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Ohadata D-23-14

LE CHARME DE LA MÉDIATION EN DROIT DES


AFFAIRES OHADA
Par

Ismael Wilfried Pierrot D'ALMEIDA


Magistrat, Master Droit Pénal et Sciences Criminelles, Master Droit Economique, Médiateur
agréé en droit des affaires

Email : dalmeidaismaelwilfriedpierrot@gmail.com

Article sélectionné par le Conseil scientifique - Association Henri Capitant


https://www.henricapitant.org
Résumé :

« Rapide, volontaire, efficace et d’un coût modéré, la médiation constitue une


alternative puissante à la justice judiciaire (et même arbitrale) dont on connaît les faiblesses
et qui pâtit de son engorgement et des coûts qui lui sont associés, lacunes prenant une acuité
particulière… »1. L’aléa judiciaire, la pesanteur procédurale, les délais relativement longs et le
coût sont entre autres facteurs qui entravent considérablement l’efficacité de la justice étatique
telle qu’elle est rendue aujourd’hui un peu partout à travers le monde. Cela justifie sans aucun
doute le recours progressif aux modes alternatifs de règlement de différends, du nombre
desquels la médiation dont les spécificités ont désormais démontré la pertinence. Ces palliatifs
ont le double mérite d’éviter la lourdeur judiciaire et de désengorger considérablement les
juridictions d’une part, puis, d’autre part, d’impliquer davantage les justiciables dans la
résolution de leurs désaccords en ce sens que les solutions offertes sont librement pensées et
voulues par eux. La médiation constituant un mode de règlement de différends utilisé en
Afrique depuis la nuit des temps sous « l’arbre à palabre », elle dépasse aujourd’hui la sphère
communautaire et tend vers la pluridisciplinarité. Bien plus qu’opportun, il est nécessaire de
mettre en évidence ses atouts afin que soit comprise une fois de plus toute sa pertinence et
permettre de multiplier ainsi son emploi comme MARC pour qu’en tirent profit aussi bien les
justiciables, les professionnels du droit que l’appareil judiciaire.

Mots clés : Modes alternatifs de règlement de différends-Modes alternatifs de règlement de


conflits-Modes alternatifs de règlement de litiges-Médiation-OHADA-droit des affaires

1
André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, « La médiation dans l’espace OHADA : état des lieux et
perspectives », RDAA, Regard janvier 2022 , p7, disponible sur http://www.institut-idef.org

2
Abstract :

"Quick, voluntary, effective and inexpensive, mediation is a powerful alternative to judicial


(and even arbitration) justice, the weaknesses of which are well known and which suffers from
its congestion and the costs associated with it, shortcomings taking on a particular acuity…”2 .
Judicial uncertainty, procedural complexity, relatively long delays and cost are among other
factors that considerably hinder the effectiveness of state justice as it is rendered today around
the world. This undoubtedly justifies the gradual use of alternative dispute resolution methods,
including mediation, the specificities of which have now demonstrated their relevance. These
palliatives have the double merit of avoiding judicial heaviness and considerably relieving the
courts on the one hand, then, on the other hand, of involving the litigants more in the resolution
of their disagreements in the sense that the solutions offered are freely thought and wanted by
them. Mediation is a mode of dispute settlement used in Africa since the dawn of time under
the “palaver tree”, it now goes beyond the community sphere and tends towards
multidisciplinarity. Much more than timely, it is necessary to highlight its strengths so that all
its relevance is understood once again and thus allow its use to be multiplied as ADR so that
both litigants, legal professionals than the judiciary.

Keywords: Alternative dispute resolution methods-Mediation-OHADA-Business law

2
André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, “Mediation in the OHADA space: inventory and
perspectives”, RDAA, Regard January 2022, p7, available at http://www.institut-idef.org

3
« Comme on peut l’imaginer, les maux sont souvent liés aux mots. Certains mots évitent
des maux tandis que d’autres mots causent des maux »3. Cette assertion traduit sans conteste la
place des mots dans la naissance d’un désaccord mais aussi et surtout l’attachement de l’auteur
à la finesse de leur emploi dans la résolution des différends. La justice étatique, depuis fort
longtemps déjà, ne constitue plus le seul moyen de règlement de désaccords. Plusieurs
alternatives dites de règlement de différends4 lui servent de palliatif car taxée de lente et lourde,
à tort ou à raison, il faut l’admettre, dans le traitement des litiges nés de rapports socio-
économiques. Ces modes alternatifs, il faut le préciser, ne sont pas substitutifs5 et aident à
corriger les insuffisances institutionnelles6 et fonctionnelles7 de la justice publique en quête de
légitimité8. Du nombre de ces palliatifs, se démarquent l’arbitrage, la conciliation et la
médiation. Cette dernière, objet du dernier Acte Uniforme9 de l’OHADA10 se démarque à son
tour par des spécificités qui font son opportunité.

La médiation, bien connue des traditions africaines pour y avoir depuis toujours été
pratiquée11, elle s’impose davantage aujourd’hui sous sa forme contemporaine marquée de
polyvalence12 et d’internationalité13. Elle est « assimilée à un art thérapeutique basé sur des
rencontres qui aident à faire cicatriser des blessures causées par des mots, construire des ponts
entre des fossés creusés par des mots ou des maux dont souffrent des relations, quelle que soit

3
Karel Osiris Coffi DOGUE, Guide pratique de la médiation OHADA, D & Partners Editions, Porto-Novo, 2021
p.15
4
Il s’agit là, d’alternatives connues sous le vocable Modes Alternatifs de Règlement de Différends (MARD), ou
Modes Alternatifs de Règlement de Conflits (MARC), ou Modes Alternatifs de Règlement de Litiges (MARL).
On parle d’ « Alternative Dispute Resolution » en anglais.
5
En ce sens qu’ils ne peuvent à eux seuls résoudre tous types de différends. Force est de constater que dans certains
cas, il n’est pas envisageable de contractualiser le litige quelque soit le mode alternatif de différend envisagé.
6
Insuffisance de ressources, délais de procédure, pluralité de juridictions, éloignement du justiciable, etc…
7
Lenteur, formalisme, dépendance, etc….
8
Il est à relever que les justiciables ont de plus en plus développé une antipathie pour la justice étatique d’une part
parce qu’ils ne comprennent pas ou ne connaissent pas le droit qui y est appliqué, mais d’autre part parce qu’ils
n’ont plus confiance au juge et désapprouvent par voie de conséquence les décisions qu’il rend.
9
Acte Uniforme relatif à la médiation du 23 novembre 2017, signé à Conakry
10
Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires née du traité de Port-Louis du 17 octobre
1997 traduisant la volonté d’uniformiser le droit des affaires au sein de 17 Etats africains par l’élaboration
d’instruments juridiques communs (Actes Uniformes)
11
Sous formes et appellations diverses notamment l’Arbre à palabres, la Sulh islamique, le Tahkim musulman, le
Mushingantahe burundais, le Gacaca rwandais, l’Ubuntu ou l’Hisba. V. Karel Osiris op. cit. pp 16-17
12
Bien au-delà du monde des affaires, elle a fait ses preuves dans la résolution des crises politiques (Au Bénin par
exemple en 1990 avec l’initiative « asseyons-nous pour discuter », une sorte de médiation au niveau national ayant
facilité l’organisation d’élections sans incidents après une crise sérieuse) et des conflits militaires (Au Rwanda par
exemple avec le recours à la traditionnelle méthode des « gacacas » pour ramener l’accalmie après les affres du
génocide et des conflits). V. André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, La médiation dans l’espace
ohada : état des lieux et perspectives, consulté sur https://lutran-avocats-mediation.com/la-mediation-dans-
lespace-ohada-etat-des-lieux-et-perspectives/
13
V. Convention de Singapour sur la médiation sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies entrée en vigueur
le 12 septembre 2020 comptant plus d’une cinquantaine de signataires dont plus d’une dizaine africains.

4
leur nature »14. Deux approches, l’une réaliste l’autre libérale permettent de cerner davantage
la notion de médiation. Pour la première la médiation « constitue un processus de gestion de
conflit où les parties adverses sollicitent l’assistance ou acceptent l’offre d’aide d’un tiers
extérieur au conflit, qui soit en mesure de changer leurs perceptions ou leurs comportements
sans devoir recourir à la force ou invoquer les règles de droit »15. Pour la seconde il s’agit d’un
« mode de négociation dans lequel une tierce partie aide les parties en conflit à développer une
solution qu’elles n’ont pas encore trouvé elles-mêmes »16. André Wilfried Eloundou Eloundou
& David Lutran considèrent pour leur part que « Dans son acception contemporaine, la
médiation s’entend d’un processus confidentiel intervenant en dehors d’un procès (judiciaire
ou arbitral) ou en marge de celui-ci, tendant à la résolution d’un différend entre des parties
(particuliers, associations, entreprises, collectivités publiques, Etats…) avec l’aide d’un tiers
neutre, indépendant et impartial appelé médiateur»17. Le législateur OHADA a en ce qui le
concerne légiféré qu’elle constitue « tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel
les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige,
d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (ci‐après le « différend ») découlant d’un rapport
juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou
morales, y compris des entités publiques ou des Etats »18. L’on peut ainsi, sans risque de se
tromper, affirmer que la médiation constitue l’intervention d’un tiers sollicitée ou acceptée des
parties en désaccord afin de permettre à celles-ci de parvenir à un dénouement diligent de leur
différend. Recourir vocable « charme » de la médiation, sans être osé, constitue la
reconnaissance à peine voilée qu’elle en a. Il est ici question de l’étude, telle d’une houri, sans
tendre vers le blasphème, de ce qui suscite la convoitise de la médiation, de ce qu’elle propose
d’attirant ou de séduisant, de ce qui fait ou peut faire la désirer, de son charme. C’est conscients
de ce charme que certains Etats africains au nombre desquels le Bénin19, le Burkina Faso20, la
Côte d’Ivoire21 ou le Sénégal22 avaient déjà, avant l’intervention de l’Acte Uniforme, légiféré
en la matière et intégré la médiation comme mode de règlements de conflits dans leurs arsenaux

14
Karel Osiris Coffi DOGUE,id
15
J. BERCOVITCH, Mediation International Conflicts : an overview of theory, a review of practice cité par Karel
Osiris Coffi DOGUE op. cit. p29
16
Narcisse AKA, Alain FENEON et Jean Marie TCHAKOUA cités par Karel Osiris Coffi DOGUE op. cit. p29
17
André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, « La médiation dans l’espace OHADA : état des lieux et
perspectives », RDAA, Regard janvier 2022 , p6, disponible sur http://www.institut-idef.org
18
Art 1.a de l’acte uniforme relatif la médiation
19
Loi n°2020-08 du 23 Avril 2020 portant modernisation de la justice ayant complété l’article 38 de la loi sur
l’organisation judiciaire.
20
Loi n° 052-2012/AN du 17 Décembre 2012 portant médiation en matière civile et commerciale au Burkina Faso
21
Loi n°2014-189 du 20 Juin 2014 relative à la médiation judiciaire et conventionnelle en Côte d’Ivoire
22
Décret n° 2014-1653 du 24 décembre 2014 relatif à la médiation et à la conciliation au Sénégal

5
juridiques internes. Le droit OHADA né du traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 manifeste
la volonté d’uniformiser le droit des affaires au sein de 17 Etats23 parties et poursuit le double
objectif de la modernisation du droit des affaires ainsi que de la facilitation du règlement des
litiges.
Les précisions conceptuelles faites, il importe de circonscrire le champ de la présente
étude. Il sera essentiellement question de la médiation telle que voulue et légiférée par le
législateur OHADA. Pour des besoins méthodologiques, il sera par moments et
proportionnellement aux ressources disponibles, fait recours a certaines législations ou des
regards comparatifs pour mieux mettre en évidence les spécificités de la médiation proposée
par l’AUM24. Ces spécificités, symbole de l’opportunité du recours à la médiation, font susciter
une interrogation particulière autour de la thématique portant sur le charme de la médiation en
droit des affaires OHADA : celle de l’attractivité de cette dernière. Interrogation qui n’est pas
sans intérêts.
D’abord celui des contours de l’encadrement, ensuite celui de sa mise en œuvre. Il
s’agira d’une part de la notion de médiation telle qu’envisagée en droit OHADA, et d’autre part
d’en comprendre la portée, les implications et le mérite de son application. Cette médiation
longtemps25 ignorée par le Législateur26 et dont la pertinence a imposé l’adoption d’un Acte
Uniforme bien que tardif, est aujourd’hui combien de fois salutaire27. La médiation tire en effet
son salut du fait qu’elle permette aux justiciables en désaccord « ...de se réapproprier leur
conflit et d’y apporter eux-mêmes les solutions qu’ils estiment appropriées, hors d’une sphère
judiciaire dont les commentateurs sont nombreux à déplorer les carences »28.
Il en ressortira la pluralité d’intervenants couplée à des prérogatives propres à chacun
d’entre eux. Ces précisions, touchées de près, mettront en évidence l’élégance, de loin
imperceptible, de la médiation.

23
Le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Cote d’Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la
Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo, le
Sénégal, le Tchad et le Togo. L’OHADA s’est assigné comme mission l’harmonisation du droit des affaires afin
de garantir, au niveau de ses Etats membres une sécurité juridique et judiciaire pour les investisseurs et les
entreprises et ainsi propulser le développement économique et créer un vaste marché intégré afin de faire de
l’Afrique un « pôle de développement ». (source : ohada.com)
24
L’Acte Uniforme relatif à la Médiation qui tient lieu de loi relative à la médiation dans les Etats parties et par
voie de conséquence prévaut sur toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure. ( v. avis
N°001/2001/EP du 30 avril 2001 et N°002/2017 du 16 février 2017 de la CCJA)
25
Intervenu plus de deux décennies après la traité de Port-Louis.
26
OHADA
27
Apres que certains Etats se soient déjà dotés de textes nationaux régissant le recours à la médiation. Le souci du
Législateur a donc ici été lharmonisation de la règlementation en la matière
28
André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, « La médiation dans l’espace OHADA : état des lieux et
perspectives », RDAA, Regard janvier 2022 , p3, disponible sur http://www.institut-idef.org

6
Pour cela le sceau de la médiation qu’est la liberté des parties (I) lui donnera tout son
crédit au moyen de l’empreinte laissée par les intervenants (II).

7
I. LA LIBERTE DES PARTIES, SCEAU DE LA MEDIATION

Le large champ laissé à la volonté des parties tout au long du processus de médiation
constitue son attractivité première. Cette volonté des parties est manifestée déjà dès l’ouverture
du processus (A), laquelle volonté, libre, est maintenue tout au long de la conduite de la
médiation (B).

A. LA LIBRE VOLONTE DES PARTIES A L’OUVERTURE DE


LA MEDIATION

Le principe de la volonté des parties gouverne la procédure de médiation et bien avant,


« …même antérieurement, lors du choix d’y recourir pour l’avenir »29. La manifestation de la
libre volonté des parties est donc antérieure au processus lui-même. Les parties peuvent par une
clause ou une convention, décider de soumettre à la procédure de médiation leurs désaccords à
naitre. Certains auteurs estiment qu’il s’agit d’une médiation préventive. Cette volonté se
poursuit bien plus loin, lors de la survenance envisagée des désaccords entre les parties, par le
recours effectif à l’ouverture d’une médiation. A cet effet, « la procédure de médiation débute
le jour où la partie la plus diligente met en œuvre toute convention de médiation écrite ou
non »30. Ainsi, chacune des parties à un désaccord ou du moins la plus diligente, fait enclencher
le processus de médiation dès la mise en œuvre de la convention ou de la clause. Les parties
sont donc libres, chacune en ce qui la concerne d’ouvrir la procédure de médiation telle que
convenue dans la convention. L’ouverture de la médiation est donc laissée à la discrétion des
parties, lesquelles manifesteront la volonté de mettre en œuvre leur convention de médiation. Il

29
Domitille Jeanson, La médiation conventionnelle comme mode de règlement des différends commerciaux : étude
de son régime en droit francais et russe, lu sur https://blogs.parisnanterre.fr/article/la-mediation-conventionnelle-
comme-mode-de-reglement-des-differends-commerciaux-etude-de-
son#:~:text=Parfaitement%20admise%20en%20matière%20commerciale,commerciales%2C%20ou%20encore
%20des%20associés… consulté le 07/06/23 à 10h12
30
Art 4 al.1 AUM

8
s’agit de la médiation conventionnelle31. Elle fait intervenir selon l’auteur32 trois accords33. Le
premier, dit accord sur l’application de la procédure de médiation34, renvoie soit à la clause de
médiation soit à la convention de médiation impliquant le recours au processus pour régler les
désaccords nés ou à naître entre les parties. Le second, convention d’entrée en médiation35,
marque le début de la procédure proprement dite. Le dernier, marquant en principe la fin de la
procédure est l’accord de médiation36, issu de cette dernière.

Autre manifestation de la liberté des parties, celle faite par l’Acte Uniforme qui laisse
aux parties, le choix du caractère écrit ou non de la convention de médiation voulue par elles.
La convention de médiation peut en effet être écrite ou verbale, suivant ce que les parties auront
voulu. La question de la preuve de la convention ou de la clause de médiation pourrait
naturellement se poser lorsque celle-ci n’est pas écrite. Il reviendra donc à la partie qui
l’invoque de la prouver par tous les moyens.

Mieux, l’on pourrait s’interroger sur le sort des parties en désaccord qui n’ont prévu
aucune clause ou convention de médiation et qui souhaitent pourtant, après la naissance du
désaccord, y recourir. La médiation est ici considérée curative. Le législateur Ohada élargit la
liberté des parties en leur offrant la possibilité en l’absence de convention de médiation, de
s’inviter à la médiation. L’attitude passive ou active adoptée par la partie invitée traduira son
acceptation ou non à l’invitation. En effet « Si, en l’absence de convention, la partie qui a invité
une autre partie à la médiation n’a pas reçu d’acceptation de son invitation écrite dans les
quinze jours de la date de réception de l’invitation ou à l’expiration de tout autre délai qui y
est spécifié, elle peut considérer l’absence de réponse comme un rejet de l’invitation à la
médiation »37. Il en découle que les parties sont libres de convenir ou non une convention de
médiation avant de vouloir y recourir pour régler leurs désaccords. Cela traduit une fois de plus
la liberté laissée par le législateur à la volonté des parties. Lorsque ces dernières n’ont pas

31
Le législateur Ohada ne donnant pas expressément la définition de la médiation conventionnelle, l’article 1530
par exemple du code français de procédure civile dispose qu’il s’agit d’« un processus structuré, par lequel deux
ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution
amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité,
compétence et diligence ».
32
Domitille Jeanson, La médiation conventionnelle comme mode de règlement des différends commerciaux : étude
de son régime en droit francais et russe, lu sur https://blogs.parisnanterre.fr/article/la-mediation-conventionnelle-
comme-mode-de-reglement-des-differends-commerciaux-etude-de-
son#:~:text=Parfaitement%20admise%20en%20matière%20commerciale,commerciales%2C%20ou%20encore
%20des%20associés… consulté le 07/06/23 à 10h12
33
Etude comparative droit francais et russe
34
Appelé en russe soglašenie o primenenii procedury mediacii
35
Correspond en droit russe au soglašenie o provedenii procedury mediacii
36
mediativnoe soglašenie en russe
37
Art 4 al.2 AUM

9
préalablement convenu le recours à la médiation et qu’un désaccord nait de leurs rapports, la
partie la plus diligente invite l’autre ou les autres à régler leur désaccord au moyen de ce
procédé. Cette invitation se doit d’être écrite tel que clairement disposé par l’AUM38.
L’invitation peut spécifier ou non les délais sous lesquels elle devra être acceptée. Là également,
la volonté des parties est libre dès lors que l’Acte Uniforme n’impose pas de formalisme ou de
délais aux parties invitées à la médiation pour y répondre. La partie qui invite à la médiation est
libre de fixer ou non un délai d’acceptation à la partie invitée. Lorsqu’un délai est précisé dans
l’invitation, la partie invitée peut réagir activement de manière expresse pour manifester son
accord ou non au recours à la médiation. Les délais d’invitation passés sans réponse de la partie
invitée, le silence passif de celle-ci équivaut à un rejet de l’invitation. Néanmoins, lorsque
l’invitation ne comporte pas de délais d’acceptation, le silence de la partie invitée dans les 15
jours de la réception de l’invitation équivaudra à un rejet de l’invitation39. La liberté laissée aux
parties est ici à plus d’un égard manifestée.

Outre directement par les parties, la médiation peut être mise en œuvre sur proposition
de la juridiction et acceptation bien évidemment des parties. Il s’agit de la médiation judiciaire,
initiée par l’intermédiaire d’un juge déjà saisi de l’affaire40. Ici, l’initiative de la médiation,
bien que ne venant pas directement des parties au désaccord, son ouverture est tout de même
soumise à leur acceptation. L’initiative peut émaner de la juridiction qu’elle soit étatique ou
arbitrale. En effet qu’elle soit étatique ou arbitrale, la juridiction « …peut, en accord avec les
parties, suspendre la procédure et les renvoyer à la médiation…. »41. On l’aura compris, il
s’agit là de l’hypothèse dans laquelle une juridiction est déjà saisie du désaccord né entre les
parties. Elle leur propose alors le recours à la médiation qu’elles peuvent accepter ou non. Une
double manifestation de la libre volonté des parties traduite d’une part du fait qu’une juridiction
ne puisse renvoyer les parties à la médiation que lorsqu’elle est saisie du désaccord les opposant
et d’autre part que les parties soient libres d’accepter ou pas la proposition de la juridiction de
d’y recourir.
Une autre liberté à la volonté des parties, celle de choisir lorsqu’elles acceptent de
recourir à la médiation, entre la médiation institutionnelle et la médiation ad hoc. Dans le
premier cas les parties font recours à un centre ou une institution pour organiser le processus

38
Acte Uniforme sur la Médiation
39
Art 4 al 2 AUM
40
André Wilfried Eloundou Eloundou & David Lutran, La médiation dans l’espace ohada : état des lieux et
perspectives, consulté sur https://lutran-avocats-mediation.com/la-mediation-dans-lespace-ohada-etat-des-lieux-
et-perspectives/
41
Art 4 al 3 AUM

10
alors que dans le second, le processus est mis en œuvre par les parties elles-mêmes. Lorsque les
parties recourent à un centre pour la conduite de la médiation, ce recours emporte leur adhésion
au règlement de médiation dudit centre42.
La liberté des parties de choisir de recourir ou non à la médiation, de manière préventive
ou curative, de leur propre initiative ou lorsqu’elle leur est proposée, se poursuit bien après
l’ouverture et ce, tout au long du processus. Le charme de la médiation persiste bien après son
ouverture, toute sa conduite durant.

B. LA LIBRE VOLONTE DES PARTIES DANS LA CONDUITE


DE LA MEDIATION

On l’aura compris, la médiation OHADA est gouvernée par le principe de volontariat43


dit de « liberté et consentement »44. Cette liberté apparait dès l’entame du processus dans le
choix du médiateur. Les parties ont en effet le libre choix de la désignation du médiateur qui
conduira le processus. Il ne leur est pas imposé de tiers, professionnel ou non, qui connaitra du
sort de leurs relations socioéconomiques. Les parties choisissent librement le ou les médiateurs
d’un commun accord45.

Aussi, les parties sont libres de ne pas elles-mêmes procéder à la désignation du


médiateur qui conduira le processus en se référant à un centre ou une institution pour y procéder.
Ce recours, là également, laisse place à une double manifestation de la liberté des parties : celle
ou de recourir au centre pour la recommandation de médiateurs, ou de recourir au centre pour
nommer directement le médiateur46.

Le médiateur désigné, la libre volonté des parties continue de gouverner la conduite de


la médiation. Cette dernière est menée tel que les parties le désirent. L’attractivité de la
médiation apparait ici du fait que les parties soient entièrement maitresses de la conduite du
processus. Elles sont « libres de convenir, y compris par référence à un règlement de médiation,

42
Art 3 in fine AUM
43
Liberté d’aller en médiation, d’interrompre ou de poursuivre le processus, acceptation volontaire du cadre de
médiation. V. Karel Osiris, op.cit p.107
44
CARAYOL Romain, « Médiation et déontologie »,in L’avocat et la médiation, Dossier L’avocat et la médiation:
opportunités et stratégies, Dalloz Avocats, N°4, Avril 2019, pp 221s
45
Art 5 al1 AUM
46
Art 5 al 2, 3 et 4 AUM

11
de la manière dont la médiation doit être conduite »47. Les parties peuvent également, ne pas
avoir au préalable défini une feuille de route de la médiation. Dans ce cas, le médiateur
conduira le processus de la manière qu’il jugera nécessaire tout en restant au fur et à mesure
guidé par la volonté des parties. Il mène donc ici la médiation « …comme il l’estime approprié,
compte tenu des circonstances de l’affaire, des souhaits exprimés par les parties et de la
nécessité de parvenir rapidement à un règlement du différend »48.

La libre volonté des parties étant reine, « le médiateur n’impose pas aux parties une
solution au différend… »49. La solution émane d’elles, ou du moins, elles la façonnent à leur
convenance lorsqu’elle leur est proposée. Les parties prennent ainsi pleinement et entièrement
part à la conception de la solution de leur différend indépendamment de toute considération
juridique ou procédurale. La libre volonté des parties dans la conduite de la médiation n’a donc
de limites que l’ordre public et les bonnes mœurs. La pleine implication des parties et le libre
cours laissé à leur volonté contribue à faire davantage le charme de la médiation comparée à la
justice étatique ou à d’autres mode alternatifs de règlement de conflits tel que l’arbitrage par
exemple où la sentence exécutoire est imposée aux parties. Ainsi, le médiateur « s’assure que
la solution envisagée reflète réellement la volonté des parties dans le respect des règles d’ordre
public »50.

Le législateur a lui-même entendu renforcer la prééminence de la volonté des parties.


En effet, lorsqu’un processus de médiation est entamé alors qu’une juridiction étatique ou
arbitrale se voit saisie de l’affaire, celle-ci suspend la procédure et renvoie les parties à la
médiation51. Cela révèle la volonté du Législateur de « donner à la médiation une prévalence
et une prééminence aux juridictions étatiques et arbitrales »52. Néanmoins, la juridiction peut
être saisie en vue de prononcer des mesures provisoires et conservatoires par toute partie dont
les droits doivent être sauvegardés sans pour autant constituer une renonciation au processus de
médiation53.

La libre volonté des parties n’épargne pas le médiateur lui-même dans l’exercice de ses
fonctions dès lors que les parties, peuvent à tout moment, lorsqu’elles ont des raisons de penser

47
Art 7 al1 AUM
48
ART 7 AL 2 AUM
49
Art 7al4 AUM
50
Art 8 in fine AUM
51
Art 15 al 1 AUM
52
Johnny NKULU MUKUBU LUNDA, La médiation OHADA dans la sphère judiciaire congolaise, 2018,
Ohadata D-18-18 p.8
53
Art 15 al2 AUM

12
que son indépendance et son impartialité sont compromises, mettre fin à la mission du
médiateur. Bien au-delà, les parties peuvent mettre fin au processus tout entier de médiation
avant le terme convenu ou avant la conclusion d’un accord. Elles adresseront dans ce cas au
médiateur, lorsque l’initiative leur est commune, une déclaration écrite indiquant qu’elles
mettent fin à la procédure à la date de la déclaration. Lorsque l’initiative de l’interruption du
processus vient d’une seule partie, celle-ci adresse aux autres et au médiateur une déclaration
écrite indiquant qu’il est mis fin à la procédure de médiation à la date de la déclaration54. Le
charme de la médiation se traduit ici du fait qu’aucune des parties à la médiation n’est tenue
d’y rester jusqu’à son aboutissement. Chacune peut librement et à tout moment y mettre fin. Il
n’est pas assez de le dire, les parties sont libres ; « un autre volet de cette liberté consiste en la
faculté dont dispose tout médié de mettre fin à la médiation à tout moment, sans avoir à s’en
justifier ni à encourir de sanction. Cette faculté, loin d’affaiblir le processus de médiation, le
renforce et relève selon nous de l’essence de la médiation »55. Autant les parties sont libres de
recourir à la médiation pour régler leurs désaccords à naitre ou déjà nés, autant elles peuvent y
renoncer en cours de processus.

La liberté des parties médiées, renforcée de leur volonté de résoudre ensemble leur
désaccord fait l’essentiel de l’attractivité de la médiation OHADA au moyen de leur pleine
implication au processus et du caractère voulu et consenti de la solution retenue. Mieux, au-
delà des parties médiées il est des acteurs dont l’intervention au processus constitue la marque
identitaire même de la médiation.

54
Art 12 AUM
55
Olivier CUPERLIER, Le cadre légal de la médiation dans l’espace OHADA, 2018, ohadata D-20-07, p.6

13
II. L’EMPREINTE D’ACTEURS, CREDIT DE LA MEDIATION OHADA

Bien que gouvernée par la libre volonté des médiés, la médiation est l’apanage du
médiateur (A). Il est, tel l’artiste, celui dont le succès de l’œuvre dépendra du génie. Le juge(B),
bien qu’observateur lointain, joue également un rôle bien qu’immédiatement imperceptible, à
la légitimité de la médiation.

A. LA CRUCIALE INTERVENTION DU MEDIATEUR

Le médiateur, tiers sollicité, est l’acteur central et incontournable de la médiation56. Il


propose aux parties les éléments d’une entente sans pouvoir la leur imposer. Il est celui auquel
« …les parties à un différend demandent de proposer la solution à leur différend (à la différence
du conciliateur seulement chargé d’œuvrer au rapprochement des personnes en conflit) sans
cependant être investi du pouvoir (juridictionnel) de l’imposer à la différence de l’arbitre
(lequel est « juge »)»57. Il s’agit donc d’un facilitateur tel que considéré par le Législateur pour
lequel il s’agit de « …tout tiers sollicité pour mener une médiation quelle que soit l’appellation
ou la profession de ce tiers dans l’Etat Partie concerné »58. Le médiateur propose donc une
résolution non juridictionnelle du différend. Il est celui dont le talent est mis à profit pour le
rapprochement des parties afin de restaurer ou rétablir leur relation endommagée. Deux
éléments qu’il convient de cerner, permettent de faire le charme de la médiation à travers la
notion de médiateur : la personne du médiateur ainsi que sa mission.

D’abord la personne du médiateur. Il importe de préciser qu’un certain nombre


d’obligations pèsent sur lui. Ces obligations permettent de crédibiliser davantage le processus
et par voie de conséquence sécuriser ceux qui y recourent. Il l’a été dit précédemment, le
médiateur est librement choisi par les parties lui conférant ainsi toute sa légitimité. Il doit, dès
sa désignation, confirmer aux parties par écrit son indépendance, son impartialité et sa
disponibilité pour la conduite de la médiation59. Aussi, Il informe les parties dès sa nomination,

56
Cédric Carol TSAFACK DJOUMESSI, La mission du médiateur Ohada, 2023, Ohadata D-23-01 p.5
57
Cédric Carol TSAFACK DJOUMESSI, op. cit. p.8
58
Art 1.b AUM
59
Art 6 al1 AUM

14
de circonstances de nature à faire planer un doute légitime sur son impartialité ou son
indépendance. Il en est de même tout au long du processus dès la survenance de circonstances
nouvelles60. Il informe dans ce cas les parties de leur droit à s’opposer à la poursuite de sa
mission, auquel cas, elle prend effectivement fin. Le médiateur se doit d’être diligent en
accordant aux parties un traitement équitable tout en tenant compte des circonstances de
l’affaire61. Il pourra ainsi rencontrer les parties ensemble ou séparément. Lorsqu’elles sont
entretenues séparément, le médiateur informe au préalable ou dès que possible les autres parties
de la rencontre unilatérale. A moins que les parties n’en disposent autrement, le médiateur ne
peut assumer les fonctions d’arbitre ou d’expert dans un désaccord qui a fait ou qui fait l’objet
de médiation. Il ne peut non plus en assumer les fonctions de conseil. De plus, le législateur
Ohada a élargi l’accès à la fonction de médiateur dès lors qu’aucune exigence n’est faite quant
à sa profession. La médiation n’est donc pas la chasse gardée des juristes ou des économistes.
Même si cela n’est pas expressément précisé par l’Acte Uniforme, le médiateur doit pleinement
jouir de sa capacité civile62 et donc être majeur sans avoir fait l’objet de certaines
condamnations63. La doctrine estime qu’il devra être moralement intègre64. Le médiateur pourra
voir en cas de manquements, engagée sa responsabilité qu’elle soit civile65, pénale66 ou
disciplinaire67.

Ensuite, la mission du médiateur. La mission du médiateur est avant tout rémunérée.


Cette rémunération est déterminée et supportée par les parties sauf dispositions contraires, à
part égales entre elles. Lorsque la médiation est ouverte sur proposition d’une juridiction68 ,
cette dernière en fixe les frais et ordonne la consignation des frais auprès du greffier en chef de
la juridiction ou de l’organe compétent. La mission du médiateur est gouvernée par un certain
nombre de principes directeurs qui font davantage le crédit du processus. Le législateur dispose

60
Art 5 al 6 AUM
61
Art 7 al 3 AUM
62
L’article 8 de la loi burkinabè 052-2012 sur la médiation civile et commerciale l’a expressément disposé.
63
L’article 11 par exemple de la loi ivoirienne sur la médiation est expressément exigent et dispose que le
médiateur ne doit pas avoir subi de condamnation devenue définitive relativement à des faits contraires à l’honneur,
à la probité et aux bonnes mœurs, etc…
64
Lire Karel Osiris, op. cit. p 108
65
Notamment la responsabilité civile contractuelle en cas de manquement aux obligations purement contractuelles
(manquement aux obligations d’indépendance, d’impartialité, de confidentialité, de diligence, de disponibilité et
d’égalité dans le traitement des parties) dès lors que ces manquements auront porté préjudice aux parties au contrat
de médiation.
66
Notamment en cas de commission d’infraction à la loi pénale au cours de processus. En cas d’escroquerie, de
corruption, de complicité, de faux en écriture privé, d’usage de faux, de violation de secret professionnel par
exemple…
67
Lorsque le médiateur fait partie d’un ordre ou d’une corporation par exemple, il pourra subir les sanctions
disciplinaires prévues par le corps
68
Médiation judiciaire

15
que les informations relatives à la médiation, sauf dispositions contraires des parties ou
exigence de la loi, sont confidentielles69. La confidentialité70 du processus garantit la confidence
et dans une certaine mesure la sécurité affaires des parties. L’accès aux informations est donc
circonscrit à un groupe restreint auquel il est légalement autorisé. La diligence du processus
renvoie à la question de délais raisonnables et de célérité. Ce qui fait aussi le charme de la
médiation comparée à la justice étatique ou à d’autres modes alternatifs de règlement de
différends, c’est bien évidemment les délais relativement courts dans lesquels le processus est
mené. La disponibilité au cours de la mission traduit la participation active du médiateur au
processus. La mission du médiateur doit être menée en toute indépendance71 et impartialité72
vis-à-vis des parties afin de lui garantir une certaine autorité.

Au-delà du médiateur, l’intervention du juge qui a tout de même un droit légal de regard
au processus de médiation, contribue à asseoir la légitimité, l’efficacité et donc l’attractivité de
la médiation OHADA.

B. LE BIENVEILLANT REGARD DU JUGE

Le juge est avant tout le gardien des libertés individuelles. La médiation étant une forte
manifestation de la liberté des parties, le juge en devient par voie de conséquence le gardien. Il
veillera donc à cette manifestation de la libre volonté des parties dès sa saisine. Lorsque le juge
est saisi, il l’a été précédemment précisé, il peut proposer aux parties d’être renvoyées à la
médiation. Cette proposition traduit tout l’intérêt que le juge trouvera pour les parties et pour
l’appareil judiciaire à y recourir. Intérêt pour les parties car le juge leur offrira ici la possibilité
d’être mieux impliquées dans la résolution de leur différend en acceptant la solution qu’elles
auront-elles mêmes voulues. Intérêt pour l’appareil judiciaire car le recours à la médiation
permettra de réguler le flux des affaires et de désengorger les juridictions.

69
Art 10 AUM
70
Il s’agit d’un « espace hermétique de sécurité de l’information circulant en médiation ». V. Karel Osiris, op.cit
p. 109
71
Pour garantir l’objectivité du processus. Il ne doit exister aucune pression intérieure ou extérieure, présente
passée ou future des médiés sur le médiateur.
72
Le processus est mené de manière équitable et équilibrée entre les parties indépendamment des considérations
sociales, ethniques ou religieuses

16
Aussi, lorsque le juge constate que l’affaire dont il est saisi fait déjà l’objet d’une
procédure de médiation, il renvoie les parties à ladite procédure jusqu’à la survenance soit de
l’accord soit de l’échec de la médiation. Ici, le juge, bienveillant, et garant de la bonne conduite
de la médiation déjà entamée, en renvoyant les parties à la médiation fait une sorte de sursis à
statuer pour accorder au processus de médiation toutes ses chances de rapprocher les parties.

Le regard du juge se poursuit lorsque de retour devant lui, les parties lui font découvrir
qu’elles sont parvenues à un accord ou que le processus a échoué. En cas d’accord, il constate
ledit accord écrit qui peut faire l’objet d’exécution73. En cas d’échec du processus, la procédure
judiciaire reprend son cours normal.

De plus, le juge est également un acteur incontournable du crédit de la médiation en ce


sens qu’il soit régulateur de la volonté des parties. Nous l’avons dit, la liberté des parties n’a de
limite que l’ordre public. Or, le juge est le garant de la sauvegarde de cet ordre public. Il veille
par son regard à ce que l’ordre public ne soit pas troublé par la volonté des parties. Cette
régulation garantit l’assise effective de la médiation et par voie de conséquence l’attirance
qu’elle va susciter car gage de quiétude et de stabilité.

En outre, le juge pourra, bien qu’une procédure de médiation ouverte, prononcer des
mesures provisoires et conservatoire en vue de la sauvegarde des droits des parties. Par ces
mesures, le juge garantit le bon déroulement du processus en ce sens que les mesures qu’il
ordonne, sans préjudicier à la procédure de médiation, ont pour objet de sécuriser les droits des
parties tout au long du processus. Elles n’auront donc pas à être déconcentrées ou déstabilisées
par des questions que le juge aura de manière temporaire résolues pour leur permettre de se
consacrer pleinement au succès de la médiation.

Le juge renforce davantage le crédit de la médiation OHADA en ce sens qu’en cas de


mise en œuvre de responsabilité des parties ou du médiateur, il est celui qui veillera à situer les
responsabilités et à en tirer les conséquences au moyen de condamnations civiles ou pénales
suivant le cas. Il s’agit-là d’une sécurisation du processus de médiation au sein duquel la bonne
foi des intervenants sera de mise.

Aussi, le juge, garant de la confidentialité du processus, est par conséquent la jauge de


la recevabilité des moyens de preuve. Il devra déclarer irrecevables les moyens de preuve et
témoignages tirés des actes et faits du processus que le législateur aura placé sous le sceau de

73
Art 12 in fine AUM

17
la confidentialité74. Le juge ne pourra lui-même donc pas en ordonner la divulgation. Le juge
s’assurera surtout que l’irrecevabilité des éléments de preuve ne s’étende « pas aux éléments
préexistants à la procédure de médiation ou constitués en dehors de toute relation avec celle-
ci »75.

Mieux, le juge contribue au renfort de la crédibilité du processus de médiation en


accordant dans un délai de 15 jours maximum76, l’homologation ou l’exéquatur de l’accord de
médiation à la requête des parties ou à tout le moins, de la plus diligente77 à moins que l’accord
ne soit contraire à l’ordre public. Le juge ne pourra cependant pas modifier les termes de
l’accord de médiation. La décision du juge qui accorde l’homologation ou l’exéquatur n’est
susceptible d’aucun recours. Celle qui les refuse néanmoins est susceptible de recours devant
la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.

Le juge a, à bien des égards, par des interventions ciblées, un regard bienveillant sur le
bon déroulement de la médiation. Par cette veille, il contribue à crédibiliser davantage le
processus qui accordera aux parties un sentiment de sécurité et d’assurance.

74
Art 11 al1 AUM (recevabilité des éléments de preuve)
75
Art 11 in fine AUM
76
Art 16 al4 AUM
77
Art 16 al3 AUM

18
La médiation telle que légiférée en droit OHADA a plus d’un charme. En plus d’être
volontaire, confidentielle et discrète, il faut lui reconnaitre faire preuve de célérité. Les parties
choisissent elles-mêmes à qui se confier pour mener ensemble un processus souple, clair et
simple. Cela lui vaut le mérite de presque toutes les fois, permettre la sauvegarde des relations
d’affaires entre les médiés. Avec des couts raisonnables, elle permet la résolution apaisée du
différend par les parties en désaccord. La flexibilité du processus de médiation fait susciter à
son encontre une convoitise par les justiciables qui y recourent davantage pour la prise en charge
de leurs désaccords socioéconomiques.

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