Vous êtes sur la page 1sur 31

1

UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC ET DE SCIENCE POLITIQUE

Cours Techniques de règlement des conflits (20 heures)

Licence II Science politique

Par Dr Boubacar KANTE

PLAN DU COURS :

INTRODUCTION GENERALE

PARTIE I : LES MODES DIPLOMATIQUES DE REGLEMENT DES CONFLITS

Chapitre I : Considérations d’ensemble sur les modes diplomatiques de règlement des


différends internationaux

Section I : Indétermination du cadre légal

Section II : Liberté légale des parties et de l’organe de règlement

Chapitre II : Les procédures diplomatiques de règlement des conflits

Section I : Les procédés interétatiques

Section II : Les procédures diplomatiques dans le cadre des organisations


internationales
2

PARTIE II : LES MODES JURIDICTIONNELS DE REGLEMENTS DES


DIFFERENTS

Chapitre I : Aspects généraux sur les modes juridictionnels

Section I : Défaut de liberté dans la détermination des bases du règlement

Section II : Défaut de liberté dans l’acceptation de la solution

Chapitre II : Les différentes variétés

Section I : Le mode arbitral

Section II : Le mode judiciaire

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Paris, Montchrestien, 8e


éd., 2008.

Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU et Alain PELLET, Droit international public,


Paris, L.G.D.J, 8e éd., 2009.

Josiane TERCINET, Relations internationales, (Tome II), Grenoble, PUG, 2009.


3

INTRODUCTION GENERALE

La guerre étant la continuation de la politique, les relations internationales se déroulent


à l’ombre des conflits entre les acteurs qui l’animent. Dès lors, il est quasi impossible de
prévenir les conflits entre acteurs des relations internationales. Même temps de paix, le
conflit ou le différend peut toujours resurgir à n’importe quel moment. Cela est à
l’origine du développement récent du droit du contentieux international, pour désigner
assurer la réalisation du droit en cas de contestation, c’est-à-dire lorsqu’un différend
émerge entre acteurs internationaux.

On peut définir un différend à la suite de la Cour de Justice de la Haye comme « un


désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts entre deux personnes » (Concessions Mavrommatis en
Palestine, arrêt du 30 août 1924 sur les exceptions préliminaires). La cour ajoute que le
désaccord, l’opposition ne sont constitutifs d’un différend que s’ils se manifestent à
l’occasion d’une réclamation adressée par un Etat à un autre et à l’occasion d’une
réclamation adressée par un Etat à un autre et à laquelle celui-ci refuse de faire droit.
Différents types de conflits peuvent opposer les acteurs des relations internationales. On
oppose différends « politiques » et différends « juridiques ». Cette distinction présente
un intérêt quant à la détermination des modes de traitement applicables à l’une et
l’autre catégories. Suivant la formule qu’on relève dans plusieurs traités, un différend
est juridique, lorsque « les parties se contestent réciproquement un droit » ; il est
politique lorsque l’une d’elles exige la modification de l’état du droit existant entre les
parties.

Lorsqu’un conflit oppose deux Etats, chacun d’eux est confronté successivement à trois
alternatives : entre son maintien en l’état et la recherche d’un règlement qui y mette fin ;
si ce deuxième terme est retenu, entre la voie concertée et la voie unilatérale de
définition de ses termes ; enfin, s’il choisit cette dernière, entre les moyens comportant
l’emploi de la force et ceux qui en font l’économie.

A l’époque contemporaine, l’interdiction de l’emploi de la force dans les relations


internationales est hissée au niveau d’une norme impérative de valeur très large
(obligation générale de règlement pacifique). Autrement dit, la force a cessé d’être un
moyen licite de réalisation des intérêts d’un Etat, et même des droits qu’il prétend
4

détenir contre un autre, et par conséquent le différend né de l’opposition de leurs


prétentions ne peut être réglé par cette voie, quand bien même les procédures de
règlement auraient été déployées sans succès (Déclaration de Manille du 15 novembre
1982). De ce point de vue, l’ « obligation de règlement pacifique des différends »
comporte deux aspects complémentaires : l’obligation de négocier sur l’objet du
différend et le principe du libre choix des moyens de règlement. C’est par rapport à ce
dernier principe qu’il faut situer le sens de ce cours.

L’article 33 paragraphe 1 de la charte des Nations-Unies propose aux Etats en conflit,


outre la négociation, et l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement
judiciaire, le « recours aux organismes ou accords régionaux », qui tous comportent
l’interposition d’un tiers, et leur reconnaît en outre le loisir de recourir à « d’autres
moyens pacifiques de leur choix ». La déclaration de Manille y ajoute les bons offices
oubliés par la Charte de San Francisco et la Résolution 2625 du 24 octobre inittulée
« Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats ».

Usant de cette liberté, les Etats utilisent plus volontiers les procédés politiques que les
procédés juridiques. Ainsi, ils accordent la priorité au règlement non juridictionnel
(diplomatiques), dont les résultats ont une portée peu contraignante, plutôt qu’aux
procédures arbitrales et juridictionnelles. Ils peuvent également combiner les divers
modes de règlement pacifique.

Ce cours se limitera à exposer dans un premier temps les modes diplomatique de


règlement des conflits (Partie I) et enfin les modes juridictionnels (Partie II).
5

PARTIE I : LES MODES DIPLOMATIQUES DE REGLEMENT DES CONFLITS

Cette partie s’intéresse aux modes diplomatiques de règlement des conflits (négociation,
bons offices, médiation, conciliation et enquêtes). Ces trois premières procédures sont
qualifiées d’informelles alors que les deux dernières constituent des techniques
formelles. Quelle que soient ces caractéristiques, ces différents modes se fondent sur les
mêmes principes directeurs (Indétermination du cadre légal de règlement, liberté des
parties et de l’organe de règlement).

Chapitre I : Considérations d’ensemble sur les modes diplomatiques de règlement des


différends internationaux

Le consensualisme strict du mode juridictionnel conjugué à l’impossibilité légale d’un


règlement par la contrainte a pour conséquence que la très grande majorité des conflits
interétatiques soit restent ouverts (ce n’est pas forcément une source de friction durable)
soit se règlent par la voie, moins satisfaisante quant aux possibilités de réalisation du
droit mais plus en phase avec la structure de la société internationale, c’est-à-dire par
des modes diplomatiques. Ces derniers tendent à l’adoption par l’organe de règlement
d’une solution satisfaisante et acceptable par les parties en litige. D’un autre côté,
l’indétermination du cadre légal (Section I) et la liberté légale des parties et de l’organe
de règlement (Section II) distinguent les modes diplomatiques de règlement des conflits
et des modes juridictionnels.
6

Section I : Indétermination du cadre légal

Il faut d’emblée retenir que les modes diplomatiques de règlement des différends se
prêtent mal à une analyse juridique parce que leurs caractères en font des mécanismes
de transaction qui ne peuvent être appréciés qu’en termes politiques, c’est-à-dire de
stratégies d’utilisation des voies de droit.

Si l’on cherche des équivalents en droit interne, c’est en marge du dispositif


juridictionnel qu’on les trouverait, dans les pratiques auxquelles donnent lieu l’existence
même de celui-ci et la possibilité pour chaque partie d’en utiliser ou non les ressources.
Ainsi, en procédure interne, le demandeur à l’instance qui préfère un règlement à demi
satisfaisant mais rapide à la poursuite aléatoire de son action peut-il user de sa faculté de
se désister ou de poursuivre au contraire son action en cas de refus pour amener le
défendeur à transiger quand celui-ci n’a pas lui-même pris l’initiative de lui proposer un
tel marché.

En droit international cependant le demandeur, faute de pouvoir en dernier ressort


attraire (assigner, citer en justice) le défendeur contre son gré devant un tribunal, ne
peut compter que sur le désir de celui-ci de voir le différend trouver une solution
transactionnelle plutôt que de se prolonger, et ne tire de la supériorité objective de sa
thèse sur celle de son adversaire aucun avantage décisif ; en particulier l’organe de
règlement, même s’il est tenté de tenir compte de ce déséquilibre dans l’établissement
de ses propositions, ne peut le faire avec des chances de succès que si elles restent
acceptables pour le défendeur.

Le système des voies diplomatiques reste ainsi radicalement coupé de celui des voies
juridictionnelles même dans le cas où l’échec des premières ouvre conventionnellement
l’accès aux secondes.

L’extrême liberté laissée aux Etats dans la mise au point conventionnelle des formules
de règlement diplomatique de leurs différends rend hasardeuse une énumération qui
prétendrait en épuiser les espèces et enfermer chacune d’elles dans une définition sûre.
Le recensement courant de ces voies diplomatiques fait apparaître par ordre croissant de
formalisation légale et d’éloignement du pur bilatéralisme : la négociation, les bons
7

offices et la médiation, l’enquête et la conciliation. D’après Jean Combacau et Serge


Sur « seule la dernière est, en vérité, une technique propre de règlement des différends,
toutes les autres peuvent être mises en œuvre à des fins fort diverses (conclusion d’un
accord, règlement d’une situation conflictuelle, détermination de faits contestés etc.) ».
Dans ce cours, l’on se contentera de présenter les traits généraux de chacune de ces
variétés sans prendre position pour l’une ou l’autre de ces techniques. Chacune, d’elles,
a des avantages et des inconvénients, et les parties en litige en sont bien conscientes.

Section II : Liberté légale des parties et de l’organe de règlement

Le règlement diplomatique se caractérise, et s’oppose au règlement juridictionnel, par la


soustraction de principe à toute exigence légale, qui affranchit les Etats parties et, pour
autant que ceux-ci en sont d’accord, l’éventuel organe de règlement, de toute obligation
au regard du droit. Non seulement une partie au conflit n’y est pas soumise contre son
gré mais, à supposer que toutes deux soient convenues d’y faire appel, elles restent
libres du choix des bases de règlement comme du sort à réserver à la proposition qui
résultera de ce recours.

A) Liberté dans la détermination des bases de règlement

Les parties ont le loisir de dégager, ou laisser l’organe de règlement dégager, toute
solution qui paraît de nature à mettre fin au différend, sans avoir à la justifier par sa
conformité à une règle de droit. Cela signifie, en définitive, que ce mode ne comporte
pas de « bases de règlement » du tout, aucune règle ne venant nécessairement présider à
la détermination la solution d’espèce, qui doit être inspirée des mérites propres à la
cause mais aussi de valeurs qui lui sont par elles-mêmes étrangères. Par là, les modes
diplomatiques se prêtent aussi bien au règlement d’un différend justiciable quand l’une
des parties, sentant sa thèse légale faiblement étayée, refuse de la soumettre à l’épreuve
du règlement juridictionnel, qu’à celui des différends non justiciables qui, par
définition, ne sauraient relever de l’application d’une règle de droit existante. Dans un
cas comme dans l’autre, la partie qui souhaiterait voir le différend soumis à un
traitement juridictionnel propre aux solutions tranchées, et qui sait cette espérance
vaine, a le choix entre sa prolongation indéfinie et le recours à un mode permettant
d’obtenir une solution transactionnelle.
8

B) Liberté dans l’acceptation de la solution dégagée

La transaction à laquelle aboutit le règlement diplomatique n’est qu’un énoncé sans


valeur normative tant qu’il n’est pas reconnu comme opposable par chaque partie dans
ses rapports avec l’autre.

Lorsqu’elle est le produit d’une négociation directe, le différend est résolu soit par la
conclusion d’un accord selon les techniques conventionnelles, soit par un procédé
informel entérinant l’entente des parties.

Lorsqu’elle résulte de l’intervention d’un tiers, les propositions contenues dans le


rapport auquel elle aboutit n’obligent les parties qu’à les examiner de bonne foi et à
faire connaître leur position dans un délai raisonnable. Si l’une et l’autre les entérinent
sans réserve, par la conclusion d’un traité qui en incorpore la substance ou par la
conjonction de leurs acceptations unilatérales, la teneur de la solution dégagée par le
tiers devient obligatoire, mais du fait de l’acte des Etats en cause et non par la vertu
propre de l’acte du tiers. Si exceptionnellement, les parties sont d’accord d’avance de
reconnaître comme définitive et obligatoire la solution que proposera celui-ci, la
technique de règlement mise en place n’appartient plus au mode diplomatique que par la
liberté laissée au tiers de ne pas chercher à fonder en droit la solution qu’il propose. Dès
lors, la technique de règlement est hybride au statut incertain.

Chapitre II : Les procédures diplomatiques de règlement des conflits

Approche la plus classique puisque contemporaine de la naissance des R.I. modernes, le


règlement non juridictionnel des conflits internationaux s’est, par nécessité, tout d’abord
inscrit dans un cadre interétatique. L’apparition des O.I. n’a pas entraîné l’abandon de
cette démarche. A l’inverse, il a paru possible d’inscrire les modalités connues de
règlement pacifique dans le cadre de ces organisations : aucune de leurs
caractéristiques n’y faisait obstacle. Le Pacte de la SDN y faisait référence dans ses
articles 12 à 16 (Négociation, Enquête). Aujourd’hui encore, les statuts de nombreuses
organisations se limitent à inviter les Etats-membres à recourir aux procédés
interétatiques traditionnels.
9

Mais, pour certaines d’entre elles, les plus importantes d’un point de vue politique, il y a
lieu de faire jouer un rôle plus direct et plus actif à leurs propres organes. Simples
cadres de négociation multilatérale ou instances de décision, la pratique de ces organes
a pu infléchir les modalités des procédures interétatiques non juridictionnelles : les Etats
en conflit n’ont pas la maîtrise discrétionnaire du déclenchement des procédures de
règlement et, à la limite, ils peuvent se trouver dans la situation inconfortable d’un Etat
qui ne peut récuser la solution préconisée par l’organisation qu’en violant ses
obligations de membre de celle-ci.

Section I : Les procédés interétatiques

La technique la plus ancienne de ces procédés est la négociation. En règle générale, elle
ne met en présence que les Etats directement en litige. Les tiers peuvent cependant y
intervenir, en vue d’en faciliter l’aboutissement : une interférence, dans la mesure où
elle ne diminue pas juridiquement la liberté de décision des parties, ne modifie pas la
nature de cette modalité de règlement.

Il en va autrement lorsque l’intervention d’un organe pré-constitué autorise celui-ci à


modifier les données de la négociation diplomatique, infléchissant ainsi la liberté des
parties, et a fortiori lorsque cet organe est habilité à se substituer aux parties dans la
recherche d’un règlement. Plus fondamentalement, il faut distinguer les procédures
informelles des procédures formelles.

A) Procédures informelles : l’assistance à la négociation

Elles renferment la négociation comme mode règlement des différends et les bons
offices et la médiation.

1. La négociation comme mode règlement

Au sujet de ce procédé, il convient d’examiner successivement l’obligation de négocier


et les modalités de la négociation.

En ce qui concerne l’obligation de négocier, degré minimum de l’obligation de régler


pacifiquement les différends internationaux, et condition de mise en œuvre des procédés
plus techniques, elle a un fondement coutumier. On peut considérer que le rappel qu’en
10

font les statuts des O.I. ne constitue qu’une sorte de codification particulièrement
solennelle de cette obligation coutumière.

Cette obligation s’impose d’abord en soi dès que deux sujets du droit international sont
en litige, parce qu’elle constitue le minimum de ce qui est attendu d’eux pour régler
pacifiquement tout différend. A ce titre, la négociation directe entre Etats en conflit
constitue la technique de droit commun : elle trouve à s’appliquer en toutes
circonstances même sans texte.

Très souvent, la négociation n’est qu’un des éléments d’un engagement plus vaste ; elle
intervient alors soit en tant que préalable nécessaire à une procédure complexe (en
amont d’un autre procédé de règlement, par exemple l’arbitrage, soit en vue de faciliter
l’achèvement de la procédure) en aval d’un autre mode, tel que le règlement
juridictionnel. Il est de jurisprudence constante qu’ « avant qu’un différend fasse l’objet
d’un recours en justice, il importe que son objet ait été nettement défini au moyen de
pourparlers diplomatiques » (CPJI, 30 août 1924, Mavrommatis, série A, n° 2, p. 12 ;
CIJ, 26 novembre 1957, Droit de passage en territoire indien – exceptions préliminaires,
Rec. 1957, p. 148-149).

Sur un autre plan, l’obligation de négocier n’est jamais purement formelle, mais sa
portée est susceptible de degrés.

Au niveau minimal, celui d’une obligation « non conditionnée », elle « n’est pas
seulement d’entamer des négociations, mais encore de les poursuivre autant que
possible en vue d’arriver à des accords » (CPJI, 15 octobre 1931, affaire du Trafic
ferroviaire entre la Lituanie et la Pologne, Série A/B, n° 42, p. 116). En cas d’échec, un
tiers est en mesure de vérifier que les parties ont fait preuve de bonne foi nécessaire
pour qu’aucune d’entre elles ne puisse être accusée d’avoir manqué à son obligation.

A un degré supérieur, l’engagement de négocier fait de cette obligation une obligation


« conditionnée » ou « liée » : non seulement les parties ne doivent pas la conduire de
mauvaise foi, en s’enfermant dans la certitude qu’en cas d’échec s’appliqueront
automatiquement les principes qui ont leur faveur, mais ils doivent tenter de mettre en
œuvre des principes de droit équitables. Comme le marque très justement la CIJ dans
l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord. Dans sa décision, cette cour avance
11

que : « les parties ont l’obligation de se comporter de telle manière que la négociation
ait un sens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’une d’entre elles insiste sur sa propre
position sans envisager aucune modification (il y avait ici tout à la fois une critique de
l’attitude antérieure de certains Etats et une directive pour la négociation) ; les parties
sont tenues d’agir de telle sorte que, dans le cas d’espèce et compte tenu de toutes les
circonstances, des principes équitables soient appliqués … » (CIJ, 20 février 1969,
Plateau continental de la mer du Nord, Rec. 1969, p. 47).

En somme l’obligation de négocier n’implique pas l’obligation d’arriver une solution


concertée ; tout au plus exige-t-elle la poursuite de la négociation aussi longtemps que
nécessaire. Mais quelles en sont ces modalités ?

La négociation peut être bilatérale ou multilatérale. Pour l’essentiel, elle consiste en


« conversations » et débouche soit sur l’acceptation concertée d’une solution
(éventuellement consacrée par une convention), soit sur le constat de l’échec.

L’objet de la négociation n’est pas nécessairement ni exclusivement de régler le


différend né. Une négociation qui aboutit à l’adoption d’une réglementation nouvelle
peut ainsi contribuer à prévenir ou à désamorcer des situations potentiellement
conflictuelles. Par son objet très large, la technique de la négociation reste donc un des
instruments privilégiés de la stabilité de la société internationale (adaptation aux
changements des circonstances).

Toutefois, les conservations directes ont d’autant moins de chance d’aboutir que le litige
qui oppose les Etats est aigu ou d’origine récente. Il est courant de faire appel à des
Etats tiers par rapport au litige (ou d’accepter leur intervention) pour débloquer une
situation, éviter une escalade ou donner une meilleure opposabilité internationale à la
solution négociée. Ainsi, la négociation peut se conduire en présence et avec
l’assistance d’un ou plusieurs Etats-tiers. On parle dans ce cas de négociation en
congrès ou en conférence. La formule de la conférence présente des avantages et des
inconvénients. Elle va dans le sens de l’institutionnalisation des procédures de
règlement, surtout si elle bénéficie d’une certaine continuité juridique, ce qui reste
exceptionnel ( la co-présidence anglo-soviétique des conférences de Genève de 1954 et
de 1962 sur l’Indochine et le Laos devait permettre de les « réactiver » en cas de besoin,
mais l’expérience n’est pas très convaincante ; la Conférence sur la sécurité et la
12

coopération en Europe et plusieurs conférences sur le désarmement ou la protection de


l’environnement ont prévu des réunions périodiques sur les progrès réalisés dans les
objectifs définis lors de la conférence initiale).

2. Les bons offices et la médiation

D’origine coutumière, ces deux techniques ont été codifiées par les conventions de La
Haye du 29 juillet 1899 et du 18 octobre 1907.

On appelle « bons offices » toute interposition d’un tiers dans des relations
interétatiques suffisamment conflictuelles pour rendre impossible entre les parties un
contact direct du fait d’obstacles politiques, parfois doublés de difficultés légales
(rupture des relations diplomatiques, qui peut amener un Etat tiers à accepter de
« représenter » l’un des protagonistes auprès de l’autre, notamment en temps de guerre,
et d’agir comme « puissance protectrice » des intérêts de celui-ci et de ses nationaux).

L’Etat tiers utilise son influence morale ou politique pour établir le contact (ou le
rétablir s’il a été rompu) entre les parties et faciliter l’organisation matérielle de la
négociation. En principe, il ne prend pas une part directe aux conversations, qui restent
l’œuvre exclusive des parties au différend. Sa tâche est terminée dès que les adversaires
acceptent de se rencontrer et entament la négociation. En 1946, les USA ont exercé
leurs bons offices dans le litige frontalier entre la France, agissant pour le compte du
Cambodge alors sous protectorat, et la Thaïlande. Ces bons offices ont contribué à la
signature des accords mettant fin à la guerre d’Indochine (Paris, 1973) ou il en est de
même des bons offices de la France après l’intervention de la Russie en Géorgie
(Ossétie du Sud) en 2008.

La médiation, quant elle, ne se borne pas à cette fonction neutre et comporte une
intervention active du tiers, qui vise à proposer aux parties des « termes de règlement »
(c’est-à-dire une solution au fond) acceptables en fonction des thèses qu’elles ont
développées en sa présence. Elle se distingue des bons offices par des degrés plus que
par nature, et le vocabulaire de la pratique diplomatique est d’autant plus flottant que le
tiers intervient souvent tour à tour à l’un et l’autre titre. Du reste, elle obéit au même
13

régime juridique, si une telle expression convient à un ensemble de pratiques qui


relèvent plus du doigté que des règles de droit.

Ces deux techniques peuvent être individuels ou collectifs, selon qu’ils sont mis en
œuvre par un Etat (ou une organisation internationale) ou par un groupe d’Etats. Ils se
sont imposés dans la pratique parce qu’ils sont très respectueux des souverainetés des
Etats en conflit. L’offre de bons offices ou de médiation peut être refusée par l’un ou
l’autre des Etats en litige. Les Etats en litige sont aussi libres de refuser la base de
négociation ou de solution de fond présentée par le médiateur.

B. Les procédures formelles

Il s’agit essentiellement de la conciliation et de l’enquête internationale.

1. La conciliation

La conciliation est pleinement un mode diplomatique de règlement des différends, et


notamment en ce qu’elle n’aboutit pas à une sentence revêtue de l’autorité
juridictionnelle. Cependant, elle comporte une organisation procédurale plus complexe
et une plus grande autonomie de l’organe de règlement par rapport aux parties,
caractères qui, l’un et une plus grande autonomie de l’organe de règlement par rapport
aux parties, caractères qui, l’un ou l’autre, la rapprochent des modes juridictionnels.

La complexité de l’organisation résulte de ce que les commissions de conciliation,


toujours composées de plusieurs personnes, reposent sur un statut plus fermement établi
en droit que les organes de médiation. Il s’agit le plus souvent d’un traité déterminant le
statut de l’organe et son mode de fonctionnement, et posant en particulier des règles de
procédure (représentations des parties par des agents, échange de mémoires écrits,
présentation de plaidoiries...) axées sur le principe du contradictoire et évoquant
beaucoup celles qui prévalent dans le règlement juridictionnel.

Quant à l’autonomie de l’organe par rapport aux paries, elle résulte de cette organisation
même. D’une part les commissions, qui adoptent le plus souvent leurs propositions à la
majorité, sont habituellement composées d’un nombre impair de membres (5 plus
rarement 3), dont un seul est nommé par chacune des parties et peut être vu comme son
14

représentant ; le ou les autres, dont le président de l’organe, sont nommés d’un commun
accord et sont neutres à première vue par rapport aux positions des parties. D’autre part
la commission n’a généralement pas pour mission de mener avec les parties une
négociation continue mais, une fois les thèses pesées, de proposer globalement les
termes d’un règlement qui lui paraît pouvoir obtenir leur accord.

La conciliation est une technique relativement récente (début du XXe siècle) dont le
succès doit se mesurer au nombre de ses applications effectives, qui est très faible, du
moins pour les affaires rendues publiques, plus qu’à celui des traités qui s’y réfèrent
(près de 200 entre 1925 et 1940, mais guère depuis). Il faut dire que cette technique
serait un moyen hypocrite pour les Etats d’échapper à des procédures plus
contraignantes. Pour finir, on peut considérer que la consécration du procédé de la
conciliation a été apportée par la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.
Son article 66 en fait la procédure de droit commun en ce qui concerne les litiges
relatifs à la nullité, à l’extinction ou à la suspension de l’application des traités.

2. L’enquête internationale

En tant que moyen interétatique de règlement non juridictionnel, l’enquête consiste dans
une recherche portant sur des faits présentés comme à l’origine d’un litige, en vue de
constater leur matérialité, leur nature, les circonstances qui les accompagnent, et dans la
fourniture d’un rapport. Cette tâche est le plus souvent confiée à un organe collégial, dit
commission d’enquête. Comme les modes précédents, l’enquête est une procédure
facultative, à la fois dans son déclenchement et dans sa portée.

Une commission d’enquête est constituée en vertu d’un accord spécial entre les parties
en litige, qui précisera la mission qui lui est confiée : il indique les faits à examiner, les
modalités de composition et le délai de constitution, l’étendue des pouvoirs de la
commission.

Le rapport de la commission d’enquête n’a aucun caractère obligatoire : les parties


restent entièrement libres des suites à lui donner. D’autant que la commission doit s’en
tenir à établir les faits, sans chercher à en tirer la moindre conclusion, même lorsque
celle-ci découle nécessairement des faits.
15

Ces caractéristiques font que l’enquête ne se suffit pas à elle-même comme moyen de
règlement. Elle est complémentaire des procédés de la négociation ou du règlement
juridictionnel ou arbitral.

Section II : Les procédures diplomatiques dans le cadre des organisations


internationales

Dans cette section s’agit d’examiner d’abord les fondements de l’implication des
organisations internationales en matière de règlement des conflits avant d’analyser le
règlement des différends à travers les Organisations internationales (O.I.) universelles à
compétences, puis celles régionales à compétence politique, enfin les Organisations
internationales à compétence technique.

A. Considérations générales

Lorsqu’ils ont institué les premières O.I. politiques, les Etats leur ont assigné comme
finalité principale le maintien de la paix, en particulier par l’apaisement et la prévention
des tensions internationales. Par leur existence même, les O.I. devaient constituer des
moyens de règlement pacifique des différends. La tendance la plus naturelle a consisté à
transposer dans leur cadre les modes de règlement déjà acceptés et mis en œuvre dans
les rapports interétatiques. Cependant, les particularités du fonctionnement des O.I.
(permanence des organes, processus de décision majoritaires) ont infléchi la portée des
procédures interétatiques : le principe du consentement préalable des parties en litige,
garantie fondamentale des souverainetés étatiques. Le frein que ce principe pouvait
constituer pour la mise en place des organes préconstitués a été remplacé par une
manipulation des procédures internes des organisations pour créer, si nécessaire des
organes ad hoc.

C’est la nature des procédures classiques qui a été modifiée lorsqu’il a été reconnu à
certaines organisations, en particulier à l’O.N.U., des pouvoirs de décision en vue du
maintien de la paix. Certes, il n’a pas toujours été possible de mettre en œuvre les
dispositions les plus énergiques et contraintes du Chapitre VII de la Charte. En
revanche, la pratique des Nations-Unies s’est orientée vers un retour, par des pressions
pacifiques, des Etats perturbateurs de l’ordre international. A cette fin, tous les moyens
16

et toutes les compétences prévus aux Chapitres V, VI et VII (autres que l’emploi de la
coercition armée) ont été employés, faisant de l’ensemble de ces dispositions un tout
indissociable.

Pour d’autres organisations qui ne bénéficiaient pas de la même mission ni de pouvoirs


aussi étendus, il a suffi de les doter de procédures juridictionnelles pour que leurs Etats
membres découvrent toutes les vertus des mécanismes non juridictionnels que
contenaient leurs statuts (O.E.A., U.A., O.S.C.E., ...).

Aujourd’hui, l’intervention des O.I. a une portée que l’on imaginait difficilement au
début du XXe siècle. Plusieurs facteurs expliquent ce constat, d’abord les facilités
qu’offre leur cadre à des négociations permanentes (pour prévenir les conflits d’intérêts
et pour les apaiser) et enfin en raison de l’avantage que leur procurent tantôt leur
relative neutralité dans les compétitions entre Etats, tantôt leur position d’arbitre.

Il en est autrement en ce qui concerne, les O.I. à compétence techniques qui jouent un
rôle plus important dans le règlement pacifique des différends. Ici, c’est
l’interdépendance des intérêts des Etats membres qui est la principale justification du
développement des procédures de règlement internes à ces organisations ; leur intérêt à
long terme, la réciprocité généralisée des avantages mutuels les incitent à privilégier des
techniques multilatérales (O.M.C., O.I.M., O.A.C.I.).

B. Le règlement des différends dans le cadre de l’O.N.U.

Pour rappel, l’O.NU. ne constitue pas la seule O.I. universelles à compétences générales
que les Etats ont créé. La SdN fut la première. Mais, ici, nous avons opté d’aborder
uniquement les mécanismes de règlement des différends mis sur pied dans le cadre de
l’O.N.U. ; autrement dit, ceux institués à l’entre-deux-guerres ne seront pas revisités du
fait de la faillite de la SdN à prévenir la deuxième guerre mondiale.

En ce qui concerne les Nations-Unies, on observe une répartition des compétences du


point de vue organique et du point de vue matériel.

Sur le plan organique, la Charte maintient la double intervention de l’organe plénier


(l’Assemblée Générale) et de l’organe restreint (le Conseil de sécurité). Toutefois, la
Charte de l’O.N.U. consacre et organise la primauté de l’organe restreint. La recherche
de l’efficacité n’est pas la seule raison de cette primauté. En vérité, les auteurs de la
17

Charte ont souhaité institutionnaliser la prépondérance des grandes puissances : ils


partagent la conviction générale qu’une des causes essentielles de l’échec de la SdN
tenait au refus d’attribuer aux grands Etats des responsabilités à la mesure de leur
puissance.

En revanche, c’est le seul souci de l’efficacité qui explique que des compétences
particulières, ignorées du Pacte de la SdN, aient été conférées par la Charte de San
Francisco au Secrétaire général des Nations-Unies, organe individuel et indépendant des
Gouvernements. De manière générale, le blocage fréquent des organes délibérants a
accentué la portée de cette attribution de compétences.

Au point de vue matériel, la même question se pose en 1945 qu’en 1919 : tous les
conflits sont-ils susceptibles d’être portés devant les organes internationaux en vue de
leur règlement pacifique ? Dans l’ensemble, la Charte confirme les solutions du Pacte
de la SdN. En principe, sont de la compétence de l’O.N.U. seulement les différends
graves, c’est-à-dire ceux « dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien
de la paix et de la sécurité internationale » (art. 33 de la Charte). Cette condition n’est
pas entendue strictement. S’il est sage de ne pas encombrer l’ordre du jour des organes
principaux de conflits mineurs, sans incidence directe sur les Etats tiers, il serait tout
aussi inopportun de limiter les occasions qui s’offrent à l’Organisation d’exercer sa
mission d’apaisement des différends internationaux ou de saisir le prétexte d’incidents
mineurs pour appeler les Etats au respect de certains principes fondamentaux (voir, par
exemple, l’examen par le Conseil de sécurité de l’affaire Eichmann entre l’Argentine et
Israël en 1961). Une autre condition de recevabilité est le caractère international du
différend, ce qui signifie qu’il ne doit pas porter sur une question qui relève de la
« compétence exclusive » de chaque Etat. Enfin, le différend susceptible d’être porté
devant l’O.N.U. n’oppose pas nécessairement des Etats membres.

1. Le Conseil de sécurité

La prééminence du Conseil est justifiée par l’article 24, paragraphe 1, de la Charte en


ces termes : « afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation, ses membres
confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose
cette responsabilité, le Conseil de sécurité agit en leur nom ».
18

Bien que ce texte cible le maintien de la paix et non le règlement des différends, on peut
considérer, on considérer, au vu de la pratique, que ces deux missions sont trop
interdépendantes pour ne pas autoriser une interprétation large du champ d’application
de l’article 24.

D’autres dispositions de la charte précisent les moyens et modalités de cette primauté,


garantie notamment par l’absence de subordination hiérarchique du Conseil à
l’Assemblée générale. Dans la mesure où ces dispositions concernent le maintien de la
paix, elles peuvent également jouer en matière de règlement pacifique ; car le Conseil
de sécurité ne dissocie pas ses pouvoirs au titre de l’une et de l’autre compétences (au
point d’éviter de faire référence dans ses résolutions aux différends chapitres qui
concernent ces deux compétences théoriquement distinctes, le chapitre VI pour le
règlement pacifique et le chapitre VII pour le maintien de la paix.

Qui peuvent saisir le Conseil de sécurité ?

Le droit de saisine est très libéralement attribué par la Charte à :

- tout Etat membre, partie ou non à un différend, impliqué ou non dans une
situation.

- Un Etat non membre, mais dans des conditions strictes : il doit s’agir un
différend, l’Etat doit être partie à ce différend et il doit accepter préalablement
les obligations de règlement pacifique.

- Certains organes de l’ONU pour suppléer l’éventuelle carence des Etats.

Une fois saisi, le Conseil de sécurité reste libre d’accepter ou de refuser l’examen du
différend ou de la situation. Un premier débat aura lieu sur l’inscription de la question à
l’ordre du jour, ce qui implique seulement que le Conseil accepte d’ouvrir une
discussion. L’ouverture de la discussion ne préjuge ni la recevabilité de l’initiative, ni a
fortiori une solution au fond. Pourtant les Etats n’hésitent pas à argumenter contre
l’inscription d’une affaire à l’ordre du jour. C’est que ce premier pas peut avoir un
certain retentissement politique. Désormais, l’affaire sera soustraite au secret des
négociations diplomatiques et fera l’objet de débats publics. Toutefois, surtout depuis le
début des années 1990, il est d’usage courant que ceux-ci soient préparés par des
concertations poussées entre les cinq membres permanents.
19

Une fois cette étape franchie, le Conseil peut faire appel à l’ensemble des moyens non
juridictionnels de règlement pacifique des différends offerts par le droit international
général. En principe, il procède par voie de recommandations, mais il semble désormais
acquis qu’il est en droit d’imposer aux parties le recours à un mode de règlement par
une décision : dans l’avis consultatif du 21 juin 1971, la CIJ a considéré que le libellé de
l’article 25 de la Charte n’interdisait pas de reconnaître valeur décisoire à des
résolutions du Conseil de sécurité qui ne s’inscrivaient pas dans le cadre du chapitre VII
de la Charte (affaire de la Namibie, Rec., p.53).

Quand il examine une affaire, le Conseil est d’abord en droit d’ouvrir et de faire
procéder sous son autorité à une enquête.

Lorsqu’il est saisi en vertu des articles 37 et 38, le Conseil peut recommander les termes
d’un règlement. Ce faisant, il exerce la fonction de médiateur ou de conciliateur. En
règle générale, il n’agit pas par lui-même, car sa structure ne s’y prête pas, mais par
l’intermédiaire d’une commission intergouvernementale ou de personnalités dont il
avalise les résultats.

2. L’Assemblée générale

Comme organe plénier, l’Assemblée est davantage un forum, une tribune politique,
qu’une instance de règlement. On aurait pu craindre qu’elle ne présente pas la neutralité
nécessaire à l’exercice d’une fonction de règlement pacifique. Mais le reproche pourrait
être adressé à tous les organes politiques et n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit d’éviter
qu’un différend ne devienne une menace pour la paix. Son intervention a été jugée utile
parce qu’elle garantit une égalité entre Etats que n’assure pas la procédure de vote au
Conseil de sécurité, et parce qu’elle peut prendre position à la majorité.

La Charte lui reconnaît des compétences concurrentes de celles du Conseil. La pratique


a montré la nécessité de contourner certaines limitations initiales. Mais les grandes
puissances restent très attentives à toute tentative de remise en cause indirecte des
compétences propres du Conseil.

L’article 10 de la Charte lui attribue une compétence tout à fait générale : « l’Assemblée
générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente
Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes
20

prévus par la présente Charte... » et « formuler sur ces questions ou affaires des
recommandations aux membres de l’Organisation des Nations Unies, au Conseil de
sécurité, ou aux membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité ».

Les articles 11, 12 et 14 définissent plusieurs hypothèses qui intéressent le règlement


des différends. L’Assemblée peut discuter et faire des recommandations sur toutes
« questions » intéressant le maintien de la paix (art. 11, paragr. 2) ; sa compétence est
confirmée par l’article 35. Sa saisine est relativement aisée puis qu’elle peut être le fait
d’un Etat membre, d’un Etat non membre ou du Conseil de sécurité. Elle peut attirer
l’attention du Conseil sur les situations dangereuses pour la paix (art. 11, paragr. 3). Elle
peut enfin recommander les « mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute
situation » (art. 14).

Afin de remédier aux inconvénients d’un parallélisme absolu des compétences de


l’Assemblée et du Conseil à l’égard des différends les plus graves, et comme garantie de
la prépondérance de ce dernier, la Charte impose deux limitations à l’Assemblée. Selon
l’article 12, elle n’a pas le droit de faire des recommandations sur les affaires
(différends ou situations, y compromis celles discutées au titre de l’article 14)
qu’examine le Conseil de sécurité. Tout au plus est-elle en droit d’en discuter ; cette
réserve à la réserve peut paraître dérisoire : de quelle utilité est un débat qui ne peut
déboucher sur l’adoption d’une recommandation ? En fait, la conclusion du débat peut
n’être que reportée : en effet, l’Assemblée est en mesure de faire des recommandations
lorsque le Conseil lui demande expressément de prendre position, ou lorsqu’il a éliminé
l’affaire de son ordre du jour. En second lieu, chaque fois que l’examen d’une affaire
appelle une action coercitive régie par le chapitre VII de la Charte, l’Assemblée
générale doit le renvoyer au Conseil soit avant, soit après la discussion (art. 11, paragr.
2 in fine). Le monopole du Conseil en matière coercitive implique, en principe,
l’incompétence de l’Assemblée pour recommander une telle action.

3. Le Secrétaire général de l’ONU

Selon l’article 99 de la Charte, « le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil


de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la
paix et de la sécurité internationales ». En vertu de cette disposition, le Secrétaire
21

général peut déclencher l’intervention du Conseil dans les cas où aucun Etat ne prend
l’initiative de le saisir. L’article 99 a pour but de remédier à cette carence.

Le Secrétaire général exerce parfois ses fonctions diplomatiques non pas de son propre
chef, mais sur la base d’un mandat qui lui est confié par l’Assemblée ou le Conseil de
sécurité, hypothèse prévue par l’article 98 de la Charte.

C- Règlement des différends dans le cadre des Organisations régionales à compétence


politique

Le chapitre VIII de la Charte des Nations-Unies est consacré aux organisations


régionales. Son article 52, paragraphe 1, reconnaît expressément la compatibilité des
accords constitutifs de ces organisations et de la Charte. Le paragraphe 2 précise que les
membres des Nations-Unies qui concluent de tels accords « doivent faire tous leurs
efforts » pour régler d’une manière pacifique, par le moyen de ces accords, « les
différends d’ordre local avant de les soumettre au Conseil de sécurité » de l’ONU.

A cet effet, la plupart des organisations politiques régionales disposent de compétences


qui les autorisent à mettre en œuvre les divers modes de règlement pacifique des
différends : négociation, bons offices, médiation, conciliation. Toutes cependant n’ont
pas établi ou organisé des procédures spécifiques : dans ce cas, elles sont mises en place
en fonction des circonstances.

Le système de règlement des différends propre à chaque organisation est plus ou moins
complet. Sa structure n’est pas, pour l’essentiel, très différente de celle que connaît
l’ONU : les Etats membres sont invités à recourir aux procédés classiques de règlement
pacifique ; les organes de l’organisation sont, de leur côté, habilités à mettre directement
en action les mêmes procédés.

Il s’agit par exemple l’Organisation des Etats américains (O.E.A.) ou l’Union africaine
(U.A.) ou encore l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.).

S’agissant de l’O.E.A., les Etats latino-américains n’ont pas trouvé jusqu’ici une
solution de principe stable en matière de règlement des différends. Ils sont en particulier
divisés sur la priorité à reconnaître à des procédures internationalisées susceptibles de
déroger à un strict consensualisme. Les trois grandes étapes normatives postérieures au
second conflit mondial traduisent cette hésitation et le malaise face à l’inefficacité de
22

trop nombreux instruments de prévention des différends. Le premier système était fondé
sur la concurrence de la Charte de l’O.E.A. et du Traité interaméricain d’assistance
mutuelle (Pacte de Bogota de 1948). Le Conseil de l’O.E.A. était assisté d’une
Commission interaméricaine de la paix, autorisée à présenter ses bons offices et à
désigner des commissions d’enquête. Un nouveau système a été établi par le Protocole
de Buenos-Aires du 27 février 1967. Les deux organes essentiels sont le Conseil
permanent de l’O.E.A. et son organe subsidiaire, la Commission interaméricaine de
règlement pacifique des différends. Soucieux de redonner à l’O.E.A. un certain
dynamisme politique et juridique, ses membres ont amendé le système précédent par le
protocole de Carthagène (1985). Ce dernier consacre le droit pour une partie à un
différend de saisir unilatéralement le Conseil permanent (art. 84) et, supprimant la
Commission interaméricaine pour retrouver l’esprit du mécanisme de 1948, autorise le
Conseil à créer des commissions ad hoc, avec l’accord des parties.

En ce qui concerne, l’U.A., depuis la transformation de l’OUA en UA par le traité de


Lomé du 11 juillet 2000 vient de mettre sur son Conseil de paix et de sécurité qui
forme la charpente de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA). Celle-ci
repose sur une vision globalisante de la sécurité prenant en compte « les menaces à
l’existence, au développement et à la durabilité des systèmes politiques, économiques,
militaires, humains, sociaux, du genre et de l’environnement au niveau de l’Etat,
régional et continental ». Elle comprend le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), le
Système Continental d’Alerte Rapide (SCAR), la Force Africaine Prépositionnée (FAP)
et les mécanismes régionaux pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.
(Cf. détail cours sur le régionalisme africain en Licence III).

Enfin, s’agissant de l’O.S.C.E., bien qu’elle ne soit pas une organisation internationale
au sens habituel, elle joue un rôle croissant dans le règlement des différends en Europe.
Deux mécanismes formels de « conciliation obligatoire » y ont été mis sur pieds après
l’écroulement du communisme en Europe de l’Est. Institué en 1991, le « mécanisme de
la Valette » repose sur un « Organisme », à la nature juridique incertaine. Le mécanisme
connaît tant de limitations et d’exceptions que, malgré les perfectionnements de détail
qui lui ont été apportés par le Conseil de la C.S.C.E. réuni à Stockholm le 15 décembre
1192, il semble en pratique à peu près inutilisable. C’est pourquoi la Convention de
conciliation et d’arbitrage au sein de la C.S.C.E., conclue le même jour, a institué un
23

système de règlement des différends plus classique même si elle est demeurée lettre
morte jusqu’à présent.

D- Règlement des conflits dans le cadre des O.I. à compétence technique

On pense ici aux Organisations économiques et autres Organisations techniques.

1. Les Organisations économiques

L’objet spécifique des différends économiques, les particularités du droit international


applicable, l’importance de la réciprocité et de la continuité dans les relations
économiques internationales, tous ces facteurs incitent à confier la responsabilité du
règlement de tels différends à des organes propres des organisations spécialisées
(O.M.C.), plutôt qu’aux mécanismes diplomatiques classiques ou à des instances
extérieures telles que les juridictions internationales.

Le mécanisme de règlement de l’O.M.C. par exemple se caractérise par une procédure


en deux temps. Le premier, qui fait intervenir des « groupes spéciaux », reprend en le
formalisant le système des panels de l’ancien GATT et aboutit à des rapports non
obligatoires pour les parties en litige. Dans un second temps, l’ « Organe d’appel » est
investi d’un pouvoir de décision qui en fait une quasi-juridiction internationale : cette
procédure sera donc les autres modes de règlement juridictionnels (cf. Partie II).

2. Autres organisations techniques

On y rencontre les mêmes compétences d’enquête des organes intergouvernementaux,


déléguées comités d’experts dont le rapport et les suggestions sont avalisées par
l’organe plénier. Très souvent, les organes techniques apportent une solution aux
divergences entre Etats membres par l’adoption d’une règlementation nouvelle qui fait
l’objet d’une application générale par des procédés simplifiés (procédure de non-
objection, dans le cadre de l’O.M.I. ; réforme des procédures de navigation aérienne, au
sein de l’O.A.C.I., par exemple).
24

Partie II : Les modes juridictionnels de règlement des conflits

Chapitre I : Considérations générales

Les modes juridictionnels consistent en l’intervention dans le différend d’un organe


tiers ayant pour fonction de le trancher par une solution fondée en droit et obligatoire
pour les parties. Ces deux traits caractéristiques permettent de les opposer aux modes
diplomatiques.

Section I : Défaut de liberté dans la détermination des bases de règlement

Le règlement juridictionnel s’opère sur la base du droit applicable entre les parties. Sous
ce registre, il est moins une technique de règlement des différends que de réalisation du
droit. Le recours au règlement juridictionnel n’est donc concevable que lorsque le
différend est tenu par les parties pour justiciable, c’est-à-dire pour propre à être tranché
par application des règles de droit pertinentes. Mais, même en cas de réponse
affirmative, un Etat n’y recourt que si sa position juridique paraît supérieure à celle de
son adversaire ou si, dans l’hypothèse contraire, il accorde plus de prix au règlement du
différend qui les oppose qu’à la poursuite de son intérêt. De même, il ne s’engage à
l’avance à recourir au règlement juridictionnel que si, statistiquement, il croit avoir plus
souvent une position juridique gagnante et attend donc plus de profits que de pertes
dans la création d’un lieu juridictionnel entre lui et ses adversaires potentiels.

Il convient toutefois de nuancer cette affirmation pour plusieurs raisons.

D’abord, l’acte des parties qui attribue à l’organe de règlement le pouvoir juridictionnel
ne l’obligent pas nécessairement à motiver sa décision. Nombre de sentences surtout
anciennes, se présentent principalement comme un dispositif revêtu d’autorité légale, et
leur lecture ne permet pas de discerner le cheminement qui y a mené les arbitres.

Ensuite le tribunal fait quelque fois entrer dans son raisonnement des considérations
qu’on rattacherait difficilement à une règle de droit identifiable (inconstance des règles
25

applicables, injustice dans l’application rigoureuse des règles, division des membres du
tribunal qui les poussent à opérer un regroupement syncrétique entre argumentations
partiellement incompatibles, décisions sans base juridique). De telles pratiques peuvent
contribuer heureusement à la solution des différends entre Etats, mais aux dépens d’une
prévisibilité minimum des solutions juridictionnelles. Il est sans doute préférable que les
Etats qui souhaitent voir leurs litiges réglés par une solution transactionnelle s’engagent
à l’avance à tenir pour obligatoire la décision d’un organe clairement présenté comme
chargé d’un règlement diplomatique.

Enfin et surtout, les parties en litige peuvent, si le statut du tribunal ne s’y oppose pas,
l’inviter à mettre les bases légales à l’écart ou au moins à ne pas leur accorder une
considération exclusive. Ainsi le statut de la C.I.J., après avoir énoncé en termes
purement juridictionnels le contenu de sa mission : « régler conformément au droit
international les différends qui lui sont soumis » et présenté à l’appui le célèbre
catalogue des éléments de droits mis à sa disposition (Article 38, paragraphe 1) ajoute
aussitôt que la cour a la faculté, « si les parties en sont d’accord, de statuer ex aequo et
bono » (Art. 38 paragr. 2). Encore faut-il s’entendre sur cette ouverture, et distinguer
deux façons qu’ont les tribunaux de faire à l’équité sa place. Tantôt, mais c’est
infiniment rare, les parties les invitent dans les termes soit à écarter les bases légales en
tant que de besoin ou à n’en tenir compte dans la limite de la justice. Tantôt la teneur
même de la règle de droit implique la prise en considération de l’équité.

Section II : Défaut de la liberté dans l’acceptation de la solution

L’incertitude relative du premier critère conduit les internationalistes à accorder plus de


prix au second.

Un acte n’est juridictionnel que s’il est revêtu de l’autorité de chose jugée ou arbitrée,
c’est-à-dire si sa teneur a force de vérité légale entre les parties. Deux précisions
s’imposent à ce sujet.

D’abord il est possible qu’un organe chargé de fonctions juridictionnelles se voit prié,
parce que son statut le prévoit ou du moins ne l’interdit pas, de donner un avis de droit
(C.I.J. en vertu des articles 96 de la charte et 65 de son statut). L’avis consultatif auquel
26

elle aboutit n’a pas moins de puissance de conviction et de poids politique que les arrêts
qu’elle rend dans le cadre du contentieux interétatique.

Ensuite la force légale de l’énoncé juridictionnel est une vertu intrinsèque de la sentence
qu’elle tire de sa nature même et non d’actes juridiques extérieurs (cf. Effets de
jugements du TANU accordant indemnité, C.I.J., avis consultatif du 13 juillet 1954,
Rec., 1954, 47 : « L’Assemblée générale des (Nations-Unies) n’a pas le droit (...) de
refuser d’exécuter un jugement du TANU (...) car « un jugement rendu par un pareil
corps judiciaire est chose jugée et a force obligatoire entre les parties au différend ».

La sentence est opposable aux parties parce que, seules ou avec d’autres, elles ont
donné au tribunal le pouvoir de statuer en tant que tel par l’acte même qui l’a institué, et
cette opposabilité ne dépend d’aucun acte supplémentaire. La sentence n’est donc pas
soumise à une ratification ou à une autre forme d’acceptation par les parties, elle
s’impose par elle-même en tant qu’acte qui lui donne pouvoir de connaître du litige.
Elle ne peut être remise en cause que par une contestation de sa validité, c’est-à-dire par
une assertion de nullité pour défaut de conformité avec l’un ou l’autre.

Chapitre II : Les différents modes juridictionnels

Ce chapitre aborde le règlement des conflits par des juridictions non permanentes
(Règlement arbitral), d’une part, le règlement par une juridiction permanente (CIJ par
exemple), d’autre part.

Section I : Règlement par une juridiction non permanente : l’arbitrage

L’article 37 de la Convention de La Haye dispose « l’arbitrage international a pour


objet le règlement des litiges entre les Etats par des juges de leur choix et sur la base du
respect du droit. Le recours à l’arbitrage implique l’engagement de se soumettre de
bonne foi à la sentence ». Au sujet de cette technique de règlement des conflits, il est
utile de revisiter dans un premier temps son évolution dans le temps, les modalités de
recourir à elle, et enfin la procédure qu’elle obéit.

A- L’évolution de cette technique de règlement des conflits

Plus respectueux de la souveraineté des Etats que le règlement juridictionnel (par une
juridiction permanente), l’arbitrage l’a précédé dans l’histoire des R.I.
27

Dans les cités grecques antiques, il était déjà utilisé pour résoudre certains conflits de
nature religieuse. Il a également traversé le Moyen Age marqué par les différends entre
le Saint Empire et les royautés princières.

Les problèmes multiples et complexes nés de l’indépendance américaine ont poussé les
Etats-unis (treize colonies indépendantes avant 1794) et le Royaume-Uni à conclure un
traité (Traité Jay) pour soumettre leurs contestations à l’arbitrage de commissions
mixtes auxquelles fut accordée compétence pour adopter des décisions obligatoires
(arbitrage diplomatique). Celui-ci consistait à s’appuyer soit sur un homme politique, le
plus souvent un chef d’Etat, donc un pair et non un juge professionnel, soit sur un
organe diplomatique mixte. La décision arbitrale, ainsi, rendue était une transaction, un
compromis plus ou moins équilibré entre les prétentions opposées, non un jugement en
droit.

En vérité, l’arbitrage au sens strict, est une création postérieure à la guerre de Sécession
(1861-1865), à l’occasion de l’affaire de l’Alabama jugée en 1872. Après cette affaire,
on assiste un processus de perfectionnement de cette technique. La première étape
importance est constituée par la Conférence de La Haye de 1899 qui a aboutit à
l’adoption d’une convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux
(Titre IV consacré à l’arbitrage). D’autres progrès ont été enregistrés lors de la seconde
Conférence de la Paix (La Haye, 1907), l’adoption par l’Assemblée de la SdN le 26
septembre 1928 de l’Acte général d’arbitrage, révisé en 1949 par l’Assemblée générale
de l’ONU. Cependant, les progrès notoires ont eu lieu au plan régional (Convention
européenne de 1957 et Cour de conciliation et d’arbitrage au sein de l’OSCE).

B- Le recours à l’arbitrage

La souveraineté implique le droit de refuser d’être attrait devant un tiers ; elle implique
autant le droit de faire exception à ce refus par un engagement conventionnel. Sous ce
rapport, l’arbitrage peut être facultatif comme il peut être obligatoire.

Il est facultatif s’il est le fruit d’un compromis exprimé par voie de traité. Dans ce cas
de figure, les parties fixent librement le contenu du compromis (les règles des
conventions multilatérales sur le règlement pacifique des différends n’ont qu’un
28

caractère supplétif. La volonté des Etats s’impose à l’organe arbitral qu’ils mettent en
place.

L’engagement d’arbitrage peut être contraignant suivant la CIJ dans son avis consultatif
du 26 avril 1988. Toutefois, même s’il est, il reste souvent nécessaire de conclure un
compromis pour préciser la procédure et l’objet de la demande.

C- L’organe et la procédure d’arbitrage

C’est à travers un accord que les parties en conflit constituent l’organe chargé du
règlement. Le caractère occasionnel de cet organe demeure le principe, en dépit de
certaines tentatives d’institutionnalisation. On peut distinguer :

- L’arbitrage unique, la formule la plus ancienne. Longtemps pratiqué et consacré par la


Convention de 1907, l’arbitrage par un chef d’Etat est en déclin. En revanche, le choix
d’un arbitre unique parmi des experts (jurisconsulte, diplomate, magistrat, etc.) reste
fréquent.

- L’arbitrage par commission mixte (Traité Jay) revêt une forme paritaire et ne
comprend que des membres désignés par les parmi leurs ressortissants. Intervient en cas
de désaccord un surarbitre pour les départager. Ce surarbitre est ressortissant d’un Etat
tiers. Il peut jouer un rôle plus actif si les parties le désirent ainsi. Des fois, tous les
membres « nationaux » ne sont pas des ressortissants des parties au différend.

- Tribunal collégial, la formule la plus courante aujourd’hui et consiste à l’établissement


par les parties d’un organe comprenant trois à cinq membres, selon diverses
pondérations : soit trois neutres constituant la majorité et chaque partie désignant un
membre ; soit deux arbitres nationaux et un neutre ; soit uniquement des neutres.

S’agissant de la procédure, le procès arbitral se déroule, en principe, conformément aux


règles de procédure établies par les parties dans le compromis d’arbitrage ou dans les
autres instruments conventionnels qui les lient. L’instance se clôture par la décision
finale des arbitres, c’est-à-dire par le prononcé de la sentence. Si cette sentence est le
fait d’un organe collégial, il suffit qu’elle ait obtenu l’approbation d’une majorité de ses
membres. Elle doit être obligatoirement motivée et est dotée de l’autorité de la chose
jugée (ou arbitrée). Mais, cette sentence est non exécutoire car il n’existe pas en droit
international d’exécution forcée des sentences arbitrales contre les Etats. La mise en
29

œuvre de la sentence repose, donc, sur la bonne foi des Etats. Les voies de recours
contre une sentence arbitrale se heurtent à des obstacles tenant à la non-permanence de
l’organe arbitral. Enfin, il existe deux causes de nullité d’une sentence : la nullité du
compromis arbitral et l’excès de pouvoir de l’arbitre.

Section II : Règlement par une juridiction permanente

Il s’agit ici de la Cour internationale de Justice (CIJ) et de certaines juridictions


internationales à compétence restreinte.

A- La Cour Internationale de Justice

Selon l’article 92 de la Charte de San Francisco, « la Cour internationale de justice


constitue l’organe principal des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un
Statut, établi sur la base du Statut de la Cour Permanente de Justice Internationale et
annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante ». Elle est composée de juges
élus et de membres choisis « parmi les personnes jouissant de la plus haute
considération morale et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice, dans leurs
pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires ou qui sont des jurisconsultes
possédant une compétence notoire en matière de droit international » (article 2 du Statut
de la CIJ). Pour garantir leur indépendance, ils ont les mêmes immunités que les agents
diplomatiques onusiens. Ils sont inamovibles et ne doivent, en principe, exercer aucune
autre activité professionnelle. Des juges ad hoc peuvent être occasionnellement désignés
pour un litige déterminé et dont la mission prend fin en temps que le procès qui l’a
motivé. L’intervention des juges ad hoc se produit lorsque la Cour est saisie d’un
différend dans lequel soit l’un des plaideurs seulement a un juge national comme juge
permanent, soit aucun des Etats intéressés n’a un juge national siégeant en permanence.

La CIJ exerce une fonction contentieuse et une fonction consultative.

En ce qui concerne, cette première fonction, elle est déterminée par le Chapitre II de son
Statut. Elle ne peut être saisie que par les Etats. Cependant, le consentement des Etats
parties en litige est nécessaire. L’expression de ce consentement doit être claire. Elle est
généralement saisie par voie de compromis, document où s’exprime le consentement
des parties. Celui-ci doit définir l’objet du différend et les questions posées aux juges.
D’un autre côté, la juridiction de la Cour est « obligatoire » quand les parties en ont
30

décidé ainsi dans une convention ou la faveur d’une rencontre de deux consentements
unilatéraux.

L’arrêt de la Cour est adopté à la majorité des juges présents ; en cas de partage égal des
voix, celle du Président est prépondérante. Il est obligatoire et définitif et jouit de
l’autorité relative de la chose jugée : il n’oblige que les parties au litige et pour le seul
cas tranché (art. 59 du Statut). Enfin, il y a une possibilité d’une exécution forcée de
l’arrêt. Compte tenu des compétences et responsabilités du Conseil de sécurité, les voix
exécutoires pourraient aller jusqu’à des mesures de contrainte obligatoire pour
l’ensemble des membres de l’ONU. Théoriquement efficace, le système de l’article 94
de la Charte est resté purement théorique jusqu’ici (à l’exception de l’affaire du Détroit
de Corfou).

Comme sa devancière (art. 14 du Pacte de la SdN), la CIJ est investie d’une fonction
consultative dont elle s’acquitte en adoptant des avis consultatifs. Les bases et
conditions d’exercice de cette fonction sont établies par l’article 96 de la Charte des
Nations Unies et par le Chapitre IV du Statut de la Cour. A l’inverse de la fonction
contentieuse, la procédure consultative n’est pas ouverte aux Etats ; seules les
organisations internationales y ont accès.

L’avis consultatif n’est pas un acte juridictionnel, il ne possède pas la force obligatoire
de l’arrêt. Il s’analyse non comme une décision, mais comme une opinion de la Cour,
destinée à éclairer l’organe qui la consulte.

B- Juridictions internationales à compétence restreinte

On pense aux juridictions internationales non administratives et aux juridictions


internationales administratives.

1) Les juridictions internationales non administratives

- Tribunal du droit de la mer : Cette juridiction a été établie par la Convention de


Montego Bay de 1982. Elle comprend 21 membres représentant les principaux systèmes
juridiques, selon une représentation géographique équitable. Selon l’article 288 de cette
convention, ce tribunal a compétence pour connaître au contentieux de tout différend
relatif à l’interprétation ou à l’application de la Convention de Montego Bay et de tout
autre accord « se rapportant aux buts » de cette convention.
31

-La Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a une compétence très large
définie par l’article 164 du Traité instituant la CE. Cette cour « assure le respect du droit
dans l’interprétation et l’application du traité ». A la différence des autres juridictions,
la CJCE connaît d’un contentieux diversifié : (1) un contentieux de l’interprétation des
traités et des actes communautaires mais aussi aux conventions internationales
auxquelles les Communautés européennes sont parties ; (2) un contentieux de
l’annulation et de l’ « appréciation de validité » des actes communautaires ; (3) un
contentieux de la responsabilité extra-contractuelle ; (4) un contentieux de la répression.

2) Les juridictions administratives internationales

- Tribunal administratif des Nations Unies (TANU). Le TANU a été établi en vertu
d’une résolution du 24 novembre 1949 par l’Assemblée générale de l’ONU. Cette
résolution s’appuie sur les articles 101 et 22 de la Charte des Nations Unies. La
compétence de ce tribunal s’étend aux requêtes dirigées par les fonctionnaires et agents
de l’ONU contre les décisions du SG les concernant.

- Tribunal administratif de la BIRD et du FMI. Ces juridictions administratives sont de


création relativement récente, en raison des réticences traditionnelles des Etats-Unies, le
Statut du TABM est entré en vigueur le 1er juillet 1980 seulement, et son règlement a été
adopté le 26 septembre suivant. Le Tribunal administratif du FMI est encore plus récent
(1994).

Vous aimerez peut-être aussi