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Contribution à l’étude des

comportements entrepreneuriaux
des ingénieurs français

Par Alain FAYOLLE


Cahier de recherche no. 1998-09
Avril 1998

ISSN : 0840-853X

Copyright © 1998. École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal.


Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est
interdite.
Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter
n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.
Contribution à l’étude des comportements entrepreneuriaux des
ingénieurs français

Résumé
Ce cahier de recherche est un travail de présentation synthétique d'une thèse en sciences de gestion
soutenue en décembre 1996 par l'auteur. Nous avons choisi de montrer tout d'abord que le sujet de cette
thèse est au centre de préoccupations majeures pour la société française. En effet, les thèmes de
l'entrepreneuriat et de l'innovation font l'objet, depuis le début des années 1980, d'une forte demande
sociale. Nous présentons ensuite la problématique générale de la recherche et le cadre théorique de
référence. Puis, nous exposons les implications pratiques et théoriques principales à travers les résultats
majeurs. Nous terminons ce cahier de recherche par une double réflexion à propos des limites de notre
travail et des perspectives de recherche envisageables.

Abstract
This working paper is a synthetic view of a management thesis which was submitted in December 1996
by the author. First, we have chosen to show that the subject of this dissertation is at the centre of greatest
preoccupations as far as our society is concerned. Entrepreneurial and innovation themes have actually
been forming the subject of a strong social demand for many years. We will present next the main issue of
the research and the theoretical framework. Then, we will develop practical and theoretical implications
through major results. We will conclude this working paper by, firstly, discussing main limits of our
work and, finally, envisaging new research projects in the field
1. Un sujet au centre de préoccupations majeures
Nous nous proposons de montrer ici que notre sujet est au centre d'au moins deux préoccupations
majeures pour notre société. La première s'adresse à la création d'entreprises et à la création d'emplois. La
seconde concerne le développement de l'innovation à forte valeur ajoutée et plus particulièrement de
l'innovation technologique qui pourrait être liée, selon nous, à l'accroissement d'une forme sociale
d'utilisation des connaissances scientifiques, techniques et managériales des ingénieurs qu'est
l'entrepreneuriat1.

1.1. L'entrepreneuriat et la création d'entreprise : un enjeu et une demande sociale


Dans une période encore récente, de nombreux indicateurs économiques et sociaux2 semblaient accréditer
la thèse d'une prédominance du modèle de la grande entreprise, seule à même de fournir les emplois et les
richesses économiques. L'entrepreneur, la petite entreprise et la création d'entreprise étaient considérés
comme dépassés , appartenant à une époque révolue.

La crise des années 70, avec l'arrivée de nombreuses turbulences économiques et technologiques,
l'affaiblissement des structures financières des entreprises existantes, la montée du chômage et l'apparition
de changements dans les valeurs et les comportements collectifs a contribué, au cours des vingt dernières
années, à un accroissement progressif et spectaculaire du nombre de créations d'entreprise.

Cette situation nouvelle a été un puissant moteur dans la voie de la réhabilitation de l'entreprise et de
l'entrepreneur dans l'ensemble de la société française.

Les responsables économiques et politiques ont mis en place des mesures d'aides et d'incitation à
l'entrepreneuriat dès la fin des années 70 et ont développé considérablement les moyens et dispositifs en
faveur de la création d'entreprise pendant les années 80.

Dans les pays développés (Amérique du Nord et Europe notamment), chaque année, ce sont des millions
de personnes qui créent ou reprennent des entreprises. En France, 219 281 créations et reprises
d'entreprise ont été recensées au cours de l'année 19923.

La crise des années 70 semble avoir affecté d'une manière durable les comportements des individus et les
stratégies des entreprises, faisant de l'entrepreneur un acteur important et reconnu et de la création
d'entreprise un enjeu social et économique majeur.

La création d'entreprise, à travers la création d'emplois, constitue pour les pays développés un moyen
indirect de lutter contre le chômage. Elle permet aussi de favoriser la naissance de petites entreprises
technologiques et innovantes susceptibles de participer, entre autres, à l'équilibre de la balance
commerciale. Ces dernières intéressent tout particulièrement, pour de multiples raisons, les partenaires
économiques et politiques4.
1
Nous avons choisi d'utiliser le mot "entrepreneuriat" plutôt que le terme anglais "entrepreneurship" construit à partir du
mot français entrepreneur.
2
Référence est faite ici aux "trente glorieuses" pendant lesquelles les grandes entreprises ont recruté massivement alors
que diminuait la proportion des salariés employés dans des petites et moyennes entreprises et le nombre de travailleurs
indépendants.
3
Source: INSEE, Annuaire statistique de la France, 1992
4
Voir , notamment, pour un développement plus complet: P.ALBERT, P. MOUGENOT, "La création d'entreprises high-
tech", Revue Française de Gestion, mars-avril-mai 1988, p. 106-118.

1
Il ressort de ce développement que la création d'entreprise et l'entrepreneuriat font l'objet d'une demande
sociale émanant de nombreux acteurs5.

Les Etats des pays développés et notamment l'Etat français utilisent la création d'entreprise comme
une solution possible au problème du chômage, un moyen indispensable au renouvellement du tissu
industriel, un levier efficace au lancement et au développement d'activités innovatrices et rapidement
exportatrices.

Les collectivités territoriales voient dans la création d'entreprises un moyen de procéder à un


rééquilibrage du tissu économique local et de compenser les destructions d'emplois des grandes
entreprises qui se recentrent de plus en plus sur leur métier et qui délocalisent ou externalisent certaines
de leurs activités. L'outil privilégié des collectivités locales, dans leur démarche de soutien et
d'accompagnement des initiatives de création et de reprise d'entreprise, est la pépinière d'entreprise, et un
nombre important de collectivités sont dotés de leur propre structure.

Les grandes entreprises s'efforcent de procéder à des reconversions de sites industriels en favorisant
l'essaimage ou en participant activement à la création et au développement d'entreprises dans les
territoires concernés. L'objectif est de réussir ces opérations en minimisant les coûts économiques et
sociaux. Par ailleurs certaines grandes entreprises utilisent ces démarches pour stimuler en leur sein
l'esprit d'entreprise et d'innovation afin de favoriser l'émergence d'activités nouvelles et créatrices de
valeur.

Les institutions financières (sociétés de capital risque, banques,...) s'intéressent à cette clientèle nouvelle
et essaient d'identifier le plus tôt possible les jeunes entreprises à potentiel de développement élevé.

Certains individus (étudiants, salariés, chômeurs,...) voient dans la création d'entreprise, en fonction de
leur situation personnelle et de leur motivation, un moyen de réinsertion professionnelle et sociale, une
façon de maîtriser leur destin, de s'accomplir ou de satisfaire un besoin élevé d'indépendance ou
d'autonomie. Tous souhaitent mettre un maximum d'atouts de leur côté avant de s'engager dans une
démarche réputée difficile et consommatrice de temps, d'énergie et d'argent.

Face à l'importance de cette demande sociale, un véritable marché de la création d'entreprise s'est
structuré et organisé. De nombreux intervenants proposent des prestations et des produits dans les
domaines de l'éducation et de la formation (universités, écoles de commerce et d'ingénieurs, organismes
consulaires, sociétés de formation,...), du conseil et de l'assistance (cabinets privés, experts comptables,
conseillers juridiques,...), de l'immobilier d'entreprise, de la presse et de l'édition.

1.2. L'entrepreneur et l'ingénieur: deux acteurs de l'innovation


L'innovation est l'instrument spécifique de l'entrepreneur. J. SCHUMPETER, le premier, souligne à quel
point la fonction d'innovation, indépendante de la fonction de propriété du capital, est essentielle et fait de
l'entrepreneur le vecteur même du développement économique6. La pensée économique contemporaine
confère également à l'innovation un rôle primordial dans la création de richesses, par les opportunités
qu'elle autorise7. Les économistes qui ont vu dans l'innovation une des fonctions importantes de
l'entrepreneur se rejoignent, en général, sur une conception large de l'innovation.

5
Comme le souligne, notamment, C. BRUYAT (1993), dans sa thèse de doctorat en sciences de gestion.
6
Voir: J. SCHUMPETER, Théorie de l'évolution économique, Paris: Dalloz, 1935. 589p.
7
Voir notamment: P. DRUCKER, Les entrepreneurs, Paris: L'expansion Hachette, 1985. 344 p.

2
Les entrepreneurs doivent chercher les sources d'innovation, les changements et les informations
pertinentes sur les opportunités créatrices. Ils doivent connaître, appliquer et maîtriser les principes qui
permettent de mettre en oeuvre les innovations, avec les meilleures chances de réussite. Le changement
constitue donc une norme habituelle pour l'entrepreneur, qui "va chercher le changement, sait agir sur lui
et l'exploiter comme une opportunité"8.

L'ingénieur a été de tout temps, associé à l'invention et à l'innovation. H. VERIN lie d'ailleurs
l'origine du mot ingénieur à ceux de génie et d'invention9.

Les ingénieurs sont porteurs d'innovations, car leur formation scientifique et technique ainsi que leur
expérience professionnelle leur confèrent une capacité à innover et les préparent, en particulier, à être des
éléments pivots de l'innovation technologique10.
L'histoire économique révèle le caractère innovant de nombreux ingénieurs français, dont certains furent
également ou sont encore entrepreneurs. Citons en particulier, sans être bien entendu exhaustif, G.
EIFFEL, M. et C. SCHLUMBERGER, J. BERTIN, F. BOUYGHES, TRUONG TRONG THI11, Y.
GATTAZ.

Plus près de nous, une enquête récente montre que la proportion d'ingénieurs ou de diplômés de
l'enseignement supérieur scientifique et technique est 5 à 6 fois plus forte dans des micro entreprises
innovantes que dans des entreprises qui ne le sont pas12.

Le développement de l'innovation et le rôle des ingénieurs dans ce processus constituent à n'en pas douter
des facteurs clés qui conditionnent, aujourd'hui, l'avenir économique des nations. Le cas du Japon est, à
cet égard édifiant. Les "Guijutsusha" ou ingénieurs japonais sont davantage utilisés, par la société
japonaise, en fonction de leurs connaissances et compétences scientifiques et techniques que les
ingénieurs français. D'autre part, les ingénieurs japonais jouent un rôle essentiel dans le domaine de
l'innovation. Dans la culture collective et organisationnelle japonaise, les ingénieurs se substituent aux
entrepreneurs qui, dans d'autres pays où la culture est plus "individualiste", ont en charge la fonction
d'innovation13. Cette façon d'utiliser, socialement, les ingénieurs est vraisemblablement une des
explications du redressement remarquable de ce pays, au bord du gouffre il y a 50 ans, et de ses
performances économiques actuelles.

Ces quelques constats nous amènent à nous poser la question de l'intérêt que pourrait représenter pour un
pays, la France en particulier, le développement de cette forme particulière des connaissances
scientifiques et techniques de l'ingénieur qu'est l'entrepreneuriat.

8
Voir: H. STEVENSON, D.E. GUMPERT, "Au coeur de l'esprit d'entreprise", Harvard l'Expansion 1985 (automne) p. 23-
33.
9
Voir H. VERIN, "Le mot ingénieur", Culture Technique 1984 (n°12), p.19.
10
T. GAUDIN, "Les ingénieurs et l'innovation", Culture Technique 1984 (n°12), p. 133-136.
11
Fondateur de la société Réalisation Etudes Electroniques (R2E) qui a mis au point le micro-ordinateur Micral (premier
ordinateur français de ce type).
12
Voir le 4 pages édité par le service des statistiques industrielles au ministère de l'industrie: S.E.S.S.I., septembre 1994
(n°41).
13
Voir notamment: C. LANCIANO, M. MAURICE, H. NOHARA, J.J. SILVESTRE, "Innovation: acteurs, organisations,
les ingénieurs et la dynamique de l'entreprise. Comparaison France-Japon", Papier de recherche, LEST-CNRS, 1992. 42
p.

3
D'autant plus que les entreprises créées par des ingénieurs sont en général porteuses d'innovations,
génératrices d'emplois, et contribuent à régénérer le tissu industriel et social, comme le soulignent , année
après année, les enquêtes réalisées par la revue l'Usine Nouvelle sur les "champions de l'innovation". C'est
ainsi que TECHNOMED, 273 MF de chiffre d'affaires et 137 salariés en 1991, après 5 ans d'existence, a
été fondée par G. HASCOET, ingénieur de formation, qui avait auparavant travaillé pour l'AIR LIQUIDE
et THOMSON. La société VERILOG, 300 salariés et 115 MF de chiffre d'affaires, spécialisée dans les
services informatiques, est née de la volonté d'une équipe de chercheurs comprenant plusieurs
ingénieurs14. Les exemples de ce type pourraient être multipliés dans de nombreux autres secteurs
d'activité.

Mais avant d'aller plus loin dans notre questionnement sur l'opportunité pour la société française du
développement de la voie entrepreneuriale pour les ingénieurs, il convient de s'assurer qu'il y a bien une
compatibilité entre une situation professionnelle et sociale d'entrepreneur et un métier ou un diplôme
d'ingénieur.

1.3. L'ingénieur français est-il entrepreneur ?


Malgré la qualité des apports réalisés par les ingénieurs entrepreneurs présentés ci-dessus, la création
d'entreprises par des ingénieurs diplômés apparaît encore comme un phénomène peu fréquent. Les
candidats ingénieurs à la création ou à la reprise d'entreprises sont rares.

Y. GATTAZ, ancien président du Conseil National du Patronat Français (CNPF), ingénieur et


entrepreneur lui-même, résume avec humour la situation, à travers la formulation de quatre "lois"15 :

• "Première loi : dans toutes les écoles d'ingénieurs de France, il se trouve 15% des élèves, qui
possèdent les qualités nécessaires pour devenir un bon chef d'entreprise.
• Deuxième loi: parmi les 15% ci-dessus, un tiers seulement, soit 5% du total des élèves ingénieurs,
envisagent la possibilité de créer une affaire personnelle en partant de zéro.
• Troisième loi: parmi les 5% ci-dessus, les quatre cinquièmes, soit 4% abandonnent cette idée avant de
l'avoir réalisée.
• Quatrième loi: dans le dernier 1% des rescapés, les deux tiers seront contraints d'abandonner par la
suite."

Une approche plus quantitative du phénomène situe la proportion des ingénieurs entrepreneurs, dans la
population des entrepreneurs français, à un niveau compris entre 1% et 2% 16.

Si nous nous intéressons à la population des ingénieurs diplômés français, nous constatons que la part des
ingénieurs entrepreneurs a progressé fortement au début des années 80 et s'est stabilisée, depuis 1984,
autour de 7% 17.

14
"Les champions de l'innovation", l'Usine Nouvelle 1992 (n°2346), p.37-43.
15
Y. GATTAZ, Les hommes en gris, Paris: Laffont, 1970. p.21.
16
Estimation que nous avons effectuée à partir des résultats de la : "11ème enquête socio-économique sur la situation des
ingénieurs et des scientifiques", ID 1994 (n°7, nouvelle série), 170 p. (revue éditée par le Conseil National des Ingénieurs
et des Scientifiques de France - CNISF -)
17
Source: CNISF. Enquêtes socio-économiques sur la situation des ingénieurs diplômés de 1980, 1984, 1988, 1991 et 1994.

4
Très peu d'ingénieurs choisissent donc la voie entrepreneuriale. Elle a pu être dans le passé une solution
possible à l'obstacle de l'âge, pour les ingénieurs les plus âgés en recherche d'emploi. Depuis la crise des
années 70, la création ou la reprise d'entreprise semble intéresser davantage les ingénieurs. Peut-être est-
elle vue, un peu plus aujourd'hui, comme un débouché professionnel à ne pas négliger, dans la perspective
d'un avenir plus concurrentiel et incertain, où les diplômes ne suffisent plus à protéger leurs titulaires,
dans un marché de l'emploi des cadres devenu progressivement plus difficile et dans une société qui
s'interroge sur la place et le rôle de ses élites.

Notre interrogation de départ est donc: pour quelles raisons l'ingénieur français n'est-il pas
davantage entrepreneur? Quels sont les facteurs, conditions et circonstances qui peuvent (ou
pourraient) l'orienter vers la voie entrepreneuriale?
2. La problématique générale de la recherche
Très peu d'études et de recherches ont été réalisées sur le thème de la création ou de la reprise d'entreprise
par des ingénieurs français. Il n'existe, à notre connaissance, aucune publication sur une recherche
empirique faite en France.

Les quelques contributions rendant compte d'études, en général, très qualitatives sont relativement
anciennes et nous sont proposées par des sociologues (G. RIBEILL, 1984, notamment) ou des historiens.

Le phénomène de création ou de reprise d'entreprise par des ingénieurs français est mal abordé sur un
plan général, pas du tout traité par les sciences de gestion et donc très mal connu.

Comme nous l'avons vu précédemment, l'ingénieur français semble peu attiré par la fonction
entrepreneuriale. Cette situation nous apparaît très paradoxale, car la fonction entrepreneuriale est une de
celles qui permet dans une société le développement technologique et économique, à travers l'innovation,
et l'ingénieur joue un rôle essentiel dans les processus d'innovation technologique.

La faible propension entrepreneuriale des ingénieurs nous semble principalement liée au système de
formation des ingénieurs et au caractère élitiste de notre système éducatif.

Les grands concours scientifiques en France recrutent leurs postulants parmi les jeunes gens dont l'esprit,
la mémoire, le raisonnement ont été formés par un système secondaire qui, pour garder sa spécificité et sa
pureté, tend à s'écarter des réalités de notre époque. L'influence des années de préparation marque
généralement davantage le futur ingénieur que la formation reçue dans une école, qui pourtant lui servira
de raison sociale pour le reste de son existence.

Dans ces conditions, quand viendra le moment d'agir, d'exercer des responsabilités, d'entreprendre, en
fonction de quels critères déterminera-t-il son attitude, en fonction de quelles influences, représentations
cognitives ou schémas de références fondera-t-il ses comportements ?

Chaque société crée des formes sociales d'utilisation du savoir scientifique et technique de l'ingénieur.
Notre postulat de base est qu'une société post industrielle ne peut se passer des services de l'ingénieur en
tant qu'entrepreneur.

Notre recherche s'est efforcée, à travers l'identification de facteurs liés à l'origine sociale, aux
caractéristiques individuelles, à la formation et à l'expérience professionnelle des ingénieurs, lesquels
facteurs agissent sur leur propension à créer ou à reprendre des entreprises et sur leurs comportements
entrepreneuriaux, de dégager des marges de manoeuvre pour les décideurs politiques et économiques afin

5
de favoriser cette forme sociale d'utilisation des connaissances et des compétences de l'ingénieur qu'est
l'entrepreneuriat.

Nous entendons par "comportement entrepreneurial" d'un ingénieur, un ensemble d'actions qui le
conduisent à s'engager dans une démarche de création ou de reprise d'entreprise avec un investissement
personnel et financier important.

Notre définition, restrictive, du comportement entrepreneurial des ingénieurs nous a fait exclure du champ
de notre recherche les situations "intrapreneuriales" caractérisées par des démarches ou comportements
d'ingénieurs basés sur une grande autonomie dans le travail et la prise de décision, la possibilité de
développer des projets ou des activités nouvelles en prenant des initiatives et des risques personnels, mais
pour le compte d'entreprises existantes et sans avoir le contrôle juridique et financier de ces entreprises.

De même, nous établissons une distinction entre l'expression "comportements entrepreneuriaux" ou


"comportement entrepreneurial", que nous venons de définir et une deuxième expression,
"comportements d'entrepreneur" que nous pouvons être amené à utiliser dans notre exposé. Dans notre
esprit, les comportements d'entrepreneur des ingénieurs peuvent être la conséquence de préférences,
orientations, décisions et actions d'ingénieurs qui ont créé ou repris une entreprise, vis-à-vis, par exemple,
de l'innovation ou de tout autre problématique liée à la gestion ou au management d'une entreprise.

Dans ces conditions, nous pouvons résumer de la façon suivante le but de notre recherche :

Notre thèse a pour but essentiel d'apporter des données nouvelles sous la forme d'une contribution à
l'étude des comportements entrepreneuriaux des ingénieurs diplômés français. En particulier, nous allons
tenter d'apporter des éléments de réponse à quelques questions majeures. La première concerne
l'identification des facteurs qui exercent une influence (positive ou négative) sur la propension à
entreprendre des ingénieurs. Elle revient à nous interroger sur l'identité et les caractéristiques des
ingénieurs entrepreneurs. La seconde question vise à mettre au jour les différents cheminements ou
parcours qui conduisent les ingénieurs à entreprendre.

Cette question en entraîne une autre: celle de l'identification éventuelle de profils différents d'ingénieurs
entrepreneurs, lesquels profils peuvent avoir une importance quant aux types de comportements
d'entrepreneurs développés et aux types d'entreprises créées ou reprises.
Pour structurer nos apports, nous proposerons un modèle général de compréhension du processus
entrepreneurial des ingénieurs.

Le but de notre thèse et les questions que nous nous posons induisent fortement notre perspective de
recherche. Pour tenter de mieux comprendre les comportements entrepreneuriaux des ingénieurs français,
nous nous sommes intéressés à leur trajectoire personnelle, éducative et professionnelle. Notre présupposé
théorique est que ce sont les interactions entre l'ingénieur et ses différents milieux d'appartenance
(familial, éducatif, professionnel, notamment) qui peuvent exercer sur lui des influences, le conduire vers
des développements de carrière, des impasses ou l'amener à vivre des ruptures personnelles ou
professionnelles. Ces interactions et leurs conséquences établissent les fondations du parcours de
l'ingénieur, contribuent à la construction de sa trajectoire professionnelle et peuvent l'orienter, le
cas échéant, vers des décisions et des comportements entrepreneuriaux.

Pour nous, les comportements entrepreneuriaux des ingénieurs diplômés français ne nous semblent pas
pouvoir être observés, analysés et compris sans cette mise en perspective.

Du point de vue de son intérêt pratique, notre travail s'adresse en priorité aux ingénieurs, aux directeurs
des écoles d'ingénieurs françaises et aux responsables économiques et politiques qui peuvent agir sur le

6
système de formation des ingénieurs et améliorer l'adéquation entre les besoins de notre société et les
connaissances et compétences scientifiques et managériales des ingénieurs. Il concerne aussi les
intervenants politiques, institutionnels et économiques de la création d'entreprise, ainsi que les créateurs et
les repreneurs d'entreprise en quête d'outils et de modèles. Ce travail devrait être également utile, du
moins nous l'espérons, pour le développement d'enseignements spécifiques à l'entrepreneuriat et à la
création d'entreprises dans les écoles d'ingénieurs et les universités scientifiques et techniques françaises.

Il s'inscrit dans la problématiques des sciences de gestion. De ce fait, il se doit de proposer des moyens ou
des outils susceptibles d'améliorer les pratiques.

Comme le fait remarquer A.C. MARTINET: "La seule raison d'être admissible de la pensée stratégique -
comme des sciences de gestion en général - réside dans une meilleure compréhension de l'action
collective finalisée en vue d'une maîtrise, d'une efficacité et d'une efficience accrues" 18.

Nous avons choisi, compte tenu de la polysémie du mot ingénieur et pour éviter toute ambiguïté et erreur
d'interprétation de ne travailler qu'avec des échantillons composés d'ingénieurs diplômés français ou
vivant en France.

Un premier échantillon de 20 ingénieurs entrepreneurs nous a permis, dans le cadre d'une approche
qualitative, d'élaborer un corps d'hypothèses structuré.

Un deuxième échantillon , significatif, de 681 ingénieurs (dont 182 entrepreneurs) obtenu après une
enquête par questionnaire que nous avons réalisée, a été le support de très nombreuses analyses
statistiques.

Nous avons pu, enfin, utiliser un troisième échantillon de 30.000 ingénieurs diplômés (dont environ 2000
entrepreneurs) issu de la 11ème enquête du C.N.I.S.F. (Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques
de France) sur la situation socio-économique des ingénieurs. Nous avons demandé à l'INSEE qui réalise
les traitements informatiques et statistiques et qui est copropriétaire du fichier, avec le CNISF, de réaliser,
pour nous, une vingtaine de traitements spécifiques destinés à exploiter, plus en profondeur, la dimension
entrepreneuriale de ce fichier.

Nos résultats ont permis de mettre en évidence l'importance de nombreux facteurs qui jouent un rôle dans
le processus entrepreneurial chez les ingénieurs et la présence de deux itinéraires qui débouchent sur des
figures d'ingénieur entrepreneur contrastées (ingénieur entrepreneur technicien ou ingénieur entrepreneur
manager). Ces résultats ont des implications pratiques et théoriques que nous nous proposons de
développer.

3. Les implications pratiques à travers quelques résultats


Elles concernent les ingénieurs eux-mêmes qui doivent gérer, au mieux, leur carrière, les écoles
d'ingénieurs et le système français de formation des ingénieurs qui doivent rechercher la meilleure
adéquation entre le "produit" qui est mis sur le marché de l'emploi et les besoins, à moyen terme, des

18
A.C. MARTINET, "Pour une théorie des formes stratégiques, réflexions épistémologiques naïves", Cahiers lyonnais de
recherche en gestion, Université Jean Moulin Lyon 3, Groupe ESC Lyon, numéro 9, avril 1987.

7
entreprises et administrations utilisatrices. Les implications pratiques s'adressent également aux
entreprises qui doivent manager des ingénieurs et à tous ceux qui sont concernés par
l'entrepreneuriat et la création d'entreprise. Nous pensons, en particulier, à l'Etat, aux collectivités
territoriales, aux institutions financières, aux sociétés, institutions, organismes qui détectent, conseillent,
aident ou forment les entrepreneurs.

3.1. Les implications pour les ingénieurs

Notre thèse apporte une contribution supplémentaire à la connaissance et à la compréhension des


facteurs et des critères décisifs du choix de carrière des ingénieurs. D'autre part, elle montre que
certaines situations peuvent conduire à l'inflexion d'une trajectoire, voire à un changement de cap radical,
et qu'il est nécessaire que l'ingénieur intègre le plus tôt possible ces situations et orientations
professionnelles éventuelles, pour mieux s'y préparer.
Etre diplômé d'une école d'ingénieur n'est plus aujourd'hui une condition suffisante pour envisager un
déroulement de carrière de salarié classique et sans problème. Une carrière se prépare et se construit et
cela ne peut se faire sans un minimum d'informations sur des problématiques, des évolutions, des
orientations possibles. L'ingénieur de la fin du XXème siècle doit apprendre à gérer sa carrière en reliant
des envies, aptitudes, besoins, contraintes personnels avec des situations, demandes, opportunités,
évolutions, tendances, menaces de l'environnement.

La création ou la reprise d'entreprise fait l'objet d'une demande sociale et peut constituer une opportunité
pour des ingénieurs: pour se réinsérer professionnellement, pour exploiter une technologie, pour
développer une idée ou un produit. Il apparaît indispensable que tous les ingénieurs puissent, au moment
de démarrer leur carrière, être informés complètement et d'une façon réaliste sur ce que sont ces
démarches, leurs enjeux, les risques associés et les compétences et outils nécessaires.

Sur un autre plan, les entreprises recherchent, de plus en plus, des responsables capables de prendre des
initiatives et des décisions dans le cadre d'unités autonomes. Cette demande s'adresse à tous les cadres et,
bien entendu, aux ingénieurs qui doivent s'interroger sur la meilleure façon de développer un état d'esprit
et des comportements d'"intrapreneur".

Les étudiants qui envisagent de suivre des études d'ingénieur devraient avoir ce minimum d'information,
ce qui leur permettraient de disposer d'autres critères, davantage reliés à des problématiques
économiques et sociales, pour choisir les modalités principales de leur formation, leur école et leur
spécialisation.

Nous montrons, en effet, le rôle de ces modalités quant à la propension à entreprendre des
ingénieurs. Avoir fait les classes préparatoires scientifiques, intégré une école après le baccalauréat ou
une filière universitaire, suivi l'enseignement par la voie de la formation continue n'est pas neutre en
termes de contenu et de modalités pédagogiques et peut avoir une influence sur un niveau de
sensibilisation et sur le développement de certains comportements et attitudes favorables à
l'entrepreneuriat.

Nous montrons, aussi, le rôle important de l'école à travers tout ce qu'elle transmet et qui peut être
plus ou moins porteur d'esprit d'entreprise et d'entrepreneuriat. La dimension culturelle de l'école n'est pas
à négliger et sur ce plan la culture de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers est
vraisemblablement très éloignée de celle de l'école Polytechnique. Les espaces de liberté dans la
formation et les possibilités offertes par l'école au niveau de la vie associative constituent, également,
nous le démontrons, des facteurs favorables à l'entrepreneuriat.

8
Nous soulignons, enfin, le rôle inducteur de la spécialisation des écoles qui est à l'origine d'une large
variété de comportements adoptés par des ingénieurs diplômés et qui peuvent être résumés de la façon
suivante.

Dans certains secteurs d'activité (agriculture, textile, agro-alimentaire, mécanique,...), la spécialisation


peut entraîner l'ingénieur dans une logique de reprise d'entreprise. Dans d'autres, très capitalistiques
(chimie, optique, électronique,...) elle entraîne la quasi-absence de comportements entrepreneuriaux.
Enfin, dans certains contextes, elle peut déboucher sur des impasses en termes de réinsertion
professionnelle, qui peuvent faire apparaître la création ou la reprise d'entreprise comme la seule solution
possible (cas des écoles militaires notamment).

L'étudiant qui veut s'engager dans des études d'ingénieur doit donc être convenablement informé s'il veut
choisir son système de formation, son école et sa spécialisation, en fonction de critères pas uniquement
reliés à la notoriété et au prestige de l'école.

L'ingénieur qui veut "contrôler" sa carrière doit être conscient de l'importance de deux atouts: la
formation complémentaire et la mobilité.
La formation complémentaire peut permettre à l'ingénieur de découvrir d'autres univers et modèles
d'enseignement (écoles de commerce, Instituts d'Administration des Entreprises,...) qui vont lui transférer
des méthodes, approches ou démarches différentes de celles transmises dans les écoles d'ingénieur. Les
connaissances assimilées viennent s'ajouter à celles déjà acquises pour compléter et enrichir l'ensemble
des compétences opérationnelles. Nous montrons, à plusieurs reprises, l'importance de la formation
complémentaire et la place qu'elle tient par rapport à l'entrepreneuriat. Il nous apparaît évident que si l'on
souhaite encourager l'entrepreneuriat chez les ingénieurs et développer leurs comportements
entrepreneuriaux, il est nécessaire de leur faire prendre conscience, très tôt, du rôle de la formation
complémentaire, dans des champs non scientifiques et techniques, reliés à l'entreprise et à
l'économie. Pour chaque ingénieur, ce type de formation doit être pensé et mis en oeuvre d'une façon
cohérente, en complément, et non au détriment ou en opposition, de la dimension scientifique et
technique.

La formation complémentaire permet d'activer une forme de mobilité. D'autres formes doivent l'être
également, en particulier la mobilité professionnelle, pour donner à l'ingénieur un maximum
d'opportunités d'enrichissement personnel et professionnel à travers des changements de fonctions, de
postes, d'établissements et d'entreprises. La diversité est source de richesse et un nombre élevé de
situations, de contextes, de relations inter-personnelles constitue autant de terrains d'apprentissage utilisés
par l'ingénieur pour acquérir ou développer certains comportements et pour le doter d'une capacité réelle
de diagnostic. Comme nous le montrons, la mobilité professionnelle, dans toutes ses composantes, est
un facteur qui influence positivement la propension entrepreneuriale des ingénieurs. Ceci est
d'autant plus vrai que, dans ce cadre, l'ingénieur aura été amené à séjourner et à s'intégrer dans des pays
étrangers.

Les grilles de lecture que nous proposons et qui décrivent différents types d'ingénieur, peuvent constituer,
nous l'espérons, des outils de réflexion et d'analyse de la situation professionnelle et de la position
entrepreneuriale des ingénieurs qui souhaitent faire le point sur leur carrière et élaborer ou faire évoluer
un projet de développement professionnel. Elles devraient leur permettre d'éviter qu'ils ne s'enferment
dans des schémas de carrière préétablis et leur ouvrir le champ des voies professionnelles possibles.

3.2. Les implications pour les écoles d'ingénieur

9
Notre travail apporte une contribution essentielle aux écoles d'ingénieur et au système français de
formation des ingénieurs car il établit des liens entre des composantes d'un système (les différentes voies
d'accès au diplôme, par exemple) ou d'une école (culture, enseignement, spécialisation, modalités
pédagogique,...) et des types de comportements et/ou des orientations professionnelles. A ce titre il nous
semble que nos résultats et conclusions devraient faire l'objet d'une très large diffusion au sein des
écoles d'ingénieur et au niveau des autorités et ministères de tutelle.

Nos apports sont de nature à amener les directeurs d'école à s'interroger sur le contenu et l'organisation
actuels des études pour, le cas échéant, remettre en cause tel ou tel aspect fonctionnant mal ou
insatisfaisant.

Nous voudrions attirer l'attention de toutes les personnes qui participent au fonctionnement et à
l'évolution du système français de formation des ingénieurs sur un certain nombre de points qui
constituent des conséquences directes de notre travail.

Le premier est que même si la vocation fondamentale des écoles d'ingénieur n'est pas de former des
entrepreneurs, il n'en demeure pas moins qu'environ 7% des ingénieurs diplômés ont créé ou repris une
entreprise, que d'autres se trouvent dans des situations "intrapreneuriales" en tant que responsable d'une
unité autonome au sein d'une grande entreprise ou en tant que responsable d'un projet important de
développement d'un produit, d'une technologie, d'une innovation..., que d'autres enfin diffèrent des
décisions et des orientations professionnelles en raison de lacunes qu'ils identifient au niveau de leurs
compétences commerciales, managériales et/ou de leurs comportements (en particulier, ils n'ont pas été
préparés, comme tous les ingénieurs, à prendre des risques à titre personnel). Ceci a pour conséquence, à
notre avis, qu'il n'est plus possible aujourd'hui qu'un ingénieur quitte une école sans un minimum de
connaissances sur les situations de création et de reprise d'entreprise et sur le management et la
gestion d'une entreprise. Cela doit s'appliquer également aux écoles les plus prestigieuses, car
l'ingénieur diplômé d'une Grande Ecole est tout aussi disposé qu'un autre à créer ou reprendre une
entreprise, ses compétences, atouts et réseaux lui confèrent même des facilités, notamment dans
l'acquisition des ressources financières et informationnelles.

Nous montrons l'importance de la phase "d'éveil" dans le processus entrepreneurial chez les ingénieurs
et, à cet égard, il est essentiel que les ingénieurs soient sensibilisés à l'entrepreneuriat le plus tôt possible.
Toutes les écoles devraient proposer, et rendre obligatoires, des enseignements de sensibilisation à la
création d'entreprise basés sur des mises en situation proches de la réalité observable et des démarches
pédagogiques impliquant les élèves, animées, si possible, par des ingénieurs entrepreneurs.

Au delà d'une première sensibilisation, les écoles d'ingénieur devraient repenser leur recrutement et
leur projet pédagogique pour que puissent se développer, chez les élèves, l'esprit d'entreprise et la
capacité à entreprendre, en insistant sur le fait que cette capacité peut-être utilisée dans de nombreuses
situations professionnelles, pour ne pas réduire le concept entrepreneurial à la seule situation, très souvent
connotée, de création d'entreprise.

Le recrutement actuel laisse encore une trop grande place aux étudiants issus des classes préparatoires
scientifiques (filières M et P) qui privilégient trop exclusivement l'aptitude à l'abstraction mathématique.
Le recrutement de toutes les écoles d'ingénieur doit être davantage diversifié et s'appuyer un peu plus
sur les admissions parallèles et la nouvelle filière des sciences et techniques de l'ingénieur qui
développent chez les élèves un sens plus affirmé du concret et des réalités physiques. Ce point rejoint
d'ailleurs, l'avis d'autres personnes et l'esprit de plusieurs projets de réforme.

S'agissant du projet pédagogique, un des objectifs de la formation des futurs ingénieurs pourrait être, non
seulement de faire acquérir aux élèves ingénieurs une formation scientifique et technologique élevée,

10
mais aussi de promouvoir chez eux le sens des responsabilités et de favoriser l'émergence des
tempéraments innovants et créateurs. Dans cet esprit, de multiples voies sont possibles, voire déjà
ouvertes dans les écoles. Le développement de nouvelles méthodes pédagogiques représente une voie
intéressante. Citons, par exemple, la pédagogie par projet, les travaux en groupes autonomes, les stages en
entreprise ou encore l'implication des élèves dans leur formation, à travers des travaux personnels ou des
projets associatifs. D'autres voies présentent également un intérêt: il s'agit de l'ouverture des écoles
d'ingénieur à l'international et du développement de leurs relations avec les PME/PMI. La dernière voie
que nous voudrions citer ici concerne un volet de la formation trop souvent négligé: la culture
industrielle. La plupart des écoles d'ingénieur ne font pas une place suffisante à l'histoire de l'industrie et
à la connaissance des technologies, des procédés industriels et des produits. Confier à des chefs
d'entreprise dotés d'une capacité à transmettre et à enseigner, la responsabilité de décrire l'histoire et le
parcours d'industriels qui ont créé une entreprise, une nouvelle activité, un nouveau marché, une nouvelle
technologie, en montrer les multiples aspects et retombées en termes d'emplois, de progrès technique, de
rayonnement pour la France, de patrimoine personnel...peut apporter des connaissances industrielles
indispensables à des futurs cadres techniques et favoriser des vocations entrepreneuriales.

Le projet pédagogique des écoles doit être conçu et mis en oeuvre comme un instrument de motivation
des élèves. Une des façons d'y parvenir est de redonner du sens à la formation en précisant et en
explicitant sa finalité, les objectifs pédagogiques et la logique du cheminement au cours des différentes
années d'étude. Le projet pédagogique doit aussi développer l'autonomie des élèves en les impliquant,
en les responsabilisant davantage et en renouvelant la relation professeur-élève (plus de tutorat, de conseil
et de suivi individualisé). Il nous semble qu'il doit enfin favoriser leur adaptabilité, en diversifiant les
profils d'intervenants, les situations pédagogiques et les modalités d'apprentissage.

Le dernier point sur lequel nous voudrions attirer l'attention de toutes les personnes qui participent au
fonctionnement et à l'évolution du système de formation des ingénieurs concerne à la fois l'Education
Nationale, les ministères et organismes de tutelle des écoles et les directeurs d'écoles d'ingénieur. Il s'agit
d'une remise en cause des objectifs et de l'état d'esprit actuels en matière d'éducation et de
formation. Pour reprendre une formule récente, l'objectif de l'Education Nationale devrait être de "créer
non des employés virtuels, mais des employeurs réels"19. L'idée est d'amener l'ensemble des
partenaires du système éducatif français à contribuer à un changement de mentalité qui pourrait
inciter beaucoup plus de jeunes diplômés à créer leur propre entreprise. La valorisation maximale des
diplômes, avec la consécration en termes de statut social qui en découle, devrait être réservée non pas aux
plus brillants des étudiants, mais à ceux qui savent démontrer qu'au delà de leurs capacités à accumuler
des savoirs et à acquérir des compétences, ils savent mettre en oeuvre des qualités d'initiative,
d'autonomie, de responsabilité qui conduisent à entreprendre et donc à créer des entreprises et des
emplois. Partant d'un constat de plus en plus partagé sur le fait que le système éducatif français produit
désormais trop de diplômés par rapport aux débouchés, les objectifs de l'Education Nationale et des
écoles d'ingénieur pourraient être reformulés autour de cette nécessité d'accroître les débouchés à
travers la création d'entreprises et d'emplois. Cela présuppose, selon nous, un effort important en
matière de communication pédagogique pour insuffler de la "volonté" de créer des entreprises à des
jeunes diplômés ou en voie de l'être, qui ont des compétences et des aptitudes mais qui sont "bloqués"
aujourd'hui par la peur d'échouer et de mettre ainsi en péril leur avenir et leur position sociale.

3.3. Les implications pour les entreprises

19
J. MANDELBAUM, "L'éducation nationale, pépinière de création d'entreprises", Les Echos, 1/02/96, p.44.

11
Les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent être amenées à manager des ingénieurs. Le
management des ingénieurs peut recouvrir des réalités différentes en fonction, d’une part du type
d’entreprise, et d’autre part de la situation et des problématiques par rapport auxquelles ces entreprises
sont confrontées. Ceci étant, il est possible de distinguer quelques aspects du management des
ingénieurs. Le premier concerne la gestion de leur carrière. Le second vise à faire évoluer, au sein de
certaines grandes entreprises technologiques, une culture trop orientée sur la dimension technique
et qui est parfois qualifiée de “culture d’ingénieur”. Nous pensons, par exemple, à des entreprises
comme Thomson ou Télémécanique, en France, qui ont ce type de questionnement. Le dernier aspect est
relié à notre sujet. Il consiste, pour une entreprise, à développer en son sein l’innovation et
l’intrapreneuriat, en impliquant, autant que cela est possible, les ingénieurs. Les entreprises
voudraient que les ingénieurs se comportent comme des entrepreneurs en servant au mieux leurs intérêts,
en s’investissant dans des développements stratégiques, ou en exerçant des responsabilités dans des unités
dotées d’une grande autonomie, ou enfin en pratiquant l’essaimage relié aux activités stratégiques des
entreprises.

Nous apportons aux entreprises des outils de gestion susceptibles de leur permettre de mieux
appréhender les déterminants de la carrière des ingénieurs, pour que cette dernière soit gérée au
mieux des besoins de l’entreprise et des aspirations de l’ingénieur. Actuellement, nous l’avons abordé
dans nos analyses, le classement et la notoriété de l’école constituent encore des critères très importants
dans le déroulement de la carrière, l’accès aux postes les plus prestigieux et la détermination de la
rémunération. Nous proposons d’autres critères et grilles d’analyse. Nous montrons que les aptitudes
entrepreneuriales et la propension à entreprendre, très recherchées aujourd’hui par les entreprises,
ne dépendent pas de la notoriété de l’école et sont inégalement réparties parmi les ingénieurs. Nous
soulignons, au niveau des écoles, l’importance de la spécialisation, de la culture et de l’ouverture.

Nous montrons qu'il existe différents types d’ingénieurs, aux caractéristiques entrepreneuriales très
contrastées, et nous les caractérisons, en indiquant les facteurs sur lesquels il est possible de jouer pour
améliorer certains comportements ou en faire évoluer d’autres. C’est ainsi que la formation
complémentaire est un levier puissant, de même que la mobilité professionnelle. Pour les entreprises,
cela signifie que les changements de fonctions, d’établissements, de sites et de pays doivent être
“programmés” et considérés comme des étapes importantes de la carrière des ingénieurs.

Sur un autre plan, nous montrons l’importance des parcours professionnels sur les comportements
des ingénieurs. Un parcours trop centré sur la dimension technique aura des conséquences sur les
démarches utilisées (plutôt basées sur le mode de la reproduction), sur le type d’innovation développé
(plutôt orientée sur la technologie), sur la constitution des équipes (plutôt composée d’ingénieurs), sur le
choix des outils et des partenaires (plutôt connus et maîtrisés). A l’inverse, un parcours centré sur la
dimension management et gestion, privilégiera des démarches basées sur les modes de l’opportunisme et
de l’innovation, un type d’innovation orienté sur le produits et les services associés, des équipes mixtes,
des outils et des partenaires ne relevant pas nécessairement de ceux déjà connus et expérimentés.

Tous les ingénieurs entrepreneurs ne créent pas des entreprises technologiques et innovantes. Tous
les ingénieurs ne sont pas forcément à l’aise dans les champs de la technologie ou de la haute technologie.
Là encore, nous proposons des outils d’analyse sur différents types d'ingénieurs qui peuvent
permettre à des entreprises de choisir les profils d’ingénieurs les plus appropriés pour la conduite
de projets technologiques et innovants destinés à ouvrir la voie à de nouvelles activités. Qui plus est,
nous indiquons les axes de développement personnel, qui peuvent renforcer les aptitudes et compétences
de ces ingénieurs dans le management réussi de ce type de projets.

L’apport que nous faisons aux entreprises peut enfin leur permettre, à travers une connaissance plus
approfondie des ingénieurs, d’agir avec beaucoup plus de pertinence, dans le cadre des relations qu’elles

12
entretiennent avec les écoles, pour transmettre leur point de vue et contribuer à faire évoluer les
formations dans une direction plus conforme aux besoins et exigences de la vie économique.

3.4. Les implications pour les acteurs de la création d’entreprise


Les acteurs de la création d’entreprise, institutions financières, Etat, collectivités locales, organismes
consulaires, sociétés de conseil et de formation, soutiennent les initiatives entrepreneuriales et apportent
aide et assistance aux créateurs et repreneurs d’entreprise.

Depuis le début des années 80, on assiste à une professionnalisation croissante du système d’appui à la
création20. Ceci se traduit notamment par une plus grande attention à des catégories de créateurs à
potentiel. Nous pourrons citer par exemple le travail de P. MUSTAR relatif aux entrepreneurs-
chercheurs21 . Notre propre travail apporte une contribution supplémentaire, dans cette veine, en
proposant des connaissances approfondies sur une autre catégorie de créateurs à potentiel: les
ingénieurs entrepreneurs. Ces derniers ont, très souvent, à la fois l’expérience professionnelle, un projet
technique de qualité et des appuis personnels ou financiers; ce qui peut leur faire défaut parfois, c’est
l’utilisation habile des techniques de gestion et l’expérience de comportements professionnels plus
orientés vers le management des hommes et de situations complexes, d’où l’intérêt de formules
particulières d’accompagnement de projet, adaptées à ce type d’entrepreneur. La spécificité de
l’ingénieur entrepreneur est liée, selon nous, au système de formation dont il est issu et à la
dimension technique qui oriente et structure son parcours professionnel.

Les acteurs français de la création d’entreprise disposent désormais de connaissances leur


permettant de mieux repérer les leviers sur lesquels il convient d’agir si l’on veut inciter davantage
les ingénieurs à créer ou à reprendre des entreprises. De la même façon, ils sont en mesure de
proposer de nouvelles formules de formation pour les préparer à entreprendre dans de meilleures
conditions. Des actions peuvent également être imaginées et mises en oeuvre, en collaboration avec
les écoles d’ingénieur, pour développer un type précis de comportement. Nous pensons, en
particulier, à la reprise d’entreprise et plus précisément à la reprise d’entreprises familiales qui pourrait
intéresser les écoles identifiées comme des “écoles de repreneurs”, des organisations professionnelles et
des acteurs de la création comme des chambres de commerce et d’industrie. De la même façon, ces
partenaires pourraient conduire des opérations destinées à favoriser la création d’entreprises dans
des secteurs de haute technologie, avec des écoles dont les spécialisations coïncident avec ces
secteurs d’activité, et en impliquant les associations d’anciens élèves. Toutes ces suggestions
rejoignent une problématique qui pourrait être résumée ainsi: quels profils d’ingénieurs faut-il solliciter
pour quel type de développement économique ou pour quelle préoccupation locale ou nationale majeure ?
Comme nous le constatons, les retombées sont nombreuses et portent vraisemblablement en germe des
possibilités de développement et d’amélioration de situations actuellement insatisfaisantes.

Nous avons montré que les comportements d’entrepreneur des ingénieurs sont très différents en
fonction du type de parcours. C’est ainsi que l’ingénieur entrepreneur s’oriente soit vers des
activités de services et de conseils, soit vers des activités industrielles suivant qu’il relève d’une figure
de “manager” ou d’une figure de “technicien”. De la même façon, les orientations vers des types de
clients (PME / grandes entreprises, administrations et entreprises publiques), les types d’innovation
(produits, services / technologie et développement d’une technologie), le choix des partenaires
(gestionnaires / ingénieurs), les modalités de financement (externe / épargne personnelle, famille et

20
Voir: B. SAPORTA, “La création d’entreprise: enjeux et perspectives”, Revue Française de Gestion 1994
(n° 101), p 74-86
21
MUSTAR P., Science et innovation, Paris : Economica, 1994, 262 p

13
amis), et les stratégies suivies (lancement de nouveaux produits, création de filiales / stratégie
opportuniste) présentent des différences caractéristiques. A notre avis, ceci a des conséquences
pratiques intéressantes pour tous les acteurs de la création qui peuvent, dans ces conditions, aider
et conseiller avec beaucoup plus de pertinence et d’efficacité, les ingénieurs entrepreneurs, en
s’appuyant sur nos grilles de lecture.

4. Implications théoriques
Les apports théoriques concernent trois domaines scientifiques distincts. Le premier est celui des modèles
théoriques qui décrivent et explicitent le processus entrepreneurial. Le second traite des modèles de
carrière des ingénieurs. Le dernier, enfin, le plus important s’adresse aux courants théoriques explicatifs
des comportements entrepreneuriaux des ingénieurs.

S’agissant des théories et modèles relatifs au processus entrepreneurial, nous proposons un modèle
supplémentaire qui concerne une catégorie spécifique de créateurs. Ce modèle s’ancre dans la théorie
interactionniste et s’inscrit dans la continuité de modèles existants22 qui introduisent la notion de
processus et celle de système social. Notre construction théorique enrichit les modèles précédents en
intégrant un apport récent , les logiques d’action23. Nous pensons qu’au delà du cas particulier des
ingénieurs, il conviendrait de vérifier l’applicabilité de ce modèle à d’autres situations de création
d’entreprise.

Notre apport théorique à la problématique des modèles de carrière des ingénieurs constitue un
enrichissement des travaux antérieurs24. L’importance de notre échantillon et l’originalité des outils
d’analyse que nous avons utilisés qualifient les résultats que nous proposons.

Qu’il s’agisse des parcours professionnels, en termes d’enchaînement de fonctions et d’étapes, ou des
liens que nous établissons entre des critères décisifs du choix de carrière relatifs à des profils d’ingénieurs
et des orientations professionnelles, ou encore des parcours qui ont conduit des ingénieurs à la voie
entrepreneuriale, avec une mise en évidence du caractère discriminant de la dimension technique, nous
pensons que nos apports sont de nature à permettre à la communauté scientifique de disposer de
connaissances supplémentaires sur les modèles de carrière des ingénieurs et sur les paramètres qui les
structurent. Porter un regard sur l'ingénieur entrepreneur est une façon de regarder les ingénieurs tout
court.

L'ingénieur entrepreneur n'est pas un cas à part. Etre entrepreneur n'implique pas forcément une situation
de rupture avec l'identité professionnelle de l'ingénieur.

Le groupe des ingénieurs est relativement homogène du point de vue de la position sociale et des
ressources scientifiques et techniques. Il est par contre très hétérogène du point de vue des formations et
des types d'accès à l'emploi. Tout ceci détermine une extrême variété des carrières d'ingénieurs,
même si l'ingénieur reste principalement un salarié. Nos résultats montrent que dans la carrière des
ingénieurs il existe une frontière qui est liée à la dimension technique. Cette frontière sépare les
itinéraires et les identités professionnels. Les parcours peuvent être "d'essence technique". L'identité
professionnelle des ingénieurs ayant suivi de tels itinéraires est alors construite sur l'expertise et le
professionnalisme. Les parcours ont pu également emprunté des voies "d'ouverture" permettant à

22
Les modèles de H. LE MAROIS et C. BRUYAT notamment.
23
Voir notamment : H. AMBLARD, P. BERNOUX, G. HERREROS, Y.F. LIVIAN (1996)
24
Voir en particulier les travaux de: P. BOUFFARTIGUE, J.Y. ROBIN et M. GROSSETTI.

14
l'ingénieur de s'éloigner des fonctions techniques pour aller vers des fonctions commerciales,
administratives, financières ou polyvalentes. Dans ces conditions, l'identité professionnelle des ingénieurs
concernés relève de valeurs liées au management et au pouvoir hiérarchique.

Ces quelques développements à propos d'une théorie de la carrière des ingénieurs mériteraient de plus
amples approfondissements.

Les implications théoriques les plus importantes de notre travail se situent incontestablement au
niveau du troisième et dernier domaine scientifique, qui concerne les théories explicatives du
comportement entrepreneurial des ingénieurs.

A notre connaissance, une seule théorie est proposée aujourd’hui, à la communauté scientifique. Elle
est l’oeuvre de G. RIBEILL et nous allons en redonner une formulation synthétique: “la propension à la
fonction entrepreneuriale est d’autant plus élevée, pour un ingénieur, que le statut social - la valeur de
l’étiquette - que confère l’éventuel passage par une école technique est moindre”. Cette théorie
explicative relève d’un certain déterminisme lié au statut et à la notoriété de l’école. De ce point de vue le
type d’explication proposé est proche du “réalisme totalitaire” de R. BOUDON25 qui accorde un poids
important aux normes et moyens (en particulier les structures) imposés par la société. Nos résultats ont
montré les limites de cette théorie qui n’est pas suffisante pour expliquer les comportements
entrepreneuriaux des ingénieurs. Certes, la notoriété et le statut de l’école jouent bien un rôle mais ce
dernier est loin de tenir la place centrale.

Les éléments théoriques que nous proposons réfutent le modèle déterministe pour en retenir un,
plus complexe, basé sur le concept "d'interaction". Pour nous, les comportements entrepreneuriaux
des ingénieurs s’inscrivent dans des trajectoires professionnelles qui débutent pendant les études et
se poursuivent tout au long de la carrière. Ces trajectoires professionnelles sont influencées par de
nombreux paramètres qui appartiennent à différentes familles : l’individu, son environnement
personnel et familial, sa formation et son parcours éducatif, son expérience professionnelle. Les
comportements entrepreneuriaux des ingénieurs sont la conséquence de logiques d’action très
reliées à des choix et des parcours éducatifs et professionnels. La trajectoire professionnelle est un
construit social qui s'élabore en fonction d’interactions entre les différents pôles (acteur, espace
d’opportunités professionnelles, ressources) du système d’action de l’ingénieur. Il apparaît ainsi
que pour un ingénieur, de très nombreuses trajectoires professionnelles sont possibles. Ce qui
détermine l’une ou l’autre de ces trajectoires relève de choix qui sont effectués à certains moments
de la carrière. Dans la vie professionnelle, de tels moments apparaissent régulièrement à la suite de
changements de situation ou de contexte, ou lors de l’apparition d’opportunités professionnelles ou
de formation personnelle. Nous voudrions souligner, en particulier, l’importance des premiers choix liés
à l’école et à la spécialisation suivie, car des liens étroits s’établissent entre cette dernière et un secteur
d’activité professionnel, qui peut en tant que tel, offrir un espace d’opportunités professionnelles plus ou
moins ouvert. C’est ainsi que certains ingénieurs restent “enfermés” pendant toute leur carrière dans des
spécialisations “étroites” reliées à des secteurs d’activité offrant peu de possibilités d’évolution
professionnelle. Cet embryon de théorie des “carrefours de vie professionnelle” nous semble
beaucoup plus à même d’expliquer les comportements entrepreneuriaux des ingénieurs.

L'entrepreneuriat est présenté très souvent comme une "vocation". Ce constat pourrait être
davantage renforcé, s'agissant des ingénieurs dont la vocation traditionnelle est justement très éloignée de
la création d'entreprise. L'ingénieur est en effet principalement un salarié qui travaille dans une grande
entreprise. Nos résultats sont en contradiction avec cette position. L'entrepreneuriat chez les ingénieurs, se
construit à la rencontre des ressources contrôlées réellement ou potentiellement, des influences et des

25
Cité par P. BERNOUX (1985)

15
stratégies de carrière. De ce point de vue, l'ingénieur est dans un processus qui vise à optimiser les
ressources par rapport à un projet professionnel.

Nous avons montré qu'il y a bien confirmation, que les profils et les parcours des ingénieurs entrepreneurs
sont divers et variés, comme le sont d'ailleurs, les carrières d'ingénieur.

Les ingénieurs entrepreneurs ne sont pas des ingénieurs homogènes. Nous avons mis en évidence qu'il
existe différentes logiques d'action entrepreneuriale des ingénieurs ; lesquelles dépendent de
nombreuses variables : psychologiques, sociologiques, économiques ou techniques. Ces logiques
d'action relèvent de plusieurs dominantes : la carrière, le désir ou la passion d'entreprendre et la
valorisation d'un potentiel entrepreneurial, chacune d'entre elles est reliée à un des trois pôles du système
d'action de l'ingénieur : l'espace d'opportunités professionnelles, l'acteur-ingénieur et les ressources. Ce
modèle induit la complexité du processus et ouvre sur l'extrême diversité des situations, des profils et des
parcours des ingénieurs entrepreneurs.

Les implications pratiques et théoriques de notre travail ayant été présentées, il nous faut maintenant en
exposer les principales limites.

5. Les limites principales de la recherche


Nos résultats sont beaucoup tributaires de la qualité et de la représentativité des échantillons que nous
avons utilisés. Nous avons constaté un certain nombre d’écarts entre notre échantillon et la
population des ingénieurs diplômés français, pour autant qu’elle puisse être caractérisée à l’aide de
l’échantillon du CNISF. Ces écarts ont fait l’objet d’une attention particulière lors de nos analyses, pour
éviter les éventuels biais d’interprétation. Nous considérons cependant que la qualité de notre
échantillon est bonne, et sa validité assurée, car il prend très bien en compte l’hétérogénéité de la
population des ingénieurs en France et la diversité des situations personnelles et professionnelles.

Notre échantillon, ainsi que celui du CNISF comportent beaucoup plus de situations de création
d’entreprise que de reprise et nous n’opérons pas, dans nos analyses approfondies, de véritable
distinction entre ces deux types de comportement entrepreneurial. Très souvent d’ailleurs
l’amalgame est fait par les chercheurs qui développent des travaux dans le champ de l’entrepreneuriat. Il
n’en demeure pas moins que ces deux types de comportement présentent des différences et ne
correspondent pas à des représentations identiques dans l’esprit des entrepreneurs potentiels. Les
situations et les démarches de création et de reprise ne sont pas similaires. S’agissant des ingénieurs et de
la mise en évidence d’une “logique de reprise d’entreprise” propre à certaines écoles ou à certains
diplômés peut-être aurait-il fallu tenir davantage compte des spécificités de ce type de comportement.

Le but de notre recherche nous a amené à nous focaliser sur le processus entrepreneurial des ingénieurs et
sur les parcours qui les conduisent à créer ou reprendre une entreprise. Dans ces conditions, nous avons
accordé une moindre importance aux notions de performances économiques et de survie à long
terme des entreprises créées ou reprises par des ingénieurs. De la même façon, nous n’avons pas
comparé ces performances et taux de survie avec celles et ceux d’autres entrepreneurs, ce qui peut
vraisemblablement apporter une petite frustration aux acteurs de la création d’entreprise qui, en France,
sont très sensibilisés à ces aspects.

Une autre limite est liée aux variables que nous avons utilisées pour mesurer l’innovation apportée
par l’ingénieur entrepreneur et le potentiel de développement de l’entreprise créée ou reprise. Ces

16
variables sont très générales et ne permettent pas d’aller très loin dans l’analyse des données et
l’interprétation des résultats. Certes nous mesurons le type d’innovation et nous pouvons apprécier,
indirectement, le potentiel de développement à travers le rythme de croissance ou le type de stratégie de
développement, mais nous ne sommes pas capable de mesurer le degré, l’intensité ou la fréquence des
innovations, et nous mesurons mal le potentiel de développement ne serait-ce qu’à travers des variables
qualifiant davantage les produits, les marchés et les technologies.

La dernière limite que nous allons présenter, ici, est liée au type d’enquête que nous avons privilégié.
Nous interrogeons des ingénieurs et leur demandons de nous indiquer leur position, leur sentiment, leur
perception, par rapport à de nombreuses questions concernant leurs situations personnelle et
professionnelle, ainsi que leurs parcours éducatif, professionnel et éventuellement entrepreneurial. Nous
sommes forcés de “croire” ce qu’ils nous disent, même si nous savons, et chaque fois que cela est
possible nous en tenons compte, que des influences et des biais liés à des situations, des parcours et
des expériences vécues existent et peuvent les amener, en toute bonne foi, à nous communiquer des
données "orientées".

Prenons un seul exemple pour illustrer notre point de vue. Un ingénieur se trouvant, au moment de
l’enquête, dans une voie professionnelle et technique aura tendance à mettre en évidence, dans sa
formation, des lacunes relevant de disciplines ou de champs techniques. A l’opposé, un ingénieur engagé
dans une voie hiérarchique et de gestion soulignera des lacunes liées à la gestion ou au management des
hommes. Ces réponses doivent être interprétées avec beaucoup de prudence tant il apparaît probable
qu’elles sont plutôt la conséquence des situations professionnelles vécues et non pas la résultante d’un
effort objectif portant sur la formation suivie par l'ingénieur et son contenu. Elles correspondent à des
perceptions très influencées par les situations professionnelles rencontrées.

6. Les ouvertures et perspectives de recherche


Notre travail, malgré ses limites, ouvre, nous semble-t-il, sur de nombreuses pistes de recherche. Nous
allons présenter, pour conclure, celles qui pourraient faire partie de futurs programmes de recherche.

Une première perspective serait d’inclure dans notre champ d'étude la dimension internationale en
nous efforçant de réaliser une comparaison assez fine, entre les comportements entrepreneuriaux
des ingénieurs français et ceux des ingénieurs d’autres pays. Nous pensons, notamment, aux
ingénieurs québécois, américains, allemands, anglais et japonais. Ce type de recherche est envisageable,
dans la mesure où nous avons déjà repéré des équipes qui travaillent sur l’ingénieur entrepreneur ou sur
l’ingénieur dans la plupart de ces pays. Cela permettrait de faire ressortir, le cas échéant, la spécificité de
l’ingénieur entrepreneur français liée à l’originalité de notre système de formation des ingénieurs.

Une deuxième piste pourrait nous amener à nous intéresser en priorité aux conséquences et aux
résultats, sur un plan économique et social, des comportements entrepreneuriaux des ingénieurs. Le
but serait de relier ces comportements à une création de richesses économiques, en termes de création de
valeur et d’emplois par exemple. De la même façon, le taux de survie des entreprises crées ou reprises par
des ingénieurs pourrait être mesuré, globalement et par figure principale d’ingénieur entrepreneur. Dans
cette perspective, il serait essentiel d’apprécier très précisément la contribution des ingénieurs
entrepreneurs dans les domaines de l’innovation et de la création (ou développement) d’entreprises
technologiques et innovantes.

Un troisième piste de recherche pourrait consister dans la réalisation d’études comparatives entre
les comportements d’entrepreneurs des ingénieurs et ceux d’autres catégories d’entrepreneur. Les

17
ingénieurs entrepreneurs apportent-ils une contribution plus importante, de meilleure qualité, que celle
des autres entrepreneurs? Les performances économiques sont-elles plus élevées ? La probabilité de
survie est-elle plus forte? Dans ce registre de recherche, pourrait être mesurée la contribution respective
de deux catégories d’entrepreneurs à potentiel: les ingénieurs entrepreneurs et les chercheurs
entrepreneurs. Il nous semble qu’un termes de profil, des similitudes sont envisageables entre les
ingénieurs entrepreneurs “techniciens” et les chercheurs entrepreneurs. Ces similitudes débouchent-elles
sur les mêmes types de comportements d’entrepreneur et sur des niveaux de performance identiques? La
réponse à ces interrogations est de nature à permettre aux acteurs de la création la révision et
l’aménagement des structures et formules d’accompagnement de ces types d’entrepreneurs.

Une quatrième piste pourrait être ouverte pour approfondir le système particulier de formation des
ingénieurs militaires et les spécificités de leurs orientations et parcours professionnels après leur
période réservée à l’Etat. L’objectif étant de mieux comprendre l’importance de la proportion élevée de
ceux qui choisissent la voie entrepreneuriale et conséquemment d’apporter des connaissances
supplémentaires à la compréhension des comportements entrepreneuriaux des ingénieurs. L’hypothèse
que nous avons élaborée à propos des ingénieurs militaires est que la faible ouverture de leur espace
d’opportunités économiques ne leur permet pas de se positionner facilement sur un marché du travail ,
dans la mesure où l’expérience professionnelle développée dans un secteur d’activité économique
constitue généralement un facteur de positionnement important.

Notre cinquième perspective de recherche est reliée, d’une certaine façon, à la précédente. Elle
résulte d’une observation que nous avons faite et qui laisserait penser qu’il existe, pour certaines écoles
d’ingénieur, des “logiques de reprise d’entreprise”. Nous avons avancé, comme explication principale,
que ces écoles délivraient des spécialisations techniques reliées à des secteurs d’activité économique
où la création ex-nihilo d’une entreprise est difficilement envisageable, en raison de barrières à
l’entrée élevées. Ce constat renforce l’idée d’un lien entre la formation reçue dans une école d’ingénieur
(en particulier, au niveau de la spécialisation acquise) et le positionnement des ingénieurs dans des
secteurs économiques et sur le marché du travail. Cela revient à dire que la carrière des ingénieurs
dépendrait des conditions d’accès à des marchés sectoriels et que l’orientation entrepreneuriale
pourrait être envisagée, dans certaines situations, comme une alternative à un moment particulier
de la carrière. La question posée pourrait être alors la suivante: en quoi les caractéristiques
économiques d’un secteur d’activité créent-elles des conditions favorables ou défavorables à la
création et à la reprise d’entreprises ? Une étude réalisée pour tenter de répondre à cette question
apporterait indéniablement un éclairage complémentaire à notre contribution.

Une dernière piste de recherche pourrait partir des implications théoriques relatives à la carrière
des ingénieurs et des pistes précédentes. Le regard que nous avons porté sur le corps des ingénieurs, sous
l'angle de l'entrepreneuriat soulève un certain nombre de questions plus générales sur l'ingénieur et
pourrait contribuer à une réflexion plus large ouvrant sur un apport à une théorie générale de la carrière et
de l'identité professionnelle de l'ingénieur.

Au delà des perspectives que nous venons de présenter, les possibilités de recherche sur le thème de
l’ingénieur entrepreneur ou sur des thèmes connexes sont désormais nombreuses. Cela tient probablement
au fait que notre travail apporte, dans ce champ, des données nouvelles et des angles de vision originaux.

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