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Pourquoi les francs-maçons mettent-ils trois

points après des initiales ?

Circulaire aux membres de la R.L. de La Triple Union de Marseille, 1809, archives départementales des Bouches-
du-Rhône, photo Hervé H. LECOQ.

Sans même être initié, il est parfois possible d’entendre que les francs-maçons
apposeraient trois points dans leur signature pour signaler leur qualité. Mais
est-ce une réelle habitude ou bien une légende ? D’où cela vient-il ? Est-ce le
delta lumineux ? Le souffre, le sel et le mercure de l’alchimie ? La voyelle
hébraïque niqqud qui se nomme Ségol ?

Bien évidemment, et sans vouloir vexer qui que ce soit, indiquer sa qualité
maçonnique dans une signature reviendrait plus pour un vrai franc-maçon à de
l’amusement sous forme de clin d’œil qu’à autre chose. On trouve cependant ce
symbole dans les écrits et correspondances maçonniques sous la forme de trois
points mis en pyramide, permettant ainsi de séparer des initiales, par exemple :

M ∴ T ∴ C ∴ F ∴.
Mais la première utilisation de ces trois points dans une signature n’est pas
maçonnique. Ainsi, dès le XVIIIe siècle, dans les actes notariés et les actes d’État
civil, apparaissent dans les signatures deux traits parallèles, avec deux points ou
même sans point, ou parfois encore un trait encadré de points. À la fin du XVIIIe
siècle et sous l’Empire, toujours dans des actes, ces coquetteries de signatures se
généralisent sous la forme de deux traits horizontaux possédant trois points en
ligne. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, cette habitude se généralise à des
notables par effet de mode.

Pour Daniel Ligou, cet usage proviendrait des congrégations créées et animées par
les Jésuites durant la Contre-Réforme, tout particulièrement dans les congrégations
mariales. La symbolique étant alors que les deux colonnes seraient celles de
l’Ancien Testament, et les trois points représenteraient le Père, le Fils, et le Saint-
Esprit. Ainsi, des francs-maçons ayant pris l’habitude de signer de cette manière
auraient apporté cet usage dans les loges, à l’exemple de Claude-François Achard,
fondateur de la Triple Union de Marseille, qui signait parfois ses lettres à
Willermoz ainsi.

Cet usage de signature apparaît pour la première fois comme ponctuation pour des
initiales dans les années 1760. Dans le cahier de loge de la Concorde de Beaucaire,
consultable en ligne dans les archives de l’Hérault, de nombreuses occurrences
apparaissent, et l’usage n’en est pas fixé. Comme le montre l’illustration de
l’article, tantôt les trois points sont en triangle avec la pointe vers le haut, tantôt
vers le bas, tantôt à droite, tantôt les trois points sont alignés à la verticale, ou
même parfois, dans une lettre reçue d’une Loge d’Italie qui y est reproduite il n’en
existe que deux pour chaque initiale.
Mais d’où vient alors cette fixation en trois points en pyramide avec la pointe
tournée vers le haut ? Les francs-maçons l’ont-ils inventé ? Rien n’est moins sûr,
car ∴ est en réalité un symbole mathématique. Utilisé pour la première fois par
Johann Rahn en 1659 dans un ouvrage rédigé en allemand Teutsche Algebra, ce
symbole désigne alors la conséquence syntactique (dans la forme). On le traduit en
« par conséquent », ou en anglais « therefore ».
Ainsi, comme pour tous nos symboles maçonniques, il s’agit ici, une nouvelle fois,
d’un emprunt multiple que seules les préférences des francs-maçons de l’époque
ont transformé en tradition.
F:. Précié Guerrier, Vénérable
Supérieur Inconnu Grand Chevalier Rose Croix
Compagnon Royal Arche Maitre des Arts

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