détention criminelle,
– Renée KRANICK, née LEVIN : 14 ans de détention criminelle,
– Hans BAMMLER : 18 ans de détention criminelle,
– Marianne BAMMLER, née MUHLE : 12 ans de détention criminelle.
Ces quatre ressortissants allemands, agents des services de
Renseignement de l’Allemagne de l’Est, avaient été arrêtés par la D.S.T.
le 25 mai 1966.
Cette affaire a permis non seulement d’établir le bilan des activités de
ces agents secrets de la R.D.A. mais aussi d’en tirer des enseignements sur
les objectifs poursuivis et les méthodes employées.
Nous analyserons ci-après l’activité du couple Kranick, agents de rensei-
gnements chargés de pénétrer dans l’objectif, qui fut d’abord le gouverne-
ment militaire français à Berlin et ensuite l’O.T.A.N.
Puis nous verrons la formation, l’implantation et les activités du couple
Bammler.
Deux mises au point de nos connaissances sur la micro-photographie et
sur les émissions brèves situeront enfin ce cas particulier dans l’ensemble
de l’activité des services d’espionnage de l’Est.
347
La guerre froide secrète
3. – Conversion
Que se passa-t-il dans sa tête lorsque deux ou trois mois plus tard il est
victime d’un accident de la circulation ? Une voiture école de la police
le renverse alors qu’il se rend chez sa mère en vélomoteur à Berlin-Est.
Un fonctionnaire du M.F.S1 (service d’espionnage de l’Allemagne de l’Est)
prévenu, le contacte, puis le revoit. Combien a-t-il fallu de rencontres pour
que Peter Kranick accepte de travailler pour les services de l’Allemagne
communiste ? Apparemment peu.
Quelques mois plus tard, en 1956, il adhérera au S.E.D2 (Parti socialiste
unifié). Ensuite, il signera un contrat avec la centrale M.F.S. et sera soumis
à une formation S.R. pour l’emploi des codes, la préparation des micro-
points et l’utilisation des carbones blancs.
4. – Activités d’espionnage
Au quartier Napoléon, les archives étaient situées à proximité de la
section politique, qui intéressait davantage les services de la D.D.R.3 que
les renseignements que pouvait fournir Kranick sur les mouvements de
troupes ou les noms et affectations des officiers français. C’est dans cette
direction en effet que fut axée la manipulation de cet agent, aussi long-
temps que le permirent les circonstances. La preuve en est que lorsque
348
Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage
5. – Transmissions
Recueillir des renseignements n’est rien, si l’on ne peut les transmettre.
Au début, il n’y avait aucune difficulté pour Peter Kranick, la circulation
étant libre entre les deux secteurs de Berlin. Il se rendait alors toutes les
semaines auprès de sa centrale. Après la construction du mur1, celle-ci lui
adressa un courrier, Bammler, alias Erick, qui lui apporta un appareil de
transmission à infra-rouge.
Pour utiliser cet appareil, Kranick avait loué un petit bout de terrain où il
prétendait faire du jardinage, à proximité de la frontière ; une petite hutte
lui permettait de procéder à ses manipulations.
Plus tard, la végétation ayant poussé, l’utilisation en devint impossible
en raison des obstacles qui s’intercalaient entre l’appareil et le récepteur
du côté Est.
On en revint à la formule du courrier Erick Bammler jusqu’au départ
pour Paris.
349
La guerre froide secrète
350
Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage
351
La guerre froide secrète
1. Le Comité national pour une Allemagne libre fut créé en 1943 au sein des camps
de prisonniers allemands en URSS. Il regroupait des prisonniers et quelques militants
communistes ayant fui l’Allemagne avant le déclenchement du conflit. Ce comité joua
après la guerre un rôle important dans la formation de la RDA.
2. Volkspolizei : police de sûreté urbaine est-allemande.
352
Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage
353
La guerre froide secrète
354
Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage
355
La guerre froide secrète
356
Quand la DST surveillait et arrêtait un réseau d’espionnage
357
La guerre froide secrète
360
Entretien avec Raymond Nart
361
La guerre froide secrète
FV : À quelle occasion ?
RN : En 1979 s’est tenue à Moscou une exposition technique
internationale. À cette occasion, Vladimir Vetrov a tenté
de revoir Jacques Prévost, mais en vain. Il est donc allé à
la rencontre d’un commercial français des Compteurs de
Montrouge, M. de Pohl, une vague connaissance depuis
son séjour parisien. Vladimir Vetrov lui remet une lettre
destinée à Jacques Prévost, mais son interlocuteur, effrayé,
la détruit immédiatement. Toutefois, de retour en France,
M. de Pohl signale l’incident à la DST – nous interrogions
toutes les personnes revenant de Moscou. Le même jour, je
reçois également le rapport de l’inspecteur de la ST ayant ren-
contré J. Prévost ; ce dernier confiait avoir reçu une lettre de
Vladimir Vetrov en provenance de Hongrie. Il avait profité
363
La guerre froide secrète
364
Entretien avec Raymond Nart
FV : Un futur transfuge ?
RN : Quelque chose comme cela. De retour à Moscou, Xavier
Ameil téléphone à Vladimir Vetrov et les deux hommes
conviennent d’une rencontre. Immédiatement, Vladimir
Vetrov lui remet un épais dossier que le représentant de
Thomson consulte chez lui. Il nous l’a transmis en utilisant le
canal de la compagnie, une sorte de circuit courrier par por-
teur utilisé par l’entreprise pour des contrats sensibles au sujet
desquels les commerciaux prenaient beaucoup de précautions
en termes de sécurité. Jacques Prévost nous a donc signalé la
réception du dossier.
FV : Que contenait-il ?
RN : Il s’agissait d’un plan de recherche de techniques avancées
dans le monde occidental. Indubitablement, nous étions en
présence de documents extrêmement importants en prove-
nance du KGB.
Pour l’anecdote, sachez que Xavier Ameil ne s’attendait pas
à recevoir cette masse de documents. Or, il devait se rendre
en Asie centrale. Il était très ennuyé : sa femme de ménage
faisant figure de collaboratrice du KGB, il ne pouvait pas
conserver les documents chez lui. Il les a donc emportés dans
son périple. Lorsque nous avons appris cela, plutôt effrayés,
nous avons alors décidé de trouver une solution afin de pour-
suivre cette affaire dans de meilleures conditions de sécurité,
de manière professionnelle, et en bénéficiant notamment de
l’immunité diplomatique1.
Je dois avouer que nous avons traité cette partie de l’opéra-
tion sans en informer les autorités de la DST – c’est-à-dire
Marcel Chalet2 – ; et cela, pour des raisons tout à fait circons-
tancielles ; je travaillais seul avec mon adjoint, Jacky Debain.
1. Élément confirmé dans l’entrevue accordée par Xavier Ameil au Figaro : Françoise
Dargent, « Espion malgré lui dans l’affaire Farewell », Le Figaro, 23 septembre 2009,
consultable sur Internet : http://www.lefigaro.fr/international/2009/10/01/01003-
20091001ARTFIG00001-espion-malgre-lui-dans-l-affaire-farewell-.php
2. Directeur de la DST de novembre 1975 à novembre 1982.
365
La guerre froide secrète
FV : Pourquoi ?
RN : Parce qu’en premier lieu l’affaire n’était pas encore suffi-
samment expertisée et nous souhaitions voir de quoi il retour-
nait avec précision. J’ai donc incité Marcel Chalet à conserver
cette affaire par-devers lui. Il nous a octroyé l’autorisation de
poursuivre nos investigations à condition de nous adjoindre
les services d’un diplomate. Étonné par cette exigence, j’ai
immédiatement prétexté que j’avais un ami à Moscou, un atta-
ché militaire, ce qui nous dispensait de rechercher quelqu’un
au Quai d’Orsay. En effet, je connaissais bien Patrick Ferrant
qui m’avait rendu visite avant de prendre son poste. Marcel
Chalet a donc traité cela avec le chef d’état-major des armées,
Jeannou Lacaze, qui n’a opposé aucune objection ; il a pro-
posé de mettre Patrick Ferrant à notre entière disposition.
Quelque temps après devait se tenir à Paris une conférence
des attachés militaires, de sorte que, dans l’intervalle, Xavier
Ameil a rencontré Vladimir Vetrov à trois ou quatre nou-
velles occasions.
Plus nous recevions de documents, plus nous constations
qu’ils touchaient un secteur central du KGB. Comme l’a dit
Marcel Chalet, si nous avions imaginé recruter quelqu’un
du KGB, nous n’aurions visé ni la ligne politique, ni celle
des immigrés ou celle des illégaux, mais la ligne scientifique
et technique parce qu’elle rayonnait un peu sur tout, et
367
La guerre froide secrète
368
Entretien avec Raymond Nart
FV : A-t-il hésité ?
RN : Pas du tout. Ni l’un ni l’autre n’ont hésité. Ils ont été abso-
lument admirables. J’ai dû, au contraire, les modérer.
370
Entretien avec Raymond Nart
371
La guerre froide secrète
372
Entretien avec Raymond Nart
374
Entretien avec Raymond Nart
FV : À plein temps ?
RN : À plein temps pour la plupart d’entre nous ; par ailleurs,
nous avions associé le SGDN1 à nos travaux et attendions du
général Rhenter2 qu’il nous fournisse des appuis techniques
(des ingénieurs militaires en l’occurrence). Notre princi-
pale tâche consistait à prendre des mesures pour empêcher
le pillage technologique et informer en tant que de besoin
les services étrangers. C’est ce qu’a fait Yves Bonnet. Car
Vladimir Vetrov, un soir de permanence, avait recopié sur
un cahier d’écolier la liste complète des officiers de renseigne-
ment scientifique et technique du KGB dans le monde entier.
Il convenait donc de mettre en œuvre leur neutralisation,
notamment aux États-Unis. Il s’est agi d’une deuxième phase
qui n’a pu débuter qu’une fois l’opération démontée et une
fois la certitude acquise que Vetrov n’avait aucune chance de
s’en sortir, qu’il allait être fusillé.
377
La guerre froide secrète
JPB : Avant 1975, vous ne saviez pourtant pas du tout que vous
partiez pour l’Amérique latine. Aviez-vous des connais-
sances ou des contacts établis au préalable sur ce continent ?
PL : Non, je ne savais pas que je partais en Amérique latine mais j’ai
apprécié cette affectation de choix. D’autant plus qu’on m’avait
promis le Mexique. J’avais un camarade, chef de poste à Mexico,
qui, avant de quitter le pays, a fait un rapport catastrophique
sur les conditions de vie là-bas, sur le peu d’intérêt du poste et
sur la qualité médiocre des sources en place, moyennant quoi le
service avait décidé de fermer le poste du Mexique. Je me suis
alors retrouvé sans l’affectation prévue. Mon chef de secteur m’a
rassuré de suite en me disant que si ce n’était pas le Mexique, ce
serait le Brésil. Alors dès la fin de l’année 1974, mon nom avait
été retenu pour partir au Brésil en 1975 par la commission d’ap-
titude qui se réunit chaque année pour désigner ou étudier les
candidatures à une affectation extérieure. Mon nom n’avait fait
l’objet d’aucune objection et a été retenu sans problème.
385
La guerre froide secrète
1. Jean Béliard est ambassadeur de France au Brésil de 1977 à 1981, Robert Richard
de 1981 à 1984, et Bernard Dorin de 1984 à 1987.
386
Entretien avec Pierre Latanne
388
Entretien avec Pierre Latanne
389
La guerre froide secrète
390
Entretien avec Pierre Latanne
1. Pixote, la loi du plus faible (Pixote, a Lei do Mais Fraco) est un film brésilien de
Hector Babenco, sorti en 1980 et adapté du roman de José Louzeiro.
391
La guerre froide secrète
394
Entretien avec Pierre Latanne
395
La guerre froide secrète
396
Entretien avec Pierre Latanne
JPB : Dans vos fonctions, vous faites une navette vers l’Argen-
tine à la fréquence d’une fois par mois environ ?
PL : À partir du Brésil, je devais me rendre régulièrement en
Argentine, au Paraguay et en Uruguay, plus rarement au
Paraguay. Au premier voyage en Uruguay que j’ai effectué
une quinzaine de jours après mon arrivée, j’ai découvert une
vie comparable à celle que nous menions en France pendant
l’occupation allemande. Des gens craintifs, pas d’attroupe-
ments, pas de bandes de jeunes, cafés et restaurants tristes
et vieillots. J’ai été surpris de découvrir de vieilles voitures
circulant encore dans les rues (des tacots des années 1920
399
La guerre froide secrète
400
Entretien avec Pierre Latanne
suite, une fois libéré, il n’a guère été plus bavard. En revanche,
j’en ai connu un qui était très proche du gouvernement. Je
me souviens de son nom, et en cherchant un peu, j’arrive-
rais à trouver son pseudonyme. Il me racontait les réactions
du gouvernement devant les événements. Force, brutalité et
sévérité. Cela n’avait rien de nouveau pour moi. Mais il était
lui aussi obnubilé par la lutte contre les Tupamaros. Étant du
bon côté de la barrière, il ne voulait pas perdre sa place. En
Argentine, il y a des Montoneros, pratiquement des frères des
Tupamaros. Il n’y avait que le nom qui changeait.
401
La guerre froide secrète
405
La guerre froide secrète
JPB : Pour ce qui est du Chili, vous n’avez rien trouvé sur
les circuits de Manuel Contraras, le chef de la DINA1, la
police politique ?
PL : Non. Je n’ai jamais été au Chili et je n’ai jamais rencontré
de Chilien.
407
La guerre froide secrète
410
Entretien avec Pierre Latanne
413
La guerre froide secrète
414
Entretien avec Pierre Latanne
416
Entretien avec Pierre Latanne
419
La guerre froide secrète
429
Les services dans un monde sans polarité
430
Entretien avec Jacques Fournet
431
Les services dans un monde sans polarité
432
Entretien avec Jacques Fournet
433
Les services dans un monde sans polarité
435
Les services dans un monde sans polarité
436
Entretien avec Jacques Fournet
FV : C’est-à-dire ?
JF : La confidentialité, par exemple, et la prise de risque rai-
sonnée pour aboutir à un résultat. J’ai également pris à mon
compte des affaires comme celle de Carlos, meurtrier de deux
agents de la DST en 19751 ; j’ai clairement affiché l’appar-
tenance à une culture « maison » qui avait fait ses preuves et
qui, surtout, plongeait ses racines dans le BCRA2 de Londres
et comptait une série de directeurs de grande qualité. Le ser-
vice avait connu des heures de gloire – ou presque –, d’autres
plus difficiles comme à l’époque de la guerre d’Algérie, mais il
fallait tout assumer et aller de l’avant.
FV : Combien de temps cette période d’intégration a-t-elle duré ?
JF : Assez peu de temps dans la mesure où je suis arrivé – si
mes souvenirs sont bons – vers le 15 juin 1990 et où, dès
le mois d’août ont éclaté les prémices de la première guerre
du Golfe3. À ce moment-là, suivant la consigne délivrée par
François Mitterrand de tout mettre en œuvre afin qu’aucun
attentat ne survienne sur le sol français, toutes les forces de la
maison se sont orientées vers cet objectif.
Nous avons connu une période extrêmement chargée en
matière de collecte de renseignements parce que l’Irak n’était
jamais apparu comme une cible prioritaire pour le service à la
différence du terrorisme arabo-palestinien, ou du terrorisme
d’État à l’instar de l’affaire du DC10 d’UTA4. Le service
se concentrait sur des groupes terroristes tels Djibril, Abou
Nidal, Anis Naccache5 et d’autres encore comme les scories des
437
Les services dans un monde sans polarité
438
Entretien avec Jacques Fournet
439
Les services dans un monde sans polarité
440
Entretien avec Jacques Fournet
442
Entretien avec Jacques Fournet
443
Les services dans un monde sans polarité
445
Les services dans un monde sans polarité
447
Les services dans un monde sans polarité
448
Entretien avec Jacques Fournet
449
Les services dans un monde sans polarité
450
Entretien avec Jacques Fournet
1. La fusion RG-DST aura lieu en juillet 2008, avec la création de la DCRI (Direc-
tion centrale du renseignement intérieur).
2. Le 7 août 1991.
451
Les services dans un monde sans polarité
452
Entretien avec Jacques Fournet
mon âge. J’ai alors pensé que cela n’avait jamais correspondu
au critère de choix que je privilégiais (rires). En 1996, j’avais
50 ans ; dans ma jeunesse, j’avais réalisé des études d’écono-
mie (je possède un DES de sciences économiques et un cer-
tificat d’aptitude à l’administration des entreprises). J’ai alors
décidé d’aller faire un tour dans le privé parce qu’à 50 ans,
on peut refaire autre chose si on en a envie. Satisfait d’avoir
été nommé préfet assez jeune, d’avoir servi dans la Nièvre et
obtenu la confiance du président de la République, je ne me
voyais pas tourner de Région en Région, en fonction des aléas
politiques, pendant quinze ans.
Je me suis donc « mis sur le marché », ai obtenu plusieurs pro-
positions et en ai choisi une, dans l’industrie pharmaceutique,
qui m’occupe encore aujourd’hui. Mais cela n’implique pas
de ma part un jugement qualitatif sur le privé ou le public ; je
pense que les hauts fonctionnaires travaillent au moins autant
que les cadres dirigeants dans le privé et que le service public
doit rester une valeur cardinale de la République ; la seule
chose que je regrette, c’est de voir l’État paupériser ses services
comme il le fait aujourd’hui.
453
Les services dans un monde sans polarité
456
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
457
Les services dans un monde sans polarité
458
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
FV : Et à l’Élysée ?
JJP : À l’Élysée, je ne voyais personne. J’ai vu Ménage à mon
arrivée et ne l’ai plus revu par la suite. Il n’y avait pas de raison
qu’il y eût de contacts particuliers.
460
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
461
Les services dans un monde sans polarité
462
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
463
Les services dans un monde sans polarité
464
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
465
Les services dans un monde sans polarité
466
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
467
Les services dans un monde sans polarité
1. En 2002, Jacques Chirac accusa la DST d’avoir mené une enquête concer-
nant un éventuel détournement de la rançon versée en 1988 par la France à des pre-
neurs d’otages au profit du ministre de l’Intérieur d’alors, Charles Pasqua, et de son
conseiller Jean-Charles Marchiani. Le président jugea que pareille enquête représentait
une tentative de déstabilisation menée à son encontre dans la perspective de la cam-
pagne électorale. De fait, après sa réélection, le chef de l’État procéda au remplacement
immédiat de Jean-Jacques Pascal à la tête de la DST, principal coupable à ses yeux.
2. Premier ministre de 1974 à 1976, puis de 1986 à 1988 ; président de la Répu-
blique de 1995 à 2007.
468
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
470
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
FV : Et à la DGSE ?
JJP : À la DGSE, souvent (Rires).
471
Les services dans un monde sans polarité
472
Entretien avec Jean-Jacques Pascal
475
Les services dans un monde sans polarité
479
Les services dans un monde sans polarité
1. L’affaire Farewell.
480
Entretien avec Rémy Pautrat
481
Les services dans un monde sans polarité
482
Entretien avec Rémy Pautrat
1. Le 1er août 1985, au micro d’Europe n°1, Jean Rochet, ancien directeur de la
DST, avait accusé Rémy Pautrat d’entretenir des relations douteuses avec l’URSS via
Harris Puisais, un ancien membre du cabinet de Claude Cheysson, à qui l’on imputait
des activités d’intelligence avec une puissance étrangère. Ses déclarations trouvèrent un
grand écho dans la presse.
2. De mai 1981 à décembre 1984.
3. À l’époque, député, membre de l’UDF.
4. Directeur de la DST de 1982 à 1985, prédécesseur immédiat de Rémy Pautrat.
483
Les services dans un monde sans polarité
484
Entretien avec Rémy Pautrat
1. Le 29 août 1982, les hommes de la cellule élyséenne, dirigés par Paul Barril, pro-
cèdent à l’arrestation de trois Irlandais accusés de préparer des attentats en France. Un
an plus tard, la presse dévoila de nombreuses erreurs de procédure et accusa le capi-
taine Barril d’avoir introduit les armes afin d’obtenir la condamnation des Irlandais.
En fin de compte, les trois individus furent rapidement libérés.
485
Les services dans un monde sans polarité
486
Entretien avec Rémy Pautrat
487
Les services dans un monde sans polarité
488
Entretien avec Rémy Pautrat
489
Les services dans un monde sans polarité
1. Sur ce point, se reporter également à Alain Marsaud et Serge Raffy, Face à la ter-
reur, Paris, Fayard, 2007, p. 40 et suivantes, ainsi qu’à Alain Marsaud, Avant de tout
oublier, Paris, Denoël, 2002, 254 p.
2. Premier ministre de 1986 à 1988.
3. Organisation terroriste d’origine palestinienne structurée autour d’Abou Nidal
(1937-2002).
4. Le 3 août 1978, Ezzedine Kallak, représentant de l’OLP en France, est abattu par
deux hommes du groupe Abou Nidal.
490
Entretien avec Rémy Pautrat
491
Les services dans un monde sans polarité
492
Entretien avec Rémy Pautrat
493
Les services dans un monde sans polarité
494
Entretien avec Rémy Pautrat
497
Les services dans un monde sans polarité
498
Entretien avec Jean-François Clair
499
Les services dans un monde sans polarité
1. Groupe armé japonais d’extrême gauche créé en 1971 dont l’objectif était de ren-
verser le gouvernement japonais et de participer à une révolution mondiale.
2. Le 13 septembre 1974, trois membres de l’Armée rouge japonaise prennent en
otage des personnels de l’ambassade de France à La Haye.
500
Entretien avec Jean-François Clair
501
Les services dans un monde sans polarité
502
Entretien avec Jean-François Clair
1. Décédé le 5 mars 1986, le sociologue Michel Seurat avait été enlevé au Liban le
22 mai 1985.
2. Président de la République de 1981 à 1995.
3. Le 3 octobre 1980. L’instruction est toujours en cours.
4. Le 9 août 1982, rue des Rosiers.
503
Les services dans un monde sans polarité
504
Entretien avec Jean-François Clair
1. Le 29 août 1982, les hommes de la cellule élyséenne, dirigés par Paul Barril,
procédèrent à l’arrestation de trois Irlandais soupçonnés de préparer des attentats
en France. Un an plus tard, la presse dévoila de nombreuses erreurs de procédure et
accusa le capitaine Barril d’avoir introduit les armes afin d’obtenir la condamnation
des Irlandais. En fin de compte, les trois individus furent rapidement libérés.
2. Bureau de liaison antiterroriste, l’unité de coordination des services concernés par
la lutte antiterroriste.
3. Unité de coordination de la lutte antiterroriste, créée en octobre 1984.
4. L’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie créée en 1975 par Hagop
Tarakchian et Hagop Hagopian ; elle multiplia les actions terroristes contre les inté-
rêts turcs.
505
Les services dans un monde sans polarité
506
Entretien avec Jean-François Clair
507
Les services dans un monde sans polarité
508
Entretien avec Jean-François Clair
1. Le 9 novembre 1989.
509
Les services dans un monde sans polarité
510
Entretien avec Jean-François Clair
1. Pluriel de moudjahid, terme arabe pour désigner un combattant, celui qui pra-
tique un combat au nom de sa religion.
2. Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et son équivalent
policier, le RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion) constituent des
forces destinées à réaliser des interventions sur l’ensemble du territoire.
3. Sur ce point, se reporter au témoignage de Raymond Nart dans le présent volume.
4. Directeur de la DST de 1997 à 2002 ; se reporter à son témoignage dans le pré-
sent volume.
511
Les services dans un monde sans polarité
512
Entretien avec Jean-François Clair
513
Les services dans un monde sans polarité
514
Entretien avec Jean-François Clair
515
Les services dans un monde sans polarité
516
Entretien avec Jean-François Clair
517
Les services dans un monde sans polarité
519
Les services dans un monde sans polarité
1. Sur ce point, se reporter à Daniel Burdan et Jean-Charles Deniau, DST : neuf ans
à la division antiterroriste, Paris, Robert Laffont, 1990.
520
Entretien avec Jean-François Clair
521
Les services dans un monde sans polarité
522
Entretien avec Jean-François Clair
525
Les services dans un monde sans polarité
526
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
FV : Quels étaient-ils ?
JCB : La lutte antiterroriste et contre les extrémismes violents,
principalement.
528
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
FV : Déjà ?
JCB : Oui, déjà, car nous avons connu des actes de terrorisme en
France dans les années 1970.
529
Les services dans un monde sans polarité
530
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
531
Les services dans un monde sans polarité
532
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
533
Les services dans un monde sans polarité
534
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
535
Les services dans un monde sans polarité
536
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
jour ou l’autre car leurs auteurs savent bien que leurs actions
connaîtront un retentissement immédiat.
538
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
539
Les services dans un monde sans polarité
542
Entretien avec Jean-Claude Bouchoux
547
Les services dans un monde sans polarité
548
Entretien avec Pierre Lacoste
549
Les services dans un monde sans polarité
550
Entretien avec Pierre Lacoste
551
Les services dans un monde sans polarité
553
Les services dans un monde sans polarité
554
Entretien avec Pierre Lacoste
556
Entretien avec Pierre Lacoste
557
Les services dans un monde sans polarité
558
Entretien avec Pierre Lacoste
559
Les services dans un monde sans polarité
560
Entretien avec Pierre Lacoste
561
Les services dans un monde sans polarité
562
Entretien avec Pierre Lacoste
563
Les services dans un monde sans polarité
1. Le 29 août 1982, les hommes de la cellule élyséenne, dirigés par Paul Barril,
procédèrent à l’arrestation de trois Irlandais soupçonnés de préparer des attentats
en France. Un an plus tard, la presse dévoila de nombreuses erreurs de procédure et
accusa le capitaine Barril d’avoir introduit les armes afin d’obtenir la condamnation
des Irlandais. En fin de compte, les trois individus furent rapidement libérés.
2. Sous-entendu, l’affaire du Rainbow Warrior.
3. Un épisode analogue s’est produit à Prague pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les Anglais avaient entraîné deux agents secrets tchèques chargés d’assassiner R einhard
Heydrich (1904-1942), directeur des services de sécurité du IIIe Reich, protecteur
adjoint de Bohême-Moravie. L’un d’entre eux se trouva, pistolet en main, devant
sa victime mais il n’eut pas le réflexe d’appuyer sur la détente et réussit à s’enfuir.
Quelques jours plus tard, lui et son compagnon parvinrent à tuer Heydrich dans sa
voiture. Pourchassés par la police, réfugiés dans une église, ils furent finalement mas-
sacrés par les nazis déchaînés après l’assassinat de leur chef. (Note de l’amiral Lacoste).
4. Le pouvoir politique de l’époque privilégia la thèse de l’incompétence de la
DGSE plus que celle ici présentée par l’amiral Lacoste.
564
Entretien avec Pierre Lacoste
565
Les services dans un monde sans polarité
566
Entretien avec Pierre Lacoste
567
Les services dans un monde sans polarité
568
Entretien avec Pierre Lacoste
569
Les services dans un monde sans polarité
1. Capitale de la Nouvelle-Zélande.
2. Premier ministre de 1984 à 1986.
570
Entretien avec Pierre Lacoste
PL : En effet.
572
Entretien avec Pierre Lacoste
1. Claude Silberzahn et Jean Guisnel, Au cœur du secret. 1500 jours aux commandes
de la DGSE (1989-1993), Paris, Fayard, 1995, 332 p.
2. L’École nationale de la France d’Outre-mer (ENFOM) était la grande école en
charge de former les cadres supérieurs de l’administration coloniale jusqu’en 1959.
576
Entretien avec Claude Silberzahn
1. Où se situait l’ENFOM.
2. SAS, acronyme de Section administrative spécialisée : unité chargée, lors du
conflit algérien, de pacifier un secteur donné et d’apporter une assistance scolaire,
sociale et médicale aux populations rurales musulmanes.
579
Les services dans un monde sans polarité
581
Les services dans un monde sans polarité
1. Capitale de la Mauritanie.
2. Adjectif qualifiant un homme favorable aux idées du parti Baas, fondé en 1947
à Damas. Ce parti prône l’unité de tous les pays arabes en une seule nation. Saddam
Hussein, en implantant le parti Baas en Irak, fit subir au baasisme d’importantes
modifications idéologiques qui l’éloignèrent de son homologue syrien.
582
Entretien avec Claude Silberzahn
583
Les services dans un monde sans polarité
FV : Dès le début ?
CS : Oui. Lorsque nous avons commencé à mettre en place les
éléments d’une négociation, j’ai prévenu Jean-Paul Huchon2 :
« Tu diras à ton Premier ministre que nous nous sommes
branchés sur cette affaire avec le feu vert de l’Élysée. »
584
Entretien avec Claude Silberzahn
1. À partir de mai 1990, le nord du Niger a été secoué par ce que l’on a désormais
l’habitude d’appeler le « conflit touareg », qui s’est étendu au Mali à partir de juin
1990.
2. Amadou Cheffou, Premier ministre du Niger d’octobre 1991 à avril 1993.
3. Partie centrale du Sahara qui s’étend du Niger au Tchad (région du Tibesti).
4. Moyen de communication par satellite (acronyme de International Maritime
Satellite).
5. Président de la République de 1981 à 1995.
6. Claude Silberzahn évoque l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résis-
tance) qui avait, sous la IVe République, intégré les membres du Rassemblement
démocratique africain (RDA).
7. Président de la République de 1974 à 1981.
8. Président de la République de 1995 à 2007.
9. De 1950 à 1951, François Mitterrand a été ministre de l’Outre-mer du gouver-
nement Pleven.
586
Entretien avec Claude Silberzahn
587
Les services dans un monde sans polarité
1. Claude Silberzahn fait écho au fait que le président de la République avait imposé
le préfet Parant à l’amiral Lacoste, directeur de la DGSE de 1982 à 1985.
588
Entretien avec Claude Silberzahn
FV : À Disneyland ?
CS : Oui. Nous ne souhaitions pas que cela apparaisse à Mortier ;
les négociateurs viennent à deux ou trois, avec des spécialistes,
etc. Il faut les loger et nous entrons en contact alors avec un
hôtel de Marne-la-Vallée2. En période hivernale, nous béné-
ficions de salles de réunion, de chambres à bon prix. Nous
comptons nos sous à la DGSE !
590
Entretien avec Claude Silberzahn
593
Les services dans un monde sans polarité
vous ne pouviez pas les fixer sur une école. De fait, dans l’ap-
pareil central du Niger, les Touaregs ne se comptaient même
pas sur les doigts d’une main. Ils n’occupaient aucune place
dans l’ensemble de la République du Niger, un pays formi-
dable et magnifique d’autant plus qu’il accueille des nomades
et des sédentaires. Or, dans ce cas, le devoir d’ingérence s’avère
inutile ! Comment faire ? Dois-je recourir à des casques bleus
pour séparer les belligérants ? Dois-je tracer une frontière ?
Non, je commence par me demander comment parvenir à
mêler tout le monde dans le système et faire comprendre à
tous que la présence conjointe de Touaregs, de Bambaras,
constitue une richesse pour le pays. Si vous n’avez pas une
connaissance intime du tissu que vous traitez, ce n’est pas la
peine d’essayer d’entrer dans un système.
1. Claude Silberzahn a été remplacé à la tête de la DGSE dès les premiers jours de
la cohabitation de 1993.
595
Postface Les espions français parlent
1. Paul Paillole, Notre espion chez Hitler, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011
(Laffont, 1985), préface de Frédéric Guelton ; Constantin Melnik, De Gaulle, les ser-
vices secrets et l’Algérie, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010 (Grasset, 1989) ; Peter
A. Huchthausen et Alexandre Sheldon-Duplaix, Guerre froide et espionnage naval,
Nouveau Monde éditions, 2011, Wiley, 2009.
597
Les espions français parlent
598
Postface
599
Les espions français parlent
601
Les espions français parlent
602
Notices biographiques
603
Les espions français parlent
604
Notices biographiques
605
Les espions français parlent
606
Notices biographiques
607
Les espions français parlent
608
Notices biographiques
609
Les espions français parlent
610
Notices biographiques
611
Les espions français parlent
612
Notices biographiques
613
Les espions français parlent
614
Notices biographiques
615
Les espions français parlent
616
Notices biographiques
Jean-Pierre Bat :
Congo An I, décolonisation et politique française au Congo Brazzaville (1956-1963),
thèse de l’École nationale des chartes, 2006, mention « signalée au ministre ».
« Les “archives Foccart” aux Archives nationales », Afrique et histoire,
2006, n° 1, vol. 5, p. 189-201.
« Foccart, l’homme de l’ombre à la lumière des archives. Le problème
du secret en histoire contemporaine, le cas de la décolonisation », Cahier
d’histoire immédiate, automne 2007, n° 32, p. 103-122.
« Une cour en République ? L’exemple de la stratégie de l’abbé Fulbert
Youlou au Congo Brazzaville, 1956-1963 », Hypothèse 2008, Paris,
Publications de la Sorbonne, 2009, p. 75-85.
« French Intelligence and Political Networks in Africa (1958-1974) »,
University of Leeds, School of History, mis en ligne le 9 juillet 2009 : http://
www.leeds.ac.uk/history/research/africanhistory/Jean_Pierre_Bat.pdf)
« Le rôle de la France après les indépendances. Jacques Foccart et la Pax
Gallica », Afrique contemporaine, 2010, n° 235, p. 43-51.
« Vol au-dessus d’un nid de Dopele, le témoignage des agents de rensei-
gnements : parler pour se taire, ou se taire pour parler ? », dans Jean-Marc
Berlière, et René Lévy (dir.), Le témoin, le sociologue et l’historien, Paris,
Nouveau Monde éditions, 2010, p. 279-296.
(avec Pascal Geneste) « Jean Mauricheau-Beaupré : de Fontaine à
Mathurin, JMB au service du Général », Relations internationales, été
2010, n° 142, Paris, PUF, p. 87-100.
« De la fin de Foccart à la mort de Bongo : l’impossible réforme de la cel-
lule Afrique de l’Élysée (1988-2009) », Cahier d’histoire immédiate, 2010,
n° 37-38, p. 497-509.
La décolonisation de l’AEF selon Foccart. Entre stratégies politiques et tac-
tiques sécuritaires (1956-1969), thèse de doctorat d’histoire contemporaine
sous la direction de Pierre Boilley, Université Paris I Panthéon-Sorbonne,
2011, 925 p. + 350 p. d’annexes.
619
Les espions français parlent
Floran Vadillo :
« L’administration à l’épreuve du politique : politisation et personnalisa-
tion des services de renseignement et de sécurité de 1981 à 1995 », Revue
administrative, décembre 2008, n° 366, p. 586-596.
« Personnalisation et pratiques du pouvoir dans le monde du rensei-
gnement et de la sécurité. Une réaction à la marginalisation du Premier
ministre dans les questions de sécurité : Michel Rocard et la primonisté-
rialisation du renseignement », La Revue administrative, Paris, mai 2009,
n° 369, p. 307-315.
« Personnalisation et pratiques du pouvoir dans le monde du renseigne-
ment et de la sécurité. François de Grossouvre à l’Élysée : un chargé de
missions auprès du président de la République ? », Revue administrative,
2010, n° 374, p. 189-196.
« Los socialistas franceses y los Servicios de Inteligencia entre 1981 y 2002:
uso de regalía, gestión, politización y personalización de los Servicios
Secretos », in Fernando Velasco, Diego Navarro et Rubén Arcos (dir.), La
inteligencia como disciplina científica, Madrid, Ministerio de Defensa/Plaza
y Valdés SL, 2010, p. 375-389.
« Comment la troisième équipe de la DGSE a-t-elle pu faire couler…
autant d’encre ? Le dénouement de l’affaire du Rainbow Warrior entre
“fuites” et journalisme “d’investigation” », Le Temps des médias. Revue
d’histoire, printemps 2011, n°16, p. 100-117.
Jean-Marc Le Page :
« Le quotidien de la pacification au Tonkin, les milices d’autodéfense
(1952-1954) », Revue historique des armées, mars 2003, n°230, p.34-42
« Le Tonkin, laboratoire de la pacification en Indochine », Revue historique
des armées, 3e trimestre 2007, n°248, p.117-125
« Les Occidentaux face à la menace communiste en Asie du Sud-Est »,
Revue d’histoire diplomatique, 2007, n°1, p.21-40.
« Les services de renseignement français à Diên Biên Phu », dans
B. Warusfeld (éd.), Le renseignement. Guerre, technique et politique, Paris,
Lavauzelle, 2007, p. 85-110.
« La pratique de la torture dans le cadre la guerre d’Indochine (1945-
1954) », Dynamiques internationales, juin 2011, n°5.
(avec Elie Tenebaum) « French-American relations in intelligence and
counterinsurgency during the First Indochina war », Studies in Intelligence,
septembre 2011
Table des matières
Remerciements......................................................................... 4
Avertissement............................................................................ 4
Préface....................................................................................... 5
Introduction – La parole est aux espions : pour une réforme
culturelle du renseignement................................................... 9
Prologue – Les « services » français depuis 1945.................... 21
Ouverture – SDECE-DST: les guerres des services. Une lettre
du directeur de la DST Roger Wybot aux « anciens des services
spéciaux » (4 mai 1956).......................................................... 27
Partie I
L’Asie vacille
621
Les espions français parlent
Partie II
L’Afrique : la formation du « pré carré »
après les indépendances
Partie III
La guerre froide secrète
622
Table des matières
Partie IV
Les services dans un monde sans polarité