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Mattelart Armand. Idéologie, information et Etat militaire. In: L'Homme et la société, N. 47-50, 1978. Mass média et idéologie -
Impérialisme et fronts de lutte. pp. 3-49.
doi : 10.3406/homso.1978.1950
http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1978_num_47_1_1950
et état militaire
AKMAND MATTELART
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b Règle
Érich Fried
(La Règle)
teurs que le temps des tyrans traditionnels n'est pas révolu. Tout se passe
comme si cette même presse sentait le besoin de cadenasser l'analyse, d'en conjurer
les possibles dangers et craignait d'en devoir extrapoler les leçons. En confinant
les faits et gestes des nouvelles dictatures latino-américaines dans le cadre d'une
mémoire rompue aux stéréotypes «rétro», elle prend pour argent comptant ces
décrets qui proclament l'« état d'exception ». L'exception n'est-t-elle pas
synonyme de transitoire, d'éphémère ? L'exception ne protége-t-elle pas ces Etats
contre le désir de durée, de permanence ? Au Brésil, cette exception se
confirme depuis près de quatorze ans.
Pour avoir compris que l'exception tendait à devenir la règle, qu'elle
n'était là que pour signaler une nouvelle réalité et sonner le glas d'une autre, le
Général Prats, fidèle compagnon de Salvador Allende pendant toute la période
du Chili Populaire, a été assassiné à Buenos-Aires, un an après le coup d'Etat du
1 1 septembre 1973, par les services de renseignements de la dictature chilienne.
Comme le sera deux ans plus tard, en plein cur de Washington, l'ancien
Ministre de la Défense de l'Unité Populaire, Orlando Letelier.
Dans son journal, publié après sa mort sous le titre Una vida por la legali-
dad (Mexico, 1977) Prats écrivait à la date du 26 octobre 1973 :
« La permanence des poteaux d'exécution, la proscription de tous les partis politiques
qui appuyaient le gouvernement d 'Allende, accompagnée par de grandes déclarations
sur la fin de la « politicaillerie », démontrent à quel point se trompaient ceux qui
croyaient en un coup « à la chilienne », après lequel « nous redeviendrions tous
rapidement amis » et après lequel on pourrait de nouveau renouer avec les élections, les
candidatures et la politique parlementaire. Non ! La violence inaccoutumée du Coup
et les méthodes utilisées démontrent que nous sommes en présence d'un phénomène
nouveau au Chili et peut-être en Amérique Latine : un militarisme fascistoïde
d'inspiration nord-américaine ».
Les dernières années ont vu naître un autre type de régimes autoritaires.
Après le Brésil, des pays comme le Chili, l'Uruguay, l'Argentine et la Bolivie
viennent démentir le folklore des despotes en instaurant de nouvelles formes
de gouvernements miUtaires.
Le personnalisme du caudillo se trouve remplacé par une bureaucratie.
L'institution militaire cesse de rester confinée au rôle d'arbitre des conflits qui
surgissent entre les diverses fractions de la bourgeoisie, sans jamais en éliminer
aucune, et à la mission de défendre le territoire national contre la menace ou la
réalité de l'agression extérieure. Les forces armées ont pris en main l'ensemble
de l'appareil d'Etat qu'elles s'efforcent de mouler à leur image. L'institution
miUtaire arrive au pouvoir. Les valeurs miUtaires se substituent aux principes
civils d'organisation de la société. Les nouveaux paramètres qui président à
cette entreprise de restructuration ont été codifiés dans une doctrine, la doctrine
de la sécurité nationale, une doctrine de guerre qui a pour premier effet
d'identifier le camp des amis et le camp des ennemis, élaborant vis-à-vis des uns et des
autres des modes d'approche stratégiques.
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 5
Et dans un domaine qui nous intéresse plus spécialement, voilà comment est mise en
question la doctrine libérale de l'information qui n'est pas, par le truchement des
« abus » commis au nom de la liberté de presse, la dernière à avoir « provoqué des
attitudes défavorables à l'égard des institutions et un déclin de la confiance accordée aux
gouvernements » :
« La guerre est une affaire trop importante pour être entièrement laissée
aux mains des généraux ». Ce mot de Clemenceau a dû être souvent interprété
dans les milieux miUtaires comme l'expression du désir qui anime le pouvoir
civil de les exclure de la préparation et de la liquidation de la guerre pour ne
leur laisser que le soin de l'exécuter, seule fonction constitutionneUe pour
laqueUe ils soient instruits et outillés. Pour désamorcer le mot de Clemenceau, il
suffisait de changer la définition de la guerre. La nouveUe guerre à laqueUe
doivent maintenant faire face les miUtaires est d'une autre nature que les conflits
belliqueux connus jusqu'à présent.
Ce nouveau statut de la guerre a donné Ueu à une nombreuse production
de textes, de manuels d'instruction, qui redéfinissent aussi bien la pratique que
la théorie militaire. Le Brésil qui a constitué le premier Etat miUtaire latino-
américain, après le putsh qui a renversé le Président constitutionnel Joao Gou-
lart en avril 1964, est aussi la plus féconde pépinière de gloses théoriques sur la
sécurité nationale. Parmi les derniers ouvrages parus, citons celui de Jose
Alfredo Amaral Gurgel, qui porte le titré Segurança e Democracia (Sécurité et
Démocratie) et qui a été publié en 1975, et celui du Général Meira Mattos, intitulé
Brasil, Geopolitica e Destino, également pubUé en 1975. Il est intéressant de
signaler, pour situer ces auteurs, que le Général Meira Mattos, ancien capitaine de
la force expéditionnaire brésilienne envoyée en Italie durant la seconde guerre
mondiale, était jusqu'à une date assez récente, un des directeurs de Ylnter-Ame-
rican Defence College de Washington, créé en 1962 sur le modèle de VUS
National War College et du CoÏÏège de la Défense de l'OTAN pour assurer la
formation des officiers supérieurs latino-américains. Mais celui qui a le plus contribué
à l'élaboration de cette doctrine de la sécurité nationale est sans nul doute le
Général Golbery do Couto e Silva, actueUement conseUler du Président Geisel
et fondateur du Service national de renseignements, appareil d'intelligence
miUtaire, clef de voûte de la poUtique de sécurité intérieure. Dès les premières
pages de son traité de géopoUtique (Geopolitica do Brasil) (3), pubUé en 1967
à Rio de Janeiro, mais conçu sous forme d'articles dès la fin des années 50, U
précise la nouveUe notion de guerre ;
« De strictement miUtaire la guerre est devenue une guerre totale, une guerre tout
autant économique, financière, politique, psychologique et scientifique qu'une guerre
d'armée, de flotte et d'aviation ; de la guerre totale à la guerre globale et de la guerre
globale à la guerre indivisible, et pourquoi ne pas le reconnaître, à la guerre
permanente »:
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 9
gum pecus dans l'énoncé des articles de ce décret-loi, dit de sécurité nationale
qui, étabU en 1969, constitue encore aujourd'hui au BrésU le texte
fondamental du régime, dont se sont inspirés d'autres Etats miUtaires latino-américains.
Enumérons quelques-uns des articles qui composent ce décret (5) :
Article 1 : « Toute personne physique ou morale est responsable de la
sécurité nationale dans les Umites défîmes par la loi ».
Article 2 : « La sécurité nationale est la garantie de la réaUsation des
objectifs nationaux contre les facteurs opposés, tant internes qu'externes ».
Article 3 : « La Sécurité Nationale comprend essentieUement les moyens
destinés à préserver la sécurité externe et interne, y compris la prévention et
la répression de la guerre psychologique adverse et de la guerre révolutionnaire
ou subversive».
Paragraphe 1 : « La sécurité interne, partie intégrante de la Sécurité
Nationale, a pour objet les menaces et les pressions adverses, de quelque origine,
forme ou nature qu'eUes soient, qui se manifestent ou produisent effet dans le
pays ».
Paragraphe 2 : « La guerre psychologique adverse est l'emploi de
propagande ou de contre-propagande et toute activité sur les plans poUtique,
économique, psycho-social et miUtaire, ayant pour finalité d'influencer ou de
provoquer des opinions, émotions, attitudes et comportements de groupes étrangers,
ennemis, neutres ou amis, contraires à la réaUsation des objectifs nationaux ».
Paragraphe 3 : « La guerre révolutionnaire est le conflit interne,
généralement inspiré par une idéologie, ou aidé de l'extérieur, qui vise à la conquête
subversive du pouvoir, par le contrôle progressif de la nature ».
Le décret-loi énumère ensuite, à travers une série d'articles, un ensemble
de crimes contre la Sécurité Nationale et les nouveUes peines appUcables. Ainsi
VArticle 16 sur le crime de propagande illégale : «divulguer par tout moyen
de communication sociale une nouveUe fausse ou tendancieuse, ou bien un
fait réel, mais tronqué ou déformé de façon à susciter ou tenter de susciter un
malaise contre le peuple et le gouvernement ».
Dans l'Article 34, est déclaré « acte de subversion », le fait « d'offenser
moralement une autorité par esprit de faction et de non-conformisme social ».
VArticle 45 définit en ces termes la « propagande subversive » r
« l'utilisation de tout moyen de communication sociale, journaux, revues, périodiques,
Uvres, bulletins, tracts, radio, télévision, cinéma, théâtre, et de tout moyen de même
genre comme véhicules de propagande de guerre psychologique adverse, ou de guerre
révolutionnaire ou subversive... Les réunions sur les Ueux de travail... La constitution
de comités, de réunions publiques, défilés, ou manifestations... de grèves interdites...
l'injure, la calomnie ou la diffamation touchant l'autorité pubUque dans l'exercice de
ses fonctions... ».
Ces dispositions de base sont complétées par des décrets qui octroient
à des secteurs particuUers, comme l'université, des pouvoirs de poUce et la fa-
IDÉOLOGIE, INFORMA TION ET ÊTA T MIUTAIRE.. 13
EUe y problame également urbi et orbi être. guidée par une conception
chrétienne de l'homme et de la société. « L'homme a des droits naturels
antérieurs et supérieurs à l'Etat. Ce sont des droits qui procèdent de la nature même
de l'être humain, parce qu'ils ont leur origine dans le Créateur. L'Etat doit les
reconnaître et en réglementer l'exercice». Reprenant à leur compte les vieux
principes exprimés par le théologien économistes anglais Malthus, U y a près
de deux siècles, les membres de la Junte, derrière leur parodie égalitaire, en
arrivent à justifier l'inégaUté sociale :
t Cest une obligation pressante des temps modernes de transformer l'égalité devant
la loi en une véritable égaUté de chances face à la vie, en refusant d'admettre d'autres
sources d'inégaUté entre les êtres humains que ceUes qui proviennent du Créateur et
du plus ou moins grand mérite de chacun ».
« Dans la guerre, les États-Unis ont dû nous donner de tout : aliments, vêtements,
équipement. Après la guerre, nous abritions moins de craintes au sujet de l'impérialisme
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 15
nord-américain parce que nous avions vu comment les États-Unis nous aidaient sans
pour cela nous enchaîner ».
D'autre part, ce serait tomber dans une vision idéaliste que de croire que
l'on peut injecter des « idéologies » de l'extérieur sans qu'existe au préalable
un terrain où eUes puissent germer. S'U est vrai que dans leurs ouvrages les
miUtaires brésiUens s'alimentent largement aux sources centrales, la propre
pratique de leurs armées fait indubitablement progresser leur doctrine de la sécurité
nationale. En ce sens, dans chacun des contextes particuUers, cette doctrine
apparaît comme l'aboutissement de l'histoire des forces armées dans des
formations sociales déterminées. Une histoire contradictoire marquée par une
conception de la «neutralité» des forces armées, faite de dépendance, de putschs
ou de tentatives de putschs, de participation directe à la répression du
mouvement ouvrier et paysan, mais où on a pu voir aussi percer à certains moments
les revendications de certaines fractions d'officiers révolutionnaires. Ce n'est
pas notre propos de retracer dans ce travaU l'histoire de chacune de ces armées
à partir de l'histoire de chaque formation sociale. Mais avant de passer à
l'examen des fiUations idéologiques, nous tenions à rappeler cet élément essentiel
pour éviter toute équivoque.
« C'est la branche des sciences politiques qui, sur la base de la connaissance historique,
économique, stratégique et poUtique, du passé et du présent, étudie l'ensemble de la
vie humaine organisée sur un espace terrestre afin d'obtenir dans l'avenir le bien-être
du peuple».
D'aucuns ont pu voir dans des phrases de ce type qui consacre la caducité
relative du pouvoir législatif, la matrice de la doctrine de la Sécurité Nationale
(12).
Le rapport pubUé en 1976 par la commission d'enquête du Sénat des Ê-
tats-Unis sur les activités des organismes de renseignements civils et mUitaires
confirme ce que tout le monde savait déjà : l'ambiguité des concepts de base
de ces législations d'exception. Plus particuUerement à propos de l'appUcation
de la technologie électronique à la surveUlance des citoyens, on relève la
confession suivante :
« L'imprécision et la manipulation d'étiquettes telles que « sécurité nationale », «
sécurité intérieure », « activités subversives », « intelligence avec l'ennemi » ont conduit
à une utilisation injustifiée de ces techniques. Fortes de ces étiquettes, les agences de
renseignements ont appliqué ces techniques d'intrusion délibérée à des individus et des
organisations qui ne mettaient en aucun cas la sécurité nationale en danger. En
l'absence de normes précises et d'un contrôle efficace émanant d'une source extérieure, des
citoyens américains ont été pris comme cibles sur le simple vu de leur protestation
légale et de leur philosophie non conformiste ». (13)
*
La simple lecture des décrets de sécurité nationale émis par les dictatures
mUitaires du Cône Sud montre l'élasticité de ces notions qui permettent aux
héritiers de Hobbes de faire de tout citoyen un suspect, de prime abord,
l'homme, un loup pour l'homme selon l'expression du maître.
Le remaniement récent de la CIA confié à un super-chef, un amiral, qui
se solde par une centralisation accrue et une augmentation de la capacité de
planifier l'ensemble des appareUs miUtaires et civUs, resserre les activités de
renseignements au profit de la rationaUté miUtaire. Ce remaniement au niveau des
organismes de renseignements concorde d'aUleurs avec la restructuration de
l'ensemble de l'appareU d'information de l'Empire américain, depuis les centres
de recherches des sociétés multinationales jusqu'aux organismes officiels de
prospection sur les données énergétiques. Cette réforme de la CIA s'est vue
dernièrement reflétée dans certains pays du Cône Sud. Le ChiU, sous la pression de
20 ARMAND MATTELART
traversent
" Dans ces
la différents
métropole,corps
même
de l'armée.
si aujourd'hui les excès du Maccarthysme
ont été abrogés, le type d'appareU d'Etat qu'a patronné la sécurité nationale
est toujours en place, comme le sont aussi les grands modèles de technologie
de pointe dont la rationaUté a été marquée par les objectifs de la guerre. Et,
comme nous le rappeUons aUleurs, U n'est pas étonnant de voir ces grandes
technologies, comme les systèmes de sateUites tous usages, atterrir en tout
premier Ueu dans les régimes où l'opposition est muselée : le BrésU, l'Iran
et l'Indonésie qui, bien avant les démocraties Ubérales, se verront dotés d'une
technologie de contrôle social d'avant-garde (14). Il ne faudrait pas oubUer
non plus que ceux qui ont été les enfants de la guerre froide furent les
combattants des guerres du Sud-Est asiatique. .
4 - La guerre contre-révolutionnaire.
C'est souvent une frontière idéologique, immatérielle, qui doit cependant être
impérativement fixée, si nous voulons atteindre sûrement notre adversaire et le vaincre ».<
22 ARMAND MATTELART
Tirant les leçons des échecs d'une armée équipée seulement pour la
défense nationale, contre l'ennemi extérieur, Trinquier souUgne les nouveUes
exigences qu'impUque dans la pratique de la guerre, la nouveUe nature de « l'assaU-
lant, qui s'efforce d'exploiter les tensions internes du pays attaqué, les
oppositions poUtiques, idéologiques, sociales, religieuses, et économiques ».
« Les écoles militaires enseignant les doctrines classiques de la guerre font état de
facteurs de décisions plus ou moins nombreux : la mission, l'ennemi, le terrain, les
moyens. U est par contre généralement fait abstraction d'un facteur qui est essentiel dans
la conduite de la guerre moderne : c'est l'habitant... Le contrôle des masses par une
stricte hiérarchie ou souvent même par plusieurs hiérarchies parallèles est l'arme mai-
tresse de la guerre moderne ».
Les officiers du Pentagone n'ont pas été sans soupçonner le défi que la
stratégie proposée dans le secteur fascisant de l'armée française pour réduire
l'ennemi intérieur entraînait sur le plan de la relation armée-Etat : les
mUitaires revendiquaient le rôle principal dans toutes les étapes de la lutte. Les
américains ne manquèrent certes pas de tirer de la théorie et de la pratique de la
guerre moderne des enseignements substantiels. Ce n'était pas pour rien que
les contributions US à l'effort miUtaire français en Indochine s'étaient enlevées
à plus de deux milliards et demi de dollars, ce qui représentait 80% du coût
de la guerre (22). Mais Us manifestèrent clairement leurs réserves :
« U est Significatif qu'à travers les Empires, les RépubUques, les restaurations, les
gouvernements qui se succédèrent, l'armée soit restée loyale à la France. L'armée
française a évité la politique et a été généralement respectueuse du gouvernement
et n'a jamais été disposée à engager une action contre ce dernier. La guerre
révolutionnaire, telle qu'eUe a été comprise, a mis en question l'essence même de la pro-"
fession [ ... ] C'est une méthode qui met directement en danger la structure de la
démocratie libérale. Les forces armées peuvent parfaitement combattre les effets de la
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 25
subversion mais dans une démocratie, il n'appartient pas à la force miUtaire d'être
l'agent qui s'attaque aux causes de la subversion » (23).
Ce qu'Us n'admettaient donc pas qu'on inscrive noir sur blanc était que
l'armée cesse d'être « la grande muette ».
A travers des voies différentes, Us arrivèrent cependant au même résultat.
Refusant la stratégie du manifeste et des appels ouvers à la sédition, prônée par
les officiers d'extrême-droite d'Alger, l'Etat-Major américain préféra choisir des
voies plus cohérentes avec une tradition de passage en douce à la militarisation
de l'Etat si bien Ulustrée par le « National Security Act ».
4 - L'action civique.
ChUi, l'avènement d'un régime populaire, dont le projet était d'offrir une
solution de remplacement à cette crise d'hégémonie. En effet, ce sont ces disputes
inter-bourgeoises, produit de la radicaUsation de la lutte de classes sous le
réformisme de Frei, qui expUquent que la bourgeoisie, désunie, présente deux
candidats face à AUende en 1970. La reconstitution de l'unité de classe et la
formation d'un seul bloc social après les élections qui mirent AUende au
pouvoir, se refera dans l'opposition à ce dernier, sous la conduite des corporation*
patronales de la grande bourgeoisie et de l'impériaUsme, et avec le renfort et
le rempart de la petite bourgeoisie. Le régime populaire chihen ne sut donner
de réponse à cette crise du système de domination bourgeoise. Le coup d'État
vint consacrer le modèle monopoUste comme l'alternative, inéluctable, devant
l'incapacité de l'unité populaire à installer l'hégémonie de la classe ouvrière
pour résoudre la crise. Une crise que d'aUleurs aucune des fractions de la
bourgeoisie ne pouvait dépasser en conservant intacts les mécanismes traditionnels
de la démocratie. L'intervention des forces armées suppléa à cette impuissance.
L'institution miUtaire, en imposant ses forces d'organisation du pouvoir, se
transforma en véritable parti de la classe dominante (29), trop contente de
pouvoir ainsi renouer avec l'expansion du capital.
Le modèle de production et de réalisation de la plus-value que favorise
l'État miUtaire met en uvre la stratégie du grand capital international et résoud
la crise d'hégémonie en sa faveur. La fraction de la bourgeoisie étroitement
subordonnée à ce grand capital international en tire un avantage direct. Les autres
fractions de cette classe tentent, tant bien que mal, de s'adapter et de profiter
de la situation exceptionneUe pour l'extraction de la plus-value. Ces dernières,
sachant trop bien qu'U n'y a plus de place pour le modèle ancien, ne contestent
donc pas sur le fond, le modèle implanté par la dictature, mais la manière dont
U est appUqué. L'intronisation de l'Etat miUtaire qui consacre l'hégémonie du
projet monopoUste, ne balaies pas nécessairement les contradictions et les dispu-,
tes entre fractions de la bourgeoisie. Ces contradictions déterminent d'aUleurs
le seul espace restreint où se Uvre encore ouvertement une lutte politique.
L'Etat d'exception garantit les conditions de pénétration du capital
étranger et ceUes d'une économie orientée vers l'extérieur. Les mesures qui ouvrent
les portes de l'économie nationale aux firmes multinationales sont multiples
et souvent prises au détriment des accords antérieurs souscrits par les marchés
communs du continent : élimination des barrières douanières, tarifs
préférentiels, privUèges pour le rapatriement des bénéfices, paiement de lourdes
indemnisations. La miUtarisation de l'Etat permet la surexploitation des travaUleurs'
en fixant des critères de rentabiUté incomparablement plus élevés que dans les
conditions normales d'un État démocratico-Ubéral (30). La Uquidation des
syndicats vise à réduire toute pression qui conduirait à la baisse du taux de
profit de ces firmes. -
L'abandon d'un modèle de production tourné vers le marché intérieur au
profit d'une économie orientée vers l'exportation trouve son expression la plus
30 ARMAND MATTELART
est composée d'une myriade de relais de contrôle qui assurent à partir des
organisations de base la communication entre le pouvoir central, les
quartiers, l'entreprise, les corporations professionneUes, les associations de
femmes et de jeunes. Mais U n'est besoin que d'évoquer les tensions qui ont surgi
à propos du modèle du développement économique entre les corporations de
la petite bourgeoisie, ceUes qui comme les camioneurs et les petits commer-.
çants, sont descendues dans la rue pour renverser Allende, et les grandes
corporations patronales, seules interlocutrices valables pour la dictature, pour être
vite persuadé de l'utopie de ce projet (31).
Trois ans à peine après la Déclaration de Principes de la Junte, beaucoup
de propositions de la dictature paraissaient déjà surannées. La nouvelle société
idéologies.'
devait être une société dépoUtisée où la technique remplacerait les
Sans fixer de terme au laps de temps pendant lequel les forces armées et les
forces de l'ordre entendaient retenir le pouvoU* poUtique, la Junte proposait
une nouveUe organisation du pouvoir social qui permettrait, selon eUe, à
travers la participation de tous les citoyens, de constituer une « démocratie
moderne ». Cette démocratie moderne quaUfiée de « démocratie organique »,
terme emprunté à l'État franquiste, ne peut s'obtenir qu'en dépoUtisant tous les
organismes intermédiaires entre l'individu et l'État. Les corporations (gremios)
constitueraient la base de ce nouveau pouvoU social, étant donné qu'eUes
permettaient la prétendue restauration de la technique et l'expulsion paraUèle de
la poUtique :
« Dans une société moderne les corporations sont appelées à être les canaux de
transmission de l'apport technique nécessaire pour permettre au gouvernement de prendre
des décisions... Dans un monde où les problèmes revêtent chaque jour davantage un
caractère technique et de moins en moins idéologique, la fonction de coopération en
matière technique ouvre une nouvelle et ample perspective au corporatisme chilien ».
comme un fait véridique, en faisant appel aux sentiments et aux émotions les plus
connues du pubUc ou du « tout venant » auquel elle est destinée ».
La réhabUitation de la rumeur en cette période de guerre (la rumeur
générale et le Général Rumeur) qui institue le mensonge comme recours obligé de
l'informateur et comme élément de base de l'approche psycho-politique de
la population est d'aUleurs le fruit dialectique des nouveUes formes de lutte
adoptées par les forces de gauche dans la clandestinité. La manipulation de la
rumeur constitue également une tentative de récupérer les nouveaux modes
d'information élaborés par la résistance, privée de tout accès à l'appareU
technologique de diffusion. Tout en programmant systématiquement leurs
campagnes de rumeur, aussi bien à travers le bouche à oreUle qu'à travers les media,
les théoriciens de la guerre psychologique dénient à l'ennemi toute possibUité
d'information véridique, étant donné qu'U n'a pas accès à la source qui
l'authentifie : le pouvoU*. Parmi les exemples donnés dans ce manuel pour Ulustrer
les rumeurs lancées par l'ennemi, figurent les suivantes : « Des milliers de
cadavres flottent dans le Mapocho », « les soldats torturent, perquisitionnent et
volent », « les femmes sont violées et assassinées ». Pourquoi ne pas y avoir ajouté
« la vie est chère » !
Citons un passage de ce manuel qui redéfinit la fonction de l'information,
montre la nécessité de réduire le Ubéralisme dans lequel eUe a baigné et aussi la
nécessité de discréditer les nouveUes en provenance de l'ennemi :
« La guerre exige des peuples une série de sacrifices. L'un d'entre eux est la restriction
de l'information. La menace qui pèse sur le pays rend nécessaire l'adoption de mesures
d'exception [ ... ] L'une d'entre elles consiste à informer de telle manière que les
nouvelles qui se propagent ne confortent pas les vues de ceux qui combattent la Patrie.
Malheureusement une telle mesure entraîne certains effets négatifs. Quand le
monopole de l'information devient évident, la réaction natureUe (mais que l'ennemi utiUse avec
opportunisme) est de chercher d'autres sources d'information qui ne soient pas
apparentées à la source officielle ou qui émettent au moins une opinion différente. C'est
ainsi que se développe, sans direction organique pour ainsi dire, un réseau clandestin
d'information où les nouvelles sont transmises « de bouche à oreille ». Ce dernier
mode de transmission revêtait par le passé une grande fidélité. Mais, les moyens modernes
de communication ont sclérosé cet « art ». Maintenant, quand les nouveUes sont
transmises par un canal marginal, elles adoptent en général un « sens contraire aux nouvelles
officielles » ; cela devient leur caractéristique, ce qui ne manque pas d'imprimer à leur
contenu un certain coefficient passionnel. Cela ajouté à l'exagération qui devient tout
naturellement nécessaire quand on s'affronte à l'appareU de diffusion officiel qui jouit
de crédibilité et d'autorité, fait que les informations orales, vulgairement appelées «
rumeur » soient généralement inexactes et énormément grossies... La rumeur devient un
élément de désinformation, qui peut être tout à fait pernicieux s'U est manipulé par
ceux qui*cherchent à l'utiliser dans des buts d'agression indirecte ».
Dans tous les régimes d'exception du cône Sud, les décrets qui fixent les
normes de la dite sécurité nationale font toujours endosser l'initiative de la guer-
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MILITAIRE 37
continuent à circuler dans ces pays en état de siège qui n'ont cependant pu
étendre le régime d'exception jusqu'à rompre leurs échanges culturels avec la
métropole.
La culture de masse a été conçue à l'intérieur d'un système bien
particuUer d 'aUiances de classe, en harmonie avec les normes et la légalité de la
démocratie représentative, pour combler, Ulusoirement sans doute, le besoin de
démocratiser l'accès au loisir et aux biens spirituels et d'élargir la gamme des
thèmes et des préoccupations de ladite opinion publique. De par leurs
propositions démocratisantes et « pluriclassistes », les media et les messages de la
culture de masse sont en fait un des seuls territoires, avec l'institution
ecclésiastique, où malgré la censure s'expriment encore publiquement des
contradictions sociales. La plateforme des media (télévision, presse, radio) qui, en
l'absence de consensus, de parti, de parlement, doit fournir à là dictature mUitai-
re son « inteUectuel organique » est en même temps le terrain où eUe
rencontre le poids des formes d'organisation du pouvoir léguées par l'État libéral et
toute la rupture qui existe entre les opérations de propagande et l'action mé-
taboUque de l'idéologie. Ce rôle diffus de l'idéologie, dans l'État libéral,
permettait justement à Gramsci de caractériser cet Etat comme 1' « Etat
éducateur » par exceUence, organisateur du consensus. Ce conflit s'exprime de
façon patente au Chili et au BrésU par exemple à travers le fait suivant, entre
autres : les organisations corporatistes les plus vigoureuses sont les
associations de journalistes (colegios de periodistas) qui sont loin de toujours
concorder avec la conception miUtaire de la presse (36). A l'échelle
internationale, on a pu voir une association comme la Société intermaméricaine de presse
(SIP) (qui groupe les propriétaires de presse des deux hémisphères américains),
qui avait pris une part active aux campagnes contre AUende, demander des
comptes à Santiago et à BrasUia.
La nécessité de mettre fin aux contradictions à l'intérieur des media
incite à favoriser une production de plus en plus cohérente avec la régression
fasciste et à sélectionner, dans les programmes importés, ceux qui sont les
plus compatibles avec les valeurs et les attitudes promues par le projet de mUi-
tarisation des généraux et les efforts d'assainissement de la vie politique et
morale. L'augmentation, à la télévision, des programmes de sports, de jeux et de
feuUletons mélodramatiques produits sur place et importés d'autres pays
latino-américains (la production de ces feuUletons a doublé ou triplé dans les
dernières années et de plus en plus de pays s'y lancent) est un indice du besom
ressenti de relever le défi. Il est paradoxal que dans ces pays qui sont
l'expression même d'un Etat consacré aux vues et aux visées des sociétés
multinationales, se manifeste ce besom de « nationaUser », en pleine période d'internationa-
Usation "du capital, les contenus de la culture qui doit rassembler les esprits
autour du modèle de développement promu par le grand capital étranger. VoUà
bien mise en question la thèse de la plané tarisation de la culture de masse, à
l'heure des multinationales.
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MILITAIRE 39
,
Parcourons donc le plan élaboré par la firme américaine.
Après avok éliminé de son champ d'action la catégorie de personnes
irrécupérables, c'est-à-dke ceux qui sont radicalement opposés au gouvernement
Videla, l'agence de relations publiques délimita ses cibles : ceux qui
influencent les modes de penser (la presse, les fonctionnakes gouvernementaux et
les éducateurs), ceux qui influencent les investissements (les personnes-clés
des banques et sociétés comerciales-, les conseillers en investissements ; les
fonctionnakes qui s'occupent du commerce international, les hommes
d'affaires et les conseUlers en management), ceux qui influencent le tourisme (les
agences de voyages, les journaUstes spéciaUsés, le personnel des Ugnes
aériennes, les organisateurs de tours de dexcursions). Viennent ensuite les
démarches à suivre pour atteindre des personnes. Pour chacun des huit pays choisis,
figure une Uste de personnaUtés de la presse, susceptibles d'apporter une
contribution effective à la campagne. Chaque nom est accompagné de quelques
commentakes sur les positions de chacun de ces journalistes et publicistes.
Prenons quelques exemples au hasard.
Wilham Rusher, publiciste, travaiUe k l'hebdomadaire National Review.
PoUtiquement, est extrêmement conservateur. En matière économique, est de
phUosophie Ubérale, partisan de la Ubre entreprise dans le style du XIXème
siècle. Le National Review se considère comme républicain, à la droite du
centre, avec des partisans dans les cercles conservateurs de tout le pays.
Ms Betty Ross, auteur de livres de voyages. A publié dans tous les
magazines spéciaUsés les plus en vue. EUe a déjà commencé à sonder divers
auteurs sur leur mtérêt à écrire des articles sur le tourisme en Argentine. A
déjà analysé avec notre bureau de Washington la possibUité d'organiser un
tour spécial pour les journaUstes de sa spécialité en Argentine.
Jean-Marie Van Der Dussen, responsable de la section Affakes
Etrangères de La libre Belgique, journal conservateur, d'obédience cathoUque, lu
par les classes supérieures et commerçantes. Se situe poUtiquement entre les
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 41
ans plus tard. Au ChiU, on ne compte plus les offres de coopération et les mises
en vente des mines. , .
Par contre, dans le domaine de l'industrie informatique tout comme
dans le nucléake l'impératif de la sécurité nationale, défini en des termes
strictement nationaUstes, semble voulok reprendre ses droits. Encore faut-U
préciser que les diverses dictatures mUitakes n'ont pas toutes les moyens d'une
teUe poUtique et que jusqu'à présent, malgré les velléités des autres, la
dictature brésiUenne est la seule à avok déployé dans ce domaine de l'information les
efforts les plus importants. C'est du moins ce que révèlent les décisions prises
récemment par Brasilia en vue de récupérer le contrôle de l'industrie
mini-informatique. En 1972, le gouvernement fondait la compagnie statale
d'informatique (COBRA, Companhia BrasUeka de Automaçao) et avait recours à la
technologie de la firme anglaise Ferranti pour débuter dans le domaine tout
en s'associant les universités et le ministère de la marine. Peu de temps après,
était étabUe la Commission Fédérale de Coordination des activités de
traitement électronique des informations (CAPRE) qui regroupait les différents
ministères consommateurs et producteurs de données (finance, planification,
industrie, commerce, culture, intérieur), divers organismes d'Êtat-Major et le
conseU de la recherche scientifique. En 1977, le gouvernement lançait une.
offre pubUque pour le développement d'une industrie locale de
mini-ordinateurs. Y répondkent tous les grands fabriquants de l'informatique locale, la
plupart de nationalité américaine, IBM, TRW, Burroughs, NCR, Basic/Four,
TRW, Four-Phase Systems et la firme itaUenne OUvetti. Faut-U préciser que
le marché brésUien de l'informatique était occupé principalement par trois
de ces firmes (OUvetti 33,9%, Burroughs 41,7%, IBM 14,2%). Au grand dépit
de toutes ces sociétés multinationales, la dictature octroya à trois groupes
locaux le soin de développer avec COBRA les bases d'une industrie locale
de la mini-informatique. Pour y arriver, le gouvernement a choisi de fake
appel à la technologie de trois firmes étrangères solidement instaUées dans
leurs propres pays, la firme japonaise Fujitsu Ltd, la française spécialisée dans
le traitement des informations la firme Logabax et l'aUemande Nixdorf qui a
produit le système le plus perfectionné du monde en matière de système
d'information pohcière (celui de BerUn) en voie d'être adopté par l'ensemble de la
RépubUque Fédérale. Toutes trois ont accepté un transfert rapide de leur
know how, ce à quoi semblent résister davantage les firmes des États-Unis
(40).
A cette occasion, les mUitakes plutôt avares de déclarations dans ce
domaine (le secret est norme de la sécurité nationale) sont venus éclaker la
logique de leur choix.
Le transfert rapide de technologie, déclarait Famiral-président de COBRA, « est ce que
désire PÉtat-Major des Forces Armées. Parce que d'une part le Brésil est considéré
comme un des plus grands marchés de mini-ordinateurs du monde, et d'autre part l'État-
Major est. préoccupé d'assurer la souveraineté nationale ».
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 45
Notes '
(1) Cf. l'ouvrage de Robert Boure, Les interdictions professionnelles en Allemagne Fédérale, Ëd.
Maspero, Paris, 1978 et les nombreux articles et dossiers publiés dans Le Monde Diplomatique notamment
<t De nouvelles restrictions aux libertés en Allemagne de l'Ouest » par H. Gollwitzer et A. Menne, mars
1978.
IDÉOLOGIE, INFORMATION ET ÉTAT MIUTAIRE 47
Sur les récents développements de la législation d'exception en France cf. Jacques Isnard, « Le
secrétariat Général revise les procédures de protection intérieure à appliquer en cas de crise », Le Monde,
14-12-1977, p. 18. Cf. les commentaires sur la question dans L'Humanité et Rouge.
(2) Cf. The crisis of democracy. Report on the governability of democracies to the Trilateral
Commission, New York University Press, 1975. La Commission Trilatérale, groupe de « citoyens privés »
constituée en 1973 à l'initiative de David Rockfeller, président de la chase Manhattan Bank, est composée de.
plus de deux cents hommes d'entreprise et de personnalités politiques d'Amérique du Nord, d'Europe
occidentale et du Japon. On y trouve les présidents de Coca-Cola, Béndix, Bank qf America, Exxon,
Carterpiller, Lehman Brothers, Sears & Roebuck, Fiat, Dunlop, Pechiney-Ugine-Kuhlmann, Royal Dutch,
Sony, Toyota, etc. Parmi tes politiciens, figurait jusqu'à son élection Jimmy Carter et figure toujours
Raymond Barre, premier ministre français. Pour une analyse critique de ce rapport cf. Claude Julien,
« Les sociétés libérales victimes d'elles-mêmes ? », Le Monde Diplomatique, mars 1976.
(3) Editera José Olympio, Rio de Janeiro, 1967. Pour les uvres plus récentes, cf. Jose Alfredo Amaral
Gurgel, Segurança e Democracia, José Olympio, 197S ; General Meira Mattos, Brasil-geopolitica destino,
J. Olympio, 1975. Sur la doctrine de la sécurité nationale au Chili, Fuenas armadas y seguridad nacional,
Ed. Portada, Santiago, 1973.
(4) Cf. te dossier du Monde Diplomatique, juillet 1975. Pour tes déclarations de Castelo Branco, cf.
General Meira Mattos, op. cit. .
(5) Cf. Brésil 76, Prisonniers Politiques et État d'exception, rapport de JX. Weil, Editions de
l'association internationale des juristes démocrates, Bruxelles, mars 1976.
(6) Pour une analyse de la « Declaracion de principios del gobierno », cf. A.M., « Un fascisme créole
en quête d'idéologues », Le Monde Diplomatique, juillet 1974. De nombreux autres passages de cette
Déclaration dénotent une claire influence des références franquistes. Les analystes de la revue à grand
tirage de l'Opus Dei chilien (Que Posa) ont eux-mêmes revendiqué le concept de style de vie, refusant
te terme d'idéologie pour dénommer leur doctrine du « nationalisme chilien », en faisant valoir que ce
concept de style de vie (pour banal qu'il puisse paraître) a sa source dans la doctrine du fondateur de la
phalange, José Antonio Primo de Rivera. * '
(7) Cité in Alfred Stepan, The military m politics. Changing patterns in Brazil, Princeton University
Press, 1971.
(8) Augusto Pinochet, Geopolitica, Santiago du Chili, Ed. Andres Bello, 1974. .
(9) Nicholas Spykman, America's strategy in world politics, 1942.
(10) Un simple indice : entre 1940 et 1945 la force de travail est passée de 47 millions à 55 millions.
Plus de 6 millions de personnes trouvèrent du travail dans l'industrie de la défense. Ce que les politiques
de New Deal n'avaient pas réussi à faire pour résoudre la crise des années 30, la mobilisation de guerre te
fit. Dans ces mêmes années, l'agriculture sortit, quant à elle, d'une crise qui durait depuis 1920.
(Consulter Morris, Greenleaf, Ferreli,^4 history of the people America, 1971, Rand Mc Nally, History Series). .
(11) Sur l'histoire du National Security Act, The Pentagon Watchers (édité par Leonard S. Rodberg
et Derek Shearer), Doubleday Anchor Book, New York, 1970. Sur les conséquences de ce type d'Etat
sur tes modèles de technologie, cf. A.M. Multinationales et systèmes de communication, Paris, 1976,
Ed. Anthropos.
(12) Cf. les analyses de Judge Senese, The transformation of juridical structures in Latin America,
rapport présenté au tribunal Russell, Rome, janvier 1976.
(13) U.S. Senate, Foreign and military intelligence, Final Report, 94th congress, april 26, 1976, U.S.
Government printing office, Washington, 1976.
(14) Cf. Multinationales et systèmes de communication, op. cit.
(15) George Relly, « Revolutionary war and psychological action », Military Review, octobre 1960.
(16) Lieutenant Colonel Donn A. Starry, « La guerre révolutionnaire », Military Review, février 1967.
(17) Roger Trinquier, Modern warfare, a french view of counterinsurgency , Praeger, New York, 1964.
En dehors de La guerre moderne, l'ouvrage te plus révélateur de R. Trinquier sur les stratégies
contre-révolutionnaires est sans nul doute celui où il raconte ses expériences de « pacification » en Indochine
(Les maquis d'Indochine. 1952-54, Éditions Albatros, Paris, réédition 1976).
(18) John E. Beebe, « Beating the guerrilla », Military Review, dec. 1955. Sur les expériences des
luttes des guerrilleros philippins, cf. tes travaux et témoignages de William J. Pomeroy, plus particulièrement
Guerrilla and counter guerrilla warfare, New Nork, 1964, International Publishers. (Pomeroy qui
participa à la guerrilla des Huks fut condamné à la prison à vie et libéré au bout de dix ans). Son journal publié
à New York en 1963 sous le titre de The forest et traduit en espagnol par les Cubains, qui conte son expé-
48 ARMAND MATTELART
rience quotidienne de la guerrilla, a été dans tes dernières années 60, te livre de chevet de nombreux
révolutionnaires latino-américains.
(19) Extension course of the psychological warfare school, US Army. Voir aussi Murray Dyer, The
weapon on the wall, rethinking psychological warfare, The John Hopkins Press, Baltimore, 1959 ;
William Daugherty (in collaboration with Morris JanowitzM psychological warfare casebook, John Hopkins
Press, 4ème édition, 1968.
(20) Cf. A.M. « Firmes multinationales et syndicalisme jeune dans la contre-insurrection »,Les Temps
Modernes, janvier 1975.
(21) Le Monde, 26 août 1977. La lettre est signée par te Général Becam, ancien commandant de
l'Ecole supérieure de guerre aérienne, te vice-amiral Sanguinetti, ancien inspecteur général de la marine, te
général Binoche, ancien gouverneur de Berlin. La pénétration des doctrines militaires de l'extrême-droite
française dans certains secteurs des forces armées du Cône-Sud ne devrait cependant pas faire oublier celle
que, parallèlement, ont réalisée les tenants de l'intégrisme français et franquiste. U s'agit là d'un double
front militaire et religieux . Le Général Ongania en Argentine en 1966, dévot de l'Opus Dei, en a été
te meilleur exemple. Les conseillers de Pinochet, adeptes du même mouvement, sont plus laïcisés, même
s'ils affirment tes mêmes convictions théologiques. Cf. sur ce point l'intéressant essai de Ignacio Barker,
« Les fuerzas armadas y el cristianismo en algunos paises de America Latina », Santiago du Chili, Mensa-
le, juin 1977.
(22) Donné par Michael Klare, op. cit., p. 313.
(23) Cel. Starry, art. cit.
(24) Cel. Starry , art. cit.
(25) Raymond A. Moore, « Toward a definition of military nationbuïlding *, Military Review, juillet
1973.
(26) General Mercado, La politica y la estrategia militar en laguerra contrasubversiva en America
Latina, Lima 1967 (publié et condensé par Military Review, mars 1969).
(27) David Wilson, « Nation-building and revolutionary wars » in Nation-Building (édité par K.W.
Deutsch et W J. Foltz, Atherton Press, New York, 1963).
(28) Voir Lucian Pye, reproduit in The role of the military in underdeveloped countries (édité par
J J. Johnson, Princeton University Press, 1962).
(29) Sur ce concept de parti militaire, cf. notamment tes analyses, ainsi que les discussions
auxquel es elles ont donné lieu, de Roberto Guevara, document présenté à la Semaine Latino-américaine,
Belgrade, 7-14 novembre 1977. (en cours de publication).
(30) De nombreux indices attestent cette surexploitation. Le taux d'accident de travail : au Brésil en
1971, 18% de la population active assurée à souffert un accident ; en 1974 cette proportion a atteint 21
à 22%. Dans cette proportion, le taux des accidents mortels augmente à un rythme de plus en plus
accéléré. La baisse du salaire réel est un autre indice : au Brésil, ce salaire réel a baissé de 40% depuis te coup
d'État. En Argentine, il a subi la même baisse en moins d'un an. Au Chili, la réduction des salaires réeb
atteint des chiffres très semblables à ceux de l'Argentine : une baisse de plus de 50% depuis septembre
1973, te salaire représentant dans l'actualité à peine le tiers de ce qu'il était en 1972. (Cf. André Gunder
Frank, Dinamica de dominacién del capitalismo mundial en America Latina, document présenté à la
Semaine Latino-américaine, Belgrade, 7-14 novembre 1977).
(31) Sur l'alliance des corporations de la petite bourgeoisie et de la grande bourgeoisie, dans
l'opposition à Allende, cf. A.M. « La bourgeoisie à l'école de Lénine », Paris, Politique Aujourd'hui, janvier 1974
(reproduit in A. Mattelart, Mass media, idéologies et mouvement révolutionnaire, Paris, Anthropos, 1974.
(32) Cf. The crisis ofdemocracy, op. cit.
(33) Données provenant de Advertising Age (la revue des agences de publicité des États-Unis), 18 avril
1977. Pour l'analyse du comportement d'un autre appareil idéologique, l'appareil éducatif, cf. Tomas
Vascbni, Inès Cristina Reca, Beatriz Pedrano, La militarizaciôn de la Universidad en America del Sur,
document présenté à la Conférence Internationale sur l'Impérialisme Culturel, Alger, 11-15 octobre 1977.
(34) Fuerzas armadas y carabineros, hs cien combates de una batalla, Santiago du Chili, septembre
1973.
(35) Colonel Lovis Berteil. De Qausewitz à la guerre froide. Ed. Berger-Levrault, Paris, 1949.
(36) Cf. sur ce point te bilan établi par la revue chilienne Mensaje, Santiago, juin 1977 (« Medios de
comunicacion social y bien comun »).
(37) Ramona Bechtos « Undercover admen : JWT Bnked to QA Front », Advertising Age, 3-2-1975.
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