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THEME n° 7

Initiation au cas pratique

Le cas pratique est une sorte de consultation juridique. L'énoncé présente des faits de nature à
conduire à un litige, et il est demandé d'apprécier les actions possibles de la part de l'un et/ou l'autre
des protagonistes. Le but n'est pas tant de trouver la solution du cas (celle-ci se discute le plus
souvent) que de montrer ses capacités juridiques d'analyse et surtout de raisonnement.

L'exercice peut être découpé en cinq points.

1. L'introduction : le bref rappel des faits

L'introduction du cas pratique consiste à rappeler brièvement les faits et à présenter le litige. Il ne
s'agit pas de recopier tout l'énoncé, mais simplement d'expliquer à grands traits (en trois ou quatre
phrases) ce dont il s'agit : par exemple, indiquer en quelques mots comment un accident est survenu
et dire qui veut agir et pour demander quoi. Il n'est donc pas nécessaire de reprendre le détail des
faits qui seront utilisés dans les raisonnements ultérieurs.

Les faits doivent être présentés de façon sobre et selon les termes qui résultent de l’énoncé des faits,
tels que ceux-ci vous sont présentés.

L'exercice ultérieur (la résolution du cas pratique qui intervient plus tard) consistera à restituer aux
faits leur exacte qualification juridique afin d'aboutir à la solution probable du cas. Il ne faut donc
pas utiliser ici, en introduction, une qualification précise avant d'en avoir vérifié la pertinence.
Ainsi, dans l'hypothèse d'un échange de lettres en vue de la conclusion d'un contrat, les termes «
offre » ou « offrant » ne doivent pas être utilisés sans avoir d'abord vérifié, dans le corps du cas
pratique, que les propositions de contracter étaient bien fermes et précises (puisque, dans
l'hypothèse inverse, il n'y a ni offre ni offrant).

2. La formulation des questions juridiques à résoudre

L'énoncé du cas se termine en général par une ou plusieurs questions. S'il y a plusieurs questions
précises, il faut en général répondre, dans l'ordre, à chacune d'elles. Parfois cependant, elles étaient
énoncées de façon désordonnée et il est possible de les regrouper en quelques grandes questions.
L'énoncé peut au contraire se terminer par une seule phrase très générale du type: « Qu'en pensez-
vous (du cas)? », ou encore « Quid juris? » (qu'en est-il en droit?). Il faut alors essayer de cerner et
de comprendre le problème juridique qui se pose et le diviser en plusieurs sous-problèmes ou sous-
questions à résoudre.
Quoi qu'il en soit, la ou les questions doivent être explicitées puis reformulées en termes juridiques
afin de bien poser le problème de droit. Si un homme marié vous demande si, compte tenu de la
situation, il peut divorcer, la question est déjà juridiquement formulée et il faudra simplement
envisager les différents cas de divorce possibles. Si en revanche il vous demande, selon une
formulation juridiquement moins précise, « s'il peut mettre fin à son mariage », il faudra énoncer
qu'il y a deux voies possibles pour atteindre cet objectif : de façon rétroactive par la nullité, ou
uniquement pour l'avenir avec le divorce.

3. Le plan : les différentes pistes juridiques possibles

Il n'est pas question, dans un cas pratique, de faire un plan du type de celui d'un commentaire
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d'arrêt : le cas pratique ne se divise pas en parties et sous-parties formelles du type I. A./B. et II.
A./B.

Le propos doit certes être découpé, mais le plan est pratique et concret, et non pas théorique et
abstrait : le découpage se fait en fonction des questions juridiques à envisager successivement. Le
cas pratique consiste à rechercher les différentes pistes possibles pour résoudre le cas, c'est-à-dire
les fondements juridiques adéquats permettant à la personne qui vient vous consulter d'obtenir
satisfaction. Seuls les fondements évidemment inutiles doivent être évacués dès la fin de
l'introduction ; tous les autres doivent être explorés, même s'ils se révèlent finalement inopérants.
Pour reprendre l'exemple précédent, si la question générale posée était celle de la possibilité d'un
divorce, tous les cas de divorce autorisés en France devront être successivement envisagés pour
déterminer si l'un d'eux peut en l'espèce permettre de dissoudre le mariage ; mais si par exemple on
vous dit que l'épouse s'oppose au divorce, il n'est pas nécessaire d'envisager le divorce par
consentement mutuel et il faudra simplement l'évacuer en introduction. S'il s'agit d'un cas de
responsabilité civile, tout dépend de la complexité de la situation ; vous êtes en principe consulté
par les victimes et, dès lors : soit il y a plusieurs victimes et vous devez envisager tour à tour leur
situation ; pour chaque victime, le plan peut alors s'ordonner autour des différents défendeurs
envisageables (s'il y a plusieurs co-auteurs du dommage) ; s'il n'y a qu'un responsable possible, le
découpage se fait selon les différents fondements envisageables pour le poursuivre ; enfin à
l'intérieur de chaque fondement, il s'agit simplement de vérifier, l'une après l'autre, que toutes les
conditions de mise en œuvre de ce type de responsabilité sont réunies.

Les intitulés des divisions doivent dès lors être très simples et très pratiques : ce sont le plus
souvent des intitulés de cours. Par exemple s'il faut rechercher si les père et mère sont responsables
du fait dommageable de leur enfant mineur, on doit annoncer qu'on va examiner successivement les
différentes conditions requises pour que cette responsabilité soit retenue et les intitulés
correspondent alors à ces conditions, par exemple :
– Première condition : le lien de filiation ; – Deuxième condition : la minorité de l'enfant, etc.
Pour un plan ordonné autour des fondements envisageables pour une action, on peut indiquer :
– Premier fondement : la responsabilité du fait des choses ;
– Deuxième fondement : la responsabilité du fait personnel.

4. La résolution des questions

Chaque sous-question identifiée doit être résolue selon la méthode du syllogisme : il faut
déterminer la règle mobilisable et la façon dont elle s'applique aux faits de l'espèce.

Le syllogisme a toujours la structure suivante :

a) Majeure : La règle de droit.

b) Mineure : La qualification juridique, ou application de la règle de droit aux faits pertinents de


l’espèce.

c) Conclusion : La conséquence de l’application de la règle de droit aux faits de l’espèce, les effets
de droit attachés par cette règle à ces faits.

Reprenons cette structure dans le détail.

Il ne faut pas faire de longs développements abstraits sur la règle de droit applicable : il s'agit en
effet d'une consultation juridique et non pas d'une dissertation. Il faut dès lors entremêler, presque
phrase après phrase, un énoncé général et ce qui en résulte en l'espèce compte tenu des faits
connus : chaque condition d'application de la règle est par exemple vérifiée l'une après l'autre.

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Le défaut le plus fréquent consiste à conclure dès lors que l'on a énoncé la règle de droit
applicable, alors que les développements les plus importants dans un cas pratique sont ceux
qui reconstituent le raisonnement et permettent de justifier la solution retenue. Il ne suffit
donc pas, après avoir par exemple expliqué que le divorce pour faute suppose une rupture grave ou
renouvelée des obligations et devoirs résultant du mariage, d'en conclure qu'en l'espèce il y a faute :
les principaux développements doivent être consacrés à la démonstration que les faits de l'espèce
constituent véritablement une faute, c'est-à-dire un comportement que la personne n'aurait pas dû
avoir.

La majeure du syllogisme, c'est-à-dire la règle de droit applicable au litige, comprend


principalement l'énoncé du texte de loi pertinent, par exemple d'un article du Code civil.
Lorsque le texte n'est pas trop long, il est bon de le recopier in extenso ; s'il est plus long, il
faut au moins en citer les éléments précis les plus importants.

Une attention particulière doit être portée à la façon dont les arrêts sont mobilisés. Le droit
français n'est en effet pas un système du précédent, et l'invocation d'un arrêt antérieur allant dans un
certain sens n'est jamais la garantie que la solution sera toujours identique. Plus précisément, il faut
distinguer selon le type d'arrêt. S'agissant des arrêts de principe, c'est-à-dire ceux qui ont posé une
nouvelle interprétation d'une règle de droit, l'interprétation s'intègre au texte de loi et l'arrêt doit
donc être cité dans la majeure du syllogisme, en complément de l'énoncé de la règle applicable :
ainsi par exemple de l'arrêt Jand'heur qui découvre dans l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil
(ex-art. 1384 aujourd’hui) un principe général de responsabilité du fait des choses. En revanche, un
arrêt d'espèce, qui a donné une solution dans un cas d'espèce, ne doit pas être présenté dans la
majeure du syllogisme même s'il est similaire au cas pratique posé : il ne permet en effet en aucun
cas de conclure directement que la solution sera la même en l'espèce. Il faut donc toujours au
préalable reconstituer le raisonnement, en s'aidant le cas échéant de celui utilisé dans les arrêts
similaires que l'on peut connaître.

Tous les faits de l'énoncé doivent être pris en considération. Parfois, l'énoncé contient des faits
inutiles, comme un client pourrait raconter toute une série d'anecdotes sans conséquences
juridiques. Seuls les faits pertinents doivent être utilisés, c'est-à-dire ceux qui ont un intérêt pour
l'application des règles de droit mobilisées. À l'inverse il ne faut pas ajouter de nouvelles hypo-
thèses de fait que celles données dans l'énoncé. Si par exemple aucun fait de l'énoncé ne peut
permettre d'envisager une quelconque tromperie de la part d'un contractant, on ne peut inventer ou
supposer que ce dernier en a commis une. Cependant, lorsque, après avoir avancé dans un
raisonnement, la solution du cas dépend in fine d'un fait qui n'est pas précisé dans l'énoncé et que
l'on ignore, il faut présenter l'alternative qui existe. Il ne s'agit pas d'inventer que le fait ignoré est
dans tel ou tel sens, mais de poser que la solution dépendra de ce fait qu'on ignore : on peut alors
résoudre toutes les branches de l'alternative, en concluant pour chacune d'elles.

5. La conclusion

Le cas pratique doit comporter une conclusion. Il s'agit, parmi toutes les voies juridiques
envisagées, de conclure sur celle qui est la plus opportune et qui a le plus de chances de succès. Il
est souhaitable aussi d'apprécier globalement les chances de succès de l'action envisagée.

(Voir des exemples de cas pratique en annexe).

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