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REGARDER LE MONDE, INVENTER DES MONDES

La fiction pour interroger le réel

UNITÉ 4
Lire Au Bonheur des Dames d’Émile Zola (1883).
Durée approximative : 15 heures
Dans le cadre du thème : REGARDER LE MONDE, INVENTER DES MONDES, tu as déjà étudié dans l'unité 2 le registre
fantastique.
Dans cette nouvelle unité, consacrée à l’étude d’un roman de Zola, Au Bonheur des Dames, tu vas maintenant découvrir
une autre manière, pour la fiction, d'interroger le réel.
Ce roman, publié en 1883, va te plonger dans un univers vieux de cent-­cinquante ans qui n’est pas le tien. Pourtant, tu
verras qu’à bien des égards notre monde actuel lui ressemble. Si le décor a quelque peu changé entre le Paris de 1860
et nos grandes villes modernes, si les vêtements et les modes de vie ne sont plus tout à fait les mêmes, les relations
sociales, elles, n’ont guère évolué.
Alors, toi aussi, descends de ce tout nouveau moyen de transport qu’est le train à vapeur. Ouvre grand les yeux, tends
l’oreille. Bienvenue et bon séjour dans le Paris du Second Empire !
Au début de chaque séance (à partir de la séance 2), tu trouveras un résumé des évènements qui se sont déroulés. Ces
résumés te permettront de situer les extraits dans l’ensemble du récit mais ils ne doivent pas remplacer ta propre lec-
ture intégrale de l’œuvre.

SÉANCE 1

Découvrir le début du roman 82


SÉANCE 2

Analyser les débuts d’une jeune vendeuse 88


SÉANCE 3

Étudier la condition des employés au XIXe siècle 92


SÉANCE 4

Comprendre la stratégie commerciale de Mouret 97


SÉANCE 5

Analyser le succès de Denise 102


SÉANCE 6

Comprendre le fonctionnement d’une scène symbolique : l’enterrement de Geneviève 107


SÉANCE 7

Analyser les métamorphoses du grand magasin 112


SÉANCE 8

Étudier l’affiche du film d’André Cayatte 115


SÉANCE 9

Approfondir ses connaissances sur un écrivain et son œuvre 117


SÉANCE 10

Je m’évalue 119

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 81


SÉANCE 1
Découvrir le début du roman

Durée de la séance : 2 heures.

Dans cette séance, tu vas découvrir les premières pages de l’œuvre de Zola et travailler sur le début du roman.
Maintenant, lis attentivement l’extrait qui suit et écoute le début à la piste 17 :

1 Denise était venue à pied de la gare Saint-­Lazare, où un train de Cherbourg l’avait


débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon
de troisième classe. Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés
du voyage, effarés et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons,
5 demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu
demeurait. Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille
s’arrêta net de surprise.
– Oh ! dit-­elle, regarde un peu, Jean !
Et ils restèrent plantés, serrés les uns contre les autres, tout en noir, achevant les
10 vieux vêtements du deuil de leur père. Elle, chétive pour ses vingt ans, l’air pauvre,
portait un léger paquet ; tandis que, de l’autre côté, le petit frère, âgé de cinq ans,
se pendait à son bras, et que, derrière son épaule, le grand-­frère, dont les seize ans
superbes florissaient, était debout, les mains ballantes.
– Ah bien, reprit-­elle après un silence, en voilà un magasin !
15 C’était, à l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-­ Saint-­
Augustin1, un magasin de nouveautés dont les étalages éclataient en notes vives,
dans la douce et pâle journée d’octobre. Huit heures sonnaient à Saint-­Roch, il n’y
avait sur les trottoirs que le Paris matinal, les employés filant à leurs bureaux et les
ménagères courant les boutiques. Devant la porte, deux commis2, montés sur une
20 échelle double, finissaient de pendre des lainages, tandis que, dans une vitrine de
la rue Neuve-­Saint-­Augustin, un autre commis, agenouillé et le dos tourné, plissait
délicatement une pièce de soie bleue. Le magasin, vide encore de clientes, et où le
personnel arrivait à peine, bourdonnait à l’intérieur comme une ruche qui s’éveille.
– Fichtre ! dit Jean. Ça enfonce Valognes3… Le tien n’était pas si beau.
25 Denise hocha la tête. Elle avait passé deux ans là-­bas, chez Cornaille, le premier
marchand de nouveautés de la ville ; et ce magasin, rencontré brusquement, cette
maison énorme pour elle, lui gonflait le cœur, la retenait, émue, intéressée, oublieuse
du reste. Dans le pan coupé donnant sur la place Gaillon, la haute porte, toute
en glace, montait jusqu’à l’entresol4, au milieu d’une complication d’ornements,
30 chargés de dorures. Deux figures allégoriques5, deux femmes riantes, la gorge nue
et renversée, déroulaient l’enseigne : Au Bonheur des Dames. Puis, les vitrines
s’enfonçaient, longeaient la rue de la Michodière et la rue Neuve-­ Saint-­Augustin,
où elles occupaient, outre la maison d’angle, quatre autres maisons, deux à gauche,
deux à droite, achetées et aménagées récemment. C’était un développement qui
35 lui semblait sans fin, dans la fuite de la perspective, avec les étalages du rez-­ de-­
chaussée et les glaces sans tain6 de l’entresol, derrière lesquelles on voyait toute la vie
intérieure des comptoirs. En haut, une demoiselle, habillée de soie, taillait un crayon,
pendant que, près d’elle, deux autres dépliaient des manteaux de velours.
Notes :

1. « l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-­Saint-­Augustin » : quartier situé dans le IIe arrondissement de
Paris, modifié par les travaux d’Haussmann et la construction de l’Opéra.
2. « commis » : employés.
3. « Valognes » : petite ville de la Manche.
4. « entresol » : demi-­étage situé entre le rez-­de-­chaussée et le premier étage.
5. « figures allégoriques » : figures représentant des idées abstraites sous une forme humaine.
6. « glace sans tain » : elles permettent de voir sans être vu.

82 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 1


– Au Bonheur des Dames, lut Jean avec son rire tendre de bel adolescent, qui
40 avait eu déjà une histoire de femme à Valognes. Hein ? c’est gentil, c’est ça qui doit
faire courir le monde !
Mais Denise demeurait absorbée, devant l’étalage de la porte centrale. Il y avait
là, au plein air de la rue, sur le trottoir même, un éboulement de marchandises à bon
marché, la tentation de la porte, les occasions qui arrêtaient les clientes au passage.
45 […] Denise vit une tartanelle à quarante-­ cinq centimes, des bandes de vison
7

d’Amérique à un franc, et des mitaines à cinq sous. C’était un déballage géant de


foire, le magasin semblait crever et jeter son trop-­plein à la rue.
L’oncle Baudu était oublié. Pépé lui-­même, qui ne lâchait pas la main de sa sœur,
ouvrait des yeux énormes. Une voiture les força tous trois à quitter le milieu de la
50 place ; et, machinalement, ils prirent la rue Neuve-­ Saint-­Augustin, ils suivirent les
vitrines, s’arrêtant de nouveau devant chaque étalage. D’abord, ils furent séduits par
un arrangement compliqué : en haut, des parapluies, posés obliquement, semblaient
mettre un toit de cabane rustique ; dessous, des bas de soie, pendus à des tringles,
montraient des profils arrondis de mollets, les uns semés de bouquets de roses, les
55 autres de toutes les nuances, les noirs à jours, les rouges à coins brodés, les chair
dont le grain satiné avait la douceur d’une peau de blonde ; enfin, sur le drap de
l’étagère, des gants étaient jetés symétriquement, avec leurs doigts allongés, leur
paume étroite de vierge byzantine, cette grâce raidie et comme adolescente des
chiffons de femme qui n’ont pas été portés. Mais la dernière vitrine surtout les retint.
60 Une exposition de soies, de satins et de velours, y épanouissait, dans une gamme
souple et vibrante, les tons les plus délicats des fleurs : au sommet, les velours, d’un
noir profond, d’un blanc de lait caillé ; plus bas, les satins, les roses, les bleus, aux
cassures vives, se décolorant en pâleurs d’une tendresse infinie ; plus bas encore,
les soies, toute l’écharpe de l’arc-­en-­ciel, des pièces retroussées en coques, plissées
65 comme autour d’une taille qui se cambre, devenues vivantes sous les doigts savants
des commis ; et, entre chaque motif, entre chaque phrase colorée de l’étalage, courait
un accompagnement discret, un léger cordon bouillonné8 de foulard crème. C’était
là, aux deux bouts, que se trouvaient, en piles colossales, les deux soies dont la
maison avait la propriété exclusive, le Paris-­ Bonheur et le Cuir-­ d’Or9, des articles
70 exceptionnels, qui allaient révolutionner le commerce des nouveautés.
– Oh ! cette faille10 à cinq francs soixante ! murmura Denise, étonnée devant le
Paris-­Bonheur.
Jean commençait à s’ennuyer. Il arrêta un passant.
– La rue de la Michodière, monsieur ?
75 Quand on la lui eut indiquée, la première à droite, tous trois revinrent sur leurs
pas, en tournant autour du magasin. Mais, comme elle entrait dans la rue, Denise
fut reprise11 par une vitrine, où étaient exposées des confections pour dames. Chez
Cornaille, à Valognes, elle était spécialement chargée des confections. Et jamais elle
n’avait vu cela, une admiration la clouait sur le trottoir. Au fond, une grande écharpe
80 en dentelle de Bruges, d’un prix considérable, élargissait un voile d’autel, deux ailes
déployées, d’une blancheur rousse ; des volants de point d’Alençon se trouvaient
jetés en guirlandes ; puis, c’était, à pleines mains, un ruissellement de toutes les
dentelles, les malines, les valenciennes, les applications de Bruxelles, les points
de Venise12, comme une tombée de neige. À droite et à gauche, des pièces de drap
85 dressaient des colonnes sombres, qui reculaient encore ce lointain de tabernacle13. Et
les confections étaient là, dans cette chapelle élevée au culte des grâces de la femme :
occupant le centre, un article hors-­ligne, un manteau de velours, avec des garnitures de
renard argenté ; d’un côté, une rotonde14 de soie, doublée de petit-­gris ; de l’autre, un
Notes :

7. « tartanelle » : étoffe de laine à carreaux.


8. « bouillonné » : froncé.
9. « le Paris-­Bonheur et le Cuir-­d’Or » : deux tissus de soie qui furent vendus au magasin du Louvre à partir de 1882.
10. « faille » : tissu de soie à gros grain.
11. « reprise » : attirée de nouveau.
12. « les malines […] points de Venise » : différents types de dentelles.
13. « tabernacle » : dans une église, petite armoire fermant à clé, située au centre de l’autel et contenant les hosties.
14. « rotonde » : manteau à larges plis de forme circulaire.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 1 83


paletot de drap, bordé de plumes de coq ; enfin, des sorties-­de-­bal15, en cachemire
90 blanc, en matelassé blanc, garnies de cygne ou de chenille. Il y en avait pour tous les
caprices, depuis les sorties-­de-­bal à vingt-­neuf francs jusqu’au manteau de velours
affiché dix-­ huit cents francs. La gorge ronde des mannequins gonflait l’étoffe, les
hanches fortes exagéraient la finesse de la taille, la tête absente était remplacée
par une grande étiquette, piquée avec une épingle dans le molleton rouge du col ;
95 tandis que les glaces, aux deux côtés de la vitrine, par un jeu calculé, les reflétaient
et les multipliaient sans fin, peuplaient la rue de ces belles femmes à vendre, et qui
portaient des prix en gros chiffres, à la place des têtes.
– Elles sont fameuses ! murmura Jean, qui ne trouva rien d’autre pour dire son
émotion.
100 Du coup, il était lui-­ même redevenu immobile, la bouche ouverte. Tout ce luxe
de la femme le rendait rose de plaisir. Il avait la beauté d’une fille, une beauté qu’il
semblait avoir volée à sa sœur, la peau éclatante, les cheveux roux et frisés, les lèvres
et les yeux mouillés de tendresse. Près de lui, dans son étonnement, Denise paraissait
plus mince encore, avec son visage long à bouche trop grande, son teint fatigué déjà,
105 sous sa chevelure pâle. Et Pépé, également blond, d’un blond d’enfance, se serrait
davantage contre elle, comme pris d’un besoin inquiet de caresses, troublé et ravi par
les belles dames de la vitrine. Ils étaient si singuliers16 et si charmants, sur le pavé,
ces trois blonds vêtus pauvrement de noir, cette fille triste entre ce joli enfant et ce
garçon superbe, que les passants se retournaient avec des sourires.
110 Depuis un instant, un gros homme à cheveux blancs et à grande face jaune, debout
sur le seuil d’une boutique, de l’autre côté de la rue, les regardait. Il était là, le sang
aux yeux, la bouche contractée, mis hors de lui par les étalages du Bonheur des
Dames, lorsque la vue de la jeune fille et de ses frères avait achevé de l’exaspérer.
Que faisaient-­ils, ces trois nigauds, à bâiller ainsi devant des parades de charlatan ?
105 – Et l’oncle ? fit remarquer brusquement Denise, comme éveillée en sursaut.
– Nous sommes rue de la Michodière, dit Jean, il doit loger par ici.
Ils levèrent la tête, se retournèrent. Alors, juste devant eux, au-­dessus du gros
homme, ils aperçurent une enseigne verte, dont les lettres jaunes déteignaient sous la
pluie : Au Vieil Elbeuf, draps et flanelles, Baudu, successeur de Hauchecorne.
120 La maison, enduite d’un ancien badigeon17 rouillé, toute plate au milieu des grands
hôtels Louis XIV qui l’avoisinaient, n’avait que trois fenêtres de façade ; et ces fenêtres,
carrées, sans persiennes, étaient simplement garnies d’une rampe de fer, deux barres
en croix. Mais, dans cette nudité, ce qui frappa surtout Denise, dont les yeux restaient
pleins des clairs étalages du Bonheur des Dames, ce fut la boutique du rez-­de-­chaussée,
125 écrasée de plafond, surmontée d’un entresol très bas, aux baies de prison, en demi-­lune.
Une boiserie, de la couleur de l’enseigne, d’un vert bouteille que le temps avait nuancé
d’ocre et de bitume, ménageait, à droite et à gauche, deux vitrines profondes, noires,
poussiéreuses, où l’on distinguait vaguement des pièces d’étoffe entassées. La porte,
ouverte, semblait donner sur les ténèbres humides d’une cave.
130 C’est là, reprit Jean.
Eh bien ! il faut entrer, déclara Denise. Allons, viens, Pépé.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre I
Notes :

15. « sortie-­de-­bal » : vêtement chaud porté sur une robe de bal pour se protéger du froid.
16. « singuliers » : étonnants.
17. « badigeon » : couleur à base de chaux avec laquelle on peint les murailles.
Pour vérifier que tu as compris le texte, réponds aux questions qui suivent sur ton cahier de brouillon. La première partie
de ce travail porte sur le passage compris entre les lignes 1 et 24.

A. L’arrivée à Paris

1. a) Qui sont les trois personnages présents ? Quel âge ont-­ils ?


b) Quel lien les unit ?
c) Pourquoi sont-­ils vêtus de noir ?
d) D’où viennent-­ils et où se rendent-­ils ?

84 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 1


2. a) Repère dans le premier paragraphe les mots qui décrivent l’état dans lequel se trouvent les personnages en
arrivant à Paris et recopie-­les.
b) Devant quel bâtiment les personnages vont-­ils s’arrêter ?
c) Souligne dans le troisième paragraphe (l.15-23) les indications permettant de localiser précisément ce bâti-
ment.
d) Observe maintenant ce plan de Paris datant de 1854 et marque d’une croix l’endroit où se trouvent les per-
sonnages.

— Extrait du Plan de Paris, Girard (1854), Domaine public / gallica.bnf.fr / BNF


Tu peux maintenant comparer tes réponses avec celles contenues dans le corrigé avant de continuer ton travail. Atten-
tion, les deux parties suivantes portent sur l’ensemble de l’extrait.

B. Le grand magasin

1. a) Quel est le nom du grand magasin que les personnages observent ?


b) Surligne dans le troisième paragraphe une comparaison* employée pour décrire ce grand magasin. Pour
quelle raison, selon toi, le narrateur a-­t‑il choisi cette comparaison ?
2. a) À la fin de l’extrait, tu trouveras la description d’un autre magasin : Au Vieil Elbeuf. À qui appartient-­il ?
b) Voici les deux magasins Au Bonheur des Dames et Au Vieil Elbeuf : complète les éléments des dessins par les
expressions suivantes extraites du texte :
• enduite d’un ancien badigeon rouillé
• les lettres jaunes déteignaient
• les étalages éclataient en notes vives
• ouverte […] sur les ténèbres humides d’une cave
• profondes, noires, poussiéreuses
• deux femmes riantes
• tout en glace
• énorme

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 1 85


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Au
les vitrines :

la porte :

l’enseigne :

Au Vieil Elbeuf
les vitrines :

la porte :

c) Explique maintenant en quoi les deux magasins s’opposent l’un à l’autre par leur couleur et leur aspect.
Vérifie l’exactitude de tes réponses avant de passer à la suite de ce travail.

C. La réaction des personnages

1. a) Relis les paroles rapportées aux lignes 8, 14, et 24. Quelle est, d’après toi, la première réaction des person-
nages lorsqu’ils découvrent le magasin Au Bonheur des Dames.
b) Dans les lignes 48 à 90, souligne trois phrases qui montrent à quel point les personnages sont attirés par les
étalages du magasin. Ces phrases contiennent toutes les trois le mot « vitrine ».
c) Les différentes réactions (lignes 25 à 109) des trois personnages ont été placées dans le tableau suivant.
Inscris le nom du personnage auquel elles correspondent en haut de chaque colonne.

Personnages
Réactions • immobile • émue • troublé et ravi
• bouche ouverte • intéressée • ouvrait des yeux
• rose de plaisir • absorbée énormes
• une admiration

d) Voici une image tirée du film d’André Cayatte, Au Bonheur des Dames, en 1943.
Recopie une phrase du début du texte qui pourrait correspondre à cette image.

86 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 1


— Au Bonheur des Dames, A. Cayatte, 1943.
2. a) Relis les passages suivants : l. 42 à 47, l. 75 à 79, l. 120 à 129. Les deux magasins sont décrits à travers le
regard d’un personnage. Lequel ? Pour répondre à cette question, tu dois bien observer les verbes de percep-
tion et ceux qui expriment une impression.
b) Recopie maintenant deux expressions trouvées dans ces passages qui t’ont permis de répondre.
c) Relis le texte à partir de la ligne 75. Quel métier Denise exerçait-­elle à Valognes ?
Tu vas maintenant compléter le « Je retiens » qui suit en t’appuyant sur tes réponses précédentes. Tu feras d’abord ce
travail au brouillon.

JE RETIENS

Découvrir le début du roman


Les premières pages d’un roman, appelées aussi incipit, apportent au lecteur les ___________________ essen-
tielles pour comprendre l’histoire :
• Le nom des personnages : _______________, ____________ et __________
• Leur situation : Leur ______________ vient de mourir et ils viennent retrouver leur ______________.
• Le lieu où se déroulera l’action : la ville de ______________ et________________________.
• Au Bonheur des Dames et Au Vieil Elbeuf sont deux magasins qui _________________ par leur taille et leur
aspect. Le premier symbolise la modernité des grands magasins en plein développement ; le second, les
anciennes boutiques du petit commerce.
• Ces deux magasins sont le plus souvent décrits selon le point de vue* de _____________.

Tu peux maintenant vérifier tes réponses et recopier le « Je retiens » sur ton cahier afin de le mémoriser.

D. Une écriture naturaliste

1. a) Relis le passage compris entre les lignes 75 et 97. La description des articles exposés dans les vitrines est-­
elle détaillée ou générale ?
b) Recopie deux termes techniques employés par l’écrivain pour désigner les vêtements.
2. Relis maintenant les paragraphes compris entre les lignes 117 et 129, consacrés à la description du magasin
Au Vieil Elbeuf.
– « une enseigne verte, dont les lettres jaunes déteignaient sous la pluie » (l. 118-119)
– « la maison, enduite d’un ancien badigeon rouillé » (l. 120)
– « une boiserie […] que le temps avait nuancé d’ocre et de bitume » (l. 126-127)
Sur quel aspect insistent ces trois expressions ?

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3. Quelques pages plus loin, voici la présentation de Mme Baudu et de sa fille :
En quelques phrases brèves, il mettait au courant Mme Baudu et sa fille. La première était une petite femme
mangée d’anémie1, toute blanche, les cheveux blancs, les yeux blancs, les lèvres blanches. Geneviève, chez qui
s’aggravait encore la dégénérescence de sa mère, avait la débilité2 et la décoloration d’une plante grandie à
l’ombre. Pourtant, des cheveux noirs magnifiques, épais et lourds, poussés comme par miracle dans cette chair
pauvre, lui donnaient un charme triste.
Notes :

1. « anémie » : faiblesse due à la diminution des globules rouges dans le sang.


2. « débilité » : extrême faiblesse.
a) Quelle image des deux femmes est donnée dans ce passage ?
b) Souligne dans ce texte une expression qui montre que la faiblesse physique de la mère a été transmise à la fille.
c) Quelle métaphore* est employée pour caractériser Geneviève ?
Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le corrigé. Puis tu recopieras et mémoriseras le « Je retiens » qui suit.

JE RETIENS

Une écriture naturaliste


Le mot « naturaliste » a d'abord appartenu au domaine scientifique : le naturaliste observait les êtres (plantes,
animaux) dans leur milieu pour comprendre leur comportement et leurs interactions. Émile Zola a repris le
terme scientifique pour le faire entrer dans le domaine littéraire : avec lui, l'écrivain dévient naturaliste, c'est-
à-dire qu'il observe les gens dans leur milieu géographique et social pour comprendre leur comportement. Il
en fait ensuite des personnages de romans.
Le roman naturaliste se caractérise donc par :
• l’aspect documentaire des descriptions précises et détaillées (les articles des étalages)
• une attention portée à la transformation, à l’usure et la dégradation des choses (le magasin Au Vieil Elbeuf)
• une prise en compte du corps et une mise au jour de l’hérédité (ici entre Geneviève et sa mère)
• une analyse minutieuse des milieux sociaux et des rapports entre eux.

Lis attentivement les quatre premiers chapitres. Comme Denise, tu entreras dans les deux magasins. Tu rencontreras
de nouveaux personnages (l’oncle Baudu, Octave Mouret et bien d’autres).

SÉANCE 2
Analyser les débuts d’une jeune vendeuse
Durée de la séance : 1 h 30.
Voici un petit résumé des chapitres précédents.
Denise s’est présentée chez son oncle Baudu, propriétaire du Vieil Elbeuf, un vieux magasin de tissus. Elle est ensuite
embauchée comme vendeuse au Bonheur des Dames, ce qui provoque la colère de Baudu. Elle rencontre le directeur,
Octave Mouret, qui est troublé par cette jeune provinciale timide et mal à l’aise. La grande vente des nouveautés d’hiver
arrive. Au cours d’une journée pénible, Denise subit les moqueries des autres vendeuses parce que sa robe est trop
grande et qu’elle est mal coiffée. Le lendemain, la jeune fille est convoquée dans le bureau de Mouret.

1 Le lendemain, Denise était descendue au rayon depuis une demi-­heure à peine,


lorsque Mme Aurélie lui dit de sa voix brève :
– Mademoiselle, on vous demande à la direction.
La jeune fille trouva Mouret seul, assis dans le grand cabinet tendu de reps1 vert. Il
5 venait de se rappeler « la mal peignée », comme la nommait Bourdoncle ; et lui
qui répugnait d’ordinaire au rôle de gendarme, il avait eu l’idée de la faire comparaître
pour la secouer un peu, si elle était toujours fagotée en provinciale. La veille, malgré
sa plaisanterie, il avait éprouvé devant Mme Desforges une contrariété d’amour-­
propre, en voyant discuter l’élégance d’une de ses vendeuses. C’était, chez lui, un
10 sentiment confus, un mélange de sympathie et de colère.

Notes :

1. « reps » : tissu d’ameublement.

88 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 2


– Mademoiselle, commença-­ t‑il, nous vous avions prise par égard pour votre
oncle, et il ne faut pas nous mettre dans la triste nécessité de…
Mais il s’arrêta. En face de lui, de l’autre côté du bureau, Denise se tenait droite,
sérieuse et pâle. Sa robe de soie n’était plus trop large, serrant sa taille ronde, moulant
15 les lignes pures de ses épaules de vierge ; et, si sa chevelure, nouée en grosses
tresses, restait sauvage, elle tâchait du moins de se contenir. Après s’être endormie
toute vêtue, les yeux épuisés de larmes, la jeune fille, en se réveillant vers quatre
heures, avait eu honte de cette crise de sensibilité nerveuse. Et elle s’était mise
immédiatement à rétrécir la robe, elle avait passé une heure devant l’étroit miroir, le
20 peigne dans ses cheveux, sans pouvoir les réduire2, comme elle l’aurait voulu.
– Ah ! Dieu merci ! murmura Mouret, vous êtes mieux ce matin… Seulement, ce
sont encore ces diablesses de mèches !
Il s’était levé, il vint corriger sa coiffure, du même geste familier dont Mme Aurélie
avait essayé de le faire la veille.
25 – Tenez ! rentrez donc ça derrière l’oreille… Le chignon est trop haut.
Elle n’ouvrait pas la bouche, elle se laissait arranger. Malgré son serment d’être
forte, elle était arrivée toute froide dans le cabinet, avec la certitude qu’on l’appelait
pour lui signifier son renvoi. Et l’évidente bienveillance de Mouret ne la rassurait
pas, elle continuait à le redouter, à ressentir près de lui ce malaise qu’elle expliquait
30 par un trouble bien naturel, devant l’homme puissant dont sa destinée dépendait.
Quand il la vit si tremblante sous ses mains qui lui effleuraient la nuque, il eut regret
de ce mouvement d’obligeance3, car il craignait surtout de perdre son autorité.
– Enfin, mademoiselle, reprit-­ il en mettant de nouveau le bureau entre elle et
lui, tâchez de veiller sur votre tenue. Vous n’êtes plus à Valognes, étudiez nos
35 Parisiennes… Si le nom de votre oncle a suffi pour vous ouvrir notre maison, je veux
croire que vous tiendrez ce que votre personne m’a semblé promettre. Le malheur
est que tout le monde ici ne partage point mon avis… Vous voilà prévenue, n’est-­ce
pas ? Ne me faites pas mentir.
Il la traitait en enfant, avec plus de pitié que de bonté, sa curiosité de féminin
40 simplement mise en éveil par la femme troublante qu’il sentait naître chez cette
enfant pauvre et maladroite. Et elle, pendant qu’il la sermonnait, ayant aperçu le
portrait de Mme Hédouin, dont le beau visage régulier souriait gravement dans le
cadre d’or, se trouvait reprise d’un frisson, malgré les paroles encourageantes qu’il
lui adressait. C’était la dame morte, celle que le quartier l’accusait d’avoir tuée, pour
45 fonder la maison sur le sang de ses membres.
Mouret parlait toujours.
– Allez, dit-­il enfin, assis et continuant à écrire.
Elle s’en alla, elle eut dans le corridor un soupir de profond soulagement.
À partir de ce jour, Denise montra son grand courage. Sous les crises de sa
50 sensibilité, il y avait une raison sans cesse agissante, toute une bravoure d’être faible
et seul, s’obstinant gaiement au devoir qu’elle s’imposait. Elle faisait peu de bruit,
elle allait devant elle, droit à son but, par-­dessus les obstacles ; et cela simplement,
naturellement, car sa nature même était dans cette douceur invincible.
D’abord, elle eut à surmonter les terribles fatigues du rayon. Les paquets de
55 vêtements lui cassaient les bras, au point que, pendant les six premières semaines,
elle criait la nuit en se retournant, courbaturée, les épaules meurtries. Mais elle
souffrit plus encore de ses souliers, de gros souliers apportés de Valognes, et que le
manque d’argent l’empêchait de remplacer par des bottines légères. Toujours debout,
piétinant du matin au soir, grondée si on la voyait s’appuyer une minute contre la
60 boiserie, elle avait les pieds enflés, des petits pieds de fillette qui semblaient broyés
dans des brodequins4 de torture ; les talons battaient de fièvre, la plante s’était cou-
verte d’ampoules, dont la peau arrachée se collait à ses bas. Puis, elle éprouvait
un délabrement du corps entier, les membres et les organes tirés par cette lassitude
des jambes, de brusques troubles dans son sexe de femme, que trahissaient les pâles
Notes :

2. « réduire » : arranger, en parlant de cheveux.


3. « mouvement d’obligeance » : mouvement d’amabilité, de gentillesse.
4. « brodequins » : chaussures d’étoffe, de peau, couvrant le pied et le bas de la jambe.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 2 89


65 couleurs de sa chair. Et elle, si mince, l’air si fragile, résista, pendant que beaucoup
de vendeuses devaient quitter les nouveautés, atteintes de maladies spéciales. Sa
bonne grâce à souffrir, l’entêtement de sa vaillance la maintenaient souriante et
droite, lorsqu’elle défaillait5, à bout de forces, épuisée par un travail auquel des
hommes auraient succombé.
70 Ensuite, son tourment fut d’avoir le rayon contre elle. Au martyre6 physique
s’ajoutait la sourde persécution de ses camarades. Après deux mois de patience et
de douceur, elle ne les avait pas encore désarmées. C’étaient des mots blessants,
des inventions cruelles, une mise à l’écart qui la frappait au cœur, dans son besoin
de tendresse. On l’avait longtemps plaisantée sur son début fâcheux ; les mots de
75 « sabot », de « tête de pioche » circulaient, celles qui manquaient une vente étaient
envoyées à Valognes, elle passait enfin pour la bête du comptoir. Puis, lorsqu’elle
se révéla plus tard comme une vendeuse remarquable, au courant désormais du
mécanisme de la maison, il y eut une stupeur indignée ; et, à partir de ce moment,
ces demoiselles s’entendirent de manière à ne jamais lui laisser une cliente sérieuse.
80 Marguerite et Clara la poursuivaient d’une haine instinctive, serraient les rangs
pour ne pas être mangées par cette nouvelle venue, qu’elles redoutaient sous leur
affectation de dédain. Quant à Mme Aurélie, elle était blessée de la réserve fière de
la jeune fille, qui ne tournait pas autour de sa jupe d’un air d’admiration caressante ;
aussi l’abandonnait-­ elle aux rancunes de ses favorites, des préférées de sa cour,
85 toujours agenouillées, occupées à la nourrir d’une flatterie continue, dont sa forte
personne autoritaire avait besoin pour s’épanouir.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre V
Notes :

5. « défaillait » : s’affaiblissait, se trouvait mal.


6. « martyre » : ici, grande souffrance physique.
Pour vérifier ta compréhension du texte, réponds aux questions qui suivent.

A. L’entretien avec le directeur

1. a) Pour quelle raison Denise est-­elle convoquée par le directeur ?


b) Qu’a-­t‑elle fait la nuit précédente pour améliorer son image ?
c) Lorsqu’elle se rend chez le directeur, de quoi Denise est-­elle persuadée ?
2. a) Comment Mouret traite-­t‑il la jeune femme ?
b) Relève dans l’extrait une phrase qui pourrait correspondre à cette image tirée du film d’André Cayatte, Au
Bonheur des Dames, réalisé en 1943.

— Au Bonheur des Dames, A. Cayatte (1943)


Vérifie tes réponses dans le corrigé avant de poursuivre ton travail. Attention, les questions qui suivent portent exclusive-
ment sur le passage situé entre les lignes 49 et 86.

90 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 2


B. Analyser le vocabulaire de la souffrance

1. Les souffrances endurées par Denise sont de deux natures différentes. Lesquelles ?
2. « le martyre physique »
a) Souligne, dans les lignes 54 à 69, les mots et expressions désignant les souffrances physiques précises de
Denise.
b) Dans ce passage, certains mots ou expressions sont synonymes (= de même sens).
À toi de les retrouver en t’aidant de l’initiale :
F _ _ _ _ _ _ (S) = L _ _ _ _ _ _ _ _
À _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ = É_ _ _ _ _ _
c) Voici des listes de mots employés dans ce passage. Recopie chaque liste en classant les termes par leur
sens : du plus faible au plus fort. Tu peux consulter le dictionnaire pour t’aider.
– Liste 1 : maladies – fatigues – troubles
– Liste 2 : meurtries – broyés – courbaturée
– Liste 3 : défaillir – succomber – souffrir
3. « la sourde persécution de ses camarades » (l. 71)
a) Souligne dans les lignes 70 à 82 les mots ou expressions désignant les différentes façons dont Denise est
persécutée par ses collègues.
b) Quels sont les deux mots qu’emploient les vendeuses pour parler de Denise ?
c) Recherche dans le dictionnaire les différents sens de l’adjectif qualificatif « sourd » et recopie celui qui corres-
pond à l’expression « la sourde persécution de ses camarades ».
4. a) « À partir de ce jour, Denise montra son grand courage » (l. 49). Surligne dans la suite du texte (l. 49 à 67) deux
synonymes du mot « courage ».
b) « Elle allait devant elle, droit à son but par-­dessus les obstacles ; […] » (l. 52). Par quel nom peut-­on désigner
le trait de caractère dont fait preuve Denise ? Tu trouveras la réponse dans les lignes qui suivent cette phrase.
c) Relève dans le dernier paragraphe une expression qui annonce l’évolution des qualités de vendeuse de
Denise.
Tu peux maintenant vérifier tes réponses dans le corrigé. Puis tu recopieras et mémoriseras le « Je retiens » qui suit.

JE RETIENS

Le vocabulaire de la souffrance
Dans ce passage, les souffrances endurées par Denise sont à la fois physiques (fatigue, épuisement, courba-
tures, ampoules) et morales (mots blessants, moqueries, humiliation).
Le lexique est varié et permet d’exprimer des degrés différents dans la souffrance.
Les noms : délabrement, lassitude, tourment, persécution, martyre, torture.
Les verbes : meurtrir, blesser, défaillir, souffrir, succomber.
Les adjectifs et participes passés : blessant, blessé, cruel, tremblant, souffrant, malheureux, désespéré,
abattu...

C. Expression écrite

Pour terminer cette séance, tu vas faire un petit exercice d’écriture.


Tu décriras, dans un petit paragraphe de 5 à 8 lignes, une personne effectuant un métier difficile et fatigant.
Pour réussir ton exercice, tu dois :
• décrire une personne effectuant un métier difficile et fatigant
• employer le vocabulaire de la souffrance étudié dans cette séance
• conjuguer les verbes à l’imparfait.
Fais d’abord cet exercice au brouillon. Vérifie ensuite que tu as bien respecté les consignes.
Mets une croix dans le tableau quand c’est le cas.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 2 91


Je vérifie que… Fait
J’ai décrit une personne effectuant un métier difficile et fatigant.
J’ai employé le vocabulaire de la souffrance étudié dans la séance.
J’ai conjugué les verbes à l’imparfait.

Quand tu as vérifié ton paragraphe, recopie-­le dans ton cahier puis lis dans le corrigé un exemple de ce qu'il était pos-
sible d'écrire.
Maintenant, achève la lecture du chapitre V : les difficultés financières de Denise, sa relation avec Pauline, la sortie à la
campagne. Tu peux aussi commencer à lire le chapitre VI pour préparer la séance suivante.

SÉANCE 3
Étudier la condition des employés au XIXe siècle

Durée de la séance : 2 heures.


Denise s’est liée d’amitié avec une vendeuse du rayon lingerie, Pauline, qui lui témoigne beaucoup de sympathie. Mais
elle subit toujours les moqueries de ses collègues.
Dans cette séance, tu vas étudier la condition des employés au XIXe siècle. Tu travailleras donc sur le lexique de la cri-
tique sociale. Tu découvriras également le fonctionnement des propositions subordonnées circonstancielles de cause, de
conséquence et de but.

Lis maintenant très attentivement l’extrait qui suit et écoute le début à la piste 18. Il s’agit du début du chapitre VI.

1 Quand la morte-­saison d’été fut venue, un vent de panique souffla au Bonheur des
Dames. C’était le coup de terreur des congés, les renvois en masse dont la direction
balayait le magasin, vide de clientes pendant les chaleurs de juillet et d’août.
5 Mouret, chaque matin, lorsqu’il faisait avec Bourdoncle son inspection, prenait à
part les chefs de comptoir, qu’il avait poussés, l’hiver, pour que la vente ne souffrît
pas, à engager plus de vendeurs qu’il ne leur en fallait, quitte à écrémer1 ensuite leur
personnel. Il s’agissait maintenant de diminuer les frais, en rendant au pavé un bon
tiers des commis, les faibles qui se laissaient manger par les forts.
10 – Voyons, disait-­ il, vous en avez là-­ dedans qui ne font pas votre affaire… On ne
peut les garder pourtant à rester ainsi, les mains ballantes.
Et, si le chef de comptoir hésitait, ne sachant lesquels sacrifier :
– Arrangez-­ vous, six vendeurs doivent vous suffire… Vous en reprendrez en
octobre, il en traîne assez dans les rues !
D’ailleurs, Bourdoncle se chargeait des exécutions. Il avait, de ses lèvres minces,
15 un terrible : « Passez à la caisse ! » qui tombait comme un coup de hache. Tout lui
devenait prétexte pour déblayer le plancher. Il inventait des méfaits2, il spéculait sur
les plus légères négligences . « Vous étiez assis, monsieur : passez à la caisse ! – Vous
répondez, je crois : passez à la caisse ! – Vos souliers ne sont pas cirés : passez à
la caisse ! » Et les braves eux-­ mêmes tremblaient, devant le massacre qu’il laissait
20 derrière lui. Puis, la mécanique ne fonctionnant pas assez vite, il avait imaginé un
traquenard, où, en quelques jours, il étranglait sans fatigue le nombre de vendeurs
condamnés d’avance. Dès huit heures, il se tenait debout sous la porte, sa montre à la
main ; et, à trois minutes de retard, l’implacable : « Passez à la caisse ! » hachait les
jeunes gens essoufflés. C’était de la besogne vivement et proprement faite.
25 – Vous avez une sale figure, vous ! finit-­il par dire un jour à un pauvre diable dont
le nez de travers l’agaçait. Passez à la caisse !
Notes :

1. « écrémer » : licencier une partie du personnel.


2. « méfaits » : mauvaises actions.

92 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 3


Les protégés obtenaient quinze jours de vacances, qu’on ne leur payait pas, ce qui
était une façon plus humaine de diminuer les frais. Du reste, les vendeurs acceptaient
leur situation précaire3, sous le fouet de la nécessité et de l’habitude. Depuis leur
30 débarquement à Paris, ils roulaient sur la place, ils commençaient leur apprentissage à
droite, le finissaient à gauche, étaient renvoyés ou s’en allaient d’eux-­mêmes, tout d’un
coup, au hasard de l’intérêt. L’usine chômait, on supprimait le pain aux ouvriers ; et cela
passait dans le branle4 indifférent de la machine, le rouage inutile était tranquillement
jeté de côté, ainsi qu’une roue de fer, à laquelle on ne garde aucune reconnaissance des
35 services rendus. Tant pis pour ceux qui ne savaient pas se tailler leur part !
Maintenant, les rayons ne causaient plus d’autre chose. Chaque jour, de
nouvelles histoires circulaient. On nommait les vendeurs congédiés, comme, en
temps d’épidémie, on compte les morts. Les châles et les lainages surtout furent
éprouvés : sept commis y disparurent en une semaine. Puis, un drame bouleversa
la lingerie, où une acheteuse s’était trouvée mal, en accusant la demoiselle qui la
40
servait de manger de l’ail ; et celle-­ci fut chassée sur l’heure, bien que, peu nourrie et
toujours affamée, elle achevât simplement au comptoir toute une provision de croûtes
de pain. La direction se montrait impitoyable, devant la moindre plainte des clientes ;
aucune excuse n’était admise, l’employé avait toujours tort, devait disparaître ainsi
45 qu’un instrument défectueux, nuisant au bon mécanisme de la vente ; […].
Cependant, Denise, au milieu de ce coup de balai, était si menacée, qu’elle vivait
dans la continuelle attente d’une catastrophe. Elle avait beau être courageuse, lutter
de toute sa gaieté et de toute sa raison, pour ne pas céder aux crises de sa nature
tendre : des larmes l’aveuglaient dès qu’elle avait refermé la porte de sa chambre, elle
50 se désolait en se voyant à la rue, fâchée avec son oncle, ne sachant où aller, sans un
sou d’économie, et ayant sur les bras les deux enfants. Les sensations des premières
semaines renaissaient, il lui semblait être un grain de mil5 sous une meule puissante ;
et c’était, en elle, un abandon découragé, à se sentir si peu de chose, dans cette grande
machine qui l’écraserait avec sa tranquille indifférence. Aucune illusion n’était
55 possible : si l’on congédiait une vendeuse des confections, elle se trouvait désignée.
Sans doute, pendant la partie de Rambouillet, ces demoiselles avaient monté la
tête de Mme Aurélie, car cette dernière la traitait depuis lors d’un air de sévérité,
où il entrait comme une rancune. On ne lui pardonnait pas d’ailleurs d’être allée à
Joinville, on voyait là une révolte, une façon de narguer le comptoir tout entier, en
60 s’affichant dehors avec une demoiselle du comptoir ennemi. Jamais Denise n’avait
plus souffert au rayon, et maintenant elle désespérait de le conquérir.
– Laissez-­les donc ! répétait Pauline, des poseuses qui sont bêtes comme des oies !
Mais c’étaient justement ces allures de dame qui intimidaient la jeune fille. Presque
toutes les vendeuses, dans leur frottement quotidien avec la clientèle riche, prenaient
65 des grâces, finissaient par être d’une classe vague, flottant entre l’ouvrière et la
bourgeoise ; et, sous leur art de s’habiller, sous les manières et les phrases apprises, il
n’y avait souvent qu’une instruction fausse, la lecture des petits journaux, des tirades
de drame, toutes les sottises courantes du pavé de Paris.
– Vous savez que la mal-­peignée a un enfant, dit un matin Clara, en arrivant au
70 rayon.
Et, comme on s’étonnait :
– Puisque je l’ai vue hier soir qui promenait le mioche !… Elle doit le remiser6
quelque part.
À deux jours de là, Marguerite, en remontant de dîner, donna une autre nouvelle.
75 – C’est du propre, je viens de voir l’amant de la mal peignée… Un ouvrier,
imaginez-­vous ! oui, un sale petit ouvrier, avec des cheveux jaunes, qui la guettait à
travers les vitres.
Notes :

3. « précaire » : instable, dont la durée est incertaine.


4. « branle » : mouvement.
3. « précaire » : instable, dont la durée est incertaine.
4. « branle » : mouvement.
5. « mil » : céréale à petits grains cultivée surtout en Afrique.
6. « remiser » : mettre à l’écart pour le cacher.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 3 93


Dès lors, ce fut une vérité acquise : Denise avait un manœuvre pour amant, et
cachait un enfant dans le quartier. On la cribla d’allusions méchantes. La première
80 fois qu’elle comprit, elle devint toute pâle, devant la monstruosité de pareilles
suppositions. C’était abominable, elle voulut s’excuser, elle balbutia :
– Mais ce sont mes frères !
– Oh ! ses frères ! dit Clara de sa voix de blague.
Il fallut que Mme Aurélie intervînt.
85 – Taisez-­ vous ! mesdemoiselles, vous feriez mieux de changer ces étiquettes…
Mlle Baudu est bien libre de se mal conduire dehors. Si elle travaillait ici, au moins !
Et cette défense sèche était une condamnation. La jeune fille, suffoquée comme
si on l’avait accusée d’un crime, tâcha vainement d’expliquer les faits. On riait, on
haussait les épaules. Elle en garda une plaie vive au cœur. Deloche, lorsque le bruit se
90 répandit, fut tellement indigné, qu’il parlait de gifler ces demoiselles des confections ;
et, seule, la crainte de la compromettre le retint. Depuis la soirée de Joinville, il avait
pour elle un amour soumis, une amitié presque religieuse, qu’il lui témoignait par ses
regards de bon chien. Personne ne devait soupçonner leur affection, car on se serait
moqué d’eux ; mais cela ne l’empêchait pas de rêver de brusques violences, le coup
95 de poing vengeur, si jamais on s’attaquait à elle devant lui.
Denise finit par ne plus répondre. C’était trop odieux, personne ne la croirait.
Quand une camarade risquait une nouvelle allusion, elle se contentait de la regarder
fixement, d’un air triste et calme. D’ailleurs, elle avait d’autres ennuis, des soucis
matériels qui la préoccupaient davantage. Jean continuait à n’être pas raisonnable, il
100 la harcelait toujours de demandes d’argent. Peu de semaines se passaient, sans qu’elle
reçût de lui toute une histoire, en quatre pages ; et quand le vaguemestre7 de la maison
lui remettait ces lettres d’une grosse écriture passionnée, elle se hâtait de les cacher
dans sa poche, car les vendeuses affectaient de rire, en chantonnant des gaillardises8.
Puis, après avoir inventé des prétextes pour aller déchiffrer les lettres à l’autre bout
105 du magasin, elle était prise de terreurs : ce pauvre Jean lui semblait perdu. Toutes les
bourdes9 réussissaient auprès d’elle, des aventures d’amour extraordinaires, dont son
ignorance de ces choses exagérait encore les périls. C’étaient une pièce de quarante
sous pour échapper à la jalousie d’une femme, et des cinq francs, et des six francs qui
devaient réparer l’honneur d’une pauvre fille, que son père tuerait sans cela. Alors,
110 comme ses appointements et son tant pour cent10 ne suffisaient point, elle avait eu
l’idée de chercher un petit travail, en dehors de son emploi. Elle s’en était ouverte à
Robineau, qui lui restait sympathique, depuis leur première rencontre chez Vinçard ;
et il lui avait procuré des nœuds de cravate, à cinq sous la douzaine. La nuit, de neuf
heures à une heure, elle pouvait en coudre six douzaines, ce qui lui faisait trente sous,
115 sur lesquels il fallait déduire une bougie de quatre sous.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre VI
Notes :

7. « vaguemestre » : ici, personne chargée de remettre le courrier aux employés.


8. « gaillardises » : paroles un peu libres et osées.
9. « bourdes » : mensonges.
10. « tant pour cent » : pourcentage du chiffre de la vente reversé aux vendeurs.
Pour vérifier ta compréhension du texte, tu vas répondre aux questions suivantes qui portent toutes sur le passage situé
entre les lignes 1 et 45.

A. « Le coup de terreur des congés »

1. « Un vent de panique » (l. 1)


a) Pourquoi un « vent de panique » souffle-­t‑il au Bonheur des Dames ?
b) Pourquoi cela intervient-­il en été ?
2. a) Quel personnage se charge de renvoyer les commis ?
b) Quelle phrase ce personnage prononce-­t‑il toujours pour annoncer aux vendeurs qu’ils sont renvoyés ?
c) Recopie trois exemples de motifs utilisés pour licencier les employés.
d) Ces motifs te paraissent-­ils justes ?
Compare maintenant tes réponses avec le corrigé puis poursuis ton travail.

94 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 3


B. La critique sociale

1. a) Les renvois sont désignés par le mot « exécutions » (l. 14). Souligne, dans les lignes 14 à 24, cinq termes qui
développent cette métaphore*.
b) Relie chacun des verbes suivants à son complément et tu retrouveras quatre expressions employées dans
l’extrait pour exprimer le renvoi des commis.

Verbes Compléments
écrémer • • au pavé
balayer • • le plancher
rendre • • le personnel
déblayer • • le magasin

c) D’après tes réponses aux questions a) et b), l’image de ces renvois est-­elle péjorative* ou méliorative* ?
2. a) Pourquoi les vendeurs acceptent-­ils leur « situation précaire » ?
b) Des lignes 46 à 61, quelle métaphore montre la fragilité professionnelle de Denise ? Complète le schéma avec
les mots du texte.
grain de mil
____________

Denise le magasin

____________ cette grande machine qui l'écraserait

c) De manière générale, les directeurs de magasins ou d’usines se préoccupent-­ils du sort de leurs employés ?
Relève dans les lignes 27 à 35 une expression qui t’a permis de répondre.
3. « L’usine chômait, on supprimait le pain aux ouvriers » (l. 32)
a) Souligne deux mots dans cette phrase qui montrent que le propos du narrateur ne concerne plus seulement
les commis du Bonheur des Dames mais prend une dimension plus générale.
b) Dans cette phrase, quelle relation logique (opposition, cause, conséquence, but, condition) y a-­t‑il entre les
deux propositions ?
c) Récris cette phrase en exprimant cette relation logique par une conjonction de coordination ou de subordina-
tion.
d) Comment cette phrase traduit-­elle l’aspect mécanique et répétitif des licenciements ?
4. a) Relève dans les lignes 27 à 35 des phrases dans lesquelles le narrateur intervient pour émettre un jugement.
b) D’après l’ensemble de tes réponses précédentes, précise quel regard le narrateur porte sur la façon dont les
employés sont traités et renvoyés.
Tu peux vérifier tes réponses dans le corrigé. Passe maintenant à l’exercice d’expression écrite qui suit.

C. Expression écrite

Pour terminer cette séance, tu vas maintenant faire un petit travail d’expression écrite.
Sujet : Comment Émile Zola présente-­t‑il dans cet extrait la condition des employés au XIXe siècle ?
Rédige sur ton cahier de brouillon un paragraphe argumenté de quelques lignes.
Ton paragraphe comprendra les mots-­clés suivants : renvoi(s) – précaire - indifférence – exécution – métaphore –
péjoratif – jugement – dénoncer.
N'hésite pas à utiliser l'aide qui t'est proposée à la page suivante.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 3 95


Comment structurer sa réponse argumentée ?
On attend une réponse claire et synthétique. La réponse comporte :
• une brève introduction qui est une réponse claire à la question. Cette réponse reprend les éléments de la
question.
Ex. : À quel registre appartient le texte étudié ?  Le texte étudié est fantastique.
• un développement composé de justifications qui sont des arguments.
Les arguments sont des éléments qui justifient un point de vue. Dans un texte littéraire, ce peut être des procédés
littéraires et linguistiques ou des thèmes.
Quand il y a plusieurs arguments, il est nécessaire de les introduire par des connecteurs (mots de liaison) tels que
« d’abord », « ensuite », « enfin »… :
Ex. : Le texte étudié est fantastique (réponse/point de vue). D’abord, il est écrit à la première personne du singulier
comme la plupart des textes fantastiques (argument 1). Ensuite, le champ lexical de la peur y est omniprésent (argu-
ment 2). Enfin, et surtout, le cadre réaliste est bouleversé par l'irruption d'un événement surnaturel : un être invisible
hante la maison (argument 3).

Compare maintenant ton paragraphe argumenté avec celui proposé dans le corrigé, puis recopie-­le sur ton cahier sous
la forme d’un « Je retiens ».

D. Les propositions subordonnées circonstancielles : cause, conséquence, but

Tu vas maintenant travailler sur les propositions subordonnées circonstancielles. Avant d’effectuer ce travail, lis attenti-
vement le rappel ci-­dessous.

Rappels :
• On appelle phrase complexe une phrase comportant plusieurs propositions, donc plusieurs verbes conju-
gués.
• Dans une phrase complexe, les propositions peuvent être :
— juxtaposées : reliées par un signe de ponctuation
— coordonnées : reliées par une conjonction de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car) ou par un adverbe de
liaison (alors, ensuite, puis…)
— subordonnées : reliées par un mot subordonnant (pronom relatif, conjonction de subordination, mot interroga-
tif).

1. Voici trois phrases dans lesquelles des propositions subordonnées circonstancielles ont été soulignées.
Phrase 1 : « Cependant Denise, au milieu de ce coup de balai, était si menacée, qu’elle vivait dans la continuelle
attente d’une catastrophe. »
Phrase 2 : « Alors, comme ses appointements et son tant pour cent ne suffisaient point, elle avait eu l’idée de
chercher un petit travail, en dehors de son emploi. »
Phrase 3 : « Mouret, chaque matin, lorsqu’il faisait avec Bourdoncle son inspection, prenait à part les chefs de
comptoir, qu’il avait poussés, l’hiver, pour que la vente ne souffrît pas, à engager plus de vendeurs
qu’il ne leur en fallait, quitte à écrémer ensuite leur personnel. »
a) Encadre la conjonction de subordination (ou locution conjonctive) employée dans chaque proposition subor-
donnée.
b) Précise pour chaque phrase la circonstance (temps, cause, conséquence, opposition, condition, but…) expri-
mée par la proposition subordonnée.
c) Quel est le mode et le temps du verbe « souffrît » employé dans la phrase 3 ? Tu peux consulter des tableaux
de conjugaison pour t’aider, et tu seras attentif à la terminaison verbale en -ît.
Vérifie maintenant tes réponses dans le corrigé. Puis recopie et mémorise le « Je retiens » qui suit.

96 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 3


JE RETIENS

Les propositions subordonnées circonstancielles de cause, de conséquence et de but

1. La cause et la conséquence
• Cause et conséquence sont deux notions étroitement liées. Un évènement est à l’origine (= la cause) d’un
autre, qui en est le résultat (= la conséquence).
• Il est possible d’insister sur la cause :
— Les employés craignaient Bourdoncle parce qu’il se chargeait des renvois.
ou sur la conséquence : cause (raison)
— Bourdoncle se chargeait des renvois si bien que les employés le craignaient.
conséquence (résultat)
¾ La proposition subordonnée circonstancielle de cause est introduite par les conjonctions de subordination
suivantes : parce que, puisque, comme, étant donné que, vu que, attendu que et le verbe qu’elle contient est
en général à l’indicatif.
¾ La proposition subordonnée circonstancielle de conséquence est introduite par les conjonctions de subor-
dination suivantes : de sorte que, si bien que. Elle peut aussi être introduite par que et dépend alors d’un
adverbe d’intensité (si, tellement, tant) situé dans la proposition principale. Son verbe est généralement à
l’indicatif.
— Jean a tellement besoin d’argent qu’il en demande régulièrement à Denise.
2. La proposition subordonnée circonstancielle de but
• La proposition subordonnée circonstancielle de but exprime l’objectif à atteindre.
¾ Elle est introduite par les conjonctions de subordination : pour que, afin que, de peur que, de crainte que.
¾ Le verbe de la subordonnée est conjugué au mode subjonctif :
— Denise donne le meilleur d’elle-­même afin que Mouret soit satisfait.

Entraîne-­toi maintenant en faisant le petit exercice suivant.


2. Dans les phrases suivantes, souligne la proposition subordonnée circonstancielle, encadre la conjonction de
subordination et indique en dessous la circonstance (cause, conséquence, but). Attention, tu as trois opérations à
faire pour réaliser cet exercice.
– Comme les clientes sont moins nombreuses l’été, il faut renvoyer un tiers des commis.
– Denise donne de l’argent à son frère, afin qu’il puisse payer ses dettes.
– La jeune vendeuse était si courageuse qu’elle avait pris un second travail.
– Une cliente s’est plainte parce qu’une vendeuse avait mangé de l’ail.
Vérifie tes réponses dans le corrigé.
Denise conservera-­t‑elle sa place ? Pour le savoir, achève la lecture du chapitre VI.
Ensuite, lis les chapitres VII et VIII : comment et pourquoi tout un quartier de Paris se transforme-­t‑il ?

SÉANCE 4
Comprendre la stratégie commerciale de Mouret

Durée de la séance : 1 h 30.


Lis le petit résumé qui suit.
Denise a été renvoyée du Bonheur des Dames parce qu'elle a refusé les avances de l’inspecteur Jouve qui surveille les
employés du magasin. Elle est par ailleurs accusée à tort de recevoir son amant dans les locaux du Bonheur des Dames,
alors qu’il s’agit en réalité de son frère Jean. Denise loue alors une chambre chez le vendeur de parapluies, le vieux Bour-
ras, et trouve un emploi chez Robineau, un ancien employé du grand magasin qui a ouvert sa propre boutique. Mouret
est mécontent du renvoi de la jeune fille et lui propose, lors d’une rencontre fortuite aux Tuileries, de reprendre sa place
au Bonheur des Dames. Denise accepte sa proposition et retourne travailler pour le grand magasin qui s’est considé-
rablement agrandi, grâce à l’aide du financier, le baron Hartmann. Mouret inaugure ses magasins neufs par une grande
exposition des nouveautés d’été.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 4 97


Dans cette séance, tu vas étudier la stratégie commerciale de Mouret, un homme moderne, qui a compris le profit que
l’on peut tirer de la publicité et de la connaissance psychologique des femmes.
Lis maintenant le texte qui suit. Il s’agit d’un extrait situé au début du chapitre IX.
1 Dès six heures, cependant, Mouret était là, donnant ses derniers ordres. Au centre,
dans l’axe de la porte d’honneur, une large galerie allait de bout en bout, flanquée
à droite et à gauche de deux galeries plus étroites, la galerie Monsigny et la galerie
Michodière. On avait vitré les cours, transformées en halls ; et des escaliers de fer
5 s’élevaient du rez-­de-­chaussée, des ponts de fer étaient jetés d’un bout à l’autre, aux
deux étages. L’architecte, par hasard intelligent, un jeune homme amoureux des temps
nouveaux, ne s’était servi de la pierre que pour les sous-­sols et les piles d’angles,
puis avait monté toute l’ossature en fer, des colonnes supportant l’assemblage des
poutres et des solives1. Les voûtins2 des planchers, les cloisons des distributions
10 intérieures, étaient en briques. Partout on avait gagné de l’espace, l’air et la lumière
entraient librement, le public circulait à l’aise, sous le jet hardi des fermes3 à longue
portée. C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un
peuple de clientes. En bas, dans la galerie centrale, après les soldes de la porte, il y
avait les cravates, la ganterie, la soie ; la galerie Monsigny était occupée par le blanc
15 et la rouennerie4, la galerie Michodière par la mercerie, la bonneterie, la draperie et
les lainages. Puis, au premier, se trouvaient les confections, la lingerie, les châles,
les dentelles, d’autres rayons nouveaux, tandis qu’on avait relégué au second étage
la literie, les tapis, les étoffes d’ameublement, tous les articles encombrants et d’un
maniement difficile. À cette heure, le nombre des rayons était de trente-­neuf, et l’on
20 comptait dix-­ huit cents employés, dont deux cents femmes. Un monde poussait là,
dans la vie sonore des hautes nefs5 métalliques.
Mouret avait l’unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa
maison, il lui avait bâti ce temple, pour l’y tenir à sa merci. C’était toute sa tactique,
la griser6 d’attentions galantes et trafiquer de ses désirs, exploiter sa fièvre. Aussi,
25 nuit et jour, se creusait-­il la tête, à la recherche de trouvailles nouvelles. Déjà, voulant
éviter la fatigue des étages aux dames délicates, il avait fait installer deux ascenseurs,
capitonnés7 de velours. Puis, il venait d’ouvrir un buffet, où l’on donnait gratuitement
des sirops et des biscuits, et un salon de lecture, une galerie monumentale, décorée
avec un luxe trop riche, dans laquelle il risquait même des expositions de tableaux.
30 Mais son idée la plus profonde était, chez la femme sans coquetterie, de conquérir la
mère par l’enfant ; il ne perdait aucune force, spéculait sur tous les sentiments, créait
des rayons pour petits garçons et fillettes, arrêtait les mamans au passage, en offrant
aux bébés des images et des ballons. Un trait de génie que cette prime des ballons,
distribuée à chaque acheteuse, des ballons rouges, à la fine peau de caoutchouc,
35 portant en grosses lettres le nom du magasin, et qui, tenus au bout d’un fil, voyageant
en l’air, promenaient par les rues une réclame vivante !
La grande puissance était surtout la publicité. Mouret en arrivait à dépenser par
an trois cent mille francs de catalogues, d’annonces et d’affiches. Pour sa mise en
vente des nouveautés d’été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante
40 mille à l’étranger, traduits dans toutes les langues. Maintenant, il les faisait illustrer
de gravures, il les accompagnait même d’échantillons, collés sur les feuilles. C’était
un débordement d’étalages, le Bonheur des Dames sautait aux yeux du monde entier,
envahissait les murailles, les journaux, jusqu’aux rideaux des théâtres.
Notes :
1. « solives » : pièces de charpente sur lesquelles sont fixés les planchers.
2. « voûtins » : parties d’une voûte.
3. « fermes » : pièces maîtresses de charpentes supportant la toiture.
4. « rouennerie » : toile de coton fabriquée à Rouen.
5. « nefs » : parties situées entre le portail et le chœur des églises, où se tiennent les fidèles.
6. « griser » : enivrer, étourdir.
7. « capitonnés » : rembourrés.

98 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 4


Il professait8 que la femme est sans force contre la réclame, qu’elle finit fatalement
45 par aller au bruit. Du reste, il lui tendait des pièges plus savants, il l’analysait en
grand moraliste. Ainsi, il avait découvert qu’elle ne résistait pas au bon marché,
qu’elle achetait sans besoin, quand elle croyait conclure une affaire avantageuse ;
et, sur cette observation, il basait son système des diminutions de prix, il baissait
progressivement les articles non vendus, préférant les vendre à perte, fidèle au
50 principe du renouvellement rapide des marchandises. Puis, il avait pénétré plus avant
encore dans le cœur de la femme, il venait d’imaginer « les rendus », un chef-­d’œuvre
de séduction jésuitique9. « Prenez toujours, madame : vous nous rendrez l’article, s’il
cesse de vous plaire. » Et la femme, qui résistait, trouvait là une dernière excuse, la
possibilité de revenir sur une folie : elle prenait, la conscience en règle. Maintenant,
55 les rendus et la baisse des prix entraient dans le fonctionnement classique du nouveau
commerce.
Mais où Mouret se révélait comme un maître sans rival, c’était dans l’aménagement
intérieur des magasins. Il posait en loi que pas un coin du Bonheur des Dames ne
devait rester désert ; partout, il exigeait du bruit, de la foule, de la vie ; car la
60 vie, disait-­il, attire la vie, enfante et pullule10. De cette loi, il tirait toutes sortes
d’applications. D’abord, on devait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on
crût à une émeute ; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les soldes,
des casiers et des corbeilles débordant d’articles à vil prix ; si bien que le menu
peuple s’amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de
65 monde, lorsque souvent ils n’étaient qu’à demi pleins. Ensuite, le long des galeries,
il avait l’art de dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et
les indiennes en hiver ; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du vacarme.
Lui seul avait encore imaginé de placer au deuxième étage les comptoirs des tapis
et des meubles, des comptoirs où les clientes étaient plus rares, et dont la présence
70 au rez-­de-­chaussée aurait creusé des trous vides et froids. S’il en avait découvert le
moyen, il aurait fait passer la rue au travers de sa maison.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre IX
Notes :

8. « professait » : déclarait hautement.


9. « jésuitique » : hypocrite.
10. « pullule » : se multiplie, se reproduit.
Pour vérifier ta compréhension du texte, réponds maintenant aux questions qui suivent.

A. Un magasin moderne

1. Cet extrait comporte cinq paragraphes. Voici les principaux thèmes abordés dans chacun d’eux. Numérote-­les
de façon à respecter l’ordre du texte.
– la force de la publicité : no __
– la psychologie de la femme : no __
– l’architecture et la structure du magasin : no __
– les aménagements intérieurs des magasins : no __
– des attentions pour les femmes : no __
Les questions qui vont suivre portent sur les deux premiers paragraphes de l’extrait (l. 1 à 36).
2. a) Un architecte intelligent a réalisé les travaux d’agrandissement du Bonheur des Dames. Quels sont les deux
principaux matériaux de construction de cette architecture « des temps nouveaux » ?
b) Souligne dans le premier paragraphe une phrase qui montre que cette architecture rend le magasin plus
agréable.
c) Voici une gravure représentant le nouvel escalier du Bon Marché, un des grands magasins du Second Empire
dont s’est inspiré Émile Zola pour son roman.
Complète les différentes légendes en t’aidant du texte.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 4 99


« Des _________________________ »
« la ______________
entrait librement »

« des______________de
— Le grand escalier des magasins du Bon Marché, rue de Sèvres, à Paris, VII
e
arr., vers 1872.
Gravure de Karl Fichot (1872),
fer s’élevaient du rez-­
de-­chaussée. »

d) Quelle métaphore* est employée dans le premier paragraphe pour désigner le Bonheur des Dames ?
e) Quel effet de sens l’utilisation de cette métaphore implique-­t‑elle ?
3. a) Souligne dans le deuxième paragraphe les aménagements conçus par Mouret pour le confort des clientes.
b) Quels nouveaux rayons crée-­t‑il pour « conquérir la mère par l’enfant » (l. 30-31) ?
Tu vas maintenant vérifier tes réponses dans le corrigé avant de poursuivre ton travail.

B. Le triomphe de la publicité

1. a) Quel synonyme de « publicité » est employé plusieurs fois dans cet extrait ?
b) Relis attentivement la fin du deuxième paragraphe ainsi que le troisième et cite les quatre supports employés
pour faire la publicité du magasin Au Bonheur des Dames.
c) Comment Mouret réussit-­il à rendre ses catalogues plus attrayants ?
Vérifie tes réponses puis passe à l’exercice suivant.
2. Expression écrite.
Voici une affiche publicitaire pour le grand magasin Au Paradis des Dames. Observe-­la attentivement puis décris-­
la en quelques lignes en analysant les arguments de vente du magasin.

100 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 4


— Delas imprimeur. Affiche publicitaire, 1856, Domaine public / gallica.bnf.fr / BNF.
Pour réussir ton exercice, tu dois :
• décrire et expliquer ce que représente le dessin
• analyser le texte présent sur l’affiche et la typographie employée (= les différents types de caractères utilisés et
leur mise en valeur)
• identifier les différents arguments de vente du magasin.
Fais d’abord cet exercice au brouillon. Vérifie ensuite que tu as bien respecté les consignes.
Mets une croix dans le tableau quand c’est le cas.

Je vérifie que… Fait


J’ai décrit et expliqué ce que représente le dessin.
J’ai analysé le texte de l’affiche et la typographie employée.
J’ai identifié les différents arguments de vente du magasin.

Recopie ton texte dans ton cahier puis lis dans le corrigé un exemple de ce qu'il était possible d' écrire.

C. L’analyse de la femme

Ces questions portent sur le quatrième paragraphe situé entre les lignes 44 et 56.
1. a) Souligne dans le début de ce passage les deux observations que fait Mouret sur la psychologie féminine et sur
lesquelles il base son système de vente.
b) Explique en quelques mots en quoi consiste le système des « rendus ».
2. a) Mouret étudie soigneusement la psychologie féminine. Retrouve et recopie dans le passage deux expressions
qui le prouvent.
b) Mouret tendait « des pièges » aux femmes. Comment considère-­t‑il alors les clientes ?
Vérifie maintenant tes réponses puis recopie le « Je retiens » qui suit et mémorise-­le.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 4 101


JE RETIENS

La stratégie commerciale de Mouret


Mouret est un homme moderne : il analyse parfaitement les enjeux du nouveau commerce et met en place un
système de vente efficace qui s’appuie sur :
• une architecture du magasin agréable et lumineuse
• des aménagements intérieurs efficaces qui séduisent la clientèle féminine
• le recours à la publicité
• la vente par correspondance
• la diminution des prix et le système des rendus.

Le coin des curieux

• Les magasins dits « de nouveautés » apparaissent au XVIIIe siècle et deviennent les grands magasins au
XIXe siècle. Leur création entraînent des changements importants dans le commerce car ils s’appuient sur
des pratiques nouvelles : l’affichage et l’étiquetage des prix, la baisse des prix, le recours à la publicité.
• 1852 : création du Bon marché par Aristide Boucicaut.
• 1855 : création des Grands magasins du Louvre par Alfred Chauchard et Auguste Hériot.
• 1865 : naissance du Printemps fondé par Jules Jalouzot.
• 1870 : création de La Samaritaine par Ernest Cognacq et Louise Jay.
• 1893 : ouverture des Galeries Lafayette, fondées par Théophile Bader et Alphonse Khan.

Achève la lecture du chapitre IX dans lequel est relatée une journée exceptionnelle, celle de la grande vente du lundi. Tu
comprendras que cette journée est importante pour le Bonheur des Dames et pour Denise aussi.
Ensuite lis le chapitre X : en ce dimanche d’inventaire, Denise est très troublée par une invitation à dîner : l’acceptera-­
t‑elle ?
Poursuis ta lecture du roman avec les chapitres XI (tu y rencontreras le baron) et XII (où commence le « règne de De-
nise »).

SÉANCE 5
Analyser le succès de Denise

Durée de la séance : 1 h 30.


Lis maintenant le petit résumé qui suit.
Mouret, le directeur du Bonheur des Dames, est tombé amoureux de Denise. La jeune fille, attirée elle aussi, résiste
pourtant à ses avances parce qu’il multiplie les conquêtes et ne se comporte pas en homme sérieux. Mme Desforges, la
maîtresse de Mouret, devient jalouse de la jeune vendeuse et tente de l’humilier. Mais Denise a pris désormais un réel
ascendant sur le directeur, qui prend sa défense et lui avoue son amour lors d’une dispute. La jeune fille décide alors de
faire de lui un « brave homme » et de lui donner quelques conseils pour améliorer le fonctionnement du Bonheur des
Dames.
Dans cette séance, tu vas analyser le succès de Denise et les réformes qu’elle suggère à Mouret.
Tu travailleras également sur l’orthographe de quelques séries suffixales et préfixales.
Maintenant, lis attentivement l’extrait ci-­dessous qui est tiré du chapitre XII.

102 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 5


1 Le lendemain, Denise était nommée première. La direction avait dédoublé le rayon
des robes et costumes, en créant spécialement en sa faveur un rayon de costumes
pour enfants, qui fut installé près du comptoir des confections. Depuis le renvoi de
son fils, Mme Aurélie tremblait, car elle sentait ces messieurs devenir froids, et elle
5 voyait de jour en jour grandir la puissance de la jeune fille. N’allait-­on pas la sacrifier
à cette dernière, en profitant d’un prétexte quelconque ? Son masque d’empereur
soufflé de graisse semblait avoir maigri de la honte qui entachait maintenant la
dynastie des Lhomme ; et elle affectait de s’en aller chaque soir au bras de son
mari, rapprochés tous deux par l’infortune1, comprenant que le mal venait de la
10 débandade de leur intérieur2 ; tandis que le pauvre homme, plus affecté3 qu’elle, dans
la peur maladive qu’on ne le soupçonnât lui-­ même de vol, comptait deux fois les
recettes, bruyamment, en faisant avec son mauvais bras de véritables miracles. Aussi,
lorsqu’elle vit Denise passer première aux costumes pour enfants, éprouva-­t‑elle une
joie si vive, qu’elle afficha à l’égard de celle-­ ci les sentiments les plus affectueux.
15 C’était bien beau de ne pas lui avoir pris sa place. Et elle la comblait d’amitiés, la
traitait désormais en égale, allait causer souvent avec elle, dans le rayon voisin, d’un
air d’apparat, comme une reine mère rendant visite à une jeune reine.
Du reste, Denise était maintenant au sommet. Sa nomination de première avait abattu
autour d’elle les dernières résistances. Si l’on clabaudait4 toujours, par cette démangeaison
20 de la langue qui ravage toute réunion d’hommes et de femmes, on s’inclinait très bas,
jusqu’à terre. Marguerite, passée seconde aux confections, se répandait en éloges. Clara
elle-­même, travaillée d’un sourd respect en face de cette fortune5 dont elle était incapable,
avait plié la tête. Mais la victoire de Denise était plus complète encore sur ces messieurs,
sur Jouve qui ne lui parlait à présent que courbé en deux, sur Hutin pris d’inquiétude
25 en sentant craquer sa situation, sur Bourdoncle enfin réduit à l’impuissance. Quand ce
dernier l’avait vue sortir du cabinet de la direction, souriante, de son air tranquille, et que
le lendemain le directeur avait exigé du conseil la création du nouveau comptoir, il s’était
incliné, vaincu sous la terreur sacrée de la femme. Toujours il avait cédé ainsi devant
la grâce de Mouret, il le reconnaissait pour son maître, malgré les fuites du génie et les
30 coups de cœur imbéciles. Cette fois, la femme était la plus forte, et il attendait d’être
emporté dans le désastre.
Cependant, Denise avait le triomphe paisible et charmant. Elle était touchée de
ces marques de considération, elle voulait y voir une sympathie pour la misère de
ses débuts et le succès final de son long courage. Aussi accueillait-­elle avec une joie
35 rieuse les moindres témoignages d’amitié, ce qui la fit réellement aimer de quelques-­
uns, tellement elle était douce et accueillante, toujours prête à donner son cœur. Elle
ne montra une invincible répulsion que pour Clara, car elle avait appris que cette
fille s’était amusée, comme elle en annonçait en plaisantant le projet, à mener un soir
Colomban chez elle ; et le commis, emporté par sa passion enfin satisfaite, découchait
40 maintenant tandis que la triste Geneviève agonisait. On en causait au Bonheur, on
trouvait l’aventure drôle.
Mais ce chagrin, le seul qu’elle eût au dehors, n’altérait6 pas l’humeur égale de Denise.
C’était surtout à son rayon qu’il fallait la voir, au milieu de son peuple de bambins de tout
âge. Elle adorait les enfants, on ne pouvait la mieux placer. Parfois, on comptait là une
45 cinquantaine de fillettes, autant de garçons, tout un pensionnat turbulent, lâché dans les
désirs de la coquetterie naissante. Les mères perdaient la tête. Elle, conciliante, souriait,
faisait aligner ce petit monde sur des chaises ; et, quand il y avait dans le tas une gamine
rose, dont le joli museau la tentait, elle voulait la servir elle-­même, apportait la robe,
l’essayait sur les épaules potelées, avec des précautions tendres de grande sœur. Des rires
50 clairs sonnaient, de légers cris d’extase partaient, au milieu de voix grondeuses. Parfois,
une fillette déjà grande personne, neuf ou dix ans, ayant aux épaules un paletot7 de drap,

Notes :
1. « infortune » : malheur.
2. « débandade de leur intérieur » : les problèmes rencontrés par les membres de leur famille.
3. « affecté » : touché, frappé, ici affligé.
4. « clabaudait » : disait du mal.
5. « fortune » : ici succès.
6. « altérait » : modifiait.
7. « paletot » : manteau.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 5 103


l’étudiait devant la glace, se tournait, la mine absorbée, les yeux luisant du besoin de
plaire. Et le déballage encombrait les comptoirs, des robes en toile d’Asie rose ou bleue
pour enfants d’un à cinq ans, des costumes de marin en zéphir8, jupe plissée et blouse
55 ornée d’appliques en percale9, des costumes Louis XV, des manteaux, des jaquettes, un
pêle-­mêle de vêtements étroits, raidis dans leur grâce enfantine, quelque chose comme le
vestiaire d’une bande de grandes poupées, sorti des armoires et livré au pillage. Denise
avait toujours au fond des poches quelques friandises, apaisait les pleurs d’un marmot
désespéré de ne pas emporter des culottes rouges, vivait là, parmi les petits, comme dans
60 sa famille naturelle, rajeunie elle-­même de cette innocence et de cette fraîcheur sans cesse
renouvelées autour de ses jupes.
Maintenant, il lui arrivait d’avoir de longues conversations amicales avec Mouret.
Quand elle devait se rendre à la direction pour prendre des ordres ou pour donner un
renseignement, il la retenait à causer, il aimait l’entendre. C’était ce qu’elle appelait
65 en riant « faire de lui un brave homme ». Dans sa tête raisonneuse et avisée de
Normande, poussaient toutes sortes de projets, ces idées sur le nouveau commerce,
qu’elle osait effleurer déjà chez Robineau, et dont elle avait exprimé quelques-­
unes, le beau soir de leur promenade aux Tuileries. Elle ne pouvait s’occuper d’une
chose, voir fonctionner une besogne, sans être travaillée du besoin de mettre de
70 l’ordre, d’améliorer le mécanisme. Ainsi, depuis son entrée au Bonheur des Dames,
elle était surtout blessée par le sort précaire des commis ; les renvois brusques la
soulevaient, elle les trouvait maladroits et iniques10, nuisibles à tous, autant à la
maison qu’au personnel. Ses souffrances du début la poignaient11 encore, une pitié
lui remuait le cœur, à chaque nouvelle venue qu’elle rencontrait dans les rayons,
75 les pieds meurtris, les yeux gros de larmes, traînant sa misère sous sa robe de soie,
au milieu de la persécution aigrie des anciennes. Cette vie de chien battu rendait
mauvaises les meilleures ; et le triste défilé commençait : toutes mangées par le
métier avant quarante ans, disparaissant, tombant à l’inconnu, beaucoup mortes à la
peine, phtisiques12 ou anémiques, de fatigue et de mauvais air, quelques-­unes roulées
80 au trottoir13, les plus heureuses mariées, enterrées au fond d’une petite boutique de
province. Était-­ce humain, était-­ce juste, cette consommation effroyable de chair que
les grands magasins faisaient chaque année ? Et elle plaidait la cause des rouages de la
machine, non par des raisons sentimentales, mais par des arguments tirés de l’intérêt
même des patrons. Quand on veut une machine solide, on emploie du bon fer ; si le
85 fer casse ou si on le casse, il y a un arrêt du travail, des frais répétés de mise en train,
toute une déperdition de force. Parfois, elle s’animait, elle voyait l’immense bazar
idéal, le phalanstère14 du négoce, où chacun aurait sa part exacte des bénéfices, selon
ses mérites, avec la certitude du lendemain, assurée à l’aide d’un contrat. Mouret
alors s’égayait, malgré sa fièvre. Il l’accusait de socialisme15, l’embarrassait en lui
90 montrant des difficultés d’exécution ; car elle parlait dans la simplicité de son âme, et
elle s’en remettait bravement à l’avenir, lorsqu’elle s’apercevait d’un trou dangereux,
au bout de sa pratique de cœur tendre. Cependant, il était ébranlé, séduit, par cette
voix jeune, encore frémissante des maux endurés, si convaincue, lorsqu’elle indiquait
des réformes qui devaient consolider la maison ; et il l’écoutait en la plaisantant, le
95 sort des vendeurs était amélioré peu à peu, on remplaçait les renvois en masse par
un système de congés accordés aux mortes-­saisons, enfin on allait créer une caisse
de secours mutuels, qui mettrait les employés à l’abri des chômages forcés, et leur
assurerait une retraite. C’était l’embryon des vastes sociétés ouvrières du vingtième
siècle.
Notes :

8. « zéphir » : lainage très fin.


9. « percale » : tissu de coton fin et serré.
10. « iniques » : injustes.
11. « poignaient » : (du verbe poindre) blessaient.
12. « phtisiques » : tuberculeuses.
13. « roulées au trottoir » : devenues prostituées.
14. « phalanstère » : communauté, association de travailleurs.
15. « socialisme » : doctrine d’organisation sociale qui entend faire prévaloir l’intérêt, le bien général, sur les intérêts particuliers.

104 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 5


100 D’ailleurs, Denise ne s’en tenait pas à vouloir panser les plaies vives dont elle avait
saigné : des idées délicates de femme, soufflées à Mouret, ravirent la clientèle. Elle fit
aussi la joie de Lhomme, en appuyant un projet qu’il nourrissait depuis longtemps, celui
de créer un corps de musique, dont les exécutants seraient tous choisis dans le personnel.
Trois mois plus tard, Lhomme avait cent vingt musiciens sous sa direction, le rêve de
105 sa vie était réalisé. Et une grande fête fut donnée dans les magasins, un concert et un
bal, pour présenter la musique du Bonheur à la clientèle, au monde entier. Les journaux
s’en occupèrent, Bourdoncle lui-­même, ravagé par ces innovations, dut s’incliner devant
l’énorme réclame. Ensuite, on installa une salle de jeu pour les commis, deux billards,
des tables de trictrac et d’échecs. Il y eut des cours le soir dans la maison, cours d’anglais
110 et d’allemand, cours de grammaire, d’arithmétique, de géographie ; on alla jusqu’à des
leçons d’équitation et d’escrime. Une bibliothèque fut créée, dix mille volumes mis à
la disposition des employés. Et l’on ajouta encore un médecin à demeure donnant des
consultations gratuites, des bains, des buffets, un salon de coiffure. Toute la vie était là,
on avait tout sans sortir, l’étude, la table, le lit, le vêtement. Le Bonheur des Dames se
115 suffisait, plaisirs et besoins, au milieu du grand Paris, occupé de ce tintamarre, de cette
cité du travail qui poussait si largement dans le fumier des vieilles rues, ouvertes enfin
au plein soleil.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre XII

A. La victoire de Denise

1. « la victoire de Denise ». Souligne dans le troisième paragraphe deux synonymes du mot « victoire ».
2. De quel rayon Denise est-­elle nommée première ?
3. Quand les collègues du Bonheur des Dames apprennent sa promotion, ils ont des réactions différentes. Associe
chaque personnage à la réaction qui lui est propre.

Personnages Réactions
Mme Aurélie • • est réduit à l’impuissance
Marguerite • • se répand en éloges
Clara • • affiche des sentiments affectueux
Jouve • • est pris d’inquiétude
Hutin • • lui parle courbé en deux
Bourdoncle • • est travaillée d’un sourd respect

4. Relis le troisième paragraphe et cite trois qualités de la jeune fille qui la font « réellement aimer de quelques-­
uns » (l. 35-36).
Toutes les questions qui suivent portent sur les lignes 62 à 117.

B. Étudier le vocabulaire de la misère

1. a) Souligne dans les lignes 62 à 117 deux expressions qui montrent que Denise souffre encore de la misère de
ses débuts au Bonheur des Dames.
b) Comment juge-­t‑elle les renvois brusques des commis ?
c) Quel sentiment Denise éprouve-­t‑elle lorsqu’elle rencontre une nouvelle vendeuse dans les rayons ?
2. a) « cette vie de chien battu » (l. 76). Que désigne cette expression ?
b) Relis les lignes 76 à 81. Qu’arrive-­t‑il aux vendeuses qui disparaissent, « mangées par le métier » ? Trois pos-
sibilités sont envisagées.
Compare tes réponses avec celles contenues dans le corrigé, puis passe à l’exercice suivant.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 5 105


C. Les idées de Denise sur le nouveau commerce

1. a) Relis le cinquième paragraphe, des lignes 62 à 99. Quelles sont les deux raisons pour lesquelles Denise veut
améliorer le sort des commis et des vendeuses ? Tu trouveras une raison que son cœur lui dicte et une autre
que la logique lui suggère.
b) Retrouve, dans les lignes 92 à 99, puis recopie les deux réformes importantes qui améliorent le sort précaire
des vendeurs.
c) Denise pense également au bien-­être et aux loisirs des employés. Montre-­le en soulignant dans le dernier
paragraphe de l’extrait quelques-­unes des améliorations apportées au Bonheur des Dames grâce à elle.
2. a) Face aux idées de Denise, comment réagit Mouret ?
b) Explique l’expression : « le Bonheur des Dames se suffisait » (l. 114-115).
c) Quelle métaphore* est employée à la fin de l’extrait pour désigner le Bonheur des Dames après ces change-
ments ?
d) Explique le sens de cette métaphore.
Compare tes réponses avec celles contenues dans le corrigé, puis passe à l’exercice suivant.

D. L’orthographe de quelques séries préfixales

1. accueillait – dédoublé – disparaissant – incapable – impuissant – emportait – entachait


a) Décompose ces mots par un trait vertical, de manière à faire apparaître le radical* et le préfixe*.
b) Que peux-­tu conclure sur l’orthographe du préfixe commun aux mots impuissant et incapable ?
Vérifie maintenant tes réponses dans le corrigé puis recopie et mémorise le « Je retiens » qui suit.

JE RETIENS

L’orthographe de quelques séries préfixales

• Un préfixe est un élément qui se place devant le radical et en modifie le sens.


• Certains préfixes ont une orthographe qui varie en fonction de l’initiale du radical.
¾ Le préfixe ad- (idée de direction, vers) : adjoindre
Ad- + c = ac- : accueillir (accourir) ad- + f = af- : affiner (affluer)
Ad- + r = ar- : arrondir ad- + p = ap- : apporter
¾ Le préfixe con- (avec, ensemble): contenir
Con- + m, b, p = com- : comprendre con- + l = col- : collaborer
Con- + r = cor- : correspondre
¾ Le préfixe dé- (idée de séparation, de cessation) : découcher
Il peut s’écrire dés- devant une voyelle (désarmer), dis- pour certains mots (disparaître).
¾ Le préfixe in- (idée du contraire, privé de) : inquiétude. Il peut s’écrire :
– im- devant m, b, p (impuissance)
– il- devant la consonne l : illégal
– ir- devant la consonne r : irrégulier
¾ Le préfixe sous- (idée de « en dessous ») est le plus souvent uni au radical par un trait d’union (sous-­bois)
mais peut s’orthographier sou- (souterrain), sup- (supporter), sub- (submerger).

Maintenant, entraîne-­toi avec l’exercice qui t’est proposé.


2. Complète les mots suivants en ajoutant le préfixe con- ou une de ses variantes.
… pagnon – …lection – …riger – …sacrer – …mettre – …parer
Vérifie tes réponses avant de poursuivre le travail.

106 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 5


E. L’orthographe de quelques séries suffixales

1. comptoir – victoire – fillette – enfantine – musicien – armoire – trottoir – culottes


Décompose ces mots par un trait vertical, de manière à faire apparaître le radical* et le suffixe*.
Vérifie tes réponses dans le corrigé puis recopie et apprends le « Je retiens » ci-­dessous.

JE RETIENS

L’orthographe de quelques séries suffixales

• Les suffixes permettent de former des mots de classes grammaticales différentes.


• Certains suffixes posent des problèmes orthographiques.
¾ -oir / -oire
– Les suffixes -oir et -oire servent à former respectivement des noms masculins et féminins : un comptoir,
un trottoir / une armoire, une victoire.
– Il existe quelques exceptions : un laboratoire, un accessoire, un auditoire…
– Les adjectifs masculins et féminins se terminent par -oire sauf noir(e) : illusoire.
¾ -ette
– Le suffixe -ette sert à former des noms féminins (diminutifs) : fille, fillette.
– Les adjectifs qualificatifs masculins terminés par -et ont un féminin en -ette : violet, violette. Sauf com-
plet, concret, discret, secret, inquiet qui ont un féminin en -ète.

L’orthographe de quelques séries suffixales

¾ -ote / -otte
– Les suffixes -ote et -otte servent à former des noms et des adjectifs féminins (souvent de sens diminutif
ou péjoratif) : tremblote, roulotte, vieillotte.
– Il est utile de consulter le dictionnaire pour vérifier l’orthographe des mots terminés par ces suffixes.
¾ n ou nn ?
– Les suffixes -in, -ain, -ein ne doublent pas le « n » au féminin : hautain/hautaine ; Divin/divine
– Les suffixes -éen, -ien, -on doublent le « n » au féminin : musicien/musicienne –européen/européenne.

Pour t’entraîner, tu vas réaliser l’exercice suivant.


2. Recopie les adjectifs et noms suivants en les mettant au féminin.
Ancien – inquiet – muet – secret – méditerranéen – pâlot – sot – cadet – douillet
Lis à présent le chapitre XIII qui concerne la famille Baudu.

SÉANCE 6
Comprendre le fonctionnement d’une scène symbolique : l’enterrement de Geneviève

Durée de la séance : 2 heures.


Lis le petit résumé suivant.
Le Bonheur des Dames s’agrandit encore : Mouret fait construire une nouvelle façade sur la nouvelle voie du Dix-­
Décembre. Les travaux sont gigantesques. Face à la concurrence impitoyable du Bonheur des Dames, beaucoup de
petits commerçants voient leur chiffre d’affaires baisser et leurs clients disparaître. Par ailleurs, Colomban, le commis de
Baudu, quitte le Vieil Elbeuf pour rejoindre Clara, une vendeuse du Bonheur des Dames. Geneviève Baudu, sa fiancée,
se laisse mourir de chagrin.
Dans cette séance, tu étudieras le fonctionnement d’une scène symbolique, l’enterrement de Geneviève.
Maintenant, lis attentivement l’extrait qui suit, tiré du chapitre XIII.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 6 107


1 Ce fut un samedi que tomba l’enterrement, par un temps noir, un ciel de suie qui
pesait sur la ville frissonnante. Le Vieil Elbeuf, tendu de drap blanc, éclairait la rue d’une
tache blanche ; et les cierges, brûlant dans le jour bas, semblaient des étoiles noyées de
crépuscule. Des couronnes de perles, un gros bouquet de roses blanches, couvraient le
5 cercueil, un cercueil étroit de fillette, posé sur l’allée obscure de la maison, au ras du
trottoir, si près du ruisseau, que les voitures avaient déjà éclaboussé les draperies. Tout
le vieux quartier suait d’humidité, exhalait son odeur moisie de cave, avec sa continuelle
bousculade de passants sur le pavé boueux.
Dès neuf heures, Denise était venue, pour rester auprès de sa tante. Mais, comme le
10 convoi allait partir, celle-­ci, qui ne pleurait plus, les yeux brûlés de larmes, la pria de suivre
le corps et de veiller sur l’oncle, dont l’accablement muet, la douleur imbécile inquiétait
la famille. En bas, la jeune fille trouva la rue pleine de monde. Le petit commerce du
quartier voulait donner aux Baudu un témoignage de sympathie ; et il y avait aussi, dans
cet empressement, comme une manifestation contre le Bonheur des Dames, que l’on
15 accusait de la lente agonie de Geneviève. Toutes les victimes du monstre étaient là, Bédoré
et sœur, les bonnetiers de la rue Gaillon, les fourreurs Vanpouille frères, et Deslignières le
bimbelotier1, et Piot et Rivoire les marchand de meubles ; même Mlle Tatin, la lingère,
et le gantier Quinette, balayés depuis longtemps par la faillite, s’étaient fait un devoir de
venir, l’une des Batignolles, l’autre de la Bastille, où ils avaient dû reprendre du travail
20 chez les autres. En attendant le corbillard2 qu’une erreur attardait, ce monde vêtu de noir,
piétinant dans la boue, levait des regards de haine sur le Bonheur, dont les vitrines claires,
les étalages éclatants de gaieté, leur semblaient une insulte, en face du Vieil Elbeuf, qui
attristait de son deuil l’autre côté de la rue. Quelques têtes de commis curieux se montraient
derrière les glaces ; mais le colosse gardait son indifférence de machine lancée à toute
25 vapeur, inconsciente des morts qu’elle peut faire en chemin.
Denise cherchait des yeux son frère Jean. Elle finit par l’apercevoir devant la boutique
de Bourras, où elle le rejoignit pour lui recommander de marcher près de l’oncle et de
le soutenir, s’il avait de la peine à marcher. Depuis quelques semaines, Jean était grave,
comme tourmenté d’une préoccupation. Ce jour-­ là, serré dans une redingote noire,
30 homme fait à cette heure et gagnant des journées de vingt francs, il semblait si digne et
si triste, que sa sœur en fut frappée, car elle ne le soupçonnait pas d’aimer à ce point leur
cousine. Désireuse d’éviter à Pépé des tristesses inutiles, elle l’avait laissé chez Mme
Gras, en se promettant d’aller l’y chercher l’après-­midi, pour lui faire embrasser son
oncle et sa tante.
35 Cependant, le corbillard n’arrivait toujours pas, et Denise, très émue, regardait
brûler les cierges, lorsqu’elle tressaillit, au son connu d’une voix qui parlait derrière
elle. C’était Bourras. Il avait appelé d’un signe un marchand de marrons, installé en
face, dans une étroite guérite3, prise sur la boutique d’un marchand de vin, et il lui
disait :
40 – Hein ? Vigouroux, rendez-­ moi ce service… Vous voyez, je retire le bouton…
Si quelqu’un venait, vous diriez de repasser. Mais que ça ne vous dérange pas, il ne
viendra personne.
Puis, il resta debout au bord du trottoir, attendant comme les autres. Denise,
gênée, avait jeté un coup d’œil sur la boutique. Maintenant, il l’abandonnait, on ne
45 voyait plus, à l’étalage, qu’une débandade pitoyable de parapluies mangés par l’air
et de cannes noires de gaz. Les embellissements qu’il y avait faits, les peintures
vert tendre, les glaces, l’enseigne dorée, tout craquait, se salissait déjà, offrait cette
décrépitude rapide et lamentable du faux luxe, badigeonné sur des ruines. Pourtant,
si les crevasses anciennes reparaissaient, si les taches d’humidité avaient repoussé
50 sous les dorures, la maison tenait toujours, entêtée, collée au flanc du Bonheur des
Dames, comme une verrue déshonorante, qui, bien que gercée et pourrie, refusait
d’en tomber.
Notes :

1. « bimbelotier » : marchand de bimbelots, c’est‑à-­dire de bibelots.


2. « corbillard » : véhicule servant au transport des morts.
3. « guérite » : petite cabane servant d’abri pour un gardien.

108 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 6


– Ah ! les misérables, gronda Bourras, ils ne veulent même pas qu’on l’emporte !
Le corbillard, qui arrivait enfin, venait d’être accroché par une voiture du Bonheur,
55 dont les panneaux vernis filaient, jetant dans la brume leur rayonnement d’astre, au
trot rapide de deux chevaux superbes. Et le vieux marchand lançait vers Denise un
coup d’œil oblique, allumé sous la broussaille de ses sourcils.
Lentement, le convoi s’ébranla, pataugeant au milieu des flaques, dans le silence
des fiacres et des omnibus brusquement arrêtés. […]
60 Denise, cependant, était montée dans une voiture, agitée de doutes si cuisants, la
poitrine serrée d’une telle tristesse, qu’elle n’avait plus la force de marcher. Il y eut
justement un arrêt rue du Dix-­ Décembre, devant les échafaudages de la nouvelle
façade, qui gênait toujours la circulation. Et la jeune fille remarqua le vieux Bourras,
resté en arrière, traînant la jambe, dans les roues mêmes de la voiture où elle se
65 trouvait seule. Jamais il n’arriverait au cimetière. Il avait levé la tête, il la regardait.
Puis, il monta.
– Ce sont mes sacrés genoux, murmurait-­il. Ne vous reculez donc pas !… Est-­ce
que c’est vous qu’on déteste !
Elle le sentit amical et furieux, comme autrefois. Il grondait, déclarait ce diable de
70 Baudu joliment solide, pour aller quand même, après de tels coups sur le crâne. Le
convoi avait repris sa marche lente ; et, en se penchant, elle voyait en effet l’oncle
s’entêter derrière le corbillard, de son pas alourdi, qui semblait régler le train4 sourd
et pénible du cortège. Alors, elle s’abandonna dans son coin, elle écouta les paroles
sans fin du vieux marchand de parapluies, au long bercement mélancolique de la
75 voiture.
– Si la police ne devrait pas débarrasser la voie publique !… Il y a plus de dix-­huit
mois qu’ils nous encombrent, avec leur façade, où un homme s’est encore tué l’autre
jour. N’importe ! lorsqu’ils voudront s’agrandir désormais, il leur faudra jeter des
ponts par-­dessus les rues… On dit que vous êtes deux mille sept cents employés et
80 que le chiffre d’affaires atteindra cent millions cette année… Cent millions ! mon
Dieu ! cent millions !
Denise n’avait rien à répondre. Le convoi venait de s’engager dans la rue de la
Chaussée-­ d’Antin, où des embarras de voitures l’attardaient. Bourras continua, les
yeux vagues, comme s’il eût maintenant rêvé tout haut. Il ne comprenait toujours pas
85 le triomphe du Bonheur des Dames, mais il avouait la défaite de l’ancien commerce.
[…]
Le corbillard traversait alors la place de la Trinité, et, du coin de la sombre
voiture, où Denise écoutait la plainte continue du vieux marchand, bercée au train
funèbre du convoi, elle put voir, en débouchant de la rue de la Chaussée-­ d’Antin,
90 le corps qui montait déjà la pente de la rue Blanche. Derrière l’oncle, à la marche
aveugle et muette de bœuf assommé, il lui semblait entendre le piétinement d’un
troupeau conduit à l’abattoir, toute la déconfiture des boutiques d’un quartier, le petit
commerce traînant sa ruine, avec un bruit mouillé de savates, dans la boue noire
de Paris. Cependant, Bourras parlait d’une voix plus sourde, comme ralentie par la
95 montée rude de la rue Blanche.
– Moi, j’ai mon compte… Mais je le tiens tout de même et je ne le lâche pas. Il
a encore perdu en appel. Ah ! ça m’a coûté bon : près de deux ans de procès, et les
avoués, et les avocats ! N’importe, il ne passera pas sous ma boutique, les juges ont
décidé qu’un tel travail n’avait point le caractère d’une réparation motivée. Quand on
100 pense qu’il parlait de créer, là-­dessous, un salon de lumières, pour juger la couleur des
étoffes au gaz, une pièce souterraine qui aurait relié la bonneterie à la draperie ! Et il
ne dérage plus, il ne peut avaler qu’un vieux démoli de mon espèce lui barre la route,
quand tout le monde est à genoux devant son argent… Jamais ! je ne veux pas ! c’est
bien entendu. Possible que je reste sur le carreau. Depuis que j’ai à me battre contre les
105 huissiers, je sais que le gredin recherche mes créances5, histoire sans doute de me jouer
un vilain tour. Ça ne fait rien, il dit oui, je dis non, et je dirai non toujours, tonnerre de
Dieu ! même lorsque je serai cloué entre quatre planches, comme la petite qui s’en va,
là-­bas.
Notes :
4. « train » : allure, vitesse.
5. « créances » : dettes.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 6 109


Quand on arriva au boulevard de Clichy, la voiture roula plus vite, on entendit
110 l’essoufflement du monde, la hâte inconsciente du cortège, pressé d’en finir. Ce
que Bourras ne disait pas nettement, c’était la misère noire où il était tombé, la tête
perdue dans les tracas du petit boutiquier qui sombre et qui s’entête pour durer […].
Denise, au courant de sa situation, rompit enfin le silence, en murmurant d’une voix
de prière :
115 – Monsieur Bourras, ne faites pas le méchant davantage… Laissez-­moi arranger
les choses.
Il l’interrompit d’un geste violent.
– Taisez-­vous, ça ne regarde personne… Vous êtes une bonne petite fille, je sais
que vous lui rendez la vie dure, à cet homme qui vous croyait à vendre comme
120 ma maison. Mais que répondriez-­ vous, si je vous conseillais de dire oui ? Hein ?
vous m’enverriez coucher… Eh bien ! lorsque je dis non, ne mettez pas votre nez
là-­dedans.
Et, la voiture s’étant arrêtée à la route du cimetière, il descendit avec la jeune
fille. Le caveau des Baudu se trouvait dans la première allée, à gauche. En quelques
125 minutes, la cérémonie fut terminée. Jean avait écarté l’oncle, qui regardait le trou d’un
air béant. La queue du cortège se répandait parmi les tombes voisines, tous les visages
de ces boutiquiers, appauvris de sang au fond de leurs rez-­de-­chaussée malsains,
prenaient une laideur souffrante, sous le ciel couleur de boue. Quand le cercueil coula
doucement, des joues éraflées de couperose6 pâlirent, des nez s’abaissèrent pincés
130 d’anémie7, des paupières jaunes de bile, meurtries par les chiffres, se détournèrent.
– Nous devrions tous nous coller dans ce trou, dit Bourras à Denise, qui était restée
près de lui. Cette petite, c’est le quartier qu’on enterre… Oh ! je me comprends,
l’ancien commerce peut aller rejoindre ces roses blanches qu’on jette avec elle.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre XIII
Notes :

6. « couperose » : rougeur au niveau du visage due à la dilatation des vaisseaux sanguins.


7. « anémie » : faiblesse due à la diminution des globules rouges dans le sang.
Les questions qui suivent portent sur les lignes 1 à 25.

A. Une scène de deuil

1. a) Quel temps fait-­il le jour de l’enterrement de Geneviève ?


b) Quelles sont les deux couleurs dominantes dans le premier paragraphe ? Relève dans ce paragraphe les mots
qui t’ont permis de répondre.
c) Voici une autre image extraite du film d’André Cayatte. On y voit Baudu, incarné par l’acteur Michel Simon,
sortir du Vieil Elbeuf pour suivre le corbillard qui emporte le cercueil de Geneviève.

— Au Bonheur des Dames, A. Cayatte, 1943


Observe-­la attentivement puis souligne dans le premier paragraphe du texte deux éléments du décor que tu
retrouves sur cette image.
d) Relis attentivement la dernière phrase du premier paragraphe. Pourquoi peut-­on dire que la description du
vieux quartier est en accord avec l’atmosphère de deuil ?

110 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 6


2. Pourquoi Denise est-­elle chargée par sa tante de veiller sur son oncle Baudu ?
Vérifie maintenant tes réponses dans le corrigé avant de poursuivre ce questionnaire.

B. Un enterrement symbolique

1. a) Les commerçants du quartier suivent le convoi funèbre. Relie par un trait les noms des personnages à leur
métier.

Commerçants Métiers
Bédoré et sœur • • gantier
Vanpouille frères • • fourreurs
Deslignières • • lingère
Piot et Rivoire • • bonnetiers
Mlle Tatin • • bimbelotier
Quinette • • marchands de meubles

b) La présence de ces commerçants peut être interprétée de deux manières différentes.


Retrouve et recopie deux expressions du deuxième paragraphe qui correspondent à ces deux interprétations.
c) Qui est accusé d’être responsable de la mort de Geneviève ?
2. a) Souligne dans le deuxième paragraphe deux métaphores* désignant le magasin Au Bonheur des Dames.
b) Quels sont les deux aspects par lesquels « les vitrines claires, les étalages éclatants de gaieté » (l.21-22) du
Bonheur des Dames s’opposent à l’atmosphère de deuil ?
c) Quel sentiment éprouvent les commerçants du quartier pour le grand magasin ?
Attention, les questions qui suivent porteront sur l’ensemble de l’extrait.
3. a) Les petits commerçants sont présentés comme « les victimes » du grand magasin.
Repère dans la suite de l’extrait une métaphore* exprimant leur disparition prochaine.
b) Relis maintenant les onze dernières lignes de l’ensemble du texte (l. 123-133). Quelle image le narrateur
donne-­t‑il des commerçants ?
c) Quel personnage incarne ici la résistance des boutiquiers face aux appétits du Bonheur des Dames ?
d) Relis les dernières paroles de Bourras (l. 131-133). Que symbolise selon lui l’enterrement de Geneviève ?
Compare maintenant tes réponses avec celles contenues dans le corrigé, puis poursuis ton travail.

C. Expression écrite

Tu vas maintenant faire un travail d’expression écrite.


Sujet : Comment l’écrivain montre-­t‑il que l’enterrement de Geneviève illustre en réalité la mort symbolique des
petits commerçants du quartier ?
En t’appuyant sur tes réponses précédentes, rédige sur ton cahier de brouillon un paragraphe argumenté de
quelques lignes.

Compare ton paragraphe argumenté avec celui du corrigé puis recopie-­le sur ton cahier sous la forme d’un « Je retiens »
que tu mémoriseras.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 6 111


Comment ajouter des exemples à une réponse argumentée ?
Tu l’as vu précédemment, les arguments sont les éléments qui justifient ta réponse. Les citations sont les
exemples des différents arguments. Elles doivent être précises (le numéro des lignes doit toujours être indi-
qué entre parenthèses) :
Ex. : Le texte est fantastique. D’abord, il est écrit à la première personne du singulier comme la plupart des
textes fantastiques (« je », (l. 2), « moi » (l. 3)). Ensuite, le champ lexical de la peur y est omniprésent (« effrayant »
(l. 13), « terrifiant » (l. 16)).

D. Dictée

Tu vas à présent t’entraîner à la dictée. Le texte est un extrait du passage que tu viens d’étudier.
Écoute la piste 19 pour faire la dictée.
Ensuite, prends le corrigé et vérifie la dictée.
Recopie ensuite les points corrigés correspondant à tes erreurs.
Le roman s’achève. Tu peux lire le dernier chapitre maintenant ou à la fin de l'unité.

SÉANCE 7
Analyser les métamorphoses du grand magasin

Durée de la séance : 1 h 30.


Dans cette séance, tu vas travailler sur les métamorphoses que subit le Bonheur des Dames tout au long de ce roman.
Tu découvriras que ces métamorphoses sont de deux types. Il s’agit, tout d’abord, des agrandissements successifs du
magasin qui rythment le récit, et s’inscrivent dans le cadre des grands travaux entrepris par le baron Haussmann sous
le Second Empire. Ensuite, tu étudieras comment le Bonheur des Dames est métamorphosé par l’emploi de certaines
images, comme les métaphores et les comparaisons, qui lui donnent une dimension mythique.

Lis attentivement l’extrait suivant qui est tiré du chapitre VIII et écoute-­le à la piste 20.

1 Cependant, tout le quartier causait de la grande voie qu’on allait ouvrir, du nouvel Opéra
à la Bourse, sous le nom de rue du Dix-­Décembre. Les jugements d’expropriation1 étaient
rendus, deux bandes de démolisseurs attaquaient déjà la trouée, aux deux bouts, l’une
abattant les vieux hôtels de la rue Louis-­le-­Grand, l’autre renversant les murs légers de
5 l’ancien Vaudeville2 ; et l’on entendait les pioches qui se rapprochaient, la rue de Choiseul
et la rue de la Michodière se passionnaient pour leurs maisons condamnées. Avant quinze
jours, la trouée devait les éventrer d’une large entaille, pleine de vacarme et de soleil.
Mais ce qui remuait le quartier plus encore, c’étaient les travaux entrepris au Bonheur des
Dames. On parlait d’agrandissements considérables, de magasins gigantesques tenant les
10 trois façades des rues de la Michodière, Neuve-­Saint-­Augustin et Monsigny. Mouret, disait-­
on, avait traité avec le baron Hartmann, président du Crédit Immobilier, et il occuperait tout
le pâté de maisons, sauf la façade future de la rue du Dix-­Décembre, où le baron voulait
construire une concurrence au Grand-­Hôtel. Partout, le Bonheur des Dames rachetait les
baux3, les boutiques fermaient, les locataires déménageaient ; et, dans les immeubles vides,
15 une armée d’ouvriers commençait les aménagements nouveaux, sous des nuages de plâtre.
Seule, au milieu de ce bouleversement, l’étroite masure du vieux Bourras restait immobile
et intacte, obstinément accrochée entre les hautes murailles, couvertes de maçons.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre VIII
Notes :

1. « expropriation » : le fait de déposséder légalement quelqu’un de la propriété d’un bien.


2. « l’ancien Vaudeville » : l’ancien théâtre.
3. « les baux » : (pluriel de « bail ») contrat par lequel quelqu’un loue un bien à une autre personne.

112 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 7


A. Les travaux du Bonheur des Dames

1. a) Encadre dans le texte le nom de la grande avenue que l’on construit.


b) Quels sont les deux lieux parisiens qui seront reliés par cette avenue ?
2. a) Avec qui Mouret s’est-­il entendu pour agrandir ses magasins à tout le pâté de maisons ?
b) Souligne dans le texte les conséquences de ces travaux d’agrandissement du Bonheur des Dames.
Vérifie tes réponses dans le corrigé puis poursuis ce questionnaire.
3. Lis attentivement l’extrait qui suit.
Du reste, leur situation allait empirer encore. En septembre, l’architecte, craignant de ne pas être prêt, se
décida à faire travailler la nuit. De puissantes lampes électriques furent établies, et le branle ne cessa plus :
des équipes se succédaient, les marteaux n’arrêtaient pas, les machines sifflaient continuellement, la cla-
meur toujours aussi haute semblait soulever et semer le plâtre.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre VIII
a) Que décide l’architecte pour que les travaux ne prennent pas de retard ?
b) Souligne dans l’extrait une expression qui correspond bien à ce que tu peux observer sur l’image ci-­dessous.

— Percement de la Butte-­des-­Moulins. Dessin par G. Guiaud. Le Journal illustré, 28 janvier 1877


Compare tes réponses avec celles du corrigé avant de poursuivre ton travail.

Le coin des curieux

Sous le Second Empire, Paris est profondément transformé. Napoléon III et le baron Haussmann, préfet de la
Seine de 1853 à 1870, lancent un grand programme de rénovation afin d’aérer et d’embellir la ville. Tu en as un
exemple avec la rue du Dix-­Décembre, dans l’extrait étudié.
• De grands boulevards sont créés pour améliorer l’hygiène des vieux quartiers et faciliter la circulation dans
la capitale.
• Sur ces grands axes sont construits des immeubles haussmanniens qui se caractérisent par une même
hauteur, des lignes horizontales fortes, l’emploi de pierres de taille, et de nombreux balcons.
¾ Pour en savoir un peu plus sur les grands travaux haussmanniens, tu peux lire un autre roman d’Émile Zola,
La Curée, publié en 1871.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 7 113


B. Les métamorphoses du grand magasin par les images
Maintenant lis attentivement l’extrait qui suit.
1 Alors, Denise eut la sensation d’une machine, fonctionnant à haute pression, et dont
le branle aurait gagné jusqu’aux étalages. Ce n’étaient plus les vitrines froides de la matinée ;
maintenant, elles paraissaient comme chauffées et vibrantes de la trépidation intérieure. […]
Mais la chaleur d’usine dont la maison flambait, venait surtout de la vente, de la bousculade
5 des comptoirs, qu’on sentait derrière les murs. Il y avait là le ronflement continu de la
machine à l’œuvre, un enfournement de clientes, entassées devant les rayons, étourdies
sous les marchandises, puis jetées à la caisse. Et cela réglé, organisé avec une rigueur
mécanique, tout un peuple de femmes passant dans la force et la logique des engrenages.
— Au Bonheur des Dames, Émile Zola, chapitre I
1. a) Quelle métaphore* est employée pour désigner le Bonheur des Dames ?
b) Souligne dans le texte tous les termes qui développent cette métaphore.
c) Quels sont les effets de sens produits par l’emploi de ce développement métaphorique ?
d) Quel est le point de vue adopté pour cette description ?
2. Lis attentivement les extraits suivants.
Extrait 1
« On eût dit que le colosse, après ses agrandissements successifs, pris de honte et de répugnance pour le quar-
tier noir, où il était né modestement, et qu’il avait plus tard égorgé, venait de lui tourner le dos, laissant la boue
des rues étroites sur ses derrières […]. »
Extrait 2
« C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes. »
Extrait 3
« Denise, cédant à la séduction, était venue jusqu’à la porte, sans se soucier du rejaillissement des gouttes, qui
la trempait. À cette heure de nuit, avec son éclat de fournaise, le Bonheur des Dames achevait de la prendre tout
entière. Dans la grande ville, noire et muette sous la pluie, dans ce Paris qu’elle ignorait, il flambait comme un
phare […]. »
a) Souligne dans les deux premiers extraits les images employées pour désigner le Bonheur des Dames.
b) Rappelle le nom de ce type d’images, et indique les significations qu’elles ajoutent à la réalité décrite.
c) Souligne maintenant dans le troisième extrait une comparaison employée pour décrire le magasin.
Tu peux maintenant vérifier l’exactitude de tes réponses dans le corrigé. Ensuite, recopie et apprends le « Je retiens »
suivant.

JE RETIENS

La métamorphose du Bonheur des Dames par les images


Tout au long du roman, le Bonheur des Dames est transformé par l’emploi d’images comme les métaphores et
les comparaisons. On en repère deux principales :
• une machine : dès les premières pages du roman, Denise associe le grand magasin à une machine, « fonc-
tionnant à haute pression ». Cette métaphore essentielle traverse tout le roman.
• une cathédrale : le Bonheur des Dames est régulièrement présenté comme un temple élevé à la gloire des
femmes, le lieu d’une nouvelle religion.
Par le jeu des points de vue, les métaphores et les comparaisons sont parfois attribuées à certains person-
nages et peuvent alors exprimer une vision presque fantastique du magasin. Ainsi, les Baudu qui « res-
taient effrayés devant la vision du Bonheur des Dames flambant au fond des ténèbres, comme une forge
colossale, où se forgeait leur ruine. »
L’emploi de ces images confère au Bonheur des Dames une impression de grandeur et une dimension reli-
gieuse.

C. Expression écrite

Pour terminer cette séance, tu vas faire un petit exercice d’écriture.


Tu rédigeras un petit paragraphe de cinq à six lignes dans lequel tu décriras le Bonheur des Dames à l’aide de la
métaphore du monstre dont tu développeras le champ lexical. Tu t’appuieras sur tes connaissances concernant
le fonctionnement du grand magasin. Tu pourras commencer ton travail par « Alors Denise eut la sensation d’un
monstre… ».

114 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 7


Pour réussir ton exercice, tu dois :
• décrire le Bonheur des Dames en employant la métaphore du monstre
• employer le champ lexical du monstre
• mobiliser tes connaissances sur le fonctionnement du grand magasin.
Fais d’abord cet exercice au brouillon. Vérifie ensuite que tu as bien respecté les consignes.
Mets une croix dans le tableau quand c’est le cas.

Je vérifie que… Fait


J’ai décrit le Bonheur des Dames en employant la métaphore du monstre.
J’ai employé le champ lexical du monstre.
J’ai mobilisé mes connaissances sur le fonctionnement du grand magasin.

Quand tu as effectué tes vérifications, recopie ton paragraphe dans ton cahier puis lis
dans le corrigé un exemple de ce qu'il était possible d'écrire.

SÉANCE 8
Étudier l’affiche du film d’André Cayatte

Durée de la séance : 1 heure.


Dans cette séance, tu vas étudier l’affiche du film Au Bonheur des Dames réalisé en 1943 par André Cayatte.
Observe bien cette affiche.

— Affiche du film Au Bonheur des Dames, André Cayatte (1943)

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 8 115


A. Observer le texte de l’affiche

1. a) Quelles sont les différentes informations données par le texte de cette affiche ? (quatre éléments sont atten-
dus)
b) L’adaptation d’André Cayatte est-­elle absolument fidèle au roman de Zola ? Relève l’expression qui t’a permis
de répondre.
c) Quels sont les deux principaux acteurs du film ?
d) Observe bien la typographie employée pour les lettres du titre. À quoi te font-­elles penser ?
Compare maintenant tes réponses avec celles du corrigé puis poursuis le travail.

B. Observer les différents éléments de l’image

1. a) Quels sont les différents éléments que tu peux observer sur cette image ?
b) Comment le magasin Au Bonheur des Dames est-­il mis en valeur sur cette image ?
Tu observeras sa place sur l’affiche, les couleurs ou les formes employées pour le représenter.
c) Que peut symboliser selon toi le soleil représenté à l’arrière-­plan ?
2. a) Observe bien cet agrandissement du coin de l'affiche : il représente le magasin Au Vieil Elbeuf. Quels points
communs peux-­tu trouver avec la description proposée au début du roman par l’écrivain ? (Reporte-­toi au
texte de la séance 1).

b) Comment le dessinateur a-­t‑il traduit l’opposition entre les deux magasins ?


3. Regarde bien ces quatre personnages.
1 2 3 4

_____________________ ______________ ________________ _______________


a) Sur l’affiche, où ces quatre personnages sont-­ils situés par rapport au magasin du Bonheur des Dames ?
b) En quoi le personnage no 1 se distingue-­t‑il des autres ? Observe par exemple l’expression des visages.
c) Dans quelle direction les personnages nos 3 et 4 regardent-­ils ?

116 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 8


d) Comment peut-­on interpréter ce regard ?
e) À partir de tes réponses et de ta connaissance du roman, écris maintenant le nom des personnages sous les
différents portraits.
4. Que représente, selon toi, la figure féminine placée au centre de l’affiche ?
Vérifie maintenant tes réponses à l’aide du corrigé.

SÉANCE 9
Approfondir ses connaissances sur un écrivain et son œuvre

Durée de la séance : 1 heure.


Pour terminer l'unité et approfondir tes connaissances sur l’écrivain, tu vas étudier un article d’encyclopédie sur Émile
Zola et son œuvre.
À présent, lis attentivement le texte qui suit.

Zola Émile, 1840-1902, né à Paris, écrivain français. Fils d’un ingénieur italien,
il passa son enfance à Aix-­en-­Provence, perdit son père à l’âge de 7 ans et suivit sa
mère à Paris en 1858, où il trouva un modeste travail de bureau, avant d’être engagé
à la librairie Hachette. Il y découvrit les dessous de l’édition1, fit connaissance avec
le monde des auteurs et fut bientôt chargé du secteur publicité. Il entama ensuite une
carrière de journaliste et de critique (Mes haines, 1866), qui le mit financièrement plus
à l’aise, et publia ses premiers récits, en partie autobiographiques (Contes à Ninon,
1864 ; La Confession de Claude, 1865). Avec Thérèse Raquin (1867), il inaugura une
nouvelle conception romanesque consistant à analyser les errements2 psychologiques
comme on fait une analyse médicale ou chimique.
Notes :

1. « les dessous de l’édition » : la partie non connue du monde de l’édition.


2. « errements » : égarements, errances.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 9 117


« Les Rougon-­Macquart ». Cette conception l’amena à mettre en place sa série
des Rougon-­Macquart (20 volumes de 1870 à 1893) où il suivit, d’un roman à l’autre,
les multiples ramifications de l’arbre généalogique d’une famille. Le sous-­ titre
énonçait à lui seul le programme de Zola : Histoire naturelle et sociale d’une famille
sous le Second Empire. Inspirée par les travaux de Claude Bernard, la littérature
« naturaliste » reprenait avec lui le modèle de la science, cherchant dans les lois
de l’hérédité3 le moteur de l’action et de la production romanesque. C’est ainsi que
La Fortune des Rougon (1870) lança le cycle et que Le Ventre de Paris (1873), La
Faute de l’abbé Mouret (1875), Nana (1879), Germinal (1885), L’Œuvre (1886), La
Bête humaine (1890), L’Argent (1891) le poursuivirent imperturbablement. Et cela
en dépit des scandales que suscitèrent La Curée (1871), L’Assommoir (1877) ou
La Terre (1887) dont on souligna surtout le caractère vulgaire et l’usage des mots
crus4 ainsi que la description de réalités sordides. En fait, l’ambition de Zola était de
composer l’épopée5 de son époque, mais une épopée attachée au souci scientifique
de peindre le réel en ses moindres occurrences. C’est ce qui donne ce double visage
à Zola, à la fois rigoureux et précis (il accumulait documentation et enquêtes pour
ses ouvrages), comme le veut la doctrine naturaliste qu’il avait mise au point (Le
Roman expérimental, 1880), et entraîné par son souffle épique et ses facultés de
poète visionnaire (combien de descriptions de choux dans Le Ventre de Paris ou de
mines dans Germinal deviennent d’authentiques envolées poétiques, parfois proches
du fantastique !). En 1893 parut le dernier des 20 volumes (Le Docteur Pascal) où
s’expliquait et se résorbait toute l’architecture de la série.
L’intellectuel en révolte. Hormis les Rougon-­Macquart, Zola publia aussi
des contes (Nouveaux Contes à Ninon, 1874 ; Naïs Micoulin, 1884) et produisit
une œuvre critique, défendant ses amis (Maupassant, Huysmans ou les peintres
impressionnistes) ou attaquant ses détracteurs6 (Les Soirées de Médan, 1880 ; Les
Romanciers naturalistes, 1881). Puis il se lança dans deux autres cycles : Les Trois Villes
(Lourdes, 1894 ; Rome, 1896 ; Paris, 1898) et Les Quatre Évangiles (Fécondité, 1899 ;
Travail, 1901 ; Vérité, 1903 [posthume] ; et Justice, qui ne vit jamais le jour). L’ambition
scientifique se conjuguait toujours davantage à la critique sociale ; il ne s’agissait plus
de décrire des faits objectivement, mais de prendre parti, voire de prendre à partie les
responsables des maux sociaux et des malversations7 politiques : l’écrivain devenait un
« intellectuel ». Ce fut l’affaire Dreyfus qui conduisit Zola à s’engager de la sorte du côté
de la justice et de la morale contre les manipulations du pouvoir militaire et politique,
notamment avec J’accuse8 qui parut le 13 janvier 1898 dans L’Aurore9. Condamné par la
justice, il se battit farouchement pour la réhabilitation de Dreyfus, multipliant les articles et
les interventions. Il mourut brutalement, asphyxié dans son appartement par une cheminée
bouchée, laissant une œuvre ambitieuse qui marqua le point culminant de la relation entre
idéologie scientiste, réalisme sentimental et poésie épique du quotidien.
— Article « Émile Zola », Encyclopédie Bordas, Paris, 1994
Notes :

3. « hérédité » : transmission des caractères d’un être vivant à ses descendants.


4. « mots crus » : mots choquants.
5. «
 épopée » : long poème où le merveilleux se mêle au monde réel et qui a pour but de célébrer les exploits d’un h
­ éros.
L’épopée désigne aujourd’hui une suite d’évènements à caractère héroïque.
6. « détracteurs » : ceux qui le critiquent, le dénigrent.
7. « malversations » : fautes graves commises dans l’exercice d’une charge ou d’un mandat politique.
8. « J’accuse » : titre d’un article de Zola.
9. « L’Aurore » : nom d’un journal quotidien.
Pour vérifier que tu as bien lu, tu vas maintenant compléter une fiche biographique sur Émile Zola.

118 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 9


A. Compléter une fiche biographique

Recopie la fiche biographique ci-­dessous sur ton cahier de brouillon et complète-­la en t’appuyant sur les informa-
tions trouvées dans l’article.
AUTEUR (date de naissance – date de mort)
Sa vie : Son œuvre :
• lieux de naissance et de vie : • principaux genres littéraires abordés (roman,
• métiers, activités : théâtre, poésie…) :
• principaux évènements personnels : • titres des œuvres principales :
• personnages ou évènements ayant marqué l’auteur : • principales caractéristiques du style de l’auteur :

Vérifie maintenant tes réponses dans le corrigé, puis poursuis ton travail.

B. Approfondir la connaissance de l’œuvre

1. a) Comment se nomme le grand cycle romanesque de vingt volumes écrit par Zola ?
b) Repère dans l’article et recopie le sous-­titre de cette série.
2. a) Recherche, dans un manuel d’histoire ou dans une encyclopédie, les dates de la période du Second Empire.
b) Qui dirigeait la France pendant cette période ?
3. a) Pour quelles raisons certains romans comme La Terre ou L’Assommoir ont-­ils provoqué des scandales ?
b) Comment Zola travaillait-­il pour peindre la réalité avec la plus grande exactitude ?
c) Par quel mot la littérature (ou la doctrine) de Zola, qui s’appuie sur les progrès de la science, est-­elle
qualifiée ?
Tu vas maintenant compléter le « Je retiens » qui suit en t’appuyant sur tes réponses précédentes. Tu feras d’abord ce
travail au brouillon.

JE RETIENS

L’œuvre littéraire d’Émile Zola

• L’œuvre romanesque d’Émile Zola est essentiellement constituée d’un cycle appelé ____________________
et constitué de _______ volumes. Dans ses romans, l’écrivain retrace l’histoire naturelle et sociale d’une
______________ qui vit sous le _____________________.
• La littérature de Zola, qualifiée de __________________ , se donne pour but de décrire et d’analyser les
différents milieux sociaux en s’appuyant sur les progrès de la ____________.
• Pour peindre avec exactitude et précision la réalité historique et sociale, l’écrivain accumule une
_________________ très riche et se livre à de nombreuses _____________ sur le terrain (dans les mines
pour Germinal, dans les grands magasins pour Au Bonheur des Dames).

Tu peux maintenant vérifier tes réponses et recopier le « Je retiens » sur ton cahier afin de le mémoriser.

SÉANCE 10
Je m’évalue

Durée de la séance : 1 heure.


Comme à la fin de chaque unité, tu vas faire un bilan de ce que tu as appris. Cela te permettra de faire le point sur ce que
tu dois savoir, et ce que tu dois être capable de faire pour le devoir. Complète maintenant le tableau suivant. Tu peux, bien
sûr, utiliser ton cours si tu as oublié quelque chose. Quand tu auras fini, prends le corrigé afin de vérifier tes réponses. Il
est très important que ce tableau de synthèse ne comporte pas d’erreur.

CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 10 119


Je connais… Je suis capable de…
Émile Zola et son œuvre. ¾ Nommer deux titres de romans écrits par Émile
¾ Je sais que l’ensemble de ses romans sont regrou- Zola : ____________________________________
pés sous le titre les ________________________. ___________________________________
¾ Ses romans se déroulent pendant le
_________________________________________.
¾ Je sais que sa littérature est qualifiée de
_________________________________________.
Les principaux personnages du roman Au Bonheur des ¾ Nommer certains personnages secondaires comme :
Dames. • ___________, le vendeur de parapluies qui tente de
¾ Je sais que l’héroïne se nomme _____________ , que résister au Bonheur des Dames.
son oncle nommé ___________ possède un magasin • _____________, la cousine malheureuse de Denise.
appelé ________________.
• _______ et _______, les deux frères de Denise.
¾ Je sais que le directeur du Bonheur des Dames se
nomme ___________.
Les techniques de vente modernes employées par ¾ Citer trois supports différents pour la publicité :
Mouret : ______________________________________
¾ Le recours à la _______________. ______________________________________
¾ La diminution des ______ et le système des ______________________________________
___________.
¾ La vente par ______________.
¾ Les aménagements intérieurs pour mieux piéger les
clientes.

Les propositions subordonnées circonstancielles de : ¾ Souligner dans une phrase la proposition subordon-
• __________________________________________ née circonstancielle et d’indiquer la circonstance
• __________________________________________ exacte.
• __________________________________________ — Denise refuse les avances de Mouret parce
que celui-­ci n’est pas un homme sérieux.
(________________)
— Denise propose des réformes afin que le sort des
employés soit amélioré. (________)
— Le grand magasin propose des prix très bas, si bien
que les petits commerces réalisent moins de ventes.
(________________)
L’orthographe de quelques séries préfixales : ¾ Isoler le préfixe dans les mots suivants : subvenir
___/ ____/ ____/ ____/ ____/ – commettre – illégal – disparaître – dénouer –
L’orthographe de quelques séries suffixales : apprendre – soumettre – corrompre – imprévu
____ / _____/ _____/ _____/ ¾ Mettre au féminin les mots suivants : Parisien –
taquin – coquet – diluvien –pâlot – malsain - médi-
terranéen
La principale métaphore employée dans le roman pour ¾ Encadre une comparaison et souligner une méta-
désigner le magasin : phore dans une phrase :
Celle de la _____________ . — « Au-­dessous d’eux, s’étendait l’immense vitrage de
la galerie centrale, un lac de verre borné par les toi-
tures lointaines, comme par des côtes rocheuses. »

Bravo ! Tu as bien travaillé.


Avant de passer à l’unité suivante, tu peux, si tu en as envie, poursuivre un petit bout de chemin avec Émile Zola
en faisant les exercices de la séance interactive qui se situe dans les « Plus numériques » et qui s’intitule
« Imaginer le réel : l’ambitieux défi du réalisme et du naturalisme ».
Tu peux aussi revoir « Le jeu des temps dans le récit au passé »
en compagnie de Denise.

120 CNED – Collège 4e FRANÇAIS – Unité 4 – Séance 10

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