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Points de repères
Marie-Thérèse Rapiau
Dans Pour 2010/1 (N° 204), pages 63 à 69
Article
présente de moins en moins les formes classiques d’emploi de salariés à temps plein
et sous contrat à durée indéterminée [1]. Seuls les projets innovants semblent être
porteurs de solutions d’emplois, grâce à la valeur ajoutée créée, en particulier dans la
gestion de projets collaboratifs interentreprises et inter-institutions d’enseignement
supérieur et de recherche. En France, le chômage reste une plaie structurelle et
l’entrepreneuriat apparaît comme une valeur dynamisante dans une économie fatiguée
par la concurrence sur les marchés.
Depuis plus de trois décennies, l’État, les régions et les communes ont incité à la 2
création d’emplois par des politiques publiques spécifiques pour dynamiser et
innover en matière industrielle et commerciale. Cela s’est traduit par des politiques
en faveur du développement des territoires au plus près de l’économie et de la
décision locales. Sur le plan universitaire, après la création en 1998 d’une Académie
de l’entrepreneuriat par les enseignants de sciences de gestion, la loi sur l’innovation
(1999) a débouché sur la création des maisons de l’entrepreneuriat, d’incubateurs
d’entreprises sur les campus, de statuts de jeunes entreprises, pour parvenir en 2009
à la création d’un statut d’auto-entrepreneur, première démarche simplifiée dans
l’activité indépendante.
Les apports de la discipline Sciences de gestion sont plus récents. Ils sont de nature 7
opérationnelle pour les structures de production, mais aussi dans les savoirs
académiques. Par exemple, le nombre de thèses soutenues sur ce thème en sciences
de gestion montre la dynamique créative dans les connaissances. À l’identique, la
place des enseignements de la jeune discipline qu’est l’entrepreneuriat a pris une
place croissante dans les écoles de commerce et d’ingénieurs. On relèvera des
initiatives de création de valeur ajoutée par la multiplication de processus innovants,
dans les modes collaboratifs [11], sur des projets à fort enjeu technologique en matière
de transport, d’énergie ou de nanotechnologie.
De plus, il faut insister sur le travail didactique en amont, réalisé dans les cursus 8
d’écoles d’enseignement supérieur, mais également par les apports disciplinaires de
projets pédagogiques bâtis sur le modèle entrepreneurial, qui se mettent en place
dans les écoles de management ou à l’université dans les instituts d’administration
des entreprises (IAE). Les concrétisations sont très fortes et lisibles, comme la
création de l’Académie de l’entrepreneuriat, mais aussi des Maisons de
l’entrepreneuriat sur les campus qui sont des « creusets d’innovation économique
articulant l’université et le monde économique ». On notera le soutien des politiques
nationales en matière de clusters industriels avec la politique de financement de la
recherche et de l’innovation, via la reconnaissance des Pôles de compétitivité [12]. Par
une politique incitative des synergies, les partenariats sont au service des politiques
industrielles et d’emploi. Là aussi, l’enjeu est l’innovation entre firmes sur un secteur
à territoire donné… Souvent, la région cofinance avec l’État les pôles de compétitivité,
qu’ils soient nationaux ou internationaux.
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l’adoption d’une nouvelle méthode de production ou d’un nouveau procédé
commercial ;
une nouvelle organisation des entreprises ou des marchés ;
l’ouverture d’un débouché nouveau ;
l’accès à une nouvelle source de matières premières jusqu’alors inconnue, ou
jugée inconnue, ou difficilement exploitable.
La décennie 2000 a été ponctuée par l’émergence de nouvelles formes d’emplois, quand 15
la crise a envoyé des centaines de cadres au chômage. Ces formes d’emploi sont
ancrées dans le territoire [18] et concernent les groupements d’employeurs (100 à 300
entreprises adhérentes). Elles consistent au partage d’un salarié à temps plein par
différentes entreprises constituant un employeur unique : le groupement est
reconnu sous la forme juridique de l’association loi de 1901. Par exemple, le travail
saisonnier dans l’hôtellerie-restauration est concerné avec le groupe d’employeurs Réso
à Nantes : ce groupement propose aux saisonniers des emplois à La Baule durant l’été
et en Haute-Savoie pendant l’hiver. Ces groupes d’employeurs sont l’apanage des
milieux semi-ruraux ou de petites villes : l’expérience Vénétis du bassin de Vannes est
longuement analysée dans l’ouvrage de Delalande (2006) [19]. L’auteur démontre
parfaitement l’importance et les effets des réseaux d’employeurs sur la création des
emplois et sur leur moindre précarité.
Travailler pour son compte sans être isolé, c’est ce que propose le portage salarial, 16
développé chez les consultants, formateurs ou informaticiens. Le portage permet – à
condition de trouver soi-même ses missions – de se faire embaucher en CDI par une
entreprise de portage qui assure les formalités moyennant une commission de 12 %
des salaires versés. Dans le même esprit existent les coopératives d’activités et d’emplois,
avec un statut de société coopérative de production, dans le but d’aider leurs
membres à s’installer à leur compte. Depuis les années 1990, les associations de travail à
temps partagé ont permis à des cadres de retrouver un emploi dans plusieurs
entreprises, avec des statuts différents suivant les firmes, sur un même territoire.
Beaucoup d’exemples existent en région Rhône-Alpes notamment autour de Lyon.
En conclusion
L’entrepreneuriat ne s’arrête pas aux formes et aux statuts des emplois. Que le projet 18
soit individuel ou collectif, les bases entrepreneuriales s’appuient sur des racines
solides en sciences de gestion : stratégie, marketing, finance, GRH et droit. Quant
aux ingrédients qui prévalent au business model présent dans l’entrepreneuriat, tous
les auteurs rappellent la place des projets innovants à fort potentiel, l’importance des
dimensions humaines avec la gestion des acteurs ou, mieux, l’interface entre les
acteurs dans les projets collaboratifs mais aussi la prise en compte de la gestion de la
croissance et/ou de la responsabilité sociale de l’entreprise. [21]
Notes
[6] 1680-1734 : un des auteurs les plus significatifs qui marque la transition du
mercantilisme vers l’économie classique.
[7] P. Artus, M.-P. Virard, Globalisation, le pire est à venir, éd. La Découverte, 2008.
[8] D. Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, éd. Flammarion, coll. « Champs »,
1998.
[9] Ires, Les mutations de l’emploi en France, éd. La Découverte, coll. « Repères », 2005.
[10] D. Cohen, Trois leçons sur la société postindustrielle, éd. du Seuil, coll. « La république
des idées », 2006.
[11] Modes collaboratifs entre les entreprises, la Recherche publique et privée ainsi que
l’Enseignement supérieur.
[17] F. Lasch, S. Yami, « The nature and focus of entrepreneurship research in France
over the last decade : a french touch ? », Entrepreneurship theory and practice, vol. 32,
n° 2, 2008, p. 339-360.
[19] F. Delalande, Groupements d’employeurs, mode d’emploi : une forme d’emploi innovante
pour les salariés et les entreprises, Éditions d’organisation, 2006.
[20] R. Colle, C. Defélix, M.-T. Rapiau, « Quelle GRH pour les pôles de compétitivité ? »,
Revue française de gestion, dossier Pôles de compétitivité, vol. 35, n° 10, janvier 2009.
Plan
Entrepreneuriat : du capitalisme marchand à l’entrepreneuriat
En conclusion
Auteur
Marie-Thérèse Rapiau
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