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Fleur LARONZE

Maître de conférences HDR en droit social


Université de Haute Alsace

Document n° 5 : La convention collective et les sources du droit du travail

Les sources du droit du travail

Résoudre les trois cas pratiques suivants :

Cas pratique n° 1
L’entreprise de fabrication de meubles JUNG, située à Strasbourg connaît actuellement
d’importantes difficultés économiques. Afin d’éviter une aggravation fatale de ces difficultés
l’employeur a proposé à ses 59 salariés de signer un avenant à leur contrat de travail, prévoyant
que le montant de leur prime de Noël sera de 100 euros jusqu’au rétablissement de la situation
de l’entreprise. Tous les salariés ont accepté de signer cet avenant à leur contrat de travail mais
l’un d’entre eux, Monsieur RAPP est scandalisé. Il vient de consulter l’accord conclu entre M.
JUNG et les délégués du personnel en 1998 qui prévoyait une prime de Noël de 300 euros. M.
RAPP considère que la disposition de l’accord de 1998 demeure applicable et que les avenants
signés par les salariés ne sont pas applicables. Il prévient son employeur qu’il n’a pas
l’intention de se laisser faire. Inquiet, Monsieur JUNG envisage de conclure un accord collectif
avec les syndicats représentatifs.
Qu’en pensez-vous ?

Cas pratique n° 2
Dans l'entreprise Tastrof, le directeur général est un ancien commercial qui a beaucoup de mal
avec le droit du travail notamment, s’agissant de l’articulation des diverses sources. Il s’adresse
à vous :

« Une directive très récente mais de je ne sais plus où a élargi le congé parental en donnant un
mois de congé aux pères : j'ai eu évidemment 45 demandes en ce sens la semaine dernière, de
la part de plus ou moins jeunes papas : or rien de tel dans le Code du Travail ! Je leur ai donc
refusé le droit de s'absenter un mois plein : mais deux d'entre eux sont partis quand même en
me disant que le droit communautaire est supérieur au droit français : je vais les sanctionner. »
Que lui conseilleriez-vous ? Le directeur général a-t-il raison en sanctionnant les salariés ?

Cas pratique n° 3
Madame Piarello, salariée de l’entreprise Forstner, voudrait pouvoir bénéficier de la règle
prévue dans l’accord de branche applicable à son entreprise qui prévoit un volume d’heures
supplémentaires (198 heures sur l’année) moins important que celui de l’accord d’entreprise
(220 heures sur l’année). La salariée préférerait ne pas avoir à réaliser autant d’heures
supplémentaires, à la demande de l’employeur, elle avait refusé de signer une convention de
forfait jours l’année passée pour cette raison.
Quel est l’accord collectif applicable ?
Que peut faire l’employeur pour mettre en place une convention individuelle de forfait jours
sur l’année avec certains salariés de l’entreprise ?

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Rappel de la méthode du cas pratique :

Étape 1 : lecture et qualification juridique des faits = Précision du domaine


de droit

En présence d’un problème, la façon dont il est relaté relève du langage de chacun, un langage
non spécialiste. Il ne faut pas s’arrêter aux mots employés par la personne qui relate les faits
d’un problème, des faits importants peuvent avoir été omis et des éléments peuvent sembler
importants alors qu’ils ne constituent que des détails insignifiants. Les sujets d’examens sont
ainsi faits que vous trouverez tous ces problèmes, et que vous devrez les résoudre avant de
rédiger votre solution. Les deux premières lectures du sujet sont donc très importantes.

Dans une première lecture rapide (sans rien noter au brouillon), vous devez identifier 3
éléments importants que vous garderez toujours à l’esprit par la suite :

1. Combien y a-t-il de problèmes de droit distincts ?


Une personne peut parfaitement vous exposer des problèmes distincts, comme elle exposerait
différents maux à son médecin. Par exemple, il peut vous expliquer qu’un commerçant l’a volé,
un automobiliste a embouti l’arrière de sa voiture, un internaute a porté atteinte à l’intimité de
sa vie privée en publiant des photos de lui sur les réseaux sociaux, etc. Il s’agit de questions
distinctes, qu’il vous faudra traiter de manière distincte.

Mais faites bien attention : il y a parfois des sous-questions distinctes au sein d’une même
question. Par exemple, dans le dernier exemple, une personne pourrait envisager d’agir contre
l’internaute indélicat afin d’obtenir indemnisation et contre l’hébergeur des images afin d’en
obtenir le retrait ; il s’agit là de deux voies de droit distinctes, et de deux problèmes différents
qui devront être traités séparément.

L’essentiel est donc ici d’imaginer, dans votre tête, le schéma général et abstrait de votre
réponse.

2. Quelles sont les parties ?


Les faits de certains cas pratiques sont parfois très complexes. Il vous faudra donc bien
identifier quels sont les intervenants : qui est la personne à défendre, contre qui elle veut agir,
avec qui elle pourrait agir, etc.

3. Quelle est la chronologie ?


Vous devez remettre les faits dans l’ordre chronologique, afin de bien les comprendre.

Cette question est parfois facultative, lorsque les faits se déroulent dans une courte période de
temps. Dans d’autres cas, la chronologie peut-être importante. Par exemple, si une décision de
justice a déjà été rendue sur l’un ou l’autre des problèmes que votre client vous expose, vous
devrez rechercher si l’autorité de la chose jugée ne vous empêche pas d’agir à nouveau.

Vous devez ensuite procéder à une deuxième lecture approfondie (en notant au brouillon),
en faisant le tri des faits. Utilisez une page de brouillon par problème de droit distinct (cf.
première lecture) et inscrivez sur cette page tous les faits. Vous devez inscrire les faits

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pertinents en laissant de côté les faits qui n’ont pas d’incidence juridique, dans le bon ordre
chronologique (cf. première lecture), et surtout en les qualifiant en droit.
La qualification des faits est une étape extrêmement importante : vous devez formuler, en des
termes juridiques, les faits bruts exposés dans le cas. Par exemple, s’il est écrit qu’une personne
a mis une photo d’une autre personne (que vous conseillez) sur un réseau social, vous devez
penser (et écrire au brouillon) « publication », « sur Internet », « atteinte à l’intimité de la vie
privée », « fait générateur de responsabilité civile ».
À mesure que vous qualifierez les faits, les grandes questions abstraites issues de la première
lecture (v. supra) se préciseront. Des sous-questions apparaîtront alors plus clairement. Par
exemple, « publication sur Internet » amène la question : contre qui agir ? et plusieurs réponses
: contre l’internaute pour obtenir indemnisation, contre l’intermédiaire technique pour obtenir
le retrait de la photo litigieuse. La qualification des faits vous permet donc de créer la première
structure, plutôt grossière, de votre raisonnement.

Faits pertinents et faits anodins

Vous ne pouvez pas encore savoir, à ce stade, si certains faits du cas sont pertinents et anodins.
Par exemple, si les circonstances précises d’un accident sont relatées, certains faits a
priori anodins peuvent être importants par la suite pour caractériser une faute, une négligence,
ou le contrôle, l’usage et la direction de la chose qui a provoqué l’accident par un tiers. Ne
notez pas tous ces faits au brouillon (perte de temps), mais gardez-les à l’esprit : vous
reviendrez lire le cas plus attentivement en cas de doute.

D’autres faits sont sans aucun doute anodins. Par exemple, la marque ou la couleur des voitures
impliquées dans un accident de la circulation ne sont pas importants. Ils pourraient l’être dans
un véritable cas, mais pas dans un sujet d’examen.

Etape 2 : élaboration du raisonnement

L’étape 2 consiste à construire votre raisonnement juridique afin de répondre à la question qui
vous est posée. S’il y a plusieurs questions (v. supra), vous devrez élaborer un raisonnement
distinct pour chaque question.

Le raisonnement juridique dans un cas pratique est toujours syllogistique. Le syllogisme,


raisonnement aristotélicien en 3 temps, fonctionne ainsi :

Premièrement (la majeure) : énoncé de la règle de droit


Deuxièmement (la mineure) : énoncé des faits
Troisièmement (la solution) : application de la règle de droit aux faits (et conclusion)

Premièrement, l’énoncé du droit. Il ne s’agit pas de réciter votre cours, encore moins de
recopier des articles de lois ou des motifs d’arrêts. La difficulté est de trouver la bonne règle
de droit, celle qui vous permettra de donner une réponse appropriée à votre client. Lorsque
vous avez trouvé la bonne règle de droit (c’est-à-dire le bon fondement), vous devez en
vérifier l’interprétation par la jurisprudence.

Piège : vouloir en dire trop


Ne citez jamais un fondement (article de loi, décision de justice, etc.) que vous n’utiliserez pas
par la suite. Non seulement vous ne gagnerez aucun point en récitant votre cours, mais cela

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vous en fera perdre car votre raisonnement perdra une partie de sa cohérence. Dire des choses
inutiles, c’est aussi grave, parfois même plus grave, que dire une chose inexacte.

Deuxièmement : l’énoncé des faits. Il s’agit ici d’exposer les faits avec leur qualification
juridique. Faites des phrases avec les éléments de langage que vous avez notés au brouillon lors
de votre 2ème lecture du sujet. Parfois, il vous faudra discuter de la qualification des faits, qui
n’est pas évidente. Dans ce cas, faites simplement un nouveau syllogisme : la règle de droit qui
permet cette qualification (par exemple, l’article de loi qui définit l’institution en cause), les
faits, et la conclusion (la qualification).

Troisièmement, la résolution du problème, par application du droit aux faits. Si les deux
premières étapes sont bien traitées, la troisième est très courte car la conclusion va de soi.

Exemple
Une personne a violemment poussé Marc (votre ami que vous conseillez) dans la rue, il est
tombé et s’est cassé la jambe. Il vous demande ce qu’il peut faire.
Vous lui répondez ainsi :
Droit : L’article 1382 du Code civil dit que toute personne causant un préjudice par
sa faute doit le réparer. La jurisprudence accorde des dommages-intérêts pour
les préjudices corporels.
Or, en vous poussant violemment dans la rue, la personne a commis une faute. En tombant,
vous vous êtes cassé la jambe, ce qui vous a causé préjudice corporel.
Par conséquent, le défendeur doit réparer sa faute en vous versant des dommages-intérêts.

Étape 3 : la rédaction

La rédaction n’obéit pas à des règle strictes. Certains conseils peuvent toutefois être donnés :

Lisez bien l’énoncé. Si l’on vous dit de répondre à une personne qui vous demande conseil,
répondez-lui, sur le fond comme sur la forme.

L’introduction est utile à expliquer votre plan, c’est-à-dire les différentes questions de droit
dégagées lors de la première lecture. Ne résumez ou recopiez jamais les faits dans
l’introduction, c’est inutile et redondant (puisque les faits interviennent dans le syllogisme).

Aucune conclusion n’est nécessaire, le syllogisme suffit.

Faites apparaître votre plan, en écrivant les titres, de manière claire et directe, sans fioriture.
Par exemple : I. Action contre M. X. en responsabilité civile ; II. La question de l’atteinte à la
vie privée ; III. L’exequatur de la sentence arbitrale, etc.

Faites des phrases courtes et gardez toujours 5 minutes en fin d’examen pour vous relire.

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