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DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE

M1 Droit international 2015-2016 - Semestre 2

Matière à TD : dissertations, commentaires (textes), cas pratiques. 1 examen blanc.

Modalités d'examen : dissertation, commentaire ou cas pratique.

THEME 1 : INTRODUCTION

Le droit international économique par rapport au droit international général


et à l'ordre international économique : conception et sources

Nous allons voir les spécificités du DIE par rapport à des notions voisines, connexes mais malgré tout distinctes. Les
échanges économiques entre différentes entités économiques sont loin d'être récents. On en trouve des traces
dès l'Antiquité, mais pendant très longtemps, ces échanges n'ont absolument pas été encadrés par le droit. Le
droit s'en est saisi tard et en commençant par un angle assez particulier : l'aspect fiscal. La première manière dans
ce qu'on peut appeler les Etats se sont saisis des échanges commerciaux internationaux a été de les imposer, de
percevoir des redevances à l'entrée et à la sortie de leur territoire, redevances soumises à des règles juridiques.
Il s'agit là de rentrées fiscales régulières pour les Etats et difficiles à éviter pour les contribuables.

L'on voit apparaitre, par exemple, dans les pays européens, de telles taxes sur le commerce dès le Moyen Âge pour
des entités qui ne portaient pas encore le nom d'Etat. On taxait l'accès au juge par exemple.

L'étape suivante dans le développement des règles juridiques applicables aux échanges commerciaux internationaux
a été l'angle politique quand les responsables politiques ont cherché à encourager ou à entraver les échanges
commerciaux avec d'autres entités politiques. C'est sur cette base (droit fiscal et entrave aux échanges) que s'est
développée la première forme de droit international économique. En fait, c'était un droit qui n'avait d'international
que de petites portions, il s'agissait de règles nationales communes à plusieurs Etats (règles bilatérales).

Dès lors, on voit que ces règles s'organisent autour de deux grandes sources d'inspirations. D'une part, une source
d'inspiration relevant du libéralisme économique (on cherche à faciliter les échanges) et d'autre part, une source
d'inspiration relevant de l'interventionnisme étatique (mainmise des Etats sur les échanges).

Du côté du libéralisme :

- Adam Smith (1723-1790) a défendu l'idée de main invisible du marché et a défendu l'idée qu'il fallait
laisser les acteurs économiques libres d'échanger comme ils le souhaitaient et lever les empruntes imposer par
les Etats.

- Jean-Baptiste Say (1767-1832) est l'un des grands théoriciens du laisser-faire. Il explique qu'il faut que
les Etats cessent de chercher à réguler l'économie au sens large, que l'économie s'autorégule spontanément si
l'Etat s'abstient d'intervenir. Il en tire la conséquence de la nécessité du libre-échange non seulement à
l'intérieur d'un Etat, mais également entre les Etats.

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- David Ricardo (1772-1823) va plus loin car il est le premier à théoriser l'avantage comparatif des
Nations (idée qu'on retrouve aujourd'hui dans l'OMC). Cette idée consiste à dire que les Etats ne forment pas
des économies autosuffisantes, cela signifie que tous les Etats ne sont pas idéalement en mesure pour
répondre de façon satisfaisante à tous les besoins de leur économie. Certains disposent de matières premières
qu'ils ne disposent pas dans d'autres. Dans certains Etats sont développés des savoir-faire qu'il n'existe pas
dans d'autres. Pour lui, il est illusoire, contre productif, coûteux que chaque Etat cherche à tout faire lui-
même. Il est préférable que les Etats spécialisent leur économie sur la base de leurs points forts et recourent à
des échanges commerciaux avec d'autres Etats pour acquérir des biens qui leur font défaut ou qui leur
coûterait trop. Il proposait une spécialisation des économies, une intensification des échanges entre Etats afin
que chacun puisse se procurer par les échanges des biens qu'il ne peut se procurer par un coût satisfaisant par
lui-même.

- John Stuart Mill (1806-1873) est souvent étudié dans le cadre de la philosophie utilitariste. Il défend le
libre échange au nom de l'utilitarisme.

Du côté de l'interventionnisme :

- Jean-Baptiste Colbert (ministre de Louis XIV / 1619-1683) qui crée le mouvement colbertiste. Il est
important car il a théorisé le mercantilisme. Il expliquait que l'Etat devait intervenir dans son économie afin
de développer des avantages par rapport aux économies étrangères. Ces avantages pouvaient être développés
en utilisant les échanges internationaux de manière particulière. Il s'agissait d'inciter les acteurs économiques
nationaux à importer des matières premières à faible coût afin de les transformer dans le pays pour les
revendre ensuite avec une forte valeur ajoutée. C'est la base du colbertisme (création de manufactures
royales destinées à faire rayonner le savoir-faire français, à développer l'économie du pays et les rentrées
fiscales). Colbert a mis en place le 1er système de tarif douanier. C'était un moyen d'améliorer les rentrées
fiscales et d'assurer le protectionnisme.

- Friedrish List (1789-1846) a promu la première union douanière protectionniste entre les Etats allemands
contre la concurrence de l'économie anglaise, plus avancée du fait de la révolution industrielle. C'est ce qu'on
appelle parfois un protectionnisme éducateur dont l'objectif était de permettre aux industries allemandes de se
mettre à niveau pour concurrencer les industries du Royaume Uni.

- Adolph Wagner (1835-1917) a été un économiste ayant fortement inspiré la politique de Bismarck
(chancelier du 2nd empire allemand), il a développé toute une théorie pour justifier que l'Etat ait un devoir
d'intervention dans les matières économiques en ce qui concerne le contrôle des échanges, car il est le seul à
pouvoir porter l'intérêt général national dans le champ économique. C'est le début de l'interventionnisme
étatique moderne. Le second empire allemand (1870-1918) a été très en avance sur les autres Etats
allemands dans les matières économiques et sociales.

- John Maynard Keynes (1883-1946) a défendu la nécessité de l'intervention de l'Etat soit pour relancer
une économie qui rencontre une crise en stimulant les agents économiques, soit au contraire pour
stabiliser une économie pro-active (en surchauffe) en préservant les activités des agents économiques.

Les discussions sur la manière dont les échanges internationaux doivent être organisés (auto-organisation pour les
libéraux, intervention de l'Etat pour les interventionnistes) existent depuis la fin du XIXème siècle et encore
aujourd'hui. Selon les périodes, soit l'une, soit l'autre des tendances aura tendance à dominer les politiques
économiques mises en oeuvre. Elles s'affrontent pour modeler l'organisation des échanges économiques
internationaux.

La deuxième moitié du XXème siècle présente une physionomie particulière. Cette période a connu une
transformation profonde des relations économiques internationales qui s'est marquée dans un premier temps par

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une intervention étatique importante liée entre autres aux succès des théories keynesiennes et d'autre part, cette
période a connu une montée en puissance du libéralisme économique avec le poids de plus en plus important
des théories libre-échangistes qui sont à l'oeuvre dans plusieurs organisations internationales qui sont devenues de
plus en plus influentes (OMC, FMI, banque mondiale...). Dans cette seconde moitié du XXème, les deux tendances
ont fait coexister, bien qu'elles puissent paraitre contradictoires à première vue. Cette coexistence explique la
physionomie du droit international économique moderne, dont la coloration est échangiste, mais avec des résistances
plus ou moins marquées selon les secteurs et régions du monde.

Se pose la question de savoir comment définir le droit international économique. Dans un premier temps, le droit
international économique se distingue nettement du droit international général car il s'appuie sur des notions
spécifiques comme par exemple la notion de société internationale économique (qui se distingue de la société
internationale) ou d'ordre international économique (qui se distingue de l'ordre international). Ensuite, l'on verra
que le droit international économique s'appuie sur des sources qui sont en parties communes avec le droit
international général, mais des sources auxquelles il assigne une valeur et un poids spécifiques. Dans une section 3,
sera présentée la structure du cours.

Section 1. Droit international économique et droit international général

§1. Définition

Pour le droit international général, on s'appuiera sur le traité de droit international public. Pour les auteurs, le
droit international général peut être défini comme le droit applicable à la société internationale. C'est une
définition qui suppose de faire une distinction entre droit international public et droit international privé. Cette
distinction entre les deux droits internationaux (public et privé) est apparue au milieu du XIXème siècle et selon la
CPJI, affaire des emprunts Serbes, les règles de droit international privé sont spécifiques puisqu'elles font partie
du droit interne des Etats sauf si elles sont établies par des conventions internationales ou des coutumes
internationales.

Cette définition suppose l'existence d'une entité appelée société internationale, qui est avant tout une société
interétatique. Le principe sous-jacent à la notion même de société internationale est qu'il existe pour tous les
Etats un certain nombre d'intérêts communs, sous-jacents qui sont des intérêts matériels, qui découlent
notamment d'un certain nombre de faits que les Etats ne peuvent pas ignorer. Ces faits sont des liens
internationaux liés par exemple à la nécessité des transports d'un Etat à un autre, ou bien à la nécessité inévitable
d'échanges (biens, informations...) entre les Etats. Ce sont des faits liés à l'activité des citoyens des Etats, que les
Etats peuvent chercher à encadrer, contrôler, mais difficilement faire disparaitre.

En tenant compte de ces faits, les Etats sont imposés à s'en saisir en leur imposant des règles juridiques. Le
DIPublic, le droit international général a pour objet d'organiser cette interdépendance inévitable et nécessaire
entre les Etats tout en préservant l'indépendance de chaque Etat (souveraineté). Ce sont des règles qui ont pour
objet de permettre et de garantir une coexistence pacifique entre les Etats, d'assurer un équilibre dans les relations
entre Etats en leur imposant un corpus de règles à respecter.

Le droit international général n'est pas homogène, il contient des règles générales, des normes impératives
acceptées par la communauté internationale dans son ensemble, mais contient aussi des règles particulières qui
peuvent être propres aux échanges entre certains Etats ou certains groupes d'Etats. La coexistence de ces
différents niveaux de règles peut générer des problèmes juridiques liés à leur combinaison.

C'est dans ce contexte qu'il faut se situer pour comprendre le droit international économique. Le droit international
économique s'intègre en effet pleinement dans le mouvement de juridicisation des relations internationales,
mais en même temps, cette branche du droit international présente des spécificités marquées par rapport au droit
international général. Le droit international économique peut être défini de deux manières (définition large et

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définition étroite).

- Au sens large : le droit international économique peut être défini comme l'ensemble des règles qui
régissent les opérations économiques de toute nature à partir du moment où elles s'inscrivent dans un
cadre qui dépasse l'ordre juridique d'un seul Etat. Néanmoins, si on suit cette conception, cela revient à
diminuer le droit international économique dans une série de situations qui ont très peu en commun les unes
avec les autres. Il est préférable de chercher un critère plus étroit qui permettra d'analyser la discipline de
manière plus pertinente.

- Au sens strict : le droit international économique est l'ensemble des règles régissant l'organisation des
relations internationales économiques, c'est-à-dire des relations macro-économiques qui s'établissent dans
un contexte international. On va exclure de la définition tout ce qui relève de la micro-économie, c'est-à-
dire les relations entre agents économiques particuliers.

Rappel : la macro-économie peut être définie comme la branche de l'économie qui analyse les phénomènes
économiques globaux à l'échelle nationale, internationale. Elle s'intéresse aux rapports entre agrégats
économiques (ex : revenu global, consommation, investissements, chômage, croissance...). Le droit international
économique va s'intéresser aux politiques économiques des Etats dans la mesure où elles visent à agir sur ces
agrégats. Les règles de droit international économique vont chercher à encadrer les politiques économiques
nationales. Le droit international économique va s'intéresser à l'action de certaines organisations internationales dans
la mesure où elles agissent sur ces agrégats. Par opposition à la macro-économie, la micro-économie est la branche
de l'économie qui se concentre sur les facteurs qui affectent les décisions des agents économiques individuels
(entreprises, etc.). La macro-économie a une influence sur la micro-économie. Dans le cadre du droit international
économique, on s'intéresse aux agrégats.

Le droit international économique va s'intéresser aux règles qui s'appliquent aux grands ensembles, aux agrégats et
non aux règles gouvernant les transactions entre tel et tel acteur économique.

§2. Les spécificités du droit international économique par rapport au droit international général

L'on va distinguer le droit international économique, l'ordre international économique et la société économique. La
logique du droit international économique est une logique particulière (A). Le droit international économique
s'appuie sur des acteurs spécifiques (B).

A. Une logique spécifique

Comme le droit international général, le droit international économique suppose l'existence d'Etats
indépendants qui coexistent au sein d'une société internationale. Mais, une première spécificité apparait : la
perspective sur la société internationale qui est adoptée par le droit international économique est radicalement
différente de la perspective retenue par le droit international général.

- Pour le droit international général, l'objectif principal est de protéger l'indépendance des Etats au sein
de la société internationale. Les relations entre Etats sont abordées dans une perspective défensive. On
protège une interdépendance des Etats. Cette caractéristique évolue peu à peu avec la reconnaissance d'un
nombre croissant d'hypothèses d'ingérences dans les affaires des Etats. Ces hypothèses sont limitées,
utilisées dans des perspectives spécifiques.

- En revanche, le droit international économique se situe dans une perspective différente, presque militante.
L'idée fondamentale du droit international économique est que les Etats cherchent avant tout à s'enrichir
économiquement parlant et en corolaire de cette première idée, le droit international économique suppose

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que l'enrichissement des Etats passe par le développement de relations d'interdépendances
économiques entre les Etats.

=> Il y a une opposition entre l'objectif de protection de l'interdépendance (droit international général) et la
promotion de l'interdépendance (droit international économique) qui peut passer par des atteintes à
l'indépendance formelle ou matérielle. L'outil central de cette interdépendance économique est la promotion de la
coopération économique entre Etats.

Pour le droit international économique, l'autonomie des Etats qui est fondée sur leur souveraineté va déboucher
sur le fait que les relations internationales économiques mettent en contact les ordres juridiques différents
dont les règles ne sont pas toujours compatibles. La souveraineté étatique laissée à elle-même débouche presque
automatiquement sur les conflits de juridictions entre Etats, au nom des principes classiques de la compétence
étatique (territorialité, nationalité, etc.).

Les règles fondamentales de droit international général deviennent des sources de problèmes potentiels pour
le droit international économique. De ce fait, le droit international économique va promouvoir dans la poursuite
de ses objectifs des instruments qui portent potentiellement atteinte à certains aspects de la souveraineté de
l'Etat. Le droit international économique privilégie l'interdépendance par rapport à l'indépendance. Pour ce faire, le
droit international économique va utiliser deux types d'instruments complémentaires :

1) Il va prendre des notions classiques de DIG et les transformer, les adapter en fonction de ses propres
objectifs. Par exemple, la notion de territorialité (centrale en DIPublic) existe en DIE, mais est sensiblement
affaiblie.

2) Utiliser des solutions conventionnelles afin de prévenir les conflits de juridictions. Ces solutions seront
tantôt des instruments bilatéraux, tantôt des instruments multilatéraux. Il existe une tension en droit
international économique entre ces deux instruments, notamment le système OMC promeut les instruments
multilatéraux. Depuis quelques années, certains blocages tendant à être contournés par des instruments
bilatéraux ou multilatéraux réduits en nombre de partenaires. Cela comporte un nombre de dangers dans la
mesure où le multilatéralisme conserve plusieurs garanties, notamment pour la partie faible. Le bilatéralisme
cherche à développer la persuasion des Etats puissants.

B. Des acteurs spécifiques

Ce qu'on entend par société internationale économique n'est pas identique à ce qu'on entend par société
internationale. Il y a certes des points communs, mais aussi des différences importantes.

• Les points communs : Ils tiennent à la physionomie d'ensemble de ces deux sociétés. Société internationale
économique et société internationale sont par nature profondément hétérogènes, foncièrement inorganisées ou
très peu organisées et fortement décentralisées. Elles connaissent des évolutions proches dans la mesure où elles se
transnationalisent progressivement.

• Les différences : La société internationale économique possède un objet spécifique, ce qui va avoir un impact
sur ses éléments constitutifs. Ainsi, les acteurs ne vont pas avoir la même place : la place des Etats est différente.
Le droit international général protège les Etats en tant que tels (ex : principe d'égalité souveraine, principe de
libre détermination des Etats). Le droit international économique s'intéresse avant tout aux rapports
économiques entre Etats. Il va plutôt insister sur la porosité des frontières. De ce fait, par définition, il va
empiéter potentiellement sur la protection des Etats valorisée par le droit international général. La perspective
de ces deux branches du DI est différente.

On peut en dire autant sur les organisations internationales : les organisations internationales économiques,
interétatiques ont peu de points communs avec les organisations internationales classiques.

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Même chose pour la place des entreprises, notamment les entreprises multinationales, actrices marginales dans
le droit international classique alors qu'elles sont centrales dans le cadre de la société international
économique. Même les ONG sont plutôt mal intégrées dans la société internationale classique et sont beaucoup plus
reconnues dans la société internationale économique.

Sur le plan des acteurs, l'on a d'une part des acteurs existant dans les deux conceptions générales de la société
internationale, qui ont une place qui diffère, et d'autres part des acteurs qui n'existent presque pas dans l'une et
existent dans l'autre.

1) Les Etats

197 Etats sont reconnus par l'ONU, 193 sont des membres et les 4 autres sont associés. Dans la société internationale
économique et dans la société internationale générale, les Etats jouent un rôle central, ce sont les auteurs d'un
certain nombre d'instruments du droit international général, ils sont également les destinataires de certaines
normes du droit international général. La perspective du droit international économique sur les Etats, leur place et
leur rôle est assez différente de celle du droit international général. Dans le droit international général, l'Etat est
protégé et va prévaloir une égalité de principe entre Etats du fait de leur souveraineté. Ce principe est un
facteur de neutralité pour le droit international général. En droit international économique, sans complètement
disparaitre, ces notions n'ont pas le même sens. Deux principes centraux du droit international général ont des
conséquences en droit international économique :

- Principe de libre détermination des Etats : chaque Etat peut choisir librement les règles qui lui sont applicables
dans son système interne. Dans le champ économique, cela veut dire que chaque Etat sera libre de choisir le système
économique qu'il va appliquer à ses frontières. La République Populaire de Chine peut légitimement, en tant qu'Etat
souverain, choisir d'appliquer sur son territoire une économie socialiste de marché.

- Principe d'égalité souveraine entre Etats : il permet à chaque Etat de participer sur un pied d'égalité aux relations
internationales en bénéficiant des mêmes droits et en étant soumis aux mêmes devoirs que les autres Etats. Quelle
que soit leur taille, leur puissance politique, militaire, économique... les Etats sont égaux dans le champ de la société
internationale. Sur le plan économique, dans les négociations internationales économiques, les Etats devraient être
égaux.

La société internationale économique telle qu'elle existe aujourd'hui, bien qu'elle admette le principe de libre
détermination, a été construite sur la base du modèle économique dominant à l'heure actuelle : libéralisme,
capitalisme libéral. Sous cet angle, on peut dire que les règles du droit international économique qui existent à
l'heure actuelle sont avant tout la mise en forme juridique d'une conception particulière de l'organisation de
l'économie et des rapports économiques. C'est une conception nettement dominante, il n'y a pas d'alternative à
ce modèle.

Le principe de libre détermination reste présent, mais il se trouve que les Etats, pour une raison ou une autre, qui
n'adhèrent pas au modèle sous-jacent à l'organisation du droit international économique, vont être obligés
d'adapter leur propre système économique national afin de créer des points de convergence qui leur
permettront de participer aux échanges économiques mondiaux. Cela entraine systématiquement dans les faits
des adaptations de leur droit interne et de leur organisation de leur économie afin de permettre l'application des
instruments internationaux qui forment l'ossature du droit international économique moderne. Il existe une pression
indirecte qui conduit les Etats, souverains, à adapter leur modèle à un modèle qui n'est pas le leur. Tous les
organismes internationaux intervenant dans le développement du droit international économique font au moins
indirectement et parfois directement pression sur les Etats pour qu'ils s'adaptent aux règles du libéralisme
économique. Ce sont donc des atteintes implicites, mais réelles à la souveraineté.

Quant à l'égalité souveraine, sur le plan économique, les Etats ne bénéficient pas du même niveau de

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développement économique et donc du même poids dans les échanges économiques internationaux. Le droit
international général, en posant ce principe d'égalité souveraine, peut se permettre assez largement de gommer les
inégalités de fait. C'est plus difficile pour le droit international économique : le principe d'égalité souveraine est une
fiction neutralisante qui fonctionne mieux en droit international général qu'en droit international économique.

Le DIE consiste à régir, organiser, encadre les relations économiques entre Etats. Son but est de faire fonctionner le
mieux possible ces échanges dans un contexte qui est une inégalité économique de fait. Ici, on peut difficilement
ignorer que les caractéristiques des Etats dans le champ économique sont extrêmement différentes. On est devant une
situation d'inégalité réelle, mais la fiction de l'égalité souveraine ne peut plus fonctionner tel quel. Dans les
échanges, des Etats sont à même de faire pression sur les autres. Le niveau de développement de certains Etats
doit être pris en compte, sinon le DIE se transformera en simple enregistrement de rapports de force brut. Face à
cette situation, le droit international économique doit prendre en compte cette inégalité de fait afin de rétablir des
conditions moins déséquilibrées pour les interactions entre les Etats. Il s'agit de limiter le déséquilibre.

Exemple : les régimes transitoires qui ont été mis en place pour les pays d'Europe centrale et orientale après la chute
du Rideau de fer et la disparition des régimes communistes en Europe centrale et orientale. L'objectif était d'admettre
l'intégration de ces Etats dans le système international des échanges économiques alors que la situation de leur
économie était particulière et qu'ils n'y avait pas les outils adaptés, adéquats à cette mondialisation.

Exemple : des adaptations ont été mises en place en DIE, des infléchissements, des règles du DIE afin de tenir
compte de la situation particulière des pays en développement quand ils rentrent en contact avec des pays
développés. On ne peut se contenter de la fiction neutralisante de l'égalité souveraine et on a cherché à intégrer des
paramètres de l'inégalité réelle. C'est le droit international du développement.

Il y a un problème : quand on cherche à adapter le DIE à la situation réelle des Etats, il y aura un critère
d'identification de la catégorie d'Etats qui va bénéficier des adaptations juridiques. Concernant la catégorie des
pays en développement, cela soulevait des problèmes pour savoir quel Etat rentrait dans cette catégorie. Le
problème n'est pas seulement juridique, ici, la détermination de cette catégorie pose énormément de problèmes
politiques et diplomatiques. Les spécialistes du DIE ont commencé par convoquer des experts en économie pour
leur demander s'il existait des critères permettant d'identifier des pays en développement. Les économistes ont donc
créé des catégories en restant objectifs. Ces efforts pour déterminer des critères objectifs permettant d'identifier des
pays en développement n'ont pas convaincu les responsables politiques, ni des pays en développement, ni des pays
développés. De ce fait, pas d'intégration dans le DIE malgré l'intérêt de ces travaux.

Résultat, il n'y a pas de critère objectif reconnu en DIE permettant d'identifier les pays en développement. On va
appliquer un "critère de l'autodétermination" : tout pays qui le souhaite pourra déclarer qu'il est un pays en
développement et se voir appliquer le ou les régimes particuliers destinés aux pays en développement.

Cela peut se révéler avantageux dans certains cas. Pour certains, cela peut s'avérer intéressant de se déclarer pays
en développement pour bénéficier de dérogations. Par exemple, la Chine est un Etat en développement, elle remplit
encore certains des critères, mais pas tous et son appartenance à la catégorie peut être discutée.

Dès que le DIE prévoit des régimes dérogatoires aux règles générales, se posera le problème de la délimitation
des bénéficiaires de ce régime particulier et les critères sont plus politiques que juridiques.

Le critère de reconnaissance et l'autodétermination, de ce fait, la catégorie "pays en développement" ne peut pas


être homogène, elle va regrouper des Etats dont les caractéristiques économiques seront sensiblement différentes
avec en principe application à tous ces Etats de même régime dérogatoire. Cela peut poser des problèmes : dans les
pays en développement, certains sont plus fragiles que d'autres sur le plan économique.

Cela a donc conduit ces dernières années à discuter de la possibilité de distinguer au sein des pays en développement
des sous-catégories bénéficiant de traitements différenciés, dérogatoires mais avantageux. C'est ainsi qu'on va
distinguer ce qu'on appelle les pays émergents plus avancés sur le plan économique et les pays moins avancés

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(PMA).

Dans le but d'affiner la catégorie, la pratique conduit certains pays en développement à se regrouper de façon semi
officielle pour défendre en commun certains intérêts qui leur sont spécifiques. Il s'agit là de choix qu'ils font eux-
mêmes. Lors de certaines négociations, ces Etats auront à défendre en commun certaines positions.

On a la catégorie des BRICS (principaux Etats membres : Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa) qui est parfois
élargie puisque sur certains points, les pays désignés par l'acronyme sont rejoints par la Turquie, le Mexique ou la
Corée du Sud. Il s'agit d'un regroupement non officiel, on le constate juste dans certaines organisations
internationales.

Cela montre que le DIE subdivise la catégorie de certains pays en développement, certains vont défendre une idée
commune. On a un ensemble peu homogène, les conséquences juridiques sont peu satisfaisantes. Dans tous les
cas, avec ces régimes spécifiques et les regroupements diplomatiques, le principe d'égalité souveraine est écarté
dans le cadre du DIE. Nominalement, il existe, dans les faits, sa portée est limitée. Les règles applicables aux Etats
et la manière dont on les traite diffère du DIG.

2) Les organisations internationales économiques

En DIE, il y a une variété particulière d'organisation internationales : les organisations internationales


économiques. Elles présentent des spécificités : les OI classiques peuvent être définies comme des institutions de
caractère plus ou moins permanent qui sont dotées de la personnalité juridique de droit interne et de droit
international, qui sont fondées sur un traité conclu entre leurs membres, traité qui définit leurs missions, missions
auxquelles on appliquera le principe de spécialité (elles seront interprétées restrictivement) et pour la réalisation
desquelles l'OI est dotée d'organes spécifiques, qui agissent en son nom.

L'OIE est une organisation internationale dont la spécificité tient à ses missions. Ses missions lui sont confiées
par le traité fondateur, touchent le champ économique et au sein du champ économique, le plus souvent le
domaine commercial et le domaine financier. Cependant, quand on examine la catégorie des OIE, on voit qu'elles
présentent des spécificités. Concernant l'échelle de leur activité, certaines d'entre-elles exercent leur activité à
l'échelle mondiale alors que d'autres l'exercent à l'échelle régionale.

• Echelle mondiale : il s'agira par exemple de l'OMC (matière commerciale), de la BIRD (banque internationale
pour la reconstruction et le développement). Ces OI peuvent être réparties en deux groupes qui ont en commun
l'ambition de regrouper à terme l'ensemble des Etats. Le 1er groupe concerne les OIE qui appartiennent au
système de l'ONU, on y joindra par exemple le FMI ou la BIRD. Il existe aussi certaines OIE qui sont
formellement autonomes par rapport au système ONU, la principale est l'OMC. Son indépendance par rapport au
système ONU est lié à des considérations politiques : à l'opposition frontale des USA qui, dès le lendemain de la
GM2, s'est opposée à ce que le GATT soit intégré dans le système ONU et qui par la suite, lors de la formation de
l'OMC, a persisté dans ce refus. De ce fait, l'OMC a vocation universelle.

• Echelle régionale : il s'agit ici d'organisations internationales qui visent à développer la coopération économique
entre leurs membres, mais à une échelle plus réduite et avec une coopération de portée variable. Traditionnellement,
au sein de ces OIE à portée régionale, la doctrine du DIE distingue deux types d'ensembles :

1) Les organisations relevant du régionalisme de coopération : il s'agit de mettre en place une coopération
économique, mais en préservant la souveraineté des Etats membres et leur autonomie de décision en matière
économique. Ces Etats vont coopérer mais, pas au point de déterminer des politiques économiques communes.
L'objectif sera plutôt d'échanger des informations, de discuter des problèmes communs et si prise de décision
commune il y a, la règle de l'unanimité s'appliquera. Par exemple :

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→ OCDE (organisation pour la coopération et le développement économique) où il n'y a pas d'activité
décisionnelle. Mais, son rôle est d'échanger des informations et d'influencer les politiques économiques des
Etats membres par la persuasion. L'OCDE va se fixer un programme d'étude et réaliser des enquêtes auprès de
ses membres pour rassembler des informations sur leur politique économique, etc., mais pas dans un but
avoué d'uniformisation de ces instruments, mais afin que chacun sache ce qu'il se passe dans les Etats
membres. A partir de ces enquêtes, l'OCDE va publier des rapports prônant certaines modifications avec des
arguments. Les Etats membres sont libres de suivre ou non les arguments. Ce type d'OIR reste assez limitée,
voire de plus en plus.

2) Les organisations relevant du régionalisme d'intégration : cet ensemble va regrouper des organisations IER
qui vont empiéter de façon plus moins importante sur la souveraineté économique des Etats membres en les poussant
au minimum à harmoniser leur politique et leur droit économique avec parfois une ambition d'unification de ces
politiques et de ces droits économiques. Il est plus ambitieux, contraignant pour les Etats qui y adhèrent, au point que
parfois, il faut employer le terme de "fédéralisme économique." La doctrine du DIE s'est aperçue que cette
catégorie de plus en plus importante du régionalisme d'intégration peut être analysé de façon plus fine. Quand on y
regarde de plus près, on s'aperçoit en effet que les organisations relevant de ce régionalisme d'intégration peuvent
elles-mêmes être subdivisées en trois grands ensembles qui vont de l'intégration la moins contraignante à
l'intégration la plus ambitieuse.

→ Les zones de libre échange : ALENA, il s'agit entre les Etats membres d'éliminer les restrictions tarifaires
et non tarifaires aux échanges commerciaux.

→ L'union douanière : c'est à la base une zone de libre échange, mais qui rajoute à la suppression des
restrictions tarifaires et non tarifaires la mise en place d'un système de protection commune aux Etats
membres dans leurs rapports avec les Etats tiers. Elle introduit de fait une solidarité entre les membres en les
protégeant dans leurs rapports avec les tiers. Exemple : BENELUX (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Le
premier exemple d'union douanière a été établi fin XIXème entre les Etats allemands pour les protéger contre
la concurrence anglo-saxonne.

→ Le marché commun : elle s'appuie sur les deux catégories précédentes, en rajoutant des éléments
supplémentaires. Un marché commun peut être décrit comme une zone de libre échange qui présente des
caractéristiques d'union douanière, bien qu'elles soient atténuées du fait des efforts de l'OMC, mais
auxquelles on va rajouter une troisième série de règles car le marché commun va chercher à supprimer
toutes les restrictions quelles qu'elles soient à la libre circulation de tous les facteurs économiques. On
va chercher à créer un milieu économique homogène dans lequel les frontières n'auront plus de sens, ce
qui va beaucoup plus loin que la restriction tarifaire et non tarifaire. Dans le cadre d'un marché commun,
l'objectif d'une activité s'exerce exactement dans les mêmes conditions, quel que soit le pays du marché
commun dans lequel on se situe. Les frontières n'existent plus en matière économique. Relèvent de cette
catégorie des OIR qui n'ont pas toutes atteint le même degré de perfection, la plus avancée est l'UE. Rentre
également le MERCOSUR (union établie entre des Etats d'Amérique : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay,
Venezuela, Bolivie et Etats associés). Certains auteurs parlent de fédéralisme économique. De fait, les Etats
membres de ce type d'organisation se retrouvent dans une situation similaire à celle des Etats fédérés au sein
d'une fédération.

Quand on recherche leurs points communs, on peut en trouver puisque ces OIE mettent en oeuvre deux principes
qui leur sont spécifiques par rapport aux OI générales.

Le premier de ces principes est qu'elles ambitionnent de séparer nettement le champ économique du champ
politique et elles prônent la neutralité sur le plan politique. L'idée est que leur action doit être guidée par la
rationalité économique plutôt que par des arguments politiques. Cette idée doit déboucher sur un principe de
stricte non ingérence dans les affaires politiques des Etats.

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La difficulté est que ce principe présuppose qu'il n'y a qu'une seule rationalité économique, ce que certains Etats
dans le monde discutent. Cette neutralité politique connait de plus en plus d'entorses concrètement puisqu'on
s'aperçoit que dans l'action des OIE, on voit apparaitre la prise en compte d'arguments qui ne relèvent plus
strictement d'une rationalité économique avec par exemple la mise sous condition de certaines aides ou certaines
garanties qui vont être conditionnées à des réformes de nature politique ou en tout cas non économiques.

Le second principe est le fait que ces OIE établissent un lien systématique entre la concessionalité et la
conditionnalité. Il s'agit ici de caractéristiques qui affectent les transferts de ressources organisées par les OIE
entre les pays du nord et les pays du sud. Dans le cadre du DIE, on ne pas appliquer tel quel le principe d'égalité
des Etats, on doit prendre en compte les différences, notamment en termes de développement économique.
Dans le cadre de l'objectif d'établissement d'une plus grande égalité des rapports éco entre Etats, le DIE va recourir à
différents types de transferts entre nord et sud. Cela se traduira par exemple par l'octroi d'aide ou par la garantie
apportée à des prêts souscrits par les Etats.

Dans ces instruments de transfert, on peut les analyser dans le cadre du droit international économique comme des
concessions consenties par les Etats du nord ou du sud dans le but t'établir un plus grand équilibre dans leurs
rapports économiques. Ces concessions ne sont jamais gratuites, la concessionalité est toujours liée à la
conditionnalité : des conditions sont imposées aux Etats du sud pour bénéficier de ces concessions. Ces
concessions sont toujours assorties de contreparties, de conditions à remplir pour pouvoir bénéficier de la
concessionalité.

En droit, formellement, ces conditions ne sont jamais imposées, le DIE reste du DI, il s'appuie sur des instruments
négociés. Les conditions ne se présentent jamais comme des conditions obligatoires, elles sont intégrées dans
des accords internationaux et feront l'objet d'instruments internationaux spécifiques. Sauf que, en pratique, la
marge de négociation des Etats bénéficiaire est réduite, la négociation est très encadrée et l'Etat bénéficiaire devra
avoir des arguments très forts pour avoir un point de vue différent susceptible de modifier les conditions. Ce que la
Chine peut obtenir ne sera pas égal à ce que le Cambodge peut obtenir. Le principe de neutralité peut à nouveau
connaitre des entorses.

Habituellement, les conditions en question sont d'ordre économique, elles passent par la propagation du libéralisme
économique qui domine dans les relations internationales économiques. Parfois, il arrive qu'elles aillent plus loin
avec la propagation de l'Etat de droit, des droits de l'homme, de la démocratie représentative...

3) Les entreprises multinationales ou les sociétés transnationales

On note une tendance en doctrine à exprimer "société transnationale". Ce sont des acteurs du DI mais qui n'ont pas
toujours été reconnus comme tels. Cette reconnaissance s'est faite progressivement à partir du début des années 1970.
La manifestation officielle de cette reconnaissance a été un rapport publié en 1973 par le conseil économique et
social des Nations Unies sur les firmes multinationales et le développement mondial. C'est la première fois qu'elles
sont reconnues officiellement. Cela n'implique pas qu'on en ai tiré des conséquences immédiatement. Une analyse
sérieuse de leur rôle dans la formation du DIE et sa pratique ne sont venues que plus tard. On en parle vraiment que
depuis une 20aine d'année.

Le point de départ vient de la doctrine avec la publication de deux ouvrages fondateurs : Philippe Mercial, Les
entreprises multinationales en droit international (1995) et Peter Muchlinski, Multinational enterprises and law
(1995).

Il faut distinguer la définition des sociétés transnationales et de leurs effets sur la SIE et d'autre part, il faut voir
comment le DIE s'est saisi de ce phénomène en cherchant à le réguler.

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a) Définition des sociétés transnationales

La définition actuellement la plus répandue, reconnue largement a été proposée en 2003 par le conseil des droits
économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Aux termes de celle-ci, une société transnationale est "une
entité économique ou un ensemble d'entités économiques opérant dans plus d'un pays." En considérant à la fois le
pays du siège, et également les pays où elles ont leur activité.

On ne va pas prendre en compte leur forme juridique. Par ailleurs, cette définition cherche à appréhender une des
caractéristiques du domaine qui est que ces sociétés transnationales sont souvent des groupes, entités collectives.
Donc, cette définition reste vague et ce vague permet de s'appliquer à des entités individualisées et des entités
collectives. La définition est donc englobante.

Sur la base de cette définition, la doctrine de DIE propose un approfondissement de cette définition en expliquant
que les STN peuvent être définies comme un groupement de sociétés commerciales présentant une certaine
permanence, placé sous la direction d'une société mère située dans un Etat et comprenant des sociétés filiales
ou affiliées situées dans différents autres Etats.

La première caractéristique est qu'il s'agit d'un groupement de sociétés d'intérêts privés, c-a-d visant à réaliser des
bénéfices. Ce groupement bénéficie d'une organisation complexe et hiérarchisée. La société mère va coordonner
l'action, l'activité de l'ensemble, ce qui implique parfois des liens juridiques, mais pas toujours car la coordination
entre les groupes passe par des liens financiers. La société transnationale ne bénéficie pas d'une entité juridique
propre, il n'y a pas de personnalité juridique de la STN en tant que telle, il y a des personnalités juridiques pour
les composantes. Cela aura des conséquences, il est difficile pour le droit de se saisir du phénomène. Cela
complique les choses en matière de responsabilité. Enfin, ce n'est que par commodité de langage qu'on attribue à
une société transnationale la nationalité de sa société mère. Ce n'est pas une réalité juridique, c’est une existence
de fait et pas de droit. L'objectif de la STN est d'utiliser son implantation dans plusieurs Etats afin de maximiser
son activité et les bénéfices qu'elle peut en tirer en limitant les contraintes, notamment fiscales. Aucun droit
national ne peut appréhender la globalité de la STN. Cette globalité est très difficile à appréhender. Les droits
nationaux ne parviennent pas à saisir l’ensemble du phénomène, mais est ce que le DIE y parvient mieux ? il essaye
mais c’est difficile. Du point de vue du DIE les STN ne sont pas des sujets de DI. Cependant cela ne veut pas dire
qu’il va les ignorer aux yeux du DIE, ces STN sans être des sujets de DI sont des acteurs reconnus de la société
internationale économique. Le DIE ne peut ignorer les effets de ces STN sur les relations économiques
internationales. Leurs caractéristiques empêche de les ignorer, ces caractéristiques les rendent plus fortes que certains
Etats.

Se pose maintenant le problème d'appréhender son influence. Le fait de reconnaitre son influence a posé problème.
Ce ne sont pas des sujets de DI au sens classique, mais ce sont bien des acteurs du DI, au moins économique.
Comment identifier, reconnaitre et appréhender cette influence ?

Ici, les OIE proposent des critères.

En particulier, il faut citer un travail fourni par la CNUCED qui a essayé d'identifier et d'évaluer le poids des
STN depuis les années 2000. A la fin des années 2000, elle a publié un rapport présentant les premières conclusions.
Il apparait qu'il y a aujourd'hui eu plus de 82 000 STN à travers le monde, qui représentent des ensembles de taille
variable, mais si on met à plat les sociétés filiales et affiliées qui en dépendent, on obtient plus de 810 000 entités.
C'est un nombre considérable d'éléments répartis dans la plupart des pays. En apparence, c'est beaucoup, mais le
poids respectif des STN est très variable. Pour évaluer ce poids, on peut s'intéresser au chiffre d'affaire généré
par ces sociétés. Quand on globalise ce dernier, on voit également qu'il est énorme, il est très comparable au PIB
d’un petit Etat.

Selon la CNUCED qui s'appuie sur le PIB mondial, 16% de la production mondiale de richesses seraient
accrédités aux 100 plus grosses STN. La valeur ajoutée du produit pèse de façon identifiable sur le PIB mondial et
surtout de façon croissante, ce qui leur permet d'influencer de façon croissante l'orientation des activités

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économiques. On a estimé au cours des quinze dernières années que 4% du PIB mondial représente un chiffre
équivalent à la valeur totale produit par ces sociétés.

D'autres études intéressantes ont été menées plus tôt (PNUD) de 1990 à 1999. Il a essayé d'établir des équivalences
entre certaines caractéristiques des STN et leur équivalent chez des acteurs de la société internationale que sont les
Etats. Ainsi, cette étude du PNUD établit les équivalences suivantes en s'appuyant sur la production de richesses.
Ford pèse autant en production de richesses que la Norvège ou encore, Mitsui (société mère au Japon) pèse autant
que l'Arabie Saoudite en termes de richesses. Une STN dont la société mère est basée au Japon (Mitsubishi)
pèserait autant que la Pologne en termes de richesses. A la fin des années 1990, les STN représentaient,
produisaient plus d'un quart de la richesse mondiale. Les auteurs ont mené des études qui s'appuient sur les
chiffres officiels. Fin 2013, il apparait que Apple a fait l'équivalent du budget de la France, la production et les
résultats d'Apple représentaient l'équivalent de la somme des PIB croates, hongrois, lituaniens, roumains et
slovaques. Par ailleurs, le chiffre d'affaire cumulé des 10 premières entreprises multinationales dépasse les PIB
de l'Inde et du Brésil. Les équivalences sont prises aussi bien pour les pays développés que les pays en
développement. Les STN génèrent des flux de biens, de service et financiers qui pèsent sur l'activité économique
internationale, c'est un fait. Il est alors évident que le moindre choix financier de ces entités va avoir un poids sur la
société économique internationale.

Si on continue ce jeu d'analyse, dans le but d'évaluer leur influence, le montant des ventes à l'étranger des plus
grandes STN est supérieur aux exportations des Etats de taille moyenne. On assigne qu'elles assurent à l'heure
actuelle, les 2/3 du commerce mondial par leurs ventes dont la moitié par les échanges intragroupes/intrafirmes
(ventes de biens et de services à l'intérieur d'un même groupe transnational). Mécaniquement on ne peut ignorer les
STN.

Enfin, le nombre d'employés des STN : eux aussi sont un élément de l'influence de ces sociétés. On estime que 77
millions de personnes travaillent directement pour les sociétés transnationales. L'an dernier, le plus gros
employeur privé du monde qui est Wallmart (USA) représente en nombre d'employés l'équivalent de la population de
la Slovénie.

Comment le droit, particulièrement les droits nationaux et le DIE, peut-il se saisir de ce phénomène protéiforme et
surtout pourquoi est-il non négligeable ?

Il doit se voir opérer une globalisation de l’activité économique de ces entreprises. Elles vont faire des choix
stratégiques quand à l’implantation de leurs sites de production ou bien quant à l’implantation de leur bureau
d’études. Pour prendre ces décisions comme on est dans une perspective d’avantage comparatif elles vont étudier les
contraintes liées aux différentes solutions, et vont réaliser un bilan coût/avantage. Dan s cette démarche elles vont
avoir tendance à s’implanter là où les conditions du marché du travail sont les plus avantageuses en terme de contrat
notamment, elles vont également s’implanter dans les Etats où les normes applicables sont moins sévèrement
appliquées.

Les STN ne sont pas en soi des sujets de droit international, et en tant que sujet de droit national, elles sont
extrêmement difficiles à saisir car ne sont sujets de droit que leurs composantes. Sur le plan de l'identification, on a
des problèmes en droit : c'est un phénomène économique, financier, mais pas juridique. De plus, leurs activités
mêmes sont également difficiles à saisir pour le droit et tout particulièrement pour les droits nationaux qui sont
particulièrement inadaptés au champ d'activité et aux capacités d'action des sociétés transnationales.
Cependant, c'est seulement à travers leur activité que le droit a pour l'instant une chance d'approcher l'idée de
contrôle de STN.

En fait, cela est compliqué car les STN sont de taille telle qu'elles constituent des interlocuteurs puissants pour les
Etats qui peuvent parfaitement dialoguer au minimum d'égal à égal. Dans un certain nombre de cas, des STN sont
plus puissantes que les Etats. Un aspect de leur activité a un impact direct sur l'économie des Etats : les
investissements. En effet, les STN qui cherchent à obtenir des avantages comparatifs par rapport à leurs concurrents
en globalisant leur activité sont de fait des investisseurs importants que les Etats cherchent à attirer dans le but de

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soutenir leur activité économique. Or, ces Etats sont eux-mêmes faibles sur un plan économique, c'est un
phénomène qui n'est pas récent, mais s'est aggravé avec la crise de 2008 : les Etats sont lourdement endettés,
notamment au niveau des banques, les banques centrales ne peuvent plus financer les Etats et les banques
privées sont elles-mêmes des STN en interaction avec d'autres STN. Les Etats sont donc dans une situation
défavorable. Les STN ont des arguments de poids dans leur dialogue avec les Etats. Elles peuvent choisir de
s'installer là où les conditions sont les plus avantageuses, l'avantage étant variable selon l'activité engagée. Les
STN ont plus de choix que les Etats et peuvent menacer de s'accorder ailleurs.

Les STN font jouer la concurrence entre les législations des Etats d'importation potentiels. De la même
manière, les STN semblent privilégier des Etats d'importation dont les appareils étatiques sont relativement
faibles et opèrent des contrôles moins sévères pour l'habilitation de normes éventuelles.

Il a été montré que certaines STN recourent au lobbying et même parfois à la corruption pour peser sur les Etats
dans lesquels elles s'accordent.

Enfin, quand les STN sont en désaccord avec un Etat, elles tentent de plus en plus à attraire ces Etats en justice
ou devant des arbitres. Des conséquences potentiellement désastreuses pour les Etats s'ils sont condamnés, eux qui
sont déjà endettés. Ce sont des arbitrages essentiellement qui se sont multipliés au cours des années 2000. En
1996, il n'y avait que 38 arbitrages investisseurs/Etats, en 2011, on en a 450 en cours et le phénomène continue à se
développer. Dorénavant on est à peu près à 700 arbitrages par an entre STN et Etats. Les clauses investisseur-états,
introduits dans les TBI. C'est un phénomène qu'on connait par son signe anglais : l'ISDS (investor state dispute
settlement), ce sont les clauses d'arbitrage. Ces clauses sont désormais de plus en plus fréquemment intégrées
dans les accords de libre échange bilatéraux, multilatéraux, plurilatéraux. En cas de problèmes apparaissant
entre une STN et un Etat, ces clauses autorisent l'entreprise à poursuivre l'Etat quand elle estime que son
investissement est menacé, compromis par une décision de l'Etat. Une bonne partie des controverses du CETA et
TTIP, ont eu attrait à l’insertion de telles clauses.

Les choses ont changé quand l'Etat allemand a renoncé à la production d'énergie nucléaire. En effet, une STN basée
en Suède Vatenfall a effectué des investissements dans les centrales nucléaires allemandes. Suite à la législation
allemande, cela portait un préjudice direct à l’activité de Vatenfall et elle a attrait l'Etat allemand devant l'arbitre en
exigeant 3,5 milliards d'euros de dommages intérêts. C’est un enjeu bien réel pour les Etats.

Il faut distinguer les rapports que les STN entretiennent avec deux grandes catégories d'Etats : les Etats
d'investissement (où elles développent leur activité) ou Etats de territorialité en DIE et les Etats où les STN ont leur
siège, c-a-d ceux auxquels la société mère est rattachée : les Etats de nationalité.

Avec les Etats de territorialité : les effets de la STN sur un Etat de territorialité se traduisent par l'investissement de
certaines ressources dans cet Etat de territorialité. C'est le phénomène de délocalisation de l'activité économique. En
théorie, ce phénomène devrait être bénéfique pour les deux partenaires et dégager des avantages comparatifs vis a vis
des concurrents de la STN, et des avantages pour l'Etat de territorialité dans la mesure où il va bénéficier d'apports en
capital, en propriété corporelle et incorporelle. Mais, en pratique, on sait que ce n'est pas toujours le cas. D’abord
parce qu’il existe une concurrence entre lieux potentiels de délocalisation, c’est à dire qu’il y a plusieurs candidats à
la délocalisations, ce qui fait que ces Etats vont avoir tendance à accepter de donner des concessions, des avantages
incitatifs, diminution du poids des charges etc, avantages qui sont parfois disproportionnés avec les bénéfices réels
tirés des investissements étrangers. Une fois que la STN est installé sur un territoire donné elle peut avoir un
comportement que l’on peut qualifier de prédateur, en épuisant les ressources premières etc. Les avantages présentés
ne sont pas toujours aussi bien que présentés. La situation théorique suppose un équilibre, une capacité de l'Etat de
territorialité de négocier de façon équilibrée avec la STN.

Exemple : en ce moment, des accords sont négociés entre la France et l'Iran, certaines sociétés TN françaises et l'Iran
plus précisément. L'Iran a réussi à négocier un transfert de technologies.

Cela suppose que l'Etat concerné soit en mesure d'imposer ces conditions, ce n'est pas toujours le cas dans la mesure

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où la STN cherche à faire jouer la concurrence entre pays de délocalisation potentielle. Pour cela, elle va chercher à
obtenir des avantages qui lui seront accordés par les Etats, avantages qui parfois deviennent disproportionnés avec
les retombés réels de la délocalisation. On a observé ce phénomène quand les STN ont un allégement fiscal : les
Etats abandonnent tout ou partie de leurs recettes fiscales afin d'attirer l'investissement d'une société étrangère. Quant
à l'exploitation des ressources naturelles, il en va de même. Les déséquilibres réels peuvent conduire à des avantages
pour la STN, moins pour l'Etat d'investissement.

Avec les Etats de nationalité : l'Etat devrait bénéficier de l'activité de la société transnationale, en considérant
qu'une STN peut contribuer à redresser la balance extérieure du pays, l'équilibre entre exportation et importation. Là
encore, tout va dépendre de la capacité de l'Etat à défendre ses intérêts. En pratique, assez souvent, la relation est
plutôt déséquilibrée. L'activité de la STN implique des transferts de capitaux de la part de la STN vers des Etats
étrangers. Cela aura des effets économiques et fiscaux sur l'Etat de nationalité. Un autre effet concerne le marché de
l'emploi et un autre concerne la fiscalité. Les STN cherchent naturellement à optimiser la pression fiscale à laquelle
elles sont soumises (fait d'utiliser au mieux les dispositions du droit fiscal d'un pays afin de minimiser le poids de
l'impôt qu'on applique). Les STN disposent de moyens qui sont tellement efficaces que les Etats nations ont fini par
réagir en prenant des mesures contraignantes pour le plan fiscal. Le plus important de ces moyens est le phénomène
des prix de transfert (technique employée par les STN en utilisant leur dimension transnationale pour diminuer
l'impôt qu'elles doivent dans leur Etat de nationalité. Il faut relativiser du fait de sa structure, la STN du fait de son
activité doit investir donc une partie des bénéfices qu’elle fait vont être réinvestis, et la plupart vont être à l’étranger
du fait de la délocalisation. Ensuite l’Etat de nationalité se plaindra souvent d’une perte d’emploi sur son territoire
avec une destruction d’emploi, c’est un reproche traditionnel que l’on fait. Les effets sur la balance extérieure sont
aussi équivoques, la STN c’est une entreprise globalisée donc si nous avons une entreprise multinationale, certes il y
a des échanges avec l’extérieur mais cela comprend également les importations et exportations dans le sein d’un
même groupe.

La STN va être composée d'entités qui sont localisées dans des Etats différents, chacune de ces entités doit respecter
le droit de son Etat d'implantation et notamment le droit fiscal. Le problème est que les droits fiscaux sont nationaux.
Il n'y a pas de droit fiscal international, mais des conventions entre les Etats. La STN en développant son activité va
déployer des activités de production dans certains Etats et des processus de commercialisation de biens ou de
services. Normalement, aux yeux des Etats, ces activités sont taxables, mais la taxation des entreprises s'appuie sur
les bénéfices réalisés par les entreprises et non sur le chiffre d'affaire produit. Une entreprise qui souhaite diminuer le
taux d'imposition pourra essayer de diminuer l'emploi des bénéfices qu'elle réalise. Le moyen est d'investir. Pour la
STN, une autre technique existe : la technique du transfert. Quand elle est établie dans plusieurs pays, qu'il n'y a pas
d'harmonisation fiscale dans le monde, certains Etats pourront avoir une fiscalité élevée, d’autre une fiscalité plus
avantageuse. Dans ce cas, une technique : un pouvoir de transférer une partie des bénéfices réalisés dans ces Etats
dans des Etats à fiscalité moins importante. Ce sont des échanges intragroupes.

Au lieu de faire un virement d'un Etat à un autre, on va effectuer des ventes à prix préférentiel. Les prix ne sont pas
ceux du marché, ce qui est délicat. Si par hasard, on identifie un échange de ce type relevant des prix de transfert
(échange de biens et services), on peut en droit fiscal national, opérer un redressement fiscal. La procédure est sensée
s'appliquer à des entreprises nationales, pour les STN, elles ont le moyen de résister. Les droits nationaux ont du mal
à saisir les activités des STN. Pour vérifier si prix de transfert, il faut que ceux ci soient faciles à identifier, ainsi que
les prix du marché doivent être facilement identifiables, et il est très difficile de prouver que les échanges
intragroupes sont frauduleux. Prix de transfert c’est le fait pour une STN d’utiliser un mécanisme normal pour
déguiser une évasion fiscale des pays à fiscalité élevée à des pays à fiscalité basse. Le problème c’est la preuve.

b) Les réglementations internationales sur l'activité des sociétés transnationales

Il s'agit de tentatives de réglementations qui ont été développées en fait dès le moment où on a identifié les STN et
les problèmes soulevés. Ces réglementations sont de 2 grands types : celles qui cherchent à encadrer l'activité
économique des STN, d'autres s'appuient sur les conséquences de l'activité des STN (conséquences sur les droits de

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l'homme).

1) Les réglementations portant sur l'activité économique des STN : la première activité date du 21 juin 1976. Au
début de l'identification formelle des STN, elle émane de l'OCDE. Ce n'est pas du droit positif. C'est une initiative en
deux temps : d'abord, l'OCDE a proclamé une déclaration sur l'investissement international et les entreprises
multinationales. En fait, cette déclaration comprend une série de recommandations à destination des Etats
membres de l'OCDE les incitant à dialoguer avec les STN et les incitant à harmoniser leur réglementation afin de
faciliter leur intégration avec les STN. Cela veut dire qu'elle considère que les STN exploitent les divergences des
réglementations nationales. Si les Etats réduisent ces divergences, elles pourront dialoguer sur un pied d'égalité
plus important avec les STN.

Le deuxième élément est un croisement d'instruments interdépendants. Rien de contraignant, mais des
dispositions plus précises : trois textes qui se complètent les uns les autres.

- Le texte 1 est un ensemble de principes directeurs à l'intention des EMT. Ce texte définit les devoirs des
STN vis à vis des Etats.

- Le texte 2 est intitulé la formulation du traitement national des entreprises multinationales (liste de devoirs
des Etats à l'égard des STN). Liste des droits des STN vis à vis des Etats.

- Le texte 3 complète les deux autres : stimulants et obstacles à l'investissement international, il vise une série
de mesures qui sont destinées à purifier l'investissement international. Afin de favoriser les investissement en
évitant les fraudes.

Ces textes relèvent du droit mou, leur valeur contraignante est limitée mais leur valeur incitative importante.
L'adhésion à l'un entraine l'adhésion aux deux autres car ils sont interdépendants. Ce sont des instruments développés
par l'OCDE et sont évolutifs. Tout un mécanisme de réexamen périodique des instruments interdépendant a été
mis en place pour améliorer le contenu. Les adhérents à l'OCDE peuvent demander des clarifications quand il y a
un problème et cela entraine une modification des instruments.

Les révisions des instruments sont régulières, la 4ème date de 2011. Cependant, il se trouve que ces textes ayant été
élaborés dans le cadre de l'OCDE s'étendent rarement au-delà des pays développés, le résultat relève toujours du
droit mou, mais contient un certains nombres de propositions de solutions aux problèmes rencontrés par les Etats. Le
principal intérêt de l’OCDE c’est qu’elle cherche à convaincre par la discussion.

Le 2ème instrument émane de l'ONU, c'est un pacte mondial des Nations Unies, une initiative plus récente que la
précédente, lancée fin des années 90, abordée en 2000 et lancée en 2003. On veut transformer les STN en
"entreprises citoyennes". Le point fort de ce pacte est qu'il fait suite à une vaste consultation lancée au fait des
Etats adhérents. Une commission a été crée et se nomme consultation menée par la sous commission des NU
pour la protection des DH. Elle a mené une consultation sur l'impact des STN sur l'économie des Etats membres de
l'ONU. L'idée était d'identifier les problèmes liés à cette interaction STN/Etat. Toute une série de problèmes ont
été identifiés et intégrés au pacte mondial; deux thèmes sont mis en avant et sont originaux par rapport à l'initiative
de l'OCDE : il met en avant la lutte contre la corruption et la protection de l'environnement. Elles sont incitées à
respecter le principe de précaution et promouvoir des techniques plus respectueuses de l'environnement.

Le pacte n'a pas de valeur contraignante, les Etats y adhèrent sur base volontaire, les STN sont invitées à y adhérer
sur la base d'une déclaration adoptée par les organes sociaux de l'entreprise. Quand une STN adhère au pacte, elle est
invitée à rendre des rapports sur la réalisation des objectifs du pacte sur une base annuelle.

Le succès est relatif, bien que cela soit ambitieux.

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La troisième initiative émane de la CCI (chambre de commerce international de Paris). Cette initiative dispose
d'une ambition plus concrète, moins large. C'est la plus ancienne et celle qui fait l'objet de mises à jour les plus
régulières (la dernière : 2012). Cette initiative consiste en un texte intitulé principes directeurs sur l'investissement
international (publié en 1972). La portée contraignante est limitée. Ces principes directeurs sont en fait un texte
conçu comme un complément à l'un des travaux majeurs de la chambre qui est le code CCI pour le traitement
équitable des investissements étrangers. Le code CCI a été publié en 1949 et c'est un instrument qui s'instruit dans
les débuts d'une forme de mondialisation des économies puisqu'il est destiné à faciliter les échanges de commerce
internationaux. Les principes complètent le code dans la mesure où ils ambitionnent d'encadrer le comportement
des sociétés transnationales en tant qu'investisseurs étrangers.

Pour autant, la démarche des principes directeurs reste équilibrée, ils contiennent des dispositions à l'égard des STN
et des Etats de nationalité et enfin des Etats de territorialité. Tous les aspects des interactions sont potentiellement
visés par ce texte.

Les principes de bons sens pour les STN : D'une part, le fait qu'elles doivent respecter pleinement le droit des
Etats dans lesquels elles s'établissent et exercent leur activité. D'autres part, elles doivent chercher à se
comporter en citoyennes en employant notamment de la main d'oeuvre locale, en ne cherchant pas à échapper
aux transferts de technologies et en évitant la corruption.

Les principes s'adressent aux Etats de nationalité (dans lesquels les sociétés mères sont installées). La CCI dit qu'il
faut veiller à ne pas discriminer les investissements réalisés à l'étranger. Quand une société s'établie sur le sol
d'un Etat investi à l'étranger ne doit pas être sanctionnée par l'Etat de nationalité, notamment en matière fiscale. Il
ne faut pas qu'ils cherchent à imposer aux sociétés installées sur leur territoire une acquittation
extraterritoriale de leur propre loi nationale. Les Etats ne doivent pas chercher à imposer aux GTN l'acquittation
de leur propre loi.

Les Etats de territorialité (dans lesquels sont établies les sociétés membres de GTN qui y réalisent par exemple des
activités de production), les principes CCI demandent de respecter les principes du droit international
économique, en particulier un principe du traitement équitable des investisseurs internationaux. Par ailleurs, les
principes CCI recommandent aussi d'assurer une certaine sécurité juridique sur leur territoire au bénéfice des
investisseurs étrangers.

Ces principes n'utilisent pas le terme d'Etat de droit, mais la sécurité juridique ici concerne le cadre juridique dans
lequel va se déployer l'activité des sociétés en question. Cela implique que les règles juridiques qui leur sont
applicables sont transparentes et publiées. Cela implique que les règles en question soient stables. Enfin, cela
implique une égalité dans l'application de ces règles entre les investisseurs internationaux et les investisseurs
nationaux.

Cet organisme a essayé de tenir compte de ces trois dimensions, il s'agit d'une ambition plus étendue que les textes
précédents. Le problème réside dans la portée concrète de ces règles. En effet, ces principes directeurs n'ont pas
de portée contraignante : ils sont réputés guider l'action des parties en présence, mais ne sont pas invocables en tant
que tel devant un juge. Cela repose largement sur la bonne volonté des intéressés.

On a des tentatives menées qui s'appuient moins sur la régularité de l'activité des sociétés, mais sur un champ
annexe : perspective des droits de l'homme. On a des règles qui ne sont pas de DIE au sens strict, mais qui auront
un impact sur le champ du DIE. Ces règles ne sont pas au départ conçues spécifiquement pour les STN, mais, elles
vont avoir un impact sur ces sociétés TN qui a été renforcé au fil des révisions des textes en question. L'objectif
initial n'est pas de gérer, régler le problème des STN en tant que tel, mais d'éviter le ... engendré par l'activité des
sociétés en s'appuyant sur un effort de protection des droits des travailleurs en question. Trois démarches
complémentaires ont été menées :

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1) Celle menée par l'OIT (1919), à l'origine de conventions et de réglementations visant à protéger le travail. Elle a
élaboré un texte dont la 1ère version date de 1979 mais qui a été révisée plusieurs fois, intitulé Déclaration de
principe tripartite sur les EMT et la politique sociale. On s'intéresse à l'aspect spécifique de la régulation du
travail dans ces entreprises. De fait, cette déclaration va aborder à peu près tous les problèmes, aspects du droit
du travail qui sont touchés par le développement des STN. Cette déclaration de principe répertorie dans un
premier temps tous les textes existant générés par l'OIT qui sont pertinents pour les problèmes soulevés par les STN.

Elle formule des principes assez généraux en s'adressant à la fois aux Etats et aux entreprises : un certain
nombre de principes d'ordres éthiques visant à encadrer le comportement des STN et également celui des Etats
qui légifèrent sur les aspects de droit social. Cela pourrait être assez général. Le 2ème pôle de cette déclaration
consiste à mettre en place un système de surveillance qui est assez étoffé dans sa conception et qui devrait
permettre de surveiller le comportement des STN et leur respect des règlements et législations sociales. A cause de ce
système de monitoring, la déclaration a suscité un certain espoir quant au caractère efficace de son application,
cependant à l'usage, ces espoirs ont été assez largement déçus à cause du caractère assez confus du contenu des
principes éthiques.

L'OIT a poursuivi ces efforts avec la promulgation d'une seconde déclaration en 1998 intitulée Déclaration relative
aux principes et droits fondamentaux du travail et son suivi. Il s'agit d'un pas supplémentaire par rapport à la 1ère
déclaration. L'OIT a cherché à rendre ce texte plus contraignant en imposant son application de façon plus
automatique à tous les Etats parties à l'OIT. Les principes de cette déclaration sont ipso facto applicables dès lors
qu'un Etat est partie à la déclaration. De ce fait, cela implique pour les Etats une obligation de promotion et de
protection des droits reconnues par cette déclaration. On pensait ainsi que le contenu de cette déclaration serait
nécessairement imposé aux STN par les Etats. L'idée est d'irriguer la pratique des STN en comptant sur les Etats
membres de l'OIT pour vérifier l'application des principes de la déclaration. Sur ce plan là, la mise en oeuvre de cette
déclaration devrait être plus efficace que la première. Le gros problème de la précédente déclaration était le fait que
les principes promus n'étaient pas clairs. La 2nde déclaration a essayé de clarifier les principes applicables en les
regroupant autour de quatre grands thèmes :

- Une protection de la liberté d'association, y compris dans sa dimension de liberté syndicale avec en corolaire
la reconnaissance d'un droit à la négociation collective pour les salariés.

- L'élimination de toutes les formes de travail forcé et de travail obligatoire.

- L'abolition effective de toutes les formes de travail des enfants.

- L'élimination de la discrimination dans l'accès aux emplois et l'exercice des différentes professions.

L'OIT impose aux Etats le principe d'un rapport annuel transmis à l'OIT sur l'application de cette déclaration.
Pour renforcer la coopération, elle prévoit que les délégués de l'OIT auprès des différents Etats, mais aussi les
employés de sociétés qui ne respecteraient pas ces principes ou même des Etats tiers qui auraient connaissance des
violations peuvent aux termes de la déclaration "attirer l'attention de l'OIT sur le non respect de ces règles par
certains Etats parties." Si cette procédure est engagée, l'OIT diligentera une enquête qui débouchera sur un
rapport et la formulation d'un certain nombre de recommandations à l'intention de l'Etat fautif. La portée
pratique est néanmoins restée limitée. Les démarches des employés des sociétés sont rarissimes. Les enquêtes sont
difficiles, les recommandations faites aux Etats non contraignantes.

2) Celle émanant de l'ONU. C'est toujours lié au pacte mondial des Nations Unies. Il s'agit de viser la responsabilité
des entreprises en général et des STN à travers leur respect des droits humains. Quand on examine les discours
officiels et la majeure doctrine en DIE, cette action de l'ONU est largement considérée comme la plus prometteuse,
du fait du caractère extrêmement étendu de l'ONU qui rassemble la plupart des Etats dans le monde, l'action
déboucherait sur une promotion plus efficace, qui finira par toucher de façon significative les STN. Ce type de

!17
prise de position se prolonge sur le moyen et long terme. Il est vrai que quand on compare l'efficacité concrète des
instruments et des pactes mondiaux, le pacte bénéficie d'une légitimité importante du fait de sa source (ONU).
Le dispositif, par sa lenteur et sa lourdeur, renforce la légitimité des textes. Parce qu'un grand nombre d'Etats sont
associés, on peut espérer qu'ils soient amenés à veiller à l'application concrète du pacte. Mais, cela relève d'une
analyse politique et non juridique. En droit, le pacte n'a pas de portée contraignante, les principes émanant du
pacte sont flous. On est dans un contexte de persuasion progressive des Etats et leurs intermédiaires : les STN.

3) Celle émanant de l'OCDE qui, dans ses principes directeurs, pose quelques standards et critères de référence pour
un comportement "entrepreneur ( ?) organe soucieux de ses responsabilités et de respecter le droit en vigueur."
L'OCDE vise ici les dispositions nationales et internationales relatives à la protection des DH, les dispositions
de droit du travail des Etats de nationalité et de territorialité, mais aussi la protection des consommateurs et
de l'environnement et enfin, la lutte contre la corruption. Ces principes ne sont pas contraignants, les
entreprises les respectent sur une base volontaire, mais les Etats parties à l'OCDE se sont engagés à encourager le
respect de ces dispositions sur leur territoire.

Plusieurs problèmes apparaissent : d'abord, le fait que le nombre de membre de l'OCDE soit limité, ce sont des
Etats de nationalité et non de territorialité le plus souvent. Puis, les conséquences du non respect de ces principes.
L'OCDE fonctionne moins sur la base de tentatives de contraintes. Cela se base sur la pratique de ces principes
directeurs. La manière dont est envisagé le contrôle de ces principes repose sur l'identification de ces sociétés qui
posent des problèmes quant au respect de ces règles. Chaque Etat, dans cette perspective, cherchera à identifier des
sociétés ne respectant pas, peut faire appeler la démarche de mettre sur la place publique le non respect de ces règles
par la société. C'est l'expression anglaise "naming and shaming." Ce principe est utilisé dans les rapports
commerciaux et en politique.

Exemple : à l'heure actuelle, quand un représentant au Parlement ne respecte pas les règles de comportement dans
les assemblées, on va le nommer pour lui faire honte. Cette pratique s'est répandue dans les pays anglo-saxons.
Certaines STN tiennent à leur réputation, mais ce n'est pas le cas de toutes. Le fait de voir leur action exposée aura
moins de conséquences. De plus, ce type de moyen de contrôle ne peut jouer que sur des sociétés installées dans un
Etat membre de l'OCDE, essentiellement les Etats de nationalité. Cette activité a pourtant lieu normalement dans les
Etats de territorialité. Si cela fonctionne, c'est dans une certaine mesure seulement, on est loin d'une procédure
juridique.

Les principes directeurs de l'OCDE ne s'adressent pas qu'aux Etats et STN, leur portée est plus large : ils concernent
aussi et peuvent susciter l'action de syndicats, d'associations de syndicats, de patronats, d'ONG. De ce fait, les
chances que le naming and shaming débouche sur quelque chose sont plus grandes.

Techniquement, les STN ne devraient pas être considérées comme des auteurs du DIE. Elles en sont des
destinataires, mais normalement, elles n'élaborent pas les règles de ce droit. Cependant, il s'agit là d'un principe
qui doit être soigneusement relativisé à l'heure actuelle parce que depuis déjà une vingtaine d'années, les STN
sont officiellement associées à la majeure partie des négociations de conventions de DIE, qu'ils s'agisse de
conventions multilatérales négociées dans le cadre de l'OMC, ou de conventions bilatérales, plurilatérales à
portée plus limitée. Cela relève d'une activité de lobbying qui est acceptée et sollicitée par les auteurs officiels du
DIE.

Exemple : il y a 20 ans, la commission européenne a incité les STN installées dans les Etats de l'Union à se
regrouper en un comité afin de discuter entre elles de la manière dont elles souhaiteraient que le droit européen
évolue. L'idée de la commission était que quand elle voulait faire évoluer le droit européen relatif aux activités
industrielles et commerciales, les Etats étaient réticents en invoquant les intérêts de leurs entreprises. Un comité
transatlantique a été mis en place. C'est un rôle pas réellement d'auteurs, mais une association étroite,

!18
institutionnalisée de ces STN à l'élaboration du DIE.

4) Les Organisations internationales non gouvernementales (OING) à vocation économique

Il faut avoir conscience de l'extrême diversité de ces ONG et de leur nombre important. La première question est
celle de leur définition : pour les définir, quatre éléments doivent être réunis :

- Groupements créés par des personnes privées (personnes physiques ou morales, d'une seule ou de plusieurs
nationalités).

- Elles sont constituées en vue de l'exercice d'une activité internationale, cela veut dire que quelque soit leur
objectif, leur action se développe nécessairement au-delà des frontières d'un seul Etat. Par exemple, certaines OING
vont chercher à défendre les intérêts de leurs membres auprès d'instances internationales. En pratique, ces OING se
comportent souvent comme des groupes de pression auprès des Etats ou auprès d'OIE. Parfois, elles visent à
organiser les membres d'une certaine profession, mais dans le monde entier, ou les conditions d'exercice d'une
activité dans un grand nombre de pays. Dans tous les cas, leur activité n'est pas contrainte par l'activité territoriale de
leurs Etats.

- Ces groupements exercent leur activité de façon désintéressée, en s'interdisant tout profit direct et immédiat
(pour ses membres ou l'organisation). Il s'agit de profits directs et immédiats et non de bénéfices indirects ou différés.

- Ce sont des groupements dotés de la personnalité juridique de droit interne, mais pas de droit international.
Il faut se rappeler de ce que sont les conditions de la personnalité juridique internationale : selon la définition tirée de
la combinaison de deux sources (avis CIJ, 11 avril 1949 Réparation des dommages subis au service des Nations
Unies + sentence rendue le 17 juillet 1986 par le TA dans l'affaire du filetage dans le golfe du Saint Laurent,
France c/ Canada), on peut déduire la définition de la PJ internationale. Sont des sujets de DI les entités qui, étant
destinataires de droits et d'obligations, possèdent la capacité d'agir sur le plan international vis-à-vis d'un autre sujet
de DI, éventuellement devant les organes juridictionnels de l'ordre international.

Une fois cette définition posée, se pose la question du champ d'activités. Ce qui frappe ici est le caractère
extrêmement disparate de l'ensemble de ces organisations. On y trouve aussi des associations internationales
professionnelles. On y trouve aussi des groupements internationaux de producteurs de biens ou de services. On y
trouve des groupements internationaux de protection des intérêts (ex : consommateurs). On y trouve des
organisations "intermondialistes".

Exemple d'associations internationales professionnelles : Le BIAC (business and industry advisory committee),
OING associée à l'OCDE comme consultante. Elle assiste l'OCDE dans l'élaboration des principes directeurs
examinés précédemment, de tous les textes concernant le commerce et l'industrie. Sur le plan du statut, c'est bien une
OING.

L'IASB (international accounting standard board), OING créée pour représenter les intérêts des comptables. Elle va
être chargée d'élaborer les standards de comptabilité qui s'imposent au niveau international, puis national, qui
permettent de décrire de façon chiffrée l'activité des entreprises. Quand il y a des crises liées aux entreprises, souvent
une partie des remèdes sont des remèdes comptables.

Le WMA (world medical association), association étant en fait une OING dans la mesure où l'activité des
professionnels de santé a une dimension économique. L'objectif est de protéger les standards éthiques applicables à
l'activité des professionnels de santé contre l'impact de plus en plus important des considérations économiques.

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Exemple de groupements internationaux de producteurs (biens, services) : le IATA (international air
transportation association), il s'agit d'une OING à vocation économique qui représente les transporteurs aériens au
niveau international. Elle a un double rôle de lobbying, mais également de normalisation : elle va élaborer les normes
applicables aux transports aériens dans le monde entier.

L'IOGP (international association of oil and gas producers), OING regroupant les producteurs de pétrole et de gaz,
qui aura une activité de lobbying et de création de normes applicables à l'activité de ces membres. Son rôle est moins
politique.

Exemple de groupements internationaux de protection (consommateurs, travailleurs...) : le consumers


international, OING étant une fédération d'association nationale de protection des consommateurs, créée en 1960.

L'international consumer protection enforcement network, ONG étant une fédération de régulateurs nationaux
chargés de la protection des consommateurs. Il agit par lobbying, mais aussi par coopération entre les régulateurs
nationaux.

La fédération syndicale mondiale : pendant longtemps, était inactive, mais l'est beaucoup plus depuis une
quinzaine d'années. Elle vise à promouvoir la protection des travailleurs, du droit du travail en général, de la santé, de
la liberté syndicale, etc

La federation of international employers va regrouper les associations nationales du patronat, a été fondée en 1988
et est étroitement associée à l'élaboration de l'OMC et depuis la création de l'OMC, à son fonctionnement. Elle
développe une activité de lobbying et de conseil auprès de ses membres.

Exemples d'ONG altermondialistes : ce sont des ONG qui contestent l'ordre économique existant présentement,
essayent d'influencer son fonctionnement, dans l'espoir de le transformer. On a l'ATTAC (association pour la taxation
des transactions financières et pour l'action citoyenne), ONG présente dans 108 pays et cherche à contester le
fonctionnement des OING classiques.

On a le CIEL (centre for international environmental law) qui cherche à promouvoir la protection de l'environnement
avec une gestion mesurée des ressources, lutte contre les atteintes à la biodiversité et la lutte contre la pollution. Son
action se développe aussi auprès des acteurs de la société internationale économique (ex : transports international et
conséquences, production industrielle...).

Que font-elles dans le cadre du DIE ? Deux fonctions principales : lobbying qui leur permet de participer à
l'élaboration du DIE ; elles participent aux règlements des différends en matière de DIE.

Officiellement, les OING, ne sont pas des opérateurs des relations internationales économiques, n'ont pas vocation à
prendre des normes. Pourquoi les ranger parmi les autorités à l'origine de ces normes ? Parce qu'elles sont parfois,
régulièrement admises à participer au processus d'élaboration de ces normes. La manœuvre pour associer ces OING,
c'est d'en faire des parties prenantes (on appelle cela des stake (enjeu) holders (qui détient, est concerné par)). Ces
OING vont participer au processus international, agir comme des experts dans leur domaine d'activité, sont
consultées en tant que telles.

Selon le domaine et le type d'ONG concerné, leur participation au processus normatif peut être plus ou moins
formalisée. Par exemple, dans certains cas, certaines OING à vocation économique, elles sont directement associées
à une organisation internationale qui produit des instruments internationaux. Ce sont des coauteurs de la norme, sont
associées depuis l'initiative de l'instrument jusqu'à son adoption. On peut citer un certain nombre d'OING qui ont un

!20
statut consultatif auprès du conseil éco et social des Nations Unies. Les OING à statut consultatif n'ont pas
nécessairement vocation à être associées, mais c'est le cas pour certaines.

Exemple : l'OCDE accorde un statut d'association étroite à un certain nombre d'ONG internationale, y compris des
travaux débouchant sur des textes ayant vocation à influencer ces membres.

Des cas où l'association est beaucoup plus relâchée, dans ce cas, l'intervention des OING à vocation éco est beaucoup
plus ponctuelle, en fait, elles n'interviennent concrètement dans le processus normatif que parce qu'elles sont
incontournables, on ne peut les ignorer. C'est le cas des OING qui ont elles-mêmes la capacité d'adopter des normes
dans leur secteur. Ces normes sont en fait destinées aux membres de ces organisations, ce sont en général des normes
destinées aux professionnels, qui ne valent que dans le secteur d'activité concerné. C’est bien des normes, mais dont
la valeur contraignante en droit est beaucoup plus limitée que leur portée réelle en fait.

Exemple : transport aérien, le IATA, prend des normes applicables et de ce fait, quand on veut régler l'activité de
transports aériens, on ne peut ignorer les normes IATA bien que ce soit des normes privées, elles sont
incontournables.

Exemple : transport maritime. Les conférences maritimes et les alliances d'armateurs sont des organisations qui
rentrent dans le cadre des OING à vocation éco, ont pour rôle d'organiser l'exploitation de lignes de transport
maritime. Dans le cadre de cette activité, elles prennent des normes privées, dont la valeur contraignante reste
limitée. Pour les membres, ces normes sont considérées comme obligatoires. Dès le moment où on cherche à régler
l'activité de transport maritime, on est obligés de tenir compte de ces normes. Ce sont des normes ayant pour but de
restreindre la concurrence. Comme ce faisant, ces normes garantissent des prix fiables aux chargeurs et stabilisent
l'activité, elles sont acceptées et intégrées dans les discussions relatives à la libéralisation des échanges.

Ces OING participent de facto à l'élaboration de normes internationales éco mais de façon beaucoup plus
indirectes. Elles ne peuvent pas être ignorées.

Règlement des différends : les OING sont associées au processus de règlement des différends. De la même manière
que vu précédemment, elles seront associées aux règlements des différends bien qu'elles n'aient pas d'intérêt à agir,
ne soient pas des parties. Elles ne peuvent plaider et cela les écarte de fait, normalement, de l'activité de règlement
des différends. Là encore, elles vont être associées plus ou moins directement à raison de leur activité même.

L'une des caractéristiques des OING est qu'elles exercent leur activité de façon désintéressée. Malgré cela, on va
considérer de plus en plus souvent que de par leur objet, elles vont représenter des intérêts qui doivent être pris en
compte dans le règlement des litiges. Du fait de leur vocation, elles seront intégrées au règlement des litiges en tant
que représentantes d'un intérêt plus général.

Exemple : OMC, procédure de règlement des différends. On est dans une procédure qui par sa nature même est un
mécanisme interétatique. Même quand c'est l'activité d'entreprise qui est à l'origine d'un différend, le différend
apparait entre Etats. Les OING vont pouvoir être associées au processus de règlement des différends :

- Memorendum d'accord sur les règles et procédures régissant les différends. Il prévoit que ce qu'on
appelle les groupes spéciaux en fait, ce sont des groupes qui sont formés au deuxième stade de la procédure
de règlement des différends pour examiner les faits de l'espèce et les réclamations des parties. Ils peuvent
demander des avis techniques, d'experts à des entités tierces dont les OING à vocation économique. Il s'agit
de solliciter ces tiers et ONG à raison de leur expertise dans le domaine dans lequel est apparu le différend.
Elles vont opposer leur analyse sur un aspect plus ou moins différend à régler (article 13§1 et 2 du
mémorendum).

- Evolution des pratiques des groupes spéciaux. Dès les débuts de l'OMC, des ONG ont pu être sollicitées à
titre d'expert pour donner une analyse technique de la situation. Les groupes spéciaux eux ont petit à petit eu

!21
tendance à accepter que les entités qui ne sont pas parties à l'affaire et qui n'ont pas été représentées ni
sollicitées comme expertes peuvent malgré tout intervenir dans la procédure de règlement des différends en
formulant spontanément des observations sur l'affaire. Elles vont agir comme des AMICI CURIAE (amis de la
cour), c'est-à-dire des entités estimant de leur propre chef qu'elles ont des choses à apporter au processus de
règlement des litiges. Elles ont connaissance du litige, mais pas officiellement. Elles vont estimer que de par
leur activité, elles vont apporter un éclairage intéressant et fournir des informations aux groupes spéciaux.

Au début de l'OMC, la tendance était à rejeter cela, mais les groupes spéciaux ont tendance à accepter de plus en plus
ce type d'intervention, mais ce n'est pas une obligation. Mais, quand ils l'acceptent, c'est qu'il y a un lien avec l'affaire
et que les infos apportent un éclairage.

Exemple : le CIRDI (centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) est une
institution créée en 1965 qui a une fonction d'arbitrage, son rôle est de faciliter la conciliation et la résolution des
litiges internationaux. Pour chaque litige est créé un tribunal arbitral ad hoc. Ces tribunaux respectent une procédure
instaurée par le CIRDI lui-même. Au départ, ne pouvaient être concernés que les membres désignés par le TA et les
parties au différend, mais les OING ont mené campagne pour que les tiers puissent être entendus. Tiers : personnes
morales ni demanderesses, ni défenderesses au litige. Dans un premier temps, la demande a été rejetée, mais petit à
petit, ces demandes ont commencé à être accueillies dans la jurisprudence des tribunaux CIRDI et ensuite, elles ont
commencé à être intégrées dans des conventions bilatérales sur la promotion et la protection des investissements.
Elles vont formuler des observations sur le différend en cause. C'est une évolution qu'on peut rapprocher de la
procédure de règlement des différends OMC.

Section 2. Les sources du DIE

Le DIE, s'il a des liens avec le DI général, s'en distingue par ses caractéristiques. En fait, on considère en général que
les points de divergence du DIE par rapport au DIG sont particulièrement nombreux en ce qui concerne les sources.
Le DIE en fait un caractère original qui se reflète particulièrement bien dans la structure des sources de ce droit. Elle
est plus diversifiée et complexe.

§1. La classification des sources du DIE

On peut classer ces sources à partir de deux critères :

- En fonction de l'ordre juridique auquel elle se rattache.

- En fonction de la qualité de leurs auteurs.

A. La classification en fonction de leur ordre juridique de rattachement

Trois possibilités : tantôt, ces sources se rattachent à un ordre juridique national. Puis, ces sources se rattachent à
l'ordre juridique international. Enfin, ces sources ne se rattachent ni à un ordre national, ni à l'ordre international,
on parle alors de sources du tiers-ordre. En pratique, ce sont des sources qui émanent soit de certaines STN, soit de
certaines OING à vocation économique.

1) Les sources se rattachant à un ordre juridique national

En DIE, on va considérer qu'il s'agit d'actes unilatéraux des Etats, quelle que soit leur nature. Ils peuvent émaner du

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pouvoir législatif d'un Etat (ex : lois), du pouvoir exécutif d'un Etat (ex : règlement, décret...), du pouvoir
judiciaire de l'Etat (ex : décisions de justice). Ce qui compte, c'est que ces sources émanent d'un Etat seulement,
mais peu importe l'auteur de ces actes.

Normalement, ces actes unilatéraux des Etats sont à destination des nationaux de l'Etat concerné et normalement, ils
ne sont applicables que sur le territoire de cet Etat puisque s'ils existent, les cas d'application extraterritoriale
d'un droit national reste rare.

Malgré tout, ces sources nationales peuvent être considérées comme des sources du DIE si elles ont une
incidence sur les relations macro-économiques entre Etats. Elles sont des sources de DIE de façon incidente du
fait de leur effet.

Exemple : un Etat promulgue un code des investissements, c'est-à-dire un acte juridique international qui peut
être législatif ou bien émanant de l'exécutif qui va avoir pour objet de réguler l'investissement dans cet Etat,
qui va traduire des choix politiques et économiques et aura des effets sur le fonctionnement économique des
Etats. Le code va par définition avoir un effet sur les flux financiers au sein de cet Etat et il va nécessairement
avoir un impact sur l'activité des investisseurs internationaux, soit en encourageant leurs investissements dans
cet Etat, soit en les décourageant. Bien qu'il s'agisse d'une norme de droit national, elle sera considérée comme une
source du DIE car elle aura un impact sur les relations macro-économiques.

Exemple : la manipulation par un Etat de son taux de change ou du taux d'intérêt applicable dans un pays. C'est une
décision souveraine que d'agir sur ces changes. De telles décisions sont a priori souveraines et prises par un acte de
droit national. De toute évidence, elles auront un effet sur le droit international économique. On est en présence
d'une norme de droit national, traduisant une volonté souveraine d'un Etat mais qui, par son effet, sera une source de
DIE.

Cela tient à l'effet de ces normes sur les relations de droit international économique.

2) Les sources relevant de l'ordre international

Il s'agit de l'essentiel des sources de DIE en volume. Ces sources internationales du DIE peuvent être rangées en
deux grandes catégories : d'une part, les sources conventionnelles et d'autre part, les sources non conventionnelles.

Sources conventionnelles : souvent, en DIE, elles ont une ambition systémique, c-a-d qu'elles cherchent à structurer
la matière ou un aspect de la matière. C'est vrai pour les grandes conventions multilatérales, mais aussi pour certaines
conventions à portée plus limitée (conventions plurilatérales). Par exemple, l'accord de partenariat transpacifique,
les négociations en cours sur le traité transatlantique, etc. ayant pour but de remodeler les relations économiques
entre pays concernés. Cela restructure l'intégralité du commerce mondial.

Sources non conventionnelles : il faut mentionner la plus importante d'entres elles, qui est la structure
internationale. Traditionnellement, elle a peu de poids, mais a pris une importance croissante en matière
d'investissement notamment.

3) Les sources relevant du tiers-ordre

Ces sources émanent soit de certaines sociétés transnationales, soit de certaines ONG internationales à vocation
économique. Leur importance en droit international économique est lié à la place de ces acteurs particuliers,
infiniment moins actifs en DI général.

Exemple de sources émanant des STN : les banques internationales sont à l'origine d'un marché monétaire et

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financier privé dont le fonctionnement est régi par des normes qui sont de nature coutumière, qui sont des coutumes
privées émanant de ces banques. Par exemple, le marché des euro devises, euro obligations. Ces coutumes privées
sont des sources de DIE. Par exemple, on a la Lex petrolea, ensemble de règles ayant vocation à régir les relations
entre sociétés pétrolières. L'origine : c'était des ententes, mais avec la diversification de production de pétrole, les
règles sont restées.

Exemple de sources émanant des OING à vocation économique : on a les normes élaborées par le IATA, les
conférences maritimes, etc. qui valent entre des acteurs de secteurs déterminées mais intégrées parmi les sources de
DIE.

B. La classification en fonction de la qualité des auteurs

Elle est complémentaire à la précédente. On examine les sources en considérant les auteurs de ces sources : auteurs
de droit public, auteurs de droit privé et sources à caractère mixte.

1) Sources de droit public

Elles émanent de la puissance publique d'un Etat qui va agir de façon souveraine et qui va de ce fait agir soit dans le
cadre de son ordre juridique interne, soit en tant qu'acteur souverain dans l'ordre juridique international.

2) Sources de droit privé

Elles émanent directement de l'action des opérateurs économiques ou d'acteurs privés au sens plus large terme,
notamment des STN ou ONG à vocation économique. Ces normes sont parfois reprises tel quel par des Etats qui les
intègrent alors dans leurs propres ordre juridiques internes.

3) Sources de caractère mixte

Elles se situent à mi chemin des sources précédentes. Ce sont des normes négociées, concertées entre d'une part un
Etat et d'autre part un ressortissant d'un autre Etat. Ce type de norme est ce que la doctrine internationaliste appelle
les contrats d'Etat, c'est-à-dire une notion développée en matière de contrats d'investissements internationaux. La
catégorie en fait est apparue dans les années 50-60. Ce sont des contrats passés entre Etats et concessionnaires
pétroliers pour l'exploitation de ressources pétrolières. Cela posait des problèmes particuliers pour déterminer les
règles.

Par la suite, cette catégorie s'est avérée utile pour être étendue aux contrats de développement économique qui
vont fixer des obligations spécifiques pesant sur des entreprises étrangères qui participent au développement d'un
Etat d'accueil tout en accordant à ces entreprises des garanties en termes de sécurité juridique (obligations pesant sur
l'Etat cocontractant).

Cela soulève toute une série de problèmes juridiques très intéressante : on y trouve à la fois une situation
d'inégalité au détriment de l'Etat en termes d'expertise technique des puissances financières et d'autre part, une
inégalité en faveur de l'Etat dans la négociation du contrat sous certains aspects et dans l'exécution du
contrat. Les prérogatives de puissance publique de l'Etat jouent normalement en sa faveur.

Autre catégorie : normes élaborées entre les Etats ou organismes infra-étatiques, des organisations internationales,
ou organismes rattachés à ces organisations et/ou des organisations professionnelles (OING à vocation éco). Elles

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associent différentes catégories d'acteurs.

Cette pratique d'accords entre différents types d'acteurs est devenue fréquente en matière financière et comptable
à la suite des crises qui secouent le monde financier depuis une vingtaine d'années et dont la crise de 2008 n'est
qu'une version problématique.

§2. La spécificité des sources du DIE

Bien que beaucoup des sources du DIE soient des sources, instruments du DI général, ces sources subissent quand
elles s'appliquent au champ économique une mutation importante liée à la manière dont on les interprète. C'est du au
champ d'application économique et à sa logique particulière qui depuis les années 50 aide à favoriser les échanges
internationaux économiques.

Présentation des sources du DI général : article 38 du statut de la CIJ. On verra les spécificités liées au DIE.
Article 38 : les sources sont les conventions internationales (générales, spéciales), coutume internationale (preuve
d'une pratique générale acceptée comme étant le droit), principes généraux du droit reconnus par les nations
"civilisées" et enfin, les décisions juridictionnelles et la doctrine des publicistes les plus qualifiés.

A. Les sources conventionnelles

Comme en DI général, il s'agit d'une source centrale, mais, elle présente des spécificités dans le champ économique.
Ces spécificités sont quatre :

1. On note dans le champ du DIE une importance relative des conventions multilatérales et des conventions
bilatérales.

2. On note un rôle croissant des accords infra étatiques.

3. On note une grande importance de l'informalisme.

4. On voit apparaitre, se manifester lourdement le phénomène de la modélisation conventionnelle.

1) L'importance relative des conventions multilatérales et bilatérales

Dans le champ du DIE, la source conventionnelle avait souvent une forte condition structurante : cela veut dire
que les conventions internationales sont utilisées pour structurer, organiser le champ des relations internationales
économiques dans le but ultime de faciliter les relations internationales économiques. De fait, il y a en DIE un
certain nombre de conventions multilatérales qui posent les fondations de ce droit et le structurent. Certains
auteurs parlent de véritables piliers constitutionnels du DIE.

C'est particulièrement vrai pour les deux branches du DIE sur lesquelles on va travailler :

- Les échanges commerciaux internationaux, à leur actuelle, sont structurés très largement par les accords de
Marrakech (15 avril 1994) qui créent l'OMC.

- Les échanges financiers internationaux, structurés par les accords du FMI (27 décembre 1945).

Ces grandes branches du DIE sont structurés par des accords multilatéraux qui ont une portée qui dépasse de loin les
adhérents. Certains auteurs défendent l'idée que du fait de ces accords multilatéraux, il y a une interconnexion

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croissante des différents aspects du DIE. A cause des accords internationaux multilatéraux, il y aurait une mise en
cohérence croissante des différents types de ce domaine. Ils sont particulièrement difficiles à négocier et de ce fait,
les accords sont à minima. Le multilatéralisme, s'il a beaucoup fait progresser la matière, est aujourd'hui un frein
pour son développement. Le DIE se développe par des accords à portée beaucoup plus limitée.

La branche du droit international économique (investissements) est moins touchée par ce mouvement car elle est
dominée par les accords bilatéraux.

2) Le rôle croissant des accords infra-étatiques

Il s'agit d'une catégorie d'accords à laquelle on ne pense pas nécessairement naturellement.

- On a tendance à penser naturellement à des accords entre Etats car ce sont des acteurs internationaux par
excellence.

- On peut penser à des accords passés entre personnes morales. Ces entités passent entre elles de nombreux
accords pour régler leurs activités.

- On pense à des accords entre Etats et personnes morales de droit public international (accords de siège,
accords fixant des immunités des membres de certaines organisations).

Ce sont des accords auxquels on pense car cela découle de la personnalité infra-étatique internationale des personnes.

En effet, les accords auxquels on fait référence sont des accords qui ne sont pas passés par des personnes morales de
DI, ni par des Etats. Ce sont des accords qui sont passés entre des entités qui sont bien des personnes publiques mais
qui sont infra-étatiques. Il s'agit d'accords qui sont passés entre des composantes de l'appareil administratif
interne d'Etats, par exemple, des accords passés entre des services fiscaux d'Etats différents (accords bilatéraux)
afin de mettre en place une coopération des échanges pour régler certains problèmes de droit fiscal international. Ce
sont des accords administratifs nombreux.

Par exemple, ce sont des accords passés entre plusieurs banques centrales de plusieurs Etats différents afin de réguler
la parité des monnaies concernées.

Comme ces entités n'ont pas de personnalité juridique internationale, elles n'ont pas la capacité juridique qui
normalement devrait leur permettre de passer des accords internationaux classiques.

Comment ces entités peuvent se voir reconnaitre la capacité à passer des accords reconnus comme contraignants ?
La question a commencé à être réglée quand on a considéré que des entités infra étatiques peuvent dans la limite
de leurs compétences passer des accords internationaux spécifiques qui seront endossés ou appuyés par l'Etat
dont dépendent ces entités dans la mesure où cet Etat reconnait à ses entités la compétence pour passer de tels
accords.

Exemples : accords de jumelage entre des communes de différents Etats, accords de coopération entre des
universités d'Etats différents, accords de coopération entre des gestionnaires de chemins de fer d'Etats différents pour
un transit ferroviaire international...

Sur cette base, on a admis de plus en plus largement la conclusion d'accords de coopération passés par des
entités infra étatiques. Le problème est celui du régime juridique de tels accords. En effet, même dans l'hypothèse
où l'Etat reconnait la compétence de telles entités passant de tels accords, on ne leur accordera pas
automatiquement le régime de traités internationaux.

Plusieurs solutions ont été envisagées, l'évolution a été plutôt lente. Les choses à l'heure actuelle en sont au point

!26
qu'un certain nombre de pays et une partie de la doctrine internationale proposent des critères d'identification de ce
type d'accords. Ce ne sont pas des critères reconnus de façon universelle, le régime de ce fait n'est pas
d'application automatique. La France, dans sa position officielle, considère que ces accords sont inconnus du droit
international.

Actuellement, la majorité de la doctrine s'accorde sur trois critères complémentaires permettant d'identifier ces
accords infra-étatiques :

- La qualité des parties à l'accord : elles doivent se voir reconnaitre par l'Etat auquel elles sont rattachés
compétence pour passer ces accords ;

- Possibilité de rattacher l'accord en question à un accord supérieur : un accord interétatique. Cela réduit
le champ potentiel de ces accords infra-étatiques, mais ça facilite les choses concernant le régime qui leur sera
applicable ;

- La finalité de l'accord : elle doit entrer dans les compétences des entités infra-étatiques et dans le champ de
compétence interétatique de l'Etat.

Ces trois critères ne sont pas unanimement reconnus, mais majoritairement reconnus. Quand ils sont réunis, on est
en présence d'un accord infra-étatique, à cause du 2nd critère, on considère que le droit des traités va par extension
s'appliquer à ces accords infra étatiques.

Ainsi, un accord d'assistance administrative et d'échange d'administration passé entre deux service fiscaux de deux
pays sera considéré comme infra-étatique si les services fiscaux concernés ont reçu compétence pour passer de tels
accords, si ces accords sont rattachables à une convention bilatérale, si l'objet d'accord d'assistance rentre bien dans
la compétence des services fiscaux et a été prévu par les critères de rattachement. Le droit des traités va
s'appliquer sur la majorité de ces points.

La signature obéira à des règles dérogatoires (ministre des affaires étrangères, personnes responsables des services
concernés).

En France, on a tendance à considérer que le contentieux de ces accords relève du contentieux administratif, à
condition que ces accords ne contiennent pas de clause attributive de compétence à une autre juridiction.

C'est un phénomène qui croît en importance, mais même avec leur nombre croissant, leur régime n'est pas déterminé.

3) L'importance de plus en plus grande de l'informalisme

En DI Général, sa caractéristique est l'importance assez grande donnée au formalisme. En DIE, c'est
l'informalisme qui domine, c'est une caractéristique propre liée à l'objet du DIE, qui cherche à faciliter les
relations internationales économiques en supprimant les obstacles. Cela conduit à s'affranchir du formalisme
habituel. Bien qu'il y ait des sources formelles, il y a toute une série informaliste.

Il n'est pas rare que des Etats soient à amenés à se mettre d'accord sans formaliser cet accord par l'adoption
d'un texte. On aura plutôt recours bien souvent à de simples engagements qui ne sont pas formellement
contraignants et qui cependant devront être appliqués de bonne foi par les parties aux engagements. Ces
engagements non contraignants ne sont pas rendus publics, ou biens ils le sont, mais pas en entier. Une partie de ces
accords informels pourra porter sur des problèmes très techniques à résoudre de façon urgente, les problèmes
seront réglés par un souci d'efficacité plus que de respect des formes juridiques.

Exemple : réunions du G8 (forum où se rencontrent régulièrement les ministres des économies considérées comme
les plus avancées dans le monde dans le but d'échanger des informations, identifier des problèmes et leur apporter

!27
des solutions rapides). L'existence du G8 soulève toute une série de questions. Depuis la crise de Crimée, la
Fédération de Russie ne fait plus partie du G8, on a alors fait entrer l'Union Européenne alors que 4 Etats de l'UE
font déjà partie du G8. Un certain nombre d'économies considérées comme en développement ont atteint un
développement économique leur permettant d'entrer au G8, mais pour cela, on a le G20.

Le G8 fonctionne sur la base de discussions informelles qui ne débouchent jamais sur des accords internationaux
formalisés. On a simplement un communiqué officiel, la seule forme officielle de ces réunions. Le communiqué n'est
jamais exhaustif. Des accords ne figurent pas. Il n'est juridiquement pas contraignant, mais les parties doivent
l'appliquer de bonne foi.

Dans un autre registre, le mode de fonctionnement de certaines OI économiques (ex : l'OCDE utilise toute une
série de procédures informelles, les traités conclus dans ce cadre sont rares, l'essentiel de l'activité très importante
de l'OCDE passe par des moyens informels -lignes directrices, recommandations...- qui ne sont jamais contraignants
mais que les Etats membres sont incités à respecter).

Il ne faut pas se fier uniquement aux instruments juridiques classiques.

4) Le phénomène de la modélisation conventionnelle

Il n'a pas d'équivalent en DI général, mais a un rôle important en DIE. Il s'agit de l'élaboration de modèles de
conventions.

Pourquoi y a-t-on eu recours ? A cause de l'objectif du DIE qui est de faciliter les échanges économiques
internationaux et la circulation internationale (bien, services, capitaux). Il faut régler des problèmes techniques (et
politiques) qui sont liés au décalage entre les législations nationales par exemple. De ce fait, quand des Etats
cherchent à développer leurs relations économiques mutuelles, ils devront nécessairement résoudre ces
problèmes techniques. Il est possible d'identifier les problèmes et repérer les types de solutions qui paraissent
efficaces. On a des problèmes techniques très complexes et les accords passés fournissent une banque
potentielle de sources. C'est de ce phénomène là qu'est née la modélisation conventionnelle.

Un certain nombre d'OIE auront cherché à établir un modèle de conventions applicables à certaines
catégories de problèmes. Il s'agit d'ensembles de clauses cohérentes entre elles qui proposent des solutions
viables à des problèmes juridiques clairement identifiés. Quand on prévoit une disposition juridique, elle aura des
répercussions sur d'autres dispositions de la convention. La cohérence de l'ensemble est donc importante ici.

Ces modèles sont des bases pour la négociation de conventions dites plurilatérales. Cependant, bien que ces
modèles n'aient aucune force juridique, en pratique, ils sont très largement utilisés et suivis et cela va entrainer un
certain nombre de conséquences dont certaines sont positives et d'autres qui le sont moins.

Effets positifs : ces modèles conventionnels permettent la diffusion d'un certain nombre de standards qui vont
faciliter les relations internationales économiques. Par exemple, le "standard minimum" qui s'applique à la
manière dont un Etat va traiter les étrangers qui exercent une activité économique sur son sol, et les biens de ces
étrangers. Ce standard a été mis en place pour éviter la confiscation des biens de ces étrangers, il comporte 4
éléments fondamentaux : droit à la vie, droit à la sûreté, droit à l'absence de traitement discriminatoire ou arbitraire
et le droit d'ester en justice.

Ensuite, ces modèles conventionnels, dans la mesure où ils sont des ensembles cohérents de clauses, vont également
favoriser la diffusion de certaines conceptions des relations économiques internationales, conceptions
communes qui faciliteront les échanges internationaux.

Mais, à côté de ces effets considérés positifs, on a des effets pervers.

!28
Effets pervers : du fait que ce sont des ensembles cohérents de clauses, ils sont difficilement discutables,
négociables. Quand on touche à une clause, on risque d'affecter le reste. Si l'une des parties souhaite modifier les
dispositions d'une conventions, il faudra faire attention aux conséquences sur le reste du texte et négocier avec l'autre
partie. Bien souvent, les conventions de ce type se transforment en contrats d'adhésion qu'on rencontre en droit
interne.

Ensuite, ces modèles conventionnels, du fait qu'il s'agit d'ensemble cohérent de clauses, sont rarement neutres
politiquement, ils traduisent toute une série de présupposés, de choix. Ces modèles choisissent certaines solutions et
en écartent d'autres. Ces modèles emportent de façon pas toujours très officielle toute une série de choix ou
présupposés qui ont une dimension politique.

C'est pourquoi, dans une matière, on peut avoir plusieurs modèles concurrents qui traduisent des visions
différentes de cette matière. Par exemple, s'agissant de la fiscalité internationale, on a deux grands modèles
concurrents (l'un de l'OCDE et l'autre de l'ONU). Le modèle de l'OCDE tend à favoriser l'Etat de nationalité (dont
sont originaires ou immatriculées les entreprises), on favorise donc les entreprises plutôt que l'Etat de destination. Le
modèle de l'ONU va lui favoriser l'Etat de destination au détriment de l'Etat de nationalité.

Quand deux Etats vont chercher à conclure une convention (ex : convention bilatérale fiscale), la question sera de
savoir quel modèle on va utiliser. De fait, le choix du modèle va souvent découler des rapports de force entre les
parties. Cela conduira souvent à des conventions bilatérales Nord/Sud, privilégier le modèle de l'OCDE. Les
rapports de force entre Etats parties va avoir une influence sur le choix du modèle.

Cette pratique peut être analysée de deux points de vue (optimiste et pessimiste). La doctrine internationale est axée
autours de ses deux points :

- Les auteurs optimistes estiment que les effets pervers sont transitoires et peuvent être contournés si les
Etats qui sont en position de faiblesse relative (Etats en développement) apprennent à négocier de façon plus
efficace pour défendre leurs intérêts. La doctrine estime que c'est une montée en puissance de l'aptitude à
négocier de façon plus efficace.

- Les auteurs pessimistes expliquent que le problème est bien plus profond, loin d'être transitoire, que les
rapports de force et déséquilibres tiennent moins à la manière dont on négocie, les biais qui entachent les
négociations sont là pour durer, ne pourront changer qu'une fois que le développement des Etats les plus
faibles aura atteint un niveau suffisant pour être placés sur un même pied d'égalité que leurs partenaires.

B. Les sources non conventionnelles du DIE

Elles jouent un rôle plus limité, il y en a trois : la coutume, les actes unilatéraux des organisations internationales
économiques et les actes unilatéraux des ONG à vocation économique. Chacune connait des problèmes différents.

1) La coutume internationale en matière de DIE

Comme pratique générale acceptée comme étant du droit, elle est d'une importance très variable dans la discipline.

1er cas de figure : dans certains champs du DIE qui sont déjà très structurés autour de conventions internationales,
et en particulier de traités multilatéraux, qui regroupent le commerce international (accords de Marrakech, 1994) et
des accords de Bretton Woods, le poids de la coutume reste limité. Elle vient juste combler des interstices qui ne
sont pas couverts par les traités.

2nd cas de figure : à côté de ces domaines extrêmement bien encadrés, on a d'autres domaines dans lesquels le poids

!29
des sources conventionnelles est plus limité. Il n'y a pas de traité multilatéral ou de portée limitée. Le poids de la
coutume est plus évident, c'est le cas du droit des investissements. Le fait que l'on recours plus largement à la
coutume entraine une série de difficultés, en effet, le contenu de certaines règles que certains Etats considèrent
comme coutumières est extrêmement discuté par d'autres Etats.

Exemple : imaginons un problème qui va intervenir entre une STN immatriculée dans un Etat de nationalité et un
Etat tiers, Etat d'investissement de cette société. Il n'y a pas de convention bilatérale entre les Etats concernés.
Comment va-t-on régler le litige en question ? Peut-on extrapoler pour régler ce litige, le principe de résolution des
litiges posé par d'autres conventions bilatérales passées par l'Etat de nationalité avec les autres Etats
d'investissement ?

Schéma :

<--------- Convention bilatérale --------> Etat A

Etat de nationalité <--------- Convention bilatérale --------> Etat B

<--------- Convention bilatérale --------> Etat C

Une STN immatriculée dans l'Etat de nationalité investit dans l'Etat D, qui n'est liée par aucune convention bilatérale
avec l'Etat de nationalité.

Il y aurait une coutume qu'on pourrait déduire d'une série de dispositions conventionnelles divergentes et qu'on
pourrait appliquer même en l'absence de dispositions conventionnelles bilatérales.

On peut extrapoler, mais il y a de vives protestations car cela favorise l'intérêt des Etats de nationalité au détriment
des Etats d'investissement. On retrouve alors des rapports de force.

2) Les actes unilatéraux des organisations internationales à vocation économique

Ces organisations internationales sont nombreuses dans le champ du DIE, elles prennent toute une série de décisions,
déclarations, recommandations, résolutions...

Quel poids on va accorder à ces actes unilatéraux ? En fait, on considère qu'ils jouent un rôle important dans la
formation du DIE, mais restent affectés par le principe de spécialité qui gouverne l'activité de ces
organisations. Elles ne peuvent agir hors du mandat qui leur est donné. De plus, quand on réfléchit à ces actes
unilatéraux, il faut prendre en compte les règles internes de ces OI qui président à l'adoption de ces actes. Cela
aura un effet sur la facilité qu'a une OI à adopter de tels actes et un effet sur la portée réelle de ces actes.

Dans beaucoup d'OI, les décisions se prennent à l'unanimité. Quand c'est le cas, il est difficile d'obtenir
l'unanimité, l'acte aura de moindres chances d'être adopté, le consensus sera difficile à obtenir. Dans ce cas de figure,
les AU adoptés seront beaucoup plus facilement appliqués et respectés par les membres car ils découlent d'un
consensus. S'ils sont adoptés à la majorité, ils sont appliqués certes, mais moins bien respectés.

Le plus souvent, les AU des OI ne bénéficient pas de la force obligatoire. De ce fait, ils sont privés de toute
effectivité systématique dans leur ordre international. Leur efficacité réelle dépend largement de leur acceptation
par les destinataires. D'où l'importance du processus d'adoption.

En fait, certains auteurs qui aiment le paradoxe n'hésitent pas à avancer que certains AU des OI sont d'autant plus
efficaces et influents dans les faits que leur force juridique est faible.

Exemple : Déclaration de Paris de 2005 (OCDE) sur l'efficacité de l'aide aux pays en développement. Sa force
d'influence est très grande, était considérée comme une norme pour les receveurs d'aide, les donneurs d'aide et les

!30
relations qui s'établissent entre eux. Parce qu'elle a été précédée de longues discussions et a pris en compte très
largement les points de vue des différentes parties à l'aide en développement a restructuré les modalités de cette aide.

Bien souvent, la doctrine du DIE rattache une question annexe : celle du statut à donner aux actes qui sont
l'accessoire de rencontres et de sommets périodiques. On considère assez largement aujourd'hui que ce ne sont
pas des traités ni engagement internationaux, ni des actes institutionnels des OI. De la même manière, ils n'ont
pas de portée juridique contraignante, en fait, actuellement, la majeure partie de la doctrine tend à les ranger dans
la pratique intergouvernementale : actes sui generis dont le régime est assimilable à celui d'actes unilatéraux des
organisations internationales.

3) Les actes unilatéraux des ONG à vocation économique

Il s'agit là d'actes occupant une place croissante parmi les sources du DIE. C'est lié au caractère de plus en plus
transnational de ce droit. Là encore, la question est de savoir comment identifier ces actes et quel statut leur
donner.

Le statut de ces actes n'est pas le même selon le champ du DIE qui est concerné. L'importance de ces actes
n'est marquée qu'en matière de commerce international et en matière financière. Ces actes unilatéraux n'ont pas
de force obligatoire. Ils prennent le plus souvent la forme de standards ou de recommandations adressés à un
secteur d'activité ou une profession concernée.

Le respect de ces actes unilatéraux ne peut pas être directement invoqué en droit, c'est de la soft law. Sauf si le
contenu de ces standards est repris dans une norme de DI, comme c'est le cas dans certains domaines (matière
comptable, financière...). Ces normes, biens qu'elles découlent d'une soft law internationale, prennent le statut de
normes internationales.

Ouvrage : Thierry Bonneau, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, LGDJ et Bruylan, 2014.

Structure du cours : traditionnellement, le cours se structure en deux grands axes (coopération commerciale et
coopération financière). Le DIE s'étend au-delà de ces deux questions (statut de l'étranger en tant qu'acteur
économique, questions de droit des investissements internationaux...). On parlera du cadre institutionnel du DIE,
comment on est passé du GATT à l'OMC. Puis, l'on verra les négociations commerciales multilatérales, les principes
généraux communs du DIE, les exceptions et les dérogations à ces principes généraux communs.

THEME 2 : DU GATT A L'OMC,

LEURS MÉCANISMES RESPECTIFS DE RÈGLEMENT DES


DIFFÉRENDS
Nous allons étudier la manière dont les premières tentatives de régulation multilatérale des échanges internationaux
ont été menées et comment on est parvenus à la mise en place actuelle, celle de l'OMC.

Section 1. Du GATT à l'OMC

!31
GATT = general agreement on tariffs and trade.

OMC = organisation mondiale du commerce.

§1. Le contexte de l'évolution du GATT à l'OMC

Il faut garder à l'esprit que bien que la question des échanges économiques internationaux soit très ancienne, les
tentatives de régulation multilatérale sont récentes à l'échelle historique. En fait, ces tentatives de régulation sont
apparues à la fin de la 2nde GM, dans un contexte intellectuel très particulier.

D'abord, un premier objectif était de lutter contre la source des catastrophes du milieu du XXème : le
nationalisme. Or, le nationalisme a une conséquence en matière économique qui est le protectionnisme. On veut
mettre fin au protectionnisme des Etats.

Ensuite, le second objectif était de lutter contre le communisme, il s'agissait de lutter aussi contre l'économie
administrée par l'Etat et également de promouvoir le libéralisme économique (qui est son antithèse).

Les Etats victorieux occidentaux ont cherché à mettre en place un ordre international économique d'essence libérale.
Pour ce faire, on s'est attaqué à trois questions de manière simultanée :

- Celle de la régulation financière (en particulier, la monnaie) ;

- Celle des négociations concernant un fait crucial (destruction de la GM2) qui est l'aide à la reconstruction ;

- Celle des relations commerciales entre Etats afin de faciliter le commerce.

Sur certains points, on aura des facilités, notamment pour les deux premières questions. En matière de régulation
financière, il y a eu très vite un accord conclu en juillet 1944 : les accords de Bretton Woods qui créent deux
institutions "soeurs" : le FMI (fond monétaire international, chargé de la régulation monétaire) et la BIRD (banque
internationale pour la reconstruction et le développement, qui s'attaque aux questions de la recontruction post
seconde guerre mondiale, à l'aide au développement). Sa première mission était d'aider les Etats détruits par la
guerre à se reconstruire. Elle s'est tournée ensuite vers l’aide au développement au général sur tous les
continents.

La société financière internationale a été fondée en 1956 et avait pour objectif d'assurer les activités d'entreprises
en pays développés à investir dans les pays non développés.

Ensuite, l'association internationale de développement, fondée en 1960, était un interlocuteur des pays en
développement pour des missions de conseil, afin de les aider à construire ou reconstruire leur économie.

Puis, l'agence multilatérale de garantie des investissements est beaucoup plus récente, a été créée en 1988, son
rôle était d'assurer les activités des autres.

Enfin, le CIRDI (centre international pour le règlement des différends internationaux) : sa compétence est liée aux
différends des organismes prêteurs au départ, puis s’est très largement étendue.

La banque mondiale a été institutionnalisée en 2007 et regroupe ces 5 institutions.

Le troisième volet a soulevé de suite d'énormes problèmes. Le premier était d'ordre institutionnel. Ce qui était
envisagé au départ était de créer une institution : l'OIC, qui serait intégrée à l'ONU. Pour des raisons de politique
intérieure, les USA n'en ont pas voulu. L'organisation internationale du commerce n'a jamais vu le jour.
L'institutionnalisation de cette régulation a échoué en 1948.

!32
En revanche, en 1947, un accord partiel avait été atteint sur des questions techniques liées aux taxes, à l'importation
et à l'exportation. Cet accord est devenu le GATT.

§2. Le GATT

Il a été signé dès le 30 octobre 1947 par 23 pays seulement, est entré en vigueur en 1948 et était initialement prévu
comme un seul élément au sein d'une organisation plus complète, mais celle-ci n'ayant pas pu le jour, on est resté
avec le GATT, qui à l'époque visait les produits agricoles et industriels.

Ce qui a été créé était un élément visant à réguler les droits de douane : le GATT. Aujourd'hui, on parle encore de
GATT. En effet, c'est un instrument. On fait référence à un accord général sur les droits de douane actuellement en
vigueur. On a toujours besoin de ce type d'accord. Or, celui qui est en vigueur aujourd'hui n'est pas le GATT de
1947, mais un accord intégré aux accords de Marrakech de 1994 qui ont créé l'OMC.

C'est le 1er mécanisme multilatéral qui coordonne le commerce mondial en attaquant ce problème de
coordination sous un angle particulier : celui des droits de douane. L'idée est que l'abaissement des droits de
douane et des barrières au commerce est un moyen direct de développer les échanges commerciaux internationaux.

Le premier problème, c'est que ce n'est qu'une petite partie des éléments qui sont en jeu dans le développement
du commerce mondial. C'est certes un instrument efficace, mais il est incomplet. Le second problème est celui de sa
légitimité (signé par 23 pays), il était conçu au départ comme un élément d'un ensemble plus vaste et de ce fait,
l'échec de la création de l'OIC a eu des répercussions sur la légitimité du GATT de 1947.

En savoir plus : Ouvrage de Jean Christophe GRAZ, Aux sources de l'OMC, la charte de La Havane, DROZ.

A. Les acquis du système GATT

En fait, il ne faut pas imaginer que le GATT de 1994 a annulé le GATT de 1947. Un certain nombre d'éléments du
GATT de 1947 ont persisté dans le GATT de 1994.

Le 1er acquis du système GATT est le droit matériel qui découle de la mise en oeuvre de cet accord. Le 2ème
acquis est plutôt d'ordre institutionnel.

1) Le plan matériel

Les objectifs du GATT de 1947 étaient doubles :

- Le premier objectif visait à abolir les contingentements, c-a-d la fixation par les Etats de la quantité maximale de
marchandises en provenance d'un Etat étranger qu'ils autorisent à faire entrer sur leur territoire. Cette abolition des
contingentements met fin à une pratique qui était très fréquente jusque là et qui était souvent utilisée par les Etats de
destination pour protéger leurs propres acteurs économiques nationaux.

- Le second objectif portait non pas sur les quantités de marchandises mais sur l'aspect fiscal du problème : il
s'agissait d'encadrer les droits de douane appliqués par les Etats aux biens, marchandises étrangers entrant sur leurs
territoires. L'objectif ultime était d'aboutir à une abolition totale de ces droits, mais l'on s'est d'abord contentés de les
limiter.

A côté de ces deux objectifs centraux, le GATT de 1947 devait également mettre en place un forum permettant à
ses Etats membres d'échanger sur tous les dossiers touchant à des problèmes commerciaux entre eux. C'est

!33
dans le cadre de cette dernière compétence (plutôt diplomatique) qu'ont été organisés les différents cycles de
négociations destinés à libéraliser le commerce mondial et qui ont fini par aboutir à la création de l'OMC en 1994.

Ces deux compétences supposent un mode de fonctionnement particulier au GATT et que ce dernier a été le
premier à mettre en oeuvre : c'est le multilatéralisme qui est l'idée qu'en matière de développement du commerce
mondial, les intérêts des pays les moins développés économiquement seront mieux protégés par des
négociations multilatérales que par le canal ordinaire des négociations bilatérales. L'idée du multilatéralisme est
qu'il permet d'éviter les face à face bilatéraux entre les Etats de puissance trop différente et cela devrait
permettre de mieux protéger les intérêts des économies les mieux avancées.

La mise en oeuvre du GATT de 1947 est profondément marqué par le contexte de son apparition. Il y a parmi les
membres fondateurs du système GATT de profondes divergences liées à l'opposition stratégique respective dans
le contexte géopolitique de l'époque. Il y a une divergence assez profonde apparaissant entre les USA et les
Etats européens, victorieux de la 2nde guerre mondiale. Les USA estiment qu'une ouverture des économies est
souhaitable à la fois pour des raisons politiques (parce que le protectionnisme est considéré comme l’une des
causes de la Seconde Guerre mondiale), mais également pour des raisons économiques (car leur économie, la
plus solide à l’époque, ne peut que bénéficier d’une ouverture des marchés).

Les USA sont favorables à un abaissement rapide et maximal des barrières au commerce, mais ils ne peuvent y
arriver seuls ; ils ont besoin diplomatiquement du soutien des Etats européens, en particulier du RU et de la
France, mais ces derniers ont encore des empires coloniaux et le propre de ceux-ci est de fonctionner comme un
ensemble fermé avec des échanges privilégiés entre la métropole coloniale et les pays colonisés. Ils ne tiennent pas à
une libéralisation complète des échanges et souhaitent conserver ces échanges privilégiés.

Les USA sont obligés de nuancer leur position et d'accepter la mise en place d'un cadre plus flexible pour la
libéralisation des échanges, avec une tolérance introduite vis-à-vis des accords régionaux (privilégiés qui permettent
de protéger des ensembles plus limités), article 24 du GATT de 1947.

Il y a une seconde fracture qui apparait entre les Etats fondateurs du GATT, entre les USA et d'autres Etats
membres du GATT qui sont en position d'hésiter entre le bloc de l'est et le bloc de l'ouest. Les USA vont être
conduits pour préserver le bloc de l'ouest, à mettre en place des plans d'aide massifs à la reconstruction tout en
préservant une croissance économique forte, également aux USA. Cela conduit à nuancer l'application du principe
de libéralisation des échanges.

Pour toutes ces raisons, le GATT de 1947 met en place un système assez nuancé, régulant les échanges
commerciaux internationaux, mais en mitigeant les principes du libre échange par acceptation de mécanismes de
protection du marché intérieur, en particulier régionaux. Cela permet de comprendre le contenu du droit matériel qui
découle de cet accord. En fait, ce droit matériel est un droit de compromis, toujours fragile entre deux principes
concurrents : d'une part, le principe de libre échange et d'autre part, le respect des intérêts nationaux. Le libre
échange implique que les Etats acceptent un minimum de discipline pour faciliter les échanges internationaux (lutte
contre les contingentements et la limitation des droits de douane) et de l'autre côté, la protection des intérêts
nationaux leur permet, en identifiant précisément où se situent leurs intérêts propres, de réclamer une adaptation du
système à leurs spécificités.

A la lumière de cette lutte entre deux principes concurrents vont être créés les principes du multilatéralisme
commercial, mis en place par le GATT de 1947, au nombre de trois et qui vont persister jusqu'à aujourd'hui, avec
quelques modifications, dans le système OMC :

- Le principe de la non discrimination : il repose sur deux règles complémentaires qui sont d'une part, la
clause de la nation la plus favorisée (NPF) qui est celle selon laquelle tout montage commercial mis en
place par un Etat membre du GATT avec l'un de ses partenaires doit être étendu à l'ensemble des pays
partenaires membres de l'accord. D'autre part, la clause du traitement national, qui stipule que les produits
importés et les produits fabriqués de façon drastique doivent être traités de façon identique.

!34
- Le principe de réciprocité : c'est l'idée qu'un pays qui bénéficie d'un avantage commercial concédé par un
autre pays doit en retour concéder à cet autre pays un avantage équivalent (mais pas identique). C'est un
mécanisme de donnant-donnant qui fait que ce qui importe, ce sont le développement des exportations pour
tous les partenaires commerciaux. Cela présente l'ouverture aux importations venant de pays étrangers comme
une concession nécessaire au fonctionnement du système.

- Le principe de transparence : il veut que chaque Etat membre du système communique clairement sur les
obstacles qu'il pose à l'entrée de marchandises à l'entrée de son territoire. Dans ce contexte, les droits de
douane sont les seules barrières admises, légitimes car ce sont ceux qui sont les plus lisibles. De ce fait, seront
interdit l'usage de restrictions quantitatives (contingentements) et les pratiques de politique économique
jusque là admises telles que les subventions versées par les Etats ou encore les pratiques de dumping (abaisser
artificiellement les prix de façon à casser la concurrence sur un marché avant de les remonter librement, la
concurrence ayant disparu). Relève également de ce principe l'obligation des Etats membres de communiquer
aux Etats membres l'état de leur législation commerciale.

La logique du système mis en place en 1947 est qu'un pays peut, dans une certaine mesure, chercher à se
protéger, mais il doit le faire par le biais des droits de douane et non pas par le biais de barrières non tarifaires
ou réglementaires à cause du principe de transparence.

Au-delà de cette possibilité de protection, toute négociation commerciale s'ouvre sur les propositions
d'abaissement des barrières douanières sur la base desquelles vont se lancer des négociations multilatérales.
C'est un véritable processus de marchandage guidé par le principe de réciprocité. A chaque ouverture du marché doit
correspondre une procédure équivalente dans le marché des partenaires. Ce système de concessions réciproques doit
être étendu à l'intégralité des membres du GATT, sur la base du principe de non discrimination et en particulier, de la
clause de la NPF.

Cela permet d'associer un mouvement progressif d'ouverture du marché à la possibilité de limiter cette ouverture,
mais uniquement par les droits de douane. Le multilatéralisme du GATT est guidé par le principe le libre
échange mitigé par le mécanisme des Etats de pouvoir se protéger. Il n'a jamais été question de supprimer
complètement les barrières. Les Etats restent libres de négocier sur des problèmes concernant leur intérêt national.

Cette logique du GATT de 1947 va persister jusqu'à aujourd'hui, avec quelques modifications. De fait, en matière de
droit matériel, le droit développé dans le cadre de l'OMC depuis 1994 s'appuie directement sur les solutions
dégagées dans le cadre du GATT de 1947 au cours de ces presque 50 ans de pratique. Par exemple :

- Toutes les concessions commerciales négociées entre 1947 et 1994 restent applicables, sauf d'autres
négociations.

- De la même manière, les protocoles d’accession par lesquels les nouveaux Etats accèdent à l’OMC
découlent directement des protocoles qui existaient pour le GATT.

- Toutes les règles encadrant les négociations entre Etats membres découlent des règles existant lors du GATT.

Il y a une continuité importante entre ces deux systèmes. En fait, la différence principale entre ces deux
systèmes tient aux solutions apportées aux litiges entre Etats parties. Ces solutions sont spéciales car le mode de
résolution des litiges a été amélioré.

2) Le plan institutionnel

La continuité est moins nette, mais apparait quand même. Le GATT de 1947 a disparu en tant qu'institution avec les
accords de Marrakech de 1994, entrés en vigueur en 1995. Plusieurs des caractéristiques institutionnelles du système
GATT ont été intégrées à l'architecture du système de l'OMC.

!35
Le premier élément de continuité est d'ordre procédural. Cela signifie que les principes de fonctionnement des
institutions de l'OMC proclament de façon très officielle l'intention des Etats parties de respecter les règles de
fonctionnement qui présidaient au fonctionnement du GATT de 1947 (article 16§1 des accords de Marrakech :
l'OMC est "guidée par les décisions, les procédures et les pratiques habituelles des parties contractantes du GATT
de 1947 et des organes établis dans le cadre du GATT de 1947").

Cela a une incidence notamment concernant les modalités de prises de décisions au sein de l'OMC. Dans l'OMC
comme dans le système GATT, c'est le principe du consensus qui s'applique à la prise de décisions, cela signifie
que les négociations entre les Etats parties avant de parvenir à une décision ferme peuvent être très longues, c'est un
élément de force relative et aussi un élément de fragilité tellement important que certains n'hésitent pas à y voir une
des causes de l'échec du système GATT (à nuancer, car aucun système institutionnel sous-jacent permettant de faire
fonctionner le système en cas d'absence de consensus).

Sur le plan institutionnel, le point principal n'est sans doute pas là, l'OMC reprend un certain nombre d'éléments
d'architecture du GATT de 1947, alors innovantes lors de sa mise en place.

- D'abord, la qualité de membre du GATT et de l'OMC n'est pas réservée aux seuls Etats : on admet
l'adhésion au système GATT des "territoires douaniers distincts", ce qui est une entorse aux règles du droit
international général tel qu'il existait jusque là. Ils sont prévus à l'article 12§1 du GATT de 1947 et sont
expliqués dans la note explicative relative à ce paragraphe. C'est cette disposition qui va permettre à des
entités sui generis telles que les communautés européennes (UE) d'être membres du GATT et de l'OMC.

- Ensuite, le poids des membres est strictement égalitaire, chacun dispose d'une voix et aucune pondération
n'intervient, en particulier en fonction du poids économique de chacun.

- Enfin, les règles de vote sont elles aussi strictement égalitaires, les décisions sont prises à la majorité
simple. Attention, cela est à combiner avec le consensus. Une fois l'accord atteint, on le propose au vote.

On peut également citer un certain nombre d'éléments de continuité institutionnelle qui permettent de préserver la
liberté des Etats. Par exemple :

- Tout membre du système peut se retirer quand il le souhaite (GATT ou OMC).

- Quand un nouveau membre souhaite adhérer, les membres du système peuvent bloquer cette accession, au
moins momentanément, et en réclamant des négociations supplémentaires.

- Encore, les Etats peuvent à tout moment demander la négociation de dérogations correspondant à des
situations particulières, éventuellement en échange de compensations. Par exemple : les USA ont demandé et
obtenu une dérogation en matière de produits agricoles permettant de protéger leur marché. Il y a un système
appelé système des préférences, créé au sein du GATT dans les années 1970, qui permet à des pays
économiquement développés économiquement d'accorder aux pays en voie de développement des
concessions non réciproques et non généralisables dans le but d'aider les pays non développés à rattraper un
retard.

Le GATT de 1947, apparu dans un système géopolitique particulier, est certes marqué par l'ambition libre
échangiste, mais si on veut le classer dans les théories applicables aux échanges économiques, il relève plutôt du
mercantilisme, c'est-à-dire une politique de développement des échanges qui reste soucieuse des intérêts nationaux.
C'est un mercantilisme encadré, influencé par les théories libre échangistes, mais qui se soucie des intérêts
nationaux. C'est le caractère multilatéraliste du système qui a limité l'impact du libre échangisme, selon la doctrine.

L'on remarque que depuis que le multilatéralisme semble avoir rencontré ses limites avec l'échec des dernières
négociations, le recours plus fréquent aux traités plurilatéraux ou bilatéraux marque une avancée de la
doctrine libre échangiste par rapport à la doctrine mercantiliste.

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Il y a des éléments de discontinuité majeurs, l'architecture de l'OMC actuelle est propre à l'OMC.

B. Les faiblesses du GATT

La première tient au fait que le multilatéralisme d'origine a montré ses limites par le développement d'accords par des
accords latéraux et des accords à la carte. Ce sont des moyens de contournement des principes de négociations
multilatérales.

La seconde tient au fait que la réciprocité a été de plus en plus mise de côté ou écartée dans le fonctionnement du
GATT.

1) Le développement des accords à la carte et latéraux

Ces accords sont en fait des accords négociés en marge des négociations multilatérales qui sont de principe dans le
système GATT. Le problème de ces accords est qu'ils sont le terrain de manifestation des inégalités entre Etats.
Ces accords ne sont pas interdits. En fait, dans une certaine mesure, le système GATT a cherché à les
appréhender sous la forme d'exceptions aux accords multilatéraux, mais il n'a pas développée de théorie claire
du régime des exceptions. Ces accords marginaux ont pris de plus en plus d'importance au point de mettre en cause
la cohérence du système multilatéral.

Exemple : les accords multifibres sont des accords qui ont été demandés par des pays industrialisés et qui
autorisent des systèmes de quotas pour protéger les industries des pays développés face à l'ouverture progressive des
marchés aux exportations de textiles en provenance des pays en développement. Le fondement part du principe que
les produits textiles en provenance du sud était moins cher que ceux provenant du nord et étaient beaucoup plus
compétitifs sur le marché des pays développés. Pour protéger les industries textiles des pays du nord, on accorde par
le biais des accords multifibres des entorses à l'un des principes du GATT qui est l'abolition des contingentements.

Ces accords sont une exception admise, mais le problème est que ces accords vont être négociés
systématiquement par les pays développés disposant d'une industrie textile à protéger. Cela va présenter la
négociation d'accords bilatéraux de ce type comme une alternative acceptable au multilatéralisme comme moyen
d'échapper aux effets du multilatéralisme.

Sur le plan des principes, ces accords à la carte s'attaquent à un élément central du système GATT qui est l'idée
qu'on peut faire progresser la prospérité de chacun par le respect des principes du GATT, notamment de
l'absence de contingentement.

Ces accords ont également des conséquences au-delà des principes : l'efficacité même du système multilatéral du
GATT suppose que les Etats membres s'investissent dans les négociations multilatérales. De ces négociations
doit résulter un consensus, consensus qui permettra l'évolution, le développement des échanges commerciaux
mondiaux. Or, avec le développement des accords à la carte, on note des échecs de plus en plus importants des
négociations multilatérales. Les membres du GATT vont plutôt se rapprocher de leurs principaux partenaires
commerciaux en concluant avec eux ce genre d'accords latéraux. En multipliant ce genre d'accords, on finit par
priver d'effets une clause comme la clause de la NPF.

Exemple : le cycle de Tokyo dans les années 1980 a vu la conclusion d'une série de codes qui sont en fait des clauses
de conduite de nature plurilatérale, c'est-à-dire qui n'engagent que leurs pays signataires. Ces codes ont été
principalement conclus entre des pays membres de l'OCDE et leur ont permis de s'entendre sur des questions comme
l'ouverture des marchés publics ou encore les régimes applicables aux subventions étatiques, ou encore les normes
anti-dumping, mais aussi sur la régulation des marchés de la viande bovine, le secteur laitier, les aéronefs civils, etc.
Toute une série de segments qui ont fait l’objet de régulations plurilatérales et qui de fait, n’ont pas

!37
réellement avancé sur le plan des négociations multilatérales.

Ils ne bénéficient pas des règles du GATT et de leur extension aux Etats membres. On a un système fragilisant le
système du GATT. C'est une carence du GATT de 1947 qui a favorisé le déclin du multilatéralisme et aussi dans une
certaine mesure un développement de l'unilatéralisme : du fait de certains Etats économiquement puissants
d'imposer unilatéralement leurs propres choix commerciaux à leurs partenaires les plus faibles.

Ils ont ainsi développé plus facilement des politiques commerciales plus agressives, protectionnistes, voire
discriminatoires entre partenaires commerciaux, en échappant aux sanctions du GATT.

En doctrine, on explique que s'est développée en marge du multilatéralisme ce que certains auteurs appellent une
zone grise : arrangements entre certains Etats qui dérogent de façon importante au multilatéralisme.

2) Une absence croissante de réciprocité dans les engagements des parties au GATT

Le point de départ de cette évolution est un élément central du système GATT : la clause de la nation la plus
favorisée. Cette clause étend à tous les partenaires commerciaux au sein du GATT tout avantage consenti par une
partie à une autre partie au système.

Normalement, cette clause est d'application inconditionnelle, donc toutes les parties contractantes, par le seul fait
qu'elles sont parties contractantes, bénéficient automatiquement de toutes les mesures de libéralisation des échanges
négociés par l'importe quelle autre partie au système. Donc, si certaines parties acceptent des mesures de
libéralisation particulièrement poussées, tous les membres du GATT en bénéficient nécessairement, ceci sans
que chacun d'entre eux ne soit obligé d'accorder des concessions réciproques. En fait concrètement, quand une
partie au GATT offre des concessions supplémentaires, elle va les négocier en priorité avec ses propres partenaires
commerciaux principaux. Ce sont ces partenaires là qui vont réciproquement lui accorder des avantages,
contreparties. Une fois que la partie initiale et que ces partenaires commerciaux sont arrivés à un accord, l'ensemble
des membres du GATT va bénéficier du résultat de ces négociations, ceci sans avoir à proposer de contrepartie.

Ce système s'explique par la volonté d'encourager des échanges commerciaux avec les partenaires jusque là
marginaux. Ce système n'est possible que parce que la clause de la nation la plus favorisée est d'application
inconditionnelle. Les discriminations entre partenaires commerciaux sont de ce fait interdites.

Ce système a été perverti. Assez rapidement, dans le cadre du fonctionnement du GATT de 1947 est apparu une effet
pervers : un phénomène appelé des "free riders". Ce sont des membres du GATT qui vont faire un système du
fait de bénéficier de négociations menées par d'autres sans jamais donner de moindres avantages de leur côté :
des membres passifs, qui ne participent pas aux négociations, mais en récoltent les fruits une fois que ça a
marché.

En 1994, on était à plus de 100 membres. Ceux des nouveaux membres qui se sont comportés en free riders non
seulement ont bénéficié de l'ensemble des acquis du GATT lors de leur adhésion, mais en plus, ce sont abstenus de
participer aux négociations multilatérales de façon active. Ils n'ont jamais offert de concessions équivalentes. Cela
devient une menace pour le multilatéralisme.

Au départ, quand on s'est rendus compte de ce problème, on a dit que c'était rattrapable et on estimait que si
certains Etats ne participaient pas activement aux négociations, cela pouvait être lié à une phase de leur
développement économique qui peut les empêcher de participer activement aux négociations. Mais au fil des
années, on s'est aperçus que beaucoup d'Etats ne procédaient pas à un rattrapage, ne profitaient pas de l'amélioration
progressive de leur situation économique, le cas échéant, pour participer plus activement aux négociations. Des Etats
s'installaient dans cette position de free rider. Ils profitaient sans jamais participer aux négociations. Cela fige le
déséquilibre entre les parties commerciales, cela détourne le sens du multilatéralisme.

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Le problème est que cette situation a été de plus en plus souvent analysée comme une manière pour ces Etats
free riders de profiter des obligations de plus en plus lourdes et contraignantes assumées par les Etats et les
territoires douaniers les plus actifs et les plus puissants économiquement, sans pour autant se livrer à la
moindre concession commerciale. A la fin des années 1980, la proportion était arrivée à 1/3 de parties actives, et
2/3 de parties inactives. Cela a été une des raisons pour lesquelles une renégociation du GATT a été proposée pour
aboutir aux accords de Marrakech de 1994 sur l'OMC qui tente de capitaliser sur les points forts du GATT tout en
évitant ses faiblesses.

§3. L'OMC

A. Les caractéristiques de l'OMC

On peut les synthétiser autour de 4 éléments. Certains reprennent les caractéristiques du GATT, d'autres s'en
éloignent. L'OMC est une véritable organisation internationale à vocation économique. Puis, l'OMC adopte des
règles de fonctionnement beaucoup plus contraignantes que celles du GATT. Ensuite, l'OMC impose des obligations
accrues à ses membres. Enfin, l'OMC malgré tout présente des faiblesses persistantes sur le plan institutionnel et
fonctionnel.

1) Une véritable organisation internationale dotée de la personnalité juridique internationale

C'est clairement un point de rupture avec la situation antérieure. Contrairement au GATT de 1947 qui n'était qu'un
accord sur les tarifs douaniers et le commerce, les accords de Marrakech de 1994 sont un véritable traité
international à part entière. C'est la nature même des accords qui est différente. Le GATT de 1947 était un simple
accord international en forme simplifiée. Cela donne à l'OMC un fondement beaucoup plus solide dans son effort
d'organisation des échanges commerciaux multilatéraux.

Ce traité international a été signé par 123 pays à l'origine, c'est une différence avec le GATT de 1947. Ce
nombre de signataires a augmenté depuis : au 30 novembre 2015, on est 162 membres signataires des accords de
Marrakech et 22 pays bénéficient du statut d'observateur. Selon les accords de Marrakech, les pays bénéficiant du
statut d'observateur sont tenus d'engager des négociations pour l'accession à l'OMC dans les 5 ans qui suivent
l'obtention du statut d'observateur. Une seule exception : le Saint Siège (Vatican) qui possède le statut d'observateur
permanent.

Avec les 162 membres actuels, l'OMC régit dores et déjà plus de 98% du commerce mondial. Les membres de
l'OMC comme pour le GATT de 1947 peuvent être soit des Etats, soit des territoires douaniers autonomes. Cela
recouvre ainsi l'Union Européenne, Hong Kong, Taïwan, l'autorité palestinienne.

L'OMC, contrairement au GATT de 1947, dispose d'une structure institutionnelle efficace. L'efficacité tient en
grande partie à la reconnaissance de la personnalité juridique internationale. C'est un point qui avait été très
problématique pour le GATT de 1947, qui ne bénéficiait pas de cette personnalité juridique d'emblée ; ce n'est
qu'avec la pratique, dans les effets concrets, qu'on lui a reconnu cette personnalité juridique.

L'organisation est plutôt classique pour une organisation internationale : on a une structure tripartite composée :

- D'une conférence interministérielle qui occupe le sommet de la hiérarchie, c'est elle qui prend les décisions
pour l'OMC. Elle se réunit deux fois par an et y siègent tous les membres de l'OMC.

- D'un conseil général, organe permanent de l'OMC. Vont y siéger des représentants de tous les membres et

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en fait, la fonction de ce conseil général est d'exercer les fonctions de la conférence ministérielle pendant les
intersessions et de surveiller l'activité des conseils chargés d'administrer les accords commerciaux
multilatéraux conclus dans le cadre de l'OMC. Ce sont des conseils décentralisés, c'est l'un des éléments qui
assure l'efficacité de l'organisation. La méfiance règne entre les membres de l'OMC, donc chacun est
représenté dans les deux institutions.

- D'un secrétariat, dirigé par un directeur général nommé pour 4 ans. Il va se charger de tout ce qui concerne
le fonctionnement administratif de l'OMC. Le directeur général actuel, nommé en 2013 est un brésilien,
Roberto Azevêdo qui a succédé à un français, Pascal Lamy. Les candidats sont présentés par les
gouvernements des Etats membres, leur nombre est limité (ex : 9 en 2013). La désignation du directeur
général se fait par consensus.

Cette structure institutionnelle est un avantage par rapport au GATT, est beaucoup plus visible et efficace que ce qui
avait été mis en place dans le GATT de 1947.

2) Les règles de fonctionnement plus contraignantes

Les règles de fonctionnement de l'OMC doivent être comparées avec celles du GATT. Elles s'en inspirent mais en y
apportant un certain nombre de correctifs.

Sont similaires au GATT de 1947 le fait que les décisions au sein de l'OMC doivent être prises normalement à la
majorité simple et le fait qu'avant d'être soumises au vote, les solutions doivent faire l'objet d'un consensus
(article 9 de accord instituant l'OMC). Dans certains cas, des majorités qualifiées sont prévues pour la prise de
décision.

Exemple : à l'article 9 alinéa 2 de l'accord instituant l'OMC : une majorité qualifiée des 3/4 est exigée pour
l'adoption des interprétations officielles des accords de Marrakech. Cela couvre les accords eux-mêmes et ceux
conclus sous l'égide de l'OMC.

La majorité qualifiée est plus difficile à atteindre, on a choisi de l'exiger afin que ces interprétations soient mieux
respectées. La recherche de consensus ne suffit pas.

Exemple : à l'article 9 alinéa 3 : une majorité qualifiée des 3/4 est exigée sauf exceptions pour accorder à un membre
une dérogation à l'une de ses obligations découlant soit de l'accord OMC lui-même, soit des accords multilatéraux
conclus sous l'égide de l'OMC.

Il y a une nette continuité entre l'OMC et le GATT de 1947, mais l'OMC cherche à résoudre certains problèmes qui
avaient gêné le bon fonctionnement du GATT de 1947. Cependant, le fait qu'on introduise dans certains cas
l'exigence d'une majorité qualifiée peut être interprété comme un affaiblissement du principe de l'égalité
formelle entre les membres de l'OMC. Mais, on voit que le principe d'égalité entre les membres connait en fait une
autre entorse qui est en fait une entorse de nature politique : la clause de non application. C'est une clause qui est
prévue pour permettre à un membre de refuser pour des raisons politiques d'établir des relations
commerciales normales avec un autre membre de l'OMC. Le principe de réciprocité devrait interdire ce type de
comportement, mais il est évident qu'un examen même rapide des relations diplomatiques entre Etats révèle des
frictions. Cette clause est la matérialisation de l'état des relations diplomatiques entre les Etats dans le monde.
C'est une clause qui reprend une exception quant au GATT de 1947.

Exemple : l'Afrique du Sud, du temps où elle mettait en place le régime d'apartheid, se voyait subir un boycott de la
part des membres de l'OMC. L'Israël fait l'objet d'un boycott de la part des pays arabes.

On a une formalisation d'un principe qui n'a rien de nouveau et continue de s'appliquer aujourd'hui.

!40
Contrairement au GATT de 1947, l'OMC s'est vu reconnaitre par les accords de Marrakech un pouvoir d'auto-
interprétation : il s'agit de la capacité pour une organisation internationale d'interpréter l'accord international
qui l'a créée ainsi que ses développements. L'OMC a donc le pouvoir d'interpréter de façon autonome les accords
de Marrakech et les accords multilatéraux conclus sous l'égide de l'OMC. Ce pouvoir est exclusif, c'est un élément
important. Cela signifie que les membres de l'OMC ne peuvent pas proposer d'interprétation concurrente ou
contraire à l'interprétation proposée par l'OMC. Il y a une autonomie de l'interprétation par l'OMC. C'est un
élément qui renforce la solidité de l'organisation de manière considérable. Comme ces interprétations sont
multilatérales dans la mesure où elles sont élaborées par les organes centraux de l'OMC et contraignantes pour les
membres, elles assurent la cohérence du système multilatéral mis en place en 1994. Cependant, ce pouvoir d'auto-
interprétation connait des limites qui sont précisées dans un rapport émanant de l'organe d'appel de l'OMC qui a
été rendu le 26 novembre 2008 sur l'affaire Communauté européenne, régime applicable à l'importation, à la
vente et à la distribution de bananes, rapport dans lequel on retrouve dans le §383 : "ces interprétations
multilatérales sont censées préciser le sens des obligations existantes et non en modifier la teneur."

Du fonctionnement du GATT de 1947, l'OMC garde les règles applicables à l'adhésion d'une part et au retrait
d'autre part des membres.

Pour la procédure d'admission des membres, c'est une procédure foncièrement contractualisée et conditionnelle.
Il ne suffit pas de se porter candidat à l'adhésion pour que l'adhésion intervienne automatiquement, il faut obtenir un
accord actuel des membres de l'OMC, accord obtenu au fil de négociations parfois longues. Ces négociations
sont largement axées sur des questions de fonctionnement de l'économie et d'ouverture de l'économie du candidat, à
la fois aux entreprises et aux capitaux étrangers. A côté de ce bloc central des négociations, on a des éléments plus
politiques.

Exemple : Il a fallu 7 ans pour négocier l'entrée de la Chine en 2001, et 18 ans pour négocier l'entrée de la Russie en
2012. Dans les deux cas, les ralentissements de la procédure ont été due à des ... économiques et aussi politiques.
Pour la Russie, cela a été dû au conflit territorial qui l'opposait à la Géorgie.

Du fait de ce caractère contractualisé et conditionnel, les négociations sont longues et entrainent des concessions
importantes ou des gages de la part du candidat.

C'est la même chose concernant le retrait des membres. Pour le GATT de 1947, le retrait est libre et c'est la même
chose pour l'OMC.

A côté de cela, l'OMC cherche à répondre à des critiques importantes formulées à l'encontre du GATT en 1947, en
particulier la critique majeure : la pratique des accords à la carte. C'est une pratique qui consiste à échapper à la
multilatéralisation en concluant des accords concernant certains domaines (ex : accords multi-fibres). Quand ils se
sont multipliés, ils ont fragilisé le fondement du GATT, celui du multilatéralisme. L'OMC a cherché à répondre à
cette critique en verrouillant le système pour éviter ce type de dérives grâce à la combinaisons de 3 règles propres à
l'OMC :

1. Les accords de Marrakech sont conçus comme un engagement global pour les membres de l'OMC : un
tout cohérent auquel les adhérents à l'OMC ne peuvent pas apporter de réserve.

2. Les accords multilatéraux conclus sous l'égide de l'OMC s'imposent également de façon globale aux
membres de l'OMC. Ces accords sont conçus comme un ensemble indissociable d'accords dont on ne peut
séparer une partie. C'est un tout cohérent qui va s'imposer à tous les membres de l'OMC.

=> On peut dire que les accords de Marrakech ainsi que tous les accords multilatéraux forment un véritable
régime juridique global du commerce international multilatéral.

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3. S'impose aux nouveaux membres de l'OMC une obligation de rattrapage qui les oblige à progressivement
atteindre le niveau de libéralisation des échanges acquis entre les autres membres de l'OMC. Cela découle de
l'article 14 alinéa 2.

La combinaison de ces trois éléments renforce le caractère multilatéral du système et écarte en principe la
pratique des accords à la carte. Cela ne signifie pas pour autant que le système devient rigide, il y a toujours une
dérogation possible (waivers) : ces dérogations sont admises dans le système de l'OMC de même qu'elles l'étaient
dans le GATT de 1947. Il s'agit de permettre à un Etat membre d'obtenir la suspension à son égard de
l'application de certaines obligations telles qu'elles découlent des accords de Marrakech ou des accords
multilatéraux.

Cette possibilité est encadrée par les règles posées à l'article 14 et à l'article 9 alinéas 3 et 4. Un membre de l'OMC
ne peut demander de dérogation que dans des circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée. La dérogation
sera obtenue pour 1 an, renouvelable aux mêmes conditions. Le problème sera d'apprécier la nature des
circonstances exceptionnelles et en pratique, ces circonstances sont appréciées au cas par cas. L'organe d'appel
de l'OMC a précisé dans son rapport du 26 novembre 2008 au §382 "les dérogations ont un caractère exceptionnel,
sont soumises à des disciplines strictes et devraient être interprétées avec beaucoup de précaution."

L'une de ces dérogations particulièrement importante en pratique par sa portée politique et les problèmes juridiques
qu'elle a soulevé concerne les brevets déposés concernant certains produits pharmaceutiques. Il s'agit d'une
dérogation qui a été demandée par certains Etats pour déroger aux obligations découlant pour eux de leur adhésion
aux ADPIC (aspects de droit de propriété intellectuelle touchant au commerce) qui imposent à tous les membres de
l'OMC le respect des brevets déposés sur les produits pharmaceutiques. Des membres ont évoqué le fait qu’ils
pouvaient avoir des dérogations en invoquant des motivations liées à la santé publique. En pratique, il s'agissait de
médicaments luttant contre le SIDA. Cela impliquait selon les Etats la possibilité de copier des molécules qui
n'auraient pas dû être copiées sans le paiement de droits liés à la propriété intellectuelle.

La question a été réglée par l'acceptation d'une dérogation pour une durée d'un an, accordée le 30 août 2003
(déclaration de Doha). La dérogation a été redemandée et réaccordée une nouvelle fois. La procédure s'est produite
d'années en années jusqu'à ce que le conseil général de l'OMC décide de la rendre permanente fin 2005. Pour rendre
une telle dérogation permanente, on sort du cadre des accords de l'OMC qui ne prévoient que des dérogations
temporaires et renouvelables. Cela implique qu'il faille amender les règles applicables, en l'occurrence les ADPIC.
Il faut une majorité des 3/4 est demandée, mais à ce jour, seuls 56 Etats ont accepté l'amendement, donc il n'est pas
adopté. On en est donc toujours au renouvellement annuel.

Par anticipation sur l'amendement en question, un petit nombre d'Etats et de territoires douaniers ont déjà
modifiée leurs législations nationales pour assouplir les règles de propriété intellectuelle concernant ce
domaine-là. L'UE en fait partie, mais pas les USA.

3) Des exigences accrues à l'égard des membres

En fait, sous cet angle-là, la seule chose qui ne change pas entre le GATT de 1947 et l'OMC est la logique qui
préside au fonctionnement du commerce multilatéral. En revanche, pour la mise en oeuvre, tout change.

Le GATT de 1947 se caractérisait par son extrême souplesse : il reposait sur la bonne volonté des membres, qui
restaient libres d'adapter à leur rythme leur législation nationale pour intégrer des obligations découlant du GATT de
1947. Pour certains membres du GATT, le rythme était lent, ce qui entrainait des disparités fâcheuses.

L'OMC a pris l'article 16 al.4 qui dispose que "chaque membre assurera la conformité de ses lois, règlementations
et procédures administratives avec ses obligations telles qu'elles sont énoncées dans les accords figurant en annexe."
Tous les membres de l'OMC doivent impérativement mettre leurs ordres juridiques internes en conformité

!42
avec leurs obligations découlant de l'OMC.

Cela ne résout pas entièrement le problème : il y a encore à l'heure actuelle des discussions quant au sens exact à
donner à cette disposition, en particulier le rythme de mise en oeuvre de cette adéquation reste variable. La mise en
conformité est variable. Les membres du GATT n'étaient soumis à leurs obligations internationales que sous réserve
de la législation existante. Là, la présomption est inversée.

C'est un élément central et de fait, contraignant. Il emporte des contraintes pour les Etats du fait du mécanisme de
règlement des différends établi dans le cadre de l'OMC. Cette obligation est ainsi reprise d'une part dans le
Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends et d'autre part, dans
les rapports rendus par l'organe d'appel qui très régulièrement rappelle aux membres de l'OMC cette obligation.

Rapport du 26 novembre 2002 Communauté européenne - désignation commerciale des sardines, §213. Il s'agit
d'une "obligation claire pour tous les membres de l'OMC d'assurer la conformité de leurs lois, réglementations et
procédures administratives existantes avec les obligations énoncées dans les accords visés."

S'ajoute à cette règle fondamentale un certain nombre de conditions spécifiques concernant les réglementations
douanières que les membres de l'OMC appliquent à leurs frontières. Cette question-là est réglée à l'article 10
des accords instituant l'OMC, alinéa 1er, 3 a) et b). Cet article explique que les membres doivent respecter 4
obligations concernant leurs réglementations douanières :

- Ils doivent les publier et porter cette publication à la connaissance de leurs partenaires commerciaux ;

- Ils doivent les appliquer de façon uniforme, impartiale et raisonnable ;

- Ils doivent également contrôler cette application dans un délai raisonnable par le truchement d'autorités
juridictionnelles indépendantes ;

- Si ces membres sont condamnés pour la non conformité de leur réglementation douanière à leurs obligations
internationales, ils doivent changer ces réglementations dans un délai raisonnable.

C'est un principe de sécurité juridique. Cela passe par le secrétariat de l'OMC. C'est un élément de publicité pour
lequel l'OMC figure l'intermédiaire.

Malgré tous les efforts, l'OMC présente toujours des faiblesses persistantes.

4) Des faiblesses persistantes

L'OMC a voulu tirer des leçons des faiblesses du GATT de 1947 et rencontre ses propres limites, limites liées à la
volonté des membres de préserver leurs prérogatives et de protéger leurs intérêts en limitant la portée de
l'intervention de l'OMC.

En fait, on peut replacer cette situation dans le cadre de l'opposition entre la perspective mercantiliste et la
perspective libre-échangiste. L'OMC, comme le GATT de 1947, représente une tentative de concilier ces deux
principes : c'est un libre échangisme modéré par des éléments mercantilistes. Les Etats en particulier continuent
souvent à raisonner dans une perspective qui privilégie leurs intérêts. Dans cette perspectives, certains trouvent que
l'OMC ne suffit pas à protéger leurs intérêts propres, qu'elle est trop libre échangiste. Certains Etats cherchent
à contourner les principes de l'OMC, ce qui affaiblit le fonctionnement de cette dernière. Ils vont utiliser des
caractéristiques de l'OMC.

La première faiblesse de l'OMC apparait surtout quand on compare l'OMC à d'autres organisations internationales
d'importance équivalente. Elle tient au fait que l'OMC ne peut pas exercer ses compétences et remplir ses

!43
missions par le biais d'actes unilatéraux obligatoires qu'on pourrait qualifier d'externes dans la perspective du
droit international général. Il n'y a pas de droit dérivé de l'OMC. Toute son action passe par la voie diplomatique,
soit par la négociation d'accords multilatéraux, soit dans le cadre du règlement des litiges, qui présente des aspects
diplomatiques très importantes. L'OMC ne crée pas de droit, elle facilite la création de normes par ses membres.
Cette caractéristique centrale assure le contrôle des membres de l'OMC sur l'activité de l'organisation. C'est un
moyen qui peut orienter ou freiner l'OMC.

La seconde faiblesse concerne des questions récurrentes qui se posent concernant l'effet direct des normes. De
l'applicabilité directe des règles de l'OMC dans l'OJ de ses membres découle la portée réelle de ses règles : s'il
y a applicabilité directe, cela donne aux règles de l'OMC une sorte d'effet de levier car cela leur permettra de
déclencher ou d'encourager l'évolution des droits des parties du système OMC. En effet, si ce sont des accords
internationaux sans effet direct, leur mise en oeuvre peut être retardée par des membres pour des raisons de
politique interne. Cela peut entrainer des délais importants dans l'entrée en pratique, la mise en oeuvre de l'OMC.
S'il y a effet direct, le contenu des accords devient directement invocable devant les tribunaux et cela réduit
beaucoup les délais de mise en oeuvre. L'enjeu est important pour l'efficacité rapide des accords de l'OMC.

Le problème est que les accords de Marrakech sont muets en la matière. Plusieurs possibilités : on aurait pu
imaginer transposer au droit de l'OMC la solution applicable au GATT de 1947 (aucun effet direct), des évidences
pouvaient justifier cette solution. Pour le GATT de 1947, on estimait que c'était une source suffisamment précise
pour être directement invocable en justice, on estimait que ces accords ne prévoyaient pas d'obligations de faire ou de
ne pas faire qui soient de nature inconditionnelle et enfin, on relevait l'absence de levier du GATT de 1947 sur les
droits des membres du système. Ces critères conduisant à rejeter l'effet direct peuvent être invoqués à l'encontre du
droit de l'OMC, à plusieurs exceptions : le droit de l'OMC est plus précis dans son contenu que ne l'était le GATT de
1947. Cependant, cette application sans discussion de la solution applicable au GATT de 1947 a été écartée.

On estime en effet que justement, le droit de l'OMC est beaucoup plus détaillé et que d'un point de vue
technique, rien n'empêche un juge de l'appliquer directement sans avoir besoin de transposition. Donc, les
arguments invoqués à l'encontre de l'effet direct du système du GATT de 1947 n'a pas été retenu.

Cependant, comme les accords de Marrakech ne prévoient rien, la reconnaissance de l'effet direct au droit de
l'OMC dépend de la bonne volonté des Etats. Or, une part non négligeable des membres de l'OMC, en particulier
les Etats, est récalcitrante face à l'application des règles de l'OMC. C'est particulièrement vrai pour les puissances
économiques. Même l'Union européenne en la matière a une position nuancée mais pas favorable à l'effet direct. En
fait, quand on examine le raisonnement développé par l'UE, c'est intéressant car elle argumente beaucoup plus que
certaines autres parties à l'OMC. Elle a développé un raisonnement en termes de principes de d'exceptions. Elle
explique qu'en principe, il faut rejeter le principe de l'effet direct parce que le droit de l'OMC n'a pas d'effet
inconditionnel. De ce fait, cela interdirait son invocabilité directe en justice. L'UE va se référer au mécanisme de
règlement des différends et expliquer que ce mécanisme fait une large place aux solutions négociées. Donc, si ces
solutions sont si souvent négociées, c'est que le droit de l'OMC est négociable et donc pas d'application
inconditionnelle. La CJUE s'est prononcée sur ce point contre l'avis de son avocat général : arrêt Portugal c/
Conseil, 23 novembre 1999. Elle dit que le processus d'interprétation du droit de l'OMC est trop diplomatique pour
bénéficier de l'effet direct. L'argument étant bancal, la CJUE ajoute un argument supplémentaire : la plupart de ses
partenaires commerciaux principaux au sein de l'OMC ne reconnaissent pas l'effet direct, et de ce fait, si l'UE
reconnaissait l'effet direct, cela violerait le principe de réciprocité dans ses relations avec ses partenaires puisqu'on
pourrait contester différemment l'applicabilité des règles de l'OMC selon l'Etat dans lequel on se trouve (UE/hors
UE). Malgré ce caractère discutable, l'UE s'y tient, la CJ a confirmé cette solution contre l'avis de son avocat général
dans des solutions ultérieures : CJUE, grande chambre, Léon Van Parys, 1er mars 2005.

Malgré tout, cette solution de rejet de l'effet direct connait des exceptions. Elles reprennent des solutions
dégagées concernant le système GATT et reprises par l'OMC.

- L'une concerne les situations dans lesquelles la règle de l'OMC qui a été violée est reprise dans un acte
européen : dans ce cas, la cour accepte la reconnaissance de l'effet direct du fait que cela ait été repris par un

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acte européen; cela couvre l'origine de la règle : arrêt CJCE du 22 juin 1989 Fediol c/ Commission. La
spécificité du droit de l'OMC continue d'être niée par la CJ puisqu'il n'y a pas de spécificité reconnue au droit
de l'OMC.

- La seconde exception est quand un acte communautaire renvoie expressément à des dispositions du droit du
GATT de 1947 ou de l'OMC : si les institutions européennes renvoient directement à cette règle, c'est qu'elle
est suffisamment précise pour être directement applicable : arrêt CJCE, Nakajima c/ Conseil de 1991.

B. Les fonctions de l'OMC

Il y a deux fonctions principales. La première consiste à fournir aux membres un encadrement de leurs négociations
bilatérales en matière commerciale. L'OMC dispose d'un monopole là-dessus. La seconde consiste à fournir un cadre
institutionnel au développement du commerce international.

1) Un monopole sur les négociations bilatérales en matière commerciale

On pense aux grands principes de négociation, mais les fonctions de l'OMC vont plus loin dans la mesure où son but
est de rationnaliser les relations commerciales entre ses membres. Des relations commerciales rationnalisées se
généraliseront plus facilement et deviendront de plus en plus aisées, faciles. Donc, si l'OMC ne peut pas interdire à
deux Etats ou à des territoires douaniers autonomes de mener des négociations commerciales directement, elle vise
pourtant à encadrer les relations qui s'établissent entre ses membres. Elle cherche à faire en sorte que de plus en
plus de négociations bilatérales se déroulent sous son égide en respectant les principes qu'elle pose. Cet objectif va se
traduire par une organisation en deux étages.

D'abord, à l'article 3 al.2 1ère phrase de l'accord instituant l'OMC, l'organisation se voit reconnaitre un
monopole sur les relations des négociations multilatérales concernant tous les domaines visés par les accords.
Tous les domaines visés par l'OMC et les accords annexés rentrent dans le champ de ce monopole : cela vise les
accords sur les marchandises, les services, la propriété intellectuelle.

A compter de 1994, toutes les négociations touchant ces domaines doivent être menées dans le cadre et sous l'égide
de l'OMC. Cette première disposition a pour ambition de faire de l'OMC l'axe central des relations commerciales
entre ses membres et à termes par ricochet dans le monde entier.

Ensuite, l'OMC est présentée comme une enceinte possible et souhaitable pour d'autres négociations non
multilatérales : pluri ou bilatérales entre ses membres au sujet de leurs relations commerciales. Ici, l'objectif est de
faire de l'OMC un cadre de raisonnement pour toutes les relations commerciales en anticipant sur de possibles
élargissements du champ d'application des accords de Marrakech. Il faut se reporter à l'article 3 al.2 2nde phrase
qui prévoit cela.

Il faut se reporter aux commentaires officiels pour comprendre la mesure de la portée de cette phrase : le fait de faire
de l'OMC une enceinte de négociations au-delà des accords multilatéraux doit avoir un effet harmonisateur sur la
croissance du commerce international, d'abord sur le plan des principes applicables, ensuite sur le plan des
règles techniques applicables aux négociations. Il s'agit de faire bénéficier ces négociations non multilatérales, de
l'effet protecteur des principes du système OMC. Exemple : principe de non discrimination, de sécurité juridique, de
transparence, etc.

Dans les faits, on sait que cette ambition n'est pas nécessairement réalisée. En effet, au cours des dernières années
(dernière décennie), on sait que plusieurs négociations commerciales bilatérales ou plurilatérales ont été lancées et se
sont développées en marge de l'OMC sous l'impulsion de grandes puissances commerciales telles par exemple les
USA.

!45
La deuxième fonction de l'OMC telle que posée par les accords de Marrakech est de fournir un cadre
institutionnel pour le commerce international.

2) Un cadre institutionnel pour le commerce international

L'ambition de ce deuxième objectif est de tirer les conséquences des problèmes rencontrés dans le GATT de 1947.
De ce fait, d'emblée, dès son article 2 al.1er, l'accord établissant l'OMC pose que "l'OMC servira de cadre
institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre ses membres." C'est un cadre qui jusque là
n'existait pas.

Il faut cependant remarquer d'emblée que l'unité ne signifie pas unicité du cadre institutionnel : on cherche à créer
un cadre institutionnel commun, mais cela ne signifie pas que le même régime s'appliquera à tous. Le cadre reconnait
une certaine diversité préservée en la matière. Ainsi, on trouve à l'article 2 al. 2 et 3 des éléments de diversification
qui permettent de reconnaitre deux niveaux dans le système OMC.

D'abord, le niveau des accords multilatéraux qu'on appelle accords et instruments juridiques multilatéraux qui
présente pour spécificité d'être applicable de façon absolue, indiscutable, contraignante pour tous ses membres. Ce
1er niveau bénéficie donc d'une application complète et systématique, c'est l'élément qui lie entre eux tous les
membres de l'OMC.

Ensuite, le 2nd niveau concerne une série d'accords et instruments connexes qui ne seront applicables qu'à une
partie des membres de l'OMC. Ce sont des accords plurilatéraux qui ne sont que partiellement intégrés au système
et qui donc seront contraignants, mais seulement pour les membres qui y ont adhéré et qui ne créeront de droits et
obligations que pour ces membres-là. Ces accords sont parfois appelés accords latéraux. Ces accords découlent en
fait d'une pratique qui était apparue dans le système GATT de 1947 lors du cycle de Tokyo. Ces accords du temps
du GATT avaient servi de révélateur de pleine puissance du GATT. La pratique avait été reconnue et intégrée dans le
cadre de l'OMC, mais sous une forme beaucoup plus encadrée. Ainsi, la où du temps du GATT de 1947, il n'y avait
que 4 accords latéraux sur les aéronefs civils, les marchés publics, le secteur laitier et sur la viande bovine, il
n'y en a plus aujourd'hui dans le cadre de l'OMC que deux : sur les aéronefs civils et sur les marchés publics. Les
abrogations des deux autres accords ne sont pas intervenues directement, il a fallu attendre 1997 et il a fallu des
négociations entre les membres de ces accords pour qu'ils acceptent d'intégrer ces matières-là dans les accords
plurilatéraux.

Le rôle de l'OMC comme institution est avant tout de faciliter la gestion du système. Cela signifie qu'elle va
administrer les accords, superviser leur fonctionnement et leur mise en oeuvre. Leur réglementation joue un rôle
d'appui institutionnel. C'est l'une des missions du conseil général qui va créer et surveiller des conseils spécialisés
qui réalisent ce travail technique de suivi pour chacun des accords conclus dans le cadre du système OMC. Ces
conseils spécialisés sont hiérarchiquement subordonnés au conseil général de l'OMC. C'est un système qui
bénéficient d'un degré de souplesse suffisant et d'une bonne efficacité.

Au-delà de cette organisation qui permet de surveiller le fonctionnement des différents accords conclus sous
l'égide de l'OMC, la mission de gestion du système commercial international va plus loin encore. Vont
intervenir le conseil général et la conférence ministérielle parce qu'au-delà des règles de fonctionnement
normales de chaque accord multilatéraux/plurilatéraux, vont se poser toute une série de problèmes liés à la
manière dont les membres de l'OMC se situent ou se comportent dans le cadre de leurs obligations au titre de
l'OMC.

Il y aura des problèmes liés à l'interprétation des obligations des membres, au fait de savoir si on accordera des
dérogations aux membres qui le demandent, recourir à des régimes d'exceptions (ils ont pour objectif d'assouplir
considérablement le système OMC), accepter la création d'une nouvelle intégration économique générale...

!46
Sur toutes ces questions transversales, ce seront tantôt le conseil général, tant la conférence ministérielle qui devront
se prononcer. Sur un plan institutionnel, les institutions de l'OMC vont être sollicités en cas de désaccord entre les
membres. Dans ce cas là, les accords de Marrakech ont prévu un mécanisme spécifique : le mécanisme de
règlement des différends.

De la même manière, les instances centrales de l'OMC vont aussi remplir une mission de surveillance des
politiques commerciales des membres de l'OMC. Cette mission sera institutionnalisée par l'intermédiaire d'un
mécanisme d'examen des politiques commerciales (MEPC) : c'est un mécanisme qui a été établi au départ à titre
d'essai dans le cadre du GATT de 1947 pour combler les lacunes, en 1988. Il s'agissait à l'origine de créer un espace
de dialogue entre les membres du GATT pour prévenir l'apparition de différends en discutant en amont des
évolutions des politiques commerciales des membres. Si les membres voulaient faire évoluer leur politique
commerciale, ils devaient discuter préalablement. Ce mécanisme a fonctionné de façon satisfaisante pour qu'il soit
intégré ans les négociations des accords de Marrakech. Ils formalise une évaluation des politiques commerciales
des membres de l'OMC. C'est un mécanisme de surveillance multilatérale des politiques commerciales des membres.
Son objectif est de vérifier régulièrement que les membres de l'OMC mettent en oeuvre leurs obligations en
vérifiant l'impact de leur politique commerciale au sens large sur leurs échanges commerciaux avec leurs
partenaires. Il a trois spécificités :

- Il est institutionnalisé, la surveillance est exercée par l'organe d'examen des politiques commerciales qui est
le conseil général avec un président différent.

- La périodicité des contrôles varie selon les membres : les membres de l'OMC sont classés en fonction de
degré de risques qu'ils présentent au regard de leur politique commerciale. Une première catégorie est
contrôlée tous les deux ans : ce sont les 4 principales puissances commerciales au sein de l'OMC, c'est-à-dire
les Etats Unis, l'Union européenne, le Canada et le Japon. La seconde catégorie renferme les 16 entités les
plus importantes après la 1ère catégorie qui sont contrôlées tous les 4 ans. La troisième catégorie recouvre la
majorité des membres et est contrôlée tous les 10 ans. La quatrième catégorie concerne les économies les
moins avancées au sein de l'OMC, le rythme de contrôle peut être encore plus rare, mais la décision est prise
au cas par cas. Ce sont les puissances commerciales les plus importantes qui risquent le plus de jouer sur leur
politique commerciale pour faire avancer leurs intérêts au détriment des autres. On les contrôle plus souvent
car si elles modifient, l'effet de levier sera plus important et la menace plus importante pour le respect des
principes de l'OMC.

- L'organe d'examen des politiques commerciales établie des rapports au terme de ces examens
périodiques, ces rapports sont transmis à la conférence ministérielle, organe plénier de l'OMC, qui doit les
adopter, mais ces rapports ne formule que des descriptions et observations, mais pas de recommandations.
C'est lié au respect des politiques menées par les membres. L'OMC ne se présente pas comme une institution
supérieure aux membres. Le fait de décrire la situation est suffisant, c'est la logique "naming and shaming".

L'unité de régime des relations commerciales internationales qui découle de l'activité de l'OMC et de ses principes
communs n'empêche pas une grande diversité et même inégalité des instruments juridiques en cause. En fait, on
peut représenter ces instruments juridiques sous forme de pyramide :

Accord établissant l'OMC

Point de rattachement de l'ensemble du système. Il est au sommet, cela entraine pour conséquence qu'en cas de
conflit entre les dispositions de cet accord et les dispositions d'un autre accord, ce sont les dispositions de l'accord
établissant l'OMC qui l'emporteront. Il y a un rapport hiérarchique entre l'accord de l'OMC et les autres accords. -
Article 16 al.3 de l'accord instituant l'OMC.

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Accord général sur les échanges et les droits de douane (GATT, 1994)

Il reprend le GATT de 1947. On ne se situe pas tout à fait dans un cadre hiérarchique. On est dans un rapport de
principes et d'exceptions. On applique l'adage selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale, au bénéfice
du GATT. Le GATT l'emportera avec une spécificité des rapports GATT/accords multilatéraux et plurilatéraux
figurant dans le système.

Accords multilatéraux et plurilatéraux

Section 2. L'organisation de l'élément clé de fonctionnement de l'OMC : le mécanisme de règlement des


différends.

Ce mécanisme connait un certain nombre de précédents dans le système GATT de 1947. Certains apports sont
positifs, d'autres négatifs (§1). Ensuite, on verra le mécanisme (§2).

§1. Les apports de l'expérience du GATT

Le GATT de 1947 avait pour la première fois mis en place une procédure destinée à régler les différends entre
adhérents au système. C'était un mécanisme original, non contentieux dans son principe, mais qui a petit à petit perdu
son efficacité.

A. Un mécanisme original de règlement des différends

Il était prévu aux article XXII et XXIII du GATT de 1947 et avait deux caractéristiques : c'était un mécanisme
interne au système du GATT et non contentieux.

1) Un mécanisme interne au GATT de 1947

Il s'agit d'une ambition du GATT de 1947 qui sera reprise ensuite par l'OMC. L'idée est de faire en sorte que tous les
litiges qui peuvent surgir entre les parties au GATT de 1947 concernant la mise en oeuvre de cet accord (au sens
large) doivent pouvoir être réglés au sein du GATT lui-même, sans avoir recours à l'arbitrage ou à d'autres
mécanismes extérieurs au GATT.

Une telle solution de résoudre les problèmes en interne n'allait pas de soi. En fait, dans le cadre de la négociation de
la Charte de La Havane qui aurait pu déboucher sur une OIC, on avait prévu la possibilité de recourir à l'arbitrage.
Le fait que le GATT ait choisi de résoudre les problèmes en interne est un pari sur les capacités d'autorégulation des
parties à l'accord, sur leur capacité à coopérer pour résoudre les problèmes.

Ce mécanisme était sur certains points assez rudimentaire. Il était composé de trois étapes successives qui visaient à
résoudre les problèmes. Un différend ou un désaccord opposant des parties au GATT pouvait être résolu dès la 1ère
étape.

- 1ère étape : naissance, identification du litige. C'est le moment où un litige se déclare entre deux parties
contractantes au GATT de 1947. Les situations visées sont décrites en des termes assez larges à l'article
XXIII §1 de l'accord du GATT : "Dans le cas où une partie contractante considérerait qu'un avantage

!48
résultant pour elle directement ou indirectement du présent accord se trouve annulé ou compromis, ou que la
réalisation de l'un des objectifs de l'accord ait entravé du fait de :

a) qu'une autre partie contractante ne remplit pas les obligations qu'elle a contractées aux termes du présent
accord ;

b) qu'une autre partie contractante applique une mesure contraire ou non aux dispositions du présent
accord ;

c) ou qu'il existe une autre situation."

L'accord prévoit l'organisation de consultations bilatérales entre les parties qui sont en conflit potentiel (plus
ou moins déclaré) sur l'application de l'accord. Ces consultations bilatérales ont avant tout pour objet de
circonscrire le litige (déterminer en quoi consiste exactement le désaccord. En fait, l'idée est qu'en discutant
pour circonscrire le désaccord, on se rendra compte que sa portée est limitée et donc que cela rend plus facile
de trouver un accord amiable dès cette première étape.

Déjà à l'époque, plus de la moitié des litiges s'arrêtait à ce stade là, aujourd'hui, on est environ aux 2/3 (il ne
faut pas sous-estimer l'efficacité des discussions). Si les discussions ne débouchent pas à un accord
consensuel entre les parties, il faut passer à la 2nde étape.

- 2nde étape : médiation organisée par le GATT. C'est une médiation confiée au conseil du GATT où toutes
les parties à l'accord sont représentées. Concrètement, le conseil n'était saisi que formellement, et c'était le
directeur général du GATT qui se chargeait de l'affaire et le plus souvent, il s'adressait à des experts
pour former une instance plus spécialisée afin de traiter le litige. Il n'en reste pas moins que formellement,
c'est bien le conseil du GATT qui était compétent. On retrouve cette notion de consensus centrale dès la
création du GATT et encore présent dans l'OMC : consensus positif ! Il ne faut qu'aucun des membres du
conseil n'exprime son désaccord (ne s'oppose à la décision), par exemple : la décision de confier la résolution
du problème à un groupe spécialisé. La résolution du litige peut être bloquée dès cette étape là. Cela
confère aux membres du conseil du GATT un véritable pouvoir de veto, le moyen de bloquer la résolution du
litige. C'est important, mais aussi dangereux.

Au départ, ces groupes spécialisés étaient des groupes de travail internes au GATT, composés des
représentants des parties intéressées, y compris les parties au différend. Ces groupes de travail internes
fonctionnaient sous la règle du consensus : la solution devait convenir à tout le monde, y compris la partie
s'estimant lésée et la partie accusée.

Peu à peu, on a vu une évolution dans la composition de ces groupes de travail. Ils ont été remplacés par
des groupes spéciaux ou des panels qui sont des groupes de travail restreints composés exclusivement
d'experts du secteur sur lequel porte le litige et qui contrairement aux groupes de travail initiaux sont
indépendant des parties au litige. Quand ce changement est devenu définitif, cela signifie que les groupes
chargés de travailler à la résolution du litige sont devenus limités et leur fonctionnement a en partie perdu sa
fonction diplomatique. Les considérations mises en avant par ces groupes spéciaux sont devenues plus
techniques et à certains égards plus juridiques.

Dans tous les cas, qu'il s'agisse des groupes de travail initiaux ou des groupes spéciaux, leur rôle était
d'instruire l'affaire en établissant les faits, en déterminant les règles applicables au titre du GATT,
toujours dans la perspective de faciliter une solution amiable entre les parties. Il était possible que le
litige s'arrête là si la solution dégagée par le groupe était satisfaisante par les parties. Sinon, il fallait passer à
la troisième étape.

- 3ème étape : conclusion du litige. En l'absence d'accord amiable entre les parties, le panel était amené à
rédiger un rapport présentant son travail, c'est-à-dire rappelant l'établissement des faits de l'espèce et

!49
formulant son appréciation du problème en faisant référence aux règles pertinentes du GATT. On a vu une
évolution dans la manière de rédiger les rapports avec une juridisation de plus en plus marquée de
l'argumentation présentée par les panels. Pour autant, le panel n'a jamais été considéré comme une
juridiction. Quand on parle de juridisation, on parle d'argumentation, de raisonnement.

Les solutions dégagées et présentées dans le rapport ont commencé à être étudiées comme une forme de
jurisprudence, une espèce de droit du GATT découlant de l'accord lui-même. Cependant, ils ne font pas
réellement jurisprudence et c'est là toute la limite du mécanisme. Ces rapports ne sont pas juridiquement
contraignants, mais ils peuvent le devenir. Ils ne le deviennent que s'ils sont adoptés par le conseil du GATT.
La prise de décision est celui du consensus : le rapport ne sera pas adopté si l'un ou plusieurs membres du
conseil s'y oppose. On voit réapparaitre cette espèce de veto. Concrètement, un certain nombre de rapports
ont fait l'objet de vetos.

Ces rapports sont toujours instructifs, nous indiquent une manière d'analyser le droit du GATT et de les
appliquer à des affaires précises, mais ils ne deviennent contraignants qu'après avoir été adoptés par un
organe politique (conseil du GATT) et cela aura un impact sur la manière dont les panels vont les rédiger.

Il y a dans ce processus en trois étapes des éléments de juridisation très limités, tenant essentiellement à la manière
de travailler des panels et celle-ci fut progressive. En fait, ce sont des organes diplomatiques qui vont procéder à
des analyses juridiques dans leur forme. Ceci dit, certains des rapports du groupe spécial du GATT qui ont fait
l'objet d'adoptions en conseil ont été contraignants pour les parties au litige et ont peu à peu servi de "jurisprudence".

Ce mécanisme s'est peu à peu juridicisé sans pour autant se juridictionnaliser.

2) Un mécanisme non contentieux

En fait, on ne trouve dans les trois étapes précitées d'éléments renvoyant à une logique de type contentieux que
dans des aspects très limités de cette procédure.

Le premier aspect à mentionner est le respect du principe du contradictoire, les parties au litige présentent leur
argumentation et sont invitées à formuler des réponses aux arguments des autres parties.

Le second élément tient au fait que le raisonnement suivi par les groupes de travail spécialisés est devenu de plus
en plus proche dans sa présentation du raisonnement tenu par un juge dans une décision de justice.

Mais, ce sont en fait les deux seuls éléments qui manifestent cette logique contentieuse, tout le reste est
essentiellement diplomatique. Ainsi, tout au long de cette procédure, dès la première étape, on cherche à ouvrir des
possibilités de règlement amiable entre les parties. Cet aspect là est clairement non contentieux. De la même
manière, il n'y a jamais de jugement à toutes les étapes de la procédure, même le rapport final est une
proposition de solution et non un jugement, une analyse de la situation. Les rapports rédigés par les panels
n'acquièrent valeur contraignante que lorsqu'ils ont été adoptés par le conseil du GATT, instance clairement
politique et non juridictionnelle. Les solutions proposées et éventuellement adoptées par le conseil du GATT sont
taillées sur mesure pour chaque affaire et tiennent compte des spécificités de chaque affaire, (...) à exercer des
représailles à l'égard de la partie fautive. On parle de contre-mesure dans le vocabulaire du GATT.

C'est une forme de conciliation interétatique organisée.

B. Une perte d'efficacité au fil du temps

Dans un premier temps, ce mécanisme n'a pas mal fonctionné, les membres acceptaient le déroulement du

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mécanisme sans chercher à le bloquer par un veto alors même que parfois, leurs intérêts immédiats semblaient en
souffrir. C'était à certains égards assez contre intuitif.

La menace du veto faisait figure d'arme de dissuasion. Donc, afin de préserver leurs intérêts à long terme, même
les parties "perdantes" acceptaient que leurs intérêts à court terme soient écartés.

Mais, si en apparence, le mécanisme a bien fonctionné dans un premier temps, quand on regarde de plus près, ce
succès doit être relativisé. D'abord, on sait que parmi tous les désaccords portant sur l'interprétation ou
l'application des dispositions du GATT de 1947, tous n'ont pas été portés à la connaissance des instances du
GATT. En particulier, quand les parties ont des accords, présentaient une disparité trop importante dans leurs ...
respectives. C'est la menace d'un véto éventuel qui fait que certaines parties ont renoncé à lancer la procédure.

Ensuite, le second facteur tient au fonctionnement même des groupes spéciaux. Certes c'était des experts choisis en
fonction de leur indépendance à l'égard des parties, mais ils étaient conscients du contexte et de la portée de leurs
décisions. Bien que la présentation des rapports se soit juridicisée, le contexte géopolitique, les rapports de force
économique entre les parties pesaient quand même sur le travail des groupes spéciaux, ils étaient donc eux aussi
conscients du risque de veto si leur décision n'était pas conçue de façon à réunir un consensus devant le conseil. Tous
les raisonnements problématiques au sein du conseil étaient écartés par les membres du panel. Les rapports
n'étaient pas adoptés par le conseil. Les rapports sont consensuels, susceptibles d'être acceptés, même par la
partie "perdante". Il semblerait que pour résoudre une affaire donnée, un panel avait le choix d'un raisonnement
juridique rigoureux mais débouchant sur une solution non consensuelle et une prise en compte des éléments
extrajuridiques, mais qui recueillera un consensus. La rigueur juridique n'était pas le principal objectif des
groupes spéciaux ; c'était l'efficacité de la solution qui devait primer. Le risque de veto a affaibli le système.

Les choses se sont dégradées à partir du Cycle de Tokyo (1973-1979) qui a été révélateur des problèmes structurels
du GATT de 1947. Toute une série de problèmes est apparue lors de la mise en oeuvre des accords, au cours des
années 1980. Trois phénomènes se conjuguent pour priver d'efficacité le mécanisme de règlement des différends
découlant du GATT de 1947.

Le consensus est de plus en plus rare (difficile à obtenir) au sein du conseil et cela jouera à toutes les étapes du
mécanisme (création des groupes spéciaux, adoption des rapports des groupes spéciaux) ; c'est tout le mécanisme qui
est ici entravé.

Dans les cas où le mécanisme s'est déroulé sans problème et où un rapport a finalement été adopté par le
conseil, celui-ci est de moins en moins bien mis en oeuvre. La partie "perdante" n'a pas forcément fait opposition,
mais tardera dans l'adoption du rapport et des conclusions. De ce fait, du fait de ces retards s'accumulant, c'est
l'efficacité même du mécanisme qui est remis en question.

Enfin, il est de plus en plus fréquent que certaines parties à l'accord, les plus puissantes économiquement,
tentent de se faire justice en dehors des mécanismes du GATT en adoptant de leur propre chef des mesures de
rétorsion non sanctionnées par le GATT.

Non seulement le mécanisme est attaqué en interne par le biais du veto, mais en plus, il est attaqué par l'extérieur du
fait que les Etats cherchent à résoudre leurs problèmes eux-mêmes. Cela remet en question tout le mécanisme et
plusieurs réformes sont tentées pour enrayer l'évolution. La réforme la plus importante est celle adoptée le 12 avril
1989 du conseil du GATT "décision portant amélioration des règles et des procédures de règlement des
différends du GATT". Cette réforme devait à l'origine être utilisée à titre d'essai, à la fin du cycle d'Uruguay
(jusqu'en 1994), elle consistait à introduire des règles supplémentaires pour encadrer le fonctionnement du
mécanisme de règlement des différends, en écartant certaines possibilités de blocage apparues dans les années 1980.
(...) droit à l'établissement d'un groupe spécial ainsi que des délais stricts pour le déroulement des étapes de la
procédure (cela permet de lutter contre les manoeuvres dilatoires des parties). Cependant, cette réforme de 1989 ne
règle pas tous les problèmes, en particulier la question du 2ème veto possible qui permet de s'opposer à l'adoption
des rapports ainsi que la question des suites à donner aux rapports des groupes spéciaux.

!51
Ces éléments vont être intégrés dans les négociations des accords de Marrakech et donner leur physionomie
spécifique aux différentes étapes du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Reste à savoir s'il s'agit pour
autant d'une juridiction.

§2. L'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC

Ce mécanisme repose pour l'essentiel sur un texte central qui est le Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends. Ce mémorandum d'accord est un texte intégré aux accords de
Marrakech.

A certains égards, le mécanisme qu'il met en place ressemble aux mécanismes du GATT de 1947, mais à d'autres
égards, il s'en distingue nettement car il ambitionne de remédier à ses faiblesses, donc il introduit des progrès
notables. Pour autant, on ne peut pas dire qu'il crée une véritable juridiction de commerce international, bien que la
question soit discutée.

A. La volonté d'établir un mécanisme global de règlement des litiges

Il s'agit d'un instrument unique mais pas pour autant unifié. Ensuite, la capacité de libre choix des parties est
préservée quant au règlement de leurs litiges.

1) Un instrument unique mais pas unifié

L'idée centrale est que le Mémorandum d'accord met en place un instrument global de résolution des litiges apparu
dans le cadre de l'OMC, mais que cet instrument global laisse leur place à plusieurs procédures ou modalités
distinctes de règlement des différends. La réserve se trouve dans les précisions et exclusions figurant à l'article 1.

Comment cet instrument va-t-il préserver en son sein plusieurs mécanismes différents de résolution des litiges ?
Tout repose principalement sur la nature différente des accords qui sont regroupés dans le système OMC. Les
accords se réfèrent à trois grandes catégories de dispositions et le mémorandum ne s'appliquera pas de la même
manière. Dans certains cas, il s'appliquera de façon automatique, dans d'autres cas, une marge de choix sera offerte
aux parties.

1ère catégorie : accords commerciaux multilatéraux visés à l'appendice 1. Les règles et procédures mises en
place dans le Mémorandum d'accord vont s'appliquer de façon intégrale et automatique. Cette catégorie comprend :

- d'une part les deux accords institutionnels de l'OMC, c-a-d l'accord instituant l'OMC et le Mémorandum
d'accord lui-même ;

- d'autre part, la catégorie comprend les accords dits matériels, c-a-d les accords multilatéraux portant sur le
commerce des marchandises, les accords multilatéraux portant sur le commerce des services et les ADPIC.

En revanche, l'accord relatif au mémorandum d'examen des politiques commerciales échappe à cette catégorie.

2nde catégorie : accords plurilatéraux qui avaient été initialement négociés dans le cadre du cycle de Tokyo
(rappel : viande bovine, produits laitiers, aéronefs civils et marchés publics). Le mémorandum d'accord ne va
s'appliquer aux litiges relevant de cette catégorie que si les participants à chacun des accords plurilatéraux concernés
le décident et seulement dans la mesure qu'ils décident. Les parties peuvent choisir au sein des règles de procédures
celles qui vont s'appliquer : application à la carte. La seule contrainte est d'avertir l'ORD pour qu'il sache quand il va
peut être sollicité et dans quels termes.

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3ème catégorie : autres accords. Ceux-ci peuvent parfaitement contenir des procédures de règlement des différends
qui leur sont spécifiques (c'est souvent le cas), ces accords sont variés, peuvent être multilatéraux ou plurilatéraux.
Mais, même si un accord autre donné prévoit ses propres procédures de règlement des litiges, cela n'implique pas que
l'application du Mémorandum soit écartée. On peut imaginer que les parties aient le choix pour régler un litige les
concernant entre le recours à la procédure mise en place par l'accord concerné et le mécanisme prévu par le
Mémorandum. Cette simultanéité d'application de règles spéciales et générales va poser toute une série de problèmes
juridiques.

Pour éviter les problèmes entre règles et procédures prévues par le mémorandum et celles prévues par un accord
spécifique, la règle spécifique est l'adage "lex specialia generalibus derogant". La règle générale sera le
Mémorandum d'accord et la règle spéciale l'accord autre concerné. C'est la seconde règle qui s'appliquera en priorité.

S'il y a concurrence, mais pas contradiction, entre les règles du Mémorandum et les règles de l'accord autre, que
se passe-t-il ? Les parties à l'affaire devront s'entendre pour choisir les règles et procédures applicables. Si elles n'y
arrivent pas, c'est le président de l'ORD qui tranchera. Cependant, lorsqu'il intervient, il appliquera l'adage lex
specialia generalibus derogant.

Que se passe-t-il quand la même règle est prévue dans le Mémorandum d'accord et dans la règle de l'accord autre
? Dans les faits, cela n'a pas d'importance, mais la question a été analysée dans un rapport de l'OMC en 2011 qui a
indiqué que les parties sont libres de choisir.

Il y a donc un mécanisme unique mais qui admet une grande diversité des solutions. C'est un instrument unifié,
mais pas uniformisé. L'idée est de faire en sorte qu'entre les membres de l'OMC, tous les différends susceptibles
d'apparaitre dans le cadre de l'application des accords OMC rentre dans le cadre du Mémorandum d'accord. L'ORD
va superviser en quelques sortes les règlements des différends entre parties à l'OMC. Cela ne signifie pas que seule
une série de règles et de procédures (celle prévue dans le Mémorandum) s'applique à tous les différends ; le
Mémorandum admet la possibilité de déroger, d'organiser d'autres possibilités. La volonté des parties peut
jouer.

2) Le principe du libre choix par les parties du mode de règlement des différends

C'est un principe qui existe en droit international général (public comme privé), mais celui mis en place par l'OMC
est particulier. Il est prévu à l'article 33 al.1er de la Charte des Nations Unies : "les parties à tout différend dont la
prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher
la solution avant tout par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix."

Ce principe connait une atténuation : les parties peuvent choisir de se lier en amont d'un différend.

Dans ce contexte-là, le Mémorandum d'accord de l'OMC présente une spécificité. Il organise d'emblée le principe
de libre choix des parties et le terme de celui-ci. Il faut se référer à l'article 5 a.1er qui indique que "les bons offices,
la conciliation et la médiation sont des procédures qui sont ouvertes volontairement si les parties au différend en
conviennent ainsi." L'article 25 al.1er indique qu'un "arbitrage rapide dans le cadre de l'OMC conçu comme un
autre moyen de règlement des différends peut faciliter la solution de certains différends concernant des questions
clairement définies par les parties."

Ces deux articles indiquent l'éventail des solutions ouvertes aux parties dans le cadre de l'OMC. Celles mentionnées
à l'article 5 sont plus politiques, celles de l'article 25 plus juridiques. Bien que le Mémorandum encadre le choix des
parties, l'éventail est tellement large que le principe est respecté, même s'il n'est pas présenté de la même manière.

Les articles 5 et 25 offrent une très large marge de manoeuvre, quelle sera la place du mécanisme spécifique ?
C'est une solution parmi beaucoup d'autres, mais en fait, c'est la seule solution qui sera détaillée de façon précise. Il

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ne s'agit pas d'en faire la solution unique. Cette procédure va de ce fait faire figure de coeur du système. Bien qu'il y
ait d'autres possibilités, celle-ci a été conçue pour tirer les conséquences de l'échec relatif du GATT de 1947, de ce
fait, elle va être avantagée par rapport aux autres. Elle parait adaptée au contexte de l'OMC. Elle a eu un grand
succès et ce dernier est croissant.

B. Le mécanisme des groupes spéciaux

C'est une procédure encadrée dans ce que les membres peuvent faire et ne pas faire et surtout dans le délai offert aux
institutions de l'OMC pour régler le litige (délai général de la procédure et délais spécifiques). L'encadrement des
délais est un élément de succès, un facteur de sécurisation de la procédure et des perspectives.

1ère étape : consultations. Elle permet d'identifier le problème et de le cerner. Souvent, le litige pourra disparaitre à
ce stade là. Sinon, on passe à la seconde étape.

2ème étape : mise en place d'un groupe spécial. Il va instruire l'affaire et rédiger un rapport sur cette affaire.

3ème étape : recours éventuel à l'organe d'appel. Lorsque les parties ne sont pas satisfaites par le rapport du
groupe spécial.

4ème étape : mise en oeuvre de la recommandation.

La durée maximale de la procédure normale est de 670 jours et la durée minimale de la procédure est de 420 jours.

L'ensemble du mécanisme est supervisé par l'organe de règlement des différends (ORD), il va veiller au bon
fonctionnement de ce mécanisme. C'est une formation plénière (conseil général de l'OMC), mais qui est dotée d'un
président spécifique.

Les membres de l'OMC dans le cadre de l'ORD seront représentés par des fonctionnaires qui représentent un
gouvernement, qui souvent sont des diplomates, mais pas toujours. Dans tous les cas, ces fonctionnaires sont
détachés au siège de l'OMC (Genève), et cette qualité de fonctionnaire implique qu'ils reçoivent des instructions de
l'entité qu'ils représentent, instructions qui les lient.

L'ORD, de ce fait, peut être analysée comme un organe politique puisque ces fonctionnaires vont mettre en œuvre
des positions qui sont politiques.

S'agissant du président, ce dernier est choisi par consensus. Actuellement, c'est un sud africain : Xavier Carim. Le
renouvellement a lieu en milieu d'année. Les renouvellements sont très fréquents.

L'ORD va être amené à intervenir dans le mécanisme de règlement des différends à la fois au moment de la
constitution des groupes spéciaux au moment où il faut rendre juridiquement contraignante la solution proposée par
un groupe spécial et ensuite, quand il lui revient de surveiller la mise en oeuvre de cette solution. L'intervention est
positive, très régulière. L'ORD même quand il n'intervient pas sera au courant du déroulement du litige.

1) La consultation

Cette étape dure au minimum 60 jours. Elle se déroule entre les membres de l'OMC parties au différend (en général
des Etats, mais pas toujours). Le différend n'est pas cristallisé. Il y a des accords entre plusieurs membres de l'OMC,
mais pour l'instant, c'est une divergence d'appréciation. Les parties ne sont pas d'accord sur l'interprétation d'une
disposition d'un accord, que le comportement d'une partie n'est pas conforme à ces engagements, etc. Le but de la
consultation sera de déterminer l'ampleur du désaccord et sa gravité.

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Qui peut demander une consultation ? Est-ce toute partie à l'OMC ? Où faut-il prouver un intérêt particulier à
bénéficier d'une consultation ? Ici, l'organe d'appel a précisé sa doctrine dans un rapport du 9 septembre 1997
Communauté européenne - Régime applicable à la vente et à la distribution de bananes, §132 à 138. L'organe
d'appel retient une interprétation large de l'intérêt à agir. Il suffit qu'une partie à l'OMC voit un intérêt, une utilité à
agir. Elle n'a pas à prouver un intérêt juridique.

La consultation en elle-même est un processus diplomatique : on va suivre les règles normales d'une consultation
telles qu'elles sont prévues en DIP général. La partie qui s'estime lésée par le comportement d'une autre partie va
formuler des représentations sous forme d'un mémoire envoyé à l'autre partie, qui devra y répondre. C'est un
échange d'arguments. Les arguments juridiques ont leur place, mais elle n'est pas prépondérante.

Il y a une assez grande informalité à ce stade. Cependant, il y a quelques éléments qui découlent du rôle de
supervision de l'ORD. D'abord, le lancement de consultations doit être notifié à l'ORD et elle est également
notifiée aux organes qui au sein de l'OMC sont chargés de la surveillance, de la mise en oeuvre de l'accord
OMC à propos duquel le litige est apparu. L'ORD ne fait rien à ce stade.

Cette première étape de discussions a pour but essentiellement de cerner le problème, de définir les termes du
différend éventuel et sa portée exacte. Il faut que les griefs soient clairement exprimés et argumentés dans
l'intérêt de la transparence et que les faits sous-jacents soient établis par les parties le plus clairement possible.
Quand on "met les choses à plat", il arrive que le différend ne soit pas grave et puisse être réglé sans aller plus loin.
En réalité, 2/3 environ des problèmes d'application des accords OMC sont réglés durant les consultations.

Sur la perspective qui préside à cette première étape, un rapport du 21 novembre 2001 Mexique - Sirop de Maïs
section 4, C, 4. L'organe d'appel indique que "nous convenons avec le Mexique de l'importance des consultations, à
la faveur des consultations, les parties échangent des renseignements, évaluent les points forts et les points faibles de
leurs thèses respectives, réduisent la portée des divergences qui les séparent et bien souvent, trouvent une solution
mutuellement acceptable suivant la préférence exprimée explicitement à l'article 3.7 du Mémorandum d'accord. Par
ailleurs, même lorsqu'aucune solution mutuellement acceptable n'est trouvée, les consultations donnent aux parties
la possibilité de définir et de circonscrire la portée du différend entre elles."

La consultation permet de réduire la masse des différends de 2/3. Dans le tiers restant, on passe à la seconde étape,
dans laquelle l'ORD intervient.

2) L'intervention d'un groupe spécial

1ère phase : 30 jours pour la mise en place du groupe spécial. Elle est prévue à l'article 6 à 16 du
Mémorandum d'accord, développée à l'appendice 3 du Mémorandum. La constitution du groupe spécial
commence sur envoi à l'ORD par la partie demanderesse d'une lettre de demande de constitution d'un groupe spécial.
La lettre en question doit être circonstanciée :

- D'abord, elle doit préciser les mesures spécifiques en cause, c-a-d les éléments qui peuvent être des
actions ou des omissions par lesquelles la partie défenderesse aurait violé ses obligations au terme des
accords OMC.

- Ensuite, cette lettre doit indiquer le fondement juridique que la partie demanderesse identifie pour sa
plainte, c-a-d ses allégations au regard du droit de l'OMC. Il peut s'agir du contenu des accords ou d'éléments
relevant d'une "jurisprudence".

Ces deux aspects de la lettre sont bien distincts et doivent être développés séparément par la partie demanderesse.
Ces points seront examinés séparément par le groupe spécial.

A la suite de l'envoi de cette demande, l'ORD crée un groupe spécial qui est une formation ad hoc et lui attribue

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un mandat précis dont l'ampleur dépend des termes de la lettre de saisine. Ce mandat est lui aussi sur mesure et
il va sur un plan juridique définir la portée du différend, d'où l'importance de bien rédiger la lettre de demande
d'établissement du groupe spécial.

En général, concrètement, il faut en moyenne une 20aine de jours pour constituer le groupe spécial. Les
membres de ce groupe sont souvent des juristes, mais ce n'est pas obligatoire. En revanche, les membres du groupe
spécial doivent être des experts du secteur concerné par le différend.

Un problème juridique peut se poser concernant le mandat attribué au groupe spécial. Comment interpréter ce
mandat ? De façon large ou étroite ? Sur ce plan, l'organe d'appel a retenu une interprétation restrictive, étroite, ce
qui est précisé dans un rapport du 13 février 1998 Communauté européenne - Hormones, §156. L'organe d'appel
indique que le groupe spécial doit s'en tenir à l'examen des allégations qui rentrent dans le cadre de son mandat, sous
peine de censure par l'organe d'appel.

2ème phase : entre 180 et 270 jours pour l'instruction de l'affaire par le groupe spécial. Il étudie l'affaire en fait
et en droit afin de pouvoir rédiger son rapport. L'article 11 du Mémorandum d'accord s'applique. L'examen
consiste en l'établissement des faits de la cause. Le groupe spécial va chercher à établir ce qu'il s'est passé et va
demander aux parties d'établir et de justifier leurs versions des faits. Il va confronter ces versions et se comporter en
"juge des faits." Ce terme de "juge des faits" résulte de (...). Rapport du 23 septembre 2002, Chili - Mesures de
sauvegarde appliquées à l'agriculture, §224. Cela signifie que le groupe spécial va entendre les positions des parties
ainsi que celles des tierces parties.

Afin de confronter les positions de toutes ces parties prenantes, le groupe spécial va organiser deux réunions
formelles avec les parties seules et une réunion formelle avec les tierces parties. Toujours pour établir les faits, le
groupe spécial va pouvoir, s'il le souhaite, réunir un groupe d'experts pour établir les faits. Ce sera un groupe
consultatif qui permettra de démêler les points obscurs des allégations des parties.

De là vont découler la détermination des justifications fondamentales de la solution qui sera proposée en droit par le
groupe spécial. C'est mentionné par l'organe d'appel dans le rapport Mexique - Sirop de Maïs, puis repris une
nouvelle fois dans un autre rapport du 3 mars 2005, Etats-Unis - Subventions concernant le côton Upland, §276.
Ce rôle d'établissement des faits est d'autant plus central que l'organe d'appel ne reviendra pas sur ce point là.

Le groupe spécial est le seul juge des faits. Il doit également dire le droit : il va confronter les faits qu'il a établis avec
le droit OMC, c-a-d les accords applicables à l'affaire. Dans ce cadre-là, il va formuler un raisonnement sur lequel il
appuiera la solution proposée dans le rapport.

Un problème se pose s'agissant du caractère juridictionnel ou pas de l'activité du groupe spécial. On ne peut nier que
cette activité soit quasi-juridictionnelle. Plusieurs éléments d'une grande série d'arguments vont en ce sens :

- Argument en faveur du caractère juridictionnel : le mode de fonctionnement des groupes spéciaux s'est aligné
de façon croissante sur le mode de fonctionnement de juridictions à part entière. Ainsi comme un juge, le groupe
spécial est amené à établir les faits et à dire le droit. Il pose son champ de compétence dans la limite du mandat qui
lui est attribué. Sous cet angle, il a la compétence de sa compétence. Le groupe spécial va respecter des principes
fondamentaux de procédure qui marquent la juridictionnalisation de son activité. Ces principes sont d'une part le
respect des droits à la défense, et d'autre part, le respect du contradictoire. Il y a deux réunions formalisées avec les
parties, une avec les tierces parties. Lors de l'élaboration du rapport, une version intermédiaire est transmise aux
parties qui vont pouvoir formuler des observations dont le groupe spécial va tenir compte et ces observations peuvent
aller jusqu'à demander une réunion supplémentaire avec le groupe spécial avant la rédaction par celui-ci du rapport
définitif. Le style de la rédaction des rapports des groupes spéciaux est juridictionnel qui fait penser à un juge.

- Rejet de la qualification de juridiction : si la présentation du rapport provisoire fait penser au principe du

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contradictoire, d'autres auteurs n'hésitent pas à mettre en valeur le caractère diplomatique de cette décision. Ne sont
pas juridictionnalisées les conséquences de l'activité du groupe spécial : il ne rend aucun arrêt, aucune décision de
justice dont l'effet serait exécutoire pour les parties. Il rend des rapports qui éclaircissent les faits de l'espèce,
proposent une solution qui n'est qu'une recommandation qui sera soumise au conseil sous sa forme d'ORD. A ce
stade, la recommandation n'est pas obligatoire, elle ne le sera que plus tard.

3ème phase : 60 jours pour l'adoption du rapport du groupe spécial par l'ORD. Le rapport spécial est envoyé
aux parties et à l'ORD. Si les parties ne saisissent pas l'organe d'appel, le rapport peut être adopté par l'ORD. Mais,
une possibilité d'appel est offerte. La procédure d'appel est très utilisée, environ 70% des affaires font l'objet d'un
appel, mais les statistiques de la dernière décennie démontrent un abaissement.

3) Le recours possible à l'organe d'appel

Une première étape dure entre 60 et 90 jours pour l'examen de l’appel par l’organe d’appel. Une deuxième étape de
30 jours concerne l'adoption du rapport.

Le terme d’appel ne doit pas etre compris comme en terme des pays continental. Ce que l’on entend par appel c’est
la possibilité d’obtenir un réexamen des propositions du groupe spécial. Ici, dans le cadre de l'appel, c'est l'article 17
du Mémorandum qui s’applique et qui décrit sa compétence. Il est rédigé en ces termes :

- "§6 : L'appel sera limité aux questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux
interprétations de droit données par celui-ci."

—> L’organe reste contraint par les limites du mandat donné au groupe spécial on voit bien que c
est des interprétations du droit de l’OMC adapte au cas d’espèce.

- "§13 : L'organe d'appel pourra modifier, confirmer ou infirmer les constatations et les conclusions
juridiques du groupe spécial."

On est plus dans un système de cassation. Il s'agit de censurer les mauvaises interprétations des groupes
spéciaux

L'organe d'appel est un organe permanent de 7 membres chargé d'examiner les aspects juridiques des rapports
rendus par les groupes spéciaux. Ses membres sont désignés dans l'OMC par consensus choisis par L’ORD et ils
doivent etre des juristes de DIE.

Le mandat est limité à 4 ans. Chaque membre de l'organe d'appel peut avoir son mandat renouvelé une fois.

Il y a quand même en pratique une volonté de faire en sorte que la composition de l'organe d'appel soit relativement
représentative au regard de la composition de l'OMC. Aujourd'hui, sont représentés par exemple l'Australie, le Brésil,
l'Egypte, les USA, l'Inde, l'Italie et le Japon. La composition va changer dans les mois qui arrivent.

Pour assurer une certaine continuité dans le fonctionnement, il y a un renouvellement partiel tous les deux ans en
moyenne. Ce sont les membres de l'organe d'appel qui élisent le président de cet organe pour un mandat de 1 an
seulement.

Les règles relatives à la composition de cet organe sont différentes de celles des groupes spéciaux : les membres
doivent être des juristes, compétents en matière de commerce international et de questions relatives au champ

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d'activité de l'OMC. Ces membres doivent être indépendants, ne pas avoir d'attache avec les administrations des
membres de l'OMC.

La raison principale tient à un changement important dans le fonctionnement de l'OMC par rapport au GATT de
1947 : les membres de l'OMC ne peuvent pas formuler de veto formel à l'égard du rapport d'un groupe
spécial. L'adoption du rapport de groupes spéciaux est automatique. Il est nécessaire de prévoir un mécanisme
chargé de régler d'éventuels désaccords. Les désaccords retenus ne sont pas relatifs aux faits, mais à
l'interprétation du contenu des accords de l'OMC au sens large.

Si on ne peut pas aller jusqu'à dire que l'ORD va sécréter une jurisprudence grâce à l'existence de l'organe d'appel, il
n'en demeure pas moins que l'organe d'appel veille à la cohésion juridique des décisions de l'ORD. C'est un
instrument de sécurité et de prévisibilité des relations commerciales entre les membres de l’OMC. Cette
nécessité logique a un avantage : le souci du bon fonctionnement du système OMC. Ce n'est pas une logique
juridique qui préside à la création de cet organe, mais un souci de faire face aux faiblesses du GATT de 1947.

L'organe d'appel ne rend pas d'arrêt : il prépare et présente un rapport qui reprend ses constatations, ses
recommandations et ses suggestions. Là encore, on relève une juridictionnalisation du fonctionnement de
l'organe d'appel puisque la procédure qui suit respecte le principe du contradictoire et que la rédaction des
rapports de l'organe d'appel reprend le style de l'organe juridictionnel. Cependant, le rapport n'est pas
obligatoire en tant que tel. Il est seulement transmis à l'ORD et c'est celui-ci qui devra l'adopter pour lui
donner une portée contraignante.

Cette similitude entre le fonctionnement des groupes spéciaux et celui de l'organe d'appel confirme le rôle
politique de l'ORD. En fait, c'est par l'ORD que la résolution des litiges sera entérinée. Au moment d'entériner les
rapports, l'ORD va apprécier non seulement la cohérence juridique de ces propositions, mais aussi
l'opportunité de la solution présentée. L'ORD peut en effet rejeter un rapport, bien que ce soit rare, si un consensus
négatif s'établit en son sein sur les propositions contenues dans le rapport. On ne peut conclure qu'il s'agit d'une
juridiction. l’ ORD va vérifier l’opportunité politique contenu dans le rapport.

A partir de là, une question importante s'est posée suivant l'autorité, la portée des décisions de l'organe d'appel vis-à-
vis des groupes spéciaux. Y a-t-il une jurisprudence découlant de l'organe d'appel ? Les solutions de ce dernier
s'imposent-elles à des groupes spéciaux dans des affaires différentes apparaissant ultérieurement ? Sur ce point, le
Mémorandum d'accord ne dit rien. Les juristes tendent à analyser les solutions passées afin d'en tirer un
raisonnement. C'est une tendance à l'analyse, mais cela n'a aucun impact sur la portée réelle de ces solutions. En
pratique, les rapports entre groupes spéciaux et organe d'appel concernant l'analyse juridique des rapports ont été
fluctuants. Les analyses des groupes spéciaux et de l'organe d'appel ne divergeaient pas.

Dans un premier temps après la mise en place du mécanisme prévu par les accords de Marrakech, les choses se sont
bien passées. Les groupes spéciaux reprenaient sans problème les analyses de l'organe d'appel quand celui-ci s'était
prononcé sur des espèces proches.

En effet, certains auteurs estimaient qu'il y avait une jurisprudence progressive. Mais, la pratique a montré qu'il
s'agissait d'une simple coïncidence. En effet, en 2008, un désaccord est apparu entre l'organe d'appel et un groupe
spécial : le groupe spécial refusait de suivre une solution bien établie de l'organe d'appel. La qualification de
jurisprudence est ainsi contestable.

Ce groupe spécial s'est trouvé confronté à un cas d'espèce proche du cas d'espèce traité et a refusé de se comporter
comme s'il y avait une jurisprudence. Il le peut techniquement dans la mesure où dans la logique du système de
règlement des différends de l'OMC, ces cas d'espèce sont considérés comme individuels : le traitement du cas
d'espèce peut être dissocié du traitement du cas d'espèce similaire antérieur. C'est une logique autant
diplomatique que juridique.

L'affaire portait sur des mesures anti-dumping, mais il faut d'abord comprendre ce que sont les mesures de

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dumping. Pour identifier une politique de dumping, on va comparer la valeur normale de la moyenne pondérée des
prix de transaction comparable avec les prix pratiqués à la suite de la mesure de dumping soupçonnée. Si le prix
constaté s'écarte trop de la moyenne des transactions similaires, on va considérer que c'est une mesure de dumping.
On va comparer les marches constatées pour voir la valeur normale du produit considéré, cela permettra d'identifier
d'éventuels prix cassés suite à la mesure de dumping.

Tout le problème était de savoir quelle méthode on va utiliser pour calculer cette moyenne pondérée qui
servira de référence. En particulier, le problème sera de savoir de quelle transaction on va tenir compte pour
calculer cette moyenne : faut-il tenir compte de l'intégralité des transactions touchant le produit ou bien seulement
des transactions qui peuvent révéler le dumping ? Selon la méthode de calcul, le résultat peut faire apparaitre plus de
mesures de dumping dans un cas que dans l'autre.

Traditionnellement, l'ORD avait pour politique de retenir pour le calcul des valeurs moyennes l'intégralité des
transactions sur le produit considéré. Or, si c'était une pratique établie pour l'ORD, certains des Etats membres
de l'OMC utilisaient d'autres méthodes de calcul, en particulier les USA. Les USA pratiquaient une méthode de
calcul consistant à attribuer une marge zéro à un cas où un prix d'exportation est supérieur au prix normal.
Dans ce cas, on survalorise le poids des mesures de dumping positives.

La méthode de calcul retenue par les USA n'est pas "innocente", l'enjeu est réel, la méthode permet à ceux-ci
d'appliquer de leur propre chef des mesures anti-dumping dans un cadre supérieur. Or, les mesures anti-dumping sont
une source de revenus pour les Etats. Ce sont des rentrées fiscales.

Exemple : imaginons, pour un produit donné, on va comparer le prix sur le marché intérieur du producteur et le prix
à l'exportation. On prend trois transactions.

- Pour la transaction n°1, sur le marché intérieur du producteur, le prix de vente est de 100$ et sur le marché
américain, le prix de vente est de 90$. La différence est de 10$.

- Pour la transaction n°2, sur le marché intérieur, le prix de vente est de 100$, sur le marché américain, le prix
est de 110$. La différence est de 10$.

- Pour la transaction n°3, sur le marché intérieur, le prix de vente est de 100$ et sur le marché américain, le
prix de vente est de 100$. Aucune différence.

Si on prend en compte la méthode recommandée par l'ORD, l'intégralité des transactions sera prise en compte, la
moyenne des différences est de 0. Il n'y a pas de dumping dans ce cas-là.

Si on prend en compte la méthode américaine, on ne prend pas en compte le cas où le prix de vente sur le marché
américain est supérieur à la moyenne (100), c'est la méthode de la réduction à zéro. On réduit à zéro la marge de
+10. Le calcul des différences est de -10. Il y a dumping aux yeux de la méthode américaine et on pourra appliquer
une mesure anti-dumping.

En 2008, les USA avaient vu leur dispositif anti-dumping attaqué à propos d'une importation d'acier inoxydable en
provenance du Mexique. Par la méthode de la réduction à zéro, les USA avaient identifié le dumping, mais le
Mexique, en retenant la méthode de l'ORD, estimaient qu'il n'aurait pas fallu retenir de dumping.

Si on avait considéré l'existence d'une jurisprudence, le dispositif anti-dumping des USA aurait été contraire à cette
jurisprudence. Or, le groupe spécial désigné en l'espèce n'a pas appliqué ce raisonnement. Dans son rapport du 30
décembre 2007, ce groupe spécial considère que la méthode de calcul retenue par les USA est valide. Ainsi, il
s'inscrit contre le raisonnement appliqué jusque là par l'organe d'appel. Le groupe spécial en question intègre un
paragraphe où il explique qu'il ne s'estime pas tenu par les raisonnements précédemment intégrés par l'organe
d'appel. Chaque groupe spécial, parce qu'il est désigné ad hoc, apprécie le problème auquel il est confronté de façon
entièrement autonome. Les solutions sont donc ad hoc, retenues pour l'espèce. Le Mexique saisit l'organe d'appel qui
infirme la méthode de la réduction à zéro et se prononce de façon claire pour la première fois sur la portée de ses

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propres décisions, en particulier sur la question des rapports entre groupes spéciaux et organe d'appel. C'est le
rapport du 30 avril 2008, Mexique - Mesures anti-dumping finales visant l'acier inoxydable.

Ce raisonnement est opéré en quatre étapes.

- Etape 1 : L'organe d'appel reconnait que ces rapports n'ont aucune force obligatoire, sauf en ce qui
concerne le règlement des différends entre les parties (§158).

- Etape 2 : Cependant, cela ne veut pas dire que les groupes spéciaux sont libres dans le raisonnement
juridique qu'ils tiennent. Les groupes spéciaux doivent tenir compte des interprétations du droit OMC ainsi
que de la ratio decidendi (la raison de la décision - le raisonnement juridique par lequel l'organe d'appel
justifie sa décision à partir d'une interprétation du droit de l'OMC), contenue dans les rapports de l'organe
d'appel rendu sur les cas d'espèce similaires aux cas qu'ils doivent traiter. Dès qu'une question posée à un
groupe spécial correspond à un cas d'espèce similaire traité dans le passé, le groupe spécial doit tenir compte
des interprétations passées (§159).

- Etape 3 : Les interprétations du droit de l'OMC contenues dans l'organe d'appel ainsi que dans les rapports
de groupes spéciaux qui n'ont pas fait l'objet d'un appel forment un ensemble qu'on peut qualifier d'acquis du
système de règlement de l'OMC. Cette notion d'acquis est justifiée par l'organe d'appel comme découlant des
exigences de sécurité juridique et donc de prévisibilité des solutions. Cet acquis du système de règlement des
différends OMC ressemble à une version allégée de jurisprudence. On ne peut admettre que les groupes
spéciaux dérogent à cet acquis que s'il y a des raisons impérieuses qui peuvent le justifier (§160).

- Etape 4 : L'organe d'appel rappelle que le Mémorandum d'accord a établi une hiérarchie entre l'organe
d'appel et les groupes spéciaux. L'organe d'appel bénéficie d'une préséance parce qu'il est le seul organe
permanent du système de règlement des litiges et il est permanent parce que sa compétence est de garantir
l'uniformité et la stabilité du règlement des différends dans le cadre de l'OMC et donc, garantir l'uniformité
du droit et la stabilité des droits des membres de l'OMC tels qu'ils découlent des accords de l'OMC.

La question n'a été considérée comme stabilisée qu'un peu plus tard avec le rapport rendu par un autre groupe spécial
sur une autre hypothèse d'application de la méthode de la réduction à zéro. C'était l'affaire USA - Maintien en
existence et en application de la méthode de la réduction à zéro (1er octobre 2008). Ce rapport est intéressant.

D'une part, le groupe spécial accepte de se rallier à l'interprétation de l'organe d'appel. Mais, malgré tout, le groupe
spécial refuse de reconnaitre l'existence d'une jurisprudence ayant effet obligatoire qui rejette expressément le
§7.179. Il justifie son ralliement à la méthode de calcul prôné par l'organe d'appel en des termes différents, sans
invoquer une jurisprudence, en invoquant la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral.

La marge de manœuvre des groupes spéciaux est bien supérieure, en effet, une jurisprudence ayant un effet
obligatoire (...) alors que le fait de se référer à la sécurité et à la prévisibilité du système commercial multilatéral
préserve la marge d'appréciation des groupes spéciaux. En fait, ils apprécient dans quelle mesure cette sécurité et
prévisibilité sera mise en oeuvre. Les rapports de l'organe d'appel sont juste des guides, des aides à la décision, mais
en aucun cas des dispositifs contraignants. Les groupes spéciaux ont défendu leur autonomie (relative).

Cela a freiné les efforts développés par la doctrine pour reconnaitre une juridictionnalisation du système. Dans l'état
actuel des choses, on peut dire qu'il y a des éléments du système juridictionnel, mais le système dans son ensemble
reste fortement marqué par la spécificité de chaque litige et la part de la diplomatie dans la résolution de ces litiges.

4) La mise en oeuvre du rapport et ses suites

La « sanction » normale des recommandations contenues dans le rapport est, une fois qu’il a été adopté par
l’ORD, la mise en œuvre par la partie perdante des recommandations de mise en conformité de son droit et de sa

!60
pratique administrative avec le droit OMC. Cependant, il y a d’autres possibilités qui s’éloignent de la résolution
juridictionnelle.
En effet, il est parfaitement possible pour les parties, une fois que l’OMC a déterminé qui avait tord et qui avait
raison et dans quelles mesures, de négocier entre elles une solution autre, c'est-à-dire, par exemple, des
compensations commerciales considérées comme mutuellement acceptable entre la partie gagnante et la partie
perdante. Cette possibilité même marque une fois de plus le caractère pas tout à fait juridictionnel de ce mécanisme.
En fait, une solution diplomatique est toujours possible à tous les stades.
Si l’on s’en tient à la mise en œuvre du rapport tel quel, cette mise en œuvre doit normalement intervenir dans un
délai raisonnable. En fait, le délai raisonnable est déterminé au cas par cas. Sa détermination peut faire l’objet d’une
contestation devant l’ORD

Il peut arriver que le délai de mise en oeuvre fasse l'objet d'un différend.

En cas de manœuvre dilatoire de la partie perdante, l'autre partie peut demander des représailles, l'application de
mesures commerciales spécifiques qui lui soient avantageuses, par exemple la suspension au profit de la partie
gagnante de concessions commerciales non pas dans le secteur qui fait 'objet du litige, mais dans un autre secteur
important pour l'économie de la partie perdante. Dans ce cas, on parle de rétorsion croisée.

Cette pratique des rétorsions croisées est admise dans le cadre de l'OMC, mais reste de mise en oeuvre extrêmement
rares (une dizaine depuis la création), mais qui permettent de faire pression. Cette pratique a sans doute le caractère
peu juridictionnel de la procédure, de telles mesures sont inimaginables dans un contexte proprement juridictionnel.
C'est difficilement imaginable dans une logique juridique.

La procédure elle-même encadrée par des délais, en cas de problèmes de mise en oeuvre de recommandations, la
partie lésée a 20 jours pour déposer une demande de contre-mesures. L'ORD doit se prononcer dans un délai de 30
jours et l... final entre les parties doit être prononcé dans un délai de 60 jours. Cf. article 22 §6 et 7 du
Mémorandum.

C. Faiblesses persistantes de l’omc

Cette procédure de règlement des différends est organisée par le mémorandum d'accord, présente un certain
nombre de points forts liés au fait qu'elle est de plus en plus utilisée, ce qui permet de disposer d'un nombre
d'éléments de plus en plus précis sur sa mise en oeuvre concrète. Le déroulement de cette procédure est considéré par
les parties à l'OMC comme de plus en plus fiable. L'expérience de cette procédure est globalement considérée
comme satisfaisante. L'autre point fort tient au fait qu'elle a prouvé son efficacité pour traiter de différends
intervenant dans des domaines diversifiés et entre partenaires économiques de poids parfois complètement
différend. Les parties ne se sentent pas d'emblée lésées par cette procédure.

Cependant, il semble qu'il y aurait un certain nombre de faiblesses, dont 5 principales :

1. C'est un mécanisme mixte : il comporte des aspects juridiques et d'autres qui ne le sont pas en faisant place à des
considérations politiques, diplomatiques. Il est sans doute difficile de faire autrement vu le type de litige et le
contexte. Le caractère encore largement politique du différend diminue la fiabilité des résultats de ces procédures
sous un angle juridique. Beaucoup dépend encore de la capacité de négociation des parties, de la composition des
panels.

2. C'est un mécanisme foncièrement interétatique. La partie plaignante aussi bien que la partie défenderesse sont
des Etats. Or, les litiges examinés dans le cadre du mécanisme de règlement des différends apparaissent dans la
majorité des cas du fait d'activités de personnes privées. Cela indique que les Etats doivent être sollicités par ces
personnes privées pour agir. Cela peut être un élément de blocage dans certains cas.

!61
3. Le comportement de l'organe d'appel : jusqu'à présent, il s'est montré extrêmement prudent dans ses prises
de positions sur les différends dont il est saisi, à la fois dans ses analyses et dans les solutions qu'il propose. C'est en
partie dû à la structure de l'OMC et au fait que les Etats ont toujours le dernier mot dans l'adoption des rapports. C'est
un élément qui diminue le poids de ce mécanisme. Par exemple, cela peut poser des problèmes pour l'intégration de
considérations autres que commerciales dans la résolution de litiges liés au droit de l'OMC (ex : droit de
l'environnement, l'un des principes phares du droit international de l’environnement dans les cas ou il peut etre utilise
dans les échanges, potentiellement protecteur mais aussi controversé dans les effets. Quand l’organe d’appel doit
statuer sur des éléments juridiques impliquant l’application du DI environnement il se montre prudent conservateur
et application très restrictive en particulier maigres les demandes répété il refuse de voir dans les principes des
éléments de coutumes internationales ce qui l’a conduit a refuser d’appliquer des principes protecteurs tire de droit
internationale de l’environnement en matière de santé pour justifier des restrictions commerciales a l’importation de
produit potentiellement dangereux quand ce n’est pas évolué de manière précise. L’interprétation ou l’analyse de
l’ORD est interessante, mais ce qui frappe c’est le fait que l’organe d’appel ne prend jamais de risque en prenant
conscience du caractère politique.

4. La mise en oeuvre des solutions proposées n'est pas toujours efficace.Memem si les argumentations sont plus
politique que juridique elles sont efficaces pour tous mais elle est variable, certains membres préfèrent payer dans le
cadre de contre mesure lié plutôt que adopte des mesures adopte de l’ORD surtout quand ça entraine une
modification de leur droit interne. Ce phénomène est visible chez les membres de l’OMC qui sont puissants
économiquement ils peuvent se permettre d’ignorer certaines solutions qui sont pas favorables ou retarder la mise en
oeuvre. Ce problème pose un problème de calibrage de l’ORD, les solutions en question si elles sont formellement
acceptée et donc votée par l’ORD soulever trop de problème pour certaine partie il faut donc trouver des solutions
qui tout en réglant le litige tiennent compte des particularises des parties sur qui la encore renforce l’aspect politique
des mécanismes au détriment de l’aspect juridique. Les solutions pourront différé de manière considérable d’une
espèce a l’autre.

La 5eme faiblesse est différente car elle est exogène tient au contexte de l’OMC

5. Si le mécanisme de règlement des différends a une vocation globale, son efficacité est remise en question par le
développement d'unions régionales dotées de leur propre système de règlement des différends.C’est de plus en
plus marqué , malgré la manière dont l’OMC qui a essaye de concevoir son propre système comme chipotant
l’ensemble de l’oRD, ils craignent un facteur de développement d'un comportement de forum shopping (les parties à
un différend peuvent choisir entre différents modes de règlement des différends et font le plus souvent en fonction de
leurs intérêts immédiats, même si cela fragilise le principe du multilatéralisme). Un certain nombre de modes de
règlements alternatifs développés dans les unions régionales recourent à des mécanismes d'arbitrage privé qui
semblent de plus en plus séduisants ou répartis. Le nombre des recours à ces mécanismes croît de façon importante
ces dernières années, ce qui est inquiétant à plusieurs égards, notamment du point de vue de la logique multilatérale
de l’OMC.

Si on relit les dispositions du Mémorandum d’accord qui organise le mécanisme de règlement des différend un tel
risque pourrait etre écarté mais concrètement les arbitrages fait par les états sont des arbitrages politiques qui sont
difficiles a contrôler. On en revient encore a une autre caractéristiques de l’entreprise de l’OMC c’est qu’on présente
toujours ces tentatives de multilaterisation eco mais on oublies que les états reste maitre du jeu.

!62
Thème 3 : le cadre institutionnel du droit international économique : les
négociations commerciales multilatérales et les cycles de négociations
La spécificité de l'OMC et du GATT de 1947 avant elle tiennent à la volonté de remplacer le bilatéralisme
traditionnel des relations commerciales internationales par cette entreprise multilatérale destinée à favoriser les
échanges mondiaux. L'idée était de mitiger, réduire l'effet des rapports de force entre parties économiques de
puissances disparates et de ce fait, de favoriser une relative égalisation des conditions de négociations.

Cette logique multilatérale se manifeste dans les principes qui gouvernent les négociations multilatérales
commerciales. Ces négociations ont été immédiatement organisées sous forme de cycles (rounds) permettant des
aller-retour entre les parties pour déterminer les concessions qu'elles consentent à leurs partenaires commerciaux.
Ces négociations sont gouvernées par les principes communs.

Section 1. Des négociations gouvernées par des principes communs

Ces principes communs sont apparus dans le GATT de 1947. Ils sont au nombre de trois : le principe de réciprocité
(amendé au bénéfice des pays en développement et se transforme parfois en principe de non-réciprocité), le principe
d'égalité des traitements entre les parties et le principe selon lequel les avantages négociés entre les parties sont
juridiquement obligatoires, ce qui rend leur négociation plus difficile.

§1. Réciprocité et non-réciprocité

Le principe de réciprocité a toujours été reconnu comme un principe fondamental des relations interpersonnelles,
c'est l'un des principes fondamentaux du droit des obligations au niveau interne et au niveau international.
Cependant, un problème central des relations internationales économiques est la grande disparité des acteurs
économiques internationaux, notamment en termes de puissance économique. Cela pousse le droit international
économique à chercher à égaliser les conditions entre acteurs économiques internationaux. On va essayer de
prendre en compte l'existence d'inégalités réelles dans la situation de leurs économies respectives pour rendre les
situations moins injuste. Si ce principe est toujours invoqué lors des négociations, un consensus s'est
progressivement dégagé permettant de ne pas exiger de réciprocité de la part des pays en développement car
ça coulerai leur économie.

Trois choses :

- Le cas des relations entre pays également développés sur le plan économique

- Le cas des relations entre pays connaissant des niveaux de développement différent

- La nature de l'équilibre des concessions

A. La réciprocité dans les négociations entre membres d'égal développement économique

Ce principe sera restreint dans son application aux membres présentant un niveau de développement
économique équivalent. Dans la définition de ce principe, aussi bien le GATT de 1947 que les accords de

!63
Marrakech restent assez flous. On proclame le principe de réciprocité, mais les textes se gardent de donner des
critères précis. D'un point de vue juridique, c'est gênant, d'un point de vue diplomatique, c'est souhaitable.

Ce flou est lié au fait que les membres du GATT de 1947 comme les membres de l'OMC ont tenu à préserver
une autonomie dans les négociations commerciales. Concrètement, on considère comme réciproques toutes
concessions que les parties qui négocient estiment être réciproques. C'est un principe diplomatique et non
juridique.

On a assez vite dégagé un consensus permettant de mettre à part les pays en développement.

B. La non-réciprocité dans la négociation avec les pays en développement

L'argument selon lequel, au nom de l'égalisation des conditions de négociation, il faut traiter différemment les pays
en développement, a été au départ invoqué par l'Inde qui a rapidement (...). L'idée est que le principe de réciprocité
marchait en théorie, mais en pratique, si on cherchait à l'appliquer aux relations commerciales de pays en
développement économique différent, il fait peser sur les pays les moins développés le poids des efforts qu'ils
devront fournir pour assurer la réciprocité des concessions. Cela les pénalise.

Cet argument a été invoqué au cours des années 1950 et le consensus en la matière a mis quelques années à se
dégager. L'idée qu'il ne faut pas appliquer la réciprocité dans ce cas de figure n'a été reconnue officiellement, dans le
GATT de 1947, en 1966.

Depuis, on considère qu'il fallait traiter différemment les pays en développement. Cela a eu pour conséquence une
redéfinition des rapports nord/sud qui s'applique depuis. Désormais, quand on parle de principe de réciprocité, il
faut entendre réciprocité entre pays développés et non-réciprocité entre pays en développement.

Ces dernières années (fin 90'), on a un courant dans la doctrine du DIE, dont certains auteurs d'universités de pays en
développement, qui s'interrogent sur l'idée de se demander si l’avantage qui résulte pour les pays en voie de
développement du principe de non réciprocité n'est pas un trompe l'œil. Ces auteurs font remarquer que lors des
négociations multilatérales, le poids réelle d'une partie à l'OMC dépend de sa capacité à proposer des concessions
intéressantes à ses partenaires. La capacité à faire des offres (intéressantes) est un moyen de faire évoluer les
positions des pays partenaires lors de la négociation. Si au contraire, on fait jouer le principe de réciprocité,
comme c'est le cas de PED depuis la fin des 60', on sort de ce jeu de négociations. Donc, on devient des
partenaires passifs dans les relations commerciales multilatérales, on dépend des négociations entre les autres
parties sans pouvoir peser sur ces négociations. Ces auteurs font remarquer que certes, la situation est difficilement
tenable, mais qu'un certains nombre de PED auront sans doute avantage à renoncer au principe de non-réciprocité
afin de peser activement sur les négociations multilatérales et ne pas laisser les pays développés maîtres des
négociations.

Actuellement, ce sont les pays développés qui font tantôt avancer, tantôt freiner les négociations en fonction de
leurs intérêts propres, sans faire attention au multilatéralisme. C'est ce qui explique, selon les auteurs,
l'augmentation du bilatéralisme et l'échec du multilatéralisme.

C. L’appréciation de l'équilibre des concessions

Pad de definition ni dans le GATT ni dans l’OMCni critère de ce principe de réciprocité. De ce fait dans la plupart
des champs des relations internationales économique le principe mentionné précédemment cad sont réciproque les
concessions dont les parties estiment qu’elles sont réciproques, l’application de ce principe très floues et politique
reste de règle mais dans un champs particulier des relations eco il en va autrement c’est la seule exception a la

!64
determination diplomatique de la réciprocité ce champs particulier c’est les droits de douane, pour 2 raisons simple:

- les droits de douane sont un enjeu centrale pour la réalisation d’une multilateralisation des échanges donc essentiel
de contrôler la réduction progressive des droits de douane au fil des négociations.

- Raiosn pratique : il est facile de pratiquer et vérifier l’application du principe de réciprocité au droits de douane.
C’est une affaire de taux donc c’est facile.

pour ces deux raisons les droits de douane sont le seul domaine dans lesquels les concessions doivent etre
équivalente au sens strict comme le revoir l’article alinéa 2

Attention : cours de l'année dernière exceptionnellement.


Quand on parle de réciprocité ou non réciprocité cela pose le problème de l’évaluation de l’efficacité des
concessions, ou de l’équilibre des concessions. Il n’y a pas de définition ni de critère officiel de l’équilibre des
concessions pour apprécier l’efficacité du principe de réciprocité ou de non-réciprocité. Là encore, la raison est de
préserver les marges de négociation des membres du GATT de 47 et de 94: c’est un facteur de souplesse considéré
comme nécessaire. Il y a à cette absence de critère une exception, et une seule. Cette exception concerne les tarifs
douaniers: l’équilibre dans les concessions relatives aux droits de douane sont évaluées de manière plus précise.
L’équilibre dans les concessions en matière de droits de douane est réglé par l’article XXVIII Bis alinéa 2.a). Les
concessions en matière de droits de douane (la réduction des droits de douane) doivent être « équivalentes ». Le gros
problème c’est de savoir ce qu’est l’équivalence sur les droits de douane : il ne s’agit pas d’une égalité mathématique
dans la réduction du droit de douane, mais d’une proportionnalité dans la réduction de ces droits de douane.

§2. L'égalité de traitement entre participants

Attention : idem.
C’est donc le deuxième principe fondamental applicable aux négociations commerciales multilatérales depuis
le GATT de 47 jusqu’à l’heure actuelle. Il s’agit ici d’un principe qui a été posé en réaction contre les pratiques
antérieures au multilatéralisme, des pratiques qui s’étaient particulièrement développées dans les années XX –
XXX : des pratiques de restriction et de discrimination dans les échanges internationaux. Ici on a voulu trancher avec
cette situation, et on a donc posé un ppe d’égalité de traitement qui impose l’extension automatique des concessions
commerciales offertes par les participants aux négociations, à l’ensemble des partenaires aux négociations
multilatérales. En d’autres termes, il s’agit de la clause de la nation la plus favorisée de type inconditionnel, de
type inconditionnel parce qu’elle s’applique même en l’absence de réciprocité.
→ Précision: Le ppe de réciprocité du §1 joue uniquement au niveau des négociations, le ppe de non-
discrimination concerne la mise en oeuvre des négociations (concessions) . Si au moment de la mise en oeuvre des
accords certains des pays se soustrait au principe de réciprocité.
Ce principe pose quand même un problème qui avait empoisonné la fin du GATT 47: le problème des free-riders, c-
a-d de ces partenaires commerciaux aux échanges multilatéraux qui profitent des concessions consenties par les
autres membres mais n’offrent pas de concessions significatives.
Ce comportement n’a pas disparu dans le cadre de l’OMC, mais on peut observer quand on analyse ce phénomène,
deux hypothèses bien distinctes:
Si c’est un partenaire commercial important ou actif au sein de l’OMC qui adopte un comportement de free
riders, cela entraîne nécessairement un blocage des négociations, les autres partenaires importants exigeant
un minimum de réciprocité. Si on n’arrive pas à un blocage complet des négociations, cela limitera les
offres.
Quand ce comportement est adopté par un partenaire commercial peu important. Ces partenaires peu importants
pèsent peu sur les échanges, et s’ils adoptent ce comportement, ça n’a pas bcp d’impact, et ça a plus de
chance d’être admis dans le cadre des négociations multilatérales mais sur le plan du ppe cela reste un
comportement gênant.
Ainsi des solutions ont été envisagées. La solution la plus radicale qui a été posée c’est de transformer le caractère

!65
inconditionnel de la clause NPF en en faisant une clause conditionnelle, l’idée étant que l’on ouvre le bénéfice des
concessions commerciales qu’aux partenaires qui offrent des concessions équivalentes. Cette solution est
régulièrement avancée mais jusqu’à présent, elle n’a jamais été appliquée parce qu’on considère que les risques sont
supérieurs aux avantages: on estime que ça détruirait de façon certaine un multilatéralisme déjà chancelant.

§3. Le régime juridique des concessions commerciales négociées

Il s’agit de savoir quelle est la valeur juridique des engagements pris dans le cadre des négociations commerciales
multilatérales. Cette question comporte en fait deux aspects:
Le 1er aspect consiste à voir quelle est la force juridique de ces concessions, quelle est la valeur qu’on leur
accorde et à quel titre.
Le 2ème aspect c’est de savoir si ces concessions sont stables ou non dans le temps.
Ces 2 paramètres sont essentiels pour garantir la sécurité juridique aux acteurs économiques afin de garantir que
l’environnement juridique de leur activité ne va pas évoluer de façon trop importante trop vite.

A. La force juridique des concessions commerciales négociées

Ces concessions commerciales prennent une forme particulière. En fait, à la fin d’une négociation commerciale
multilatérale réussie, les participants à cette négociation vont chacun établir une liste des concessions qu’ils
accordent à leurs partenaires. Cette liste de concessions est souvent désignée sous le terme anglais de « scheadle ».
En apparence, ces listes de concessions sont des actes unilatéraux de chaque partenaire puisque chaque partenaire
établit la liste qui le concerne. En plus, quand on regarde les termes de ces listes, il s’agit de listes offertes aux autres
membres: il s’agit donc en l’occurrence d’une décision unilatérale.
Mais en fait, ces concessions sont le résultat des négociations antérieures, et elles ne font que formaliser pour
chaque partenaire le résultat de ces négociations. En fait, le contenu des listes est prédéterminé dès la fin des
négociations, et le partenaire concerné ne peut pas modifier la liste. Ces listes n’ont donc pas le statut ‘actes
unilatéraux des Etats: elles vont être annexées à l’Acte général du GATT, et bénéficieront donc de la portée juridique
du GATT (même force juridique). L’organe d’appel précise régulièrement que ces listes sont en fait sont bien des
décisions communes à tous les membres; elles ont le statut d’accords communs à tous les membres.
Le régime juridique des listes de concession est précisé à l’article 2 du GATT 1994, qui précise les obligations des
membres. L’idée est que si un membre ne respecte pas le contenu de la liste de concessions qu’il a lui-même
proposées, il viole ses obligations conventionnelles au titre de l’OMC. De ce fait, il peut être attrait devant l’ORD.

B. La consolidation triennale des listes de concessions commerciales


La question se pose de savoir si un membre de l’OMC peut modifier les concessions accordées aux autres membres
au titre de sa souveraineté, ou alors est-ce qu’il faut qu’il attende un certain temps : quelle est la durée de ces
engagements ? Est-ce qu’un changement de circonstances peut modifier ces engagements ? Question de stabilité
dans le temps.
La solution reste guidée par l’objectif de sécurité juridique. On a cherché en principe, à garantir une certaine
stabilité dans le temps. Mais d’un autre côté, il est certain aussi que les conditions de stabilité économique, la
conjoncture évolue, et il serait bizarre de ne pas en tenir compte. On a aussi prévu des possibilités de réviser les listes
de concessions. Donc, un principe de stabilité dans le temps, mais des exceptions afin de tenir compte de
l’évolution de la conjoncture. Ce délicat équilibre entre principe de stabilité et exceptions est réglé à l’article 28 du
GATT 1994. Dans cet article 28, trois alinéas principaux rentrent en jeu, l’alinéa 1, l’alinéa 4, et l’alinéa 5 :
- Le principe de stabilité dans le temps se fonde sur l’alinéa 1er de l’article 28 et surtout sur l’interprétation
constante qui en a été faite par l’ORD. Le résultat c’est que : « est reconnue une valeur obligatoire permanente aux
listes de concessions ». Cela veut dire qu’en l’absence de remise en question, leur valeur juridique n’est pas limitée
dans le temps. Une fois qu’une liste de concessions a été négociée, elle est annexée au GATT, et sa valeur juridique
est maintenue.

!66
- Il est possible de renégocier ces listes de concessions :
→ C’est l’hypothèse de droit commun qui est ouverte à l’alinéa 1er de l’article 28. On nous indique qu’une
renégociation est possible à partir du premier jour « de chaque période triennale ». Au cours de la 1ère période de
trois ans suivant les négociations, on ne peut pas changer la liste de concessions. Cependant, on peut lancer une
renégociation au 1er jour de la période triennale suivante. Les trois premières années constituent donc une période de
stabilité. Sur ce premier alinéa, il y a une précision qui se greffe et qui découle de l’alinéa 2 : on peut renégocier la
liste de concessions, mais l’alinéa 2 explique le résultat de la renégociation de la liste de concessions doit aboutir à
un niveau de concessions équivalent au niveau antérieur. Cela veut dire que les termes des concessions vont changer
mais globalement le niveau d’ouverture des économies doit rester aussi important.
→ La deuxième possibilité est un peu différente, prévue à l'article 28 al.4 et prévoit que des négociations sont
possibles dans des "circonstances spéciales". La question est de savoir en quoi consistent ces circonstances spéciales.
Selon les textes et la pratique, les circonstances spéciales doivent être appréciées au cas par cas par le comité
d'intersession pour admettre les renégociations. Très vite, au milieu des années 50, on a vu un assouplissement du
caractère exceptionnel des circonstances à tel point qu'en 1958, il n'y avait plus d'examen du tout. De fait, cette 2nde
voie est très largement ouverte, mais malgré tout pas utilisée par les membres. Le fait d'avoir à demander
informellement des circonstances exceptionnelles est compliqué.

→ La troisième voie est celle prévue à l'article 28 al.5 : les renégociations de réserve / négociées. Il s'agit de la
possibilité offerte aux membres de formuler dès le début d'une période triennale la possibilité pour eux d'ouvrir une
réserve de renégociation. En d'autres termes, ils vont formuler des réserves à leur propre liste de concessions, qui leur
indiquent leur intention de renégocier en cours de période triennale. Ce n'est pas une obligation, c'est souple. C'est
cette troisième voie qui est privilégiée en termes de renégociation de réserves.

Section 2. Les négociations organisées dans le cadre du GATT de 1947

§1. Les négociations initiales

Genève (1947), Annecy (1949), de Torquay de 1950 à 1951, et Genève à nouveau de 1955 à 1956. Ils ont permis
d’établir le GATT 47 dans sa physionomie presque définitive.

§2. Le cycle de Dillon

1960-1961.

§3. Le cycle Kennedy

1964-1967.

§4: Le cycle de Tokyo


1973-1979 : c’est celui qui a révélé au grand jour les faiblesses du GATT de 1947.

§5: Le cycle de l’Uruguay


1986-1993.

!67
Section 3. Les négociations dans le cadre de l'OMC

On est en cours de négociation du cycle de Doha, qui a commencé en 2001 et qui est encore en cours. Ce cycle a
rapidement rencontré des difficultés. Il a été relancé, poursuivi au cours de conférences intermédiaires qui sont des
conférences ministérielles. On peut mentionner la conférence de Cancun de 2003, où il y avait des opinions tranchées
entre les membres, et la conférence de Genève (2004), mais les négociations ont été suspendues en 2006 pendant 2
ans. Une tentative de réactivation des négociations a eu lieu en 2008 et a échoué. Depuis, on a eu une période de
point mort et une tentative de relance en 2015 qui s'est soldée par la conférence de Nairobi qui s'est terminée en
décembre 2015. Certains commentateurs ont dit que c'était la conférence de la dernière chance. Le multilatéralisme
montre ses limites.

Les grandes raisons principales sont les suivantes :

- Difficulté liée à l'extension même du système de l'OMC. Le grand nombre de participants à l'organisation prend
nécessairement l'obtention d'un accord satisfaisant tout le monde plus difficile. L'idée de l'extension rapide du
système OMC, son ambition de couvrir à terme l'ensemble des nations dans le monde était guidée par l'idée que si
tout le monde participe à ce système, cela va entrainer une progression géométrique des échanges. Le problème est
qu'avec l'extension de l'organisation, les intérêts des parties restent divergents et les divergences deviennent
beaucoup plus figées, rigides. C'est une difficulté liée à l'ambition globale du système.

- La méthode de négociation retenue dans le cadre de l'OMC. Les négociations ont pour but de parvenir à un
accord global : un engagement unique (single undertaking). Tous les aspects de la négociation de cycles doivent être
traités et résolus dans cet engagement global. Il suffit que ces négociations n'aboutissent pas sur un seul des thèmes
pour que l'accord soit bloqué et c'est le cas de Doha.

Point 19 intitulé "un mécanisme de sauvegarde spécial pour les produits agricoles" : les marchés agricoles actuels
connaissent des spéculations déstabilisantes. Il s'agit de spéculations pures et simples. Un certain nombre de pays en
développement se sont retrouvés en graves difficultés, et ont demandé à déclencher un mécanisme spécial. Cela vise
à éviter l'effondrement des prix sur le marché national, lié à la concurrence de produits étrangers à bas prix, qui
arriveraient de façon massive. Cela permettrait aux Etats en développement dont l'économie dépend beaucoup du
secteur agricole de réagir à un effondrement des prix sur les marchés mondiaux liés à de la spéculation ou parfois du
dumping. La réaction serait d'élever ponctuellement les droits de douane pendant la période nécessaire pour protéger
la production nationale. La question qui s'est posée est celle du seuil : une opposition très nette s'est creusée entre les
pays en développement (dès qu'une variation importante était constatée, on pouvait utiliser ce mécanisme) et les pays
développés tels les USA qui demandaient des seuils de déclenchement élevés pour éviter d'élever les seuils de ce
mécanisme.

Point 20 intitulé "fixation des prix applicables au commerce du coton" : une opposition du même genre est
apparue. Une mini crise dans les négociations a eu lieu en 2006.

C'est le point le plus délicat : l'idée de l'accord unique a été mis en avant dès le GATT de 1947. Pendant longtemps,
on a considéré que c'était la pierre angulaire du système, ce qui permettait à la mondialisation de se développer à un
rythme soutenu. Mais, quand on regarde le compte rendu de Nairobi, il y a un accord sur le fait que le problème
principal est celui des méthodes de négociations.

Ce blocage lié à la difficulté justifie pour certains membres de l'OMC de céder à la tentation de sortir du
multilatéralisme. C'est l'une des raisons avancées sur un plan politique au développement d'accords bilatéraux ou
plurilatéraux en marge du système OMC. C'est le phénomène actuel des accords de commerce préférentiel
(preferential trade agreements) qui connait une flambée à l'heure actuelle. On a l'accord conclu entre le Canada et
l'UE, les USA avec l'accord transpacifique et l'accord transatlantique. Un accord est en cours de négociation entre les
USA et l'Union européenne.

!68
Thème 4 : l'extension sectorielle du droit OMC : agriculture, textile et
vêtements et mesures concernant les investissements et liées au commerce des
marchandises
Le GATT de 1947, au départ prévu pour régler de façon uniforme le commerce des biens et des marchandises, a été
amené à évoluer sous le poids de la pratique pour reconnaitre un traitement particulier à certains secteurs, en
commençant par l'agriculture et en continuant avec le textile et les vêtement : secteurs qui au départ ont été sortis du
système avant d'y être intégrés.

Section 1. Le secteur agricole

Section 2. Le secteur du textile et des vêtements

Section 3. Les mesures liées aux investissements

Thème 5 : les principes généraux communs du droit international


économique : protection douanière exclusive, clause de la nation la plus
favorisée et clause du traitement national, transparence, lutte anti-dumping,
lutte contre les mesures des Etats et mesures de sauvegarde
Ces principes sont liés au fait que la galaxie des accords OMC est complexe car elle se compose d'accords généraux
et de textes portant sur des domaines d'activités plus spécifiques. Les principes généraux communs peuvent être
analysés comme une sorte de fil directeur qui sert de fondement au système commercial multilatéral tel qu'il existe
aujourd'hui. La matière sera répartie en trois sections.

Section 1. Un principe "démocratique" : le principe de transparence

Ce principe de transparence figure aujourd'hui dans la plupart des accords relevant de l'OMC, mais d'une manière
plus ou moins visible. L'idée de ce principe est de faciliter l'accès au contenu des accords et d'éclairer pour tous les
acteurs concernés les conditions de mise en oeuvre de ces accords. L'idée est que le système commercial multilatéral
doit être prévisible pour ceux qui l'utilisent. Les entreprises, les investisseurs, les gouvernements, doivent pouvoir
trouver facilement l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions relatives aux échanges. Ils doivent
être raisonnablement assurés que les règles applicables n'ont pas changé arbitrairement du fait de décisions d'un de
leurs partenaires commerciaux. Cette transparence est liée à un principe de sécurité juridique.

Deux choses complémentaires :

Il signifie que les informations relatives aux politiques et aux réglementations commerciales en vigueur dans chaque

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membre de l'OMC doivent être rendus accessibles très largement (aux gouvernements des autres membres, aux
acteurs économiques).

Ensuite, le 2ème aspect est plus spécifique à la structure même du système OMC. La transparence est ici conçue
comme des procédures qui permettent de surveiller le mesures juridiques et pratiques administratives des membres
en matière commerciale.

§1. Les fondements juridiques et organisation

Le principe de transparence n'apparait pas de façon uniforme dans les accords OMC, il est déconcentré. Les accords
généraux vont contenir une formulation générale de ce principe qui sera contenu différemment dans les accords
spécifiques.

Accords relatifs aux droits de douane : on trouve un principe général de transparence applicable au commerce et
marchandises (article X du GATT). En addition à ce point là, la plupart des accords de l'OMC relatifs au commerce
des marchandises comprennent eux-mêmes un rappel de ce principe de transparence sous une forme plus ou moins
détaillée.

Quand un accord a été conclu en matière de service (AGCS), il a intégré sa propre formulation du principe de
transparence (article III).

Le même phénomène s'est produit sur l'accord ADPIC (article 63).

Ces formulations sont assez variables suivant les cas. La proclamation de ce principe est suffisamment vague pour
avoir besoin d'être renforcé par des mécanismes et outils spécifiques créés dans le cadre de l'OMC. Ainsi, à titre
principal, on peut citer les mécanismes qui ont pour but de tenir les membres de l'OMC informés de l'évolution des
mesures et pratiques de chaque membre dans les domaines couverts par les accords OMC. On peut y ranger le
mécanisme d'examen des politiques commerciales, la publication des (...) relatif au commerce des membres, la
notification des mesures prises par les membres en matière commerciale...

A titre accessoire, on peut rajouter les mesures visant à mettre en oeuvre le principe de transparence vis-à-vis du
grand public : programmes de diffusion des activités de l'OMC à destination de la société civile (il s'agit
essentiellement des médias) et des universités. L'idée ici est de créer des relais d'opinion en faveur des politiques
menées dans le cadre de l'OMC.

§2. La surveillance des politiques commerciales nationales dans le cadre du mécanisme d'examen des
politiques commerciales

Ce mécanisme est l'un des résultats du cycle d'Uruguay et l'un des premiers résultats efficaces. Il faut remarquer que
comme c'est régulièrement le cas dans l'OMC, ce mécanisme a d'abord été créé à titre expérimental en 1989 avant
que son efficacité soit constatée et qu'ils deviennent définitifs lors se la création de l'OMC en 1996. Il a été intégré à
la structure institutionnelle de l'organisation. Il faut aussi bien pour les politiques de marchandises, l'AGCS ou les
ASPICS.

Les examens de politique commerciale sont effectués par l'organe d'examen des politiques commerciales mais qui est
juste une formation spécifique du conseil général, doté d'un président particulier. Cet organe travaille selon des règles
et procédures spéciales, sachant que le mécanisme ne peut aux termes des accords de Marrakech ni servir de base
pour veiller au respect d'obligations spécifiques, ni à des procédures de règlement des différends, ni servir à imposer
aux membres de nouvelles obligations.

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Ce mécanisme a une portée volontairement bien délimitée. Il a pour objectif de faciliter le fonctionnement du
système commercial multilatéral par l'appréciation et l'évaluation collective de l'ensemble des mesures et pratiques
commerciales développées par les membres de l'organisation. C'est un organe d'analyse qui se contentera d'apprécier
l'impact de ces mesures et de ces politiques sur la mise en oeuvre des accords.

Ce mécanisme a une ambition essentiellement dissuasive puisqu'on part du principe que les membres, sachant que
ces mesures et pratiques seront mises à plat régulièrement, seront incitées à rester dans la norme. Mais, c'est
purement incitatif. La seule mesure que peut prendre l'organe d'examen est celle du naming & shaming.

Le rythme de ces examens varie selon les Etats. Les 4 plus grandes puissances font l'objet d'un examen tous les deux
ans, les 16 suivants tous les 4 ans, tous les autres (sauf PMA) tous les 6 ans, et pour les PMA, c'est fixé au cas par
cas.

§3. L'obligation de publier les réglementations commerciales applicables aux agents économiques

Les accords de l'OMC prévoient cela dans le cadre du GATT, article X. Cette obligation touche toutes les lois,
réglementations, décisions juridictionnelles, administratives qui sont prises par les membres de l'OMC. L'idée est que
tout partenaire commercial dans le cadre de l'OMC doit avoir accès à l'intégralité des éléments juridiques pertinents
pour l'établissement ou le développement de relations commerciales. Cette publication doit être accessible aux
membres eux-mêmes, à leurs ressortissants. Cette obligation d'information ne peut cependant être efficace que si la
mise en oeuvre de ces mesures est également contrôlée. Ainsi, les membres doivent s'abstenir de mettre à exécution
ces mesures avant leur publication et donc leur mise à disposition. D'autre part, certains accords, mais pas tous,
prévoient des délais spécifiques à respecter entre la publication d'une mesure et son entrée en vigueur. Les délais en
question varient d'un accord à un autre.

Il arrive également que certains accords prévoient la mise en place de certains points d'information ou de contact
auprès des membres (ex : bureaux compétents pour tel ou tel accord OMC). Ces points d'informations sont prévus
pour faciliter le travail des acteurs économiques eux-mêmes.

Le respect de cette obligation d'information est surveillé pour chaque accord par l'organe de surveillance spécifique
qui vérifie la mise en oeuvre de cet accord.

La circulation des informations se fait par l'intermédiaire du secrétaire général de l'OMC.

Section 2. Les principes qui garantissent l'accès de tous les membres aux marchés de leurs partenaires

Il s'agit de principes qui doivent contribuer à la réalisation des ambitions de l'organisation, c'est-à-dire la mise en
oeuvre d'un système commercial qui soit (...). L'idée est que le système commercial doit exempt de discrimination :
aucun pays ne doit discriminer entre ses partenaires commerciaux (cf. CNPF) et aucun pays ne doit discriminer entre
ses productions nationales et les productions des autres Etats (cf. clause du TN). Les PMA ont le bénéfice d'une
adaptation plus longue, des avantages particuliers.

§1. La protection douanière exclusive

La logique sous-jacente est que l'abaissement des obstacles au commerce est l'un des moyens plus efficaces pour
encourager les changes. L'abaissement de ces barrières passe par l'abaissement des droits de douane mais exige de
prendre position sur l'interdiction d'importation ou les contingents à l'importation. D'autres mesures peuvent freiner
la libéralisation des échanges.

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Ces éléments ont été pris en compte dès le début du système multilatéral. Les membres, du GATT de 1947 jusqu'à
l'OMC actuellement, ont reconnu que la réduction substantielle des droits de douane et des autres obstacles au
commerce étaient un instrument central, tout autant que le principe de non-discrimination.

Les différents aspects de ce problème ont cependant été traités séparément. On a posé un principe de réduction et de
consolidation des droits de douane, de réduction des autres obstacles au commerce et d'élimination générale des
restrictions quantitatives.

A. La réduction et la consolidation des droits de douane

Les droits d'importation peuvent être considérés comme conférant un avantage en matière de prix aux produits
locaux similaires, mais aussi comme concurrents des recettes aux gouvernements. Les droits de douane sont parfois
utilisés pour protéger les branches du droit national, mais il y a toujours l'aspect fiscal qui doit être pris en compte.
L'aspect fiscal explique que les parties à l'OMC aient refusé le principe de suppression des droits de douane. Le
principe retenu est de réduire ses droits et de les encadrer. Les membres se sont engagés à revenir régulièrement sur
le niveau des droits de douane et autres impositions perçues à l'importation et à l'exportation lors de chaque cycle de
négociation. Ici, il y aura une diminution progressive de ces droits, sans retour en arrière possible. Ce premier aspect
ne touche que la réduction, les taux.

Or, les réductions tarifaires mêmes importantes ne garantissent pas nécessairement que les conditions d'accès au
marché s'améliorent ou deviennent plus prévisibles. Une simple décision de baisse du taux d'imposition ne garantie
pas que ces taux resteront stables sur la période. On a associé à cette obligation de négociation des mécanismes de
consolidation des taux destinés à maintenir les droits de douane impliqués à leur niveau réduit. Pour cela, le niveau
d'imposition applicable aux importations et exportations doivent figurer dans les listes de négociations. Cela devient
une obligation contractuelle dans le cadre de l'OMC.

Dans le contexte de l'OMC, on appelle droit consolidé un droit qu'un membre s'est engagé à ne pas relever dans le
cadre de ses concessions. Le taux consolidé quant à lui représente le niveau maximal d'imposition sur un produit
importé dans un Etat membre.

On n'a pas complètement "lié les mains" des membres, les variations ne pourront pas dépasser le taux consolidé.
L'intérêt du multilatéralisme pose un plafond à ses variations.

Tous les produits échangés dans le cadre des accords OMC ne font pas nécessairement l'objet d'un taux consolidé,
c'est le cas d'un nombre croissant d'entre eux, mais ils ne sont pas toujours contrôlés de cette manière. L'extension de
la consolidation à de nouveaux produits fait partie des enjeux de chaque cycle de négociation.

B. La réduction des autres obstacles au commerce

Ce 2ème aspect a pris de l’importance au fil des années, d’abord dans le cadre du GATT 47. Au fur et à mesure que
le niveau global des tarifs douaniers baissait, les membres de l’OMC ont eu tendance à utiliser, par compensation,
d’autres moyens de protection de leurs marchés intérieurs : des mesures non-tarifaires qui pouvaient être des mesures
de restriction quantitatives, ou l’application de réglementations relatives au commerce, ou encore la création de
niveaux de formalités supplémentaires pour l’importation de produits étrangers, ou encore des obstacles techniques
comme la création de normes plus exigeantes. Ces éléments sont des moyens efficaces de restriction.
Le GATT de 47 a constaté cette évolution, et s’en est saisi. Les parties contractantes du GATT ont reconnu que les
avantages escomptés de la réduction des mesures tarifaires (notamment droits de douane) ne seraient effectifs et
efficaces que s'ils n'étaient pas compromis par l'application d'autres mesures. Si le diagnostic a été assez l'objet d'un
accord rapide, les résultats concrets se sont fait attendre. Les négociations sur ce point-là ont abouti à l’issue du cycle
d’Uruguay au terme duquel les membres ont adopté un certain nombre d’accords qui réglementent les mesures non-

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tarifaires. En général, ces accords qui sont en fait des modifications des accords sectoriels, assujettissent l'application
de ces mesures non-tarifaires à des contrôles destinés à vérifier leur conformité au droit de l'OMC. Il ne s’agit pas
d’interdire absolument ces mesures, mais de les discipliner, de les soumettre à des règles évitant les abus. L’idée
générale c’est que ces obstacles non-tarifaires aux importations ne doivent pas créer d’obstacles non-nécessaires au
commerce international.

C. L'élimination générale des restrictions quantitatives


La règle est que les membres de l'OMC ne peuvent plus imposer de restrictions quantitatives sur les marchandises
importées d'un autre pays membre ou exportées vers un autre pays membre. Le raisonnement appliqué ici est
différent de celui qui a présidé pour l'encadrement des droits de douane. Dans l'encadrement des droits de douane, on
autorise l'encadrement de ces droits, au mieux on leur impose un plafond consolidé, on veille à ce qu'il ne soit pas
discriminatoire. Le principe est celui d'une autorisation encadrée en gardant à l'esprit que l'objectif est la réduction
progressive du niveau de taxation.
Le raisonnement concernant les restrictions quantitatives est opposé. Le principe est celui de l'interdiction. Si on
admet quelques restrictions, ce sera à titre d'exception uniquement. Ainsi, on peut admettre des restrictions
quantitatives dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions. En particulier, dans les rares cas où
elles sont admises, ces restrictions ne doivent jamais être appliquées de façon discriminatoire.

§2. Le principe de non-discrimination : clause inconditionnelle de la nation la plus favorisée

A. La signification de la clause inconditionnelle NPF

Elle est considérée comme tellement importante pour la logique interne du GATT et de l'OMC qu'elle figure dans les
accords. Actuellement, c'est à l'article I du GATT de 1994 relatif au commerce des marchandises qu'on la trouve
exposée, ainsi qu' à l'article II de l'AGCS et à l'article IV de l'accord sur les ADPIC. Cela ne veut pas dire que
cette clause soit formulée de façon identique.

Ainsi, dans le cadre du commerce des services, on précise que la clause NPF s'applique aux services eux-mêmes et
aux fournisseurs de services. Dans le cadre des ADPIC, on précise que la clause NPF s'applique aux ressortissants
d'un pays, qu'ils soient des personnes physiques ou morales. La formulation de la clause est à chaque fois adaptée à
l'activité à laquelle elle s'applique.

Aux termes des accords de l'OMC globalement entendus, elle signifie que les pays ou les membres ne peuvent pas en
principe établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux et que dès lors s'ils accordent un traitement
favorable à l'un de leurs partenaires commerciaux, ils doivent automatiquement étendre cette faveur à l'ensemble des
autres partenaires commerciaux.

Exemple : un Etat ou union douanière décide d'abaisser les droits de douane à une catégorie de produits dans ses
échanges avec un Etat ou une UD, cela doit être étendu à l'ensemble des membres de l'OMC. Cela fait disparaitre le
traitement plus favorable.

Le statut de NPF n'a pas toujours été synonyme d'égalité de traitement. L'expression ne se comprend que si on se
réfère à l'origine. Avant la charte de La Havane, il était courant de trouver des traités bi/plurilatéraux organisant
l'équivalent d'un club fermé accordant un traitement plus favorable aux principaux partenaires commerciaux d'un
Etat. On a appelé le traitement préférentiel la "clause dissolvant".

B. L'application de la clause inconditionnelle NPF

Dans le cadre de l'OMC, chaque membre traite tous les autres membres de manière égale, donc si un membre accroît

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les avantages commerciaux accordés à un autre membre, tous les autres membres de l'OMC doivent en bénéficier,
qu'ils soient des partenaires de ce membre ou pas. L'idée est d'encourager les membres à créer des relations
commerciales là où il n'y en a pas.

Cette clause NPF est très largement comprise, elle va s'appliquer à tout type d'avantage accordé au partenaire : aussi
bien des mesures directement liées à l'organisation des importations et exportations, que des mesures d'ordre
intérieur. La conception retenue est volontairement extensive. Ici, il y a une analyse textuelle à effectuer sur la
formulation contenue dans le GATT.

1) "tout avantage au titre de l'article Ier"

Cela signifie que toutes les mesures liées à l’importation ou à l’exportation, y compris des mesures intérieures et des
mesures techniques comme des formalités administratives ou des normes applicables, sont visées. Il s’agit ici
absolument de tous les éléments qui conditionnent à un titre ou à un autre, l’échange international.

2) "sera accordé immédiatement et sans condition"

Lorsqu'un membre de l'OMC a accordé un avantage (ex : à des importations en provenance d'un pays quelconque,
membre de l'OMC ou non), il doit accorder ce même avantage aux importations de produits similaires en provenance
de tout autre membre de l'OMC. Cela concerne les échanges de biens. On ne peut ni assujettir le bénéfice de cette
clause à un délai ou à une condition d'attendre l'entrée en vigueur de telle norme, etc. On ne peut pas non plus exiger
la réciprocité.

3) "aux produits similaires de tous les autres membres"

Seuls les produits similaires doivent être traités de façon identique. En d'autres termes, les produits qui ne sont pas
similaires peuvent être traités différemment. Or, le GATT de 1994 ne définit pas la notion de produit similaire.
L'expression est employée tel quel dans le GATT et les autres accords de l'OMC. Il faut se référer à la
"jurisprudence" du GATT et de l'OMC (solutions trouvées quand un problème touchait la définition de produit
similaire). On trouve 4 critères pour identifier et déterminer si les produits concernés sont similaires ou non :

- Les caractéristiques physiques du produit concerné (la nature, les propriétés et les qualités de ce produit) ;

- L'utilisation finale du produit concerné ;

- Les habitudes des consommateurs ;

- La classification douanière des produits.

Il s'agit de critères relativement larges. Pour prendre la mesure de la portée de chacun de ces critères, il faut s'appuyer
sur l'exemple d'utilisation de ces critères dans des litiges précis.

C. Les exceptions au principe

Une première exception est que les membres de l'OMC peuvent conclure un accord de libre échange qui s'applique
uniquement aux marchandises échangées à l'intérieur du groupe, ce qui, de fait, crée nécessairement une
discrimination envers les produits similaires en provenance de l'extérieur du groupe. Ou encore, on admet qu'un

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membre de l'OMC puisse accorder un accès spécial à son marché aux pays en développement (il s'agit de la clause
d'habilitation qui constitue l'une des principales dispositions en faveur des pays en développement et des pays les
moins avancés).

Une seconde exception concerne les préférences historiques : elles ont été très importantes au début du GATT de
1947 et se sont dissoutes peu à peu. Il s'agissait bien d'une exception à la clause NPF. Les dispositions qui permettent
de faciliter ou accorder un traitement spécifique entre pays limitrophes (trafic frontalier, articl XXIV:3 du GATT de
1994) sont admises, mais restent d'application limitée.

Ces exceptions ne sont pas inconditionnelles, mais rigoureusement encadrées, et quand elles sont utilisées, elles font
l'objet d'une surveillance étroite de la part des organes de surveillance des accords concernés. On retrouve la logique
relativement déconcentrée des accords de l'OMC puisque chaque accord dispose de son propre organe de
surveillance. En pratique, elles sont d'autant plus étroitement contrôlées que le principe de la clause NPF est
considéré comme central.

§3. Le principe de non discrimination : le traitement national

A. La signification de la clause du TN

Il ne s'agit pas de comparer le traitement accordé aux différents partenaires commerciaux d'un membre de l'OMC. Il
s'agit d'examiner, de comparer le traitement accordé par un membre de l'OMC à chacun de ces partenaires
commerciaux par rapport au traitement qu'il accorde aux produits similaires qu'il accorde sur son sol. C'est toujours
de la discrimination, mais entre produits nationaux et produits étrangers. Cela permet de favoriser les produits
nationaux par rapport aux produits similaires importés d'autres membres une fois que ces produits sont entrés sur le
territoire national. Il assure l'égalité des conditions de concurrence entre produits importés et produits nationaux.

C'est un aspect du principe de non-discrimination. On considère qu'il s'agit d'un élément central pour l'existence
même du multilatéralisme. On trouvera cette clause dans chacun des accords de l'OMC : article III du GATT de
1994, article XVII de l'AGCS (particularité : cette obligation découlant de la clause du TN va s'appliquer
uniquement à des services qui sont inclus dans une liste restrictive et qui est assortie de limitations), article III de
l'accord ADPIC.

B. La mise en oeuvre du principe

La clause du traitement national n'a vocation à s'appliquer qu'aux mesures de l'ordre juridique interne et uniquement
aux mesures concernant le produit arrivé sur le marché intérieur, à l'exclusion de toutes les mesures applicables aux
frontières.

Les mesures intérieures vont comprendre, aux termes de l'article III:2, les impositions et taxes intérieures (ex : sur
les ventes, sur la valeur ajoutée, à l'exclusion de toute taxe douanière), aux termes de l'article III:4, les lois,
règlements et prescriptions de l'ordre interne qui sont applicables à la vente, au transport, à la distribution ou à
l'utilisation du produit.

Ce sont des mesures qui ne concernent pas le passage de la frontière, mais une note additionnelle à l'article III du
GATT permet d'écarter un petit détournement imaginé par certains membres au début de l'application de l'article : ils
souhaitaient appliquer des mesures d'ordre intérieur au moment du franchissement des frontières. Ce qui compte,
c'est la nature des mesures.

S'agissant de l'article III:2 (impositions intérieures), il faut s'interroger sur la formulation de l'article III:2. Elle
évoque d'une part la notion de produit similaire et d'autre part la notion de "produits directement concurrents ou

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directement substituables".

Va-t-on analyser ces deux expressions d'une manière identique ? Si on poursuit la lecture, il semble mentionner
deux niveaux d'obligations pour ces deux catégories. D'une part, on considère que la clause du TN est violée à partir
du moment où les produits similaires importés sont frappés d'une taxe supérieure à celle qui frappe les produits
nationaux. Même le plus faible montant d'imposition supplémentaire suffit à caractériser la violation de la clause du
TN. D'autre part, pour les produits directement concurrents ou substituables, la violation n'est constituée que si les
produits nationaux ou importés ne sont pas frappés d'une taxe semblable. L'écart pris en compte est celui de la
similarité. On a un problème potentiel d'interprétation ici. La taxation doit être créée de manière à protéger la
production nationale.

Les juristes se sont interrogés sur la différence éventuelle entre les produits similaires et les produits directement
concurrents ou substituables. Là encore, on s'est tournés vers la pratique des institutions chargées du règlement des
litiges qui donnent une interprétation :

- Les produits similaires devraient être considérés comme un sous-ensemble de la catégorie plus large des
produits directement concurrents ou substituables. Cette jurisprudence ne va pas beaucoup plus loin dans les
critères. Pour savoir comment s'appliquent ces notions, il faut regarder au cas par cas. A l'heure actuelle, cela
signifie que quand les produits nationaux et importés sont parfaitement substituables, ils rentrent dans la
catégorie des produits similaires.

- Mais, par ailleurs, même si produits nationaux et produits importés ne sont pas parfaitement substituables et
ne sont pas des produits similaires au sens de la 1ère phrase, ils peuvent rentrer dans la catégorie plus vaste
des produits directement concurrents ou substituables. Elle a un sens plus large et plus englobant par rapport à
la première expression.

S'agissant des critères permettant de déceler la similarité, les critères appliqués dans le cadre du règlement des
différends sont les mêmes que ceux dégagés dans la clause NPF. En revanche, tant qu'on cherche à déterminer les
conditions du caractère directement concurrent ou directement substituable, il faut analyser au cas par cas pour
déterminer les conditions concrètes de la concurrence sur le marché considéré.

Une autre catégorie est à l'alinéa 4 : la clause TN s'applique de façon systématique à toute mesure entrant dans cette
catégorie. Le traitement accordé aux produits nationaux ou importés doit être dans tous ses éléments non
discriminant. Ici, l'interprétation de la similarité est plus large que pour l'alinéa 2 de l'article 3. Quand on examine
les solutions proposées par l'ORD, on voit que son considérées comme similaire l'intégralité des produits, sans
s'arrêter aux produits similaires au sens strict.

C. Les exceptions au principe du TN

La clause du TN s'applique uniquement aux mesures intérieures. Ici, les mesures intérieures sont définies par
opposition aux mesures à la frontière et de ce fait, les exceptions qui seront prévues vont en fait permettre d'accorder
une certaine souplesse à l'application de la clause du TN.

En la matière, la clause du traitement national ne va prévoir des exceptions que de façon limitée et d'interprétation
restrictive. Il s'agira de certaines catégories de produits dont on va choisir de façon conventionnelle de leur accorder
la possibilité d'un traitement spécifique. La régularité est celle de la liste et il faut se reporter aux listes de
concessions pour en avoir le contenu.

§4. Le bénéfice du traitement spécial et différencié pour les pays en développement

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Il s'agit d'une conséquence de la politique du développement telle qu'elle est développée au sein de l'OMC. Cette
politique s'est développée lentement à la fin des années 1950 suite aux revendications d'un groupe mené par l'Inde.

A. La nécessité de ce principe

Même quand on part du principe que la libéralisation des échanges et leur globalisation bénéficie nécessairement à
toutes les économies nationales, on est obligés de tenir compte de l'économie de certains pays moins développés
risquant de souffrir de l'ouverture des marchés, même si la catégorie de pays en développement est diverse.

Les difficultés que ces pays en développement peuvent rencontrer sont de plusieurs ordres. Habituellement, la
doctrine de DIE considère que les plus graves de ces difficultés relèvent de 5 catégories potentielles.

- De nombreux PED ne produisent en quantité suffisante pour alimenter les échanges internationaux qu'une
quantité limitée de produits : la nature ou le volume des échanges vont être conditionnés par la structuration
du secteur productif. Le bénéfice tiré de l'ouverture de l'économie est variable.

- Ensuite, bon nombre de PED produisent davantage de matières premières et produits primaires (pas ou peu
transformés). Or, dans le contexte actuel, les marchés mondiaux de ces produits sont instables, les prix sont
bas et font l'objet de spéculations.

- Puis, les Etats de ces pays ont des ressources financières publiques limitées, ce qui rend plus difficile des
politiques volontaristes pour accompagner l'économie nationale dans son adaptation à la globalisation des
échanges. Pour les PMA, l'ouverture aux échanges globalisés s'est souvent accompagnée de mesure de
transitions financées par les Etats pour dédommager les secteurs moins concurrentiels et aider la reconversion
vers des secteurs moins concurrentiels.

- Du fait du caractère limité des ressources financières publiques, ces Etats n'ont que peu de capacités
d'investissements. De ce fait, ces pays se heurtent souvent à des contraintes sur le plan de l'offre qu'ils peuvent
proposer.

- L'infrastructure administrative de ces Etats est souvent sans commune mesure avec celle des Etats
développés les moins interventionnistes (dont l'administration est la plus légère). Ils n'ont pas les moyens
nécessaires pour s'adapter.

A cause de tous ces problèmes potentiels, les membres de l'OMC ont reconnu qu'il est nécessaire de faire des efforts
en faveur des pays en développement et des pays les moins avancés. Il s'agit de tenir compte des caractéristiques en
matière de développement économique. A la conclusion du cycle d'Uruguay et aux accords de Marrakech, a été
créé un comité du commerce et du développement qui comprend un sous-comité dédié aux pays et moins avancés et
toute une série d'organes subsidiaires qui coordonnent le travail de l'OMC.

Il faut replacer le traitement spécial et différencié : ce principe est complété par tout un ensemble de dispositions et
de programmes pour constituer la dimension et le développement de l'OMC (ex : assistance technique, formation
avec des programmes plus ou moins ciblés).

B. Les conditions d'application du principe du traitement spécial et différencié

Le premier problème pour appliquer ce principe est celui de l'identification des bénéficiaires. De façon général,
vont bénéficier de ce traitement tous les membres qui entrent dans les catégories des pays en développement et
d'autre part des pays les moins avancés.

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Le principe pour définir cette catégorie est celui de l'auto-déclaration : ce sont les membres eux-mêmes qui
décident de leur propre chef de se considérer comme pays en développement. Pour les PMA, la situation est un
peu différente puisque l'OMC considère comme PMA les membres d'une liste établie dans le cadre de l'ONU par le
conseil économique et social. En plus des pays en développement et des pays les moins avancés, d'autres membres
bénéficient d'un traitement spécial ou programme spécifique liés à leur situation à un moment donné. Cela ne veut
pas dire qu'ils forment une catégorie formalisée.

L'OMC utilise une notion de "petites économies" : elles ont fait l'objet d'un effort de définition lors de la conférence
de Doha (2001, §35 de la déclaration). C'est un groupe principalement composé de pays enclavés ou îles de
dimensions limitées qui présentent des difficultés spécifiques pour participer au commerce mondial (ex :
isolement géographique, part minime du commerce mondial, faible productivité, coût de transport et de transit
élevé...). Ce sont des pays tels que le Lichtenstein, etc.

S'agissant des pays en transition, on parle de pays d'Europe centrale et orientale, de la Chine... Ils connaissent des
difficultés spécifiques. Bien que le groupe soit en cours d'extinction, des efforts particuliers ont été fournis par
l'OMC.

On a aussi les groupes ayant posé une demande qui est encore en cours d'instruction.

C. Les modalités de mise en oeuvre de ce principe

Il y a dans les accords OMC plus de 145 dispositions permettant de mettre en oeuvre ce principe. On en trouve dans
le commerce des marchandises, des services, des ADPIC...

Les pays ou membres de l'OMC relevant de cette catégorie n'utilisent pas de façon uniforme les possibilités qui leur
sont offertes. L'utilisation varie en fonction des accords ou de la situation des pays, c'est l'une des raisons pour
lesquelles ce principe a fait l'objet d'un traitement particulier dans les négociations du cycle de Doha.

L'idée centrale à l'oeuvre dans ce principe est celui de la non-réciprocité, les pays développés membres n'attendent
pas de réciprocité pour les engagements qu'ils prennent quand ils s'engagent

GATT, article XXXVI:8 : c'est une entorse au principe de réciprocité, la marge, le degré de libéralisation attendu
des PED, PMA, est inférieur à celui attendu pour les pays développés. Cela a permis aux PED de consolider leurs
droits de douane à des niveaux moins bas que ceux des pays développés.

Les dispositions sur le TSD peuvent être classées en quatre grandes catégories :

1ère catégorie : dispositions qui visent à accroître les possibilités commerciales. Ce sont des dispositions qui
permettent et donnent une forte réduction des obstacles au commerce de produits et services en provenance de pays
en développement et en direction de pays développés. Les membres développés se sont alors engagés a accorder une
priorité importante à la réduction et l'élimination des obstacles au commerce de produits dont l'exportation présente
un intérêt particulier pour les PED. Pour ces produits là, on va fortement abaisser les droits de douane par exemple.
Volonté de trouver un régime commercial plus favorable selon certaines catégories de produits. Ce premier examen
est lié à un constat : le fait que beaucoup n'ont pas d'industries de transformation très développée, le fait de
privilégier ou ne pas les différencier est considéré comme avantageux pour les pays en développement. La clause
d'habilitation rentre également dans cette catégorie.

2ème catégorie : dispositions visant à donner aux PED les plus grandes flexibilités dans l'utilisation des
instruments de politique économique et commerciale. On va les exempter d'un certain nombre d'obligations,
d'engagements normalement applicables aux membres de l'OMC.

Exemple : article 18 du GATT autorisant les pays en développement membres de l'OMC à conserver une souplesse

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dans l'établissement d'un tarif douanier supérieur à celle consentie aux membres développés. On sait que l'une des
raisons pour lesquelles les tarifs douaniers visent à empêcher, de dissuader les membres de protéger certaines de
leurs productions nationales. On estime qu'il peut être nécessaire de protéger certaines branches de leur économie,
d'où cet assouplissement des règles relatives aux tarifs douaniers. Quand ils développent une branche peu
développée, on va les autoriser à protéger cette branche en développement grâce à des tarifs spécifiques, ce qu'on
n'autorise pas aux pays développés.

3ème catégorie : les dispositions qui accordent aux membres de l'OMC en développement des périodes de
transition plus longues que celles proposées aux membres développés pour s'acquitter des obligations qu'ils
contractent dans le cadre de l'OMC. Quand des obligations découlant des accords OMC sont acceptés par les
membres, ils disposent d'une période de mise en oeuvre. Pour les PED, compte tenu de la fragilité plus grande de
leurs économies, on leur donne des délais d'application destinés à ne pas fragiliser leurs économies.

Exemple : article 65 de l'accord sur les ADPIC, on leur donne une période de 4 ans supplémentaire pour leur
permettre d'appliquer l'accord, pour leur permettre d'aménager leur transition économique.

4ème catégorie : les dispositions spécifiques à une catégorie particulière de pays en développement, les pays les
moins avancés. Il s'agit de dispositions qui non seulement accordent à ces pays des souplesses supplémentaires dans
l'application des accords, mais en plus, engagent les pays développés à faire des efforts supplémentaires pour réduire
les obstacles à l'importation de produits venant des PMA.

Exemple : on va créer des régimes d'accès au marché des pays développés en franchise de droits et sans contingents.
Cela libère l'accès aux marchés des pays développés pour les produits en provenance des PMA.

Exemple : l'annexe F accorde un tel accès aux marchés pour 97% des produits qui sont originaires des PMA.

Section 3. Les principes qui permettent de se garantir contre une application déloyale des mécanismes
d'ouverture du marché (principes de défense commerciale pour les membres de l'OMC)

Il faut relier ces principes aux grands objectifs définis par le système OMC tout entier. L'un des objectifs fixés
d'emblée pour le système multilatéral est de faire en sorte que les membres de ce système établissent entre eux des
relations aussi concurrentielles que possible, médiatisées par le marché. On cherche à décourager autant que faire ce
peu des pratiques qu'on considérera comme déloyales, visées à limiter la concurrence, ou à la fausser. Ce sont des
pratiques, politiques visant à obtenir une part de marché indépendamment du jeu de la concurrence entre les
producteurs d'un produit donné. Cela vise d'une part la pratique de la vente de produits à des prix de dumping
(inférieurs au coût de production, interdit par l'article VI du GATT) et d'autre part la pratique de subventions à
l'exportation (permet aux producteurs de baisser leur prix de vente à l'export grâce à une aide octroyée par leur pays).
Ce sont deux grandes catégories de pratiques qui pourraient permettre de contourner les faits et concessions qui
servent de base au système multilatéral.

§1. Le principe de la lutte anti-dumping

Il s'agit là d'un cas un peu particulier dans les instruments de promotion et de libéralisation des échanges. Le GATT
porte en général sur des mesures prises par les Etats eux-mêmes. Le système multilatéral considère que "l'ennemi" de
la libéralisation du commerce international est (...). Ici, on va chercher à contrôler et encadrer non pas la pratique des
Etats, mais celle d'entreprises.

Le dumping est une pratique qui relève des initiatives privées. Comment va-t-on le définir dans le système du GATT
? Quelles sont les règles applicables à la lutte ?

!79
A. La définition du dumping

Exemple : un pays A et un produit particulier : les tables. Le coût d'une production d'une table par une entreprise X
est de 80 unités monétaires. Elle vend ses tables dans le pays A 100 unités monétaires. Elle fait un bénéfice de 20
unités monétaires. L'entreprise décide d'exporter ses tables dans le pays B, pour vendre sa table, il choisit de la
vendre 70 unités monétaires alors qu'une entreprise Y installée dans le pays B vend ses tables 100 unités monétaires.
Deux éléments : le prix de vente de l'entreprise X dans le pays A et le prix de vente de l'entreprise Y dans le pays B.
Il y a dumping parce qu'il existe une différence de prix entre le pays A et le pays B, sachant que cette valeur est de
100 UM et la valeur de vente du producteur local sera la valeur normale. La marge de dumping est de 300 UM, la
différence avec la valeur normale est le prix d'exportation.

Quand on analyse ce comportement économique, il a eu un effet en deux temps. Dans un premier temps, on peut dire
que l'entreprise X a choisi de baisser ces prix à l'exportation pour s'approprier les parts de marché dans le pays B. Ce
comportement présente des risques importants, menace sérieusement d'éliminer les producteurs locaux du pays B,
notamment l'entreprise Y, puisqu'elle est confrontée à un concurrent qui vend les mêmes produits à un prix très en
deçà de la valeur normale. Les producteurs locaux risquent de disparaître. Les moyens déployés par l'entreprise X
pour gagner des parts de marché dans le pays B sont déloyaux, elle vend son produit 10 UM de moins que son prix
de revient, dans l'espoir que l'effort financier qu'elle consent sera payé de retour une fois la concurrence locale
éliminée.

La manière dont on l'analyse a évolué. On a encore aujourd'hui un certain nombres d'arguments expliquant que le
dumping n'est pas préjudiciable (elles sont vieilles comme le commerce, etc.), cela explique que la conséquence n°2
(élimination des concurrents nationaux) n'a absolument rien d'inévitable, supposerait un marché fermé et non
évolutif. Face à une telle situation, il serait plus plausible que dans le pays B, vont émerger des producteurs qui
arriveront à produire des produits en question à un prix conforme au marché

A ce type d'arguments, on peut répondre deux choses principalement : si la branche de production nationale du
produit qui fait l'objet du dumping disparait dans le pays B, les emplois ne sont que très rarement remplacés
intégralement. Cela dépend du type d'emploi. L'expérience passée montre que l'adversibilité du travail n'est jamais
parfaite, il peut y avoir des effets pour la paix sociale qu'on ne peut complètement ignorer. Ensuite, s'il est vrai que la
branche de production menacée par le dumping pourrait reprendre ses activités pour combattre la pratique dumping
(ex : baisser les prix de production, contre-attaquer...), ce n'est jamais instantané, cela demande des investissements à
la fois financiers et en temps, qui ont peu de chance d'être disponible complètement.

Malgré tout, le système multilatéral a très tôt mis en place des politiques de lutte anti-dumping, mais cette politique
est nuancée pour répondre aux arguments de départ.

B. Les règles applicables à la lutte anti-dumping

La règle en la matière est fixée à l'article 6 du GATT. En cas de dumping causant ou menaçant de causer un
dommage à une branche de production nationale de produits similaires, le pays importateur (visé par l'atteinte) est
autorisé à imposer une surtaxe à la frontière correspondant à la différence de prix qu'on va appeler marge de
dumping. C'est une possibilité offerte non pas à l'entreprise visée mais à l'Etat dans lequel elle est installée,
permettant de lutter contre les mesures de dumping mises en oeuvre par une entreprise installée dans un Etat
étranger. Ces droits, taxes posés à la frontière sont qualifiés de droits anti-dumping.

La mise en oeuvre de droits anti-dumping n'est jamais une obligation pour un Etat, c'est juste une possibilité : celle
de se protéger. Cela revient à dire que le GATT lui-même ne condamne pas la pratique du dumping en tant que tel.
Le GATT offre à l'Etat de destination la possibilité de défendre ses entreprises.

!80
Ces politiques anti-dumping, si elles sont autorisées, sont quand même encadrées. Pour que des droits anti-dumping
soient conformes aux droits OMC, il faut que soient visés les produits similaires, il faut qu'un dommage soit
imminent ou avéré pour la branche de production nationale du produit similaire, il faut la volonté de l'Etat visé de
s'opposer à la situation.

On retrouve une manifestation du conflit de logique au sein du système multilatéral entre l'impératif de libre échange
qui admet le dumping comme pratique concurrentielle et l'intérêt des Etats à protéger leur économie qui admet que
quand la mesure de dumping peut avoir des effets importants, essentiels sur une branche de production nationale, un
Etat puisse réagir.

§2. Le principe de la lutte contre les subventions à l'exportation

On revient à une logique où on surveille le comportement des Etats. Il s'agit de lutter contre les distorsions aux
échanges commerciaux internationaux causés par des politiques publiques spécifiques, en l'occurrence des
subventions à l'exportation accordée par des Etats à leurs entreprises nationales. Il y a eu une évolution entre les
débuts du système multilatéral et la période actuelle (solution du GATT de 1947 et celle du système OMC).

Dans le GATT de 1947, les dispositions relatives à la question des subventions d'exportation n'étaient pas très
précises, elles tenaient en deux dispositions :

- l'article 6 qui autorisait les membres à se protéger contre les importations subventionnées en affectant les
produits en question de droits compensateurs (droits antisubventions) ;

- l'article 16 qui interdisait un type particulier de subventions à l'exportation, mais le système n'était pas très
cohérent.

Le système OMC est plus précis puisqu'il comporte un accord spécifique sur ces questions : l'accord sur les
subventions et les mesures compensatoires (SMC), qui définit ce qu'est une subvention par l'introduction de la
notion de subvention spécifique. On appelle dans le cadre de l'OMC une subvention spécifique une subvention
dont l'octroi est limité à une entreprise, un groupe d'entreprises, une branche de production, un groupe de
branches de production et qui vise à favoriser l'exportation de certains produits. Seules les subventions
spécifiques sont soumises au mécanisme de lutte spécifiées dans les accords OMC.

A. La définition par l'accord SMC des subventions et des subventions spécifiques

A l'origine, l'accord SMC établissait trois catégories de subventions :

- Première catégorie : les subventions prohibées (catégorie rouge). Sont considérées comme prohibées deux
sortes de subventions :

→ D'une part les subventions qui sont en droit et en fait subordonnées aux résultats à l'exportation, cad celles
qui sont accordées par l'Etat quand le résultat à l'exportation d'une entreprise, d'un groupe d'entreprises, d'une
branche ou groupe de branches n'est pas satisfaisant.

→ D'autre part, les subventions subordonnées à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits
importés. Il s'agit en fait d'aides accordées par des Etats à des entreprises, groupes d'entreprises, branches ou
groupes de branches afin qu'ils utilisent des produits nationaux.

- Seconde catégorie : elle peut donner lieu à une action, c'est une catégorie qui dans la doctrine est catégorisée de
"catégorie orange". L'accord dit qu'aucun membre ne devra causer d'effets défavorables pour les intérêts

!81
économiques d'autres membres en recourant à des subventions. Cela signifie que tout membre de l'OMC qui s'estime
lésé par les subventions relevant de cette catégorie peut porter la question devant l'organe de règlement des
différends et engager des procédures. Tout va relever de l'appréciation d'une part de l'atteinte aux intérêts de l'Etat
demandeur et d'autre part, du lien de causalité entre les subventions et l'atteinte à ces intérêts.

- Troisième catégorie : les subventions vertes. Il s'agissait de subventions pouvant donner lieu à la recherche
industrielle, des aides accordées par les Etats pour que certaines branches de production adaptent leur production à
de nouvelles normes, notamment environnementales. Depuis 1999, les membres de l'OMC ont décidé de supprimer
cette catégorie. Il n'y a plus de subvention qui échappe.

Cela a eu un effet important sur les deux dernières catégories : aides au développement d'une région et aides pour les
normes environnementales. Des litiges ont débouché sur des sanctions, car il y avait des atteintes.

Cf. ce qu'il se passe actuellement pour les accords plurilatéraux, bilatéraux (accord transpacifique, etc.).

B. Les mécanismes de lutte contre les subventions spécifiques

Par définition, on est dans le cadre de la catégorie "orange". Les membres de l'OMC qui estiment être lésés par des
subventions accordées par d'autres membres à leurs entreprises nationales, groupes d'entreprises, ont la possibilité
d'engager deux types de recours en plus de la saisine d'un organe de nature politique compétent en la matière (comité
des subventions et des mesures compensatoires : organe chargé de surveiller l'application de l'accord SMC).

Il peut entreprendre une action directement contre le membre qui octroie la subvention visée en demandant à ce que
le membre en question soit supprime, soit réduise le programme de subventions concerné.

Mais aussi, il peut décider de se protéger lui-même directement contre les importations subventionnées en imposant
de son propre chef des droits compensateurs ou antisubventions qui correspondent soit au montant des subventions
accordées aux exportations du produit, soit au montant du dommage subi à cause de la subvention.

1) L'action directe

Elle prend la forme d'une plainte alléguant que le programme de subventions concerné devrait être réduit ou
supprimé, ce qui implique que tant que le différend n'est pas réglé, le pays lésé (demandeur) n'impose pas à sa
frontière de droit compensateur.

Comment l'action du membre lésé contre le membre fautif va être menée ? Il s'agit d'une plainte par laquelle le
membre lésé va identifier le programme de subvention problématique et demander à ce que ce programme soit réduit
ou supprimé. Ce procédé qui permet donc d'attaquer la mesure problématique est d'une utilisation assez large dans la
mesure où il peut être utilisé même quand le marché en question est en fait situé ni dans le membre qui se plaint ni
sur le territoire du membre qui a versé la subvention. C'est une procédure permettant à des tiers d'attaquer les
subventions programmées par les membres de l'OMC.

On veut permettre aux membres de l'OMC de protéger les branches de production nationale, même quand le
problème se situe au niveau de la concurrence entre ces branches et les produits similaires sur un marché tiers.

1ère étape : branche de production d'un produit X dans un pays A. Les professionnels du secteur estiment que le prix
de vente d'un produit d'un pays tiers est vendu à un prix bas.

2ème étape : on sait le ministère de l'économie du pays A du problème.

3ème étape : le ministère de l'économie enquête et s'il voit qu'il y a un problème, décide :

!82
→ De soulever un litige : on s'interdit de poser une surtaxe : on passe par l'ORD.

→ Agir en imposant un droit compensatoire (la surtaxe)

4ème étape : s'il choisit de surtaxer, il doit choisir entre deux modes de calculs basés sur la subvention accordée dans
le pays B ou basés sur le prix du marché dans le pays A.

Exemple : un pays A , un pays B et un pays C. Dans le pays A, il y a une branche de production qui produit un
produit X, idem dans le pays B. La procédure permet au pays A de s'adresser à l'ORD pour attaquer le
programme de subvention du pays B. Cela permet de protéger le marché national. C'est plus intéressant pour le
pays A, qui va s'attaquer au programme de subvention du pays B, qu'il soit sur le marché national du pays A ou sur le
marché tiers du pays C.

On peut également dresser des barrières antisubventions à l'entrée de produits subventionnés sur le marché
national. Il s'agit là d'une décision unilatérale du pays lésé. On parlera de droit anti-subvention ou de droit
compensateur, l'expression figurant dans l'article VI du GATT. Il s'agit d'une hypothèse où la commercialisation
d'un produit sur le marché du membre lésé (ex : pays A) souffre, est affecté, lésé par les subventions qu'un autre
membre accorde aux exportations de ce produit vers des pays tiers.

Il s'agit alors de permettre au membre lésé d'appliquer des droits compensateurs à sa frontière : des surtaxes
s'ajoutant aux droits de douane existants. Cette surtaxe peut être équivalente au montant des subventions ou bien au
montant des dommages subis du fait de la subvention.

Si on reprend l'exemple de l'exportation de tables (cf. supra) : une table vendue 100 UM dans le pays A alors que
son coût de production initial est de 120 UM. Il y a une subvention de 20 UM qui permet au producteur de table de
vendre sa table 100 UM seulement. Sans la subvention, le prix de vente de la table sur le marché A serait de 120 UM.
Dans le pays A, si la table est vendue 110 UM, la table vendue du pays B sera en concurrence puisqu'elle sera vendue
100 UM.

L'article VI autorise le pays A à tirer des conséquences de cette subvention qui fausse la concurrence entre la
production de tables du pays A et du pays B. C'est une décision prise par l'Etat, qui ne surveillera pas
systématiquement les prix.

- Le pays A peut aux termes de l'article VI décider d'imposer à la production de tables du pays B une surtaxe
destinée à subventionner l'importation de produits venant du pays B. La surtaxe en question peut équivaloir
soit à 20 UM si le pays A décide de compenser la subvention elle-même : dans ce cas, le prix de vente des
productions du pays B sur le marché A sera de 120 (coût de production) - 20 (subvention) + 20 (surtaxe) =
120. L'Etat B peut contester.

- La seconde possibilité est de compenser non pas la subvention, mais le dommage subi. Vu que les
productions du pays A coûtent 110 UM, l'Etat A peut compenser le préjudice causé par la concurrence qui
n'est que de 10 UM. Dans ce cas, la surtaxe sera de 10 UM pour arriver à un total de 110 UM (produits du
pays B et du pays A).

Si on utilise la première méthode, les subventions ne prennent jamais la forme d'une somme versée à l'Etat aux
productions. On va gagner davantage car la surtaxe apportera davantage aux caisses de l'Etat A. Cela suppose que le
programme de subvention soit visible de l'extérieur. Il faut analyser la situation du pays B et sa situation économique.

Si on utilise la seconde méthode, elle s'appuie sur de données liées au calcul du prix du marché d'un produit fabriqué
localement.

Les choses sont rarement tranchées en la matière, les programmes de subventions ne consistent pas en le fait de
verser une somme aux producteurs, le programme est bien plus complexe, d'où le fait qu'il soit discuté en cas de
litige. En cas de litige, la qualification et la nature de la subvention seront discutées. Si on est un ministère de

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l'économie, on devra qualifier le programme de manière à ce qu'il n'apparaisse pas comme un programme de
subvention.

De ce fait, si un Etat décide de réagir en passant non pas par la procédure de règlement des litiges, mais par l'autre, le
calcul de la subvention ne sera pas simple. L'idée de passer du compensatoire au punitif est une idée bien réelle.

C. Le cas particulier des subventions agricoles

Les produits agricoles sont souvent un cas particulier. Concernant les subventions, classiquement, les subventions à
l'exportation sont trop importantes en matière agricole pour qu'on puisse leur appliquer les principes de l'accord SMC
directement. Un accord spécifique a été conclu visant l'agriculture qui prévoit un régime spécial pour les subventions
à certains produits agricoles. Ici, le principe n'est pas celui d'une interdiction complète, mais c'est celle d'une
différenciation entre les produits. C'est la raison pour laquelle le domaine agricole admet certaines subventions à
l'exportation de la même manière que le champ agricole admet certaines subventions (...), mais pas de façon générale
et indifférenciée, cela ne vaut que pour certains produits, et le régime est susceptible d'évoluer.

L'évolution en la matière a commencé à la fin du système GATT de 1947. Lors du cycle d'Uruguay, les membres du
GATT ont été priés de répertorier leurs subventions à l'exportation existante produit par produit. L'un des enjeux du
cycle était que les parties s'engagent à la réduction progressive de ces subventions selon un programme préétabli.
Cela veut dire que même dans l'hypothèse où une subvention à l'exportation est admise, le niveau de cette subvention
ne peut pas augmenter (effet cliquet), il doit baisser progressivement et normalement, cette réduction doit suivre un
programme déterminé.

Cette première étape s'est doublée d'une deuxième puisque les membres ont été priés d'établir le montant total des
subventions qu'ils accordaient à leur production agricole. L'idée était d'évaluer la distorsion résultant de ces
subventions pour les marchés agricoles. Ces subventions à la production devaient également faire l'objet d'un
engagement de réduction impliquant donc un effet cliquet (on ne peut dépasser le niveau de production à la
subvention existante).

Cette ambition a été transférée lors de la création de l'OMC, mais la pratique n'a pas été suivie. Elle a été un peu
décevante. En effet, les engagements de réduction que les Etats ont accepté de prendre ne portaient que de 1994 à
2000 et après la fin de cet engagement, dans le contexte des négociations de Doha, on se retrouve dans une situation
où les négociations ne sont toujours pas terminées, où les parties se sont orientées vers un objectif de suppression
complète de ces subventions et plus seulement de leur diminution, mais sans se mettre d'accord sur les modalités
concrètes pour atteindre cet objectif. On en est toujours à la discussion des moyens de libéraliser les avantages sur ce
secteur.

Depuis la fin du système GATT, un mouvement de réduction des subventions s'est enclenché, mais n'a jamais été
uniforme (varie selon les produits). Dans le cadre de l'OMC, les engagements pris par les parties étaient fixés
jusqu'en 2000. Dans le cadre du cycle de Doha, cela a été élevé à une suppression, sans qu'un accord soit atteint
quant aux modalités concrètes.

§3. L'utilisation de mesures de sauvegarde

La situation est différente des mesures anti-dumping et des mesures antisubventions. Pour les mesures de
sauvegarde, il s'agit d'une hypothèse de protection, mais différente : il s'agit de permettre aux parties du système
multilatéral d'atténuer la brutalité des conséquences de la libéralisation des échanges sur la structuration de leur
propre branche de production. Il s'agit de protéger la structure de l'économie nationale non pas de façon absolue mais
en aménageant la transition vers la libéralisation des échanges.

!84
Pourquoi a-t-on estimé nécessaire d'avoir besoin de mettre en place ces mesures ? On s'est aperçus que la
libéralisation du commerce international par sa nature même aboutit à mettre en concurrence des branches de
production locale de biens et de services avec des producteurs étrangers de biens et services similaires. Cette mise en
concurrence ne tourne pas toujours en faveur des branches de production locale. Il se peut que ces branches de
production ne soient pas concurrentielles.

Dans la logique du multilatéralisme, cela entrainera une transition, reconversion des moyens de production vers des
domaines ou secteurs où ils seront mieux employés, plus concurrentiels : investissements, personnes. La main
d'oeuvre devra se reconvertir, ce qui suppose de mettre en place des programmes de formation. Tout peut être
transféré dans un seul objectif qui est une répartition des moyens de production aussi concurrentiels que possible.
Les êtres humains souffrent d'être reconvertis aussi rapidement.

On admet que les Etats puissent dans certains cas être autorisés à développer des politiques d'ajustement structurel
qui permettent non pas de faire disparaitre mais au moins d'atténuer les effets les plus brutaux de l'ouverture de la
concurrence. On le trouve dès l'apparition du GATT de 1947. En fait, c'est un raisonnement qui est mené depuis bien
longtemps par les USA, l'un des premiers Etats a avoir inclus dans leurs accords commerciaux (bi/plurilatéraux) des
mesures de sauvegarde. Cette possibilité d'utiliser ces mesures de protection transitoire est depuis la création du
GATT de 1947 admise dans le cadre du multilatéralisme.

Ces mesures peuvent être analysées comme des retours en arrière provisoires sur les conséquences des concessions
négociées par les partenaires commerciaux dans le cadre du multilatéralisme. Ces concessions pourront être
momentanément suspendues afin de permettre aux branches de production locales d'avoir le temps de s'adapter à
l'évolution des conditions de concurrence. Rien dans ces mesures ne contraint les modalités d'adaptation.

Ce dont on parle ici, ce sont des clauses de sauvegarde générale prévues dans le cadre multilatéral, mais il faut avoir
conscience que de telles clauses ou des clauses équivalentes existent dans à peu près tous les accords bi/plurilatéraux
en matière commerciale. Le mécanisme qu'on va étudier sera celui de l'OMC, mais il ne s'agit pas du seul mécanisme
de sauvegarde.

Pour comprendre le régime des mesures de sauvegarde prévues dans le cadre de l'OMC, il faut d'abord voir celui mis
en place dans le GATT de 1947. Le régime actuel découle des limites du régime du GATT de 1947.

A. La clause de sauvegarde dans le GATT de 1947

Cette clause était prévue à l'article XIX du GATT de 1947, intitulé "mesures d'urgences concernant l'importation
de produits particuliers." Cet article permettait à une partie contractante de retirer ou de modifier une concession
qu'elle avait inscrite sur sa liste de concessions alors même que cette liste était consolidée si du fait de cette
concession, et du fait d'une évolution imprévue des circonstances, l'importation du produit concerné augmentait
tellement que cela mettait en danger de dommages graves ou que cela causait un dommage à la branche nationale de
production du produit concerné.

Il y a trois conditions :

- Une condition relative aux importations d'un produit donné avec une augmentation extrêmement
importante ;

- Une condition liée à la cause de cette augmentation : il faut que ce soit lié à une concession du GATT ;

- Une condition liée au dommage grave ou une menace de dommage sur la branche de produits nationaux
concurrents.

Une fois les conditions réunies, la conséquence est d'autoriser le membre du GATT à suspendre, à retirer ou à

!85
modifier unilatéralement la concession commerciale à l'origine du problème, avec une seule condition formelle qui
consistait à ouvrir des négociations dans le langage du GATT (consultations) avec des autres parties au système.

Cela pouvait amener la partie en question à rehausser ses droits de douane, ou à remettre en place des barrières non
tarifaires à l'entrée du produit sur son marché national.

Ce système n'était pas satisfaisant pour plusieurs raisons.

Le premier problème tient à la rédaction même de l'article XIX (rédaction imprécise puisque les fermes ne sont
pas définies, de même qu'une évolution imprévue des circonstances, par exemple), cela laissait une grande marge de
manœuvre, d'appréciation aux groupes chargés de régler le différend. Le lien de causalité entre la concession et la
conclusion tirée n'est pas non plus défini clairement. Surtout, l'appréciation de la situation est entièrement laissée aux
parties contractantes. Chaque Etat membre du GATT peut décider unilatéralement qu'une situation à laquelle il est
confronté rentre dans le cadre de l'article XIX. C'est purement discrétionnaire, unilatéral et c'est une source de
problèmes potentiels.

Le deuxième problème est qu'aucune limite de temps n'est prévues au processus de sauvegarde. Une fois
qu'une partie a décidé qu'une de ses branches de production nationale était menacé du fait de l'application d'une
concession, elle est libre d'estimer que la menace en question ne cesse pas pendant plusieurs années. Il y a eu des cas
où des mesures de sauvegarde sont restées en application pendant 5 ans, 10 ans ou plus alors que la menace avait
cessé. Cette appréciation était purement discrétionnaire, unilatérale.

Le troisième problème est que le GATT de 1947 ne prévoit aucune mesure de contrôle ni procédure de
surveillance. Même l'apparition d'un litige n'est pas suffisant, les groupes spéciaux n'ont pas de critères pour dire que
la procédure est utilisée abusivement. C'est lié au flou du texte.

Le quatrième problème est que l'application de la clause de sauvegarde a un effet "boule de neige" : la clause
de sauvegarde par sa nature même permet de protéger une branche de production nationale. Elle est définie sur la
base d'un produit. C'est ce produit qui sert de base. L'origine géographique du produit n'est pas prise en compte. Quel
que soit le partenaire commercial qui essaye de vendre le produit sur le marché, la clause de sauvegarde jouera. La
conséquence est que les partenaires les plus importants du membre qui décide de l'application de la clause peut être
lésé de façon substantielle et peuvent décider de prendre des contre-mesures qui ne porteront pas sur le produit en
question mais sur des concessions substantiellement équivalentes, qui affecteront d'autres branches de production du
pays qui a appliqué la mesure de sauvegarde.

Exemple : un pays A et un pays B. Chacun a trois produits (X, Y et Z), une liste de concession. Le pays A considère
que la liste de concessions du produit X en provenance de B porte préjudice. Il décide de faire jouer la clause de
sauvegarde en bloquant l'importation de produits X en provenance de B. Il se trouve que ce blocage décidé car les
importations en provenance de B avaient augmenté dans des proportions excessives touche aussi les importations du
produit X en provenance du pays C. Sauf que pour le pays C, l'exportation du produit X est importante pour son
économie, cela lui porte préjudice. Le pays C pourra invoquer ce préjudice car il estime pouvoir mettre en place une
contre-mesure à l'encontre du pays A et qui affectera le produit Y. Mais, les autres producteurs de produit Y pourront
estimer que du fait de cette contre-mesure, ils subissent un dommage, ils établiront une contre-mesure sur le produit
Z. C'est l'effet boule de neige.

A partir d'un problème ponctuel, on se retrouve avec un problème systémique. Ces quatre difficultés ont poussé les
partenaires du GATT à contourner l'article XIX. Quand cette clause a été utilisée, cela a été dans des conditions
abusives (soit dans l'appréciation des conditions de l'article XIX, soit dans la durée de ces clauses de sauvegarde car
très fréquemment, la durée ce ces clauses a dépassé l'année).

Dans ces conditions, les membres du GATT ont créé un mécanisme d'une légalité discutable qui permet d'écarter
l'application de l'article XIX et de limiter l'effet boule de neige. Il s'agit de la pratique des accords d'autolimitation
des exportations (appelées restrictions volontaires d'exportations - en anglais : voluntary exports restraint). Il s'agit

!86
d'accords passés entre certains partenaires commerciaux qui permettent de poser une restriction quantitative des
exportations d'un produit et qui met en place un quota négocié aux échanges de ce produit. Cela permet de se
soustraire aux dispositions du GATT de 1947 puisqu'elles s'opposent aux barrières aux échanges. Cela permet
d'échapper à l'application générale et non-discriminante de l'article XIX.

Ces restrictions ne s'appliquent qu'entre des signataires du VER. La conclusion de cet accord n'est pas totalement
interdite par le GATT de 1947. On peut dire qu'elle en respecte la lettre, mais pas l'esprit. C'est la raison pour laquelle
on parle de zone grise du GATT, on est entre la lumière du libre échange et l'obscurité du protectionnisme. On
compte à la fin du GATT de 1947 plusieurs centaines d'accords relevant de ces VER, intervenus dans des secteurs
divers (électronique, automobile, acier, fibres textiles, chaussures, produits agricoles...). Ces centaines d'accord ont
eu d'autant plus un poids important dans les échanges qu'ils ont été conclus par les plus gros partenaires
commerciaux, en particulier les USA ou l'UE.

L'article XIX avait la qualité d'être transparent, ces accords de restriction volontaire qui se sont multipliés ne sont en
revanche pas si transparents, même s'ils ont pour avantage d'introduire une sélectivité des effets.

B. Les mesures de sauvegarde dans le régime OMC

L'OMC en la matière manifeste une volonté de remise à plat du régime de sauvegarde, vise à le remettre en ordre
sans le faire disparaître. On voit toujours la nécessité de conserver un tel système. Mais, on va chercher à tirer des
conséquences des échecs ou problèmes rencontrés par les mécanismes du GATT de 1947.

Le système OMC va encadrer de façon plus complète le principe même des clauses de sauvegarde sans pour autant
régler de façon satisfaisante le quatrième problème de la clause du GATT de 1947 (sélectivité des effets).

1) Le mécanisme mis en place dans le cadre de l'OMC

Ce mécanisme va d'abord apurer le passé (faire table rase). La première disposition du GATT va être de mettre fin à
l'application de l'article XIX du GATT de 1947. Toutes les mesures de sauvegarde prises sous l'empire du GATT de
1947 et encore en vigueur au moment de l'entrée en vigueur des accords de Marrakech devront cessés d'être
appliqués au plus tard au 1er janvier 2000. Les litiges relatifs à l'application de ces mesures de sauvegarde
disparaissent.

Par ailleurs, les accords de l'OMC ambitionnent de mettre fin à la zone grise créée autour de l'article XIX du GATT
de 1947. Les restrictions volontaires d'exportation et assimilées sont prohibées par l'article XI§1. La disparition des
accords existant devra se faire dans un délai de 4 ans, c-a-d que la période de transition doit être achevée au 1er
janvier 1999. La communauté européenne a bénéficié d'une extension concernant un accord d'auto-restriction
volontaire passé avec le Japon concernant les pièces de voiture.

Cela ne veut pas dire que des accords ne peuvent plus être passés pour aménager les conditions d'échanges
commerciaux entre partenaires au sein de l'OMC mais il faudra que ce soit des accords conformes aux termes de
l'OMC.

A côté, sera mis en place un système d'encadrement des clauses de sauvegarde. Le principe du recours aux clauses de
sauvegarde est aménagé par l'article XIX du GATT de 1994 et il est désormais encadré par un mécanisme de contrôle
multilatéral destiné à mettre fin au flou qui encadrait l'ancien article XIX du GATT de 1947.

Les conditions de mise en oeuvre de la clause de sauvegarde sont calquées sur celles du GATT de 1947 mais
assorties de précisions. Ainsi, une mesure de sauvegarde ne pourra être utilisée à l'égard d'un pays importateur de
produits si celui-ci fait l'objet d'importations qui froissent (...). L'appréciation de cette croissance doit se faire aussi

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bien dans l'absolu que de façon relative. Cela empêche une partie au GATT de 1994 d'invoquer cet accroissement de
façon non étayée.

Rapport du 4 décembre 1999, Argentine - Mesures de sauvegarde à l'importation de chaussures : l'accroissement


des quantités importées doit être appréciée en qualité et en quantité. La manière de cet accroissement doit être prise
en compte. Il faut qu'il soit récent, soudain, brutal et important, en plus de risquer ou de causer un dommage grave.

Rapport du 10 novembre 2003, USA - Mesures de sauvegarde définitives à l'importation de certains produits en
acier : l'organe d'appel confirme l'analyse développée en 1999 et marque le caractère exceptionnel des circonstances
justifiant l'adoption de mesures de sauvegarde.

Dans cette affaire de 2003, l'organe d'appel ajoute une analyse de la gravité du dommage en expliquant qu'il doit
s'entendre d'une dégradation générale notable de la branche de production nationale affectée.

Enfin, en 1999 et en 2003, l'organe d'appel insiste sur le lien de causalité qui doit être établi et être apprécié sur la
base de facteurs objectifs et quantifiables.

Cela permet un contrôle effectif par les ORD, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Si les membres de l'OMC
conservent un pouvoir discrétionnaire quant au déclenchement de ces mesures, les conditions d'une meilleure
transparence sont plus précis, permettent un meilleur contrôle. Les parties restent libres de déterminer le contenu
concret des mesures de sauvegarde qu'elles appliqueront dans chaque cas d'espèce. Ces mesures pourront être d'ordre
tarifaire ou non tarifaire. Les restrictions quantitatives sont admissibles. Ici, ces mesures, bien qu'elles soient
d'ordinaire trop restrictives, sont validées. Elles sont justes encadrées (par exemple, leur niveau ne devra pas être trop
bas). Elles pourront être sélective de façon encadrée.

A titre provisoire, des mesures de sauvegarde pourront être mises en place pour faire face à des problèmes ponctuels.
Elles sont considérées provisoires car ne peuvent durer plus de 200 jours et ne peuvent prendre la forme que de droits
à l'exclusion de toute restriction quantitative.

Le régime de l'article XIX du GATT de 1994 présente un autre aspect de précision importante par rapport au régime
ancien : ces mesures peuvent être utilisées dans deux objectifs complémentaires.

- Objectif 1 : prévenir, remédier à des dommages graves à une branche de production nationale.

- Objectif 2 : permettre l'ajustement, l'adaptation de cette branche de production nationale.

C'est la raison pour laquelle ces mesures de sauvegarde doivent être encadrées dans le temps, sinon elles n'auraient
plus ce caractère incitatif à l'ajustement des branches de production nationale. Cet aspect n'était pas mis en valeur
dans le GATT de 1947. De ce fait, les mesures de sauvegarde ne doivent pas s'étendre plus de 4 ans, la prorogation
ne devra pas dépasser 8 ans au total.

Une fois instituée, les mesures de sauvegarde à l'exception des mesures provisoires, doivent prévoir un mécanisme
d'adaptation, de libéralisation progressive toujours pour inciter les branches de production nationale à s'ajuster aux
nouvelles conditions de concurrence. Par ailleurs, pour éviter des contournements du mécanisme, il est interdit
d'appliquer plusieurs mesures de sauvegarde successives à un même produit.

Par ailleurs, ce mécanisme de sauvegarde est encadré par des procédures de surveillance multilatérale. Ainsi, des
procédures d'enquête vont être prévues, vont permettre aux partenaires commerciaux de soulever d'éventuelles
irrégularités dans l'application de ces mesures. De ce fait, le degré de contrôle de l'OMC sur le mécanisme même des
clauses de sauvegarde n'a rien de commun avec ce qui existait sous le régime du GATT de 1947 et permet de limiter
les dérives liées à l'utilisation de ce mécanisme.

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2) Un problème non résolu : l'application égalitaire des clauses de sauvegarde

Dans le système OMC, comme dans celui du GATT de 1947, les mesures de sauvegarde sont ancrées sur les produits
et non pas sur l'origine des produits importés. De ce fait, si on combine cette caractéristique des clauses de
sauvegarde avec le principe de la CNPF, (...), il n'y a pas de sélectivité possible, ce qui est un élément à l'origine d'un
certain nombre de demandes, regrets émanant notamment de l'UE qui aurait aimé qu'on applique une certaine
sélectivité dans l'application de ce mécanisme.

Pour essayer de nuancer les effets de l'article XIX, le GATT de 1994 a mis en place un principe de droit de
suspension qui permet à tous les membres exportateurs affectés par une mesure de sauvegarde, au nom de la
réciprocité, de mettre en place des suspensions de concession substantiellement équivalentes, mais dans des
conditions plus encadrées que ce qui existait dans le GATT de 1947.

Ainsi, ces contre-mesures ne sont pas applicables dans les trois premières années de l'application de la clause de
sauvegarde, si la clause de sauvegarde est justifiée par un accroissement absolu des importations. C'est une
protection contre les rétorsions immédiates des pays exportateurs.

L'application des mesures de sauvegarde a donné lieu à un grand nombre de recours qui opposent en particulier les
principaux partenaires commerciaux (USA, UE) entre eux et à leurs partenaires.

Thème 6 : Les exceptions et dérogations aux principes généraux communs du


droit international économique
L'idée est d'étudier les dérogations principales qui sont les intégrations économiques régionales et les exceptions
générales de l'article XX du GATT de 1994.

Section 1. Les intégrations économiques régionales

Il s'agit d'un cadre particulier dans la mesure où elles sont potentiellement des éléments concurrents au principe du
multilatéralisme puisqu'il s'agit d'admettre une alliance étroite entre certains partenaires et il s'agit également d'un
élément d'affaiblissement de l'OMC en tant que tel, au-delà du principe du multilatéralisme. Cependant, l'OMC est
dans l'incapacité de s'opposer à ce type d'intégration.

Sur un plan de technique juridique de droit international, les membres de l'OMC sont à titre principal des Etats.
Frontière politique et frontière économique coïncident. Cependant, dans certains cas, ça ne coïncide plus dès le
GATT de 1947, l'organisation internationale du multilatéralisme économique a du faire sa place à un phénomène au
départ limité, mais de plus en plus influent qui est le phénomène des intégrations économiques régionales.

Sur le plan des justifications, elles ont été admises comme un facteur supplémentaire de facilitation des relations
internationales. Si d'emblée, les membres du GATT ont perçu le danger potentiel du principe même d'une IER, on a
pensé que les avantages l'emportaient sur les inconvénients compte tenu du contexte. Les unions plus étroites entre
certains partenaires commerciaux tant qu'ils respectent les principes du GATT et de l'OMC sont vus avant tout
comme des facteurs d'apaisement des relations internationales économiques.

L'approche du régionalisme économique retenue par le GATT de 1947 n'a pas foncièrement changé avec les accords

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de Marrakech. En fait, les accords de Marrakech ont essentiellement apporté des précisions qui permettent de mieux
encadrer cette reconnaissance avec en particulier le mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXIV du
GATT de 1994.

§1. La légitimation de certains types d'intégration économique : les unions douanières et les zones de libre
échange

De telles intégrations sont admises dans la mesure où elles s'intègrent à la logique propre du multilatéralisme.

A. La coopération et l'intégration économique

Il s'agit des accords de coopération et des accords d'intégration économique qui sont deux formes distinctes dont les
objectifs et conditions juridiques sont différents.

Les accords de coopération économique ont pour objet de créer une institution régionale afin de coordonner plus
efficacement les politiques économiques des Etats membres mais au cas par cas, et dans le cadre de contraintes qui
sont acceptées de façon ponctuelle, limitée par les Etats membres. L'intégration est limitée par définition. Comme la
portée de ces accords est limitée, le GATT ne considère pas qu'il s'agit d'une menace potentielle et ne les encadre pas.

Il en va différemment d'une autre catégorie d'accords qui créent une intégration beaucoup plus profonde entre ces
membres. Il s'agit d'intégrer les économies des pays membres sur la base de règles plus contraignantes, qui
aboutissent à la création de politiques économiques communes. Les Etats membres entre eux démantèlent les
obstacles au libre échange, coordonnent leurs politiques économiques pour promouvoir leur intérêt commun. Cet
accord va plus loin que le précédent et est susceptible de menacer les principes mêmes du GATT. De ce fait, le GATT
de 1947 et de 1994 vont s'intéresser à la situation en acceptant que de tels accords existent, mais en les surveillant.

Dans ce cadre, on définira l'union douanière comme la substitution d'un seul territoire douanier à deux ou plusieurs
autres territoires douaniers. Il faut que l'essentiel des échanges commerciaux entre les membres soient libérés de
toute contrainte et que les membres établissent entre eux un tarif douanier commun. Rentrent dans cette catégorie
toutes les formes d'unions économiques régionales qui remplissent ces critères assez larges.

A côté, le GATT définit la zone de libre échange une zone dans laquelle l'essentiel des échanges commerciaux
portant sur les produits originaires des Etats membres ont été libéralisées.

UD et ZLE présentent un objectif commun : libéraliser les échanges entre les membres, mais l'UD est plus
contraignante à cause du tarif douanier commun.

B. Les effets sur les flux des échanges commerciaux

Le GATT accepte ces phénomènes d'intégration régionale à cause de leur objectif principal qui est la facilitation du
commerce entre participants. Mais, l'article 24§4 et 5 du GATT précise que de telles intégrations économiques
doivent éviter "d'opposer des obstacles au commerce avec des pays tiers." Une telle formulation indique que les
unions régionales ne sont pas admises en tant que tel, il y a des unions régionales conformes aux objectifs du GATT
et d'autres qui ne le sont pas. Toutes les conditions que le GATT pose pour reconnaitre une union régionale illicite
repose sur ce critère : elles ne sont valides que si elles n'entravent pas les échanges commerciaux avec les pays tiers.
Le but est de guider le phénomène de l'intégration régionale pour inciter à la création d'unions régionales qui ne
viennent pas contrevenir à la réalisation des échanges.

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Cette division entre union licite et union illicite parait intellectuellement clair. En revanche, concrètement, les choses
sont un peu plus difficiles. Par exemple tous les débats au sein du GATT et de l'OMC concernant l'UE : les politiques
communes européennes ont pour but de protéger le marché commun dans les échanges avec les tiers, la PAC serait
un instrument de protection des produits du marché commun par rapport aux produits agricoles des USA.

§2. Conditions de licéité des organisations économiques régionales

L'accord du GATT de 1994 impose des conditions procédurales et des conditions de fond. Le fait même que le GATT
puis l'OMC prétendent encadrer les conditions de formation des organisations régionales a été intégré par une partie
de la doctrine comme une volonté de créer une hiérarchie des normes au sein de l'OMC. L'autre partie de la doctrine
explique que ce ne sont pas des règles hiérarchisées, les parties acceptent cependant d'accepter un certain nombre de
principes.

Les conditions ont pour objectif de permettre à l'OMC d'exercer un contrôle période a posteriori du fonctionnement
des UD pour vérifier que leurs membres respectent les principes propres à l'OMC.

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