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Annales de la Société

d'éducation de Lyon

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Société nationale d'éducation de Lyon. Annales de la Société
d'éducation de Lyon. 1843-1915.

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/....DE LYOW
ANNALES
DE LA

SOCIETE NATIONALE

1905-1906

LYON
A. REY & G", IMPRIMEURS-ÉDITEURS
4, RUE GENTIL, 4

1906
SOCIETE NATIONALE D'EDUCATION
DE LYON
Reconnue d'utilité publique.

Salle des Sociétés savantes à la Mairie du 5e arrondissement.

BUREAU POUR 1907

Président MM. le chanoine MOLIN.


Vice-Président CLERC.
Secrétaire général
Secrétaire adjoint.
Bibliothécaire ....
Bibliothécaire adjoint. '.
LEGORJU.
RCCAST.
CLERC.
BOREL.
. .
Trésorier. PONCIN.

MEMBRES HONORAIRES
MM.
Le Préfet du Rhône (Président d'honneur).
Mgr COULLIÉ, cardinal^archevêque de Lyon. — 1893.
Mgr DADOLLE, évêque de Dijon.
MICHEL, U I., ancien instituteur, rue de la Loge, 2. — 1860.
GOYBET, ancien principal de l'Ecole de la Martinière, rue
Boissac, 7. — 1866. •
BESSE, l£ I., directeur du Pensionnat des Lazaristes, à
Lyon, 'professeur honoraire de l'Université, montée Saint-
Barthélémy, 24. — 1876.
ISAAC (Aug.), $(, président de la Chambre de.commerce de
Lyon, rue de la République, 1. — 1899.
BOURD-IN, Il A., ancien chef d'institution à. Lyon, à Ville-
chantria, par Saint-Julién-sur-Surran (Jura). — 1883.

MEMBRES TITULAIRES

BAUT, professeur, 30, rue des Remparts-d'Amay.


BOEL, SI A., ancien professeur ati Lycée Ampère, à Saint-
Germain-Laval (Loire). — 1880.
BOISARD (L'abbé), directeur des Ateliers d'apprentissage,,
rue de Crémieu, 13. — 1895.
6 SOCIETE NATIONALE
MM.
BONNARDET (L'abbé), vicaire général du diocèse de Lyon,.
palais de l'Archevêché. — 1885.
BOREL, avocat, ©ours Gambetta,. 52. — 1883.
BRUN (Emon,-Lucien), avocat, quai Tilsitt, 14. — 1892.
CHAPPET (Ed.), <^>, docteur en médecine, rue Malesherbes,.
n° 35. — 1887.
CLERC (A.), chef d'institution, rue Auguste-Comte, 19. — 1887..
DALMAIS (L'abbé), rue Malesherbes, 37.
DESGRAND (L.-P.), rue Victor-Hugo, 17. — 1899.
DUVEAU, chef d'institution, chemin du Lycée, 5 (Saint-Ram-
bert). — 1900.
GAIRAL (A.), <%<, professeur à la Faculté catholique de droit,.
place d'Ainay, 4. — 1881.
GENEVET (L'abbé), directeur de l'Ecole Ozanam, rue de Ven-
• dôme, 141. — 1899.
GUÊRIN, avocat, rue Franklin, 2. — 1890.

cour, S.¬
DE LAJUDIE, professeur à la Faculté catholique, rue Vaube-
LAURENT (Elie), artiste peintre, rue du Plat, 2. — 1896.
LEGORJU, Chef "d'institution, quai de la Charité, 37. — 1898.
MARMORAT, boulevard du Nord, 66. — 1883.
MATHEY, Il I., professeur de mathématiques à l'Ecole Cen-
trale, rue Vaubecour, 7. — 1859.
MOLIN (Le chanoine), supérieur de l'Institution de Notre-
Dame des Minimes, place des Minimes. — 1896:
PONCIN, ancien professeur de mathématiques au Lycée Am-
père, rue d'Enghien, 20. — 1899.
REUCHSEL (Amédée), IP A., compositeur de musique, rue de
l'Hôtel-de-Ville, 40. — 1903.
REY (A-), II, imprimeur-éditeur, rue Gentil, 4. — 1898.
ROUAST, avocat, quai de la Charité, 40. — 1887.
RUPLINGER, Il A., professeur d'allemand au Lycée Ampère,
rue Molière, 7. — 1881.
SARGNON, docteur en médecine, rue Victor-Hugo, 23. — 1902.
VERNAY (L'abbé), chanoine de la Primatiale, montée du
Chemin-Neuf, 21. — 1886.
FOUGÈRE, rue de Crillon, 80. — 1904,
RAPHANEL (L'abbé), aumônier du Pensionnat des Laza-
ristes, montée Saint-Barthéïemy, 18. — 1905.

MEMBRES CORRESPONDANTS

ALFANI, membre de l'Académie royale de la Crusca. —


<i<,
1872.
ANZOLETTI (M1'0), via délia Passione, 4, Milan. 1897.

BAECHLIN, chef d'institution (lauréat de la Société), rue de
la Comète, 9, Paris. — 1902.
D'EDUCATION DE LYON 7
MM.
BONNEL (Louis), Il I., professeur honoraire du Lycée de
Versailles, à Crémieu (Isère). — 1873.
BONNEL (Jules), Il A., professeur de philosophie au Collège
de Privas (Ardèche). — 1900.
BROCARD, directeur du Musée de Langres. — 1891.
GONNELI-CIONI, •&, directeur de l'Etablissement des phren-
asthéniques de Vercurago, province de Bergame (Italie).
— 1898.
SACHET (L'aibbé), curé de Sainté-Foy-lès^Lyon. — 1895.
CHAMPALAY (M110), Il A., rue Auguste-Comte 31, Lyon. —
1900.
VISMARA (Mme), via Vivaio, 22, Milan. — 1898.
TILLON (L'abbé), professeur au Petit-Séminaire de la Côte-
Saint-André (Isère). — 1901.
DUMAREST, docteur en médecine, Médecin en Chef du Sa-
natorium Félix-Mangini, à Hauteville (Ain). — 1902.
RAYNAUD (M110), professeur d'anglais, boulevard de la Croix-
Rousse, 46. — 1904.
SIEGFRIED, Compagnie de Fives-Lille, 20, rue des Capuci-
nes, Paris. — 1877.
MASSON (M16), (Louise), institutrice, place Saint-Clain, Lyon.
COMPTE RENDU DES TRAVAUX

DE LA

SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉDUCATION


DE LYON

pendant Vannée 1905


PAR

M. BESSE
Président

MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES,

L'année 19Q5 a eu le même caractère que 1904 au point


de vue du catholicisme et de la liberté de l'enseignement.
Commencée avec la fermeture de quatre cent soixante-six
établissements libres, elle s'est terminée par la loi de
séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il nous reste, donc à
continuer comme par le passé, et à soutenir les idées aux-'
quelles s'est consacrée la Société d'Education.

Nous avons encore perdu via autre .collègue, M. Aron


Franck, l'un de nos membres honoraires, qui était depuis
plus dé quarante ans parmi nous (élu le 17 octobre 1861).
Il était né à Sarreguemines (Moselle), le 9 décembre
1828. Il fit de brillantes études au lycée de Metz, d'où il
sortit en 1848, muni du diplôme de 'bacihelier es lettres,
entra en 1849 au lycée Gharlamagne, à Paris, pour y sui-
vre les cours de la section scientifique, et les couronna
en 1852 par le baccalauréat - es isciencesmathématiques,
grade disparu depuis plus de cinquante ans, et qui cor-
respondait alors à la classe de 'mathématiques spéciales.
Encore élève au Lycée, il publiait, dans1, les Nouvelles
annales de Mathématiques, la solution de diverses •ques-
Soo. EDUC, 1906. 2
10 SOCIÉTÉ NATIONALE •
,

tions de géométrie élémentaire et analytique, de questions


d'algèbre proposées par les journaux scientifiques. Il
-s'attira ainsi .l'attention et l'amitié bienveillante de
'M: Tèrquem, directeur des Annales, et celle de M. Le
Verrier, que la découverte de Neptune avait illustré ré-
cemment. Grâce à l'appui de ces deux notabilités, Franck
fut nommé régent de mathématiques au collège de< Mon-
tauban, en janvier 1853, puis l'année suivante au collège
de Sarreguemines, sa ville natale.
Désireux de compléter ses études, il demanda et obtint
un congé en 1856, pour venir suivrè.les cours de la Faculté
de- Lyon, où il conquit le grade de licencié es sciences
mathématiques, le 25 novembre 1858. Cette année .même,
il demanda le renouvellement de son congé qui, de tem-
poraire, devint illimité.
Il s'était marié et avait ouvert, dès son arrivée à Lyon, •
une institution secondaire qui commençait à lui donner
quelque satisfaction. Dès lors, il ne quitta plus sa ville
d'adoption, se donnant tout entier et d'une façon exclu-
sive à sa tâche d'enseigneiment.

îl avait été nommé officier d'Académie le lor janvier
1884, et fut adjoint au Conseil académique de Lyon, de
1886 à 189?.
A la Société dl'Ëdùcation, il remplit plusieurs années,
et, à la satisfaction générale, les fonctions de trésorier.
Il était aussi vioe-pfésident dé la Société des Alsaciens-
Lorrains. Ses connaissances étaient très variées et très
étendues ; il laisse cependant peu de publications. Il nous
avait lu une 'dissertation sur la langue Kophte, et 'une
critique sur la méthode synthétique de M. Bréal, qui
furent très goûtées par tous nos membres. Mathématicien,
linguiste, orientaliste, il laisse surtout le souvenir d'un
'éducateur parfait, que nous avons vu à l'oeuvre, et dont
nous garderons le pieux souvenir.
Dans nos premiers travaux de l'année, M. Duveau nous
a fait une analyse remarquable dé l'ouvrage de M. Maxime
Targe, Professeurs et. Régents de Collèges da7is l'ancienne
Université de Paris.
Pour qui veut connaître la situation du personnel de ce
que nous appelons aujourd'hui l'enseignement secondaire
D'EDUCATION DE LYON il
dans les deux siècles qui ont précédé 1789, le livre de
M. Targe renferme les renseignements les plus complets
et les plus intéressants.
Voyons d'abord l'organisation de l'institution en ques-
tion.
L'ancienne Université de Paris était composée de quatre
.corporations distinctes, dont chacune avait son gouverne-
ment, ses officiers, ses lois et ses usages. C'étaient, dans
l'ordre hiérarchique : la Faculté de théologie, la Faculté
de .décret, la Faculté de médecine, la Faculté des arts. A
leur tête;, était le recteur (Amplîssimus dominus Hector),
dont la dignité était de l'ordre le plus élevé, et que l'his-
.torien du Boulay compare à celle d'un roi.
Le recteur était élu par la seule Faculté des arts et pris
dans son sein.
Son élection était dévolue à quatre délégués ou intranits,
nommés par chacune des quatre nations dont se composait
la Faculté. Ses fonctions duraient trois mois, d'après les
statuts, mais le plus souvent, cette condition n'était pas
observée. Il était chargé du maintien de la discipline, de
la haute direction des études, mais, surtout, il présidait
le tribunal de l'Université, qui jugeait les différends entre
les chefs de collèges, les professeurs et maîtres, à propos
d'affaires scolaires.
Si la dignité du recteur était haute, ses émoluments
étaient bien maigres. Aussi, le recteur continuait-il à
remplir- les fonctions de régent, et gardait son logement
plus que modeste.
Trois officiers principaux administraient l'Université
au-dessous du recteur, et sous son .autorité: le syndic,
chargé de faire observer les statuts et la discipline ; le
greffier, gardien des archives, et le questeur, agent-comp-
table de l'Université. Les- charges de ces trois officiers
étaient à vie.
L'ancienne Université aimait le faste. Elle saisissait
avec empressement toutes les circonstances de paraître en
public. Quatre fois par an, sans compter l'imprévu, les
quatre. Facultés et les Compagnies, qui tenaient de près
ou de loin à l'Université, ayant à leur tête le recteur, pré-
cédé de ses quatorze bedeaux, se. rendaient, en grand cos-
tume, dans une église pour y entendre la mes.se, et rêve-
12 SOCIETE NATIONALE
nâient dans le même ordre, au milieu dés Parisiens, très
friands d'un pareil spectacle.
La plus importante des Facultés, par le nombre de ses
membres, était la Faculté des arts, c'était exclusivement
parmi ses élèves que se recrutaient les étudiants des trois
autres.
Les professeurs distribuaient, ce. que nous appelons
maintenant l'enseignement secondaire. Elle se divisait,
elle-même en quatre nations : France, Picardie, Norman-
die, Allemagne ; celle de France était la plus importante.
La Faculté comprenait environ 70 professeurs, les élèves
atteignaient plusieurs milliers. Ils se répartissaient iné-
galement entre les nombreux collèges que possédait l'Uni-
versité et qui différaient sensiblement de ce que l'on ap-
pelle aujourd'hui un collège. Ils n'appartenaient ni à
l'Etat, ni à la ville, ni à l'Université. Us devaient leur
existence à l'initiative privée. Plusieurs ne donnaient pas
renseignement, leurs élèves, tous boursiers, allaient sui-
vre les cours du collège de plein exercice le plus voisin. -
; En • 1639, il n'y avait que neuf collèges de. plein exer-
cice. On y joignit plus tard ile collège fondé par Mazarin
et qui porta longtemps son nom. Les petits collèges'
étaient au nombre d'une trentaine. Plusieurs disparurent
dans le cours du siècle. Les classes étaient au nombre de
huit, de la Sixième à la Philosophie inclusivement. Cette
dernière comprenait deux classes, celle de Logique. et
ce'é' de Physique. Chacune avait un seul régent, chargé
de tout l'enseignement, mais qui se bornait à donner,
à temps perdu, aux élèves, quelques notions scientifiques.
Les spécialités étaient inconnues. Ce n'est que dans la
seconde moitié du xvm° siècle qu'on enseigna d'une façon
régulière les •mathématiques et la physique expérimentale.
On peut donc voir que, jusqu'à cette époque, les sciences,
dans l'ancienne Université de Paris, étaient encore plus
sacrifiées qu'aujourd'hui, dans les classes A, dites latin-
grec.
Dans la Faculté des arts, les régents de collège en î&i-
saiènt la principale force. Ils étaient, pour ainsi dire, la
pierre angulaire de l'édifice. Sur eux reposait tout le
poids et tout le succès de l'enseignement. La plupart
étaient des hommes du plus grand mérite.
D'EDUCATION DE LYON 13

:
Telle était l'organisation de /rancienne Université de
Paris.
M, Duveau nous a exposé ensuite l'origine et le recrate-
.

ment des régents.


Pour obtenir une régence, il suffisait d'avoir la maîtrise
es arts. Cette maîtrise s'obtenait assez facilement quand
on était élève de l'Université, .mais cette dernière en écar-
tait impitoyablement tous les congréganistes et même les.
élèves des congréganistes, dans la crainte .d'être envahie
et supplantée par les ordres religieux. Les régents que
préférait l'Université étaient ses anciens boursiers. Elle
les avait vus à l'oeuvre, elle les avait formés. Ils connais-
saient les habitudes de la maison ; ils étaient de goût mo-
deste, comme le régent lui-même était forcé de l'être, par.
insuffisance de .ressources, car sauf celles du collège Ma-.
zarin, les bourses étaient tellement faibles, que les malr
heureux élèves n'arrivaient à.finir leurs études qu'à force
de privations. C'est pourtant de là que sont sortis des
hommes remarquables, dont le plus illustre est Rollin,
l'auteur si connu du Traité des études. Si donc, la régence
était un .gagne-pain assuré, ce gagne-pain était si pénible
et si peu rémunéré que, dès le xvnG siècle, le recrutement
était déjà des plus difficiles.
Après le recrutement des régents, les.examens auxquels
ils préparaient, c'était le baccalauréat es arts, la licence
et la maîtrise es arts. Pour se présenter devant la Faculté,
le candidat au baccalauréat es arts devait avoir passé, au '
• moins ses deux dernières années d'études, dans un col-
lège de l'Université. Les candidats d'autrefois étaient au
moins aussi habiles que ceux d'aujourd'hui à tromper la
surveillance des examinateurs, si l'on peut en juger.par
les longues et minutieuses formalités qu'imposait la po-
lice des examens, formalités qui nous paraîtraient aujour-
d'hui aussi bizarres qu'impraticables, .""
Le baccalauréat s'obtenait par un examen oral seule-
ment, qui durait trois heures, et portait sur les matières
du cours de Philosophie. Il avait lieu en latin, avec la
plus grande courtoisie. Un candidat, même manifester
ment ignorant, était toujours qualifié d'Erudilus candi-
datus, et Fe.xaminateur, quel qu'il fût, était toujours, pour
le candidat, meritissimus examinator, A en juger par les.
14 SOCIETE NATIONALE
protestations qui s'élevèrent à diverses reprises contre la
façon dont se -passaient (les examens, il semble que le
niveau du baccalauréat es arts n'était pas trop élevé.
Tout élève de Philosophie, ayant fait régulièrement ses
deux années d'études, était à peu près sûr du succès. Le
candidat, d'ailleurs, était presque toujours interrogé par
ses professeurs mêmes, qu'il connaissait et dont il était
connu.
La licence es arts n'était pas plus difficile à obtenir que
le baccalauréat ; elle portait sur les mêmes matières, et,
dans la pratique, il n'y avait presque pas d'intervalle
entre les deux épreuves. Ce nouvel examen était surtout
une dispute, une argumentation, comme on disait alors,
entre les candidats et l'examinateur. Pour le baccalauréat,
on ne délivrait pas de diplôme, mais un simple certificat.
Pour la licence, un diplôme était délivré au nom du pape,
par le chancelier de Notre-Dame ou celui de Sainte-Gene-
viève alternativement, ces derniers ayant été investis par
le pape, .dès le xni° siècle, de conférer le droit d'enseigner,
et s'étant maintenus en possession de ce privilège, malgré
tous les efforts de l'Université pour les en dépouiller.
Le bachelier, devenu licencié, était proclamé maître
es arts. La cérémonie se faisait avec solennité, le bonnet
était l'insigne du nouveau grade, et surtout un symbole
de liberté. L'étudiant cessait d'être un écolier. Il n'était
plus exposé, comme l'esclave antique, à la férule, aux
verges, aux châtiments corporels. Il devenait maître H son
tour.
Une fois .pourvu de la maîtrise es arts, le candidat qui
voulait professer, s'adressait au principal d'un collège, le
plus souvent de celui où il avait été élevé. Le principal
présentait le futur régent au Conseil de l'Université pré-
sidé par le recteur, et c'est ce Conseil qui donnait l'inves-
titure officielle. D'après les statuts, lie régent, une fois
nommé, était inamovible, mais les principaux violèrent
souvent cette disposition, et il fallut que le Conseil acadé-
mique intervînt dans les difficultés entre principaux et
régents. Les causes de désaccord ne manquaient pas. Outre
celles qui sont inhérentes aux embarras du métier, beau-
coup d'autres provenaient des circonstances. Les régents
étaient logés dans le collège et souvent fort mal. Dans
D'EDUCATION DE LYON 15
telle maison, .une seule chambre .carrelée avec une che-
minée. On peut juger des souffrances des maîtres. Le.
principal parfois les nourrissait avec parcimonie ; de là,
de fréquentes contestations qui détruisaient, les bons rap^
ports des uns et des autres. Il devait pourvoir à l'entretien
de la maison et de ses habitants. Mais, par une singulière,
anomalie, il n'était pas nommé par l'Université. Les col-
lèges étant dus à des fondations particulières, le fondateur
avait transmis tous ses droits à de grands personnages,
habituellement de hauts dignitaires, ecclésiastiques, Le :
principal était nommé par eux souvent sans être familia-
risé avec toutes les difficultés d'une administration de
collège. De là, des tiraillements entre l'Université, les
régents et lui. Cette mésintelligence entre gens dévoués à
la même oeuvre, et qui auraient dû y travailler de con-
cert-, était certainement très fâcheuse, et ne pouvait que
nuire à la prospérité des collèges, -ce qui arriva fréquem-
ment.
Le professorat était bien plus fatigant qu'aujourd'hui.
Au XVII3 siècle, il y a dix heures de classe par jour, au
XVIII0, quatre heures et demie seulement. Il n'y a pas de .,

classes l'après-midi du samedi, le mardi et le jeudi la


classe du soir n'est que 'd'une heure.
Les fêtes étaient nombreuses en dehors du dimanche,
mais personne ne s'en plaignait. Chacun avait quelques
classes de moins. Les vacances étaient d'un mois, celui
de septembre, pour la philosophie, de trois semaines
pour la rhétorique et les humanités, de quinze jours pour
les autres classes.
Pendant le cours de: l'année scolaire, les régents parti-
cipaient à la surveillance de la maison et devaient assister
aux offices, chose naturelle la plupart étant prêtres.
Avant le xvne siècle, les-exercices-de la classe sont pure-
ment oraux, au xvn° siècle et au XVIII0, on y fait des de-
voirs écrits que le professeur doit corriger. Dans la classe,
on ne parlait d'autre langue que le latin, mais le principal
exercice, le plus goûté, c'étaient des soutenances de
thèses, des disputes scolaires, .des argumentations enfin,
sur un point de la Philosophie ou des Humanités grecques
ou latines.
Cela se faisait avec.le plus grand apparat et devant un
16 SOCIETE NATIONALE '

public-. nombreux. On pouvait alors parler français ou


latin.
'< Un travail difficile et pénible incombait aux régents

des classes supérieures. Pour la distribution des prix,


l'un-d-eux devait composer une tragédie latine. On juge
dé l'ennui qui en découlait pour les auteurs, les acteurs
et les auditeurs. A la rentrée, c'était un discours; latin
sur des matières d'éducation et d'enseignement. Il y en
eut de fort bons.
L'origine de l'Université était tout ecclésiastique. Aussi,
pendant longtemps, les maîtres étaient-ils tous prêtres, ou
au -moins .célibataires. Peu à peu, des hommes mariés, se;_
glissèrent parmi eux. Cette considération amène Hauteur
à deux graves questions qui ont agité les esprits pendant,
plusieurs siècles: le mariage des régents et leur traite-
ment.
Gréée par les souverains pontifes, en plein moyen âge,
alors que tout savoir était entre les mains des clercs,
l'Université n'avait et ne pouvait avoir que des profes^-
seurs ecclésiastiques. D'assez bonne heure, cependant, la.
Faculté de médecine devint entièrement laïque. Il n'en fut
pas de même des autres Facultés, Cependant, dans le
XVIe siècle, on voit des régents mariés dans la Faculté
des arts, celle qui fait l'objet de l'ouvrage de M. Targe,
et qui, comme nous l'avons dit déjà, donnait ce qu'on
appelle renseignement secondaire.
Mais ils sont mal vus de leurs collègues et molestés par
eux, au point de quitter l'Université. Au xvif siècle, leur
nombre s'accroît et on les voit briguer les charges les
plus honorables de l'Université, mais ce ne fut pas chose
aisée. Il y eut entre- eux et leurs collègues ecclésiastiques,
qui étaient les plus nombreux, de violents démêlés qui fu-
rent portés tantôt devant les Tribunaux universitaires, tan-
tôt devant le Parlement et jusque devant l'autorité royale
elle-même. Il n'y eut jamais de décision rigoureuse contre
les régents mariés, niais les animosités persistèrent entre
les deux catégories de professeurs. Jusqu'à la Révolution,
l'Université conserva, à l'égard du mariage, l'esprit qui
l'anima dès l'origine. Les préventions, à cet égard, étaient
si fortes, que Napoléon, en créant l'Université moderne,
prescrivit aux professeurs le célibat et la vie commune.
D'EDUCATION DE LYON W
On sait que, Victor Cousin partageait cette manière de
voir, et lé fit sentir à beaucoup de membres de l'Univer-
sité pendant son passage au Ministère de l'Instruction
publique; La forcé des choses, les changements introduits
dans l'opinion par les doctrines libérales eurent bientôt
raison de ces prescriptions.
Les prêtres devinrent bientôt l'exception dans l'Univer-
sité de France. A l'inverse de ce qui se pratiquait autre-
fois, on n'en trouve presque plus dans les lycées et collè-
ges, sauf les aumôniers chargés du service, de l'enseigne-
ment religieux.
Cette question du mariage, si sérieuse qu'elle parût à
l'Université, ne l'était pas plus pour ses membres que
celle de leurs moyens d'existence.
Malgré son titre de fille aînée des rois de France, l'Uni-
versité de Paris était pauvre, et ne participait à aucune
portion des revenus publics.
Ses ressources passèrent par trois phases d'inégale lon-
gueur.
Dans la première, qui va de l'origine de l'Université à
1639, les professeurs tirent leur salaire-de leurs élèves ex-
clusivement. La somme était variable et fixée par l'usage
ou par un contrat librement d'ébattu. Par suite, les res-
sources du régent étaient proportionnelles au nombre de
ses élèves. Les classes les plus nombreuses étant celles
de philosophie, les régents de ces classes étaient fort à
leur aise, tandis que leurs collègues des classes d'huma-
nité et de grammaire, végétaient dans la pauvreté et
même dans l'indigence.
La remise des honoraires était accompagnée de: prati-
ques étranges. Chaque semestre, les .élèves les remet-
taient dans un gobelet de cristal, au son des fifres et dés
tambours. Les maîtres, en retour, offraient à leurs élèves,
sous le nom de Lendit, des fêtes qui duraient plusieurs
jours et se passaient en festins et en débauches. Les
élèves rendaient la pareille à leurs professeurs. Ces fêtes
appelées Minervalia furent interdites par le règlement
de 1600, mais il fallut longtemps encore pour que l'aboli-
tion fût définitive.
En 1639, grâce à l'intervention de Richelieu, ancien é'ève
du collège de Navarre, et fort bienveillant pour ses anciens
18 SOCIETE NATIONALE .7

professeurs, l'Université joignit à la rétribution fournie,


par les élèves, une .ressource jusque-là inutilisée. Pour le
service de ses élèves, elle avait créé, dès longtemps, des.
messagers qui s© rendaient jusque dans les Etats voisins.
Peu.à -peu, ces messagers avaient joint à cela toutes sortes.
de services' rétribués par les. particuliers. L'Université
finit.par en tirer parti à son profit, et le premier partage
de ce boni entre lès régents eut lieu cette année1639, Dès
ce. moment, et pendant une" période dé quatre-vingts ans,
outre la rétribution payée par les élèves, les principaux et.
régents se partagent le produit dés messageries.. Les irai-,
tants firent de nombreux efforts pour mettre, la main sur.
cette source de revenus,, qui s'accrut considérablement/
Il fallut que l'autorité royale intervînt. De concert avec
l'autorité académiquei, il, fut décidé que les. messageries
universitaires seraient réunies à celles du roi et que l'Uni-
versité recevrait un vingt-huitième de leur produit. Cet
état dé choses,dura jusqu'en 1720, époque où le roi liquida
le vingt-huitième du prix du bail, revenant à l'Université,-
et le fixa à 120.528 livres, à prendre sur le bail général
pendant tout son cours. Il se chargea, en même temps, de
servir aux principaux et régents un traitement fixe destiné
à remplacer la rétribution payée par les familles, à condi-
tion que l'enseignement serait entièrement gratuit. La me-
sure fut accueillie avec la plus grande satisfaction par les
maîtres et les élèves. De grandes fêtes eurent lieu à ce sujet.
Les lettres patentes portaient, en outre, que, le traitement
fixe une fois payé, le reliquat du produit des messageries
serait réparti entre les principaux et régents. 'Ce revenu,
pris sur les messageries, aurait dû augmenter à -mesure
que les bénéfices s'en élevaient, 'mais il resta à peu près
fixe, sauf une légère augmentation accordée en 1756, à
force de démarches de la part de l'Université. Quoi qu'il
en soit, ce nouveau système de rétribution présentait
d'inappréciables avantages. Les maîtres allaient, désor-
mais, obtenir le paiement de leurs honoraires sans diffi-
cultés, sans sollicitations, sans procès. Ils étaient indé-
pendants des familles et de leurs exigences souvent peu
raisonnables.
.
Cet état de choses dura jusqu'à la Révolution. Malgré
tout, les professeurs étaient loin de,faire fortune. Le re-
D'EDUCATION DE LYON 19.

venu moyen des plus rétribués n'allait pas au-delà de


1.750 livres, somme-bien modeste, eu égard à la cherté'
.croissante des subsistances..
Il est vrai que les régents .
avaient d'autres- avantages
accessoires. Ils devaient être logés et nourris par le prin-
cipal. Mais, avec le temps, celui-ci trouva moyen de se
décharger die cette obligation. Ils pouvaient aussi, comme
aujourd'hui, recevoir des pensionnaires chez eux et don-
ner des leçons particulières, ce qui atténuait un peu l'état
précairei de leur existence. Un autre avantage1, assez con-
sidérable, existait pour ceux qui avaient reçu au moins, la
tonsuré,' et surtout. pour les docteurs en théologie., de.
participer à ce qu'on- appelait l'expectative. C'était , la
faveur d'être inscrit sur la liste de ceux qui pouvaient aspi-
rer à un bénéfice, nom donné aux revenus attachés, à
certaines fonctions ecclésiastiques, si nombreLises- jadis.
Malheureusement, le-nombre des candidats devint si
grand, que la plupart n'obtenaient rien, les bénéfices
importants étant presque toujours réservés aux cadets,
des grandes familles, il ne restait que ceux qui rappor-
taient peu de chose.
Cependant, que devenaient .les professeurs âgés, hors,
d'état de continuer leur service, et que--l'on qualifiait
démérites, nom que l'ignorance a singulièrement écarté
de son vrai sens. Le sort de ces vétérans était, de tous
points, lamentable. Pendant le cours de leurs travaux, à
peine avaient-ils pu, avec leur maigre traitement, subve-
nir à leurs besoins. Arrivés à la vieillesse-, à l'éméritat,
ils ne possédaient rien et ne pouvaient que Anvre et mourir
dans la misère et l'abandon. Ce n'est qu'après la part faite
à l'Université, dans les baux de messageries, que Témérité
reçoit un traitement de retraite fixe, mais encore, en 1740,
ce traitement n'allait pas au delà de 550 livres. En 1759,
il fut porté à 750 livres. Pour vivre, il fallait, ou donner
des leçons particulières, ou accepter dans le collège une
participation à la surveillance, à moins de jouir de la rare
faveur d'un bénéfice.
La jouissance de la pension de retraite n'était pas non
plus sans entravespour l'Universitaire. Aujourd'hui, quand
un professeur obtient sa retraite, il entre dans une pé-
riode de repos complet. On ne la lui accorde, d'ailleurs,
20 SOCIETE NATIONALE
en général, qu'après avoir épuisé toute son activité. L'Uni-
versité ne: lui demande plus rien. Il est libre, s'il le veut,
de disposer de son temps et de sa personne, à sa guise.
De plus, il peut jouir partout de sa pension. Elle lui est
toujours assurée .où qu'il aille et en. quel lieu qu'il ha-
bite.. . .".-.-
-
Rien de pareil dans l'ancienne Université; Pour la mi-
nime pension octroyée sur les revenus des messageries,
il fallait remplir les conditions suivantes : 1° Avoir, en-
seigné au moins quatorze ans, dont sept consécutifs, dans
un collège de plein exercice ; 2° résider à Paris ; 3° n'avoir
pas .plus de 1.000 livres.de revenu annuel, de n'importe
quelle provenance. Ces conditions qui écartaient de. la
retraite beaucoup de candidats intéressants, commençaient
à subir quelques modifications, sur les réclamations nom-
breuses, des ayants droit,.quand éclata la Révolution, qui
engloutit tout, régents, principaux, et l'Université elle-
même. Un décret de la Convention du 15 septembre 1793.
en dispersa les derniers débris. ~
Quelle était Ha situation des universitaires dans l'an-
cienne société ? Peu rétribués, ils vivaient dans une. mé-
diocrité qui, pour beaucoup,. était loin, d'être dorée. Le
plus grand nombre aussi était composé d'ecclésiastiques.
Habitués dès leurs premières années à une vie presque
claustrale,, ils ignoraient tout du. .monde, usages, conven-
tions, modes. Aussi, la société choisie n'a-t-elle pour eux
que dédain ou .mépris. On en trouve lia trace dans maints
écrivains. Molière les accable de sarcasmes, le Malade
imaginaire en est un échantillon. Quelques-uns seule-
ment, comme le célèbre Rollin, se distinguent des autres
par Heur urbanité en même temps que par leur savoir.
Ils sont reçus partout avec empressement. Au XVIII0 siècle,
ceux-là deviennent plus nombreux. Toutefois, le préjugé.
contre eux reste, et, en 1765, quand les éléments de la
Révolution commençaient déjà à s'accumuler, Voltaire
écrivait à d'Alembert : « Gardez-vous de recevoir jamais
à l'Académie aucun homme de l'Université. » Plus d'un,
cependant, en eût été digne.
En 1762, la disparition des Jésuites, qui occupaient
dans toute la- France un grand nombre d'établissements
florissants, força le gouvernement à s'occuper activement
D'EDUCATION DE LYON 21
de tout ce qui se rapportait à l'Instruction publique. Les
bons professeurs n'étaient pas assez nombreux. Pour en
former, on créa des concours d'agrégation. Les ; épreuves
étaient dé trois sortes : une ou plusieurs compositions,
une soutenance de thèse et une leçon publique d'une heure
sur un sujet donné. Ce concours, dont le besoin;se;faisait
sentir depuis longtemps, réalise om immense progrès.
Cette série de: compositions écrites et d'exercices oraux
permettait d'éliminer tout candidat incapable, que le bac-
calauréat et la licence es arts auraient laissé passer, On
eut ainsi des sujets bien préparés pour enseigner-la phi-
losophie, les humanités et la .grammaire. Aucune place
n'était faite à la langue française, à l'histoire et aux
sciences, pourtant très .développées, mais qu'on regardait
comme moins importantes.
Les chaires des collèges de Paris furent réservées aux
•agrégés. Beaucoup d'universitaires virent avec regret cette
utile création, parce que le corps enseignant n'avait pas
été consulté pour l'accomplir, mais elle fut maintenue et
produisit d'excellents résultats.
Quand la Révolution eut tout fait disparaître, l'idée
d'agrégation reparut dans l'Université de Napoléon Ier. On
peut dire qu'elle a contribué, plus que toute autre me-
sure, à en faire le succès. Elle a survécu à toutes les
crises qui ont bouleversé l'enseignement public depuis
un siècle, s'est étendue et a répondu à tous les besoins.
Le baccalauréat et la licence peuvent prouver le dévelop-
pement intellectuel de celui qui les possède, mais la
véritable épreuve professionnelle; c'est l'agrégation. Si l'on
tient compte, en outre, des succès pratiques déjà donnés
par le candidat, comme il en est question, à la suite de
la grande enquête sur renseignement secondaire présidée
tre. - '-''"'•'.
par M. Ribot, la "valeur du concours- ne fera que s'accroî-
Telles sont les principales idées que M. Duveau a su
dégager avec talent de l'ouvrage de M. Maxime Targé. II
nous fait remarquer que l'auteur est amené, par la force
des choses, à comparer l'Université de France actuelle,
embrassant le pays tout entier, avec Iles anciennes Univer-
sités, particulièrement celle de Paris. Dans celle-ci, malgré
les querelles intestines fréquentes, violentes même, l'es-
22 ' SOCIETE NATIONALE
"prit-de solidarité était très étroit. On était d'une même
famille. Aujourd'hui, à l'exception peut-être des anciens
élèves de l'Ecole normale- supérieure, les maîtres, éparpil-
lés d'un bout à l'autre du territoire, s'ignorent les uns
les autres, parfois même entre collègues immédiats, à
plus forte: raison, les établisements s'ignorent-ils. entre
eux. Etudes,: programmes, discipline, en un mot, tout,ce .
.

qui touche aux soins, au développement matériel, moral


et intellectuel de'-l'enfant est réglé par une autorité en
dehors et au-dessus de l'Université. Il ne paraît pas, d'ail- . ;
leurs, que les choses en aillent plus mal.
' Où l'Université actuelle est supérieure à sa devancière,.
.
c'est dans les garanties de capacité qu'elle exige de tous
ceux qui aspirent à la servir. Les candidats qui sortent
victorieux des examens actuels de licence .et d'agrégation
ont infiniment plus de savoir, nous ne disons pas d'apti-
tude pédagogique, sont des esprits beaucoup plus.ouverts,
que les maîtres es arts ou même les agrégés de l'ancienne
Université. -.- ~
.
Ses membres aussi n'ont plus l'existence précaire d'au-
trefois. Ils ont énormément gagné en considération, sont
regardés comme dignes des meilleures sociétés. Ils n'ont
à chercher dans leurs prédécesseurs que de beaux exem-
ples de désintéressement, de conscience, de dévouement.
Il suffit de souhaiter que, dans la formation de la jeunesse,
l'Université donne à la culture morale et religieuse une
part égale à la culture intellectuelle.
En résumé, M. Duveau trouve l'ouvrage, dont il a si
bien fait le compte rendu, extrêmement intéressant par
les innombrables documents qu'il fournit sur l'ancienne
Université de Paris.
Il est écrit avec esprit, sans cette aridité, cette séche-
.
resse, auxquelles le sujet se serait prêté ; la langue est
excellente, digne de la meilleure époque, simple, claire,
aisée, exempte de ces locutions modernes et affectées, qui
trahissent, non pas le siècle, mais le quart de siècle où ,
elles ont pris naissance. L'auteur ne peut être que loué
et remercié, et M. Duveau avec lui, pour son analyse si
claire et si .intéressante.
Un de nos membres correspondants, qui nous avait fait
D'EDUCATION DE LYON 23
assister l'année dernière, avec Mlle Anzoletti, aux luttes
des dames italiennes contre le- projet de loi du divorce
-présenté par le gouvernement de la péninsule, Mme veuve
Louis. Vismara, nous a lu une notice des plus remarqua-
Mes sur notre illustre membre correspondant, feu Au-
guste Conti, le philosophe de la bonté, comme l'ont
surnommé ses compatriotes italiens, Auguste Conti,
qu'il ne faut pas confondre avec, son homonyme
-français, Auguste Comte, le père de la philosophie
positive, fut, au contraire, un philosophe chrétien et un
grand chrétien.
Il naquit en Toscane, dans la villa de San Pietro aile
Fonti, près de San Miniato, le 6 décembre 1822. Il eut,
écrit-il lui-même, une mère vénérable, qui lui apprit la
religion, avec l'amour. Son père s'occupa de sa première
éducation. Homme d'une forte trempe, il entoura l'enfant
de soins au. point de vue 'matériel, moralet intellectuel.
Avec lui, les exercices physiques, les longues excursions,
sans souci de la fatigue, de la chaleur ou du froid, vont
•de pair avec- tout ce qui, par 'la vue et les exemples, peut
développer l'enthousiasme et les sentiments élevés. L'en-
fant devint un type admirable de ce que peut l'influence
des parents dans l'éducation, de la, noblesse de leur mis-
sion, des résultats heureux qu'ils peuvent obtenir plus
que tout autre. Auguste Conti écrivait lui-même, à l'âge
de 69 ans, en parlant de San Miniato : « sur ce sol
natal si enchanteur, la vue qui s'étend au loin sur ta
vallée dé l'Arno, sur la vallée, de l'Esa, ce ciel splendide,
ce souffle des grandes .mémoires, tout me fut d'un grand
enseignement. Oh les magnifiques aurores au sommet
!

du Gosentino, oh les couchants splendides dorant de


!

mille feux les montagnes et la mer de Pise et ce peuple


!

si bon, si bien élevé naturellement, et ce parler si doux »


!

Tout jeune- encore, c'est aux écoles. de San Miniato


qu'il composa la tragédie Catone in Utica, suivie pres-
que aussitôt de Jeanne d'Arc et de Buondelmonle. Comme
on le voit, les grands thèmes l'enthousiasmaient. Il étudia
les lettres et les sciences' dans le séminaire, de son pays.
C'est en sortant de là, que, passionné pour la musique, il
se lie avec un maître en cet art, adversaire acharné du
christianisme, ainsi qu'avec un jeune docteur athée. En-
24 SOCIETE NATIONALE
traîné par leurs discours dans.la voie du.scepticisme, Aur
gusto Conti y demeura perdu trois ou quatre ans.
Mais il ne pouvait s'accommoder de l'erreur. .11 avait
l'âme-trop grande ; son génie étouffait dans la négation
de tout idéal. Il cherche courageusenmet sa voie; il tâ-
tonne, -et enfin .retrouve la lumière. Il déplore, plus tard,
ce temps- mal employé, -mais-non. entièrement perdu, car,
comme le. fait remarquer un de ses élèves, le professeur
.

Ghiriatti, ces épreuves lui fourniront.une. grande expé-


rience pour combattre phis. tard., le soêptioîsm;e< - avec une
incroyable ardeur. Qui, mieux que. lui avait su échapper
au doute, qui, mieux que lui, pouvait'montrer, en pleine
connaissance de cause, la solitude dans laquelle l'athéisme
plonge l'homme, éteignant toute pensée élevée.
A Sienne et à Pise, il fait ses études de droit, est reçu
docteur à l'Université de Lueques, et part ensuite pour
Florence, .faire son stage d'avocat.
Toutefois, le philosophe ne se- montre pas. encore, c'est
le patriote qui se lève le premier. Les événements de
1848 en France ont leur contre-coup, au delà des Alpes.
Bientôt éclate la première guerre de l'Indépendance ita-
lienne. Auguste Conti part comme simple soldat dans un
bataillon de volontaires et arrive rapidement au grade de
sous-lieutenant. Mais les Toscans sont écrasés sous le
nombre à la fameuse journée de Montanara. Conti re-
nonce à tous ses grades, ne voulant pas d'honneurs, après
l'anéantissement de son bataillon. Il1 est porté à l'ordre du
jour pour sa magnanime conduite ; il continue, valeureu-
sement la campagne à Valeggio, Custoza, Villafranca, et
couronne ses exploits au fameux combat de Porte-Tosa, à
Milan, dans ces cinq mémorables journées de mai si déci-
sives pour rindépendance italienne.
Cependant, le philosophe veillait sous le soldat « Dieu
et Patrie » était déjà son étendard. Appelé à la chaire de
rhétorique de sa ville natale, pendant qu'il était encore
sous les drapeaux, il déclara, ne rien accepter avant la fin
de la campagne..
Celle-ci terminée, il donne la préférence à la chaire de
philosophie qu'il occupe brillamment, pendant sept an-
nées. Promu, à Lu-cques, il renonce de son propre mou-
vement à sa profession d'avocat, qui lui avait valu jus-
D'EDUCATION DE LYON 25
qu'alors de larges, bénéfices, pour s'adonner tout entier
aux études spéculatives, échangeant, joyeusement sa large
aisance pour une vie des plus modestes,..jusqu'à s'astrein-
dre, lui et sa jeune épouse, en certaines années dé maigre
récolte, à ne point boire de vin. .Son activité ne se bornait
pas à la philosophie. Après avoir collaboré avec Raphaël
Lambruiskini, qui l'avait appelé à Florence en 1850 pour
inspecter les études, secondaires de lettres et de philoso-
phie, il est nommé-professeur d'histoire et. de philosophie
à l'Institut, dès.^études''-supérieures de Florence.- De là,.il
passe à TUniversit.é'.die-Pise, et, en 1867, il -est rappelé
à Florence pour-y enseigner là philosophie et la -mo-
rale.
En même temps, il déployait, d'autre part, une activité
extraordinaire. Il. fut membre du Conseil supérieur de
l'Instruction publique trois ans, député au Parlement tant
que la capitale demeura à Florence. Il s'y montra catho-
lique et patriote, sans ostentation comme sans faiblesse.
Aussi, lorsque, aux catholiques, on voulut donner le
surnom de cléricaux, il s'y opposa vivement, « le nom de
catholique suffit, disait-il, je ne veux pas de noms nou-
veaux, ni celui de vieux catholique, ni celui de catholique
libéral, car nous devons être catholiques religieusement
et libéraux pratiquement ».
Conseiller de la commune et de la province de Florence
pendant très longtemps, membre du Conseil provincial
des Ecoles, assesseur de l'Instruction publique, il fonda,
en 1887, avec d'autres personnes dévouées, l'Association
nationale pour les secours aux missionnaires italiens, il
en devint Président générai, puis Directeur des Ecoles
instituées pour la propagation de la langue italienne et
de la foi catholique. En 1891, presque septuagénaire, il
visita ces mêmes écoles en Palestine, en Egypte, à Constan-
tinople et ailleurs, et les recommanda, à son retour, avec
une éloquence qui attira sur elles l'attention de généreux
donateurs.
Elu académicien résident de la Crusca, en 1869, avec Tere-
nizio Mamiani, il fut deux fois .àrohiconsul de cette illus-
tre Académie. Il contribua à l'illustration de cette mémo-
1

rable .Société savante et provoqua une réforme qui permit


d'accélérer la rédaction du grand vocabulaire de la langue
Soc. ÉDUC, 1906. H
26 SOCIETE NATIONALE
italienne. Il représenta cette .même Académie au cente-
naire de Pétrarque à Avignon, ainsi qu'au centenaire
de Michel-Ange et du Tasse.
Le magistral: discours, qu'il prononça au troisième cen-
tenaire du Tasse fut, -parmi ses meilleures oeuvres, un
monument de beauté et de doctrine, digne de la haute
renommée de l'orateur, de l'Académie et du grand poète
qu'on célébrait. Toute l'Italie s'accorde à dire que per-
sonne ne- pouvait -mieux qu'Auguste Conti comprendre le
Tasse poète et philosophe, ni rendre le sentiment si pro-
fond de piété et de foi qui anime les strophes de la
Jérusalem.
Auguste Conti a écrit divers ouvrages très estimés :
la Philosophie élémentaire, en collaboration avec son
élève et ami, le professeur Sartini, la Philosophie supé-
rieure, divisée en Dialectique, Esthétique et Morale, com-
prenant huit volumes, formant un tout admirable d'unité,
d'harmonie et de logique.serrée. Il a écrit aussi divers
critériums, une Histoire de la Philosophie, les nouveaux
discours du Temps ou Famille, Patrie et Dieu,lesSouvenirs
nationaux, en deux volumes, l'un: Art et Littérature, l'au-
tre': Religion et Patrie ; les magnifiques discours sur
saint François d'Assise, les Réveils de VAine, la Couronne
du Rosaire, le Messie, son dernier livre, qu'il nomme son
viatique pour l'autre vie.
Dans tous ces écrits-, on sent un© ardeur d'âme, une
candeur de foi, une simplicité rare. Tout est imprégné
dé ces deux grandes idées : la religion du Christ, le culte
du bon droit et des gloires de la patrie.
Partout, on voit dominer l'accord de la science et de
la vertu, de la nature et de- l'art, des spéculations de
l'idéal et des enseignements pratiques, dictés par le soin
affectueux d'être -utile à la société par le travail et le
devoir.
Madame veuve LouisVismara nous dépeint Auguste Conti
comme l'un des plus grands: philosophes 'contemporains,
celui 'Chez qui l'on aperçoit par excellence! la tendance à
harmoniser -la pensée et le coeur, la raison et la Foi, la
Religion et la Patrie, en réunissant toutes les traditions
scientifiques de Soerate à Platon, à Aristote-, à Gieéron,
de Descartes à Galilée, à Leibnitz, à Vico, à Rosmini,
D'EDUCATION DE LYON 27
à Gioberti, prenant, che-z tous, cette partie de vérité qui
se trouve dans chaque école, non par éclectisme, -mais
par une réflexion plus profonde et plus consciencieuse
des connaissanceis établies avec les tendances universelles.
Un autre de nos membres correspondants, Mlle Louise
Anzol-etti, dit avec raison : « Auguste' Conti est d'autant
plus admirable- qu'il nous permet de contempler un es-
prit philosophique en pleine tranquillité, sachant embras-
ser avec une' sûreté parfaite toute l'ancienne science de
la pensée et une grande partie de là nouvelle, pour rani-
mer tout cela avec ce souffle ardent et nouveau de cet
amour de la vérité, qui est vraiment la chaleur organique
et la palpitation vitale de la science, et s'appliquer. à
réunir, à coordonner dans une harmonieuse unité, comme
dans un corps ranimé, les membres épars des doctrines
ensevelies par les âges, pour les ressusciter par la fraî-
cheur de l'éloquence et l'habileté de l'art. »
Or, dans tout cela, 'Conti est resté llui-même. L'homme
et le penseur ne sei sont, jamais désunis.. Il a pu montrer
à toute l'Italie, cornoie un livre •constamment ouvert,
sa vie tout entière de citoyen et de chef de famille, s'ac-
cor-dant à prouver dans une harmonie parfaite, .-l'excellence
de ses doctrines. Aussi, un autre de nos membres cor-
respondants, le professeur Alfani, a-t-il pu dire : « De
tous les ouvrages d'Auguste Gonti, l'oeuvre la plus belle,
c'est, sans contredit,, lui-même. Ne s'est-il pas formé, pour
ainsi dire, de lui seul, par sa volonté tenace et indomp-
table à vaincre les impétuosités de sa propre nature, en
la pliant rigoureusement aux exigences de ce devoir, sur
lequel ïl a écrit des pages immortelles. »
Enfin, Ile 8 mars 1905, tout ce que Florence comptait
de remarquable dans les lettres, les sciences, les arts, la
magistrature, l'élite de la société, les .montagnards qui
avaient vu si longtemps Conti prier dans leur modeste
église, comme le plus simple d'entre eux, le cortège des
générations d'élèves qu'il avait formés, accompagnèrent
l'illustre professeur à sa dernière demeure. Il avait passé
quatre-vingt-trois -ans au milieu de cette société si variée.
Il en emportait toutes les sympathies et tous les regrets.
Nous avons été tous heureux que Madame veuve Louis
Vismara ait bien voulu nous apporter ces intéressants
28. ,
SOCIETE NATIONALE
détails sur notre vénéré correspondant, et l'en avons vive-
ment remerciée.
Revenant eh France, nous avons entendu M. le docteur
Sargnon inviter, d'après l'Anjou médical, tous les institu-
teurs à seconder les médecins pour dépister les végéta-
tions adénoïdes. Ces végétations. font te pHus grand- mal
aux enfants qui en sont atteints-, surtout dans les classes
pauvres. Elles ont une grande influence-dans les .affections
de la gorge, et du nez, et forcent à respirer par la bouche
l'air trop froid. Elles amènent des surdités ou demi-sur-
dités. Dans les cas graves, elles peuvent causer des mé-
ningites, des écoulements1 d'ôreillle, des troubles céré-
braux. La physionomie des enfants affectés die cette . infir-
mité est très particulière, le son de la voix aussi.
M. Sargnon nous a lu un questionnaire destiné au
.
maître, engagé à signaler aux .médecins inspecteurs les
cas fréquents qui se présentent à l'école, et qui, traités
au début, peuvent être guéris par une médication facile
à appliquer, tandis que, négligés, ils produisent toutes
sortes d'accidents conduisant.à des affections: incurables.

Vous avez conféré l'honorariat à Mgr Dadolle, recteur


des Facultés catholiques de Lyon. Nous nei pouvons que
nous féliciter d'avoir, au nombre des membres de notre
Société, une personne dont la compétence sur les ques-
tions d'enseiignieiment et d'éducation est si justement ap-
préciée, et je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue
parmi nous:.
Je suis heureux.également de souhaiter la bienvenue à
M. l'abbé Raiphan-eli, docteur en droit canonique, premier
aumônier de l'Institution des Lazaristes. Dans toute la
force de l'âge et du talent, il saura contribuer honorable-
ment aux travaux de la Société.
Il a déjà commence -en faisant un. consciencieux compte
rendu d'un .opuscule manuscrit : Livret d'éducation pre-
mière et d'hygiène infantile, par MM. Rooz et GaiMardie.
Dans une première partie, M. Rooz, ancien, professeur
de l'Université, parle des devoirs des parents- au point de
Aaie 'moral, devoirs résumés dans ces mots : vigilance et
correction, vigilance continue, correction intelligente. Il
D'EDUCATION "DE LYON 29
s'agit avant tout de rendre l'enfant -meilleur. On. lit avec
intérêt la plupart des développements donnés tant il y "a
d'honnêteté, de sens- juste et droit, de franche bonhomie
dans les réflexions pittoresques qui se succèdent au gré
de la plume.
Une seconde partie, de beaucoup la mieux traitée', est
consacrée au côté matériel, pour ainsi dire, de la ques-
tion, à l'hygiène infantile. Elle est tracée demain de
maître. On sent que l'auteur, le docteur Gaillardie, est
un médecin inspecteur des enfante du premier âge, et
qu'il possède à fond son sujet. Après quelques généralités,
il parle d'abord de l'hygiène alimentaire.
Dans l'alimentation, il faut distinguer trois périodes :
celle du premier âge, tant que le nouveau-né n'est pas
sevré. Ici, à moins de causes majeures, nécessité de l'al-
laitement maternel. Après -le sevrage, l'alimentation sera
de plus en plus nutritive et judicieusement choisie, de
deux à sept ans, le régime doit rester simple, mais plus
varié et plus substantiel.
Dans la période de r-adoleséenoe (huit à quinze ans), pour
fournir aux dépenses physiques et cérébrales, le régime
doit être très nutritif. On proscrira avec le plus grand
soin les liqueurs fermentées : café, vin pur et liqueurs.
L'auteur examine ensuite les soins de propreté et la
couche. Ici, de minutieux détails : lavages complets cha-
que jour, bains hebdomadaires, chambre bien exposée
et bien aérée ; couche plutôt dure, pas de laine, ni surtout
de plume, vêtement simple et ample, chaussures à l'aise.
Enfin, pour coimpHéter' tout cela, l'exercice au grand air.
Malgré quelques réserves, cet opuscule -contient d'excel-
lents conseils pour les parents et vous avez bien voulu
lui accorder votre patronage. Il ne tiendra pas à la Société
d'Education qu'il ne soit adopté par les Administrations
1

compétentes.

A la suite du concours de 1905, aux mémoires envoyés,


vous avez accordé trois prix, lé premier à Mlle Louise
Masson, de Lyon, le deuxième, à M. Boecikldn, chef d'in-
stitution, à Paris, le troisième, à M. Matheï, de Florence.
Le concours entre les élèves, dont les maîtres appartien-
nent au Syndicat de l'enseignement libre laïque, a eu lieu
30 SOCIETE NATIONALE
avec l'allocation que vous lui accordez habituellement.
Y ont pris parti quinze écoles de garçons et deux de filles.
Les résultats ont été satisfaisants. On a distribué dix-sept
récompenses.
t
Tel est, Messieurs, le rapide résumé de vos travaux
pendant l'année 1905. Des événements, considérés comme
éloignés^ se sont produits, qui ont tout bouleversé.
Une nouvelle situation appelle de nouveaux efforts, au
point de vue de l'enseignement libre. La Société d'Educa-
tion n'aura qu'à -se souvenir de son passé pour voir ce
qu'elle aura à faire dans l'avenir.
RAPPORT
SUR LE CONCOURS OUVERT EN 1904

PAR LA
SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉDUCATION

PAR
M. A. CLERC
(Lu dans la séance de juillet 1005.)

MESSIEURS,

A notre époque,, de rapides et profondes transformations


s-'opètrent dans l'état économique et social des peuples.
Quoique ces .changements ne sauraient porter atteinte aux
principes du dirait et de la morale qui sont immuables,
ils peuvent cependant en modifier Iles applications qui
sont susceptibles de varier suivant les temps et les lieux.
Celles qui touchent à l'éducation n'échappent pas à cette
loi et ce sont celles qui vous intéressent tout, particulière-
ment. Vous suivez avec la plus grande attention le mou-
vement qui se manifeste dans cet ordre d'idées et vous
ne craignez pas de provoquer vous-mêmes la discussion
sur ces 'matières que vous considérez avec raison comme
étant d'une importance capitale pour la vie morale de
notre pays. Or, parmi les- questions qui ont surgi tout
récemment par le fait des circonstances, vous en avez
choisi et distingué une qui vous a paru, entre toutes,
digne d'être étudiée, et vous l'avez mise au concours, en
la formulant an ces termes : « Des droits et des devoirs
•des parents en ce qui concerne l'éducation des enfants à
l'heure présente. »
Ces droits et ces -devoirs sont évidemment Iles mêmes
aujourd'hui qu'ils ont toujours été, mais vous avez pensé
Soc. EDUC, 1906. ' 4
32 SOCIETE NATIONALE
qu'ils empruntaient aux circonstances présentes des appli-
cations particulières-qu'il était de votre compétence d'ap-
précier.. Dans les termes où vous aviez posé la question,
le plan des études proposées semblait tout indiqué
d'avance. 11 s'agissait d'abord de rappeler, en les préci-
sant, lès principes sur desquels se fondent et reposent
les droits et les devoirs des parents:, de bien déterminer
leur étendue et leurs limites, et d'indiquer comment ils
doivent régler leur conduite, dans les cas particuliers
qui se présentent le plus souvent à l'époque où nous som-
mes.
Evidemment,,IFenfant appartient d'abord à la famille.
La fàrn-ila est la première société. C'est ,1e fait primitif et
_indéniable auquel il faut toujours revenir et qu'il faut af-
firmer avant tout.
C'est là cet état de nature, le vrai, non celui imaginé
et rêvé par Rousseau et dans lequel .l'homme nous appa-
raît tout d'abord. Paul Janet, dans ses Leçons sur la
famitte, dit avec beaucoup, de raison : « Quelques-uns ont
voulu enlever l'enfant à la famille pour le donner à la
société, à l'Etat : c'était éom'mettre une grande méprise ;
car l'enfant doit appartenir évidemment à ceux sans les-
quels il ne serait pas. D'abord', c'est onérer la société
d'une charge dont elle n'est pas responsable ; et, de plus,
elle n'a pas de droit sur cet enfant, puisqu'elle n'est
attachée à lui par aucun lien précis ; enfin, elle n'offre
point une garantie suffisante et on ne peut attendre d'elle
qu'une .sollicitude vague et générale, si même elle n'est
pas partiale en faveur de ceux dont elle espère le plus
d'avantages. Au contraire, les parents ont évidemment
la: charge de l'enfant, puisque c'est par eux qu'il- existe,
mais cette charge leur crée par là-même un droit ; car,
comment seraient-ils responsables de cet être qu'ils ont
créé, s'ils ne pouvaient en disposer dans une certaine me-
sure. Il y a, entre les parents et l'enfant, un lien physique,
un lien de coeur et un lien de raison : aucune autorité ne
repose sur des principes plus naturels, aucune n'est plus
nécessaire, aucune n'est entourée de plus grandes garan-
ties (1). »
1 Cf. sur cette queslion Beaussirc, les Princines dû droit, p. 20?.
D'EDUCATION DE LYON 33
Mais le fait que des politiciens, animés d'un étroit es-
prit de parti, ont émis la prétention de revendiquer pour
l'Etat le monopole de renseignement, nous, a conduit à
affirmer hautement l'antériorité des droits des parents
sur ceux de l'Etat et à combattre la doctrine opposée
qui nous paraît d'autant plus dangereuse, que l'Etat, au-
jourd'hui, sous le couvert -d'une neutralité mensongère,
ne veut plus faire aucune place dans l'école à l'éducation
religieuse, ne veut plus reconnaître aucun culte, prétend
enseigner une 'morale affranchie de toute idée religieuse
et devient ainsi, dans toute la force du terme, athée,
c'est-à-dire sans Dieu.
Nous avons reçu trois mémoires'sur le sujet proposé
pour le concours. Tous sont conformes à nos vues et
défendent lès idées que nous représentons en matière
d'éducation et leur doctrine est aussi la nôtre. L'un, qui
à pour devise : « fais ce- que dois, advienne que pourra »,
et: qui est le plus étendu des trois, semblerait plutôt
l'exagérer. Il a le tort, selon nous, de se placer tout d'abord
à un point de vue théologique. Dieu étant notre premier
père, il établit longuement les droits de Dieu sur l'enfant,
ce que nous ne songeons pas à lui contester. Dieu, étant
l'auteur du monde, son autorité s'étend sur toutes ses
créatures. Mais, sauf de rares exceptions, il n'intervient
directement dans le gouvernement du monde que par
l'ordre naturel qu'il a établi. Dans la famille, il est re-
présenté par les parents, comme' il l'est dans la société
religieuse par le prêtre, et dans la société civile par le
magistrat. -Cette théorie des droits de Dieu sur l'enfant
qui prétend que l'enfant est à Dieu d'abord, à son père
et à sa mère ensuite, est fausse et dangereuse et peut
entraîner des conséquences graves. Sous un -gouvernement
tbéoeratique ou seulement absolu, l'Etat pourrait reven-
diquer la possession des enfants au nom des droite de
D^eu dont il a la garde.

C'était, en effet, au nom dé ces droits de Dieu sur
l'enfant qu'au xvne siècle on enlevait les enfants des
' protestants pour les élever dans la foi catholique-. L'auteur
du mémoire ne voudrait pas aller jusque-là, nous n'en
doutons pas, mais oh pourrait tirer de ses principes des
conséquences qu'il n'a pas prévues et contre lesquelles
34 SOCIETE NATIONALE
il est. bon de se mettre en garde en faisant les- distinctions
nécessaires et les restrictions convenables. Il ne faut pas
se lasser de répéter que l'autorité dans la famille appar-
tient aux parents et surtout au père. C'est ce pouvoir qui
constitue leur responsabilité et c'est de cette responsabilité,
que découlent leurs droits et leurs devoirs en matière
d'éducation vis-à-vis de. leurs enfants et.dont nous deman-
dions qu'on fasse connaître toute l'étendue et les consé-
quences à l'heure présente. L'auteur a eu surtout en vue
le devoir-des parents d'apprendre aux enfants la crainte
de Dieu. Mais la crainte de Dieu n'est que le .commence-
ment de la sagesse et non toute la sagesse. Que l'auteur
mette en 1 garde les parents contré les dangers qui mena-
cent leurs enfants, s'ils ne s'occupent p.as de leur éduca-
tion au point de vue religieux. Qu'il leur signale toutes les
conséquences de leur négligence et qu'il les adjure de
s'unir pour défendre leurs droits, .de chercher des mat-
très dignes de leur confiance, sur lesquels ils puissent
se reposer en toute sécurité des soins de l'éducation de
leurs enfants, nous y applaudissons tous lies premiers,,
mais nous aurions voulu qu'il embrassât la question posée
dans toute, son étendue et sa généralité et qu'il l'envisa-
geât de plus haut encore qu'il ne l'a fait. Une autre cri-
tique que j'adresserai à ce mémoire, c'est la forme agres-
sive qu'il revêt parfois et le ton de polémique qui dépasse
souvent les limites qui conviennent à la sérénité d'une
discussion académique. Cependant, il faut faire la part
des bonnes intentions de l'auteur qui trouve son excuse
dans l'ardeur de sa profonde conviction et dans ses légi-
times préoccupations pour les grands intérêts «mis en jeu
dans toutes -ces questions.
Ce mémoire se distingue aussi par de réelles qualités
de composition et de style. L'exposition des idées est
faite en un langage clair et lumineux et avec un ton de
franchise qui règne d'un bout à l'autre de l'ouvrage. Les
sentiments auxquels l'auteur fait appel sont les plus no-
bles de. l'âme humaine. Il sait aussi faire vibrer la fibre
•patriotique- et son dernier chapitre, lia Patrie en danger,
est d'une, belle envolée et capable de remuer les plus in-
différents.. Pour toutes ces raisons, nous proposons à la
Société d'Education d'affecter comme récompense à ce
D'EDUCATION DE LYON 35

mémoire la moitié de la somme dont elle- dispose pour le


concours.
Le second .mémoire qui a pour devise : « iCe que-'ohante
la corneille, chante le cornillon », se fait remarquer par
des qualités bien différentes de celles du premier, mais il
a bien aussi sa valeur. D'abord, il est bien moins -étendu.
L'auteur se place "-.plutôt, à--un point de vue pratique, c'est
dire qu'il a plutôt glissé sur la question des droits des
parents. Quant aux devoirs, il entre dans des détails très
intéressants et nous présente un vrai traité de pédagogie
fondé sur une expérience, toute personnelle. Prenant l'en-
fant dès .sa naissance, il le suit jusqu'à l'époque- où ses
parents doivent s'occuper de lui trouver une compagne.
La première partie de son travail contient un parallèle
très judicieux entre les époques antérieure.s au dernier
siècle.-et les temps- actuels au point de. vue des rapports
entre lés parente et les enfants et des changements qu'a
subis l'autorité paternelle. -Si cette- autorité se fait moins
sentir, si l'exercice en est accompagné de plus de •ména-
gements et donne beaucoup plus à la -persuasion, cet
adoucissement a rendu plus affectueuses, plus cordiales
.
les .relations familiales.
L'auteur qui a puisé une grande expérience dans une
•longue pratique de renseignement et qui a élevé une
famille donne les- plus. sages conseils pour la formation
physique, intellectuelle et morale de la jeunesse. Imbu de
solides principes religieux, il reconnaît au père de famille
le droit de choisir des écoles où renseignement ne soit
pas en contradiction avec les principes et les exemples -
que l'enfant reçoit au foyer domestique. Les écoles de
l'Etat doivent pratiquer la neutralité en matière religieuse.
Quand celle-ci est violée, les parents ont le droit et le
devoir d'élever la voix et de rappeler au respect de la loi
les membres du -corps enseignant.
Ce mémoire est écrit sobrement et sans prétention, mais
toutefois dans un style bien approprié au sujet.' C'est une
oeuvre de bonne foi, comme dirait Montaigne, celle d'un
moraliste aimable et avisé. Aussi, proposons-nous à la
Société de lui décerner couinne récompense une somme de
75 francs. Nous réserverons une somme égale au troisième
mémoire écrit en italien et auquel la Commission a re-
36 SOCIETE NATIONALE
connu également des. qualités de tout premier ordre.
L'auteur part de ce principe que les qualités et les dé-
fauts des enfants sont le produit des -exemples et des en-
seignements donnés par les parents. La méchanceté des
enfants est la meilleure preuve de la méchanceté des
parents. Ce qui n'est vrai qu'en thèse générale. Le.père
cherche souvent au. cabaret ou .ailleurs à satisfaire ses
goûts pour le-, plaisir. La mère, légère, est occupée de
vanités et néglige l'éducation de ses enfants. Les devoirs
.
des parents croissent avec les désordres et la corruption
qui régnent dans la société. C'est aux parents -qu'il appai*-
tient d'apprendre;aux enfants que le bonheur n'est pas.
dans la possession des richesses, de leur faire comprendre
la dignité de la natere.hu.mame, de leur inspirer l'amour
de'Dieu et du prochain, et cela dès 11'âge le plus tendre.
Viennent ensuite d'excellents préceptes pour la première
( éducation :. conserver l'autorité sans imposer la: crainte,

éviter l'extrême indulgence, les enfants ayant la notion


du juste et de l'injuste, donner dé bons exemples, former
le .coeur à la compassion et à là charité, empêcher les
mauvaises-.lectures, écarter les .mauvaises compagnies et
les images, dés-honnêtes. L'auteur, traite longuement la
,question scolaire. Il s'élève fortement contre -le -monopole
de- l'enseignement. Il fait valoir les avantages, des écoles
anglaises où les instituteurs jouissent d'une grande latitude.
En Angleterre, l'école est la continuation de la famille, et,
le. plus souvent, elle est sous'la direction d'un -Comité de
pères, de fa-mile. Sous l'influence de ce bon enseignement,
la criminalité diminue. Même liberté en Amérique. La ré-
glementation -excessive a eu des résultats opposés à. ceux
qu'on attendait. D'après les renseignements contenus dans
cet intéressant travail, il semble qu'en Italie et en France
les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Dans les
écoles, l'exagération des programmes, qui n'aboutit à
aucun résultat sérieux pour' les garçons, constitue . un
véritable danger pour, la santé physique et morale des
filles. L'auteur, s'appuyant sur des rapports scientifiques,
dit que les écoles, supérieures de filles sont une semence
d'hystérisme et de suicide.
C'est par suite des erreurs de nos. systèmes d'éducation
que s'affaiblit dans la société le sens moral. Les mariages
D'EDUCATION DE LYON 37
où l'on n'a en vue que la dot, la poursuite acharnée des
professions libérales sont des symptômes d.u mal qui nous
a déjà si profondément atteints. Il conviendrait de revenir
aux professions manuelles, particulièrement à l'agricul-
ture. _

Mais c'est toujours la religion qui fournira le meilleur


appui pour former des citoyens honnêtes et utiles à leur
pays. Que la famille soit pour les enfants un milieu sain
et fortifiant, et la société, n'aura plus à multiplier les
prisons et à subir les dépenses de plus en plus grandes
des maisons d'aliénés.
Nous avons remarqué avec plaisir que les comptes ren-
dus, de notre Société d'Education ont été plusieurs fois
cités et -mis à contribution par l'auteur, ce qui indique
entre lui et nous une intime communication de vues- et
de sentiments. -Ce mémoire, d'une certaine étendue, est
très bien écrit, autant du moins qu'il peut en être jugé
par dès étrangers.
Une remarque générale à faire en ..terminant, sur un
point qui n'a pas été traité, ou qui l'a été bien incom-
plètement. On a parlé des droits des parents sur leurs
enfants, mais on n'a à peu près rien dit des devoirs des
enfants envers les parents, et cependant ces •devoirs' im-
pliquent autant dé droits correspondante chez les pa-'
rente Ces devoirs semblent tous se résumer dans le res-
pect que doivent les enfants et dans l'obéissance qui en
est la suite naturelle et qui doit -se continuer toute la vie,
sous la forme de la. déférence à l'égard de ceux qui les
ont .mis au monde. Il y aurait certainement iDeaucoup à
dire sur ce chapitre. Ces omissions, plus ou moins mar-
quées, prouvent que le sujet du concours ne manquait
pas d'étendue et qu'il était difficile aux concurrents île
l'épuiser, eussent-ils été plus nombreux, comme nous
aurions pu Ile désirer.
A. CLERC.
N0TICE
SUR

M. Louis BOURDIN
ancien Secrétaire général
de la Société nationale d'Education de Lyon

Par M. BESSE
Président

Lue à I ;i S é a nce d u / A dé ce m bre 190 •>

Louis Bourdin naquit à Lyon, rue des Feuillants, le


30 juillet 1873.
Sa mère était d'un esprit élevé et d'une nature éminem-
ment artistique.. Son père était directeur de l'Externat
,S ai nt-Polycarp e.
Louis Bourdin tint de son père l'amour du travail et de
.sa mère le goût des .arts. Son intelligence se montra pré-
coce, curieuse, persévérante. Il réussissait tout ce qu'il
entreprenait dans l'ordre intellectuel. Tout jeune, il était
déjà tranquille, doux ,attentif, et l'obligation, qu'il accep-
tait de grand coeur, de ne pas- faire de bruit, à cause de sa
mère souffrante, accentua encore, dès son plus jeune âge,
cette disposition à la tranquillité et au silence.
A l'âge .de trois ans, en 1876, il eut le malheur de
perdre sa mère, et fut élevé par sa grand'mère maternelle
qui le combla de soins, jusqu'à l'exagération, car il était
délicat. Il fit aussi -des séjours chez sa gr.and'mère pater-
nelle, et les pei'so-nnes qui l'ont connu dans cette pre-
mière enfance se souviennent de la douceur de son canac-,
' 1ère et parlent de lui avec un plaisir affectueux.

Il commença ses études de très bonne heure. A quatre


ans, il savait déjà lire. U était alors à l'externat Saint-
Polycarpe et se livrait au travail avec satisfaction.
Soc. EDUC. 190Î3. 5
40 SOCIETE NATIONALE
Il avait sept ans quand son père se -remaria. Louis aima
beaucoup sa nouvelle mère et sut toujours le lui montrer.
Il en fut aussi très aimé et élevé par eille avec un dévoue-
ment vraiment maternel.
A partir de cette époque, .
Louis fit plusieurs séjours à
Villechantria (Jura), pays du grand-père de sa belle-mère- ;
tous les ans, il y passait les vacances en famille..
A l'externat Saint-P-o'lycarpe, où il était l'un des meil-
leurs élèves, il resta jusqu'à sa première communion, en
1885. Il garda toujours de cet acte important, auquel sa
seconde mère l'avait préparé avec grand soin, un vif et.
grave souvenir. Louis était pieux et fervent, eit le resta
pendant, les ànées qui suivirent, imitant en cela son père-
qui lui offrait le- .modèle du- chrétien pratiquant.
Au mois d'octobre 1885, il entra au Lycée, dans la.
classe de cinquième, et la termina par treize nomina-
tions, dont les prix les plus importants : 'excellence, fran-
çais, version latine, etc. Il se maintint dans les premiers
.
élèves de sa classeï jusqu'en rhétorique et en philosophie
inclusivement, et se distingua dans toutes les facultés.
Ses professeurs l'estimaient pour son intelligence et son
travail, l'aimaient pour sa bonne conduite et son taon
caractère. Il fut remarqué tout particulièrement par plu-
sieurs d'entre eux. En six années de Lycée, 11 n'eut pas
une seule punition. Il se fit plusieurs bons camarades
qui furent et restèrent ses amis (1).
En 1890 et 1891, il passa, avec mention, les deux parties-
de son -baccalauréat es lettres, correspondant à la rhéto-
rique et à la philosophie.
Dès- longtemps, Louis Bourdin était décidé à se livrer
aux études supérieures et à préparer l'agrégation. Il rêvait
même du doctorat. Aussi, en novembre 1891, il entra,
comme étudiant, à lia Faculté des lettres. Alors commença,
pour lui cette existence, toute de travail personnel, qu'il,
aima tant. Bien loin de mener la vie d'un étudiant dissipé,
il se livra à l'étude avec enthousiasme, avec passion, profi-
tant de. toutes les occasions de s'instruire dans les diffé-
rentes branches du savoir ; assidu aux cours, consultant

L'un d'entre eux, devenu médecin, le soigna lor.vd'une de ses


1

dernières maladies, avec le dévouement et l'affection d'un frère,


D'EDUCATION DE LYON 41

les bibliothèques. ET rentrait chez lui tout vibrant et, avec


une confiance, une gaieté, une simplicité qui rendaient
l'intimité de famille délicieuse ; il racontait à ses parente
ses impressions, ses études, ses projets. II donnait déjà
quelques leçons à l'Institution de- son père et, tout jeune
qu'il était, montrait une rare aptitude- pédagogique.
U préparait, depuis six-mois, sa licence es lettres avec
succès, et pensait à se présenter à l'examen à la fin de
cette première année, quand, brusquement, il tomba ma-
lade en mai 1892, et dut interrompre tout travail. Ce ne
fut qu'à la fin de 1893, -après une longue convalescence
dans le Jura, qu'il put reprendre ses étudies à la Faculté.
Il Ile fit avec tant d'ardeur, qu'il passa, sa. licence avec
mention «en-. 1894. Il avait considéré cet éloignement de
la Faculté comme un exil ; -et les lettres qu'il adressait
à sa famille pendant cette, absence témoignent de son re-
gret et ide ses préoccupations. Il écrivait, le 7 juillet 1893 :
« Les Cihers copains- triment leur examen comme des nè- .

gres. O trois et quatre fois heureux ! Qu'il me tarde de


savoir les sujets, les résultats. J'ai souvent l'air d'être
dans la lune, mais c'est à la Faculté que je me trouve:...
ou que je voudrais me trouver. Si j'étais, à Lyon, je crois
que je serais comme un fou. Par ce que vous avez de
plus cher, n'oubliez pas de m'envoyer eë -que vous m'avez
promis. » Ce qu'il- réclamait ainsi, c'était les sujets tex-
tuels des différentes compositions avec les .annotations
données. Et quand il les eut reçus : « J'ai, mes composi-
tions de licence ! ! J'en ai bondi de joie ! Comme j'aurais
voulu être sur le même banc que l'ami D... Il n'y a que
la question de M. Regnaud qui aurait pu m'embarrasser,
n'ayant pas cette partie de son cours ; mais., pour le reste,
je me dis : « Ce n'est que ça ! »
Il fit ces compositions et les envoya. à ses professeurs
en les priant de les lui corriger.
U fit plusieurs travaux personnels pendant son année
de préparation -à la licence, entre autres une étude sur
Denys d'Halicarnasse.
Louis Bourdin retrouva à la Faculté des camarades du
Lycée, et se lia avec quelques étudiants qui, comme lui,
avaient un haut idéal et une conception sérieuse de là
vie. Avec quelques-uns d'entre eux, il fonda, à Vaise, un
42 SOCIETE NATIONALE
'Cercle d'étudiants et d'ouvriers. Ce, Cercle, sans aucune
attache confessionnelle, avait pour but de rapprocher les
olasses' pour faire naître,' entre elles, la sympathie. Les
étudiants y voyaient de près Iles ouvriers, s'efforçaient
de les conseiller, de les initier à la littérature, aux scien-
ces ; de les distraire, eux et leurs familles, -car la fa-
mille tout entière était admise aux réunions qui avaient
lieu surtout lie soir. On les habituait à la prévoyance et
à la .mutualité en leur faisant organiser et gérer, eux-
mêmes, une boule de neige.
Vers la même époque, il fit, pour M. le curé Signerin,
ami de- son père, des études sur les travaux artistiques
de la vieille église de Chevrières"(Loire).
Louis Bourdin aimant tous- les arts, goûtait particuliè-
" rement la musique. Il allait beaucoupi au théâtre et se
.

plaisait à écouter et, dans l'intimité, à interpréter au piano


la musique des grands '.maîtres et surtout de Wagner. Il
avait pour compagnon habituel un ami très artiste, très
musicien, qui, .marié avant lui, le recevait fréquemment.
Il se sentait, dans ce jeune ménage, en communion d'idées
-
et de goût, et y passait de belles et bonnes heures de
plaisir élevé.
Après- sa licence-, Louis- avait continué à suivre .l'en-
seignement de la Faculté, en se spécialisant dans l'étude
die Ta géographie.
Sous la direction de M. Schirmer, son professeur, il
aida à organiser le.nouvel Institut de Géographie, y con-
sacrant son temps et ses peines avec toute l'ardeur, avec
tout le goût exceptionnel qu'il éprouvait pour ce genre
de travail. Son professeur l'estimait et l'aimait et Louis
lui avait voué une affection reconnaissante, et presque
admirative.
A cette époque, il prépara sa thèse pour le diplôme
d'études supérieures d'histoire et de géographie. Après
avoir eomimencé son travail sur la région des Maures
et de l'Esterel qu'il! avait visitée dans deux voyages, dont
l'un avec le Club Alpin Français, il se décida à étudier
l'Ardèche. U y fit plusieurs voyages d'études conscien-
cieuses deux années de suite. Il en tira sa thèse sur le
Vivarais, qui lui valut son diplôme d'études supérieures
avec mention et félicitations du jury en 1897, et un prix
D'EDUCATION DE LYON VA

de 500 francs de l'Académie des sciences, belles-lettres et


arts de Lyon.
Elle fut jugée digne d'être imprimée dans les Annales
de l'Université de Lyon.
Il soutint brillamment cette thèse. Son assurance tran-
quille1, l'aisance de ses réponses, la facilité et la clarté
avec lesquelles il expliqua son sujet, lui valurent les
félicitations: dû- jury. Louis avait; du reste, travaillé.à
cet 'Ouvrage avec un entrain, une ardeur, une conscience
et. un plaisir qu'on retrouve dans les lettres qu'il écrivit
au cours de ses voyages.
•«. Si, par hasard, -disait-il, vous n'avez jamais, vu
d'homme heureux, je peux vous en servir d'exemple, de
modèle même. Pour le moment, je nage dans l'azur d'un
scientifique' bonheur, et je veux en jouir entièrement et
profondément. J'ai employé très utilement mon temps-,
ma-thèse se complète, se perfectionne. »
Il jouissait en artiste des beaux sites de l'Ardèche. Il
écrivait, de Privas : « Après dîner, je- suis aillé me- pro-
mener hors de la ville. La lune éclairait les hautes mon-
tagnes du Coiron, "une brise très douce promenait de
très fines odeura d'acacia et de rosier. J'en ressentais,
tout au fond de moi-, une- impression de calme'qui, du
corps allait jusqu'à l'âme. Si vous aviez été là, c'aurait
été l'idéal. » En dans une autre lettre : « J'ai éprouvé,
ce soir, des sensations bizarres : tout le couchant, le nord
et l'est étaient couverts d'épais nuages, di'un noir d'encre,-
d'où.sortaient, de minute en minute, d'admirables éclairs:.
J'entendais, fort loin, un roulement sourd de tonnerre.
Mais, au midi, le ciel était sans nuage et constellé d'étoi-
les. Une grosse lune bête-, tête de Pierrot enfariné, regar-
dait béatement ce spectacle. Les lilas, le chèvrefeuille
embaumaient l'atmosphère. A part le toucher et le goût,
tous les sens étaient en activité. Mais la vue et l'ouïe
étaient affectés par des impressions contraires : obscurité
et clarté-, silence et orage, si bien que. l'esprit-éprouvant
en même temps des sensations contraires, en ressentait
une sorte de malaise. »
Cette thèse, le premier et le seuil ouvrage de longue
haleine qu'ait pu écrire notre jeune et -malheureux col-
lègue, est un essai de géographie locale qui dénote chez
Vi SOCIETE NATIONALE -

son auteur une connaissance approfondie de la région


dont il parle ; région si intéressante, et, selon son ex-
pression même, si peu connue. Il faut être de ce pays
ou, tout au moins, l'avoir habité longtemps,' pour, appré-
cier, -comme elle mérite de l'être-,- l'exactitude minutieuse
de l'oeuvre. Laissant de côté les procédés de certains
géographes en chambre, il a voulu tout voir par "lui-
même et parcourir, dans- tous les sens, -le pays pour le
décrire fidèlement et s'en faire une idée bien personnelle
et bien exacte. U a si bien compris et si heureusement
rendu les caractères propres au pays et à ses habitants,
que des personnes qui en étaient- originaires et qui
l'avaient quitté depuis longtemps, ' nous ont dit avoir
éprouvé un étonnement mêlé d'émotion à le retrouver si
vrai dans ces descriptions scrupuleuses, dans ces mots
de terroir et ces détails pittoresques. " -
L'aperçu- géologique qui ouvre l'étude est digne d'un
géologue de profession. Les terrains primitifs, primaires,
secondaires et tertiaires du Vivarais, sont décrits avec
exactitude, de même que- les terrains volcaniques et qua-
ternaires.
L'oroigénie n'est pas moins intéressante. Les plisse-
ments •hercyniens (époque primaire), les plissements al-
pins, les grandes dislocations et toutes leurs conséquences
sur le Vivarais sont indiqués avec précision, puis les
dépôts marins de la vallée du Rhône, l'affaissement de
la dépression rhodanienne, qui ramène la mer dans un
golfe étroit, pénétrant à 20 kilomètres au sud de Lyon.
Le relief du sol persistant après toutes ces transforma-
tions, accidenté,, .irrégulier, variant d'une localité à la
voisine, ressemblerait à un véritable chaos, si l'on ne sui-
vait le fil conducteur que- l'auteur a posé dans la descrip-
tion des grandis bouleversements antérieurs, et justifierait
cette appellation die « France bossue », donnée à l'Ardèche
par les Ardéchois.
Le climat est ensuite examiné avec des observations
météorologiques de 1778 à 1888, une comparaison des
températures observées à Lyon et à Viviers, et l'état
hygrométrique des diverses parties du Vivarais.
L'auteur étudie ensuite les cours d'eau, tributaires du
Rhône, quelques-uns torrents dangereux, et les inonda-
D'EDUCATION DE LYON 45
tions qui désolent si souvent le pays, mal combattues par
les habitants routiniers qui négligent trop le reboisement
et le gazonnement.
Puis il passe en revue les nombreuses sources minérales
et thermales, dont la plus connue est celle de Vais, et en
indique les diverses propriétés.
La botanique et la zoologie du Vivarais sont traitées à
fond. Une longue nomenclature les fait connaître com-
plètement, depuis les mousses et les graminées, j usqu'aux
oiseaux les plus répandus, dans les campagnes et aux
poissons qui peuplent les.rivières.
Après.cette étude si complète de la géographie physi-
que, M. Louis Bourdin expose la géographie -économie
que..
Les habitants sont examinés avec soin : plusieurs races
sont là juxtaposées, depuis le Celte aux yeux bleus et aux
cheveux blonds, assez souvent refoulé vers la montagne,
jusqu'au descendant des Sarrazins aux yeux et aux che-
veux noirs, qui s'est maintenu sur les bords du; Rhône
et dans le bas-Vivarais.
.
Quoique toute la population ait la même langue, mé-
lange de provençal et de patois du centre, les descen-
dants des diverses .races ont des idiomes un peu dissem-
blables. Le caractère général des habitants est un fond
d'opiniâtreté, tempéré par la douceur et la bonté. Peu
de paysans français sont aussi se-rviables et présentent
autant die moralité que dans le Vivarais, où les traditions
anciennes sont encore fidèlement gardées, surtout dans les
montagnes, et M. Louis Bourdin dit avec raison :
« Ce qui caractérise avant tout le paysan ardéchois,
c'est sa ténacité et son énergie: cela suffit à le rendre
digne d'estime et de.sympathie. Lorsque dans les grandes
villes les idées vont à pas de géants, .lorsqu'on voit les
progrès des sciences, de l'industrie .accompagnées de la
disparition des vieilles croyances, dé l'immoralité, de
l'alcoolisme, on se prend à porter envie' à la vie mâle et
saine, -un peu étroite, de ces arriérés. Avec les Bretons,
avec les Auvergnats, ils sont derrière leurs montagnes
de granité comme une réserve de bon sens et de santé
.

à côté de notre folie et de notre anémie. »


Un autre trait de caractère qui distingue les habitants
46 SOCIETE NATIONALE :
.

du Vivarais- de leurs voisins,: c'est le fanatisme qu'ils


apportent dans les. questions religieuses. Nombre d'entre
eux sont les descendants des Camisards. Les guerres-
de religion".ont longtemps déchiré la contrée.'De là, des
.
tes. '.
«
' ..."
haines- encore Anvaces entre partisans des différents cul-

Il y a dans tout le Vivarais, environ' 50.000 protestants


et. .300.000 catholiques. Les uns et les .autres, surtout dan»
la montagne, pratiquent fidèlement les devoirs extérieurs-
de leur- religion, et assistent nombreux, soit à la messe,
soit au prêche-. Les protestants ne sont pas dispersés dans-
tout-lie Vivarais, on' en rencontre fort peu au nord du
Doux, au contraire, ils sont nombreux entre le Doux et
l'Ouvèze, autour des bourgs de Saint-Agrève, le Cheylard,.
- Vernoux, Saint-Pierreville, sur la montagne de Gluiras et
à Privas.
« SàintTPierreville, dans ce bassin de l'Eyrieux supé-
rieur, si rude de moeurs, et où les passions religieuses
sont lès plus vives, est le centre de la secte des « Mo-
miers »,. protestants qui n'admettent pas de ministres et
écoutent tous ceux qui ont où qui croient avoir l'inspira-
tion.. Vers Saint-Agrève, on rencontre encore des béguins
et. des béguines, reconnaissantes au petit .ruban bleu qu'ils
portent à leur chapeau ou à leur coiffe. Dans cette partie
du haut-Vivarais, l'Armée du Salut a, depuis quelques
armées, recruté quelques adhérents- parmi la population
protestante.
: « Dans la montagne,-parmi les paysans catholiques,
il n'est guère de famille nombreuse où l'on ne trouve un
des enfants, soit frère de la Doctrine chrétienne, soit
prêtre, ou une fille soeur de charité, etc. Les enfants des
familles protestantes s'efforcent de devenir facteurs, ou
d'acquérir les diplômes d'instituteurs ou -d'institutrices,
etc. De là vient qu'une grande partie- des fonctionnaires-
subalternes du département sont protestants.. Ce fait con-
tribue à graver plus profondément dans l'esprit des habi-
tants que républicain est synonyme de protestant et que-
conservateur signifie catholique. »
La question agricole n'est pas traitée par M... Louis
Bourdin avec moins de profondeur que les précédentes.
Nous voyons le paysan lutter pied à pied pour garder
'D'EDUCATION DE LYON 47
le sol qu'il a conquis, sur la-montagne stérile; .le fertiliser
par de la terre végétale et de l'engrais montés souvent .
à. dos d'hom-me, "à des hauteurs. invraisemblables. Et
l'amour de'la terre est tel, chez lui, - que rarement il se-.
décourage d'avoir si petit profit, pour- tant .de labeurs.-
Par contre, « il. est'des .régions privilégiées qui ne" peu-
vent se - comparer, pour l'opulence de leur végétation,
qu'à certains vallons du Caucase.et de la Grimée. »
Des aperçus sur les méthodes de culture et "d'irrigation,
sur lia variété dès produits et leur, prix, sur la. valeur
des différents terrains, et jusqu'au .salaire des-bergers,
valets et, journaliers, nous .donnent une notion, très
exacte des progrès de l'agriculture depuis -l'époque où
Olivier de- Serres, un Ardéchois-, la préconisait si fort
dans le Languedoc.
La sériciculture, autrefois si florissante, est en déca-
dence par le fait -de-la -concurrence étrangère qui a avili
les prix en fabriquant des soieries bon marché, que. H'Ar-
dèche. ne- produit pas, car ses cocons occupent l'un des
premiers rangs pour la qualité. Elle doit ce privilège à
.la-nature de son, sol. Les feuilles de -mûrier récoltées sur
les terrains granitiques, et schisteux communiquent-à. la
soie une légèreté, un brillant et une souplesse qui ne se
.retrouvent pas dans les cocons provenant des vallons
ou plaines.. Un tableau statistique du prix des soies fran-
çaises nous permet de suivre les oscillations- des cours
de'1871 à 1897.
Les sériciculteurs ayant trop de peine à lutter contre
..
les producteurs étrangers ont fini par se lasser d'un tra-
vail peu .rémunérateur et la production française allait
diminuant d'une façon inquiétante. L'Etat, pour empê-
cher la ruine totale de cette industrie, dut intervenir en
donnant des primes aux sériciculteurs français, mais,-
cette mesure, quoi qu'ayant donné d'assez bons résultats,
d'abord, ne sera pas suffisante pour ramener-les beaux
jours d'autrefois. « En résumé, dit M. Louis Bourcim,
l'agriculture est en progrès, les rendements en céréales,
pommes de terre et primeurs ont .considérablement aug-
menté et sont susceptibles de. devenir plus importants
encore, et dans ce sol de fertilité moyenne, le paysan
du Vivarais trouvera toujours une réserve de richesses
48 SOCIETE NATIONALE
qui lui permettra de traverser, sans trop en souffrir, les
crises économiques futures. »
L'industrie vivaraise est variée, mais ne se pratique
que sur une échelle •moyenne, sauf quelques exceptions,,
telles que les hauts fourneaux du Pouzin, l'exploitation
de la chaux-du Teil et les papeteries d'Annonay.
•On trouve, dans le sous-sol de ce pays : de la houille,
des minerais de fer, de plomb- argentifère' et de zinc,, des
calcaires hydrauliques, des sables et des argiles, des car-
rière de belles pierres à bâtir et die marbre ; l'Ardèche,
Ile Doux et le Ghassezac: charrient des sables
.
l'Eyrieux,
aurifères. Quant aux sables granitiquesdes montagnes, ils
ont donné lieu, dès le xive siècle, à rétablissement de
verreries, dont les propriétaires portaient, selon l'usage,
"le titre de nobles hommes; aujourd'hui, il n'y a plus
que la verrerie de Labégude, près de Vais, qui occupe
de nombreux ouvriers et produit, quatre millions de bou-
teiles -par an, employées pour l'exploitation des eaux
minérales. Une des industries 'importantes du Vivarais
est la mégisserie ou préparation des peaux, complètement
localisée à Annonay, qui en fournit les fabriques de gants.
de Paris, Grenoble, Lunéville, Le Mans, et en expédie
même à l'étranger, de même pour son papier, qui est
sans rival:
Un peu partout se trouvent disséminés" des moulinàges
ou filatures de soie, des usines pour le tissage de. la soie,
de la laine, des cotonnades et certain drap- appelé ratine ;
des fabriques d'albumine sèche pour l'impression des fou-
lards, des poteries et des tuileries.
En terminant cette revue, deux mots sur les usines
de chaux-et ciments du Teil, dont les propriétaires
MM! Pavin de. Lafarge ont fait preuve de sentiments
humanitaires qui les honorent : « Une grande partie des
bénéfices sert à l'amélioration du sort des ouvriers : can-
tines pour les célibataires, boulangeries et épiceries coo-
pératives pour les autres, cité ouvrière, livrets de caisse
d'épargne, écoles pour les enfants d'ouvriers, sociétés de
secours mutuels, etc. Aussi, la région du Teil, jadis très
pauvre, est-elle aujourd'hui une des plus riches de la
vallée du Rhône. »
Telles sont les idées principales de ce travail conscien-
D'EDUCATION DE LYON 49
cieux, l'un des meilleurs qu'aient produit les étudiants
de'la Faculté des lettres de Lyon.
M. Louis Bourdin désirait vivement être agrégé, mais
se sentant surtout attiré par la géographie, il voulait
attendre que l'on séparât l'agrégation d'histoire de celle
de géographie, comme il en-avait été sérieusement ques-
tion. Il pouvait espérer un prompt succès. Avec la géo-
graphie, tout ce qui touchait à la terre le captivait : mi-
néralogie, géologie, botanique. C'est ce qui explique la
compétence avec laquelle il écrivit la géographie phy- .
sique du Vivarais. Il suivait .assidûment les excursions
dirigées -par les professeurs de la Faculté des sciences,
et en profita pour agrandir l'intéressante collection de
minéraux qu'il avait commencée dès sa cinquième, à Vil-
lechantria.
Grand amateur de livres, il s'était composé une jolie
bibliothèque. Heureux au milieu de ses « chers bou-
quins », comme il les appelait ; il les aimait non seule-
ment pour leurs idées, comme un savant, mais pour eux-
mêmes, comme un bibliophile.
Très bien doué, pour l'étude des langues, il en apprit
plusieurs à peu près seul : anglais, allemand, espagnol,
et il commençait l'italien avec succès. A la Faculté, il
avait suivi quelque temps les cours de sanscrit, prenant
ainsi contact avec la plus ancienne, et pour ainsi dire
l'ancêtre commun des langues indo-européennes actuelles.
L'Enseignement supérieur le tentait, mais, désirant se
marier jeune, il lui fallait se faire au plus vite une posi-
tion qui lui permît de fonder une famille. Il demanda
donc à son père de l'associer avec lui dans son Institu-
tion ; ce que son père accepta avec bonheur.
Il se faisait une. haute idée du mariage et, bien jeune
encore, il écrivait à sa mère qui lui disait avoir prié pour
celle que, plus tard, il leur donnerait pour fille : « Oh ! .
comme cela répond bien à mes secrètes pensées, je ne
t'en parlais pas, de peur de te paraître bien enfant ; mais,
cette fiancée, dont j'ignore peut-être le nom, j'ai déjà
prié pour Elle, je l'aime comme si nous étions déjà promis
l'un à l'autre ; Elle est présente dans mon esprit, et, cette
pensée de rester pur et digne d'El'le, im'a déjà préservé et
me préservera toujours. »
50 SOCIETE NATIONALE
Dans, cette âme 'profonde et généreuse, les sentiments
étaient, intenses et élevés. Légitimement fier d'avoir été
admis 'dans-la famille Bonnel, il l'adopta de tout coeur,
comme il en avait été adopté. Il eut pour son beau-père,
M. Joseph Bonnel, une- profonde •affection. Il admirait
son énergie, son amour du travail, sa simplicité sou-
riante et gaie, sa bonté exquise, toutes les qualités enfin
qui en faisaient un homme d'élite.
;
Son mariage combla ses voeux. Il écrivait à ce mo-
ment : « Le ciel de mon coeur est. bleu comme le ciel de
Cannes. Je ne croyais pas qu'il -pût exister sur terre une.
félicité aussi tranquille, aussi confiante, aussi complète.
Mon bonheur est immense, plus; grand et tout autre que
je ne l'avais rêvé. »
Louis,, qui avait vivement regretté de n'avoir pas de
frère ou de soeur, fut très heureux d'en trouver dans la
famille de sa femme. Il sut y goûter tout le charme d'une
intimité affectueuse, délicate, enjouée. Quand la naissance
d'une enfant vint éveiller dans son coeur la fibre pater-
nelle, ce fut avec une intensité qui lui arracha des lar-
mes. Tous, les sentiments étaient, portés jusqu'au plus
haut point, dans son âme ; il en vibrait parfois jusqu'à
la souffrance. Une de ses dernières joies fut la naissance
d'un fils, trois mois avant sa mort. Il écrivait : « Pour
moi,- la joie déborde ; je suis heureux au delà de toute
expression. Mon coeur est vaste, et le petit être y trouvera '
sa place chaude.. »
• Son père étant devenu
très souffrant, Louis se donna
presque tout entier à l'Institution. Il montra-pendant sa
trop courts carrière d'enseignement, de rares qualités
d'éducateur. Il se donnait à ses élèves avec la conscience
et.la précoce maturité qu'il apportait à tous ses devoirs.
Il aimait sa. profession, aucune ne lui semblait aussi
belle. Il se dépensait tout entier, s'usant dans un labeur
continuer et dans un besoin de faire toujours mieux. Ses
élèves l'aimaient autant qu'ils le respectaient,'et gardent
de lui un souvenir ineffaçable. Il n'abandonnait pas ses
projets de travail personnel, et recueillait, avec soin, des
documents qu'il espérait mettre à profit plus tard. Il a
laissé sur certains sujets, surtout géographiques, des no-
tes et dès fiches, soigneusement classées, pour divers ou-
D'EDUCATION DE LYON 51

vrages qu'il pro-jétait, entre autres un travail sur lTndo-


Chine.
Entré à la Société d'Education pendant le secrétariat
de son père, Louis Bourdin devint bien vite son collabora-
teur. Il fut également celui de M. Vismara, lorsqu'il fut
nommé secrétaire -général. Au -moment où- une maladie
redoutable s'appesantissait sur lui, Louis le seconda avec
-tant de compétence, qu'il fut appelé à lui succéder comme
secrétaire général en 1900. Il écrivit de nombreux articles
dans le Bulletin de la Société : Chronique de l'enseigne-
ment, Revue des Revues, Notes bibliographiques, furent
dus à sa plume. Malgré ses occupations déjà trop absor-
bantes, il continua ces travaux jusqu'à ce que le Bulletin
cessa de paraître, et les compléta par plusieurs- autres,
d'un caractère plus 'personnel, qui se succédèrent sans
interruption pendant l'année 1900 : Les variations de
l'attention, ses causes, quelques remédies — l'établisse-
ment du tableau de service:, soit dans renseignement pri-
maire, soit dans l'enseignement secondaire; une école
coloniale lyonnaise, reflétant les idées des principales
notabilités lyonnaises, en fait de colonisation et. non en-
core réalisées, enfin un travail important en collaboration
avec M. le docteur Gubian.
De l'alcoolisme dans ses rapports avec l'enfance, travail
consciencieux et très documenté, traitant la question avec
une grande compétence. Ce fut l'un des- travaux les plus
remarqués^ de notre Bulletin.
Quand il se maria, le 3 janvier 1900, il avait vingt-six.
ans et demi ' seulement, mais son -caractère et son intelli-
gence étaient ceux d'un homme fait. Il avait une facilité
de travail .vraiment admirable. Une fois qu'il, l'avait dé-
cidé, il faisait tout ce qu'il voulait; il savait travailler
avec goût, avec méthode, avec persévérance'. Il avait donc,
quoique jeune, toutes les- qualités d'un chef de famille.
Avec quelques amis, il collaborait à une revue : Ques-
tions pratiques de législation ouvrière et d'économie poli-
tique. Il y fit, entre autres, pendant les grandes vacances
de 1901, un article assez important sur la Colonisation
populaire.
Son style était élégant et clair, sa pensée nette etpleine.
Ceux qui l'ont approché familièrement, ses amis, ses
52 SOCIETE NATIONALE
intimes, se rappellent combien sa conversation savait
être intéressante. '

On pouvait le questionner sur tout. Remplies de sens,
justes et simples, ses réponses étaient toujours précises,
Mais comme. il était sans pédanterie', quand il ignorait
une chose, 11 l'avouait franchement et la cherchait alors
avec soin.
Après son mariage, il fit partie d'une ligue antialcooli-
que, et dans la dernière année de sa vie, lui, fumeur
.habituel, cessa volontairement et complètement de fumer.
Pendant l'un de ses voyages dans le .Midi, il avait
passé quinze jours en partie à Toulon, en partie à Ta-
maris, dans le nouvel1 Institut de- zoologie et.-de "biologie,
fondé et organisé par le professeur Raphaël Dubois.
Il fit partie pendant quelque temps de la Société d'Econo-
mie politique et de la Société de Géographie. A cette der-
nière-, il fit une- conférence sur l'Ardèche et suivit avec
assiduité- les • conférences qu'on y donnait.
- Il
aimait beaucoup la marche et fit à pied la plupart
de ses voyages dans le Vivarais. Il voyait ainsi beaucoup
mieux par lui-même et pouvait se rendre compte directe-
ment de tout. Plusieurs personnalités- savantes ou autres,
qu'il eut ainsi l'occasion de visiter ou de connaître, en
passant, ont- gardé de lui. un souvenir durable, ayant
apprécié son sérieux, sa science, sa valeur.
Pendant ses marches ou ses promenades, il faisait volon-
tiers de la photographie, rapportant ainsi des documents
pour illustrer et compéter ses notes. -C'est ainsi que son
ouvrage sur le Vivarais a été -magnifiquement illustré par
des photographies prises sur le vif. Le dessin aide le
texte. Les crêtes, les sites, les châteaux, les villages, les
ponts célèbres, toutes les particularités remarquables que
dépeint l'auteur, sont relevées par le dessin photographi-
que et donnent une idée exacte et complète.
Louis Bourdin s'essaya aussi au modelage, à 'l'aquarelle,
à la peinture, et y obtint des résultats remarquables, pour
quelqu'un qui n'avait étudié ces arts qu'en -amateur. Mais
il mettait à tout son intelligence, sa persévérance, un soin
attentif, et dès habitudes d'analyse et d'observation.
En novembre 1902, ne pouvant plus rester dans l'Insti-
tution dirigée par son père, où la continuité incessante
D'EDUCATION DE LYON 53 '

d'un travail trop varié le fatiguait, Louis Bourdin voulut


essayer de nouveau d'entrer d'ans l'Université et se fit
inscrire comme étudiant pour l'agrégation. Il suivit les
cours et fit une ou deux leçons pendant l'hiver, reprenant
avec pla'sir cette existence de travail consciencieux. Mais
l'état de sa santé ne lui permit pas de continuer, et il dut
cesser ses études à Pâques- 1903. Il ne devait plus se re-
mettre, et, dès lors, sa santé alla -en déclinant.
Tout d'abord, il ne se crut pas mortellement atteint, et
il projetait, une fois rétabli par une. année.- de repos, en
-pleine campagne, d'aller fonder à Toulon une institution
semblable à celle de' son père. A partir du mois- d'août,
installé aux environs de Carpentras, dans le .graifd air
pur du Comtat-Venaissin, au pied du, Venteux, sous le
tiède soleil dû Midi bienfaisant, il espérait reprendre
peu à peu.ses forces pour l'avenir. Mais le mal empira
implacablement:
Chrétien fervent et soumis,- il donna l'exemple touchant
de la plus admirable résignation, au milieu des plus dures
souffrances pendant les six derniers mois de- sa vie. Goir-
rageux et patient, il ne se plaignait pas, quoique la ma-
ladie ne lui laissât pas une heure de repos, et s'occupait,
soit à lire des ouvrages: de haute science, traitant, en
particulier, de la religion, soit à méditer sur sa foi pro-
fonde, soit à causer de ces graves questions avec un
prêtre dévoué qui venait souvent le voir et te réconforter.
Ceux qui eurent alors l'occasion de vivre près de lui
étaient émus de sa ferveur, de sa piété, de sa douceur
vraiment exemplaires.
.
Il parut, dans la Revue du Lyonnais, un .
conte de Pâ-
ques : Ahmed, composé par lui et entièrement de son
invention. On peut y voir avec quelle émotion, avec quelle
poésie pénétrante il avait senti et exprimé la grandeur
de la Rédemption par le Christ, et la valeur essentielle
de la bonté. Il disait de ses deux petits -enfants : « Qu'ils
soient bons d'abord, et toujours très bons pour tous et
pour tout, le reste passera après. »
Il mourut le 25 février 1904, à Carpentras. Il a été
inhumé à Villechantrîa, dans le tombeau de la famille
de sa seconde mère, aux soins et au dévouement de la-
quelle il a toujours fait le plus -grand honneur.
O'i SOCIETE NATIONALE
.

Quant à nous, nous souvenant de ce qu'il a donné à


notre Société, pendant les trois ou quatre dernières an-
nées de sa vie, trop tôt moissonnée, nous garderons, son
pieux souvenir, regrettant qu'un si beau talent, de si
belles qualités pour renseignement et l'éducation, n'aient
pu porter tous les fruits qu'on était en droit d'attendre.
NOTICE
s.un
M. JEAN-PIERRE CHAMBERT

Lue à la Société Nationale d'Education de Lyon

PAR

M. A. GLEB.G

Né le 1erjanvier 1825 à Rièux-Minervois (Aude), Jean-


Pierre Chambert donna, dès ses premières années, des
marques de cet esprit sérieux, réfléchi, bon et droit qui
le caractérisa toujours. Il jouait gravement, et quelquefois,
en remplissant de petits cailloux les poches du tablier de
.son petit frère, il se disait déjà que, plus tard, il serait
heureux de l'aider à amasser quelque fortune.
; Ses camarades le surnommèrent de bonne heure le
« petit curé », pensant qu'il embrasserait un jour le sa-
cerdoce. Son intelligence précoce frappa le bon curé du
village, M. l'abbé Barrière, qui lui donna des leçons de
latin, jusqu'à l'âge de quatorze ans. Il fit honneur à son
maître, qui, ne pouvant le pousser plus loin, engagea ses
parents à le mettre au petit séminaire de Garcassonne,
dont l'abbé Arnal venait de prendre la direction. Sous la
main ferme de ce maître habile, la maison prit bientôt
une grande importance. Le nouvel élève ne tarda pas à
.gagner son estime, ce qui n'était pas chose facile. Pierre
Chambert fit trois classes dans un an et ouvrit la série
•des bacheliers, nombreux ensuite, issus de son modeste
village. Aussi, ce fut une fête pour le petit séminaire,
-quand il y revint avec ses lauriers. Quelle douce fête de
famille ce fut aussi !
.
Muni de son baccalauréat es sciences, mais pressé par
Soc. KDUC, 1900. o
56 SOCIETE NATIONALE
la nécessité de travailler, ses parents n'étant pas riches,.
il donna quelques leçons à des élèves presque aussi âgés-
que lui.
Mais il fallait un champ plus vaste à son activité. Il vou-
lait arriver à la licence et au doctorat, tout en continuant-
à don&er des leçons, afin de ne pas être à charge à ses
parents.
Par l'intermédiaire d'amis dévoués, qui avaient pu ap-
précier à Toulouse et à Montpellier ses qualités déjà émi-
nentes, il'partit avec trois cents francs dans sa ceinture,
bien résolu à ne jamais demander davantage à ses parents
et à se tirer d'affaire avec cette maigre somme dans la.
grande capitale inconnue de lui.
_ Là, comme à Toulouse et ailleurs, jamais il ne s'écartait
du droit chemin. Si, pendant quelques années, il tomba,
comme beaucoup d'autres, dans l'indifférence religieuse-
(je dis indifférence seulement, car toujours il conserva la-
foi, le respect de la religion, du prêtre, de Dieu), il resta,
toujours un homme d'honneur, de probité, de droiture,
ne laissant jamais ternir sa vie par le plus léger contact
impur, dédaigneux du plaisir quel qu'il soit, échappant à-
ses dangereuses séductions, en se livrant à un travail per-
sévérant, opiniâtre, incessant.
Le jour, il donnait des leçons, déjà très recherchées, la
nuit, jusqu'à deux heures du matin, il préparait ses cours
et son doctorat es sciences (il avait déjà obtenu la licence-
es sciences à Toulouse et le diplôme d'essayeur à Paris)..
Il était cependant artiste à ses heures, crayonnant ou pei-
gnant aux rares moments de loisir qu'il s'accordait. Son
crayon et son pinceau ne manquaient pas de vigueur, et
s'il en eût eu le temps, il aurait pu, avec les ressources
que lui fournissaient les chefs-d'oeuvre du Louvre et d'ail-
leurs, arriver peut-être à un véritable succès. Il avait aussi
le goût de la musique, et, sans aucun principe, uniquement
en voyant jouer ses amis sur le piano, il répétait avec goût,
avec talent et avec énergie quelques morceaux des grands-
maîtres, surtout les valses de Beethoven et Indiana. C'est
pour satisfaire ce goût inné de la musique qu'il s'accorda,
bien rarement toutefois, quelques soirées au théâtre quand'
on y jouait un de nos grands opéras.
C'est en 1850 qu'il partit pour Paris. Il arrivait de Tou-
D'EDUCATION DE LYON 57
louse. Présenté à M. l'abbé Leboucher, aux Termes, il
habita avec M. de la Haye, jeune professeur comme lui,
dans le même pavillon de cet établissement où ils étaient
logés et nourris.
C'est là qu'ils se sont liés d'une amitié que la mort seule
a pu rompre.
En. même temps qu'aux Termes, M. Chambert donna
des leçons à l'école des Carmes. Il se fit un cas de con-
science d'informer le supérieur qu'il n'était pas prati-
quant, et celui-ci, tout en le félicitant de sa délicatesse,
le remercia immédiatement.
La maison Leboucher, mal administrée, menaçait de
se
.
fermer. Des propositions furent faites tour à tour aux
deux amis, qui refusaient d'accepter la direction. Ils son-
geaient tous deux à se marier et cherchaient une com-
binaison qui rendît possibles ces mariages. C'est en 1854
qu'ils se décidèrent à louer un appartement rue de' Furs-
temberg, où leurs nids se posèrent l'un près de l'autre. Les
deux jeunes professeurs fondèrent là une modeste pen-
sion, où vinrent se mettre sous leur direction quelques
élèves dont ils s'étaient occupés précédemment.
M. Chambert avait épousé, le 4 octobre 1854, une jeune
fille de Caunes, village important des environs du sien.
Leurs deux mères étaient des amies d'enfance, et les jeunes
gens, qui se voyaient quelquefois aux vacances, s'esti-
maient mutuellement. Ils étaient dignes l'un de l'autre.
Le mariage avait été conclu rapidement pendant les va-
cances de 1854, et il fallut, en toute hâte, rentrer à Paris
pour reprendre les cours ; les élèves arrivaient. L'espace
devenait étroit. Il fallut ajouter un appartement voisin.
La famille vint, les besoins grandissaient, mais non la
fortune, car M. Chambert, avec sa nature chevaleresque,
n'avait cherché dans sa compagne que les- qualités du coeur
et de l'intelligence, estimant peu les dons de la fortune,
qu'il n'ambitionnait ni pour lui ni pour lès siens.
Cependant, la famille pouvait augmenter chez l'un et
aussi chez l'autre ; les quelques élèves de la rue Furstem-
berg, malgré les leçons particulières, ne pouvaient faire
une situation suffisante à deux hommes de la valeur de ces
Messieurs.
C'est alors que M. Michel, que M. de la Haye connaissait
58 SOCIETE NATIONALE
depuis longtemps, jeta les yeux sur les deux amis pour
prendre, à Lyon, la pension dont lui-même avait été le fon-
dateur, l'institution -Saint-Polycarpe et qu'il avait cédée
à M. Pictet. •
M. Chambert, dans une notice où il a mis tout son coeur,
a raconté jadis la vie si méritante de ce dernier qui devait
devenir à Lyon son plus intime ami.
M. Chambert accepta cette lourde charge en août 1858.
A Lyon comme à Paris, il se montra l'homme du devoir
et de l'honneur qu'il resta toujours. Avant de prendre la
direction de l'Institution Saint-Polycarpe, il alla faire une
retraite à la Grande Chartreuse, d'où il revint le chrétien
convaincu et pratiquant qu'il ne cessa d'être depuis.
M. Pictet s'était retiré prématurément, pliant sous le
faix d'une charge trop lourde pour ses forces physiques
et pour sa conscience délicate. Il avait été secondé par tes
abbés Jourdant, hommes de valeur, mais dont l'aîné n'a-
vait pas tardé à entrer chez les Jésuites. Le second suivit
M. Pictet dans sa retraite.
M. Chambert restait seul à la tête d'une importante
maison qui ne cessait de grandir. Pour lui aussi la charge
était bien lourde. Trop à l'étroit dans la rue des Capucins,
il dut songer à s'établir ailleurs, après huit années. C'est
alors qu'il fii construire, sur le quai de la iGuillotière, le
bel établissement qui reçut le nom d'école Fénelon. Il en
prit possession en 1866. L'esprit du fondateur. M. Michel,
et ses méthodes furent scrupuleusement gardés toujours.
Une grande partie de l'élite de la société lyonnaise a
passé par les mains des trois éminents directeurs, MM. Mi-
chel, Pictet et Chambert. Des professeurs distingués s'y
formèrent à côté d'anciens maîtres. Pour n'en citer qu'un
seul, nous nommerons M. Vismara, dont la veuve, tou-
jours inconsolable, a retracé la vie dans des pages dont
chaque mot a été dicté par son coeur.
Mais les difficultés morales et matérielles surgissent
tous les jours dans, une maison de cette importance où
la responsabilité tout entière repose sur un seul. Le direc-
teur n'avait de repos ni le jour, ni la nuit (1). Mal secondé
(1) Nous pouvons en parler pertinemment, ayant été appelé par
M. Chambert en 1873 à professer la Quatrième à l'Ecole Fénelon,
emploi nouveau.
D'EDUCATION DE LYON 59
par un associé irascible, M. Chambert usa ses forces ra-
pidement. Excellent professeur, caractère énergique, vo-
lonté opiniâtre, mais peu fait pour soutenir les luttes
sourdes, les attaques détournées, les calculs intéressés, il
dut songer à faire passer à d'autres mains une admini-
stration de plus en plus difficile. Sa vaillante compagne
l'avait admirablement secondé pour la direction matérielle
qui ne laissait rien à désirer. Mais elle aussi, elle était à
bout de forces.
En 1875, il céda la maison à M. Fournier pour se con-
sacrer uniquement au professorat. Là encore l'élite de
la jeunesse passa par ses mains, soit dans des cours de
sciences ou des leçons particulières, soit dans des exa-
mens dans les maisons d'éducation, collège .Saint-Joseph,
Minimes, Ecole Ampère, Mongré, voire même des pen-
sionnats de jeunes filles où son enseignement clair, simple,
précis, sa bonté aimable, sa simplicité charmante lui ga-
gnaient vite l'attention et l'affection des élèves.
En 1880, les RR. PP. Jésuites, frappés par les décrets,
lui offrirent la direction du collège de Mongré. Cette na-
ture chevaleresque et généreuse ne savait jamais refuser
un service, quoi qu'il dût lui en coûter. Il accepta pour
une année seulement, pendant laquelle il dut faire des
prodiges d'activité et de dévouement, recruter des profes-
seurs non jésuites, ce qui n'était pas une petite affaire,
pour avoir des hommes de valeur, tenir constamment
tête avec courtoisie et fermeté à la fois, aux tracasseries
de l'Académie et à la surveillance jalouse des inspecteurs
qui voyaient partout des jésuites, continuer en même
temps ses cours et ses leçons à Lyon (car l'école Fénelon
ne l'avait pas enrichi) ; en un mot, être partout à la fois et
ne rien négliger nulle part. M. Chambert tint tête vail-
lamment à tous ces travaux, à toutes-ces luttes. Mais il
vécut deux ans dans cette année 1880-1881. Brisé de fa-
tigues (on l'avait vu, pendant quelques années, donner
quatorze heures de leçons par jour) ; il quitta Mongré pour
reprendre ses cours, ses leçons et ses « colles ».
Mais il fallait désormais compter avec ses forces. Peu
à peu, moins absorbé par l'enseignement, il tourna l'acti-
vité dévorante de son esprit vers les oeuvres sociales et
de bienfaisance, visites d'écoles de Frères et de Soeurs,
60 &UC1ETE NATIONALE
conférences de Saint-Vincent-de-Paul, études sur diverses
questions sociales, natalité, question juive, oeuvre de M. le
Play, patrons catholiques, repos du dimanche, presse,
oeuyres de la jeunesse, antialcoolisme, jardins ouvriers,
etc., etc.
On le voyait plus ardent, plus actif, plus jeune que les
jeunes, de coeur, de dévouement, d'espérance, d'énergie.
Les années, en tombant sur ses épaules, ne semblaient pas
l'atteindre. Il restait vert, alerte, plein de vie. C'était un
beau vieillard, toujours aimable et bienveillant pour tous,
que rien ne décourageait, ni la malice des hommes, ni les
événements. Ces choses l'attristaient un moment, mais .il
cherchait aussitôt les moyens d'y remédier. Une seule
chose l'indignait, l'injustice.

M. Chambert à la Société nationale d'Education


M. Chambert a été admis dans la Société en 1862. Voici
comment M. Louis Guillard s'exprimait à son sujet dans
le compte rendu annuel :

L'enseignement libre nous a donné M. Chambert, chef


«
d'institution, que vous avez jugé digne de vous appartenir,
aussitôt que votre vice-président, M. Pictet, l'eût jugé
digne d'être son collaborateur. »
La direction d'une importante maison d'éducation l'ab-
sorbait alors et l'empêcha sans doute de prendre immé-
diatement une part très active aux travaux de la Société.
Toutefois, en 1869, une question très intéressante et d'une
grande actualité fut posée devant la Société par un de
ses membres les plus distingués. Il s'agissait de la créa-
tion, à Lyon, d'une école des études commerciales. Une
Commission fut nommée pour étudier le projet et
M. Chambert, qui en faisait partie, fut chargé du rapport.
Voici ce que. nous lisons dans le compte rendu de M. de
Laprade pour l'année 1869.
« Au mois de mars dernier, une lecture très
intéressante
vous fut faite sur cette question (celle d'une école com-
merciale) par M. Louis Desgrand,, un de nos nouveaux
confrères, à qui son expérience et son caractère donnent,
D'EDUCATION DE LYON 61

sur ce sujet, une grande autorité. A la suite de ses pro-


positions, accueillies avec une vive sympathie, la Société
nomma pour les étudier une Commission, au nom de
laquelle M. Chambert vous présenta un rapport dans
votre séance du 10 juin. Ce savant rapport entrait dans
tous les détails d'une éducation commerciale complète, en
nous citant les exemples des établissements déjà créés
dans ce but en France et à l'étranger. Il n'omettait pas
de réserver la prééminence de la haute culture intellec-
tuelle, qui a pour objet les lettres et les sciences purement
spéculatives, et la proclamait indispensable pour main-
tenir la supériorité morale d'une nation. Je cite les expres-
sions mêmes de votre rapporteur. Admettant ses con-
clusions, la Société a décidé qu'elle verrait une oeuvre
utile dans la création d'un établissement destiné à l'édu-
cation commerciale et fondé sur les principes exposés dans
le rapport qui lui a été soumis ».
A M. Chambert revient donc sa part d'honneur dans
l'origine de notre Ecole de Commerce si florissante au-
jourd'hui. Il travailla encore indirectement pour la Société
d'Education en formant des maîtres qui méritèrent d'être
récompensés par elle. Nous lisons, en effet, dans le compte
rendu de l'année 1870 :
« Le prix Richard, que la Société d'Education accorde
au zèle soutenu, à la constante bonne conduite des fonc-
tionnaires des établissements libres d'instruction secon-
daire ou primaire, a été décerné à M. Janin, professeur
à l'Ecole Fénelon. »
En 1876, M. -Chambert fut chargé du rapport sur le con-
cours de l'année précédente. Le sujet proposé était ce-
lui-ci : « Préciser ce que peut et doit faire l'instituteur
primaire pour l'éducation de ses élèves. Indiquer par quels
moyens il accomplira le mieux cette partie de sa tâche ».
Co concours fut un des plus féconds qu'ait ouverts la
Société. Il avait produit soixante-dix mémoires. La tâche
de la Commission, et surtout celle du rapporteur, ne de-
vaient pas manquer de difficultés et ce n'était pas une
légère marque de confiance pour M. Chambert d'avoir été
choisi pour l'accomplir. Il n'est pas besoin de. dire qu'il
s'en tira à la plus grande satisfaction de tous.
M. Chambert reçut ensuite la charge de secrétaire-ad
62 SOCIETE NATIONALE
joint et l'exerça de 1877 à 1880. Cette charge est très im-
portante et exige la plus grande assiduité aux séances,
puisque le secrétaire adjoint doit faire le compte rendu de
chacune d'elles. En 1879, M. Chambert. fit partie de la
Commission nommée par là Société sur les modifications
à apporter dans les épreuves orales du baccalauréat es
lettres. M. Chambert préluda aux études sociales aux-
quelles il s'adonna jusqu'aux derniers jours de sa vie par
un travail qu'il lut à la Société dans sa séance du 11 juin
1865 sur la dépopulation de la France et intitulé : « Un
cri d'alarme. » Il montrait que le coefficient d'accroisse-
ment de la population française est de beaucoup le plus
faible, en Europe, même sans tenir compte de i'émigra-
tion, parce que la natalité diminue. Pour lui, l'une des
-
causes principales de ce malest dans la loi qui a établi
le partage forcé des héritages, sans méconnaître les autres,
notamment la débauche, l'égoïsme, la recherche croissante
du bien-être et l'amoindrissement du sentiment religieux,
effets et causes en même temps de la désorganisation de
la famille.
Mais il fallait à M. Chambert un champ plus vaste que
la Société d'Education pour le déploiement de son zèle
et de son activité qui semblait croître avec les années. Il
lé trouva dans les oeuvres sociales auxquelles il collabora
sans ménager ni son temps, ni ses forces.

M. Chambert et les oeuvres sociales

En 1887 parut un. petit traité d'économie politique rédigé


pour la Société d'encouragement à l'Enseignement libre
et catholique, intitulé : Le Travailleur chrétien, par une
Commission de rédaction composée de MM. l'abbé Da-
dolle, professeur à l'Institut catholique de Lyon, Cham-
bert, ancien chef d'institution et Louis Desgrand, ancien
négociant. Je ne pense pas devoir être démenti par les
collaborateurs de M. Chambert en avançant qu'il a dû
tenir la plume dans ce travail et y avoir eu la meilleure
part qu'il a, par modestie, dissimulée sous l'autorité de
ses deux amis dont il appréciait à sa valeur la haute com-
pétence en ces matières. Quoi qu'il en soit, on reconnaît
D'EDUCATION DE LYON 63
à la façon lumineuse et précise dont les questions sont
présentées et résolues, la plume d'un écrivain habitué par
une longue pratique de l'enseignement à tous les secrets
de la méthode la plus sûre et la plus féconde.
C'est encore au même ordre d'idées que se rattachent
deux autres brochures parues en 1902. et intitulées : l'une,
^Contribution à l'enseignement social élémentaire, et l'au-
tre, Notions élémentaires de vie pratique.
Mais M. Chambert ne se contentait pas d'écrire et de
parler, il savait aussi agir et son action incessante dans
les oeuvres sociales a été justement appréciée dans une
lettre qu'un de ses collaborateurs, M. Gruffaz, adressait
au D1' Duquaire, au lendemain de sa mort et qu'on nous
permettra de transcrire tout au long, parce qu'elle indique
mieux que nous ne saurions le faire tout ce qui revient à
M. Chambert dans ces oeuvres multiples auxquelles il a
participé si largement :

«Lyon, le 6 mars 1904.

« Monsieur le Docteur,
« Je suis heureux de vous donner quelques notes sur
la coopération de M. Chambert aux diverses oeuvres de
notre ville, ce sera pour moi un faible tribut d'hommage
et de reconnaissance à cet homme de bien que j'estimais,
à cet excellent chrétien, à ce bon Français que j'aimais.
« M. Chambert avait gardé intactes ces deux qualités
qui prolongent la jeunesse jusqu'à la plus extrême vieil-
lesse : la patience dans l'action et l'espérance, la confiance
dans la persévérance, deux qualités, deux vertus qui firent
déployer jusqu'à la dernière heure de sa vie à ce vaillant
octogénaire une activité étonnante, une activité toute d'ac-
tualité, car ce bon vieillard ne s'était point attardé aux
regrets du passé. Il était de son temps et les luttes de
l'heure présente le passionnaient comme les jeunes dont
il savait s'assimiler jusqu'aux généreuses illusions avec
une bonté qui consolait et qui encourageait toutes les
bonnes volontés.
La longue expérience que M. Chambert avait acquise
comme éducateur de la jeunesse, ses études sociales, la '
64 SOCIETE NATIONALE
vie active d'homme d'oeuvres qu'il menait dans la cité,,
son contact permanent avec toutes les classes de la Société
l'avaient convaincu que tous les maux dont nous souf-
frons aujourd'hui venaient surtout de la désorganisation
de la famille. Aussi, est-ce vers la reconstitution du foyer
familial qu'il concentra de préférence ses efforts, et toutes
les oeuvres, toutes les associations qui ont mis à contri-
bution son zèle et son dévouement se rattachent bien à ce
but.
«Disciple de Le Play, il est l'actif propagateur des
Unions de la Paix sociale à une époque où les catholiques
n'osent pas encore se lancer dans l'action sociale et sem-
blent hésiter, tâtonner et chercher leur voie.
« Le comte de Mun et les cercles catholiques viennent
à peine de poser un premier jalon vers le retour au peuple
que M. Chambert est au premier rang de cette phalange
de novateurs d'autant plus méritants qu'ils vivaient dans
un milieu réfractaire. Mais il ne s'arrêtera pas à ce pre-
mier pas vers l'union des classes, il franchit les étapes
avec une ardeur toute juvénile et nous le trouvons un des
premiers dans ce magnifique mouvement d'émancipation
sociale et politique de la démocratie chrétienne.
« Entre temps, il créait à Lyon avec quelques amis de
la classe ouvrière un Comité antisémite. Connaissant bien
le juif et ses lois talmudiques, il cherchait bien plus les
moyens de le surveiller, d'enrayer son action dissolvante:
de désorganisation nationale que de le persécuter.
« Mais en homme pratique, M. Chambert néglige sou-
vent la théorie pour s'adonner à l'action. Aussi le trou-
vons-nous partout dans les oeuvres utilitaires et au poste
qui exige le plus de travail et de dévouement, celui de
secrétaire. •

« Aux patrons catholiques, il s'intéresse vivement au


placement des ouvriers et aux écoles du soir créées par
cette Association.
« A la Ligue du repos du dimanche, il contribue à toutes
les sages réformes qui ont renoué un peu les liens de la
famille en rendant la liberté du dimanche à ses membres
par la fermeture des magasins et, ici, je suis heureux
de lui témoigner toute ma reconnaissance pour le con-
cours si dévoué qu'il m'a apporté pour faire aboutir la
D'EDUCATION DE LYON 65
fermeture des magasins de soierie le samedi à midi, qui
sera bientôt suivie, je l'espère, de la fermeture des usines
et magasins de gros le même jour et à la même heure,
mesure qui sera certainement sanctionnée sous peu par
une loi demandée par les syndicats de patrons eux-mêmes.
« Inspecteur des écoles libres de
Lyon, il apporte dans
cette charge si délicate toute l'expérience et les connais-
sances professionnelles de sa longue carrière dans l'ensei-
gnement.
« L'alcoolisme, qui fait tant de ravages
dans notre so-
ciété moderne a retenu longtemps toutes ses préoccupa^
tions et c'est à la Ligue antialcoolique qu'il a consacré
certainement ses meilleurs moments.
« Membre du Comité des jardins ouvriers, ce corollaire
nécessaire de la fermeture des usines le samedi à midi,
M. Chambert s'intéressa aussi, dès le début, à cette mo-
deste Société populaire d'économie sociale d'où il est sorti
déjà plusieurs -oeuvres utiles.
«
Vous ne trouverez certainement, Monsieur le Docteur,
rien d'inconnu de vous dans ces quelques lignes sur
l'homme de bien que nous regrettons tous, mais j'aurais
eu au moins la joie de revivre quelques instants avec ce
cher disparu dont le souvenir me rappellera toujours qu'il
faut être bon et dévoué, patient et persévérant dans, l'ac-
tion.
« Veuillez agréer, Monsieur le Docteur, etc.

« A. GRUFFAS. »
TABLE DES MATIÈRES

Liste des membres de la Société 5

Compte rendu des travaux pendant l'année 1905 .


9
. .


Rapport sur le concours 1904 31

Lyon. — Imp. A. ÏIEY et C", <i, rue Gentil. — 42560

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