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Nº18

JANVIER 2014

Dossier Talents
Privé et culture, Ouidad Elma
je paie, donc je dicte ! Dj Van

Interview DVD
Nawal Slaoui, La sélection
productrice à la du réalisateur
conquête de l’art Brahim Chkiri

Salles obscures Et aussi ...


Mohamed Layadi, L’agenda culturel
directeur du Colisée, Sorties cinéma
son cinéma, son Actu livres
combat Design & Auto
Evasion
Expo
Hicham Benohoud
et ses peaux d’âne

Livre
Le petit Nicolas
version darija

FIFM
Pleins feux sur
Golshifteh Farahani
et Lubna Azabal
EDITO

L’Homme est la Culture DRISS JAYDANE

Que peut-elle bien être d’autre que l’interprétation affective, spirituelle, artistique, de… La Vie !
Oui, car la Culture, prise comme telle, a au fond, rapport à la Vie… C’est là son génie, celui
qui fait, qui nous fait, nous humains… Durer. L’adage qui veut, depuis Goethe, que le Génie
soit de durer, s’applique et s’inspire d’une définition de la Culture en tant qu’enracinement
de la Vie…
Et ceci, depuis que l’Homme - seule créature du Monde à être, de fait, séparée du Monde -
s’est découvert… De l’Homme se trouvant nu, fragile, minuscule, mortel, devant l’immensité
de la nature, devant l’inconcevable idée de sa propre finitude… Ainsi l’Homme invente-t-il
la Culture, cette mise en signes, en sons, en rites, en cultes, et en religion, de lui-même…
Fragile, l’Homme est aussi, par l’invention de la Culture, un être puissant ! Et c’est bien là son
paradoxe !
Qu’il peigne sa peur et sa fascination du trop grand monde extérieur sur les parois d’une
grotte - il y a de cela quelques millions d’années - où qu’il dénonce l’absurde assassinat
de la Vie en nous donnant, quelques millions d’années plus tard, le magnifique et terrifiant
« Guernica » de Picasso, « Les oiseaux impossibles » de Saladi, « La Métamorphose » de
Kafka, ou « Hawa » de Leftah… L’Homme et la Culture ne font qu’un, ils sont et ne peuvent
vivre l’un sans l’autre !
Et de fait, cette union, sacrée ou profane, nous pousse à dire en ce début d’année qu’un pays,
qu’une ville, qu’un gouvernement, que des responsables politiques - qui ne comprendraient
pas que l’Homme est la Culture et que la Culture est l’Homme, et que cette affaire est la
politique même - … n’auraient pas leur place dans une société comme la nôtre. Une société
qui se redécouvre le besoin irrépressible de se mettre en signes, en sons, en mots, en couleurs.
Comme depuis le début, à chaque fois que le Monde le met en demeure de dire ce qu’il reçoit
et veut transmettre de et sur la Vie, l’Homme peint, chante, danse, écrit, transforme, dit en
somme tout ce que la Vie lui fait, avec son cœur et son corps, avec ses peurs et ses rêves…
Toujours aussi fragile, et toujours aussi puissant, cet humain est toute la Culture, dont il est à
la fois et le centre et les contours, qu’il regarde en direction du Ciel, ou qu’il juge et jauge son
être d’habitant du monde…
Alors, cette fragilité et cette puissance qui font aussi l’Homme et son ambivalence, supposent,
exigent, que l’on fasse confiance à celui-ci ! Qu’on le laisse, à chaque fois qu’il le ressent,
qu’il le désire - que cela plaise ou non - libre d’inventer, de montrer, de faire sortir le monstre
ou de faire le saut de l’ange, libre de regarder le ciel ou de retourner à la terre… Car si
l’Homme est la Culture, sans liberté, l’Homme et la Culture ne sont plus.
DOSSIER
SOMMAIRE
30 CULTURE ET PRIVÉ : JE PAIE, DONC JE DICTE !

36 MOHAMED LAYADI, SON CINÉMA, SON COMBAT

38 NAWAL SLAOUI, MATIÈRE À PRODUIRE

INTERVIEWS
UD
12 HICHAM BENOHO
CHRONIQUE
15
LUBNA AZABAL 50
DROIT DE CITÉ
HANI
16 GOLSHIFTEH FARA

TALENTS

ACTUS 18 WIDAD ELMA

8 AGENDA 26 DJ VAN

LIVRESSE 20

22 CINÉMA

DVD 24

11 FONDATION
ET AUSSI ...
PLAYLIST 29
DESIGN 42

AUTO 44

EVASION 46
CONTRIBUTEURS

FOUZIA MAROUF

Fouzia Marouf rejoint en 2004


AMINE LAGSSIR
Afrique Magazine à Paris. Elle y
collabore toujours, en signant des
JALAL BOUKHARI Nouvelliste depuis
articles sociétaux et culturels. plusieurs
années, Amine a co
à l’université Depuis 2006, elle collabore avec llaboré aux
Après des études pages d’Al Bayane
int Denis, Jalal a Qantara, trimestriel de l’Institut , du Matin,
Paris VIII de Sa de la revue littéra
tam é un e ca rriè re de journaliste du Monde Arabe. Elle mène une ire Nejma, et
en a contribué à l’Anth
lla bo ré av ec de nombreuses enquête pour le Nouvel Observateur ologie de la
et a co Nouvelle Marocain
na tio na les et à Paris en 2008 sous la direction e des éditions
publications l’Harmattan. Straté
ern ati on ale s. Se s domaines de Serge Raffy. En 2009, elle giste web et
int community mana
nt le cinéma, la collabore avec Elle Orientale à ger de métier, il
de prédilection so intervient en indép
tou t ce qui touche à Beyrouth. Fouzia Marouf a travaillé endant auprès
musique, et de grandes marqu
co llabore avec avec Femmes du Maroc, Luxe es au Maroc.
l’art en général. Il Pour faire court, il
po lis de pu is sa création en radio, le Soir échos, rubrique est : nouvelliste,
Metro polémiste, commun
culture, spécialisé en cinéma, le ity manager,
2012. stratégiste, pseudo
magazine et le site Illi. A participé -gauchiste,
chroniqueur, paniq
au lancement de Metropolis comme ueur.
rédactrice en chef.

AHMED GHAYET
R
DOUNIA MSEFFE
Ahmed Ghayat es
t chroniqueur,
journalisme à
Dounia a étudié le écrivain et militant
associatif. Il est
ité de Sé vill e, à son retour l’un des membres
l’Univers fondateurs de
a tra va illé en tant
au Maroc elle l’Association Maroc
ains Pluriels
ur des projets
que journaliste po « mouvement d’o
pinion et force
nombreuses
à la télévision et de de conviction » prô
nant les
co mm e Le Matin valeurs de diversité
publications , de dialogue,
llabore avec
et Telquel… Elle co d’ouverture et de
partage,
2012. Elle est
Metropolis depuis œuvrant pour l’eng
agement de la
da ns les relations jeunesse. L’associa
spécialisée tion regroupe
pour des artistes
presse notamment aujourd’hui plus de
3000
rt.
et des galeries d’a membres et a pour
parrain
M. André Azoulay.

Directeur général : Julien Casters I Directeur de publication : Othmane Mediouni I Rédacteur en chef : Driss Jaydane I Responsable rubrique culturelle : Amine Lagssir I Secrétaire de
rédaction : Mounia Bennis I Journalistes : Fouzia Marouf, Dounia Mseffer, Yasmina Lahlou, Jalal Boukhari I Directeur artistique : Jamal Abdennassar I Standard : Salma Zouak I
Crédits photos : Istockphoto-AFP I CTP impression : PIPO-SOMADI I Régie publicitaire : 4 sponsoring / Moulay Ahmed Alami T. 06 08 85 01 23 I Event Manager : Abdelhak Houssami I
Metropolis est édité par : CASTERS-LAMBERT-MEDIA / 18, Rue Oumayma Sayeh - Racine, Casablanca. Tél. 05 22 36 38 62 - www.metrpolis.ma I Dossier de presse : 52/S 2011 I Dépôt
légal : 2012 PE 0024 I ISSN : 2028- 7745 I Ce numéro est tiré à 10 000 exemplaires I www.facebook.com/MetropolisMaroc.

6 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


La culture
n’est pas à vendre

ATUIT
MENSUEL GR
HALL OF FAME
David Bloch Gallery, jusqu’au 24 janvier.
8 bis, rue des vieux Marrakchis,
AGENDA Guéliz - Marrakech

FARID BELKAHIA
L’ATELIER DE L’ARTISTE
L’Atelier 21, jusqu’au 20 janvier
21, Rue Abou El Mahassin Arouyani
Casablanca CHKOUN GHAYTFI TELFAZA ? La question/prétexte des enjeux
DABATEATR dramatiques entre ces deux
Salle Bahnini, institut Franáis, Rabat. personnages tourne autour de : Exposition collective est l’occasion
Avant-première le 5 Janvier à 20h « Qui va éteindre la télé ? », une de découvrir ou redécouvrir les
phrase banale répétée plusieurs fois artistes résidents de la galerie.
Les actions de cette pièce se par le mari et évitée par la femme, Les thèmes de prédilection de la
déroulent la nuit, dans la chambre à qui prend refuge dans des jeux de galerie seront mis à l’honneur à
coucher d’un jeune couple, pendant mémoire et des souvenirs de leurs savoir : « la lettre et la calligraphie »
qu’ils regardent la télé. vie(s) passée(s). et « l’abstraction et l’imaginaire ».

MOHAMMED KACIMI
L’ART COMME GESTE EXTRÊME
L’atelier 21 nous propose une
exposition originale de l’artiste EXPOSITION HOMMAGE A FEU
Farid Belkahia, qui consiste à MOHAMMED KACIMI
reconstituer l’atelier de l’artiste à Musée de Bank Al-Maghrib - Rabat
l’intérieur des murs de la galerie. Jusqu’au 30 mars

FATIHA ZEMMOURI
L’OEUVRE AU BLANC
Galerie 38, jusqu’au 20 janvier.
Route d’Azemmour - Casablanca

BIC ME... I’M FAMOUS ! coeur de la mythique ville de Saint-


BCK Art Gallery, jusqu’au 11 janvier. Tropez, ce petit bout de femme de
Rue Ibnou Aïcha Imm C, Résidence Al 28 ans a déjà réussi, grâce à son
Hadika El Koubra, Gueliz - Marrakech. univers original et subtil, à remporter
La Galerie 38 présente le l’enthousiasme des collectionneurs
deuxième volet de l’œuvre de Véritable bulle de fraîcheur et et des amateurs d’art de tous
l’artiste Fatiha Zemmouri, à de créativité, Cali est une artiste horizons. D’ailleurs, son carnet
travers l’exposition “L’œuvre au française réputée pour ses icônes d’adresses, qu’on lui envierait bien,
blanc”. Après “L’œuvre au noir”, contemporaines, de Madonna à lui permet de voyager dans les
Fatiha Zemmouri poursuit son Warhol, en passant par Picasso ou plus grandes villes internationales :
travail de transformation des encore Al Pacino, qu’elle revisite Hong-Kong, New-York, Los Angeles,
matériaux par le feu. avec talent grâce à son outil de Londres, Milan, Genève, et désormais
prédilection : le Bic ! Installée au Marrakech.

8 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


AGENDA

CAROLE SCHOETTEL
CASA-PANDOR
Yakin & Boaz Gallery , jusqu’au 4 janvier
11, Rue Abou Al Kacem Al Kotbari
(Triangle d’or) – Casablanca

BERNARD PLOSSU
MAROC ET AUTRES SITES
Musée Adberrahman Slaoui
Du 17 janvier au 14 février
12, rue du parc. Casablanca

Cette exposition présente une


Carole Schoettel vit et travaille sélection d’images réalisées au DENIS DAILLEUX Portrait, qui décide Denis Dailleux
à Casablanca. Après des Maroc en 1975, et pour partie GHANA à se rendre sur les pas du photo-
études d’arts appliqués et aux inédites. D’autres photographies, Galerie 127, jusqu’au 31 janvier graphe américain. Sans intention
Beaux-Arts, elle participe à des extraites d’autres séries de 127, Avenue Mohammed V - Guéliz aucune, son premier voyage
oeuvres monumentales sous la son travail, la complètent et Marrakech résulte d’un désir, dans un premier
direction de Nepo, à Tanger et à donnent ainsi à voir un ensemble temps, de s’abreuver d’une source
Marrakech. Elle saisit l’essence de rétrospectif de l’œuvre de cet C’est la découverte du livre de autre que celle de “Oum Egypte”,
l’atmosphère des scènes de vie à artiste. Paul Strand, Ghana : an African où il vit et travaille depuis 15 ans.
Casablanca.

EXPOSITION COLLECTIVE Louardiri, Fatna Gbouri, Tomék,


L’amadeus Art Gallery Bouzaid, Benyaich, Pellegrin,
Jusqu’au 20 janvier. Kibari, Bendahmane, Qannibou,
10 rue Mozart, Casablanca. Mahi Binebine, Rahmani Zakaria,
Hafid, Drissi, Serfati, Lahrach
Les artistes : Yamo, Saladi, Abdesslam, Hassani, Barka,
Monia Abdel Ali, Raja Atlassi, Daifallah.

CIRQUE AMBOUCTOU
L’Ecole Nationale de Cirque Shems’y JOYAUX ce triptyque rend hommage aux
Dîner spectacle sous la chapiteau RETRANSMISSION EN DIRECT DU femmes et aux villes de Paris,
Mawsim, Kasbah des Gnaouas, Sidi BALLET DU BOLCHOÏ New-York et Saint-Pétersbourg.
Moussa - Salé Cinéma Rif - Casablanca Chorégraphié à New York en
Le 19 janvier à 14h30 1967, ce ballet aux costumes
Représentations publiques : 17, Tarifs : Balcon - 250 Dhs, Orchestre - sertis de pierreries, célèbre les
18, 25, 31 janvier et 1er février 150 Dhs, Etudiants - 100 Dhs trois villes et les trois écoles de
Tarif : 250 dhs - Tarif réduit : danse qui ont forgé l’élégance,
150 dhs (enfants accompagnés, Inspiré par les bijouteries de la l’esthétisme, et le style du
étudiants) Cinquième Avenue new-yorkaise, chorégraphe George Balanchine.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 9


AGENDA

EXPOSITION COLLECTIVE
L’ART EN PARTAGE
Espace Expressions CDG - Rabat
jusqu’au 15 janvier

THÉÂTRE chute, sa déchéance face à sa


LA CHUTE D’ALBERT CAMUS lâcheté, celle d’avoir abandonné
Théâtre 121 un candidat au suicide. Rongé
Institut français de Casablanca par la culpabilité. Il livre
Interprétation : Sophia Hadi l’impossibilité du pardon et du
Scénographie et mise en scène : Nabyl rachat et se confesse ne serait-ce
MOUNAT CHERRAT
Lahlou que pour semer le doute parmi
Galerie Conil, jusqu’au 14 Janvier 2014
Le samedi 25 janvier à 20H30 son auditoire. Car le portrait du
7, rue du Palmier Petit Socco
Scolaire : 27 et 28 janvier à 10H00 et h.ros d.chu de Camus dépasse
Medina -Tanger
15H00 l’individu. Il figure l’homme avec
ses prétentions, ses faiblesses,
Les artistes : Fouad Bellamine, La galerie conil présente les
“La grandeur de l’homme est ses désespoirs. “Dans un moment
Mustapha Boujemaoui, Bouchta dernières œuvres en noir et blanc
dans sa décision d’être plus fort de grâce théâtral, cette adaptation
El Hayani, Abderrahman Meliani, de Mounat Charrat qui expose
que sa condition.” Albert Camus. magistrale nous renvoie cette part
Hassan Slaoui, exposent sous le pour la première fois à Tanger.
Dans un bar d’Amsterdam, un d’ombre et d’imposture que nous
thème de l’art en partage. Son travail est contemporain
homme se raconte révélant sa portons en nous.”
et dépouillé, le gris et les
monochromes noirs et blancs ses
SPECTACLE DE DANSE couleurs de prédilection, peinture
KHATWA ou installation, les supports
Théâtre 121 sont multiples ; une recherche
Institut français de Casablanca constante de l’équilibre et de
Samedi 18 janvier à 20H30 l’harmonie, la quête de soi et le
Scolaire : vendredi 17 janvier à 10H00 questionnement de l’être sont ses
121 Bd Zerktouni, Casablanca. thèmes les plus récurrents.

Après des cours de danse


classique et folklorique au ARTS PLASTIQUES
Conservatoire, Abdelilah Mesbah BINATNA / ABOUT TRACES
découvre le hip-hop en 1998 Institut français de Fès - Fès
et remporte le championnat du Du 09 au 23 janvier 2014
Maroc en catégorie hip-hop/funk Musée de la Fondation Abderrahman
tout en cr.ant une compagnie de Slaoui - Casablanca.
danse hip-hop. Du 04 au 18 février 2014
Avec le soutien de l’IFC et l’aide
artistique du chorégraphe Dos BINATNA/About trace est un
Santos, il participe à la création de projet Austro-marocain, mêlant
la compagnie Salama qui monte photographies, installations et
son premier spectacle “Aladin”, objets, fruits d’une exploration
entame une grande tournée au des sujets de la rencontre et de
Maroc et en France. l’altérité.

10 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


FONDATION

faisions beaucoup de choses En parlant de cela, le


mais elles restaient chacune sponsoring doit être très
dans leur coin. Aujourd’hui avec important dans votre
la fondation, nous pouvons fonctionnement financier,
avoir une vraie ligne directrice comment cela se passe-t-il ?
sur le genre d’actions que
nous voulons mener et ça C’est évident que nous devons
nous permet, je pense plus beaucoup à nos 57 partenaires,
facilement, d’envisager le long des membres du cercle des amis
terme. Ensuite, il y a eu l’envie qui sont partenaires permanents,
de professionnaliser notre à nos sponsors d’événements
intervention dans le mécénat. qui interviennent autour d’une
NIER,
UT DU MOIS DER thématique précise comme le cas
ALORS QU’AU DÉB ROC Quels sont les projets phares de de la CDG avec le cycle Beethoven
H ES TR E PH IL A R MONIQUE DU MA la fondation ?
L’ORC VEN AVEC
qui nous a permis de jouer des
RIE SUR BEETHO symphonies connues et d’autres
BOUCLAIT SA SÉ MES Il y a bien sûr l’Orchestre
ONIE, NOUS SOM
moins connues de Beethoven.
EU VI ÈM E SY M PH
SA N LINE
Philarmonique du Maroc, qui fait Actuellement, nous travaillons sur
CONTRE DE CARO jouer de la musique classique un concept de cycles de “concerts
ALLÉS À LA REN TRE
FEMMES-ORCHES
depuis des années et qui reste découverte” qui seraient joués et
N IE R , L’ U N E D ES
SAUG UE
notre plus grande opération. La commentés. Nous connaissons nos
RT DE LA MUSIQ création de la fondation a permis partenaires parce qu’ils ont tous
DE CE TEMPS FO OIT À
IQ U E A U M A R O C. ELLE NOUS REÇ de profiter de cette logistique commencé par faire partie de notre
CLASS US pour créer d’autres choses en public. On les reconnaît, et l’une
A LO R S Q U ’E LL E EST EST AU PL parallèle, notamment l’École
DÉJEUNER T-
de mes fonctions c’est justement

D ES PR ÉP A R AT IFS DE CE CONCER Internationale de Musique et de de les convaincre de sponsoriser


FOR T E Danse, que nous avons créée
OI LE SUMMUM D
l’une de nos initiatives. Quand ils
T. SI SE LO N M
ÉVÉNEMEN LAN,
pour compenser la chute du sont intéressés, nous dressons
IG EN C E SE SI TU E ENTRE BOB DY niveau des conservatoires. Nous ensemble les grandes lignes de
L’EX OVEN avons travaillé le programme de notre projet avant de nous y atteler.
B.B. KING, BEETH
LED ZEPPELIN ET IQUE !
l’école afin que les élèves aient
… C O M M EN T D IRE ? TROP CLASS une formation sérieuse dans la Donc les décisions de
EST N
Q U A N D O N A IM E LA MUSIQUE, O musique et nous sommes très sponsoring sont prises par
POURTAN T, satisfaits des résultats. Ensuite, les dirigeants sur des bases
QUI EST
E SO U S TO U S SES AIRS. ET CE notre dernier né est le projet d’affinités pour la musique
L’A IM T
FO N D AT IO N TÉ NOR, EST PLUTÔ Mazaya. Avec ce projet, nous classique ?
FAIT À LA avons voulu accompagner des
r Amine Lagssir
C K N ’ R O LL ! Propos recueillis pa élèves en situation d’échec Parfois oui. Ce sont des chefs
RO scolaire. Actuellement, nous d’entreprises qui aiment la
formons notre promotion pilote musique classique et qui veulent
avec 40 élèves dans la région de la soutenir, mais il y a aussi des
Rabat qui partagent leur temps entreprises qui quels que soient
Caroline, dites-nous, pourquoi entre les matières enseignées leurs dirigeants vont soutenir la
la fondation Ténor a-t-elle été dans le circuit classique de musique classique. Des sociétés
créée ? l’éducation et quatre heures comme Zurich Assurances par
de musique par jour. L’objectif exemple, font la promotion de
Je ne vous cache pas que l’une est d’en faire des musiciens la musique classique à l’échelle
des premières motivations professionnels en cinq ans. mondiale. Quant aux entreprises
derrière la naissance de la On espère pouvoir arriver à du B-to-B, elles ont aussi un lien
fondation Ténor, c’était la 1000 élèves à moyen terme, du très fort avec l’OPM parce que
visibilité que ça apporterait aux moment qu’on arrive à mobiliser les dirigeants des entreprises
actions mécénat du Groupe. Nous les financements requis. sont présents à nos concerts.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 11


INTERVIEW
Art mouvant
OUD, Finalement, il n’y a pas eu de les artistes marocains sont
N E DA NS L’OE IL D’HICHAM BENOH grande polémique relative contraints de s’exporter ;
L’HIVER BAIG LE
CI EN ET PH OT OG RAPHE QUI BOUSCU à cette expérience. A votre ils ont besoin de résidences
PLASTI NT avis, est-ce que c’est dû à artistiques. Le secteur privé tout
D E LA PE N SÉ E ET DE L’INCONSCIE l’ouverture d’esprit du monde
LES CODES MAIN ET
comme l’État, ont un rôle à jouer

TIFS . RIEN N E L’ ARRÊTE. SUJET HU musulman ou à son indifférence afin de les retenir, et encore, la
COLLEC ’UNE
LINÉS LE TEMPS D
pour l’art ? sphère privée n’a pour finalité
IM AL SO N T D ÉC
MODÈLE AN POSITION
que la rentabilité. Il y a un évident
FO ISON N AN TE ET INATTENDUE EX Je n’ai pas créé de polémique, j’ai manque de lieux alternatifs où les
POSE. LA ,
», M ET TA N T EN SCÈNE DES ÂNES simplement parlé de mon pays artistes pourraient se rencontrer,
« ÂNES SITU DATION
selon ma perception, en montrant échanger et explorer leur art
T LE S M UR S D U MUSÉE DE LA FON au public les travaux que j’ai de façon expérimentale. Seuls
FLEURI ER.
AN SL AO UI JU SQU’AU 11 JANVI réalisé. La société marocaine se ceux qui ont fait une rencontre
ABDERRAHM gssir.
radicalise de plus en plus. Or, le déterminante s’en sortent.
r Fouzia Marouf et Amine La Maroc n’est qu’un portail du vaste
Propos recueillis pa monde musulman. Nous avons Vous participez à plusieurs
encore peu de galeries, et seul expositions de groupe plus que
un faible réseau de personnes vous ne tenez d’expositions
apprécie l’art contemporain, seule individuelles. Préférez-vous que
En 2003, à Bruxelles, vous une élite y a accès. La majeure votre travail s’imbrique à celui
avez pris position contre partie des gens n’y est pas d’autres artistes ?
l’absolutisme de la pensée réceptive ; elle est
musulmane et son dogme. même plutôt réticente à la Ce n’est pas un choix, ça fait
Pourquoi cette révolte ? créativité, accoutumée à un esprit partie du monde dévolu à l’art. Une
conformiste. Les artistes sont exposition personnelle nécessite
Je ne voyais pas les choses de plus isolés et seuls face à du temps voire plusieurs années
sous cet angle en fait… Avant leurs initiatives. De nombreuses alors qu’à une exposition collective,
de m’installer à l’étranger, je tentatives sont à saluer à on peut introduire une œuvre
pensais que les esprits y étaient Casablanca, mais elles ne sont déjà réalisée. La participation de
plus ouverts. De plus, j’ai le pas soutenues par une volonté projets collectifs est décidée en
droit de critiquer ma religion à politique forte. Seul le cinéma amont par les galeristes. En dix
travers ses mauvais aspects. Ce en bénéficie : art populaire, avec ans, j’ai réalisé 200 expositions,
qui m’intéressait alors, c’était l’usage de la darija qui s’adresse et quelques foires internationales :
de porter un regard critique sur au plus grand nombre et qui c’est une vie artistique bien
ce qui me semblait l’être. Je me véhicule un langage universel. remplie !
trouvais en résidence en Europe Alors que l’art contemporain n’est
pour « Un Marocain à Bruxelles », pas accessible à tous. Il demande Vous touchez à plusieurs
hors de mon environnement social d’y être sensible. Ici, nous n’avons formes d’expression, quel rôle
et culturel. J’ai pu réaliser suite à pas encore le même public qu’en tient chacune d’entre elles dans
ce passage à Bruxelles un autre Europe, prêt à faire la queue pour votre cheminement ?
projet, « Version Soft ». Nous voir une exposition, et composé
étions au mois de décembre. Je d’étudiants, de diplômés, de La plupart de mes expositions
me suis retrouvé seul, et face à chômeurs… Paris déborde de sont consacrées au 8e art, mais
un refus de collaboration. Je me foires cultuelles, de festivals, je me considère comme plasticien
suis photographié et mis en scène d’expositions en tous genres. car je pratique moins l’art vidéo et
pour la première fois, ce qui a Au Maroc, les projets phares je signe peu d’installations. Mais
donné lieu à une série d’auto- survivent peu de temps, et ensuite tous ces médiums sont liés : les
portraits. ils disparaissent. Voilà pourquoi idées germent dans mon esprit, je

12 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


INTERVIEW

« La salle de classe » Hicham Benohoud - 2007 « Version Soft » Hicham Benohoud - 2009

pense ensuite à la forme adaptée : salle de classe », les modèles Il s’est révélé très docile lors après la naissance de Cultures
tour à tour la performance, la étaient des jeunes élèves : je leur des prises de photographies. Interface. Le plus difficile était
vidéo ou la photographie. demandais de monter sur les On a parfois développé des de trouver des propriétaires de
tables ou de s’allonger sur le sol ; installations spécifiques pour le maisons prêts à jouer le jeu
Justement, que doit raconter il y avait là de la liberté et de bon déroulement de ces diverses pendant une journée. Comme
une photographie ? la transgression que je pouvais mises en scène. Au final, la nous le savons tous, l’âne est un
m’autoriser. Quant à la seconde, lecture de cette exposition est animal mal vu au Maroc, souvent
Elle doit révéler une aura « Les lycéens par eux-mêmes », multiple, selon le regard de tout considéré comme un détritus,
artistique mais pas seulement. Il ce sont les sujets qui décidaient un chacun. En France, il aurait été un animal sale et dégradant.
faut également qu’elle raconte la de la mise en scène, car il impossible de réaliser une telle Il a fallu que Nawal trouve
société, en cristallisant certains s’agissait d’adolescents et j’avais exposition et d’accueillir des ânes un propriétaire suffisamment
aspects reflétant l’environnement envie qu’ils s’expriment tel qu’ils dans des maisons ! C’est la force ouvert d’esprit pour accepter
ambiant. le souhaitaient. C’était au sein du Maroc, une telle idée menée d’accueillir des ânes chez lui.
d’un lycée parisien, situé à Jean à bien. Une fois trouvé, grâce à elle,
Les deux monographies que Jaurès. j’ai fait une première série de
vous publiez sont autour de Cette production a exigé un photographies que nous avons
l’univers scolaire. Quelle est Vous lancez votre nouvelle travail de longue haleine avec utilisées comme « prototype »
la part de votre métier de exposition, « Ânes Situ », la participation de Cultures pour les maisons suivantes.
professeur dans ces deux le 28 novembre prochain. Interface... C’est à partir de là que la tâche
œuvres ? Parlez-nous de votre envie de a été plus facile. Certains
mettre des ânes en scène ? L’idée est née il y a quatre ans. propriétaires ont même voulu
La façon dont je continue à Nous en avions parlé Nawal Slaoui être présents avec leurs enfants
explorer les sujets et la mise C’est un animal laissé aux et moi-même, mais le moment pendant les séances de prises
en scène. Dans la première tâches laborieuses et auquel n’était pas propice pour elle. Nous de vues.
monographie intitulée « La on ne prête guère attention. en avons donc à nouveau parlé,

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 13


INTERVIEW

« Ânes situ »
Hicham Benohoud
Jusqu’au 11 janvier.
Musée de la Fondation
Abderrahman Slaoui.
12, rue du Parc - Casablanca.

L’interview dans l’interview parvenus à s’imposer par leurs Comment avez-vous pris
propres moyens, les autres conscience de l’incohérence
travaillent au sein de sociétés entre votre travail d’enseignant
Vous avez aussi été professeur d’infographisme. et votre expérience artistique ?
d’Arts plastiques à Marrakech.
Qu’est-ce que vous pouvez nous Parmi vos élèves, avez-vous J’en ai toujours eu conscience. Je
dire au sujet de l’enseignement décelé des talents qui vous ont suis devenu enseignant par défaut
de l’art au Maroc ? bluffé ? car je n’avais pas le choix. Depuis
ma prime enfance je voulais être
Rares sont les ateliers Oui. Par la pertinence de leur artiste. Après l’obtention de mon
pédagogiques destinés à curiosité et leur goût appuyé pour baccalauréat, j’ai naturellement
sensibiliser le jeune public l’art, certains éléments sortaient du suivi la filière des Beaux-Arts, et
ou initier les enfants à l’éveil lot. J’achetais des pots de peinture j’ai enseigné à Marrakech. Lorsque
artistique. Parmi les deux et nous travaillions ensemble ; nous les conditions se sont réunies, j’ai
écoles des Beaux-Arts situées à présentions d’ailleurs une exposition ensuite abandonné l’enseignement
Casablanca et à Tétouan, au fil à la fin de chaque trimestre. L’un pour l’art, que je pratique depuis
des dix dernières années, que de mes anciens élèves est devenu 2002 et dont je vis.
sont devenus leurs lauréats ? professeur de photographie, un
Quatre ou cinq d’entre eux sont autre, chorégraphe.

14 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


INTERVIEW

AB AL , SA PL US GRANDE MARCHE
LUBNA AZ
ABAL
IONNÉE, LUBNA AZ
GÉNÉREUSE, PASS »,
T SU R LE S PA S DE « LA MARCHE
REVIEN IR,
N G- M ÉT RA GE D E NABIL BEN YAD
NOUVEAU LO CIELLE
CO N CO UR U EN COMPÉTITION OFFI
QUI A LM
E FE ST IV AL INTE RNATIONAL DU FI
LORS DU 13 ICE À
AR RA KE CH . SE PROFILE UNE ACTR et un autre a eu la jambe
DE M S
ÈR E, QU I IN CA RN E DES RÔLES FORT blessée. On formait ainsi une
PART ENTI SION drôle équipe d’éclopés ! Mais il
AV ER S D ES Œ UV RES OÙ LA DIMEN faut souligner que nous étions
À TR CK
ES T OM N IP RÉ SE NTE. « EXILS », « RO très soutenus par le réalisateur,
HUMAINE S
NDIES », DISENT SE
Nabil Ben Yadir. C’est un artiste
KA SB AH », « IN CE
THE ia Marouf. d’une rare force. Il est vraiment
X PA RF UM S D E FEMMES. Par Fouz solide, c’est quelqu’un sur qui
NOMBREU on peut totalement s’appuyer. Il face à un autre exercice, etc’est
a été d’humeur égale même en pour moi une façon différente de
12H30. Restaurant la Cour du Lion période et je vivais en Belgique. temps d’adversité, car c’était un m’oxygéner la tête. J’adore ça,
à l’Es Saadi Palace de Marrakech, J’ai été très réceptive à la lecture tournage éprouvant à certains ça me fait incroyablement vibrer
où un rendez-vous a été fixé. Pour du scénario. J’y ai appris moments, et qui a duré trois même si je n’ai pas encore trouvé
l’événement, l’endroit a été comment cette marche s’était mois. », poursuit-elle du fond la bonne pièce, ou peut-être le
transformé en espace presse formée et pourquoi, notamment de ses grands yeux constellés bon auteur. », avoue-t-elle sans
exclusivement dévolu aux suite à l’agression par balle d’un d’éclats fauves. ambages. La comédienne, qui a
interviews des cinéastes et des policier sur le jeune Toumi Djaïdja des liens avec le Maroc par son
acteurs vedettes. Regard droit, (Tewfik Jallab), fils d’immigré De son nouveau passage au FIFM, père, en a indéniablement avec le
chemisier blanc, sourire aux algérien originaire du quartier des qu’elle n’a pas hésité à soutenir nord du pays et la mythique cité
coins des lèvres, Lubna Azabal Minguettes à Lyon. En réponse à de sa présence en 2001, elle du détroit, Tanger, où elle a tourné
se raconte en toute simplicité. son agression, il a dès lors décidé retient aujourd’hui la projection le dernier film de Laïla Marrakchi,
La comédienne se délie sans d’organiser une grande marche de « La Marche » Place Jemma « Rock the Kasbah ». « J’ai tourné
mal et répond avec patience pacifique à travers plusieurs ville el Fna : « C’était absolument mon premier long-métrage à
et attention aux nombreuses de France, afin de ne pas prêter bouleversant. Le public marrakchi Tanger, « Loin » d’André Téchiné,
questions fusant de toutes parts. le flanc aux préjugés ambiants n’a pas raté une miette du film, et dix films au Maroc ! Je n’ai
Déjà la veille, elle est apparue et aux crimes commis contre les et toute l’équipe a senti que nous jamais rêvé de cinéma, je voulais
particulièrement lumineuse sur Maghrébins, qui à l’époque étaient étions au bon endroit au bon être reporter de guerre. Je me
le tapis rouge du FIFM, affichant banalisés, et atteignaient près moment. », se souvient-elle les voyais plus derrière la caméra
un visage de femme radieuse, de 300 au plus fort de l’année yeux encore brillants d’émotion. que devant... ». Et cette volonté
bien éloigné de celui de Kheira, 1983. », explique la comédienne. effrénée de mise en scène qui
frondeuse revêche et rôle qu’elle Lubna Azabal y est Kheira, tante Lubna a tourné avec les plus l’animait ? « Cela viendra un jour
campe avec justesse dans « La de Mounia, jeune étudiante grands cinéastes, d’André en son temps. », répond Lubna de
Marche » de Nabil Ben Yadir. dénuée de rêves (Hafsia Herzi), Téchiné dans « Loin » (2001), à sa voix nette et soyeuse.
Ce nouveau long-métrage du et surtout pétroleuse, flamme de Tony Gatlif dans « Exils » (2004),
cinéaste belgo-marocain à qui l’ampleur et de l’embrasement en passant par Denis Villeneuve Lorsqu’elle ne tourne pas, elle
on doit « Les Barons » (2009), de cette marche, historique en dans « Incendies » (2010), inspiré consacre son temps à l’homme
a jeté un pavé dans la mare. Le France, et menée par la jeunesse de la pièce de théâtre au titre qui partage sa vie depuis plus de
film est consacré à la naissance blanche et beurette. éponyme de Wajdi Mouawad. vingt ans : « Toujours le même ; il
de la marche des Beurs à l’aube Elle aime aussi entrer au théâtre travaille en Amérique latine dans
des années 80, dans la France Si elle a interprété ce rôle comme on entre en art, de façon le domaine du micro-crédit. Nous
du premier septennat de François avec force, Lubna a marché entière et affranchie de tous les sommes souvent éloignés par
Mitterand. « Il s’agit d’une réalité longuement et péniblement codes : « Le théâtre, je le vis la distance, mais à chaque fois
dont j’ignorais l’existence. Cette comme Kheira : « Je me suis telle une respiration. C’est une que nous nous retrouvons, c’est
marche s’est en fait constituée en cassée la hanche, un autre pause car je n’ai pas eu le temps un nouveau et perpétuel rendez-
1983. J’étais alors enfant à cette comédien s’est foulé la cheville, d’en faire auparavant. Je suis vous », conclue-t-elle.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 15


Golshifteh Farahani,
la grâce persane
INTERVIEW

14 ANS,
VÉLA TION D U CI NÉMA IRANIEN À
RÉ IS LE 7E
FT EH FA RA HA N I A DEPUIS CONQU richesse de pouvoir découvrir tant avec les cinéastes et les
GOLSHI ALE
IÈRE INTERNATION
de regards différents ! comédiens du monde entier. C’est
AS SÉ UN E CA RR
ART ET EMBR MULTIPLIÉ
inespéré, ce qui n’est pas toujours

AN TE . AC TR IC E VEDETTE, ELLE A Avez-vous eu le temps de le cas dans d’autres festivals.


FULGUR
ET AUX PRUNES »
découvrir Marrakech ?
SU CC ÈS : « PO UL
LES FILMS À TAT »
Votre père est metteur en scène
JAN E SA TR AP I, « MENSONGES D’E J’adore cette ville que je et écrivain, votre mère est
DE MAR . PIERRE connaissais pour y être déjà peintre. Vous ont-ils encouragée
« SYNGUÉ SABOUR
DE RIDLEY SCOTT, ELLE A
venue. J’ai l’impression de à devenir comédienne ?
TI EN CE » D ’ATIQ RAHIMI. EN IRAN, vivre un rêve des Mille et Une
DE PA :
EC LE S PL US GR ANDS CINÉASTES Nuits : tous ces parfums, ces Absolument pas ! (Rires !) Ils
TOURNÉ AV I. fleurs, ces couleurs ! J’adore ne souhaitaient pas me voir
M I, OU EN CO RE ASGHAR FARHAD
ABBAS KIAROSTA
également la ville de Tanger. Cet prendre la voie du cinéma en Iran.
CORDÉ
SE , M AG N ÉT IQ UE , ELLE NOUS A AC endroit où l’Atlantique rejoint la Mon père y était farouchement
MYSTÉRIEU NS
SANS DÉTOUR DA
Méditerranée… C’est incroyable opposé car on sait que les
EL LE SE D ÉL IE
UN ENTRETIEN OÙ
! Le Maroc me fascine vraiment. actrices iraniennes rencontrent
ITION
EN T FR AN ÇA IS, RAPPELANT L’ÉRUD En 2007, j’y ai tourné « Body des difficultés en exerçant leur
UN EXCELL of lies » de Ridley Scott. Toute art. Ma mère était très inquiète
IOTES IRANIENS.
DE SES COMPATR l’équipe était ravie d’approcher et redoutait cela. Pourtant pour
cette ville mythique, symbole de mes parents la culture a toujours
r Fouzia Marouf.
Propos recueillis pa la Beat Generation, et qui a abrité tenu une place de premier ordre :
de nombreux artistes, poètes, nous allions chaque semaine au
Que vous inspire d’avoir été peintres, et écrivains en tous théâtre, nous fréquentions les
membre du jury lors du 13e genres. L’année dernière, j’ai expositions de photo, de peinture,
Festival International du Film de également tourné à Casablanca nous assistions à divers concerts.
Marrakech ? le premier long-métrage d’Atiq Je sortais souvent du pays, ce qui
Rahimi : « Syngué Sabour. Pierre m’a aidé à me faire connaître en
C’est fabuleux et génial ! Avoir de patience ». Les figurants tant que comédienne iranienne
de plus été aux côtés de Martin étaient marocains. Je dois avoir et m’a permis de faire des
Scorsese comme président a été un lien fort et magique avec ce rencontres déterminantes.
une vraie école pour moi. J’ai pays... Toutes les villes y ont un
énormément appris, entourée charme particulier, on y sent Justement, vous avez
de ce beau monde dont Fatih quelque chose de l’ordre du sacré malheureusement été interdite
Akin, Amat Escalante, et tous et de l’authentique. Nous y avons de cinéma en Iran, comme Jafar
les autres membres de ce jury été très bien accueillis pour ce Panahi, mais aussi interdite
exceptionnel. Ce sont tous de tournage. de travail aux États-Unis lors
grands cinéastes et comédiens du tournage de « Mensonges
au sein de leurs pays respectifs Quant à Atiq Rahimi, cet écrivain d’État » de Ridley Scott. Où
et à travers le monde. Je suis de afghan de renom et aujourd’hui en êtes-vous sur ce plan et
plus impressionnée par la qualité cinéaste avéré, il était aussi parmi souhaiteriez-vous retrouver
des films vus ces derniers jours, nous lors de ce Festival du Film votre pays ?
de facture tout à fait honorable, de Marrakech, figurant parmi le
étant pour la majeure partie jury Cinécoles qui réunissait les Comme je l’ai dit, je passais
des premières œuvres. Issus courts-métrages. C’est vraiment souvent la frontière pour
d’ailleurs, des quatre coins du une joie de l’avoir retrouvé ici. Ce promouvoir certains films. J’ai
monde, quelle chance et quelle festival nous permet d’échanger alors rencontré Ridley Scott,

16 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


INTERVIEW

qui m’a choisie pour son film. Il retrace la vie de la reine d’Égypte,
est vrai que je figurais sur une au plus fort de l’histoire biblique.
liste noire en Iran, où à l’époque Il s’agit d’une méga-production ;
les acteurs ne devaient pas ce film a notamment été tourné
quitter le territoire et tourner en 3D. C’était une expérience à la
uniquement dans le pays. Dans fois passionnante et enrichissante,
le même temps, le jour où nous j’ai hâte à présent de le découvrir
devions commencer le tournage sur grand écran. C’est une
de « Mensonges d’État », alors première pour moi en tant que
que la production avait émis comédienne de partager le haut
des réserves en me sachant de l’affiche d’un projet à gros
parmi le casting, les États-Unis effets de ce genre.
ont déclaré un embargo contre
l’Iran. J’ai ainsi été interdite de Vous avez été musicienne dans
travail aux États-Unis en raison une autre vie, et même une
de ma nationalité. Mon pays grande virtuose de piano...
ne quitte pas mes pensées.
Aujourd’hui je suis confiante La musique est toujours présente
en l’avenir, et nous avons un dans ma vie. J’en écoute
nouveau président. Les Iraniens énormément, et je cours tous les
sont lettrés et cultivés depuis bons concerts à Paris dès que le
des siècles, jamais ils n’ont temps me le permet. Il m’arrive
prêté le flanc à la montée des d’en jouer à nouveau lors de
extrêmes. soirées avec mes amis. A 14 ans
j’ai joué dans un film, ce qui m’a
Vous incarnez souvent des rôles amené à réfléchir. Je jouais avec
de femmes fortes... Parlez-nous aisance Bach et Mozart mais
de votre prochain film, « la j’écoutais du rock à la maison.
Reine d’Égypte »... Cette discipline me tenait un peu
à la marge de la vraie vie. La
Je suis brune, ténébreuse, je n’ai musique classique m’est alors
pas un physique de suédoise, cela apparue comme trop élitiste, j’ai
doit y contribuer. Et puis j’aime donc préféré ne pas intégrer le
ces rôles traversés de force, c’est conservatoire de Vienne, que
pour cela que je les choisis. En ce je devais rejoindre de façon
qui concerne ce prochain film, il imminente.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 17


OUIDAD ELMA CASABLANCA
TALENTS
DE BELLEVILLE À
T ELLE BRISE LA
INSTANTANÉMEN
EN BANNIÈRE,
GLACE. SOURIRE
INEUSE, OUIDAD
GRACIEUSE, LUM E.
UNE GRANDE ÂM
ELMA A L’AURA D’

Comédienne qui affiche une J’ai grandi là où l’amour n’a pas littérature anglaise, la première « Two lovers » et « We own the
belle filmographie au cinéma, de couleur. ». Entre la France à m’avoir marqué : Dickens, night » m’ont marqué. J’aime son
elle s’essaie de plus au théâtre. et le Maroc, son cœur balance Oscar Wilde… Tout comme approche de l’amour face à la loi
Elle a tenu le haut de l’affiche d’un été à l’autre : « Chaque été, la littérature orientale : Khalil familiale. On y sent la nécessité
de « L’amante du rif » de je partais deux mois et demi en Gibran, Omar Khayam, Rumi… de créer. ».
Narjiss Nejjar, « Libre d’aimer » vacances, à Fez, à Casablanca, J’aime comment le thème de
d’Abdelhaï Laraki, a promené et surtout dans les montagnes, Pour Ouidad, ses désirs de films
l’Amour est traité dans la littérature
son regard parfois sombre là où il n’y a ni eau courante arabe ; il est inconditionnel, sont dictés par la densité humaine,
dans « Zéro » de Nour-Eddine ni électricité pour tous, une passionné, mystique. L’imaginaire le regard d’un cinéaste.« Si je lis
Lakhmari, et a campé avec télévision pour 50 villageois... Le n’a pas de limites. C’est l’une un scénario et que je n’ai aucune
justesse la femme de Youness contraste entre mon enfance à des plus belles littératures au projection, je ne le fais pas. Et puis
Bouab dans « Jezebel », d’Amir Paris et les montagnes de mes monde si ce n’est la plus belle la rencontre est très importante,
Rouani. Son goût pour le 7e origines m’a marqué. J’y suis pour moi. En ce moment je lis et elle détermine indéniablement
art ? « J’y suis venue par le née et liée. relis les écrits de Miguel Ruiz… mon choix. Je me fie à mon
désir de m’exprimer. Ensuite Edifiant ! ». intuition. J’aime les poètes, les
de nombreuses rencontres Plus tard, j’ai habité à sensibles. Il me faut un message,
ont concrétisé ma venue au Casablanca. Cette ville Quant aux cinéastes, sa une vision. ». Confiante pour le 7e
cinéma. », confie-t-elle à bouillonnante est une ruche de fascination va à des auteurs art marocain, elle déclare sans
Metropolis. « trésors humains vivants ». qui parlent un langage vrai, ambages : « Je le trouve plein
Des musiciens, des peintres, syncopé : « En voyant les films de créativité. Il est fort, il est en
Cette enfant du quartier parisien des acteurs, des jeunes artistes de Darren Aronofsky je me dis plein éveil, et en constant essor.
le plus coloré poursuit : « J’ai qui font énormément bouger les toujours : “c’est pour ça que Il est riche de par sa dynamique
grandi à Paris, dans les hauts de choses... Je suis fière de cette j’aime le cinéma. “ (Sic). Ses continentale, et par sa diaspora.
Belleville. J’y suis entièrement génération qui s’ouvre. films nous transportent autant J’en suis fière. ». Ses coups
attachée. Les couleurs, les sons, Aujourd’hui je fais souvent des qu’ils nous rendent de cœur lors de la compétition
les sourires… Tout m’y est allers-retours entre la France reconnaissants et stimulent officielle du 13e FIFM : « Fièvres »
familier. Chaque rue est un bout et le Maroc. Mes deux cultures notre créativité. », assène-t- de Hicham Ayouch m’a emportée.
de ma vie. Ménilmontant, c’est m’enrichissent. ». elle, soulignant : « J’aime sans « Swimming Pool » de Carlos
le perchoir de Paris, où nombre Lorsqu’elle ne tourne pas, conteste le travail de James Machado, et « Traitors » de Sean
de cultures se mélangent. En Ouidad dévore les œuvres de Gray, qui est venu partager son Gullette. ». Nul doute, Ouidad Elma
passant d’Edith Piaf à Django grands auteurs. Ses choix divers expérience lors d’un master class donnera encore corps et âme à
Reinhardt, ce quartier est et riches sont à son image : au 13eme Festival International nombre de rôles, forts, fragiles,
empreint d’histoire. libre et plurielle. « J’aime la du Film de Marrakech.   intenses.

18 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


La culture
n’est pas à vendre

ATUIT
MENSUEL GR
à part entière, elle est vue non
comme une évolution linguistique
mais tel un simple phénomène
LIVRESSE
de société. Aucun travail de mise
Par Amine Lagssir à niveau et d’homogénéisation
n’est mené. L’usage de lettres
latines pour parler arabe est vu
DOMINIQUE CAUBET comme une banale nécessité
LE PETIT NICOLAS de la mondialisation, et tout le
monde parle sa propre darija
Tout le monde connaît Le Petit dans son coin. Les tangérois
Nicolas, du moins les francophones parlent chamali, les marrakchis
d’entre nous. Inscrit dans échangent en marrakchi, les fassis
l’imaginaire collectif des français, ont leur langue, et l’Etat parle
le rejeton de Sempé et Gosciny Arabe classique dans une joyeuse
n’est plus à présenter. Cette fois, cacophonie linguistique. Et pour
avec la contribution de l’INALCO, cause…
les aventures du Petit Nicolas sont La darija reste pour une certaine
narrées en darija. Cette même élite arabisante une langue
darija dont la place avait été mise bâtarde, qu’on utilise pour se
en débat à l’Institut Français en faire comprendre de son épicier.
2006. Ce jour-là, les intervenants Ils oublient que ces pays arabes
discutaient du rôle qu’avait joué qui vont nous en consoler. vulgaires questions quotidiennes dont ils revendiquent la fraternité
la nouvelle scène pour redorer C’est justement ce que vient jusqu’à un passé récent. De ont eux aussi créé leurs variantes
le blason de notre dialecte nous rappeler la sortie de ce Petit l’agressivité même. Des fossiles de la langue de Sibawih et qu’ils
national. Toutes les questions y Nicolas. La darija est aujourd’hui du panarabisme accusent Barry, les ont célébrées. Les égyptiens
étaient passées. De l’intérêt que devenue une question française. Amine El Alamy et Reda El Allali, ont fait briller leur version sur
représentait ce dialecte - compris Lorsqu’ils sont combinés, les d’être acquis à la cause d’une le Moyen-Orient et l’Afrique du
par une écrasante majorité au français parlant les darijas France qui veut détruire en nous Nord, les libanais les ont suivis,
Maroc - pour contrer le fléau de marocain, algérien et tunisien les dernières traces de notre puis les syriens et les jordaniens
l’analphabétisme, à la difficulté constituent 4 millions d’habitants, appartenance arabe pour nous et ainsi de suite… Mais si ces
de sa standardisation à cause ce qui en fait la deuxième langue priver de notre identité arabo- langues triomphent à l’oral, l’arabe
des différences régionales parlée en France. Cette statistique musulmane. classique reste la langue de
qui le caractérisaient. Depuis, a poussé l’INALCO à s’intéresser référence quand on passe à l’écrit.
beaucoup de progrès ont été de très près à la question et D’un autre côté, la graphie est sans
constatés. Les médias - surtout Dominique Caubet à lui dédier sa doute la question la plus sensible Dans l’histoire de l’humanité,
les radios - ont adopté cette vie académique. Ainsi, le travail quand on en vient à débattre cette situation a déjà existé. A la
langue pour s’adresser à leurs de Dom’, comme l’appellent de la darija. Le langage SMS a sortie du Moyen-Âge, l’Europe
publics, et les artistes ne cessent ses intimes, a permis d’explorer permis à une grande tranche de intellectuelle était guidée par le
d’en explorer les subtilités. Le différentes exploitations de la la population, légèrement lettrée, latin alors que dans chaque pays,
cinéma, longtemps raconté dans darija, la plus marquante étant d’adopter les nouveaux modes une langue était utilisée dans la
une langue hybride à mi-chemin sans doute son passage à l’écrit de communication. Incapables de vie courante. Ce n’est qu’avec
entre l’arabe classique et la darija en lettres latines, ou ce qu’on saisir leurs pensées en arabe, les l’adoption unanime des langues
en a fini avec « Jbed lmiftah dyal appelle vulgairement le langage peuples en ont créé une version territoriales que la Renaissance
essiyara », pour oser « In3el bou SMS. D’ailleurs, la sortie de ce petit latine, où chiffres et lettres se a atteint sa vitesse de croisière
l3alam », et « Finahoma swaret d Nicolas a participé à la parution du complètent, pour donner naissance avec le résultat qu’on lui connaît.
tomobile ». Pourtant, à l’heure où premier livre en graphie arabe et à une nouvelle codification de Quelques siècles plus tard, cet
les habitants premiers ont obtenu en transcription latine en France. l’arabe au grand dam des gardiens état de fait n’a pas empêché les
gain de cause et officialisé leurs Ici, dans les terres d’origine de de la tradition. Alors que les peuples européens d’être plus unis
langues, la darija est à la peine. Et la darija, une certaine honte marques se mettent à adopter que jamais.
ce ne sont pas les chassés-croisés accompagne le dialecte, réduit cette graphie qui s’impose de
verbaux entre Benkirane et Chabat au divertissement et aux plus en plus comme une langue Quelque chose à méditer.

20 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


LIVRESSE

STEPHEN KING JALIL BENNANI


DOCTOR SLEEP UN PSY DANS LA CITÉ

On vous avait parlé il y a quelques La fin de l’année dernière,


mois de l’adaptation de l’un des l’Ambassade de France a annoncé
romans cultes de Stephen King, ses gagnants pour le prix du
« The Shining ». On avait évoqué Grand Atlas 2013. Aux côtés du
la polémique engendrée par la livre de Kenza Sefrioui sur la
différence de vision entre King génération de la Revue Souffles,
et Kubrick, bien que le film ait « Un psy dans la cité », de Jalil
finalement été plus acclamé que Bennani, a été auréolé du grand
le livre. Cette fois, King a décidé prix cette année. Ce livre-entretien
de signer la suite de son roman est l’occasion d’une rencontre très
légendaire, « Doctor Sleep ». Et spéciale entre un psychanalyste
déception : l’auteur distille les et un enseignant.
ingrédients qui ont fait la réussite de Ils abordent le changement social
son premier opus (la chambre 217 puis l’éducation, avant de parler
son histoire dans la nuit noire
et sa locataire, Tony l’ami imaginaire de sexualité. La jeunesse aussi
d’Amsterdam, où un ancien
de Danny, ou encore l’inscription est traitée, tout comme la création
parisien reprend le flambeau
Redrum, apparue dans le premier littéraire et artistique, ou la place
des précédents héros de Camus,
épisode). Il y a bien sûr, quelques de la religion dans notre société.
français d’Algérie. Alors qu’avant,
différences. Nous sommes à l’ère En quatrième de couverture, on
il semblait prêcher une bonne
de l’enfant-roi. Lorsque les parents justifie la publication d’un tel
parole, on le voit livrer un constat
d’Abra Stone découvrent qu’elle a texte par un besoin de rigueur
cynique dans « La Chute ».
le Shining, ils ne la cachent pas. Au dans l’information. L’auteur est
Jean-Baptiste Clamence est un
contraire, ils l’emmènent chez un insatisfait du traitement à tout
avocat parisien qui voit sa vie
médecin qui après diagnostic, leur va de l’actualité avec l’appui
chamboulée lorsqu’il ne tente
apprend que son don est rare et d’experts peu convaincants. Les
pas d’empêcher le suicide d’une
qu’ils doivent continuer de l’aimer. ALBERT CAMUS médias faisant chaque jour, leurs
jeune fille d’un pont parisien. Il
L’autre découverte quelque peu choux gras des préoccupations
LA CHUTE se réfugie alors dans le vice à
déboussolante est la métamorphose sociales, le livre propose l’idée
Amsterdam, mais les démons
du blondinet Danny en alcoolique, qu’il y a finalement une autre
L’année dernière, sous la de son passé le hantent. De
qui comme Stephen King, fréquente façon de traiter l’information.
direction de son mari Nabyl son passage en Afrique du
les Alcooliques Anonymes après Durant leurs entretiens, les deux
Lahlou, Sophia Hadi a joué le Nord - quasi-obligatoire chez
avoir passé une bonne part de sa protagonistes ont choisi de se
rôle de Jean-Baptiste Clamence, Camus - à son comportement
vie à se saouler pour finir entre les défaire du poids de la spécialité
le personnage principal de « La égoïste avec l’amour des femmes,
jambes de junkies dont l’âge flirte en créant une vraie rencontre
Chute » de Camus. Au-delà de Jean-Baptiste se remémore tout
avec l’illégalité. des disciplines, qui est née
toutes les considérations d’ordre et le regrette. Cela amène à un
Mais sa récente sobriété lui permet d’une attention très poussée aux
idéologique, il est intéressant de questionnement sur la conscience
de recouvrer ses esprits et Danny, préoccupations des marocains.
noter le parallèle entre la place du humaine et sur l’insignifiance de
pour ne pas tomber dans les travers La psychanalyse n’y est pas
roman dans la vie du philosophe traverser la vie sans en effleurer
de son père à nouveau, met son don décrite comme une solution à tout
français, et celle qu’occupe la le sens ou la vérité. Cela ne rend-
aux services de patients mourants ou une réponse fourre-tout à tous
pièce dans le cheminement du il pas cette œuvre, le roman de
alors qu’il travaille comme infirmier les problèmes, mais bien comme
couple Lahlou. Alors que Camus Camus et la pièce de Sophia Hadi,
dans un hospice. Là, une meute une discipline qui peut, lorsqu’elle
avait fait de l’absurde le cœur de d’actualité à notre époque ?
de fantômes en voudra à Abra et est mise à contribution, apporter
sa pensée philosophique, Sophia
ce sera à Danny de la sauver bien un regard neuf sur les questions
Hadi et Nabyl Lahlou en ont fait le
entendu. Le reste est plus amusant qui se posent.
décor de leurs collaborations.
que terrifiant. Un brin indigne de De la part d’un psychanalyste,
Pourtant, cette œuvre est celle
ce que « The Shining » représente la modestie méritait d’être
de la rupture. Loin des cieux
depuis dans le genre. récompensée. C’est chose faite
ensoleillés d’Alger, Camus conte
avec le Prix du Grand Atlas.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 21


CINÉMA

Par Jalal Boukhari

YVES SAINT LUARENT


Réalisé par Jalil Lespert
Avec Pierre Niney, Guillaume
Gallienne, Charlotte Le Bon,
Laura Smet, Moritz Bleibtreu

Paris, 1957. À tout juste 21 ans,


Yves Saint Laurent est appelé
à diriger la maison de haute
couture fondée par Christian Dior,
récemment décédé. Lors de son
premier défilé triomphal, il fait la
connaissance de Pierre Bergé.
Amants et partenaires en affaires,
les deux hommes s’associent
trois ans plus tard pour créer
la société Yves Saint Laurent.
Malgré ses obsessions et ses
démons intérieurs, Yves Saint
Laurent s’apprête à révolutionner
le monde de la mode avec son
approche moderne et iconoclaste.

Allez le voir parce que : De la fin de l’Algérie française, révolutionna la haute couture
qui l’a foudroyé, en passant par la française. Pari réussi pour Jalil
Jalil Lespert nous plonge dans la débauche post-soixante-huitarde Lespert puisque ce film a été
vie tumultueuse du petit prince de qui l’a plongé dans l’enfer de la approuvé par Pierre Bergé ;
la mode française. Il est vrai qu’on drogue, Jalil Lespert retranscrit le célèbre mécène y est
pourrait faire 10 films différents avec brio le parcours de ce génie gentiment présenté comme
sur le vie d’Yves Saint Laurent (un du 20ème siècle. Visuellement un entrepreneur avisé, doublé
autre, mis en scène par Bertrand c’est très réussi, les décors sont d’un amant sacrificiel, véritable
Bonello, sortira d’ailleurs en 2014), époustouflants et la musique bien œil du spectateur qui observe
mais pour ce premier film, le choisie, nous plonge littéralement et commente en voix off la
réalisateur a préféré se focaliser sur dans les différentes époques du déchéance de son amant.
l’histoire d’amour que le couturier film. Mais le plus réussi dans ce
entretenait avec son associé et film reste le casting : Pierre Niney
compagnon Pierre Berger, plutôt et Guillaume Gallienne réalisent
qu’au strass et paillette du monde une performance inespérée et
de la mode. Cette histoire d’amour fusionne parfaitement avec leurs
qui va porter le jeune artiste de la personnages respectifs.
mode, maladivement timide, Ils incarnent avec brio et sans
à fonder l’empire YSL. aucun superflu le duo qui

22 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


CINÉMA

LE CINQUIÈME POUVOIR CASSE TÊTE CHINOIS DU SANG ET DES LARMES HOBBIT :


Réalisé par : Bill Condon Réalisé par : Cédric Klapisch Réalisé par : Peter Berg LA DÉSOLATION DE SMAUG
Avec : Benedict Cumberbatch, Avec : Romain Duris, Kelly Reilly, Avec : Mark Wahlberg, Taylor Réalisé par : Peter Jackson
Daniel Brühl, Laura Linney, Audrey Tautou, Cécile De France Kitsch, Emile Hirsch, Eric Bana, Avec : Martin Freeman, Ian Mc
Carice Van Houten Ben Foster, Alexander Ludwig, Kellen, Andy Serkis, Richard
Synopsis : Scott Elrod Armitage, Aidan Turner
Synopsis : Xavier a 40 ans, est père de
En rendant publics des documents famille, et trouve la vie toujours Synopsis :
confidentiels, ils ont fait vaciller bien compliquée. Lorsque Wendy Synopsis : Dans ce deuxième volet de la
les plus grands pouvoirs de la - avec laquelle il a eu 2 enfants - Le 28 juin 2005, un commando saga du HOBBIT, d’après le chef
planète. La révélation d’informations part s’installer à New York, il ne de quatre Navy Seals prend part d’oeuvre de J.R.R. Tolkien, Bilbon
ultra-secrètes explosives a mis peut envisager de laisser ses à l’opération “Red Wing”, qui a Sacquet poursuit son périple
en lumière un monde jusque-là enfants vivre loin de lui. Il part pour but de localiser et éliminer destiné à reconquérir le Royaume
inconnu. WikiLeaks a changé la donc pour New York, où l’attend le leader taliban Ahmad Shah. Perdu d’Erebor, en compagnie
donne à jamais. Comment Julian un véritable casse-tête chinois. Mais rapidement repérés et du magicien Gandalf et de Thorïn
Assange, fondateur de WikiLeaks, et encerclés, les quatre soldats vont Écu de Chêne, à la tête de la
Daniel Domscheit-Berg, ont-ils pu Notre avis : se retrouver pris au piège. Compagnie des treize Nains...
obtenir ces documents ? Comment Après L’Auberge espagnole
est né leur site qui, en quelques (2002) et Les Poupées russes Notre avis : Notre avis
mois, a réussi à révéler bien plus (2005), Cédric Klapisch poursuit Après Battleship, véritable jeu Peter Jackson n’en finit plus
de secrets que tous les plus grands les aventures de Xavier et de vidéo transposé sur grand écran, d’écumer les vestiges de l’œuvre
médias officiels réunis ? son groupe d’amis Erasmus ce nouveau film de guerre de littéraire de Tolkien. Après la trilogie
inséparables. Cette nouvelle Peter Berg est un immense du « Seigneur des anneaux » dont
Notre avis : comédie esquisse les heurs progrès. Il décrit le ratage tragique le succès commercial et technique
Aux Etats Unis, où le film fut et malheurs intimes d’une d’une opération de l’armée n’est plus à démontrer, Jackson
présenté en première mondiale, il génération qui avait 25 ans au américaine en Afghanistan, rempile en s’attaquant cette fois
avait fait flop. Ce biopic inspiré de début des années 2000, entre impliquant quatre Navy Seals. à la trilogie dédiée au Hobbit le
la vie de Julian Assange, fondateur séparation, famille recomposée, Malgré que ce film soit réaliste, ça plus célèbre de l’univers : Bilbion
du site d’information Wikileaks, homoparentalité… Livré dans n’en reste pas moins un bon vieux Saquet. L’an passé, le premier
ressemble plutôt à un téléfilm de la plus parfaite désinvolture, film sur le patriotisme américain, volet, « un voyage inattendu »,
Canal+ qu’à un long métrage au ce tableau des soubresauts et ses valeurs morales à coup de s’affichait en introduction un peu
scénario bien construit. Et c’est sociologiques de l’époque ne se drapeau et de clichés. molle et ne parvenait jamais à faire
tout le problème ; l’esthétique distingue pas par son extrême des choix dramaturgiques forts. Ce
est bien travaillé mais passe au finesse d’observation. deuxième volet s’avère bien plus
dessus de l’histoire. On attendait réussi. Peter Jackson offre cette
bien mieux vu la biographie de ce fois au spectateur de magnifiques
personnage sulfureux, héros de la séquences d’aventure.
liberté d’expression.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 23


KIRI A FAIT SES
BE LG O- M AR OC AIN, BRAHIM CH
CINÉASTE D’ACTION.
PH IL IP PI NE S POUR DES FILMS
ARMES AU X LMS
PO UV OI R FA IR E DE NOMBREUX FI

SEUL RÉALISATEU DE LA FILM
DVD
A ÉT É FE R DE LANCE DES OPUS
À L’ANNÉE, IL PLACÉ
L’ A DÉFINITIVEMENT
Par Brahim Chkiri TO KA BO UL »
INDUSTRY. « ROAD IS PR ÈS DE DEUX ANS,
CE FILM- Le réalisateur Brah
im Chkiri
AFFI CH E DE PU
SUR ORBITE. A L’ AN IM ITÉ LE PUBLIC M
AROCAIN.
NQ UI S À L’ UN
PHÉNOMÈNE A CO

CITIZEN KANE MON NOM EST PERSONNE


D’ORSON WELLES (1941) DE TONINO VALERII (1973)

on n’a jamais fait mieux. car ce


long-métrage, qui a nombre de
décennies, a posé les bases de la
grammaire cinématographique.
J’aime la profondeur des cadres
de certaines scènes et le travail
réalisé sur la perspective,
notamment en ce qui concerne les
plafonds. Tout comme le procédé « Mon nom est Personne » est de balles, il révèle une lecture
narratif, pensé en Flash Back, et l’archétype pur du western que politique.
qui dénote une très belle structure j’aime. Il nous embarque à travers
Ce film est sans conteste une au sujet du récit. de grands espaces, dans un film
véritable leçon de cinéma. Il a été C’est un film que je regarde truffé d’aventures portées par des
mon école en terme de 7e art, toujours avec autant de plaisir. personnages forts. On a parfois
car il réunit les plus importants C’est le cinéma classique, celui l’impression d’être au beau milieu
aspects de la réalisation et ce qu’il que je préfère. J’aime comprendre d’une bande dessinée !
faut en apprendre. « Citizen Kane » avec aisance ce qui se passe J’adore Terrence Hill, Henri Fonda,
est une œuvre d’une rare maîtrise. à travers l’image. Les caméras et le travail de Tonino Valerii.
Encore aujourd’hui, il n’a pas pris qui bougent n’importe comment C’est un film encore plus léger Ma scène préférée est la
une ride et reste d’une évidente révèlent des films faits par de que « Le Bon, la Brute et le confrontation entre Henri Fonda,
modernité, qu’il s’agisse du jeu grands fainéants ! Truand ». La reconstitution des le tueur de l’Ouest, et Terrence
des comédiens, de la pertinence Le cinéma des années 30 et 40 décors d’époque est absolument Hill. La scène se déroule dans un
de la mise en scène, de la réussite nous a tout dit, comme les anciens phénoménale, tout comme le cimetière et symbolise le cinéma
du scénario, de la lumière hors dans la vie... travail d’orfèvrerie des costumes, américain et le western italien,
pair, des mouvements de caméra, ainsi que le casting, la musique… telle une confrontation entre
ou de la technique. Il m’a fallut Ma scène favorite est celle du Tu es pris par le film, du début l’ancien et le nouveau monde ;
le revoir à plusieurs reprises afin début, premier plan : « Rosebud » à la fin. C’est un scénario de on peut y voir aussi un conflit de
de mieux le comprendre. J’aime (sic), la boule de cristal qu’il « gauche », en réponse aux générations.
indéniablement les films qui lâche et qui tombe. Pourquoi le westerns américains ; il défend J’ai vu ce film à 6 ans à Safi.
établissent quelque chose à long personnage dit-il ce dernier mot ? la classe ouvrière, précisément L’histoire de Django tirant un
terme et s’inscrivent avec force On ne sait jamais de quoi il s’agit, celle des exploitations minières, cercueil m’a traumatisée. Cela me
dans le temps. c’est le spectateur qui le découvre ce qui nous renvoie à l’Italie, rappelle qu’à 9 ans je faisais des
« Citizen Kane » reste une ; ce type friqué et pétri de pouvoir l’injustice, la féodalité. « Mon nom films avec mes copains ; je me
référence. Même actuellement en rêvait en fait de la grâce de est Personne » ne se réduit pas à baladais sur les toits de Bruxelles
terme de Biopic aux États-Unis, l’enfance et de sa luge... un simple western truffé de tirs pour saisir mes plans...
24 N18 METROPOLIS JANVIER 2014
DVD

L’ASSASSINAT
DE JESSE JAMES
D’ANDREW DOMINIK
(2007)

C’est un long-métrage qui me


séduit par la force de son écriture
et la restitution d’une réalité
rendue très tangible. J’adore
les faits historiques évoqués
au cinéma. L’interprétation des
personnages en scène est des plus
convaincantes ; Brad Pitt et Ben
Affleck y sont d’une extraordinaire

DE L’OR POUR LES BRAVES


DE BRIAN G. HUTTON
(1970)

Film de guerre qui place des gens


ordinaires au cœur d’une histoire
extraordinaire, il évoque des
thématiques politiques, sur fond
d’aventure et de trame comique.
Clint Eastwood y campe un officier
allemand qui détient une barre de
fer. J’aime la reconstitution de la
guerre 39-45. Quant à la musique,
elle est celle des années 70. « De
l’or pour les braves » a été tournée justesse. Pitt y est très bien dirigé,
en ex-Yougoslavie, et la partie qui a et totalement habité par son rôle.
trait à la période de guerre se situe Andrew Dominik y a fait de plus un
dans le sud de la France. incroyable travail de reconstitution
à coups de photographies
Ma séquence favorite est celle d’époque, à la fois dans le choix
du général américain, qui avec des couleurs, de la disposition, et
ses troupes, ne parvient pas à des instantanés en noir et blancs.
percer le front allemand. Cette
scène déborde d’humour ! Les Ma séquence préférée
dialogues y sont ponctués de correspond à la scène du début du
langages codés, de surnoms… Je film. On est porté pas une voix off
me souviens des mots « timbrés » qui lit un texte : « Il rentrait dans sa
et « machine à coudre », autour 35e année... » (sic), prononcée sur
d’un sujet grave comme celui de la le ton des journaux de l’époque.
guerre, entièrement concentré sur L’écriture est particulièrement de
la libération du front ennemi. Cela teneur littéraire. C’est un début
démontre aussi la dimension dure magnifique, qui m’a d’ailleurs
et aride en temps de conflit grave. inspiré un texte...

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 25


Van, le DJ musique, tout comme les artistes

de la scène
TALENT internationaux. Il n’y pas que les
Américains et les Européens qui
sont dignes d’intérêt. Lors de

marocaine
l’anniversaire de La Marche Verte,
j’ai revisité Inass Inass, afin de lui
insuffler une coloration destinée
aux clubbing. ».
FLAMMÉ
APRÈS AVOIR EN
MAROC, EN Au plus fort du dernier concert de
LES SCÈNES AU la Tolérance, à Marrakech, c’est
ROPE, DJ VAN
AFRIQUE ET EN EU un titre qu’il lance. Il revient sur
EMIER ALBUM
A RÉALISÉ UN PR ce grand moment de musique et
CAN TOUCH ». de partage : « Les gens ont évolué
SOLO : « MOROC
MPOSITEUR, IL
musicalement, aujourd’hui nous
PRODUCTEUR, CO sommes face à un public pointu
ATURING ET LES
ENCHAÎNE LES FE et exigeant. », lâche-t-il sans
SION ET SONS
TITRES, ENTRE FU
hésitation.
PORTRAIT SANS
TRADITIONNELS. Débordant de curiosité, en
E DE LA NUIT.
FARD D’UN ARTIST quête de nouvelles influences
musicales, DJ Van est également
Par Fouzia Marouf.
dans l’attente de l’embellie de ce
domaine. Il évoque tour à tour la
la tête du label Magic Castle : nécessité des droits d’auteurs au
« C’est une première plate-forme Maroc, et l’implication urgente
qui correspond à un studio de de l’Etat, nécessaire pour le bon
performances, à l’image d’une développement d’une industrie
école de DJ. L’idée a germé musicale digne du nom. « On a
dans mon esprit il y a bien vraiment besoin d’une législation
longtemps avec le souhait de et d’une structure qui posent les
Il débarque le sourire en bannière scène : « La musique c’est ma professionnaliser le domaine droits d’auteurs. », ajoute-t-il.
en vous tendant sa nouvelle galette, vie, mon souffle, mon oxygène. », musical. Je produis également de Imprégné de créations musicales
« Moroccan Touch », pressentie dit-il tout net dès le début de cet jeunes talents, cela s’inscrit dans diverses, il avoue avoir une
pour enflammer le dance floor cet entretien. Il débute en 1998, au une continuité. », souligne-t-il. préférence pour les chanteurs à
hiver, et se raconte dans un flow Star House et au Diamant Noir, Pionnier de la scène marocaine, voix comme Jill Scott : « C’est une
simple et ininterrompu. Ce nouvel clubs à succès des nuits de la cité il a été nourri au biberon du diva pour moi. J’ai une fascination
album est le fruit d’un travail réalisé ocre à l’époque. Aujourd’hui, après son Hip-Hop, RN’B, Soul, Funk, pour sa tessiture vocale, ses
entre 2012 et 2013. Sa couleur un parcours de ténacité il déclare : mais sa culture « C’est le hip- textes, son interprétation, son
musicale balance entre fusion « J’ai totalement auto-produit hop ». Fortement imprégné implication. ».
mixte et pur son marocain, mâtinée « Moroccan Touch » et signé les par les sonorités ethniques et
de samples hérités de clubbing. compositions. », précise-t-il. Sorti les musiques traditionnelles, il Lorsqu’il ne travaille pas ses
Résultat de l’actuel jus pensé par à 7000 exemplaires, cet opus va avoue : « C’est pour cela que je compositions, il vit et savoure les
l’artiste ? 11 titres que l’on devine suivre une nouvelle voie : distille cette vague à travers mes plaisirs simples de la vie. « Je suis
de fièvre dont : “This is Marrakech”, « On vise 10 000 CD par le biais compositions personnelles. ». un Marrakchi pur et dur, j’adore
“Aïcha”, “Let me be your fantasy”. d’une sortie digitale diffusée à Toujours avec le souci de ma ville, elle est tendance. J’aime
l’internationale. », poursuit-il. On transmission d’un patrimoine écouter du bon son au Burlesque,
Enfant de Marrakech, ville à l’aura compris, le bon son est riche : « En exploitant ces sons qui réunit des groupes Live ou
laquelle il déclare toujours son pour lui une affaire sérieuse. DJ je peux les faire découvrir aux encore DJ’te Sofia ; elle mixe
vif attachement, DJ Van est un Van multiplie les casquettes, il jeunes générations. Au Maroc, bien, c’est une fille, ça change du
autodidacte, un vrai artisan de la est également producteur et à nous pouvons faire de l’excellente Theatro. ».

26 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


ATUIT
MENSUEL GR
La culture
n’est pas à vendre

ATUIT
MENSUEL GR
MUSIQUE

2013
US PROPOS E SON BEST OF
METROPOLIS VO

DAFT PUNK
Get lucky
S
PHARELL WILLIAM
Happy

ROBIN THICKE
Blurred lines
AVICII
Wake me up

DJ VAN
Inass Inass
BAAUER
Harlem Shake

EDWARD SHAPE
Home
STROMAE
Papaoutai

scannant ce cadre
Playlist à retrouver en

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 29


DOSSIER

PRIVÉ ET CULTURE :
JE PAIE, DONC JE
DICTE !
SANS PUBLIC CONSISTANT NI SOUTIEN DE L’ETAT, LES ACTEURS DE LA CULTURE AU
MAROC ONT DEPUIS LONGTEMPS VENDU LEURS ÂMES AUX DIABLES MERCANTILES
QUE SONT NOS ANNONCEURS. ALORS QUE LES APPARITIONS DE STARS SE
MULTIPLIENT SUR NOS PUBS, LE NIVEAU DE LEURS CONTRIBUTIONS, LUI, STAGNE
QUELQUE PART ENTRE LA MÉDIOCRITÉ ET LE RIDICULE. MAIS LES CONSTATS NE
SUFFISENT PAS ET COMME ON DIT, IL N’Y A PAS DE FUMÉE SANS FEU. POUR VOUS,
NOUS SOMMES PARTIS À LA SOURCE DE CET INCENDIE PERPÉTUEL QUI SEMBLE
CONDAMNER LA RENCONTRE ENTRE PRIVÉ ET CULTURE. Par Amine Lagssir.

AU PAYS DES HOMMES-SANDWICHS presse, et des pubs télé quand le jeu en vaut la
chandelle. Avec cette dynamique, les marques
Alors que partout ailleurs dans le monde, culture ne se soucient pas de ce que représente la
et business ont trouvé un terrain d’entente, les culture qu’elles financent (ou plutôt les artistes
entreprises marocaines hésitent à s’engager qu’elles achètent), elles ne s’intéressent qu’à
plus qu’il ne le faut dans la culture. Un court- son impact auprès de leurs cibles. Le marketing
métrage de Nourredine Ayouch avec Moutouali au Maroc a fait des artistes les missiles de
en caleçon Toubkal, ce n’est pas pour demain. l’influence des marques.
Par contre, Guy Ritchie et Beckham pour H&M, Face à ce premier constat, nous nous sommes
c’est déjà fait. En parlant des Beckham, pendant demandés combien devaient bien payer les
que Victoria supervisait les designs pour la marques pour se donner un tel droit. Et là,
campagne d’un Range Rover, Khaled chantait omerta ! On nous répond que les marques
sur un camion l’été dernier. « s’associent à des artistes qui partagent nos
Tandis que Coca-Cola soutient des films valeurs et qui peuvent nous permettre de créer
destinés à du placement de produit, nos un lien plus fort avec nos clients » mais « nous
annonceurs se paient les têtes de nos artistes ne pouvons malheureusement pas divulguer
et les mettent sur des 4x3, des insertions les chiffres de nos accords avec les différents

30 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


DOSSIER

artistes » nous confie, sous couvert d’anonymat, avant de faire des blagues pour les téléphones
un responsable auprès d’un grand promoteur dont il se moquait avant. On voit des artistes
immobilier national. Du côté des artistes, le sujet à la douzaine chanter pour des appartements
est tout aussi sensible. Dès qu’on leur en parle, économiques puis on en retrouve quelques
les stars de ces pubs sont mal à l’aise et au lieu uns poser pour une banque qui se veut celle
de répondre aux questions, justifient leur choix du peuple. Au moins là, on peut féliciter la
par des raisons alimentaires comme si on leur cohérence. Autrement, Hajja Hamdaouia chante
faisait un procès d’intention. A la fin, ils finissent pour un site d’annonce pendant qu’Hassan
par lancer un timide « Chi baraka ou safi », avant El Fed (encore lui) joue son personnage d’une
de changer de sujet. D’ailleurs, les marques série de Ramadan pour leur concurrent ;
justifient souvent ce silence par des clauses de Masta Flow prête l’un de ses titres à Head &
confidentialité qui seraient imposées par les Shoulders et deux gagnants d’un télé-crochet
artistes eux-mêmes. musical national veulent nous faire croire que
Bien sûr, au jeu des rumeurs, des chiffres se c’est en mâchant du chewing-gum qu’ils y sont
baladent. 800 000 dhs pour le premier contrat parvenus.
de Hassan El Fed avec Méditel en 2005.
7 500 000 dhs pour Shah Rukh Khan, acteur BRAND CONTENT : LE MARKETING PAR LA
vedette indien invité lors du 12e FIFM (Festival CULTURE OU LE MARKETING DE LA CULTURE
International du Film de Marrakech) et Khaled
cet été. Dounia Boutazout exigerait 500 000 dhs Cependant, le tableau n’est pas totalement noir.
pour ses apparitions. Par contre, à peine Face à cette tendance de fond qui fait de l’usage
quelques milliers de dhs pour les rappeurs commercial de l’image des artistes son crédo,
derrière le « Li f’balek dyalek » de Sprite. des expériences plus harmonieuses ont engagé
Mais ce ne sont que des rumeurs. Et puisque privé et culture dans un cercle vertueux dont les
personne ne veut nous en parler, nous avons résultats sont souvent satisfaisants.
décidé de nous faire notre propre idée de cette Témoin : Switchers d’Inwi. Une websérie qui
infructueuse union qu’est la rencontre entre le a connu sa consécration grâce à une diffusion
privé et la culture. télévisée à partir de sa deuxième saison.
Loin de tout discours publicitaire, l’opérateur
Au Maroc, le privé et la culture, c’est aussi une national s’est contenté d’un léger placement
histoire de fils de pub. Depuis bientôt 40 ans, produit dans les images d’un feuilleton qui
nos planeurs stratégiques ont toujours fait appel rappelait les séries américaines les plus
aux leaders d’opinion. On en viendrait presque récentes dans son narratif. La qualité de la
à croire qu’ils organisent un concours secret de réalisation et l’intelligence de l’écriture en
celui qui placera la plus grande star dans une ont fait un événement de la toile marocaine.
campagne. De Touria Jabrane et son légendaire Par conséquent, fortes du succès de leur
« Labass Mnine Kayen Chabbou ! » au « 9ssim programme, les équipes d’Inwi ont déployé des
Billah » de Abdelkader Secteur, en passant dispositifs allant du web à l’insertion publicitaire,
par Jamel et ses loufoqueries téléphoniques autour d’un travail artistique qui leur a acquis
ou encore Fatema Kheir en fan de chewing- la sympathie d’une tranche de la population
gum à la chlorophylle, la relation des marques très gourmande en services téléphoniques et
aux stars de la culture (si on est quand même Internet. Un pari gagnant si l’on en croit les
un peu ouvert sur la définition de la culture, résultats de connexion de Switchers.ma ou le
pluralité oblige), semble réciter les mêmes nombre de vues des épisodes de la série.
gammes avec très peu d’innovation. L’exemple de l’événement « Absolutment Artiste »
Un jeu de chaises musicales a lieu face aux est, lui aussi, très impactant à cet égard. En
yeux incrédules d’un public qui voit Hassan 1998, via sa marque Absolut, MR Renouvo lance
El Fed égratigner subtilement Bayn pour Méditel un appel à candidatures à des artistes pour la

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 31


première édition de son événement destiné à à prendre des risques dans leurs dépenses de
aider des artistes. Un jury composé d’artistes communication. Les modes de management
et de critiques d’art avait sélectionné les dix en interne empêchent les voix innovatrices
DOSSIER
meilleurs dont les travaux avaient été mis en de s’exprimer au profit de techniques d’un
avant lors d’une exposition-vente au Sheraton autre âge. Pour eux, changer les paroles
de Casablanca. Lors de la 2ème édition d’une chanson afin de les adapter à leur offre,
organisée en 2003-2004, douze artistes avaient c’est déjà du brand content. Malgré tout, des
eu l’occasion d’exposer leurs œuvres dans initiatives, bien que timides, commencent à se
différents restaurants mythiques de Casablanca, faire une place et quand il s’agit de défendre la
Rabat, Marrakech, Essaouira et Tanger. L’année culture, c’est encore une fois dans les télécoms
suivante, l’événement est titré « Des arts et que nous trouvons notre exemple. En effet,
déserts », et ce sont treize artistes qui ont été depuis quelques années déjà, Méditel s’est
filmés durant vingt jours à Merzouga alors qu’ils engagé pour le cinéma et le spectacle. Ainsi, il
réalisaient des installations autour du thème de n’est pas rare de trouver un panneau d’affichage
la nature et de la terre. Méditel faisant la promotion d’un film ou d’un
Pour MR Renouvo, cette association avec des one man show au Megarama. L’investissement
artistes a permis de communiquer autour d’une de Méditel permet justement au Multiplex
de ses marques phares sans enfreindre la d’investir dans des films et spectacles qu’il
législation en vigueur. C’est ainsi en découvrant n’aurait pas les moyens d’acquérir pour
les travaux des artistes retenus que les chalands diffusion. Les retombées sur l’image de la
pouvaient apercevoir le logo d’une boisson marque sont indéniables auprès d’une cible
d’alcool sur un 4x3 marocain. Une première privilégiée, au fort pouvoir d’achat.
jamais rééditée. Cependant, ça s’arrête malheureusement
Les artistes, eux, en ont tout autant profité. Le là. Lors d’une campagne de recherche de
plasticien Hicham Benohoud, dont le travail sponsoring pour le prochain long métrage de
est aujourd’hui internationalement reconnu, a Yassine Fennane, les équipes se sont vues
débuté sa carrière avec un prix « Absolutment opposer des fins de non-recevoir à presque
Artiste » en 1999. Et il n’est pas le seul. toutes les portes où elles ont frappé. L’équipe
Nour Eddine Tilsaghani ne s’est pas arrêté n’a même pas pu obtenir une flotte téléphonique
à son prix de meilleur vidéaste en 1998, et de la part d’un des opérateurs marocains. Dans
continue d’exposer son travail à ce jour tout en cette logique, le film restera dépendant des
enseignant à l’ESAV (École des Arts Visuels de avances sur recette du fond d’aide du CCM
Marrakech). (Centre Cinématographique Marocain), et du
Un exemple réussi de ce qu’on appelle peu d’argent que les producteurs voudront
communément le Brand Content, cette pratique bien débloquer pour l’œuvre. On se rend alors
qui participe au développement d’un contenu compte que les marques ne sont disposées
utile aux clients d’une marque sans mettre ses à soutenir la culture que lorsque celle-ci les
produits au centre du discours. Vieille de plus sert. S’inspirant de ce que l’État a fait avec
d’une centaine d’années, la méthode s’installe la musique (cf notre dossier d’octobre), les
petit à petit sur le marché marocain, et même marques profitent de leurs moyens pour décider
si toutes les expériences qui ont jusque-là de l’avenir d’artistes dont la passion n’est pas
été tentées se sont soldées par le succès, les toujours suffisante pour boucler les fins de mois.
exemples restent rares.
LA FAUTE À QUI FINALEMENT ?
ET SI ON FAISAIT DE LA CULTURE UNE CAUSE
DE DÉFENSE POUR LE PRIVÉ ? A beaucoup de monde. D’abord à notre public,
qui consomme la culture sans vouloir en payer
« Ce n’est pas demain la veille ! », nous le prix et finit par garder les acteurs de notre
répondrait-on. Enfermées dans leurs logiques de culture (producteurs, artistes et promoteurs),
retour sur investissement, les marques peinent dans des conditions qui les empêchent de

32 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


renoncer aux bouffées d’air financières que Ces mastodontes financiers exploitent la
constituent les contrats de publicité. Dans culture au lieu de la promouvoir. Que ce
cette situation, où la gratuité de la culture est soit la culture contemporaine et ses artistes
DOSSIER imposée par l’absence de demande payante ou la culture patrimoniale, les marketeurs
sur le marché, les intervenants de la culture se n’hésitent pas à se servir dans l’imaginaire
retrouvent obligés de s’associer au privé pour collectif sans pour autant transcender les
financer leurs projets. Souvent, cela se fait au emprunts, faits au patrimoine commun.
détriment de l’indépendance de l’artiste et de sa Artistes en hommes-sandwichs, clichés de
liberté de parole. société exagérés, appropriation de symboles
D’ailleurs, les artistes ne sont pas en reste. Dans nationaux, nos annonceurs semblent prendre
leur chasse au trésor du contrat publicitaire, nos leur audience pour « un amas d’idiots » (sic)
idoles ne se donnent pas plus de valeur qu’il n’y dont seul l’instinct grégaire est fonctionnel.
a de zéro sur les chèques qui leurs sont signés. Ainsi, les coupures publicitaires du prime
Soumis à la réalité mercantile, ils ne se sont time sont devenues des minutes de torture
jamais imposés, et si ce n’est quelques caprices intellectuelle, quand on n’en a pas profité pour
de tournages, s’avèrent très dociles envers aller se soulager. C’est malheureusement là
leurs employeurs. Préférant se concentrer sur que le bât blesse ; avec les moyens faramineux
leurs propres projets, ils bâclent pour la plupart dont disposent nos entreprises (le marché de
leurs apparitions à l’écran, récitent les scénarii la communication est estimé à des centaines
qui leur sont tendus sans révision, et passent de millions de dirhams), nous nous retrouvons
à la caisse. Plus tard, ils justifient cela dans avec une culture bafouée dans nos publicités
les salons par de peu-convaincants « c’est de lorsque sous d’autres cieux, elle est célébrée.
l’alimentaire » (sic), l’air de justifier la médiocrité Mais ne nous racontons pas d’histoires, les
de leur apparition par l’absence d’enjeu marques que vous aimez n’ont que faire de
artistique à travers le projet. votre culture. Elles n’ont d’yeux que pour votre
Enfin, place aux marques. porte-monnaie.

La culture n’attend pas

e t ro p o l i s . m a
www. m

34 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


COLISÉE
SA LLE ET D IREC TEUR DU CINÉMA
T DE
I EST EXPLOITAN MAROC ACTUELL
EMENT
DOSSIER
MOHAMED LAYAD UI N’EST PA S AIS ÉE AU
A RRAKE CH. UN E PROFESSION Q PE A U DE CHAGRIN. IL
REVIENT
À M NT R ÉD UITE S EN
DE PROXIMITÉ SO SÉ LE PASSAGE À
L’ÈRE
CAR LES SALLES ESTIN DES SA LL ES IM PO
ES
UX ENJEUX DU D ES ET LES SOMM
SUR LES NOUVEA MPLEXE SU R LE S CH IFFR
. IL S’EST DELIÉ SANS CO
ÉRIQUE ÉTOUR.
DU NUM
N CIN ÉM A. ENTRETIEN SANS D
SÀ SO
D’ARGENT DÉVOLU
r Fouzia Marouf.
Propos recueillis pa

Quelle est la fréquentation du A combien s’élève cette d’habitude, nous en comptons Revenons au FIFM ; vous avez
cinéma Colisée ? subvention et de quel ordre est trois ou quatre quand un film acquis « Tel père, tel fils »,
votre prêt ? rencontre un vif succès lors film japonais de Hirokazu
Il s’agit d’une salle qui accueille d’une séance supplémentaire à Kore-eda, présenté lors
750 places. Nous devons Elle représente 760.000 dirhams 17 heures ; mais lors du FIFM, de la programmation hors
redoubler d’efforts pour la et est destinée à aider les 50% de spectateurs n’achètent compétition...
maintenir en activité et en vie exploitants de salles qui ont pas leurs tickets car ils ont des
car depuis cette année, la taxe dès lors acquis l’équipement badges d’accès relatifs au festival. C’est un film réalisé en 2013, et
para-fiscale imposée par l’État numérique. C’est une avance sur le genre de cinéma que l’on n’est
est passée de 20% à 23%. recette qui les aide à hauteur de Vous avez évoqué une pas accoutumé à voir au Maroc.
Actuellement, je me bats sans 50% de leur investissement. En quatrième séance pour des J’en ai acheté les droits. Je vais
relâche afin de la maintenir ce qui concerne le prêt que j’ai longs-métrages au succès perdre de l’argent car les autres
ouverte. contracté, il s’élève à 1 million évident, est-ce le cas de « Road salles de cinéma ne souhaitent
et demi de dirhams. Mais nous to Kaboul » de Brahim Chkiri ? pas le programmer. J’ai même
Parlez-nous du défi du devons être plus nombreux à demandé de l’aide à l’Ambassade
numérique qui concerne les doter nos salles en numérique. Absolument. « Road to Kaboul » du Japon, qui est dénuée de
petites salles de cinéma au L’État doit plus que jamais nous est vraiment un film phénomène budget dans ce domaine.
Maroc ? y aider. qui a été reprogrammé à plusieurs
reprises. Cette quatrième séance Quel est le prix de « Tel père, tel
J’ai à ce titre contracté un prêt Quel est le mode de a longtemps été renouvelée pour fils » ?
avant l’obtention d’une subvention financement du Colisée ? cette comédie géniale. Cela a
octroyée par le CCM (Centre aussi concerné les multiplexes, 5000 dollars. Et je ne peux pas
Cinématographique Marocain), car Le financement de cette salle de qui l’ont notamment tenu au haut me permettre de perdre cette
le cinéma Colisée est équipé en cinéma est le tarif du ticket. Il de leur programmation. somme sur chaque film. Pourquoi
matériel numérique depuis un an coûte actuellement 15 dirhams le FIFM ne permettrait-il pas aux
et demi, condition indispensable à cause de la hausse de la TVA Le public marocain est-t-il plus exploitants de salles d’acheter les
pour percevoir ladite subvention. passée à 23% cette année. friand de produit national ? trois ou quatre films primés en
Pour le moment, sept salles sont Auparavant il valait 10 dirhams. octroyant une subvention ? Ainsi
équipées en numérique au Maroc et Il faut en fait distinguer plusieurs nous pourrions directement
concernées par cette subvention : Au plus fort du Festival du Film publics. Par exemple, pour ce négocier avec les distributeurs et
les cinémas Rif, ABC, et Ritz à de Marrakech, la fréquentation qui a trait au public marrakchi, les producteurs qui sont présents
Casablanca, le Broca et le Colisée est-elle plus accrue puisque il représente deux catégories lors de cet événement. Je suis
à Marrakech, enfin, le Roxy à vous programmez les films différentes : une part arabophone, prêt à consacrer une séance
Tanger et l’Avenida à Tétouan. Nous qui concourent en compétition et une autre part occidentale. Il y par jour de façon à ce que les
sommes obligés de maintenir nos officielle ? a par conséquent un public qui va gens puissent voir ces films,
salles à jour, c’est à dire dotées choisir des films marocains, et un par exemple à hauteur d’une
en numérique, car il n’y a plus Oui. Nous programmons six second qui va porter sa préférence subvention de 1000 dollars par
aujourd’hui de films en 35 mm. séances par jour alors que pour des films internationaux. semaine, comme l’a fait Europa

36 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


DOSSIER

américains. La salle de cinéma populaires. L’offre doit s’adapter


va de fait être libre de proposer à la demande, or un seul modèle,
la programmation de son choix, le Mégarama, est présent, offrant
et ne sera plus obligée d’attendre uniquement une programmation
que le film soit acheté. Elle pourra 100% commerciale.
alors évoluer vers davantage de Quels sont vos projets ?
possibilités en ce qui concerne
son éventail de programmes, J’envisage de présenter un
et faire en sorte que la salle à programme intitulé MedImages
écran unique soit aussi attractive qui comptera quatre films, dont
que celle d’un multiplexe. Cet deux longs-métrages et deux
aspect sera à penser en fonction films documentaires, alimentés
du public adapté à ce type de de dossiers pédagogiques.
salles de proximité. En cela, l’État Tout cela en partenariat avec
doit impérativement prendre une association belge, Les
conscience de l’urgence de la Grignoux. Cette programmation
sauvegarde des salles de quartier. sera présentée au sein
d’établissements scolaires publics
Que doit-t-il lancer dans et privés, parmi lesquels des
l’immédiat ? écoles françaises et américaines.

Résoudre le problème des visas et Quels films y seront présentés ?


des attestations, l’acheminement
et le transfert des films, comment - « Wajda », qui évoque la
garantir le nombre d’entrées, problématique de la femme dans
que faire si un distributeur ne la société,
souhaite pas voir son film être - « Les Chevaux de Dieu », qui
téléchargé… Autant de questions évoque celle de la montée de
indispensables qu’il appartient l’islamisme,
à l’État de résoudre au plus vite, - « L’eau en partage »,
comme le piratage. Cela fait des documentaire qui a trait au sud
années que nous alarmons les de la Méditerranée, produit par
autorités afin de les sensibiliser France 5,
à cette réalité. La finalité est de - « Énergie, le défi », second
Cinéma. Les films européens ne peut retransmettre un concert transformer ces petites salles documentaire, retraçant les défis
peuvent pas avoir de visibilité en temps réel, un programme de cinéma comme l’ont fait les de l’énergie et du solaire.
sans subventions. Le FIFM télé, un match de football, des exploitants en France dans les
pourrait alors consacrer 50 000 événements qui se déroulent années 80. Sont ensuite apparus L’initiative MedImages offrira la
ou 30 000 euros pour cette à Casablanca, New-York ou les multiplexes. possibilité à des enseignants de
initiative des plus louables. Paris, sur l’écran du cinéma On sait que le cinéma et le bon travailler sur d’autres thématiques
Colisée. L’ESSAV (École des Arts visionnage d’un film tient à avec leurs élèves via le 7e art,
Visuels de Marrakech) le fait la qualité du grand écran, du et à la salle du Colisée d’avoir
Est-il difficile d’être exploitant déjà pour un public très réduit. son. Il faut créer de nouveaux une nouvelle programmation.
de salle au Maroc aujourd’hui ? Au niveau de la distribution, complexes. Aujourd’hui à Hay Nous envisageons également
de nouvelles perspectives Mohammedi il y a suffisamment d’organiser des projections de
Depuis l’apparition du numérique, sont également à étudier, car de monde pour retrouver le dessins animés destinés à des
on peut espérer de nombreuses passé les grands problèmes chemin des salles. A Anfa, la classes primaires de cinq à huit
possibilités que le film en 35 de législation et d’organisation programmation va être autre ans, avec l’étroite collaboration
mm ne pouvait pas permettre. relatifs au domaine, on pourra que celle de Hay Mohammedi des entreprises Aïcha et de
Alors qu’à présent, le support espérer pouvoir télécharger car chaque quartier est différent l’Institut français de Meknès. La
DVD est flexible et surtout plus certains films avec l’accord des ; par conséquent nous avons salle de cinéma doit être un lieu
adapté à l’air du temps. On distributeurs européens ou encore aussi besoin de complexes de vie culturelle.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 37


a t i è r e à p r o d u i r e
DOSSIER N a w a l S l a o u i , m
Quelle est sa finalité ? ensemble, avec la complicité de
RS FAIT l’artisan, de l’ingénieur ou du
UP LES AR TI ST IQ UES ONT TOUJOU
LES CO E Placer les artistes sur la scène monteur, la forme la plus parfaite
LL ES . N AW AL SL AOUI, PRODUCTRIC internationale. Ce qui me possible.
DES ÉTINCE ÉÉE
IN AU MAROC, A CR
préoccupe le plus, c’est que
CO NTE M PO RA
D’ART CulturesInterface atteigne Quand au terme « défricheuse de
RF AC E, EN TITÉ EXCLUSIVEMENT un niveau professionnel en talent », j’ai toujours écouté mon
CULTURESIN TE
À LEUR
UE AU X AR TI ST ES MAROCAINS ET adéquation avec les exigences fort intérieur et ma sensibilité. Je
DÉVOL SOLO à l’international. Je tiens à fonctionne beaucoup avec mes
UR D ’H OR IZON DE SES DUOS OU ce que la culture dans notre sens et mon intuition. Il y a aussi
CRÉATION. TO
LLECTIVES,
, DES EX PO SITI ONS SOMMES, CO pays soit admirée et pour cela mon expérience visuelle, je côtoie
D’ART E il faut absolument avoir de la l’art depuis que j’ai l’âge de 9 ans.
LL ES , QU E CE TT E FRONDEUSE MÈN
INDIVIDUE CCÈS
rigueur et se positionner comme J’attache une grande attention

ÉC UT IO N CA PI TA LISANT SUR LE SU tel. J’aimerai que le monde à la motivation et à l’ambition


À EX DE LES considère notre art comme un de l’artiste. Si mes tripes parlent
SABLANCAIS AFIN
D’ÉVÉNEMENTS CA art ayant une véritable place sur lorsque je découvre les créations
RNATIONAL. la scène internationale. Sur un d’un artiste, si je ressens une
DISTILLER À L’INTE plan purement philosophique, vision, une cohérence, de
r Fouzia Marouf.
Propos recueillis pa je voudrai que CulturesInterface l’ambition, de la persévérance et
puisse jouer un rôle dans une honnêteté intellectuelle, alors,
Comment est née l’évolution culturelle de notre pays on peut avancer.
CulturesInterface ? d’une part, et d’autre part, rompre
le cou aux préjugés véhiculés Coagulatrice d’artistes, peut
CulturesInterface, a été crée en au sujet de notre culture. L’art être bien. Lorsque j’organise un
2010, suite à un regain d’intérêt et la culture en général, font projet collectif, je tiens toujours à
suscité pour l’art maghrébin que partie d’un domaine fantastique organiser une rencontre entre les
j’ai senti, issu de l’international. capable de changer les mentalités artistes, tous ne se connaissent
J’avais dès lors compris que les en favorisant la tolérance et pas forcément. Ces rencontres
acteurs culturels internationaux l’empathie. créent une synergie particulière
avaient des difficultés à découvrir entre chaque personne et permet
la scène artistique au Maroc, leur Parlez-nous de votre rôle des surprises. Ainsi, est né,
était difficilement accessible. en tant que productrice le travail conjoint entre Driss
La scène était, est toujours si (défricheuse de talents, Ksikes et Simohammed Fettaka
vaste et variée que j’ai décidé coagulatrice d’artistes, etc...). pour l’exposition « The World
d’essayer de répondre à ce besoin is not as I see it ». Depuis, ils
et à cette curiosité pour l’art Dans les arts visuels, lorsque gardent contact et prévoient
contemporain, en particulier, en nous parlons de production, il d’organiser ensemble un atelier
créant CulturesInterface, qui a pour s’agit de fournir les moyens à l’ESAV (École des Arts Visuels
but : de servir de passerelle entre les humains, techniques et financiers de Marrakech)dans le cadre de
artistes et les acteurs culturels qui à un artiste pour réaliser le projet la Biennale de Marrakech qui se
sont à la recherche d’une expression qu’il tient à créer. La production tiendra fin février prochain.
contemporaine au Maroc, de implique souvent la collaboration
répondre aux besoins et aux avec des fournisseurs très variés,
exigences des artistes marocains de l’artisan jusqu’à l’industriel. Il Comment approchez-vous les
face à la problématique de la faut aider l’artiste à trouver les artistes dont vous exposé les
visibilité de leurs œuvres, enfin, de meilleurs fournisseurs, puis selon œuvres ?
répondre aux besoins et exigences les cas, l’accompagner dans les
d’un publique marocain averti et premiers essais de production : Il faut être à l’écoute, poser toutes
de collectionneurs à l’affût de la critiquer la qualité technique de les questions inimaginables,
création contemporaine au Maroc. l’œuvre, débattre jusqu’à trouver comprendre les préoccupations

38 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


DOSSIER

Agueznay, Safaa Erruas et Najia mais il y avait des tirages photos


et les rêves de l’artiste. Il faut collectives et les rétrospectives Mehadji. J’ai été accompagnée à refaire (certaines ont été
savoir s’effacer, éviter les d’artistes sont les plus coûteuses par des chefs d’entreprises qui empruntés par la Belgique pour
notions préconçues, ne pas car elles engendrent de la m’ont entièrement fait confiance l’événement Daba Maroc qui s’est
juger et se mettre à la place du production, des demandes de et que je remercie encore, car tenu en Octobre 2012). Il fallait
concepteur. A partir de là, tout est prêts, de la communication et de leur aide financière a permis à aussi préparer la scénographie
possible, même la peur devient la diffusion, du transport, parfois CulturesInterface de prendre son de l’exposition pour le Musée de
surmontable car la peur est de la recherche en amont, des envol. En 2012 et 2013, j’ai monté la Fondation Abderrahman Slaoui
omniprésente dans la création. équipes à monter : il peut y avoir l’exposition « The World is not as I et financer le vernissage et le
des commandes de textes, des see it » avec cinq artistes : Zineb déplacement de certains artistes.
Quel est le budget d’une traductions à faire, des catalogues Andress Arraki, Amina Benbouchta, J’ai pu trouver deux sponsors
exposition personnelle et à imprimer, du matériel audio- Hicham Berrada, Simohammed mais cela n’a pas suffit, alors j’ai
collective ? (photo, art-vidéo, visuel à louer, une scénographie à Fettaka, et l’écrivain et dramaturge renfloué…
installations...) concevoir pour que chaque œuvre Driss Ksikes. C’était un projet
ait sa juste place dans l’ensemble ambitieux et je voulais, à l’égal Les récentes expositions, dont
Tout dépend du contexte, des de l’exposition, des assurances, de la précédente qu’il soit montré le premier solo show de Zineb
moyens du commanditaire si le de la sécurité, un vernissage pour à l’étranger. J’ai trouvé comme Andress Arraki a été réalisé
cas se présente, et du lieu où accueillir le public. partenaire, Dominique Fiat qui en co-production avec Hassan
l’exposition est destinée. Il n’y a gère une galerie honorable dans Sefrioui et montré à la Galerie
pas de budget ni de règles fixes. Comment financez-vous les le Marais à Paris. J’ai pris des Shart en octobre dernier. Cette
Dans le cas de CulturesInterface, nombreuses expositions que risques, je ne suis pas arrivée à collaboration m’a permise
j’ai pour l’instant monté des CulturesInterface présente trouver des financements alors j’ai de souffler un peu grâce à la
expositions de 80.000 dirhams depuis de nombreuses années ? décidé d’autofinancer l’exposition collaboration de Hassan, grâce
à 750.000 Dhs. Je prépare et son transport jusqu’à Paris. Je aux ventes, j’ai pu monter
actuellement une exposition à J’ai eu la chance de débuter avec tenais absolument à ce que cette l’exposition « Ânes situ » de
l’étranger d’un budget de 150 un projet qui a été montré à New exposition revienne au Maroc afin Hicham Benohoud, présentée
000 Euros. Cela dépend aussi, York puis à nouveau à Casablanca de la présenter à Casablanca. à nouveau au Musée de la
s’il s’agit d’une exposition en 2011, l’exposition « Senses Les œuvres étaient produites Fondation Abderrahman Slaoui
individuelle ou collective. Les and essence » réunissant : Amina puisqu’elles revenaient de Paris, jusqu’au 11 janvier 2014.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 39


il y a sa créativité, son labeur,
son approche, sa personnalité,
sa générosité et son intelligence
DOSSIER
qui me touchent profondément.
Nous ne tombons pas tous les
jours sur des génies, et là, j’ai la
Mais, il n’y a pas que le fierté de dire que j’ai rencontré
financement des expositions. un génie. J’ai du respect pour
Les artistes doivent créer pour tous les artistes, ceux avec qui je
attirer le regard des institutions travaille en particulier puisque je
internationales, il faut donc les côtoie très régulièrement. Ils
essayer de suivre leur rythme et sont tous talentueux. Mais à mes
produire en amont des projets yeux, Hicham Berrada, a d’autre
et commandes susceptibles part, une fibre proche de celle
d’arriver. Par exemple, j’ai produit d’un inventeur, d’un poète, d’un
en 2013 deux nouvelles créations magicien (même s’il n’aime pas
pour Simohammed Fettaka. Suite que j’utilise ce mot) ou d’un chef
à l’existence de ces œuvres, nous d’orchestre. Il manipule la chimie,
allons participer à la Biennale la physique,utilise des vecteurs
de Marrakech (février 2014) et tel que le chaud, le froid, le
à un nouveau projet sur l’art magnétisme, l’électricité et le vent
contemporain au Maroc qui se avec une telle dextérité, qu’il est
tiendra au MuCEM à Marseille capable de créer une rencontre
en Mars 2014. J’ai aussi produit, en l’art et la science comme je ne contemporain au MuCEM (Musée dans le développement de l’art
une très belle sculpture en bois l’ai jamais vu auparavant. Et par des Civilisations Européennes et contemporain, c’est la Fondation
de frêne signée par la sculptrice son talent, il arrive à nous offrir Méditerranéennes) à Marseille Alliances. Elle est dirigée par un
Adiba Mkinsi, exposée à la un monde (aussi réel qu’il est) qui pour proposer un projet autour groupe de personnes qui aime
Société Générale dans le cadre nous était inconnu. Je suis une de l’engagement des artistes profondément l’art contemporain,
de l’exposition « 100 ans, cent grande rêveuse, j’aime la nature, marocains sur la société et le impliqué et pétri de courage face
artistes ». Pour promouvoir un j’aime me confondre à l’essence politique au Maroc, en mars 2014. à l’engagement des artistes.
artiste, il faut d’abord diffuser son de la vie. Hicham m’apporte Il y a d’autres projets en cours Je tiens, d’ailleurs, à rendre
travail. Il faut d’abord produire et tout cela. Je vois en lui et en sa de préparation, mais je préfère hommage à la famille Lazraq
créer des œuvres qui peuvent être création un univers qui parfois je attendre qu’ils prennent forme qui se bat sur un front qui n’est
visibles, attirer l’attention. Afin pense nous ne méritons pas. Nous avant d’en parler. pas du tout évident. Je suis par
d’y parvenir, il faut redoubler de Êtres Humains manquons d’une contre moins confiante en ce qui
patience et de persévérance, de cruelle sensibilité envers ce qui concerne le rôle de l’État et des
moyens, allier gestion intelligente nous entoure. Hicham est capable Êtes-vous confiante ou dans autorités des villes. Il y a deux
et stratégie pertinente. Je ne de nous réconcilier avec nous- l’attente pour l’avenir de l’art vitesses nettement perceptibles.
pourrais pas produire advitam mêmes. contemporain au Maroc ? Que Ce qui est malheureux c’est la
eternam si aujourd’hui, je ne Quant à son entrée à la Villa manque-t-il encore cruellement ? faiblesse, des connaissances
commençais pas à voir le Médicis, j’en suis très fière culturelles contemporaines des
fruit de ce travail auprès des et surtout, cela conforte ma Je suis confiante au sujet de membres des partis politiques
collectionneurs et des institutions. confiance, je me dis que je ne me l’implication des acteurs culturels et des dirigeants de certaines
suis pas trompée. indépendants et la qualité de sociétés qui utilisent l’art comme
Hicham Berrada, fidèle poulain la créativité artistique qui se un outil de sponsoring. Au final,
que vous suivez depuis ses Parlez-nous de vos projets ? développe amplement. Tout ils ont très peu d’intérêt pour la
débuts est en résidence à la le monde s’accroche, artistes culture. Au lieu d’appréhender
Villa Médicis. Que vous inspire Je vais proposer deux artistes et acteurs culturels, car tous ce domaine comme un levier
cette formidable réalisation ? à la Biennale de Marrakech en savent l’importance de l’apport indéniable pour le pays ou même
Février 2014 : Max Boufathal et de la création contemporaine pour leur société privée, ils
En parlant d’inspiration et de Simohammed Fettaka. Je suis dans un pays comme le Maroc. l’utilisent comme un simple outil
Hicham Berrada, je voudrais aussi invitée, en tant que co- Il y a aussi une Fondation qui de communication, et cela est loin
parler de deux choses : d’une part commissaire du conservateur art s’implique de plus en plus d’être suffisant.

40 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


JETS CULTES
DESIGN
LE RETOUR DES OB

Le lampadaire arco
Designer : Achille Castiglioni

Le vase Savoy
Designer : Alvador Alto

Les tables gigognes Pétalo


Designer : Charlotte Perriand

Chaise à bascule RAR


Designer : Charles Eame

42 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


CULT

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 43


AUTO

BMW X5
LA 3ÈME GÉNÉRATION ENFIN
DISPONIBLE AU MAROC

Esthétiquement parlant, le nouveau X5


garde a peu près la même silhouette
que son prédécesseur. Au niveau des
équipements intérieurs en revanche,
le nouveau BMW embarque toutes les
dernières technologies de la marque
depuis l’écran multimedia de 10,2 LA MARQUE DACIA RÉALISE LE GROUPE FIAT DÉVELOPPE UNE
pouces, jusqu’au régulateur de vitesse LA PLUS GROSSE MARGE DE DÉCLINAISON CINQ PORTES DE LA
actif en passant par l’avertisseur de PROGRESSION SUR LE VIEUX FIAT 500
collision et de piétons avec fonction
freinage. Qui aurait cru dix ans en arrière que D’après des informations divulguées par
Le nouveau BMW X5, malgré sa la marque affichant la meilleure Fiat, la marque italienne devrait à l’avenir
stature, s’intéresse aussi aux progression sur le Vieux Continent serait se spécialiser dans les petits véhicules. La
questions écologiques. Un allégement un constructeur « low cost », concevant 500 constituera donc à l’avenir le modèle
allant jusqu’à 90 kg, un meilleur ses autos sur des anciennes bases de phare du constructeur. Toutes proportions
aérodynamisme, et des moteurs véhicules généralistes ? Peu de monde, gardées, la marque Fiat pourrait devenir
toujours plus sobres autorisent assurément. Pourtant, c’est aujourd’hui dans le groupe transalpin, l’équivalent
en effet ses émissions de CO2 à une réalité puisque Dacia est la marque de Mini et ses différents dérivés au sein
démarrer à seulement 149 g/km. qui annonce la meilleure croissance du groupe BMW. Alfa Romeo quant à elle
en 2013. En effet, selon les chiffres de devrait se doter d’une gamme premium
ventes concernant l’Europe pour les onze alors que Maserati, récemment implanté
premiers mois de l’année, Dacia a connu au Maroc, aura pour mission de rivaliser
une croissance de 21,1 % par rapport à avec Porsche. La Fiat 500 cinq portes est
2012 avec 260 493 ventes. On peut une programmée pour l’année 2015. Elle est
nouvelle fois affirmer que Renault a fait actuellement en cours de développement à
une très bonne pioche avec Dacia, alors partir d’une plateforme de Punto modifiée,
que le constructeur au losange est à -3,0 à l’instar de la 500 L. Fiat a donc choisi de
% de janvier à novembre (une chute tout développer un modèle à part entière plutôt
de même inférieure à Citroën (-11,7 %) et que de simplement ajouter deux portes à la
Peugeot (-7,7 %). 500. Cette dernière trouvera d’ailleurs sur
son chemin une certaine Mini Riley ainsi
qu’une Citroën DS3.

44 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


AUTO

NISSAN
DIFFUSE UNE IMAGE DE
TEASING ET SÈME LE DOUTE
SUR LA PRÉSENTATION D’UN
CONCEPT SPORT AU SALON
DE DÉTROIT.

Le constructeur japonais Nissan


annonce, via une image teasing,
la présentation d’un concept Sport
PORSCHE LANCE SON SUV LA NOUVELLE SKODA SUPERB Sedan dans le cadre du salon de
COMPACT, LE MACAN ENCORE PLUS HAUT DE GAMME. Détroit. Nissan n’a divulgué pour le
moment aucune autre information. Il
C’est devenu une tradition chez les Si la Skoda Superb a réussi a se faire une explique toutefois vouloir, à travers
constructeurs à l’étoile : à chaque place au Maroc, c’est en partie grâce à ce concept, appliquer les principes
nouvelle auto, sa version de lancement et son habitabilité et à son rapport qualité/ des voitures sportives aux berlines
logiquement baptisée Edition 1. Le dernier prix imbattable. Cette ultime version de la à coffre. On peine donc à imaginer
GLA ne déroge pas à la règle en vigueur Superb devrait donc séduire une clientèle une suite possible pour ce concept
et s’annonce également à travers une désireuse de posséder une berline familiale car, qui devrait seulement présenter
déclinaison de ce genre. sans pour autant trouer le porte-monnaie. quelques évolutions de style sur des
Comme les CLA ou Classe A en leur Selon la déclaration de Winfried Vahland, le modèles à venir. L’image diffusée par
temps, le crossover Mercedes GLA a donc patron de la marque, la Superb demeurera Nissan présente des phares en forme
aussi droit à sa version de lancement le haut de gamme du constructeur pour les de boomerang, caractéristique de la
Edition 1. Uniquement disponible à travers dix années à venir. La prochaine génération marque, qui encadrent une calandre
différentes livrées de carrosserie comme de Superb, constituera certes une « également caractéristique de récentes
blanc Cirrus, cette version repose sur la révélation », mais perdra tout de même l’un productions déjà sur le marché.
finition Urban, proposée en Allemagne, et de ses avantages : son astucieux hayon ne
gagne des attributs de look : bas de caisse sera en effet pas reconduit, essentiellement
obscurcis ou rails de toit chromés. Le client pour des raisons de coût… La future
pourra choisir entre deux versions essence gamme sera essentiellement articulée
(GLA 200 de 156 ch et GLA 250 de 211 autour de motorisations quatre cylindres,
ch) et deux versions diesel (GLA 200 CDI même si des blocs V6 devraient toujours
de 136 ch et GLA 220 CDI de 170 ch). trouver grâce sous le capot de cette grande
Cette version débarquera en concessions berline.
en mars prochain. Elle est d’ores et déjà
disponible à la commande.

N18 METROPOLIS JANVIER 2014 45


EVASION

AB O RD S D ES EAUX TURQUOISES
DÉSERT, A UX
DES M O N TAG NES, AU CŒUR DU E À DANSER SUR DES
AIRS DE
IT AU H AUT ANDA LO US
QUE CE SO ’UNE PLAZA DÉTENTE ET DE R
ICHES
DIS IAQUE , O U A U BEAU MILIEU D . PRO M ES SE S D E
D’UNE ÎLE PARA PO UR VOUS QUELQUE
S VILLES
OPO LIS A TE STÉ
FLAMENCO, METR INSP IRÉ. Par Dounia Z. Mseffe
r
UR D’HO R IZO N
DÉCOUVERTES. TO
VIVEZ AU RYTHME DU DÉSERT
À MERZOUGA !

Passer la nuit à la belle étoile au


milieu des dunes, danser sur des
rythmes endiablés joués par des
musiciens gnaouas, et voir le lever
du soleil au sommet de la grande
Dune de Merzouga qui culmine
à 160 mètres de hauteur, reste
sans aucun doute une expérience
unique. La couleur changeante
des sables de ces majestueuses
et magnifiques dunes et leur
silence impénétrable offrent des
paysages à couper le souffle.
De nombreux circuits touristiques
proposent des séjours de quatre
à cinq jours, durant lesquels
vous pourrez découvrir le désert
à dos de dromadaire, à pied,
en VTT ou en 4x4. Partez en
EVASION

z pour une
Direction de Taou
ion et un cours
véritable explorat
deur nature.
d’archéologie gran
Khamlia, d’où
Visitez le village de
s Gnaouas.
sont originaires le
vers Rissani,
Remontez ensuite
impériale des
surnommée la ville
rez sa célèbre
sables, et découv
ours et les
palmeraie, ses ks
légendaire
vestiges de la cité
ur clôturer
de Sijilmassa. Et po
ez-vous dans
votre séjour, enfonc
Merzouga,
le sable chaud de
fférentes vertus
réputé pour ses di
paysement
thérapeutiques. Dé
garanti !

IFRANE : REPOS, CALME


ET VOLUPTÉ

A une heure à peine de Fès et de sa médina colorée, Ifrane, « la petite


Suisse du Maroc », offre un havre de paix et un point de départ pour
de nombreuses aventures. Nichée dans un écrin de forêts à quelques
1.650 mètres d’altitude en plein cœur du Moyen Atlas, Ifrane a un
visage insolite avec ses pignons aigus, ses hautes cheminées et ses
toits de tuiles roses, ses lacs, ses cours d’eau et ses prairies florifères.
Si côté fête, la ville n’offre pas grand-chose mis à part le Bowling
et les discothèques et pubs des hôtels, Ifrane procurera pour les
passionnés de nature et de grand air une large panoplie d’activités
: Ski à Michlifen, Jbel Hebri et Jbel Habri, implantés au cœur de la
cédraie à 2000 mètres d’altitude, et offrant des pistes de 100 à 200
mètres de dénivellation, pêche dans les Oueds à truites et les lacs dits
à « Brochet », chasse, escalade, spéléologie, équitation, randonnées à
pied ou en VTT en plein cœur du Parc national d’Ifrane, découverte de
la forêt de cèdre avec son cortège floristique et faunique…
Alors à vos chaussures !
SÉVILLE ET SES DOUZE RAISINS

Dressée sur les rives du


EVASION Guadalquivir, Séville, la capitale
andalouse, distille joie et
animation au coin de chaque rue
et place de sa vieille ville, qui
abrite un ensemble passionnant
de monuments inscrits au
patrimoine de l’humanité, et des
quartiers aux profondes saveurs
populaires. Musées, centres d’art,
parcs thématiques, cinémas,
théâtres, salles de spectacles,
offrent d’infinies possibilités de
loisirs proposés par la ville. Sans
oublier les nombreuses terrasses
et tavernes où l’on peut pratiquer
l’une des traditions les plus
renommées et savoureuses de
Séville : la tournée des tapas.
Contrairement aux autres villes
européennes, Séville est en
général moins froide durant les
fêtes de fin d’année. C’est donc
une destination idéale.

Le soir de la Saint
Sylvestre,
la plupart des Espa
gnols se
réunissent pour de
s grands
repas en famille ou
entre amis,
mais à l’approche
de minuit,
ils investissent les
rues pour
se regrouper à la
Plaza Nueva
pour le compte à
rebours ; ils
vont y déguster le
s 12 raisins
traditionnels syno
nymes de
bonheur et fortune
pour la
nouvelle année à
venir, avant
de continuer la fê
te dans les
discothèques et le
s pubs du
quartier El Arenal
ou dans les
nombreux bars de
Triana où l’on
peut écouter en liv
e les chanteurs
de flamenco et ad
mirer leurs
danseurs jusqu’au
petit matin.

48 N18 METROPOLIS JANVIER 2014


EVASION

SUR LES TRACES DE LA DIVA


AUX PIEDS NUS…

Réputé pour ses longues


plages de sable doré, ses eaux
transparentes et la gentillesse
de ses habitants, le Cap vert est
une destination de choix pour
fêter la nouvelle année. Les îles
du Cap offrent en effet un soleil
d’hiver garanti. L’île de Sal est la
plus touristique. Ici on peut opter
pour des journées farniente, des
journées découverte (une faune
marine extraordinaire), ou encore
des journées trekking au pied
des montagnes. Praia quant à
elle, est bien connue pour ses
spectacles, ses expositions, ses

musées, ses pièces de théâtre,


et sa vie nocturne animée. Côté
fiesta, direction Sao Vicente,
célèbre pour ses bars animés.
Et c’est d’ailleurs dans un de
ces bars à spectacle de chants
qu’a débuté la carrière de la «
Diva aux pieds nus », Cesária
Évora. La fête y est une véritable
institution. Les nuits chaudes
démarrent au son des mornas
(chants nostalgiques typiques du
Cap-Vert), et s’endiablent sur des
rythmes afro-cubains-brésiliens.
La nuit tombée, la fête se passe
dans la rue !
DROIT DE CITÉ CHRONIQUE

Idoles des jeunes


Je ne sais si vous l’avez remarqué, mais petit à petit une nouvelle “culture”
s’installe chez nous ; nous abandonnons peu à peu la raillerie et le dénigrement
systématique de nos artistes pour nous mettre à les aimer. Bien sûr les générations
précédentes ont eu leurs “stars” mais il n’y avait pas cette sorte d’identification, AHMED GHAYET

de transfert qui est en train de naître chez les jeunes. J’ai eu l’occasion de participer à des rencontres
entre le public jeune et leurs artistes de prédilection, que ce soit lors de festivals, d’émissions radios ou
télés, ou d’activités culturelles. j’ai vu à quel point nos jeunes qui ont besoin de rêve, de plaisir, d’espoir, de
perspectives, se retrouvent en ces jeunes « héros » qui leur ressemblent.

Dans toutes sociétés le jeune à la recherche « d’idoles » se tourne tout naturellement vers le sport, la
chanson ou le cinéma. A l’heure actuelle chez nous émergent des figures qui font vibrer les jeunes : je
pense immédiatement à Ahmed Soultan qui est en passe d’incarner “l’idole des jeunes’’ et qui par son
talent, sa spontanéité, et son physique, est certainement celui qui draine le plus de fans. La seule annonce
de sa présence à une manifestation déplace les foules ; lui-même d’ailleurs s’implique pour des causes
humanitaires, des associations... Il a ainsi accepté de soutenir le combat des jeunes de Sidays contre le sida.
Mustapha Slameur quant à lui de par ses textes, sa voix, les thèmes qu’il traite, est en passe d’être le “Grand
Corps Malade” Marocain ; j’ai assisté à sa première prestation publique lors de la seconde édition de “Escale
à la sqala” - nouveau rendez vous culturel mensuel des associations Marocains Pluriels, Sqala et Droit de
Cité - et en 3 slams il a conquis le public de plus de 300 jeunes... C’est aussi Si Simo, jeune rappeur dont les
chansons collent à la peau et à la vie de la jeunesse Marocaine, ou encore Oum, diva de la nouvelle scène
qui incarne si bien le métissage des sons, des rythmes, des origines... Une réflexion de Valérie Morales Attias,
femme de communication s’il en est, m’a paru fort bien résumer ce phénomène de société auquel nous
assistons : la naissance d’une sorte de “star système” dans le bon sens du terme où des jeunes deviennent
artistes et franchissent ce statut pour accéder à celui de star, d’où la naissance du phénomène de “fans” qui
les aiment, les suivent, les approchent et y trouvent source de plaisir...

Alors bien sûr se trouvent des esprits chagrins pour déjà s’insurger ! Il faut au contraire se réjouir de voir des
jeunes, issus du peuple, accéder à ce statut d’artistes “adulés” et voir notre jeunesse s’y identifier... Ce sont
autant de “modèles” positifs, de repères identitaires, et d’exemples motivants qui émergent. Dans le cinéma
aussi apparaissent de jeunes acteurs charismatiques susceptibles d’avoir cette fonction, tels Nour-Eddine
Lakhmari, Latefa Ahrrare, Younes Bouab... De grâce ne cassons pas ces jeunes “héros” car nous priverions
notre jeunesse d’images identitaires valorisantes et motivantes.
Vive nos “idoles des jeunes” !

50 N18 METROPOLIS JANVIER 2014

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