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ONG ET DROITS DE L’HOMME

Cours dispensé au niveau III


Génie informatique
Spécialité : Humanités numériques
École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé

Année académique 2023/2024

Ghislain BOMBELA MOSOUA


Docteur/Ph.D en Droit Public
Chargé de Cours
Université de Yaoundé II
ONG et Droits de l’Homme

PLAN DU COURS

INTRODUCTION GENERALE ......................................................................... 4


CHAPITRE I- LES NOTIONS D’ONG ET DE DROITS DE L’HOMME .......... 14
SECTION I- LA NOTION D’ONG ................................................................ 15
PARAGRAPHE I- DEFINITION ET TYPOLOGIE D’ONG ............................ 15
A- QU’EST QU’UNE ONG ? ................................................................ 16
1- L’énoncé du texte .......................................................................... 16
2- Les éléments caractéristiques ........................................................ 17
B- TYPOLOGIE D’ONG ....................................................................... 21
1- La classification des ONG en fonction de leurs domaines d’activité 21
2- La classification des ONG en fonction de leur taille........................ 23
PARAGRAPHE II- LE CADRE JURIDIQUE DES ONG AU CAMEROUN .... 26
A- LA PROCEDURE DE CREATION DES ONG AU CAMEROUN .......... 26
1- L’exigence préalable de l’agrément ................................................. 27
2- Le rôle de la Commission technique et du MINAT .......................... 29
B- LE REGIME JURIDIQUE DES ONG AU CAMEROUN ..................... 30
1- Organisation et fonctionnement .................................................... 31
2- Dissolution ..................................................................................... 34
SECTION II- LA NOTION DE DROITS DE L’HOMME ................................. 35
PARAGRAPHE I- L’APPROCHE SUBSTANTIELLE DES DROITS DE
L’HOMME .............................................................................................. 36
A- DES ORIGINES THEOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES AUX
DOCTRINES JURIDIQUES SUR LES DROITS DE L’HOMME ............... 36
1- Les soubassements théologiques et philosophiques des droits de
l’homme.............................................................................................. 37
2- Les assises juridiques des droits de l’homme entre jus naturalisme
et positivisme...................................................................................... 42
B- LES DROITS DE L’HOMME ET LES NOTIONS VOISINES .............. 45
1- Les droits de l’homme et les libertés publiques .............................. 46
2- Les droits de l’homme et les droits fondamentaux ......................... 48
PARAGRAPHE II – L’APPROCHE GENERATIONNELLE DES DROITS DE
L’HOMME .............................................................................................. 51
A- LES DROITS DE LA PREMIERE ET DE LA DEUXIEME
GENERATION ..................................................................................... 52
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1- Les droits de la première génération ou l’évocation des droits-


libertés ............................................................................................... 52
2- Les droits de la deuxième génération ou l’énonciation des droits-
créances ............................................................................................. 53
B- LES DROITS DE LA TROISIEME GENERATION OU L’AFFIRMATION
DES DROITS SOLIDARITES ................................................................ 54
1- Leur contenu ................................................................................ 54
2- Leur portée ................................................................................... 55
CHAPITRE II : LES ONG ET LA PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME ............................................................................................. 58
SECTION I- LES DIFFERENTES ACTIONS DES ONG EN FAVEUR DE LA
PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME ................................................ 58
PARAGRAPHE I- LES ONG DANS LA PROMOTION DES DROITS DE
L’HOMME .............................................................................................. 58
A- LEUR ROLE DANS L’EDIFICATION DES NORMES JURIDIQUES
INTERNATIONALES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME .............. 59
1- L’action influente des ONG sur les normes internationales des
droits de l’homme ............................................................................... 60
2- L’impact de la coopération ONG et OI sur les normes
internationales de protection des droits de l’homme ............................ 63
B- LEUR ROLE DE SENSIBILISATION ET DE PLAIDOYER ................. 67
1- La formation ................................................................................. 68
2- Le lobbying et le plaidoyer ............................................................. 71
PARAGRAPHE II- LES ONG DANS LA PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME .............................................................................................. 76
A- L’IMPORTANT ROLE DES ONG DANS LES GARANTIES (QUASI)
JURIDICTIONNELLES INTERNATIONALES DES DROITS DE L’HOMME77
1- L’action limitée des ONG devant le prétoire international des droits
de l’homme ......................................................................................... 77
2- La variété des modes alternatifs de participation des ONG au
contentieux international des droits de l’homme ................................. 81
B- L’INCONTOURNABLE ROLE DES ONG DANS LA GARANTIE NON
JURIDICTIONNELLE DES DROITS DE L’HOMME ............................... 84
1- Les actions des ONG pour garantir le droit à la santé .................... 85
2- Les activités menées par les ONG pour assurer l’effectivité du droit
à l’éducation ....................................................................................... 86

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SECTION II- LE ROLE CONTROVERSE DES ONG DANS LA DEFENSE DES


DROITS DE L’HOMME.............................................................................. 88
PARAGRAPHE I- LES DIVERS SCANDALES ........................................... 89
A- LES SCANDALES FINANCIERS ET SEXUELS ................................ 89
1- Les scandales financiers ............................................................... 89
2- Les dérives sexuelles ..................................................................... 91
B- LES AUTRES COMPORTEMENTS DEVIANTS ................................ 91
1- Le trafic d’enfants ......................................................................... 92
2- L’hébergement des renégats .......................................................... 93
PARAGRAPHE II- DES INSTRUMENTS DE DOMINATION ....................... 94
A- DES INSTRUMENTS A LA CAUSE DES ÉTATS PUISSANTS ........... 95
1- Des instruments de domination du capitalisme mondial ............... 95
2- Des instruments d’imposition des valeurs occidentales ................. 97
B- DES INSTRUMENTS AU SERVICE DE CERTAINS MOUVEMENTS
NON ETATIQUES ................................................................................ 98
1- Des instruments des groupes prosélytiques arabo-islamiques ....... 99
2- Des instruments au service des groupes prosélytiques juifs et
chrétiens .......................................................................................... 100

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ONG et Droits de l’Homme

INTRODUCTION GENERALE

L’ouverture démocratique des années 1990 a insufflé dans le


monde un vent des libertés. Cette période dans l’histoire de
l’humanité correspond à un moment historique symbolisé par la
chute du mur de Berlin et la décrépitude de l’Union des
Républiques socialistes et soviétique (U.R.S.S.). Il s’agit d’un
moment qui correspond au temps de la démocratie et de la
victoire de la liberté sur les régimes dictatoriaux et autoritaires.
Les études historiques nous informent que le temps de la
démocratie survient avec la fin de la guerre froide. Il s’agit d’un
temps mondial qui traduit la victoire de la démocratie sur la
dictature. Ainsi, la démocratie est devenue une valeur universelle
instaurée en référentiel et en modèle des systèmes politiques de
l’ensemble des États dans le monde. Elle sera désormais
présentée comme le signe et la manifestation de la modernité
politique. Les institutions internationales à l’instar de l’ONU1, de
l’Organisation Internationale de la Francophonie, du Conseil de
l’Europe, de l’Union européenne, de l’Union africaine, de la
CEDEAO2 se présenteront simultanément comme les législateurs
et les instituteurs de la norme démocratique dans le monde. Ces
organisations internationales favoriseront ainsi
l’institutionnalisation de la démocratie dans les relations
internationales ; institutionnalisation entendue ici comme un
processus résultant de la propagation de la démocratie comme
forme par excellence de régime politique3. Les transitions

1
Organisation des Nations Unies.
2 Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
3 Sindjoun (Luc), « La loyauté démocratique dans les relations internationales : sociologie

des normes de civilité internationale », Études Internationales, Vol. 32, n°1, 2001, p.40.
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démocratiques des années 1990 vont donc instituer dans les


États du sud et dans ceux de l’Europe de l’Est la loyauté
démocratique, c'est-à-dire, la conformité à la démocratie comme
norme d’organisation et de fonctionnement de la vie politique des
États4. La démocratie est par conséquent instituée en standard de
comportement adéquat des États dans la société internationale5.
Ceci implique l’organisation normative des États dans le sens de
la démocratie ; autrement dit, la démocratie comme norme dans
la société internationale amène à considérer que c’est en fonction
de la référence à la démocratie que l’organisation interne des
États devient significative voire cohérente6. Par conséquent, le
régime non démocratique est perçu comme un anachronisme,
comme un régime hors du temps7.

L’ouverture démocratique des années 1990 a été favorisée en


Afrique par des facteurs tant internationaux qu’internes. Sur le
plan international, une conjonction de facteurs a conduit
l’ensemble des États du continent noir à opter pour le régime
démocratique. Le discours de la Baule va constituer un tournant
décisif pour la transition démocratique des États africains. En
effet, le 20 juin 1990, à la Baule, le président François Mitterrand
réunit les chefs d’État africains et les invite à développer la
démocratie dans leurs pays à l’image des européens de l’Est qui
viennent de s’affranchir de la tutelle communiste. Il subordonne
l’aide française à l’introduction du multipartisme déclarant à ses
hôtes : « La France liera tout effort de contribution aux efforts qui

4 Ibid, p.31.
5 Ibid, p.42.
6 Idem.
7 Ibid, p.41.
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seront accomplis pour aller vers plus de libertés ». L’exigence


démocratique devient par conséquent le nouveau fondement de la
coopération franco-africaine8. À côté du discours de la Baule, les
institutions financières internationales dans le cadre des
Programmes d’ajustement structurels (PAS) vont également
conditionner leurs aides aux États africains à leur adhésion à la
démocratie libérale et pluraliste. C’est ce qu’on appellera la
conditionnalité démocratique9. À côté de ces causes externes, la
démocratisation des États africains a également été possible par
des facteurs internes. Sans aucune concertation préalable, mais
par un mimétisme et un effet de contagion, la presque totalité des
autoritarismes en cours dans les États de l’Afrique noire
francophone sont submergés par une vague de revendications des
populations locales10. Ainsi, les vagues des villes mortes, des
grèves et des manifestations publiques de plusieurs franges de la
population, à la fin des années 1980 et au début des années
1990, ont conduit de manière inéluctable à l’ouverture
démocratique des années 1990.

La démocratie comme norme de référence de l’organisation


des sociétés politiques contemporaines se décline en plusieurs
principes : la garantie de l’État de droit, des droits de l’homme,
du pluralisme politique, de la séparation des pouvoirs, des
élections libres, sincères, objectives et régulières, etc. De ces
principes, qui constituent aujourd’hui le patrimoine
8 Dia (Daouda), Les dynamiques de démocratisation en Afrique noire francophone, Thèse de
doctorat en Science politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 2010, p.56.
9 Topanou (Victor-K.), « Conditionnalité démocratique », La conditionnalité dans la
coopération internationale, Colloque de Yaoundé, 20-22 juillet 2004, PP.24-35. ; Atangana
Amougou (Jean-Louis), « Conditionnalité et droits de l’homme », La conditionnalité dans la
coopération internationale, Colloque de Yaoundé, 20-22 juillet 2004, PP.58-81.
10 Dia (Daouda), Les dynamiques de démocratisation en Afrique noire francophone, op cit,

p.66.
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ONG et Droits de l’Homme

constitutionnel commun des sociétés politiques11, les droits de


l’homme occupent une place singulière. Ils constituent l’objet
d’une longue lutte dans l’histoire de l’humanité. Tous les États,
toutes les cultures et toutes les civilisations se réclament
aujourd’hui de la tradition des droits de l’homme. Ils sont
considérés dans le monde de la mondialisation comme l’une des
valeurs cardinales acceptées par l’ensemble des peuples de la
planète. L’histoire des droits de l’homme est celle de la découverte
de l’humanité de l’homme, de sa lutte contre ses tendances
mortifères12. En effet, l’homme a dans son histoire été
particulièrement inventif dans les formes de dépossession et de
violence : guerres, esclavages, tortures, génocides, violences et
atrocités sur les femmes et les enfants13, etc. Étudier les droits et
les libertés, c’est donc se confronter à ces aspects noirs de
l’histoire de l’humanité afin d’en ressortir l’ignominie et
l’indignation dans le but de valoriser l’homme dans son essence
et dans son contexte. Perçue comme une discipline juridique, les
droits de l’homme obligent à se confronter à la dimension
ontologique de l’être humain, c'est-à-dire, ce qui est relatif à l’être
humain en tant que tel, indépendamment de ses déterminations
particulières, ce qui renvoie aux qualités essentielles qui le
constituent (caractère sacré de la vie, dignité fondamentale,
aptitude naturelle à la liberté)14.

11 Sindjoun (L), La formation du patrimoine constitutionnel commun des sociétés politiques.


Éléments pour une théorie de la civilisation politique internationale, Dakar, CODESRIA, 1998,
72p.
12 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, Bruxelles, Nemesis-Bruylant,

2006, p.20.
13 Idem.
14 Ibidem.

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ONG et Droits de l’Homme

L’histoire des droits de l’homme est ponctuée d’un ensemble


de moments forts qui ont contribué à l’émergence de la discipline.
La Révolution américaine du 4 juillet 1776, la Révolution
française du 26 août 1789, la Magna Carta du 15 juin 1215,
le Bill of Right de 1689 et le Petition of Right de 1628 sont
généralement les dates historiques évoquées dans les manuels et
ouvrages sur les droits de l’homme pour montrer les instruments
juridiques qui ont façonné l’avènement de la discipline qu’on
appelle aujourd’hui le droit international des droits de l’homme.
Ces dates sont importantes et montrent vraiment comment
l’homme au fil de l’histoire a pris conscience de la nécessité
d’assurer et de garantir la dignité de la personne humaine. Sauf
qu’elles procèdent d’une vision essentiellement occidentale de
l’histoire des droits de l’homme. Comme si les autres civilisations,
et notamment la civilisation africaine, n’ont pas contribué à cette
marche de l’humanité dans la conquête des libertés et de la
dignité humaine. Il convient de relever que sur le plan historique,
l’Afrique a contribué à l’histoire des droits de l’homme. On
pourrait à titre d’illustration citer la Charte du Kurukan Fuga
proclamée le jour de l’intronisation de l’empereur du Mali
Soundiata Keїta à la fin de l’année 123615. Il s’agit en réalité de
la constitution de l’empire du Mandé qui a une valeur égale à la
Magna Carta britannique. Ce texte est d’une modernité politique
très poussée. Il consacre le premier les droits des femmes bien
avant les instruments occidentaux pertinents relatifs aux droits
de l’homme, les droits des enfants et des jeunes ; il énonce
également l’État de droit et la gouvernance démocratique.

15 Kum’a Ndumbe III, L’Afrique s’annonce au rendez-vous, la tête haute!, AfricAvenir &
Dialogue, 2012, p.77-87.
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ONG et Droits de l’Homme

Reconstituée de façon écrite en 1998 grâce à une initiative


conjointe du Centre d’Études Linguistique Historique et de
Tradition Orale (CELTHO) de Niamey (Niger) et d’une ONG Suisse
(Inter media Consultants), la Charte du Kurukan Fuga a été
inscrite en 2009 sur la liste représentative du patrimoine culturel
immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Il s’agit donc d’un
instrument juridique important qui doit être évoqué lorsqu’on
aborde l’histoire des droits de l’homme.

En tant que discipline scientifique, les droits de l’homme


vont émerger avec leur processus d’internationalisation. Tout va
commencer avec la Déclaration universelle des droits de l’homme
du 10 décembre 1948 des Nations unies et les deux Pactes
internationaux du 16 décembre 1966 l’un relatif aux droits civils
et politiques16 et l’autre portant sur les droits économiques,
sociaux et culturels17. Va alors suivre un vaste mouvement de
consécration internationale des droits de l’homme. On peut citer
à titre d’illustration : La Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide adoptée le 9 décembre 1948 et
entrée en vigueur le 12 janvier 1951, la Convention sur
l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes
adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre
1981, la Convention internationale sur les droits de l’enfant
adoptée le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre
1990, la Convention relative au statut des réfugiés adoptée le 28
juillet 1951 et entrée en vigueur le 4 octobre 1967, la Convention
internationale relative au statut des apatrides adoptée le 28

16 Entré en vigueur le 23 mars 1976.


17 Entré en vigueur le 3 janvier 1976.
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ONG et Droits de l’Homme

septembre 1954 et entrée en vigueur le 6 juin 1960, etc. À cette


universalisation des droits de l’homme du fait de leur
proclamation au niveau onusien, on va également assister à leur
régionalisation dans le but d’affirmer les particularismes culturels
propres aux différentes régions du monde en matière des droits
de l’homme. L’Europe va inaugurer la régionalisation des droits
de l’homme à travers le Conseil de l’Europe (crée en 1949) qui a
élaboré la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales18 adoptée le 4 novembre 1950 et entrée en
vigueur le 3 septembre 1953 et ses quatorze protocoles
additionnels. Cette organisation internationale a également
élaboré la Charte sociale européenne adoptée le 18 octobre 1961
à Turin et entrée en vigueur le 28 février 1965. L’Union
européenne (UE) a également participé à l’Europe des droits de
l’homme en adoptant à Nice le 7 décembre 2000 sa Charte des
droits fondamentaux. Le Traité de Lisbonne de 2007 dans
l’article 6 du Traité de l’UE (TUE) lui confèrera une valeur
juridique contraignante au même titre que les traités
internationaux. Cette Charte entrera en vigueur le 1er décembre
2009. Ces différents instruments juridiques européens de
protection des droits de l’homme vont impulser une vision
paneuropéenne de la démocratie afin de garantir ce que le Conseil
de l’Europe va appeler la « démocratie véritable » qui repose sur
un triptyque : La liberté individuelle, la liberté politique et la
prééminence du droit »19.

Généralement connue sous le vocable de Convention européenne des droits de l’homme.


18
19Jacquemot (Florence), Le standard européen de société démocratique, Université de
Montpellier I, Collection thèse n°4, 2006, p.51.
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ONG et Droits de l’Homme

Au niveau américain, les États membres de l’Organisation


des États américains (OEA) vont adopter la Convention
américaine des droits de l’homme à San Jose, au Costa Rica, le
22 novembre 1969 qui entrera en vigueur le 18 juillet 1978. Cette
convention américaine va énoncer une conception des droits de
l’homme qui sera propre aux spécificités culturelles qui peuplent
ce continent.

L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) va adopter le 27


juin 1981 à Nairobi au Kenya la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples qui entrera en vigueur le 21 octobre
1986. Ce texte sera complété par deux textes importants : le
Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples portant création d’une Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples adopté à Ouagadougou, au Burkina Faso,
le 9 juin 1998 et entré en vigueur le 25 janvier 2004 et le
Protocole à la Charte africaine des droits de l’hommes et des
peuples relatif aux droits des femmes adopté le 11 juillet 2003 et
entré en vigueur le 25 novembre 2005. Ces divers instruments
africains de protection des droits de l’homme ont été adoptés pour
mettre en exergue la vision africaine des droits de l’homme. Il
était question pour l’Afrique d’apporter sa partition et de faire
valoir ses valeurs et sa cosmogonie dans le débat relatif aux
droits de l’homme au niveau mondial.

Les droits de l’homme tels qu’ils viennent d’être énoncés


bénéficient de mécanismes juridictionnels de garantie qui
assurent leur effectivité. Ces mécanismes se trouvent tant au
niveau national qu’international. Au niveau national ce sont les
juges constitutionnels, judiciaires et administratifs qui assurent
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ONG et Droits de l’Homme

la garantie juridictionnelle des droits de l’homme. Au niveau


international il faut scinder deux types de mécanismes : universel
et régional. Le mécanisme universel de protection des droits de
l’homme se situe au niveau onusien. Il s’agit davantage ici d’un
mécanisme quasi juridictionnel assuré par le Conseil des droits
de l’homme des Nations unies. Le mécanisme régional de garantie
des droits de l’homme, est quant à lui, véritablement
juridictionnel car assuré par trois juridictions : la Cour
européenne des droits de l’homme, la Cour interaméricaine des
droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples.

Ces mécanismes juridictionnels de garantie des droits de


l’homme sont ceux qui sont le plus évoqués par la plupart des
ouvrages et manuels sur les droits de l’homme. Cependant, il est
également important d’affirmer que les mécanismes
juridictionnels n’épuisent pas les acteurs assurant l’effectivité des
droits de l’homme. À côté de ces acteurs importants que sont les
juges, il faut également noter qu’il existe des garanties non
juridictionnelles des droits de l’homme. On retrouve dans cette
catégorie une variété d’acteurs : les autorités administratives
indépendantes (à l’instar du médiateur de la République), les
institutions indépendantes de garantie des droits de l’homme (à
l’exemple de la Commission des droits du Cameroun), les
associations et les ONG20 de défense des droits de l’homme, etc.
De tous ces acteurs, les ONG sont ceux sur lesquelles l’attention
sera portée. Il s’agit d’une catégorie d’acteurs de garantie des
droits de l’homme quasi ignorée des manuels portant sur les

20 Organisation non gouvernementale.


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ONG et Droits de l’Homme

droits de l’homme. Pourtant leurs actions sur le terrain de


l’effectivité des droits de l’homme sont palpables, observables et
multiformes. L’objectif de cet enseignement est donc de présenter
la place importante des ONG dans la garantie des droits de
l’homme. Pour ce faire, il sera au préalable question d’asseoir les
vocables d’ONG et de droits de l’homme (Chapitre I), avant de
montrer le rôle des ONG dans la garantie des droits de l’homme
(Chapitre II).

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ONG et Droits de l’Homme

CHAPITRE I- LES NOTIONS D’ONG ET DE DROITS DE


L’HOMME

Les notions d’ONG et de droits de l’homme ne sont pas


aisées à manipuler. Même si elles sont de manière récurrente
évoquées par les médias, il s’agit de deux notions dont le sens et
le contenu nécessitent une analyse approfondie. La définition des
termes est un préalable analytique voire épistémologique qui
s’impose avant de parler des choses. Avant de voir les interactions
possibles entre deux choses ou deux phénomènes, il est
nécessaire de les définir en guise de prolégomènes. Cette
nécessité de la définition, lorsqu’on veut aborder les choses, a été
mis en exergue par l’épistémologue français Gaston Bachelard en
ces termes : « La pédagogie est là pour prouver l’inertie de la
pensée qui vient d’avoir une satisfaction dans l’accord verbal des
définitions21 ». La définition elle-même n’est pas un exercice aisé.
En effet, définir la définition devient très laborieux au point où on
peut dénombrer près de dix-huit types de définitions22. Qu’à cela
ne tienne, on peut retenir que, définir c’est ressortir l’essence
d’une chose23 ; c’est une traduction en prédicats ou attributs qui
prétend cerner l’essence de la chose24. On entend donc par
définition une caractérisation univoque de quelque chose25, objet

21 Bachelard (Gaston), La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse


de la connaissance objective, 5ème éd, Paris, Librairie philosophique J. VRIN, « Coll.
Bibliothèque des textes philosophiques », 1967, p.56-57.
22 Grawitz (Madeleine), Méthodes des sciences sociales, 11ème éd, Paris, Dalloz, p.19.
23 Idem.
24 Kamto (Maurice), « La volonté de l’État en droit international », RCADI, tome 310 (2004),

2007, p.24.
25 Kalinowski (Georges), Introduction à la logique juridique. Éléments de sémantique juridique,

logique des normes et logique juridique, préface de Ch. Perelman, Paris, LGDJ, 1965, p.48.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 14
ONG et Droits de l’Homme

matériel ou réalité conceptuelle, d’une manière intelligible par


l’esprit26.

Ces précisions étaient nécessaires pour voir la raison d’être


et le bien fondée du présent chapitre. Il est important d’aborder
au préalable les notions d’ONG et de droits de l’homme avant de
voir par la suite les éventuelles interactions qui pourraient exister
entre ces deux réalités. C’est la raison pour laquelle ces notions
seront abordées de manière distincte. Il sera question d’étudier,
d’une part, la notion d’ONG (Section I) avant d’aborder, d’autre
part, celle de droits de l’homme (Section II).

SECTION I- LA NOTION D’ONG

La notion d’ONG est dynamique et assez complexe. Il ne


s’agit pas d’une notion statique et figée dans le temps. Le
phénomène ou les acteurs auxquels cette notion renvoie sont
hétérogènes et interviennent aussi bien dans la vie nationale des
États qu’au niveau de la scène internationale touchant à des
activités multiples et multiformes. Pour donc aborder la notion
d’ONG en tenant compte de ces différentes considérations, il
serait judicieux de ressortir d’abord sa définition et sa typologie
(Paragraphe I) avant de voir par la suite, de manière spécifique, le
cadre juridique des ONG au Cameroun (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I- DEFINITION ET TYPOLOGIE D’ONG

Il sera question ici de procéder à la définition d’une ONG (A)


avant de ressortir sa typologie (B). Le tout afin de permettre à

26 Kamto (Maurice), « La volonté de l’État en droit international », op cit, p.24.


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ONG et Droits de l’Homme

l’esprit d’intelliger ce phénomène qui devient de plus en plus


mouvant.

A- QU’EST QU’UNE ONG ?

L’ONG n’a pas encore fait l’objet d’une définition doctrinale à


défaut d’une définition universelle27. De manière générale, une
ONG est perçue comme une association à but non lucratif,
d’intérêt public, qui ne relève ni de l’État, ni de l’institution
internationale. Il s’agit donc d’un groupement qui n’a pas été
constitué par une entité publique ou par voie d’un accord
intergouvernemental, qui exerce une activité nationale ou
internationale d’intérêt général. Cependant, au regard du
caractère polymorphe et dynamique des ONG, il est difficile
d’avoir une définition qui englobe toutes les catégories d’ONG.
C’est la raison pour laquelle nous nous attarderons
exclusivement sur la définition que le législateur a donné de
l’ONG au Cameroun (1) afin d’en ressortir les éléments de
caractérisation (2).

1- L’énoncé du texte

L’ouverture démocratique des années 1990 a conduit au


Cameroun à l’avènement d’une législation des libertés. Le 19
décembre 1990, plusieurs textes de loi régissant les libertés
publiques ont été adoptés. Parmi ces textes, on note la Loi
n°90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association.
Cette loi plante le décor général et le régime juridique général des
associations au Cameroun. Mais de manière spécifique, c’est la

27Koffi Ehui (Bruno), Qu’est-ce qu’une ONG ?, L’Harmattan, « Coll. Études africaines », 2014,
172p.
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ONG et Droits de l’Homme

Loi n°99/014 du 22 décembre 1999 qui va régir les ONG au


Cameroun. Cette loi dans son article 2 (1) donne la définition
suivante à une ONG :

« Au sens de la présente loi, une ONG est une association


déclarée ou une association étrangère autorisée conformément à la
législation en vigueur, et agréée par l’administration en vue de
participer à l’exécution des missions d’intérêt général ».

Plus loin dans l’article 3 de ladite loi, les éléments suivants


vont compléter cette définition législative de l’ONG :

« Les missions d’intérêt général visées à l’article 2 ci-dessus sont


définies en fonction des priorités fixées par les pouvoirs publics
notamment dans les domaines juridique, économique, social,
culturel, sanitaire, sportif, éducatif, humanitaire, en matière de
protection de l’environnement ou de promotion des droits de
l’homme».

Voilà les éléments de définition que le législateur


camerounais donne d’une ONG. C’est cette définition législative
qui est prise en compte dans le cadre de ce cours. Elle mérite
d’être disséquée pour avoir les éléments à travers lesquels la
notion d’ONG doit être saisie.

2- Les éléments caractéristiques

De la définition de l’ONG qui vient d’être donnée par la loi du


22 décembre 1999 régissant les ONG au Cameroun, il se dégage
qu’un certain nombre d’éléments caractérisent la notion d’ONG
dans ce pays.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 17


ONG et Droits de l’Homme

Une ONG est d’abord une association : C’est-à-dire une


convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs
connaissances ou leurs activités dans un but autre que partager
des bénéfices28. En d’autres termes, une association est un
regroupement de personnes qui décident de réunir leurs efforts
ou de se mettre ensemble pour atteindre certains objectifs et ceci
dans un but non lucratif. Une ONG est donc d’abord une
association. Elle est par ce fait une institution ou une structure
privée. Ce sont des personnes morales de droit privé.

Une ONG est une association déclarée ou une association


étrangère autorisée : La loi du 19 décembre 1990 portant sur la
liberté d’association distingue deux régimes juridiques
d’associations. Les associations qui sont sous le régime de la
déclaration préalable et celles qui sont sous le régime de
l’autorisation29. La loi précise clairement que relèvent du régime
de l’autorisation, les associations étrangères et les associations
religieuses ; toutes les autres formes d’associations sont soumises
au régime de la déclaration30. Il ressort donc de tout ceci que, les
associations religieuses sont exclues et ne peuvent acquérir le
statut d’ONG au Cameroun. Peuvent donc acquérir ce statut, les
associations déclarées et les associations étrangères. Ces
dernières sont la seule, des deux catégories des associations
autorisées, qui peuvent devenir des ONG au Cameroun. Il serait
important de relever qu’on entend par association étrangère au
sens de la loi, tout groupement possédant les caractéristiques
28 Article 2 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association au
Cameroun.
29 Article 5 (1) de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association au

Cameroun.
30 Alinéas 2 et 3 de l’article 5 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté

d’association au Cameroun.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 18
ONG et Droits de l’Homme

d’une association, qui a son siège à l’étranger ou, qui, ayant son
siège au Cameroun, est dirigé par les étrangers ou dont plus de la
moitié des membres sont étrangers31. Le régime juridique de cette
catégorie d’association est précisé dans les articles 15, 16, 17, 18,
19, 20 et 21 de la loi de 1990 sur la liberté d’association au
Cameroun.

Une ONG est une association déclarée ou une association


étrangère autorisée agréée par l’administration : La loi du 22
décembre 1999 régissant les ONG au Cameroun dispose
clairement que, toute association régulièrement déclarée ou toute
association étrangère dûment autorisée justifiant d’une
contribution effective de trois (3) ans au moins dans l’un des
domaines d’intérêt général cité par l’article 3 de ladite loi peut
être agréée au statut d’ONG32. Comme le précise la loi, l’agrément
au statut d’ONG est accordé après avis de la Commission
technique chargée de l’étude des demandes d’agrément et du
suivi des activités des ONG par arrêté du Ministre en charge de
l’administration territoriale33.

Une ONG est une association déclarée ou une association


étrangère autorisée agréée par l’administration et participant
à l’exécution des missions d’intérêt général : L’association qui
veut bénéficier du statut d’ONG doit justifier d’une contribution
effective de trois (3) ans au moins dans l’un des domaines visés à
l’article 3 ; il s’agit des domaines qui portent sur des missions

31 Article 15 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association au


Cameroun.
32 Article 4 (1) de la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les Organisations Non

Gouvernementales.
33 Article 9 (1) de la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les Organisations Non

Gouvernementales.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 19
ONG et Droits de l’Homme

d’intérêt général. Ces missions d’intérêt général portent sur les


domaines suivants : juridique, économique, social, culturel,
sanitaire, sportif, éducatif, humanitaire, protection de
l’environnement et la promotion des droits de l’homme. Une ONG
est donc une association agréée par l’administration afin de
participer à l’exécution des missions d’intérêt général. Il s’agit
donc d’un critère déterminant pour parler d’une ONG. Les ONG
sont donc des associations qui œuvrent pour l’intérêt général.
Elles sont d’abord sélectionnées sur la base de ce critère puisque
l’article 4 (1) de la loi régissant les ONG au Cameroun énonce
clairement que toute association qui justifie au moins de trois (3)
ans en assurant les missions d’intérêt général peut être agréée au
statut d’ONG. Et l’article 2 (1) de la même loi dispose qu’une ONG
est association agréée par l’administration en vue de participer à
l’exécution des missions d’intérêt général. Il ressort d’une lecture
croisée de ces deux articles que l’intérêt général constitue un
critère important d’octroi de l’agrément pour l’obtention du statut
d’ONG et la finalité même des actions de l’association une fois ce
statut octroyé. L’intérêt général est dont en amont et en aval du
processus de mutation d’une association en ONG.

Au terme de cette analyse de la définition de l’ONG sur la


base de la loi camerounaise, il ressort en résumé qu’une ONG est
d’abord une association qui par la suite acquiert l’agrément de
l’administration afin d’assurer des missions d’intérêt général. Une
fois ces préalables liés à la définition sont posés il serait
intéressant pour davantage cerner la notion de procéder à sa
classification.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 20


ONG et Droits de l’Homme

B- TYPOLOGIE D’ONG

Les ONG ne constituent pas un moule unique. Elles se


présentent comme une variété d’institutions qui mènent des
activités différentes avec des tailles et des modes d’organisation
bien distinctes. Les ONG seraient aujourd’hui plus de 38 000
dans le monde entier. Elles structurent ce qu’on appelle
aujourd’hui la société civile nationale et internationale. La vie
politique interne des États et la scène politique internationale
subissent leur réelle influence. Aujourd’hui les ONG sont
devenues les acteurs importants de la vie des peuples et des
nations. Ne pouvant pas les saisir de manière uniforme, il serait
important de procéder à leur classification. Cette dernière
prendra en compte deux critères : leurs activités (1) et leur taille
(2).

1- La classification des ONG en fonction de leurs


domaines d’activité

Les ONG exercent leurs actions dans tous les secteurs


d’activité de l’homme. Leurs champs d’action sont donc aussi
divers que variés. Il ne sera donc pas question de procéder à
répertorier de manière exhaustive les domaines d’activité des
ONG. Il sera juste question d’énoncer quelques domaines
d’intervention de ces institutions afin de les catégoriser pour
mieux les saisir. Une fois que cette précision est faite, notons que
nous distinguons plusieurs types d’ONG en fonction de leurs
domaines d’activité.

Les environnementalistes : Ce type d’ONG est dédié à la


connaissance, la protection, la restauration ou la gestion de
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 21
ONG et Droits de l’Homme

l’environnement. Peuvent donc faire partie de leurs champs


d’activité les changements climatiques, la pollution, la sécurité
alimentaire, l’exploitation forestière, etc. Parmi les ONG opérant
dans ce secteur nous pouvons citer : Greenpeace, WWF, World
Watch Institute, Conservation International, Sea Biodiversité,
écocitoyenneté, etc.

Les humanitaires d’urgence : Cette catégorie d’ONG mène


une action de secours d’urgence dans des contextes de guerres,
de catastrophes naturelles ou de toute autres situations qui
nécessitent une aide humanitaire. Les ONG rentrant dans cette
catégorie ont inventé le « sans frontiérisme » affranchie des
contraintes diplomatiques et de la souveraineté des États. Ce sont
elles qui sont à l’origine du droit d’ingérence humanitaire et de
l’assistance humanitaire. Les rentrent dans cette catégorie :
Médecins sans frontières, Médecins du monde et même le Comité
international de la croix rouge (CICR), etc.

Les défenseurs des droits de l’homme : Il s’agit des ONG qui


ont pour principale activité la défense et la protection des droits
de l’homme. Ces ONG peuvent veiller à la protection des droits de
l’homme de manière générale ou de manière spécifique. On peut
ainsi citer : Amnesty International, la Fédération internationale
des droits de l’homme (F.I.D.H.), Human Rights Watch. Dans le
cadre des ONG qui veillent à la protection des droits spécifiques
on peut citer : la Commission internationale de juristes (la
promotion de la justice), Article 1934, RST (protection de la liberté

34 C’est une association britannique des droits de l’homme qui se concentre sur la défense
des droits de l’homme qui se concentre sur la défense et la promotion de la liberté
d’expression et de la liberté d’information dans le monde entier. Elle a été fondée en 1987.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 22
ONG et Droits de l’Homme

d’information), FIACAT35, OMCT36, APT37 (la lutte contre la


torture), etc.

Les antimondialistes : Il s’agit des ONG qui font du lobbying


en dénonçant les conséquences du libre-échange économique sur
les populations. Ce sont donc des institutions qui promeuvent
l’idée qu’une autre organisation du monde est possible en
s’opposant au libéralisme économique et aux pratiques
financières de la mondialisation économique. Ceci afin de
favoriser une économie plus sociale et mieux répartie dans le
monde.

2- La classification des ONG en fonction de leur taille

La classification des ONG peut aussi se faire en fonction de


leur taille. À ce niveau on peut distinguer les ONG nationales des
ONG internationales.

Les ONG nationales : Elles ont une sphère d’action qui se


limite au territoire d’un État. Elles se caractérisent par la
modestie de leurs moyens comparativement aux ONG
internationales. Mais elles ont plus de moyens et une meilleure
organisation que les simples associations. Elles œuvrent dans
divers champs de la vie sociale : droits de l’homme,
environnement, développement local, urbanisme, assistance
sociale et humanitaire, etc. On peut en citer quelques exemples :

L’organisation tire son nom de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de


l’homme.
35 Fédération internationale des ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

C’est une ONG de défense des droits de l’homme, créée en 1987, qui lutte pour l’abolition de
la torture, de la peine de mort.
36 Organisation mondiale contre la torture créée en 1986.
37 Association pour la prévention de la torture a été fondée en 1977 par le banquier et le

juriste suisse Jean-Jacques Gautier.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 23
ONG et Droits de l’Homme

le Forum des Femmes Autochtones du Cameroun (FFAC)38,


l’Organisation des Femmes pour la Santé Alimentaire et le
Développement (OFSAD)39, l’Organisme de Développement,
d’Études, de Formation et de Conseils au Cameroun (ODECO)40,
Services d’Études et d’Appui aux Populations à la Base (SEAP)41,
Femmes, Santé-Développement en Afrique subsaharienne
(FESADE)42, Rural Foundation43, École et Développement (E&D)44,
le Centre d’Accueil de l’Espoir (CAES)45, etc.

Les ONG internationales : sont des ONG dont les activités


sont exercées bien au-delà du territoire de l’État où elles sont
établies. Ce sont donc des ONG qui mènent leurs actions et
activités dans plusieurs États. Parce que leurs actions sont

38 Crée en 2010, Siège : Yaoundé, BP. 15269, Objet : Contribuer au développement des
populations autochtones et forestières en général, des femmes et des filles en particulier ;
améliorer les conditions de vie et à réaliser les droits des femmes et des filles autochtones à
travers les actions locales visant à renforcer leurs capacités personnelles et à répondre à
leurs besoins ainsi qu’à mobiliser pour participer à la prise de décision qui pourra avoir des
impacts sur leurs droits.
39 Crée par l’Arrêté n°00385/A/MINATD/DAP/SDLP/SAC du 20 novembre 2003, siège :

Yaoundé, BP. 13683, Objet : Contribuer au bien-être de l’homme et notamment de la femme


et de sa progéniture (santé).
40 Crée par Arrêté n°000208/A/MINATD/DAP/SDLP/SAC du 08 juillet 2003, Siège :

Yaoundé, BP. 4263, Objet : Accompagner les organisations partenaires dans leur processus
de professionnalisation (appui au développement).
41 Crée par Arrêté n°0384/A/MINATD/DAP/SDLP/SAC du 20 novembre 2003, Siège :

Yaoundé, BP. 14499, Objet : Promouvoir le développement par la participation des individus
(appui au développement local).
42 Crée par Arrêté n°387/A/MINATD/DAP/SDPL/SAC du 24 novembre 2003, Siège :

Yaoundé, BP. 724, Objet : Offrir aux femmes des compétences pour améliorer leur
participation à la résolution de leurs problèmes de santé, ceux de leurs familles et de leurs
communautés (santé).
43 Crée par Arrêté n°387/A/MINATD/DAP/SDLP/SAC du 20 novembre 2003, Siège :

Yaoundé, BP. 243, Objet : Apporter aux Communautés des zones rurales défavorisées la
formation et l’assistance nécessaires à la réalisation des projets d’intérêt commun (appui au
développement local).
44 Crée par Arrêté n°0049/A/MINATD/DAP/SLDP/SAC du 19 mars 2004, Siège : Yaoundé,

BP. 5123, Objet : Développer l’institution de l’enseignement primaire, secondaire,


universitaire, technique et agricole ; aider à la scolarisation des élèves et des étudiants nés
des familles déshéritées ; aider à la vulgarisation de l’outil informatique dans les milieux
scolaires en général avec une emprise particulière dans les institutions scolaires des zones
rurales.
45 Crée par Arrêté n°000206/A/MINATD/DAP/SAC du 08 juillet 2003, Siège : Yaoundé, BP.

6905, Objet : Contribuer aux activités de lutte contre le VIH/SIDA, notamment par
l’encadrement des enfants et des jeunes femmes détresse (santé et affaires sociales).
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 24
ONG et Droits de l’Homme

menées dans le territoire de plusieurs États, cette catégorie


d’ONG se présente comme un acteur important de la société
internationale. Les ONGI structurent donc les relations
internationales en composant ce qu’il est convenu d’appeler
aujourd’hui « la société civile internationale ». Elles
constituent aujourd’hui des acteurs transnationaux des relations
internationales avec la capacité de contraindre les États sur la
scène internationale. La création de la Cour pénale internationale
par exemple est le fruit de la bataille idéologique des grandes
ONG internationales comme Amnesty international, Human
Rights Watch, etc. Les ONG internationales posent sur la scène
internationale les problématiques sociales à l’échelle mondiale : la
protection des droits de l’homme, la diffusion de la démocratie, la
garantie de l’État de droit, la préservation de l’environnement, la
justice sociale, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre la
famine, l’éducation, le développement, etc.

Parmi les ONG internationales nous pouvons citer : Amnesty


International, Transparency International, Human Rights Watch,
la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), le
WWF, Greenpeace, Humanity For The World (HFTW), Agence
Adventiste du Développement et de l’Aide Humanitaire (ADRA),
Association pour la Taxation des Transactions financière et pour
l’Action Citoyenne (ATTAC), Action contre la faim, Caritas
Internationalis, Lutte Contre la Prostitution et l’Esclavage Sexuel
des Enfants (ECPAT), Emmaüs International46, Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et Croissant-

46 Mouvement international de solidarité, de lutte contre la pauvreté et l’exclusion fondé par


l’Abbé Pierre.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 25
ONG et Droits de l’Homme

Rouge47, Fondation des Saints des Derniers Jours (LDS


Foundation)48, Médecins sans frontières, etc. Ces différentes ONG
sont présentent dans plusieurs pays dans le monde en apportant
assistance et solidarité aux couches les plus vulnérables de
l’humanité.

Cette analyse des ONG en dressant le tableau de leur


typologie et en ressortant leur assise notionnelle telle que posé
par le législateur camerounais avait pour ambition d’éclairer sur
le phénomène des ONG. En plus de ces éléments très importants,
il ne serait pas surabondant d’asseoir davantage l’intelligibilité de
ce phénomène en y ajoutant des éléments pratiques et empiriques
que constitue son cadre juridique au Cameroun.

PARAGRAPHE II- LE CADRE JURIDIQUE DES ONG AU


CAMEROUN

Il sera question dans cette sous partie de donner des éléments


concrets et empiriques sur les ONG au Cameroun. Ces éléments
porteront essentiellement sur le cadre juridique des ONG au
Cameroun. En d’autres termes, il sera question de voir de
manière concrète la procédure de création (A) et le régime
juridique (B) des ONG au Cameroun.

A- LA PROCEDURE DE CREATION DES ONG AU


CAMEROUN

La procédure de création d’une ONG au Cameroun obéit à


deux étapes importantes : l’exigence préalable de l’agrément d’une

47 S’occupe de l’organisation des secours en cas de catastrophes, de la préparation aux


catastrophes, de l’aide médicale communautaire et du développement des capacités locales.
48 Aide aux familles en améliorant leur autonomie, leur santé et leur instruction, aide en

situations d’urgence dues aux guerres ou catastrophes naturelles.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 26
ONG et Droits de l’Homme

part (1), et le rôle de la Commission technique d’examen des


agréments et du MINAT pour l’octroi de l’agrément, d’autre part
(2).

1- L’exigence préalable de l’agrément

Pour accéder au statut juridique d’ONG au Cameroun, les


associations doivent être agréées. C’est donc l’agrément qui
permet à une simple association de devenir une ONG. En effet,
l’article 4 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG au
Cameroun énonce clairement que : « Toute association
régulièrement déclarée ou toute association étrangère dûment
autorisée justifiant d’une contribution effective de trois (3) ans au
moins dans l’un des domaines visés à l’article 3 ci-dessus, peut
être agréée au statut d’ONG ». Il ressort de ce qui précède que
l’accès au statut d’ONG par une association est soumis à
certaines conditions : la première condition, qui dépend de
l’association elle-même, est d’avoir au moins trois ans
d’expérience d’activités dans l’un des domaines de l’intérêt
général (il s’agit des domaines juridique, économique, social,
sanitaire, sportif, éducatif, humanitaire, protection de
l’environnement, promotion des droits de l’homme) ; La deuxième
condition est l’exigence d’un agrément auprès de l’administration.
C’est cette exigence qui est analysée parce qu’elle constitue la
première étape de la procédure qui permet à une association
d’accéder au statut d’ONG.

Les responsables d’une association doivent constituer un


dossier pour obtenir l’agrément de l’administration. En vertu de

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 27


ONG et Droits de l’Homme

l’article 4 de la loi sur les ONG, le dossier en question doit


comporter les pièces ci-après :

- Une demande timbrée au tarif en vigueur ;


- Une copie du récépissé de la déclaration ou de l’acte
d’autorisation selon les cas ;
- Le rapport d’évaluation des activités de trois (3) ans au
moins et le programme d’activité ;
- Le procès-verbal de l’Assemblée Générale extraordinaire
tenant lieu d’Assemblée constitutive de l’ONG ;
- Quatre (4) exemplaires des statuts de l’ONG ;
- La dénomination, l’objet, le siège de l’ONG ainsi que les
noms, professions et domiciles de ceux qui, à titre
quelconque, sont chargés de son administration ou de sa
direction.

La loi du 22 décembre 1999 sur les ONG au Cameroun donne


la possibilité dans son article 5 à titre exceptionnel l’octroi d’un
agrément provisoire d’une durée de trois (3) ans à une ONG
unipersonnelle. Le fondateur ou le représentant légal de la
personne morale demanderesse est tenue dans l’article 5 (2) de
produire à cet effet un dossier comportant les pièces suivantes :

- Une demande timbrée mentionnant la dénomination, l’objet,


le siège de l’ONG ainsi que les noms, profession et domicile
du fondateur ou, le cas échéant, dudit représentant ;
- Le programme d’activités ;
- Quatre (4) exemplaires des statuts de l’ONG.

Une fois ces différents dossiers d’agrément constitués, ils


doivent être déposés par le(s) fondateur(s) ou le(s) mandataire(s)

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 28


ONG et Droits de l’Homme

de l’ONG auprès des services du gouverneur de la région où celle-


ci a son siège ou, le cas échéant, son principal établissement en
vertu de l’article 6 de la loi. Une décharge mentionnant le numéro
et la date d’enregistrement du dossier est délivrée au déposant. Le
gouverneur de région dispose d’un délai maximal de quinze (15)
jours, à compter de la date de dépôt du dossier, pour le
transmettre à la Commission prévue pour l’examen des demandes
d’agrément qui conjointement avec le MINAT seront déterminant
pour l’octroi de l’agrément.

2- Le rôle de la Commission technique et du MINAT

La loi du 22 décembre 1999 prévoit la création d’une


Commission chargée de l’étude des demandes d’agrément et du
suivi des activités de l’ONG49. Cette dernière rend un avis sur
toute question relative à l’agrément, au suivi et au contrôle des
activités de l’ONG50. Le décret d’application n°2001/150 du 03
mai 2001 portant organisation et fonctionnement de la
Commission technique sur les agréments assigne les missions
suivantes à ladite Commission :

- L’étude technique des demandes d’agrément ;


- L’examen des comptes financiers et l’état d’inventaire des
biens meubles et immeubles des ONG ;
- Le suivi des activités des ONG en vue de s’assurer de la
bonne utilisation des subventions des personnes morales
de droit public ;
- Le contrôle des activités des ONG en vue de proposer au
MINAT les sanctions qui leurs sont applicables.
49 Article 7 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
50 Article 7 (4) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 29
ONG et Droits de l’Homme

La Commission est composée des représentants des


pouvoirs publics, des membres de la société civile51 et des
représentants des organismes de bailleurs de fonds lorsqu’ils ont
apporté leurs contributions financières à ces ONG52. La
Commission dispose d’un délai de trente (30) jours à compter de
la réception du dossier d’agrément pour le transmettre assorti de
son avis motivé au MINAT53. Ce dernier se prononce dans un
délai maximal de soixante-quinze (75) jours à compter de la date
de dépôt du dossier auprès du gouverneur ; passé ce délai et
faute pour le ministre de notifier au(x) fondateur(s) ou au(x)
mandataire(s) de l’ONG, le rejet ainsi que les motifs du rejet de la
demande, l’agrément est réputé accordé54. L’agrément au statut
d’ONG est accordé après avis de la Commission par un arrêté du
MINAT55. L’agrément ainsi accordé emporte acquisition de la
personnalité juridique par l’ONG56. L’agrément est accordé pour
une période de cinq (5) ans renouvelable57. L’agrément est
personnel, intransmissible et incessible58.

B- LE REGIME JURIDIQUE DES ONG AU CAMEROUN

L’analyse du régime juridique des ONG va consister à


ressortir les règles qui régissent leur organisation et leur
fonctionnement une fois qu’elles sont créées (1) ainsi que celles
qui réglementent leur dissolution (2).

51 Article 7 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.


52 Article 7 (3) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
53 Article 8 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
54 Article 9 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
55 Article 9 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
56 Article 9 (3) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
57 Article 10 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
58 Article 11 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 30
ONG et Droits de l’Homme

1- Organisation et fonctionnement

L’analyse de l’organisation et du fonctionnement des ONG


portera successivement sur leur administration, leur gestion
financière, comptable et fiscale, sur leurs différents aspects
juridiques et sur les possibilités de leur changement.

Sur le plan administratif, notons que les ONG s’administrent


librement dans le respect de la législation en vigueur et leurs
statuts59. Leurs statuts doivent prévoir le mode de désignation, la
durée du mandat, les attributions et le régime de la responsabilité
du personnel dirigeant60. Ils doivent également prévoir l’adoption
de rapports annuels d’activités et de programmes annuels
d’action61. Les ONG sont soumises à des formalités de publicité
dans un journal d’annonces légales, en ce qui concerne
notamment les actes accordant l’agrément, les modifications des
statuts ainsi que l’adresse ou l’indication géographique précise du
siège ou du principal établissement au Cameroun62. Les ONG
sont tenues de faire connaître au Ministre de l’administration
territoriale dans les deux (2) mois, tous les changements
survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes
les modifications apportées à leur statut63. Nul ne peut exercer à
quelque titre que ce soit, des fonctions de direction,
d’administration, de gestion ou de contrôle d’une ONG, d’une
part, s’il a fait l’objet d’une condamnation à une peine privative de
liberté pour fait contraire à la probité notamment pour vol,
détournement des deniers publics, escroquerie, abus de
59 Article 12 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
60 Article 12 (2) (a) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
61 Idem.
62 Article 13 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
63 Article 14 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 31
ONG et Droits de l’Homme

confiance, faux et usage de faux ou pour atteinte aux bonnes


mœurs, et d’autre part, s’il possède, même par personne
interposée, des intérêts de quelque nature que ce soit dans une
société ou une entreprise entretenant des relations d’affaires avec
l’ONG64.

Sur le plan de la gestion financière, comptable et fiscale il


faudrait relever que, les statuts des ONG doivent prévoir des
dispositions financières faisant ressortir les diverses ressources
ainsi que la règle de l’exclusivité et de l’affectation de ces
ressources aux activités de l’ONG concernée, le contrôle intérieur
des comptes, le contrôle extérieur des comptes annuels par une
personne physique ou un organisme habilité ainsi que par les
services publics compétents suivant le cas, l’ouverture d’un
compte dans un établissement bancaire ou de crédit agrée par le
ministre en charge des finances65. Les ONG tiennent un état de
leurs recettes et dépenses et dressent chaque année le compte
financier de l’année écoulée et l’état d’inventaire de leurs biens
meubles et immeubles66. Ces états de compte sont transmis au
Ministre de l’administration territoriale dans un délai de soixante
(60) jours suivant l’arrêt des comptes67. Sur le plan fiscal, les
ONG dûment agréées bénéficient d’exonération fiscales et de
droits d’enregistrement conformément au Code général des
impôts et au Code de l’enregistrement68. Elles sont également
exonérées de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) conformément à

64 Article 16 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.


65 Article 12 (2) (b) (c) (d) (f) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
66 Article 15 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
67 Article 15 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
68 Article 18 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 32
ONG et Droits de l’Homme

la législation en vigueur69. Notons également que le régime fiscal


et douanier applicable aux ONG est précisé par la loi de
finance70.

Sur le plan juridique, l’agrément régulièrement accordé


emporte acquisition de la personnalité juridique par l’ONG71.
Cette dernière lorsqu’elle est dûment agréée dans les conditions
fixées par la loi peut : ester en justice, gérer et disposer des
sommes provenant des cotisations de ses membres, acquérir à
titre onéreux et posséder le local destiné à son administration et
aux réunions de ses membres ainsi que les immeubles
strictement nécessaires à l’accomplissement du but poursuivi,
recevoir des dons et legs de toute nature ainsi que des
financements d’organismes nationaux et internationaux, dans le
cadre de ses activités, sous réserve de l’autorisation du Ministre
de l’administration territoriale pour les dons et legs immobiliers,
recevoir des subventions des personnes morales de droit public,
dans ce cas, la Commission doit s’assurer de la bonne utilisation
de ces subventions pour, d’une part, obtenir la rémunération de
ses services, et d’autre part, recruter et rémunérer le personnel
strictement nécessaire à l’accomplissement de ses missions72.
S’agissant du recrutement et de la gestion du personnel des ONG,
le régime fiscal applicable aux salaires et aux accessoires de
salaire versés audit personnel se conforme à la législation et à la
règlementation en vigueur73.

69 Article 18 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.


70 Article 18 (3) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
71 Article 9 (3) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
72 Article 17 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
73 Article 17 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 33
ONG et Droits de l’Homme

Notons que, les ONG peuvent fusionner ou se scinder en vue


de l’accomplissement efficient de leurs missions74. La procédure
d’agrément prévue par la présente loi s’appliquent à l’ONG ou aux
ONG issue(s) de la fusion ou de la scission, suivant les cas75. Les
ONG peuvent s’affilier à des ONG poursuivant des objectifs
similaires dans un ou plusieurs pays étrangers sans incidence
sur leur statut76. Tout comme tout phénomène qui naît et qui vit,
les ONG peuvent également mourir à travers leur dissolution

2- Dissolution

La loi sur les ONG au Cameroun a prévu quatre hypothèses


ou situations de dissolution des ONG. Premièrement, les ONG
peuvent être dissoutes par la volonté de leurs membres
conformément aux statuts77. Deuxièmement, les ONG peuvent
être dissoutes par décision juridique, à la diligence du Ministère
public ou à la requête de tout intéressé dans le cas de nullité
prévu par la législation sur les associations ; dans ce cas, le juge
ordonne la fermeture des locaux et/ou l’interdiction de toute
réunion des membres de l’ONG et fixe également les modalités de
sa liquidation78. Troisièmement, le Ministre de l’administration
territoriale après avis motivé de la Commission peut, suspendre
par arrêté, pour un délai maximal de trois (3) mois, toute ONG
dont les activités s’écartent de son objet79. Quatrièmement, le

74 Article 19 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.


75 Article 19 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
76 Article 20 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
77 Article 21 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
78 Idem.
79 Article 22 (1) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 34
ONG et Droits de l’Homme

MINAT peut dissoudre toute ONG pour atteinte à l’ordre public et


à la sécurité de l’État80.

En cas de dissolution d’une ONG par le Ministre de


l’administration territoriale, celui-ci, dans un délai de trente (30)
jours après épuisement des voies de recours, saisit le Tribunal de
première instance compétent pour liquidation81. Toute dévolution
d’avoirs ou de biens d’une ONG dissoute à un quelconque de ses
membres est interdite82. La dissolution d’un ONG ne fait pas
obstacle aux poursuites judiciaires éventuellement engagées
contre ses dirigeants ou ses membres83.

Tout au long de cette section, il était question d’appréhender le


phénomène d’ONG dans sa globalité tout en tenant compte des
spécificités du droit positif camerounais sur la question. Il fallait
y associer des éléments abstraits et des éléments pratiques ou
empiriques pour une meilleure appréhension du phénomène
d’ONG. Une fois tous ces éléments posés, il est à présent
important d’étudier également l’autre notion qui structure le
libellé de cet enseignement à savoir les droits de l’homme.

SECTION II- LA NOTION DE DROITS DE L’HOMME

Les droits de l’homme ne sont pas une notion facile à


appréhender. Malgré la récurrence de leur évocation par les
médias et les hommes politiques, ce qui peut créer le sentiment
d’une notion familière, les droits de l’homme sont complexes et
leur intelligibilité impose un important effort de cognition. Ceci

80 Article 22 (2) de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.


81 Article 23 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
82 Article 24 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
83 Article 25 de la loi du 22 décembre 1999 régissant les ONG.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 35
ONG et Droits de l’Homme

parce que nous sommes en face d’une notion qui a une longue
charge historique, philosophique, théologique, anthropologique,
sociologique et juridique. Pour essayer de saisir cette notion, sans
édulcorer les différentes influences qui sont à l’origine de son
avènement, il serait intéressant de chercher à l’appréhender sous
le prisme substantiel (Paragraphe I), d’une part, et sous l’angle
générationnel (Paragraphe II), d’autre part.

PARAGRAPHE I- L’APPROCHE SUBSTANTIELLE DES DROITS


DE L’HOMME

Aborder les droits de l’homme sous un prisme substantiel


c’est les étudier dans leur contenu, leur substance voire leur
essence. Or, lorsqu’on veut les aborder sous cet angle, la notion
de dignité humaine apparaît incontournable. Généralement
appréhendée comme la valeur ou l’importance que l’on accorde à
la personne humaine, la dignité humaine est une notion aux
ressorts théologiques et philosophiques avant d’être appréhendée
par le droit. Par ailleurs, pour bien cerner la notion de droits de
l’homme, il faudrait également la distinguer des notions voisines.
C’est la raison pour laquelle sous son prisme substantiel, les
droits de l’homme seront appréhendés, aussi bien, sous leurs
aspects théologiques, philosophiques et juridiques (A) qu’à travers
leur différenciation avec les notions proches (B).

A- DES ORIGINES THEOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES


AUX DOCTRINES JURIDIQUES SUR LES DROITS DE
L’HOMME

Les droits de l’homme ont pour socle la dignité humaine. Cette


dernière est une notion aux contours théologiques,
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 36
ONG et Droits de l’Homme

philosophiques voire anthropologiques. Elle n’est donc pas


juridique. Cependant, l’appréhension du droit des droits de
l’homme n’est pas possible sans cerner la dignité humaine dans
ses ressorts théologiques et philosophiques. C’est pourquoi, avant
d’aborder les droits de l’homme dans leurs assises juridiques (2),
il est nécessaire de les aborder au préalable dans leurs
appréhensions théologiques et philosophiques (1).

1- Les soubassements théologiques et philosophiques des


droits de l’homme

Aux fondements des droits de l’homme, se trouvent une


théologie et une philosophie humanistes. La dignité humaine qui
constitue la matrice des droits de l’homme est fondamentalement
nourrie et structurée par la pensée théologique et philosophique.
C’est la raison pour laquelle, Alfred Verdross a eu à affirmer que,
le principe de la dignité humaine trouve ses sources historiques
tant dans l’héritage biblique que philosophique de la civilisation
judéo-chrétienne. Pour des raisons d’analyse, les assises
théologiques et philosophiques des droits de l’homme seront
étudiées séparément.

Les fondements théologiques : Dans toutes les religions la vie


est sacrée car elle est un don de Dieu. La réflexion occidentale sur
la dignité humaine est l’héritière directe dans sa formulation et
dans son esprit de la théologie chrétienne84. Celle-ci fonde la
dignité de la personne humaine sur la création de l’homme à

84 Maurer (Béatrice), « Essai de définition théologique et philosophique de la dignité


humaine », Les droits fondamentaux, Acte des 1ères journées scientifiques du Réseau Droits
fondamentaux de l’AUPELF-UREF, tenues à Tunis du 9 au 12 octobre 1996, Bruxelles,
Bruylant, 1997, p.225.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 37
ONG et Droits de l’Homme

l’image de Dieu et sur l’œuvre rédemptrice de Dieu fait homme85.


Premièrement, dans la théologie chrétienne, l’homme a été créé à
l’image de Dieu86. Dans cette optique, Dieu en tant que créateur
confère une dignité à l’être humain pour deux raisons au moins :
sa ressemblance à Dieu et sa seigneurie sur les choses créées.
C’est la raison pour laquelle Saint Thomas d’Aquin affirme :
« Dieu a créé toute chose pour l’homme comme il est dit dans le
Psaume 8 : 8 « Vous avez mis toutes choses sous ses pieds. Et
l’homme, après les anges, est parmi toutes les créatures celle qui
ressemble le plus à Dieu ». Le Seigneur, en effet, déclare dans la
Genèse (1 : 26) : Faisons l’homme à notre image et ressemblance.
Nous devons donc considérer que après les anges, l’homme
l’emporte en dignité sur les autres créatures ». La dignité conférée
à l’homme est due dans le discours chrétien au fait que L’’homme
ressemble à Dieu. Deuxièmement, le christianisme confère une
dignité à l’homme à travers l’œuvre salvatrice du Christ. En effet,
l’histoire du salut, accomplie en Jésus-Christ, confère à l’homme
une dignité plus grande encore, puisque Dieu a envoyé son Fils
pour sauver l’homme et restaurer sa dignité87.

Relevons également que l’Église chrétienne a énormément


contribué à forger le concept de personne. Les conciles de Nicée
(325) et de Chalcédoine (451), bien que n’ayant pas utilisé le
terme de dignité, ont enrichi de façon remarquable le mot
personne88. Or, le concept de dignité est inséparable de celui de

85 Ibid, p.225-226.
86 Genèse 1 : 26-31.
87 Maurer (Béatrice), « Essai de définition théologique et philosophique de la dignité

humaine», op cit, p.230.


88 Ibid, p.226.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 38


ONG et Droits de l’Homme

personne, car seule la personne a une dignité89. Le concile de


Nicée définit la divinité de Jésus-Christ90 et celui de Chalcédoine
va spécifier la distinction entre les concepts de nature et de
personne. Le concile de Chalcédoine pose au préalable
l’affirmation fondamentale en christologie : le Christ est vrai
homme et vrai Dieu. C'est-à-dire que le Christ a deux natures
(divine et humaine) mais est une seule personne (divine)91. Ainsi,
comme le Christ, l’essence de l’homme, ce qu’il est, ne se réduit
pas à sa nature, mais à sa personne. C’est donc l’une des grandes
leçons que l’on tire de Chalcédoine. À ce concile, le terme
« phusis » « nature » signifie certes une nature concrète, pas
seulement abstraite, mais ne signifie pas la réalité totale de
l’individu car il se distingue de la personne. Nature humaine
n’implique donc pas personne humaine. Le terme nature indique
ce qu’est une chose ou un être, il répond à la question : Qu’est-ce
que c’est ? Tandis que la personne répond à la question : Qui est-
ce ?92 Tout comme le Christ, l’essence de l’homme, ce qu’il est, ne
se réduit pas à sa nature, mais à sa personne93. C’est donc la
personne qui fait toute la valeur de l’être94. Ainsi, la notion
moderne de personne trouve son fondement dans le dogme
christologique posé au concile de Chalcédoine. La personne ne
sera plus perçue comme un simple statut ou un masque comme

89 Idem.
90 « Un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu […]. Dieu [né] de Dieu […] vrai Dieu (né) du
vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père ». Consubstantiel, c'est-à-dire que le
Christ ne peut être réduit au simple état de créature. Il y a égalité de substance entre lui et
son Père. Cf. Maurer (Béatrice), « Essai de définition théologique et philosophique de la
dignité humaine», op cit, p.226.
91 Maurer (Béatrice), « Essai de définition théologique et philosophique de la dignité

humaine», op cit, p.226.


92 Idem.
93 Ibid, p.226-227.
94 Ibid, p.227.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 39


ONG et Droits de l’Homme

l’entrevoyait la tradition grecque, mais elle sera désormais


appréhendée comme une substance individuelle de nature
rationnelle95. C’est parce qu’il est raisonnable que l’homme
s’appartient et a une volonté autonome. De toutes les créatures
terrestres, seul l’homme est une personne, sujet conscient et
libre, et, pour cela, centre et sommet de ce qui existe sur terre 96.
C’est tout ceci qui lui confère une dignité et un respect liés à la
personne qu’il est. Le qualificatif par lequel sera cerné l’être
humain sera donc celui de personne auquel sera greffée une
dignité qui traduira en même temps sa valeur et le respect qui
s’impose dans la manière de le traiter. C’est de là que surgira la
notion de dignité de la personne humaine qui cristallisera les
règles juridiques qui veilleront au respect de la personne et qui
constitueront ce qu’on appelle les droits de l’homme.

Les ressorts philosophiques : la référence en ce qui concerne


la dignité humaine sur le plan philosophique est Emmanuel
Kant97. Il n’est pas le seul philosophe ayant affirmé le respect dû
à la dignité de tout être humain, mais il est le plus important de
tous ceux qui l’ont précédé, d’abord parce que cette notion s’est
parfaitement enchâssée dans un système de pensée complet et
rigoureux mais aussi en raison de l’influence durable qu’il a
exercé sur le développement de la philosophie occidentale98. La
philosophie de Kant sur la dignité humaine est à l’origine de la
pensée humaniste portée par la Renaissance. La philosophie
humaniste de Kant se fonde sur l’assertion suivante :
95 Ibid, p.229.
96 Ibid, p.230.
97 Ibid, p.231.
98 Rigaux (François), « Les sources philosophiques de l’intangibilité de la dignité humaine »,

Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 12, n°7-12, 2001,
p.575.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 40
ONG et Droits de l’Homme

« L’impératif pratique sera donc celui-ci : Agis de telle sorte que


tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la
personne de tout autre toujours en même temps, comme une fin, et
jamais comme un moyen99 ».

Le même auteur dira dans la même veine que :

« L’homme considéré dans le système de la nature est un être de


médiocre importance et il a une valeur vulgaire qu’il partage avec
les autres animaux que produit le sol […] Mais, considéré comme
personne, c'est-à-dire comme un sujet d’une raison moralement
pratique, l’homme est au-dessus de tout prix ; car à ce point de vue
il ne peut être regardé comme un moyen pour les fins d’autrui, de
même pour ses propres fins, mais comme une fin en soi, c'est-à-dire
qu’il possède une dignités (une valeur intrinsèque absolue), par
laquelle il force au respect de sa personne toutes les autres
créatures raisonnables, et ce qui lui permet de se mesurer avec
chacune d’elles et de s’estimer sur le pied d’égalité100 ».

Il ressort de ces assertions du philosophe Emmanuel Kant


que l’homme parce qu’il est un être doué de raison a une dignité,
c'est-à-dire, qu’il a une valeur intrinsèque absolue. Il est donc
une fin en soi et non un moyen. Autrement dit, il est la valeur
ultime ou suprême. Il n’a pas d’équivalent et par conséquent il n’a
pas de prix. La dignité qui l’habite impose le respect des autres à
son égard et le respect par rapport à lui-même. La notion de
personne forgée par la théologie chrétienne est donc prise en

99 Kant (Emmanuel), Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), traduction de


Victor Delbas revue par Ferdinand Alquié, (Œuvres philosophiques, (Bibl. de la Pléїade, tII,
1984), p.295.
100 Kant (Emmanuel), Doctrine de la vertu, in Fondements de la métaphysique des mœurs, op

cit.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 41
ONG et Droits de l’Homme

compte par le philosophe allemand pour conférer à l’homme la


dignité. C’est cette dernière qui va donc structurer les droits de
l’homme. La finalité de ces droits étant d’assurer le respect de la
dignité conférée à la personne humaine.

Ces soubassements théologiques et philosophiques vont donc


constituer le magma souterrain de la dignité humaine dont les
droits de l’homme constitueront la face visible de l’iceberg. Il est à
présent important d’analyser les droits de l’homme à travers le
regard du droit.

1- Les assises juridiques des droits de l’homme entre jus


naturalisme et positivisme

Les premiers juristes à s’intéresser aux droits de l’homme


sont les jus naturistes, à savoir les adeptes du droit naturel. Les
droits de l’homme dérivent intrinsèquement du droit naturel. Ce
dernier renvoie à un ensemble de principes moraux antérieurs et
supérieurs à l’État et au droit positif101. Au départ, les juristes qui
défendent le droit naturel sont les théologiens à l’instar de
Francisco de Vitoria et Francisco de Suarez. Pour ces auteurs, le
droit naturel est un droit nécessaire et immuable posé par Dieu.
Les principes qui en découlent ont une forte connotation morale.
Ces théologiens sont les héritiers de la pensée thomiste du droit
naturel. À côté de cette conception théocratique du droit naturel,
Grotius va laïciser ce droit en le faisant dériver uniquement de la
raison102. Il va affirmer dans ce sens que le droit naturel :
« consiste dans certains principes de la droite raison qui nous font

101 Daillier (Patrick), Forteau (Mathias), Pellet (Alain), Droit international public, 8ème éd,
LGDJ-Lextenso éditions, 2009, p.64.
102 Ibid, p.65.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 42


ONG et Droits de l’Homme

connaître qu’une action est moralement honnête ou déshonnête


selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu’elle a avec
une nature raisonnable ou sociable103 ». Qu’il soit divin ou laïcisé,
le droit naturel repose sur des principes moraux supérieurs au
droit positif et qui constituent au final son étalon de validité. Le
plus important à retenir est que les principes de droit naturel ne
sont pas créés par le droit positif, ce dernier ne fait que les
formaliser. C’est dans cette optique que la pensée juridique a
saisi les droits de l’homme. Ils sont des droits naturels.
Autrement dit, ils ne sont pas créés par une quelconque volonté
humaine. Ils sont des droits innés, des droits que l’on trouve et
que personne ne peut aliéner. Ce sont des droits inaliénables et
intransgressibles. Ce sont des droits dont on jouit (dont on est
titulaire) du simple fait qu’on soit une personne humaine. Ces
droits s’imposent au droit positif et à l’État. Ils limitent l’action de
l’État sur les individus en leur assurant une sphère d’autonomie.
Ces droits appartiennent originairement et essentiellement à
l’homme, ils sont inhérents à sa nature, dont il jouit par cela
même qu’il est homme, indépendamment d’aucun fait particulier
de sa part104.

Observons cependant que le droit naturel relève davantage


de la morale que du droit. Le droit naturel énonce des principes
moraux qui, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte par le droit
positif, demeurent des simples déclarations de principe qui ne
signifient rien du point de vue des obligations juridiques,

103Idem.
104 Sudre (Frédéric), Droit européen et international des droits de l’homme, 11ème éd, PUF,
« Coll. Droit fondamental », 2012, p.39.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 43
ONG et Droits de l’Homme

susceptibles d’être sanctionnés105. C’est certainement ce qui a


conduit le professeur Danièle Lochak à affirmer que les droits de
l’homme ne sont pas de simples propositions idéologiques, même
s’ils sont l’expression d’une philosophie politique, ils ont besoin
du droit (positif) pour exister concrètement106. Le point de vue
positiviste est le seul véritablement opérationnel ; il n’y a de droits
de l’homme que par l’intervention du droit positif107. La protection
des droits de l’homme ne peut être que l’œuvre de l’ordre
juridique positif émanant du pouvoir institué108. Ainsi, les droits
de l’homme ne sont réellement assurés que s’ils font l’objet d’une
connaissance juridique et sont pris en compte par le droit
positif109. C’est ainsi que le positivisme juridique va permettre
d’appréhender les droits de l’homme sous le prisme du droit.
Juridiquement, les droits de l’homme sont perçus comme des
prérogatives reconnues par les règles de droit dont les individus
ou les groupes peuvent se prévaloir contre l’État et qui bénéficient
des garanties institutionnelles110. Le droit des droits de l’homme
sera composé des sources du droit positif qu’elles soient
nationales ou internationales. Le droit international des droits de
l’homme n’apparaîtra qu’avec les instruments juridiques
internationaux sur les droits de l’homme tels que la DUDH, les
pactes internationaux du 16 décembre 1966 l’un relatif aux droits
civils et politiques et l’autre portant sur les droits, économiques,
sociaux et culturels, la Convention européenne des droits de

105 Ibid, p.53.


106 Lochak (Danièle), « Mutation des droits de l’homme et mutation du droit », Revue
interdisciplinaire d’études juridiques, 1984/2 Volume 13, p.54.
107 Sudre (Frédéric), Droit européen et international des droits de l’homme, op cit, p.53.
108 Idem.
109 Lochak (Danièle), « Mutation des droits de l’homme et mutation du droit », op cit, p.54.
110 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 44


ONG et Droits de l’Homme

l’homme, la Charte interaméricaine des droits de l’homme, la


Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, etc. Même
si ces textes juridiques internationaux ne créent pas les droits de
l’homme parce qu’ils ne font que les reconnaître, la formalisation
dont ils constituent le moyen permet à ces droits d’exister
juridiquement, d’accéder à la qualité de normes juridiques et de
bénéficier des garanties institutionnelles.

Il ressort donc de tout ce qui vient d’être dit que, sous le


prisme juridique, les droits de l’homme sont simultanément des
droits naturels de par leur essence et relèvent du droit positif afin
d’accéder à l’existence juridique. Pour davantage les cerner, il
faudrait les distinguer des notions voisines.

B- LES DROITS DE L’HOMME ET LES NOTIONS


VOISINES

Un parcours rapide des manuels et ouvrages sur les droits


de l’homme permet de voir qu’il existe des notions qui sont
souvent utilisées de manière interchangeable avec ces derniers. Il
s’agit précisément des notions de libertés publiques et de droits
fondamentaux. Même s’il existe une étroite proximité entre ces
notions, elles entretiennent tout de même des nuances qui les
distinguent. La mise en exergue de ces nuances contribuera à
davantage cerner la notion de droits de l’homme. Il sera question
de distinguer, d’une part, les droits de l’homme des libertés
publiques (1), et d’autre part, de les distinguer des droits
fondamentaux (2).

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 45


ONG et Droits de l’Homme

1- Les droits de l’homme et les libertés publiques

L'intitulé de liberté publique exprime les éléments


caractéristiques de sa définition111. La liberté désigne le pouvoir
d'autodétermination en vertu duquel l'homme choisit lui-même
son comportement personnel ; il s'agit en fait d'un pouvoir que
l'homme exerce sur lui-même112. Elle renvoie donc à une faculté
d'agir, à une sphère d'autonomie reconnue à l'individu113.
L'épithète « public » rend surtout compte de la dimension verticale
des libertés publiques dans la mesure où, elles sont avant tout
opposables à la puissance publique, c'est à dire à
l'administration114. En même temps que les libertés publiques
renvoient à l’ensemble des droits et des libertés qui confèrent une
autonomie à l’individu et qui nécessitent une abstention de l’État,
elles imposent également d’être aménagées par ce dernier. En
effet, ce qui rend « publique » une liberté, quel qu’en soit l’objet,
c’est l’intervention de l’État pour la reconnaitre et l’aménager115.
Les libertés publiques seront ainsi perçues comme les libertés qui
entrent dans le droit positif dans la mesure où, l’État en a
consacré le principe, aménagé l’exercice et assuré le respect116. Il
existe donc trois conditions pour parler de libertés publiques :
leur organisation par la loi, en vue de leur exercice, et avec les
garanties de leur respect par l’État et les individus117. La notion

111 Favoreu (Louis), Gaïa (Patrick), Ghevontian (Richard), Mélin-Soucramanien (Ferdinand),


Pfersmann (Otto), Pini (Joseph), Roux (André), Scoffoni (Guy), Tremeau (Jérôme), Droit des
libertés fondamentales, 2ème éd, Dalloz, 2002, p.58.
112 Rivero (Jean), Les libertés publiques, 1ère éd, PUF, tome 1, 1973, p.14-15.
113 Favoreu (Louis) et alii, Droit des libertés fondamentales, op cit, p.58.
114 Idem.
115 Rivero (Jean), Les libertés publiques, op cit, p.16.
116 Idem.
117 Rolland (Patrice), « Libertés publiques », Andriantsimbazovina (Joël), Gaudin (Hélène),

Marguénaud (Jean-Pierre), Rials (Stéphane), Sudre (Frédéric) (dir), Dictionnaire des droits de
l’homme, 1ère éd, Quadrige-PUF, 2008, p.654.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 46
ONG et Droits de l’Homme

de libertés publiques correspond à une période où la défense des


droits et libertés relevait avant tout du législateur et des juges
administratif et judiciaire118. À partir de ce qui précède, trois
éléments fondamentaux caractérisent les libertés publiques :
d’abord leur consécration par la loi119, ensuite leur garantie
juridictionnelle120 et enfin leur caractère restrictif121. On peut
donc dire que les libertés publiques sont des permissions de rang
législatif attribuées à des catégories générales de bénéficiaires et
liées à la possibilité d'un contrôle juridictionnel de normes infra-
législatives fautives122. Parce que consacrées par l’État, les
libertés publiques se situent dans le cadre du droit positif123. Il
s’agit donc d’une notion exclusivement positiviste.

Les droits de l’homme quant à eux, relèvent davantage du


domaine du droit naturel124. Les droits de l’homme renvoient à
l’ensemble des droits inhérents à l’homme peu importe que le
droit positif les consacre ou non125. Il s’agit donc des droits dont
on jouit du simple fait que l’on soit une personne humaine. Le
droit naturel nous enseigne que l’homme possède un ensemble de

118 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.43.
119 En effet, le premier trait caractéristique des libertés publiques est la place et le rôle de la
loi. Selon le principe général exprimé par l’article 4 de la Déclaration de 1789, c’est la loi
seule qui détermine les conditions d’exercice de la liberté en en fixant exclusivement les
limites. Tout ceci est compréhensible dans la mesure où, les libertés publiques germent à
une période en France dominée par le principe de légalité (et non de constitutionnalité et de
conventionalité), de l’État légal. Cf. Favoreu (L) et alii, Droit des libertés fondamentales, op
cit, p.59. Et Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.43.
120 Purement interne à travers le juge judiciaire et le juge administratif.
121 Ce caractère restrictif vient de ce que les libertés publiques se déclinent exclusivement en

« libertés-autonomie » (sphère d’autonomie individuelle prohibant l’intervention des autorités


publiques ou, du moins lui imposant certaines limites) et en « libertés-participation » (celles
qui permettent d’accéder au gouvernement de la cité et de participer au processus
décisionnel), qui, s’en tenant principalement à une conception négative de la liberté, exclut
du champ des libertés publiques les droits-créances. Cf. Levinet (Michel), Théorie générale
des droits et des libertés, op cit, p.43-44.
122 Favoreu (Louis) et alii, Droit des libertés fondamentales, op cit, p.81.
123 Rivero (Jean), Les libertés publiques, op cit, p.17.
124 Sudre (Frédéric), Droit européen et international des droits de l’homme, op cit, p.12.
125 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.42.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 47


ONG et Droits de l’Homme

droits inhérents à sa nature et qu’on ne peut méconnaître sans


porter atteinte à celle-ci126. Même méconnus ou bafoués par la
législation d’un État, les droits de l’homme ont une nature
transcendante et se situent donc en dehors et au-dessus du droit
positif127. L’autre ligne de démarcation entre ces deux notions est
qu’on parle de libertés publiques en droit interne quand on étudie
un pays donné mais on évoque les droits de l’homme dans la
cadre du droit international128.

Il ressort de tout ce qui vient d’être dit que les différences entre
ces deux notions se situent à deux niveaux. Tandis que les droits
de l’homme relèvent ontologiquement du droit naturel, les libertés
publiques sont exclusivement du ressort du droit positif. Par
ailleurs, pendant que les libertés publiques font partie du droit
interne, les droits de l’homme appartiennent au droit
international.

2- Les droits de l’homme et les droits fondamentaux

Les droits fondamentaux se présentent comme une catégorie


de droits de l’homme129. Par conséquent, le vocable de droits
fondamentaux ne peut être intelligé qu’à partir de la notion de
droits de l’homme130. Dans la catégorie des droits de l’homme, il
est question de connaître le critère qui distingue les droits qui
peuvent être qualifiés de fondamentaux de ceux qui ne le sont

126 Rivero (Jean), Les libertés publiques, op cit, p.17.


127 Idem.
128 Sudre (Frédéric), Droit européen et international des droits de l’homme, op cit, p.12-13.
129 Bombela Mosoua (Ghislain), « Typologie des droits fondamentaux dans l’action de la

Première Dame au Cameroun », Minkoa She (Adolphe) (dir), Droits fondamentaux et politique
de solidarité sous le prisme de l’action sociale de la Première Dame du Cameroun, Actes du
Colloque organisé du 1er au 3 novembre 2016, Université de Yaoundé II, SOPECAM, 2018,
p.112.
130 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 48


ONG et Droits de l’Homme

pas. Face à une telle préoccupation, deux conceptions de droits


fondamentaux vont apparaître : la conception formelle et la
conception substantielle.

La conception formelle des droits fondamentaux cherche à


identifier ces derniers à partir des critères formels qui excluent
tout critère matériel (contenu, substance des droits concernés)131.
Ces critères formels sont les actes juridiques qui énoncent ces
droits et leurs mécanismes de garantie. Les droits fondamentaux
pourront donc être définis, sous leur conception formelle,
comme les droits et libertés protégés par les normes
constitutionnelles et internationales132. Ayant pour chef de fil le
professeur Louis Favoreu fondateur de ce qu'il est convenu
d'appeler l'école Aixoise de droit public, cette conception formelle
des droits fondamentaux repose sur trois critères essentiels. Le
premier critère est celui des sources des droits fondamentaux.
Ces derniers sont des droits et libertés consacrés et protégés par
les instruments normatifs constitutionnels et internationaux133.
Le second critère est celui des bénéficiaires des droits
fondamentaux. Au-delà des individus, les bénéficiaires des droits
fondamentaux peuvent aussi être des personnes morales, de droit
public comme de droit privé134. Le troisième critère est celui des
garanties des droits fondamentaux. Ces derniers sont garantis
par le juge constitutionnel et le juge supranational135. Cette
conception identifie les droits fondamentaux à partir des critères
131 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.60.
132 Ibid, p.61. Voir également Favoreu (Louis), Gaïa (Patrick), Ghevonthian (Richard), Mestre
(Jean-Louis), Roux (André) et Scoffoni (Guy), Droit constitutionnel, 2ème éd, Dalloz, 1999,
p.790-791.
133 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.60-61.
134 Ibid, p.61-62.
135 Ibid, p.62-63. Voir également, Favoreu (Louis) et alii, Droit des libertés fondamentales, op

cit, p.67.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 49
ONG et Droits de l’Homme

formels que sont les sources et les garanties juridictionnelles


supra législatives indépendamment de tout critère matériel relatif
au contenu et à la substance des droits concernés136.

À l’opposé de l’approche formelle, la conception substantielle


considère que les droits et libertés sont qualifiés de
fondamentaux eu égard à leur nature, à leur essence, à leur
propriété constitutive137. Cette approche des droits fondamentaux
est vigoureusement défendue par le professeur Etienne Picard. Il
commence d'abord par détruire les arguments de l'approche
formelle qui réduit la « fondamentalité » d'un droit à sa
consécration par une source formelle de rang supra législatif.
Ainsi, au sein de l’ordre supranational comme au sein de l’ordre
interne, la fondamentalité n’est réservée à aucun rang normatif
particulier ; aucune norme n’a le monopole de la fondamentalité
et ne saurait la contenir entièrement138. Si aucune norme formelle
ne peut rendre compte de la fondamentalité d’un droit, quel serait
donc le critère à retenir pour savoir qu’un droit est fondamental ?
Le professeur Etienne Picard répond en disant que la
fondamentalité réside dans la valeur propre du droit lui-même139.
Les droits fondamentaux se caractérisent par leur rôle et
l’importance qui leur est reconnue140. Il s’agit de droits qui
apparaissent suffisamment essentiels pour le jurislateur et qui
sont susceptibles de prévaloir contre toute prétention qui

136 Ibid, p.60.


137 Ibid, p.63. Voir aussi, Dord (Olivier), « Droits fondamentaux », Andriantsimbazovina
(Joël), Gaudin (Hélène), Marguénaud (Jean-Pierre), Rials (Stéphane) et Sudre (Frédéric) (dir),
Dictionnaire des droits de l'homme, 1ère éd, Quadrige-PUF, 2008, p.333.
138 Picard (Etienne), « L'émergence des droits fondamentaux en France », Les droits

fondamentaux. Une nouvelle catégorie juridique ?, L'actualité juridique-Droit administratif, 20


juillet/20 août 1998, spécial, p.14-15.
139 Ibid, p.15.
140 Ibid, p.9.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 50


ONG et Droits de l’Homme

pourraient s’y opposer141. Les droits fondamentaux présentent


donc certains traits intrinsèques. Ce sont des droits importants,
prééminents et essentiels142.

L’étude de l’approche substantielle des droits de l’homme a


permis de les étudier dans leur essence et dans leur substance.
De leurs origines théologique et philosophique à leur
appréhension juridique tout est passé au fil de l’analyse pour
saisir le contenu de la notion des droits de l’homme. L’analyse des
droits de l’homme à l’aune des notions voisines s’imposait
également pour saisir la substance de ces droits. À côté de
l’approche substantielle, l’appréhension générationnelle des droits
de l’homme s’impose également pour bien cerner cette notion.

PARAGRAPHE II – L’APPROCHE GENERATIONNELLE DES


DROITS DE L’HOMME

Dans la théorie des droits de l’homme, l’une des


classifications qui s’est présentée comme des plus pertinentes est
la classification générationnelle proposée par Karel Vasak143. Il
scinder les droits de l’homme en trois générations. Ceux de la
première, de la deuxième (A) et de la troisième génération (B). Il
sera question de présenter chacun de ces droits.

141 Idem.
142 Ibidem.
143 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.70-73.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 51
ONG et Droits de l’Homme

A- LES DROITS DE LA PREMIERE ET DE LA DEUXIEME


GENERATION

Pour des raisons d’analyse, il faudrait présenter


successivement les droits de la première (1) et de la deuxième (2)
génération.

1- Les droits de la première génération ou l’évocation


des droits-libertés

Les droits de l’homme de la première génération


correspondent aux droits civils et politiques. Ce sont des droits
qualifiés de droits-libertés interdisant l’ingérence de l’État et
assurant l’autonomie de l’individu. Cette catégorie de droits de
l’homme requière l’abstention de l’État dans la sphère
d’autonomie de l’individu. Il s’agit donc des droits individuels qui
assurent l’épanouissement de la personne. Ces droits puisent
leur fondement dans la philosophie libérale et individualiste de
l’occident. Il est question de garantir l’épanouissement et le
primat de l’individu sur la société. Interdisant l’ingérence de
l’autorité publique, ces droits résistances détermineraient pour
l’individu des possibilités intellectuelles ou physiques, des droits
de, des droits à être soi-même144. Ces droits garantissent ainsi la
liberté-autonomie et la liberté-participation à l’individu145. Parmi
les droits entrant dans cette catégorie, nous pouvons citer : le
droit à la vie, la protection de l’intégrité physique et morale de la
personne humaine, l’interdiction de l’esclavage et de la torture, la
garantie des principes de non-discrimination et d’égalité, le droit

144 Ibid, p.71.


145 Idem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 52
ONG et Droits de l’Homme

à un procès équitable146, la liberté de conscience, la liberté


religieuse, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté
d’association, la liberté de manifestation publique, le droit à
l’information, le droit à la nationalité, le droit de vote, le droit à
participer et d’accéder à des fonctions électives, etc. Ce sont des
droits dont la justiciabilité est la plus sûre.

2- Les droits de la deuxième génération ou l’énonciation


des droits-créances

La deuxième génération porte sur les droits, économiques,


sociaux et culturels que l’on qualifie également de droits-
créances147 ». Ceci parce que ce sont des droits qui appellent une
prestation des autorités publiques, notamment par la mise en
œuvre d’un service public permettant l’effectivité de ces droits148.
Contrairement aux droits de la première génération qui
demandent une abstention de l’État, ceux de la deuxième
génération nécessitent son intervention. Ce sont des droits qui
imposent que l’État développe des politiques publiques efficaces
pour se matérialiser. Ces droits puisent leur fondement dans la
pensée marxiste. Karl Marx a beaucoup fustigé les droits civils et
politiques en les qualifiant de formels et d’abstraits et incapables
d’améliorer les conditions concrètes de vie des individus. Pour lui,
les droits de l’homme doivent prendre en compte l’homme situé,
l’homme dans sa vie de tous les jours avec ses besoins et ses
nécessités. Il faudrait qu’ils soient à même d’améliorer les
conditions concrètes de vie de l’homme. Au cœur des droits

146 Le droit à la présomption d’innocence, le droit à la défense, le droit à être jugé dans un
délai raisonnable, le droit à être jugé par des juridictions indépendantes et impartiales, etc.
147 Levinet (Michel), Théorie générale des droits et libertés, op cit, p.71.
148 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 53


ONG et Droits de l’Homme

économiques, sociaux et culturels on peut citer : le droit au


travail, le droit à la nutrition, le droit au logement, le droit à la
santé, le droit à l’éducation, le droit à la sécurité sociale, la liberté
syndicale, le droit à la grève, le droit à la culture, etc. Lorsqu’on
voit ces droits, on observe effectivement qu’ils nécessitent un
service public de qualité pour qu’ils soient effectifs. Il s’agit de
droits dont la justiciabilité serait relative puisque leur mise en
œuvre appellerait l’adoption des mesures complémentaires, par
exemple par voie législative, et dépendrait des ressources
économiques et financières publiques149.

B- LES DROITS DE LA TROISIEME GENERATION OU


L’AFFIRMATION DES DROITS SOLIDARITES

Les droits de la troisième génération correspondent à ce


qu’on appelle les « droits solidarités » ou les « droits des peuples ».
Cette catégorie de droits constitue l’une des catégories des droits
qui a le plus suscité les débats au sein de la doctrine. Adulés par
les auteurs africains et contestés par l’essentiel de la doctrine
occidentale, les droits des peuples font partie intégrante du droit
international des droits de l’homme aujourd’hui. Pour mieux les
cerner il faudrait ressortir leur contenu (1) et leur portée (2).

1- Leur contenu

Les droits solidarité ou droits des peuples constituent la


troisième génération des droits de l’homme. Ce sont des droits
collectivistes ou holistiques qui concernent les groupes. Le peuple
auquel sont attachés ces droits peut renvoyer à plusieurs types

149 Ibid, p.72.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 54
ONG et Droits de l’Homme

de groupe : L’État ou à la somme de ses nationaux150, le peuple


d’un État151, la population152, les entités sous domination
coloniale ou raciale153, les entités ethniques154. Ces droits ont
plus été valorisés en Afrique à cause de sa culture
communautaire africaine. À ce titre, ils sont assez pris en
considération dans la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples. C’est le seul instrument juridique international qui
consacre de manière abondante les droits des peuples. Parmi les
droits des peuples on peut citer : le droit des peuples à
l’autodétermination, le droit des peuples à la libre disposition de
leurs richesses et ressources naturelles, le droit au
développement, le droit à la paix et à la sécurité, le droit à un
environnement sain.

Après avoir présenté le contenu des droits des peuples, il


serait intéressant de nous attarder sur leur portée.

2- Leur portée

Beaucoup plus portés par les États africains, les droits des
peuples participent de la contribution des africains au droit
international des droits de l’homme. Il est question de montrer
que la culture africaine a également à apporter à la culture des
droits de l’homme. Ces droits traduisent l’expression de la culture
communautariste et holistique africaines. Il est davantage
question de montrer que les droits de l’homme ne se réduisent

150 Ouguergouz (Fatsah), La charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Une
approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité, Paris, PUF, 1993,
p.133.
151 Ibid, p.134.
152 Idem.
153 Ibid, p.135.
154 Ibid, p.138.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 55


ONG et Droits de l’Homme

pas à leur conception libérale (droits civils et politiques) et


marxiste (droits économiques, sociaux et culturels). Les droits des
peuples constituent donc l’expression d’un particularisme
culturel africain. Il s’agit de montrer que les droits de l’homme ne
sont pas seulement un cadre d’expression de l’individu mais
également des collectivités.

L’autre portée de ces droits est la contestation dont ils ont


fait l’objet au sein de la doctrine occidentale des droits de
l’homme. Les auteurs comme Jean Rivero et Frédéric Sudre ont
lourdement critiqué cette catégorie de droits. Ils ont d’abord
contesté que les droits des peuples fassent partie des droits de
l’homme. Le qualificatif de peuple les en excluant. Le Professeur
Rivero, parlant des droits des peuples, s’interrogeait qu’il s’agit de
quels droits pour quel homme ? La notion de peuple pour lui ne
renvoyant pas la personne. Le caractère flou et imprécis de la
notion de peuple la conduisant à l’exclure comme pouvant être
titulaire de droits. L’autre critique qui a été formulée à l’endroit de
ces droits est leur justiciabilité. Le professeur Sudre pense que la
justiciabilité des droits de l’homme conditionne leur effectivité.
Peut-on ester le peuple devant les juridictions ? C’est l’un des
arguments mobilisé par ce dernier pour qualifier les droits de
peuple de pseudo droits de l’homme. En dépit de toutes ces
critiques, les droits des peuples font bel et bien partie des droits
de l’homme et la jurisprudence de la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples a eu l’occasion de réitérer la
juridicité et l’effectivité de cette catégorie de droits dans l’ordre
régional africain.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 56


ONG et Droits de l’Homme

Tout au long de ce chapitre, il était question d’analyser


séparément les notions d’ONG et de droit de l’homme. Cela
s’avérait nécessaire pour savoir de quoi on parle. Ces notions
n’étant pas simples et faciles à cerner, il était important de s’y
pencher de manière approfondie. Maintenant que cela est fait, il
est à présent important d’aborder les rapports et les interactions
qui existent entre ces deux phénomènes.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 57


ONG et Droits de l’Homme

CHAPITRE II : LES ONG ET LA PROTECTION DES


DROITS DE L’HOMME

Après avoir analysé de manière profonde les notions d’ONG


et de droits de l’homme, il urge à présent d’étudier les rapports
qui existent entre ces deux phénomènes. Lorsqu’on observe les
actions, les dynamiques et les activités des ONG sur le terrain des
droits de l’homme, on peut parvenir à un double constat. Les
ONG constituent des mécanismes non juridictionnels et non
conventionnels importants de garantie des droits de l’homme
(Section I), d’une part, même si sur ce terrain leur rôle est très
souvent controversé (Section II), d’autre part.

SECTION I- LES DIFFERENTES ACTIONS DES ONG EN


FAVEUR DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Les ONG œuvrent beaucoup en faveur de la protection des


droits de l’homme. Leurs actions sur ce terrain sont perceptibles
à deux niveaux au moins. Elles assurent une importante activité
au niveau de la promotion des droits de l’homme (Paragraphe I)
avant de mener des actions sur le terrain de la protection des
droits de l’homme proprement dit (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I- LES ONG DANS LA PROMOTION DES


DROITS DE L’HOMME

Le premier rôle des ONG sur le terrain de la garantie des


droits de l’homme est leur travail de promotion de ces derniers.
Promouvoir les droits de l’homme c’est les faire connaître,
favoriser leur développement et les placer au centre des

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 58


ONG et Droits de l’Homme

préoccupations155. De manière plus approfondie, la promotion des


droits de l’homme se présente comme une activité qui consiste à
diffuser, vulgariser, enseigner les droits de l’homme, afin que les
différents compartiments de la société les aient constamment à
l’esprit, pour que l’obscurité de leur ignorance ne produise des
situations catastrophiques156. Il s’agit d’une activité qui prépare le
terrain de la protection proprement dite157. À partir de cette
définition, on peut observer que les ONG assurent le travail de
promotion des droits de l’homme à partir de deux types
d’activité : leur influence dans l’élaboration des normes juridiques
relatives aux droits de l’homme (A) et leur rôle de sensibilisation
et de plaidoyer sur la question (B).

A- LEUR ROLE DANS L’EDIFICATION DES NORMES


JURIDIQUES INTERNATIONALES RELATIVES AUX
DROITS DE L’HOMME

Il est important de relever que les ONG constituent des


acteurs importants dans l’élaboration et l’édification des normes
juridiques internationales relatives aux droits de l’homme. Pour
s’en convaincre, il faudrait percevoir leur influence au niveau de
la codification internationale des droits de l’homme (1) et la
coopération qu’elles entretiennent avec les OI158 (2).

155 Pokam Kamdem (Ernest), L’union africaine et la promotion des droits de l’homme,
Mémoire de DEA en droit public international et communautaire, Université de Yaoundé II,
2007/2008, p.12.
156 Olinga (Alain-Didier), « Les mécanismes internationaux de promotion et de protection des

droits de l’homme », Migrations et protection des droits de l’homme, Droit international de la


migration, Genève, 2005, p.34.
157 Idem.
158 Organisations internationales.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 59


ONG et Droits de l’Homme

1- L’action influente des ONG sur les normes


internationales des droits de l’homme

À cause de leur expertise et de leur travail sur le terrain, les


ONG contribuent à l’élaboration des normes juridiques de
protection des droits de l’homme159. Situés à l’articulation de la
société civile et de la société étatique, elles apportent l’information
qui provoque le débat, nourrit les rapports des experts et sert de
base à la mise en place de mécanismes de protection des droits
de l’homme160. Très souvent, ce sont les ONG qui ont soulevé de
nouvelles problématiques au sein de la communauté
internationale et ainsi amené à l’adoption de nouveaux
instruments de protection des droits de l’homme161. On peut
illustrer cela avec le fait que ce sont les ONG qui ont conduit par
leur influence à l’élaboration de certains textes juridiques
internationaux à l’instar de ceux qui portent sur les violences
faites aux femmes, les mines antipersonnels, la Cour Pénale
Internationale (CPI), les droits économiques et sociaux, les droits
des peuples autochtones, la défense des défenseurs des droits de
l’homme162.

S’agissant par exemple de la question de la violence faite


aux femmes, on note que les efforts des ONG sur le plan
international ont porté principalement sur deux points : d’une
part, la reconnaissance universelle des droits des femmes comme
droits humains et leur intégration dans les mécanismes de l’ONU,
159 Lemonde (Lucie), « Le rôle des organisations non gouvernementales », Revue Québécoise
de droit international, Volume 11-2, 1998, Actes du Congrès mondial sur la Déclaration
universelle des droits de l’homme, p.209.
160 Guillet (Sara), Nous, les peuples des Nations unies. L’action des ONG au sein du système

de protection internationale des droits de l’homme, Paris, Montchrestien, 1995, p.145-146.


161 Lemonde (Lucie), « Le rôle des organisations non gouvernementales », op cit, p.209.
162 Ibid, p.209-210.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 60


ONG et Droits de l’Homme

et d’autre part, l’adoption de diverses mesures concernant la


violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences163. Ce
mouvement a donné lieu à l’adoption de divers textes, dont la
Déclaration de l’Assemblé Générale de l’ONU sur l’élimination de
la violence à l’égard des femmes en 1993 qui est le premier
instrument juridique international qui traite exclusivement de la
violence faite aux femmes164. Il est également important de mettre
à l’actif des ONG que ce sont elles qui se sont battues avec succès
pour obtenir la création d’un poste de Rapporteur spécial sur les
violences faites aux femmes, ses causes et ses conséquences au
sein du système des Nations unies165.

Il est également important de relever que l’adoption du


Statut de Rome qui créée la CPI est la résultante de l’influence et
du lobbying des ONG internationales comme Amnesty
International ou encore Human Rights Watch. Ces ONG, en tant
qu’acteurs importants de la société civile internationale, ont eu à
peser de leur influence et leur plaidoyer sur l’agenda international
des États afin que ceux-ci mettent sur pieds une convention
internationale qui va réprimer et sanctionner les auteurs des
infractions graves au droit international humanitaire. C’est de là
que va jaillir le Statut de Rome qui va instituer la CPI afin de
juger toutes les personnes qui violent la dignité humaine dans le
contexte de conflits armés.

Les ONG internationales africaines ont œuvré à l’élaboration


de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ainsi,
l’idée de l’élaboration de cet instrument africain de protection des
163 Ibid, p.210.
164 Idem.
165 Ibidem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 61
ONG et Droits de l’Homme

droits de l’homme débute lors du Congrès africain pour la


primauté du droit organisé par l’ONG dénommée la Commission
internationale des juristes à Lagos, du 3 au 7 janvier 1961166.
Cette ONG va recommander aux États africains d’étudier la
possibilité d’adopter une Convention africaine des droits de
l’homme prévoyant la création d’un tribunal approprié et des
voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant des
États signataires167. On assistera après à la réaffirmation de cette
recommandation par une autre ONG le Congrès des juristes
africains francophones à Dakar en 1967168. Par la suite, on aura
le Colloque de Dakar sur « le développement des droits de
l’homme en Afrique » en septembre 1978, organisé conjointement
par deux ONG la Commission internationale des juristes et
l’Association sénégalaise d’études et de recherche juridiques, qui
va déboucher sur la mise sur pied d’un Comité de suivi et de
plaidoyer en faveur de la mise en place d’un mécanisme régional
des droits de l’homme auprès des gouvernements africains169.
C’est la conjugaison de toutes ces actions des ONG africaines qui
influenceront les États africains et qui seront à l’origine de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Ces quelques exemples sont illustratifs de l’influence des


ONG dans l’élaboration des normes juridiques internationales de
protection des droits de l’homme. Il faudrait également noter que
les ONG influencent également l’élaboration des législations
nationales de protection des droits de l’homme. À titre

166 Mubiala (Mutoy), Le système régional africain de protection des droits de l’homme,
Bruxelles, Bruylant, 2005, p.91.
167 Ibid, P.29-30.
168 Idem.
169 Ibidem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 62


ONG et Droits de l’Homme

d’illustration, notons que l’histoire de la Ligue des droits et


libertés du Québec démontre qu’elle a toujours été à l’avant-garde
de la lutte pour les droits humains non seulement par sa
dénonciation constante des abus du pouvoir mais aussi par sa
contribution importante à la mise en place de plusieurs réformes
sociales et l’adoption de nombreuses législations dont la Charte
des droits et libertés de la personne, la loi sur l’aide juridique, la
loi sur la protection de la jeunesse, les lois concernant la
protection des renseignements personnels, l’abolition de la peine
de mort170, etc.

Il est clair au regard de tout ce qui précède que les ONG


jouent un rôle important dans l’élaboration des normes juridiques
relatives aux droits de l’homme que ce soit sur le plan
international ou sur le plan interne. Cette influence sur la
normativité internationale relative aux droits de l’homme est
également perceptible au niveau de la coopération que les ONG
entretiennent avec les OI.

2- L’impact de la coopération ONG et OI sur les normes


internationales de protection des droits de l’homme

Les ONG influencent aussi l’élaboration des normes


juridiques internationales relatives aux droits de l’homme à cause
des rapports de coopération qu’elles entretiennent avec les OI.
Ces dernières constituent les cadres par excellence d’élaboration
des instruments juridiques internationaux de garantie des droits
de l’homme. Il est normal que les ONG souhaitent établir des
liens avec les OI dont le secteur d’activité correspond à leur

170 Lemonde (Lucie), « Le rôle des organisations non gouvernementales », op cit, p.209.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 63
ONG et Droits de l’Homme

sphère d’intérêt171. Les OI leur offrent la possibilité d’établir avec


elles des rapports de coopération. On peut ainsi citer l’article 71
de la Charte de l’ONU qui énonce que : « Le Conseil économique et
social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les
organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions
relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s’appliquer à
des organisations internationales et, s’il y a lieu, à des
organisations nationales après consultation du membre intéressé
par l’Organisation ». À partir de cette disposition de la Charte de
l’ONU, les ONG ont désormais un statut consultatif auprès du
Conseil économique et social (ECOSOC) de l’ONU, statut qui va
leur ouvrir d’autres portes172. Par exemple, l’accréditation de
l’ECOSOC donne aux ONG accès à l’Assemblée Générale et à de
nombreuses commissions de l’ONU173. De manière plus
approfondie, le statut consultatif distingue trois types d’ONG. Les
ONG de la catégorie 1 qui disposent de droits étendus : possibilité
d’intervenir de la part des observateurs aux séances publiques de
l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires, de faire distribuer des
textes écrits, de recevoir la documentation distribuée aux
membres et même de proposer l’inscription de certains sujets à
l’ordre du jour174. Les ONG classées dans la catégorie 2 sont elles
aussi, associées de manière étroite et ont un statut, comme les
précédentes s’apparentant à celui d’observateur (à la différence de
la catégorie 1, elles ne peuvent proposer d’inscription à l’ordre du

171 Philip (Christian), « Une typologie des statuts des membres dans les organisations
internationales », Revue Québécoise de droit international, 1984, p.67.
172 Rubichon (Cécile), Les ONG de droits de l’homme sur la scène internationale : entre

objectifs et résultats, Séminaire « Les acteurs de la mondialisation », Université de Lyon 2,


2006-2007, p.23.
173 Idem.
174 Philip (Christian), « Une typologie des statuts des membres dans les organisations

internationales », op cit, p.67.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 64
ONG et Droits de l’Homme

jour)175. Enfin, d’autres ONG, inscrites sur ce que l’on nomme « la


liste », sont consultée d’une manière plus indirecte176. Une
avancée considérable a eu lieu en 1996 à travers une résolution
de l’ECOSOC qui a réformé le statut des ONG. Ces dernières ont
été reconnues comme des « experts techniques, conseillers et
consultant des Nations unies177 ».

Au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies,


les ONG qui ont un statut d’observateur exercent trois principaux
rôles : Lobbying, expertise et interpellation178. Si on prend son
rôle de lobbying par exemple, il constitue l’un des plus
importants. On sait par exemple que le moratoire sur la peine
capitale votée par l’Assemblée Générale des Nations unies en
2007 a été initié par Amnesty international179. On voit par là que
dans le cadre de la coopération qu’elles entretiennent avec les OI,
les ONG influencent les normes relatives aux droits de l’homme.
Les ONG de défense des droits de l’homme ont également accès
au Conseil de sécurité des Nations unies en tant qu’expertes. En
effet, le règlement intérieur du Conseil de sécurité prévoit en effet
la possibilité pour lui d’inviter : « toute personne qu’il considère
qualifiée à lui fournir des informations ou à lui donner assistance
dans l’examen des questions relevant de sa compétence »180. Ainsi,
c’est sur la base des rapports présentés par Global Witness, que
s’est engagé un débat sur les sanctions à prendre à l’égard du
175 Idem.
176 Ibidem.
177 Rubichon (Cécile), Les ONG de droits de l’homme sur la scène internationale : entre

objectifs et résultats, op cit, p.23.


178 Beauguitte (Laurent), « Les ONG au conseil des droits de l’homme : une approche

géographique et quantitative », Collège international des sciences du territoire, Grenoble,


France, mars 2016, p.53.
179 Ibid, p.54.
180 Rubichon (Cécile), Les ONG de droits de l’homme sur la scène internationale : entre

objectifs et résultats », op cit, p.23.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 65
ONG et Droits de l’Homme

Libéria181. En fonction de leurs domaines d’activité, les ONG


peuvent également collaborer avec les agences spécialisées des
Nations unies : FAO, UNESCO, HCR, PNUE, etc.

Comme cela a été relevé, le statut consultatif ou


d’observateur ouvre toutes les portes de l’ONU aux ONG
accréditées par les Nations unies : elles peuvent assister aux
réunions, aux commissions et aux conférences des Nations unies
dont les thèmes correspondent à leur domaine d’activité182. Les
ONG de protection des droits de l’homme peuvent profiter de leur
présence dans ces instances, ces enceintes et ces cadres de
préparation et de négociation des instruments internationaux de
protection des droits de l’homme pour influencer et transmettre
leurs points de vue. Même si elles ne peuvent pas faire des
déclarations écrites ou orales, elles peuvent suivre les débats,
puis dans les couloirs de l’ONU, transmettre leur point de vue
aux autres participants183.

Les ONG de défense des droits de l’homme ont également le


statut d’observateur au sein de l’OUA aujourd’hui UA184. À travers
ce statut, elles ont contribué à jouer un rôle de plaidoyer auprès
de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
pour l’aider sur le plan normatif. À titre d’illustration, nous
pouvons mentionner l’appui fourni à la Commission africaine par
Interights et l’Association pour la prévention de la torture pour les
réunions de Dakar (1999) et de Robben Island (2002) qui ont
abouti à l’adoption de la résolution sur le droit à un procès
181 Idem.
182 Ibidem.
183 Ibidem.
184 Atangana Amougou (Jean-Louis), « La commission africaine des droits de l’homme et des

peuples », Droits fondamentaux, n°1, juillet-décembre 2001, p.115.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 66
ONG et Droits de l’Homme

équitable et de la résolution sur les lignes directrices de Robben


Island susmentionnées185.

Il ressort de tout ce qui précède que la coopération qui existe


entre les ONG et les OI à travers le statut consultatif et
d’observateur qui leur est octroyé leur permet d’influencer
l’élaboration des normes juridiques internationales relatives aux
droits de l’homme. L’apport principal du statut d’observateur est
de permettre à certaines entités qui par nature ne peuvent
devenir membre d’une OI de participer à l’activité de cette
organisation186. Ce qui est le cas des ONG. Et elles profitent de ce
statut pour contribuer à l’élaboration des normes relatives aux
droits de l’homme. Ce qui participe grandement à la promotion
des droits de l’homme assurée par les ONG. Cette promotion est
également assurée par ces activités de sensibilisation.

B- LEUR ROLE DE SENSIBILISATION ET DE PLAIDOYER

Toujours dans leur travail de promotion des droits de


l’homme, les ONG mènent très souvent des activités de
sensibilisation et de plaidoyer afin d’attirer l’attention sur la
nécessité de respecter la dignité humaine. Ce rôle de
sensibilisation et de plaidoyer peut être abordé par la formation
(1) et le lobbying (2) qu’effectuent les ONG de protection des
droits de l’homme sur le terrain.

185 Mubiala (Mutoy), Le système régional africain de protection des droits de l’homme, op cit,
p.91-92.
186 Farchakh (Michael), Le statut de membre d’une organisation internationale et son

acquisition, Conférence de méthode de droit des organisations internationale de madame la


professeure Evelyne Lagrange, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, décembre 2014, p.7.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 67
ONG et Droits de l’Homme

1- La formation

La formation à travers les séminaires, les conférences, les


colloques, les journées d’études constitue l’un des moyens
importants par lesquels les ONG assurent la sensibilisation à la
protection des droits de l’homme. On observe également dans
cette mouvance des programmes de formation et d’éducation aux
droits de l’homme conçus par les ONG internationales. Nous
pouvons à ce titre citer le Programme international de formation
aux droits humains de l’ONG canadienne Equitas187. Cette ONG
pense que l’éducation non institutionnelle aux droits humains est
un élément essentiel de l’édification d’une culture mondiale des
droits humains. Ses programmes sont axés sur le savoir, les
compétences, les valeurs, les attitudes et sur les comportements
nécessaires aux individus pour comprendre, défendre et
revendiquer leurs droits et ceux des autres, d’une part, et sur la
sensibilisation aux questions sexospécifiques et la promotion de
l’égalité entre les femmes et les hommes, d’autre part188. Ce
programme de formation repose sur une démarche pédagogique
qui adopte une approche participative fondée sur l’apprentissage
empirique appliquée aux adultes, des méthodes qui favorisent le
partage des connaissances et des expériences189. À l’issue de ce
Programme, les participantes et les participants doivent être à
mesure :

- D’identifier un cadre fondé sur les normes et principes


des droits humains internationalement reconnus pour

187 Centre international d’éducation aux droits humains.


188 Programme international de formation aux droits humains, 36ème éd, Bibliothèque et
Archives nationales du Québec, 2015, p.5.
189 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 68


ONG et Droits de l’Homme

analyser les problématiques et situations qui se


présentent dans le travail de leurs organisations ;
- D’identifier les façons dont l’éducation aux droits peut
accroître l’efficacité de leur travail en droits humains ;
- D’intégrer une approche participative dans leur travail en
matière de droits humains et d’éducation aux droits
humains ;
- D’indiquer les façons appropriées de mettre en pratique
dans le travail de leurs organisations l’apprentissage
acquis lors du Programme international de formation aux
droits humains ;
- D’explorer les opportunités de réseautage essentielles à
l’avancement de la cause des droits humains ;
- De déterminer les stratégies pour promouvoir l’égalité
entre les sexes dans leur travail d’éducation aux droits
humains ;
- D’employer un processus d’évaluation de base pour
estimer les résultats de leurs activités d’éducation aux
droits humains190.

Dans la même veine que l’ONG Equitas, Amnesty


International a également mis sur pied un programme de
formation et d’éducation aux droits de l’homme dénommé : École
amie des droits humains. Il s’agit d’un programme de formation et
d’éducation conçu par Amnesty International dans le cadre du
programme mondial des Nations unies pour l’éducation aux
droits de l’homme. Ce programme de formation d’Amnesty
International prône une approche globale de l’éducation aux

190 Ibid, p.7.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 69
ONG et Droits de l’Homme

droits humains en encourageant les États à inciter les écoles à


enseigner les droits humains, mais aussi à veiller à ce que
l’administration des écoles soit conforme aux valeurs et principes
des droits humains191. C’est donc projet et un programme à
l’attention des écoles. Il soutient le développement d’une culture
mondiale des droits humains en donnant aux élèves et aux
enseignants des écoles du primaire, du secondaire et même du
supérieur du monde entier les moyens d’édifier une communauté
scolaire amie des droits humains192. Ce projet part du principe
selon lequel, en développant les connaissances et en changeant
les attitudes et les comportements au sein de la population, il est
possible de créer une culture mondiale des droits humains193.
L’éducation aux droits humains est un travail participatif visant
donner les moyens d’agir aux individus et aux populations
notamment en les aidant à acquérir les connaissances, les
attitudes, les valeurs et les compétences dont ils ont besoin pour
jouir de leurs droits, les exercer et pour respecter et faire
respecter les droits d’autrui194. L’éducation aux droits humains
couvre :

- L’éducation aux droits humains : la connaissance et la


compréhension des normes, principes et instruments des
droits humains et des valeurs qui les sous-tendent ;
- L’éducation par les droits de humain : un apprentissage à
l’aide de méthodes favorisant l’intégration, la participation

191 Devenir une école amie des droits humains. Un guide pour les écoles à travers le monde,
Amnesty International Ltd, 2012, p.12.
192 Idem.
193 Ibidem.
194 Ibidem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 70


ONG et Droits de l’Homme

et les processus démocratiques, en respectant les droits


des enseignants aussi bien que des apprenants ;
- L’éducation pour les droits humains : des méthodes
d’enseignement et d’apprentissage favorisant le respect
des droits humains dans la vie quotidienne en donnant à
chacun les moyens de jouir de ses droits et de les exercer
ainsi que de respecter et défendre les droits d’autrui195.

Lorsqu’on observe de près ces programmes de formation et


d’éducation d’Equitas et d’Amnesty International, on observe que
la formation constitue une stratégie importante de sensibilisation
à la culture du respect des droits de l’homme. C’est un puissant
moyen de conscientisation de toutes les classes et catégories
sociales. On peut citer dans cette mouvance l’APDHAC196 qui
organise régulièrement des programmes de formation ou
l’ACAFEJ197 qui organise assez souvent également des sessions de
formation à l’endroit des femmes. Il s’agit là d’un apport très
important des ONG pour la promotion des droits de l’homme. Ce
travail de sensibilisation et de promotion se fait également dans le
cadre du travail de lobbying et de plaidoyer.

2- Le lobbying et le plaidoyer

Le plaidoyer est un acte ou un processus pour soutenir une


cause ou une question198. Au niveau des ONG de défense des
droits de l’homme, le plaidoyer s’appréhende comme un ensemble
d’actions ciblées visant les décideurs dans le but de soutenir un

195 Ibidem.
196 Association pour la Promotion des Droits de l’Homme en Afrique Centrale.
197 Association Camerounaise des Femmes Juristes.
198 Module sur le plaidoyer, la sensibilisation et le travail en réseau, Campus de Genre,

Centre international de formation de l’Organisation Internationale du Travail, Turin, Italie,


2010, p.5.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 71
ONG et Droits de l’Homme

changement dans les politiques et les programmes199. Ce


plaidoyer se fait souvent dans le cadre d’une campagne. Le
plaidoyer fait également œuvre de lobbying parce qu’il constitue
un moyen de mettre la pression sur les décideurs et l’opinion
publique. Le plaidoyer se caractérise par des activités de
sensibilisation du public, de dénonciation et de proposition200. Il
sera question ici de présenter les moyens développés par les ONG
de défense des droits de l’homme dont l’objectif est d’inciter les
États à tenir leurs engagements internationaux en matière de
protection des droits de l’homme.

 Activités de communication et d’information

Les principales ONG internationales de défense des droits de


l’homme ont développé des moyens techniques et financiers
considérables leur permettant de consacrer du temps et du
personnel à la recherche d’information sur les violations des
droits de l’homme201. Cette communication et information
constituent la première phase du plaidoyer. Elle consiste à
chercher les faits et les cas de violation des droits de l’homme
avant de les défendre et chercher à influencer les décideurs et
l’opinion publique. Ce travail présente deux facettes : la collecte
d’information et la diffusion d’expertise.

La collecte de l’information : La première facette du travail


quotidien des ONG consiste à recenser les violations des droits de
l’homme partout dans le monde et à diffuser les conclusions de

199 Idem.
200 Tixier (Flore), Le plaidoyer non gouvernemental en faveur des droits de l’homme, Mémoire
« Analystes politiques et sociaux », Institut d’Études Politiques de Grenoble, 2007-2008,
p.33.
201 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 72


ONG et Droits de l’Homme

leurs enquêtes au plus large public202. Une part importante du


travail d’investigation consiste à recouper des témoignages, à
multiplier les interviews, à vérifier l’exactitude de chaque
information. Une ONG comme Human Rights Watch dispose
d’environ cent cinquante (150) enquêteurs qui travaillent sur les
seize thématiques ou aires régionales où intervient cette
organisation : Afrique, Asie, Europe et Asie Centrale, Moyen
Orient et Afrique du Nord, les Amériques. Les thématiques
abordées par cette ONG sont : contre-terrorisme, justice
internationale, racisme et droits de l’homme, droits de l’enfant,
droits des femmes, Sida et droits de l’homme, réfugiés, armes,
LGBT203, etc. Cette ONG conduit des centaines d’enquêtes par
an204. Les méthodes d’investigation des différentes ONG restent
très similaires : leurs chercheurs dépouillent les journaux du
monde entier, traquent l’information sur internet et conduisent
surtout des enquêtes sur le terrain205. En 2008, le chercheur de
Human Rights Watch sur l’Arabie saoudite a présenté les
résultats de ses trois années d’investigations sur le terrain du
système judiciaire saoudien (Rapport « Precarious Justice »)206.
Cette cherchait à démontrer le caractère arbitraire et violateur
des droits de l’homme du système judiciaire en Arabie saoudite.

La diffusion de l’expertise : La publication des


informations récoltées, souvent par le biais de rapports, constitue
la deuxième phase du travail des ONG dans le domaine

202 Ibid, p.34.


203 Ibidem.
204 Ibidem.
205 Ibidem.
206 Ibidem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 73
ONG et Droits de l’Homme

d’expertise des droits de l’homme207. Il s’agit d’informer les


citoyens sur les engagements pris par leurs dirigeants, les aider à
faire jouer la responsabilité des États, informer l’opinion
publique, alerter sur des situations208. Les ONG de défense des
droits de l’homme jouissent d’une qualité d’experts qui constitue
le fondement de leurs actions visant à faire pression sur les
gouvernements pour qu’ils se conforment à leurs engagements
internationaux en matière de droits de l’homme et pour qu’ils
fassent progresser le respect des droits209. En plus des activités
de communication et d’information, l’étape qui suit pour le
plaidoyer des ONG ce sont les campagnes de mobilisation et les
coalitions thématiques.

 Campagnes de mobilisation et coalitions


thématiques

Ce que l’on pourrait désigner par « plaidoyer public » est un


lobbying qui s’opère aux yeux de tous. L’objectif étant de
dénoncer publiquement et ouvertement les comportements de
sensibiliser les opinions publiques aux abus auxquels prennent
part les gouvernements210. Ce plaidoyer prend forme dans
l’organisation de campagnes de sensibilisation et de mobilisation
et dans la constitution de coalitions d’envergure internationale.

Campagnes de sensibilisation et de mobilisation :


Amnesty International fonctionne largement par le biais de ces
campagnes de mobilisation. Le secrétariat international de cette
ONG décide du lancement d’une campagne et en appelle ensuite à

207 Ibid, p.37.


208 Ibidem.
209 Ibid, p.40.
210 Ibid, p.41.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 74
ONG et Droits de l’Homme

ses sections nationales pour activer cette campagne


localement211. Les sections se chargent de mobiliser des citoyens
qui soutiennent la cause et participent activement aux actions
collectives. Ils constituent une force de frappe par le biais des
pétitions, des manifestations, du tractage, etc. L’objectif principal
est toujours d’amener les citoyens à faire pression par le biais de
pétitions ou de manifestations212.

Coalitions thématiques : Afin de donner plus de poids à


leurs revendications, les différentes ONG choisissent
régulièrement de s’associer autour d’une thématique
spécifique213. Il est question pour les ONG de s’organiser dans des
coalitions mondiales autour de revendications claires214. Dans le
domaine des droits de l’homme, on rencontre très souvent des
coalitions ad-hoc. Ces coalitions rassemblent des ONG de
diverses natures, opérationnelles ou non, autour d’un axe de
campagne mobilisateur215.

 Les plaidoyers directs auprès des décideurs

Human Rights Watch, Amnesty International, la FIDH


disposent de services qui se consacrent exclusivement au
lobbying auprès des décideurs politiques216. Ces services
spécialisés dans les actions de plaidoyer sont en contact
permanent avec les chercheurs sur le terrain. L’objectif étant
d’avoir un impact sur les décisions internationales au moment où
elles sont prises. Les responsables du plaidoyer tentent souvent

211 Ibid, p.42.


212 Idem.
213 Ibid, p.43.
214 Idem.
215 Ibidem.
216 Ibid, p.45.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 75
ONG et Droits de l’Homme

de faire pression sur des gouvernements pour qu’ils changent


d’attitude vis-à-vis d’autres gouvernements responsables de
violation des droits de l’homme217. Ils visent par exemple le
gouvernement américain, l’Union européenne et les appellent à ne
pas renouveler un contrat d’assistance militaire ou à ne pas
inviter les représentants d’un gouvernement au sommet
international tant que ce gouvernement n’aura pas mis fin à ses
pratiques abusives de violation des droits de l’homme218.

Toutes ces actions qui viennent d’être énumérées


constituent des phases du lobbying et du plaidoyer. On constate
que ce sont des leviers importants de promotion des droits de
l’homme. Après cette présentation des actions menées par les
ONG sur le terrain de la promotion des droits de l’homme, il
faudrait relever que ces dernières œuvrent également sur le
terrain de la protection proprement dite de ces droits.

PARAGRAPHE II- LES ONG DANS LA PROTECTION DES


DROITS DE L’HOMME

Les ONG n’assurent pas seulement la garantie des droits de


l’homme à travers leurs différentes activités de promotion de ces
droits. Elles interviennent également dans la protection des droits
de l’homme proprement dite. Pour s’en convaincre, il faudrait
noter qu’elles interviennent aussi bien niveau des garanties
juridictionnelles et quasi juridictionnelles (A) qu’au niveau des
garanties non juridictionnelles (B) des droits de l’homme.

217 Idem.
218 Ibidem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 76
ONG et Droits de l’Homme

A- L’IMPORTANT ROLE DES ONG DANS LES GARANTIES


(QUASI) JURIDICTIONNELLES INTERNATIONALES
DES DROITS DE L’HOMME

Les ONG de défense des droits de l’homme interviennent


régulièrement au niveau des mécanismes juridictionnels et quasi
juridictionnels internationaux de garantie des droits de l’homme.
Elles considèrent ces instances juridictionnelles et quasi
juridictionnelles comme des lieux importants pour faire avancer
les droits de l’homme219. Or, on observe que la plupart des règles
de saisine des juridictions ou quasi juridictions internationales
des droits de l’homme, reflétant le caractère traditionnellement
stato-centré du droit international, sont peu favorables aux ONG
en dépit de quelques exceptions220. Face à cette situation, les
ONG ont développé des modes alternatifs de participation aux
procédures des instances juridictionnelles et quasi
juridictionnelles internationales de garantie des droits de
l’homme. Cela conduit à observer l’action limité (1) et les modes
alternatifs (2) des ONG devant le prétoire international des droits
de l’homme.

1- L’action limitée des ONG devant le prétoire


international des droits de l’homme

Peu de juridictions ou quasi juridictions internationales des


droits de l’homme autorisent formellement les ONG à les saisir
d’une affaire. Les ONG ne peuvent saisir la CPI, ce pouvoir étant
exclusivement réservé aux États parties au Statut de Rome, au

219 Ringelheim (Julie), « Le rôle des ONG dans le contentieux international des droits de
l’homme », Journal européen des droits de l’homme, 2018/2, p.72.
220 Ibid, p.72-73.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 77


ONG et Droits de l’Homme

Conseil de sécurité des Nations unies et au Procureur qui peut,


dans certains cas, ouvrir une enquête de sa propre initiative221.
S’agissant de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour
EDH), les ONG sont expressément citées à l’article 34 de la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) parmi les
entités ayant qualité pour la saisir d’une requête. Mais la
condition que les requérants soient « personnellement victimes »
de la violation dénoncée limite fortement la portée de ce droit
d’agir : elle empêche une ONG d’introduire un recours au nom de
son objet social, pour faire reconnaître des violations de leurs
droits subies par d’autres personnes qu’elles-mêmes222.
L’évolution de la jurisprudence de la Cour EDH relative à la
notion de « représentant » des victimes a toutefois ouvert la
possibilité d’admettre, dans des circonstances particulières,
certaines exceptions à cette impossibilité223.

Dans le système interaméricain de protection des droits de


l’homme, comme le modèle européen à l’origine, il repose sur la
Cour et la Commission interaméricaine des droits de l’homme. La
première ne peut être saisie que par la Commission ou un État.
La seconde en revanche, peut recevoir des recours d’une
personne, d’un groupe de personnes ou d’une entité non
gouvernementale et contrairement à l’article 34 de la CEDH,
l’article 44 de la Convention interaméricaine des droits de
l’homme n’exige pas que ces entités soient « personnellement
victimes » de la violation qu’elles dénoncent224. Dans ces

221 Article 13 du Statut de Rome.


222 Ringelheim (Julie), « Le rôle des ONG dans le contentieux international des droits de
l’homme », op cit, p.73.
223 Idem.
224 Ibid, p.74.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 78


ONG et Droits de l’Homme

conditions, les ONG bénéficient d’un large accès à la Commission


interaméricaine des droits de l’homme : elles sont recevables à
agir pour faire constater toute violation de droits au regard de la
Convention américaine des droits de l’homme subie par un
individu, pour autant que celui-ci soit identifié225. Certes, la
Commission n’a pas le statut de juridiction et ses décisions n’ont
pas force juridique contraignante, mais elle peut transmettre des
affaires à la Cour226. En pratique, de nombreuses affaires portées
devant la Cour ont pour origine des pétitions introduites par les
ONG auprès de la Commission227. Une ONG, El Centro por la
justicia y el derecho international, a même été créée avec pour
unique but de soumettre des affaires devant la Commission228.

Au niveau du système africain de protection des droits de


l’homme, notons que le Protocole de Ouagadougou qui institue la
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour ADHP)
envisage la possibilité pour les ONG d’introduire une requête sans
devoir être « personnellement victime » de la violation alléguée229.
Que cette possibilité ait été prévue témoigne de l’évolution des
conceptions quant au rôle des ONG dans le contentieux
international des droits de l’homme230. Cependant, cet accès est
conditionné par la souscription à la déclaration spéciale
d’acceptation de la compétence de la Cour conformément aux

225 Idem.
226 Ibidem.
227 Ibidem.
228 Ibidem.
229 Conformément aux articles 5 § 3 et 34 § 6 du Protocole de Ouagadougou portant création

de la Cour ADHP. L’article 5 § 3 énonce clairement que : « La Cour peut permettre aux
individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut
d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle,
conformément à l’article 34 (6) de ce Protocole ».
230 Ringelheim (Julie), « Le rôle des ONG dans le contentieux international des droits de

l’homme », op cit, p.74.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 79
ONG et Droits de l’Homme

dispositions de l’article 34 § 6231 du Protocole de Ouagadougou et


par l’exigence du statut d’observateur auprès de la Commission
africaine. Cet état des choses limite le droit à la saisine accordé
aux ONG alors que celles-ci jouent un rôle important dans la
promotion de la démocratie et l’institution de l’État de droit232.
Cette déclaration facultative d’acceptation de la juridiction de la
Cour se présente au final comme une clause discriminatoire voire
dangereuse au regard du principe de l’égal accès des citoyens à la
justice233. La saisine directe de la Cour par les ONG est donc
laissée à la discrétion des États qui ratifient le Protocole de
Ouagadougou. Cependant, il y a une voie de contournement à
laquelle peuvent recourir les ONG. Elles peuvent saisir la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Com
ADHP)234 sans devoir être personnellement victimes. De fait, elles
sont à l’origine de la majorité des communications soumises à la
Commission. Conformément à l’article 5 § 1 du Protocole de
Ouagadougou, la Commission est habilitée à saisir directement la
Cour. Ainsi, les ONG peuvent saisir Commission qui peut à son
231 En voici la teneur : « A tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat
doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes
énoncées à l’article 5 (3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application
de l’article 5 (3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».
232 Nouazi Kemkeng (Carole-Valérie), « La déclaration de l’article 34 (6) du protocole de

Ouagadougou dans le système africain des droits de l’homme : entre régressions


continentales et progressions régionales », Annuaire africain des droits de l’homme, (2018) 2,
p.183.
233 Ibid, p.180-181.
234 La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne mentionne pas expressément

les requêtes individuelles (celles des individus et des ONG). Son article 55 se contente
d’énoncer qu’ « avant chaque session, le Secrétaire de la Commission dresse la liste des
communications autres que celles des Etats parties à la Charte et les communique aux
membres de la Commission qui peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la
Commission ». En vertu de sa compétence d’interprétation, la Commission avait alors
procédé à une lecture extensive de cette disposition. Cette lecture généreuse de la Charte lui
a permis de recevoir et de traiter les requêtes individuelles et essentiellement celles des ONG
alors que leur examen n’était pas expressément prévu par la Charte. Cf. Atangana Amougou
(Jean-Louis), « Avancées et limites du système africain de protection des droits de l’homme :
La naissance de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples », Droits
fondamentaux, n°3, Janvier-décembre 2003, p.178.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 80
ONG et Droits de l’Homme

tour saisir la Cour. Par conséquent, les ONG peuvent


indirectement saisir la Cour par le truchement de la Commission
pour garantir les droits de l’homme en Afrique. Malgré ces
quelques limites de l’accès des ONG au prétoire international, si
on prend le cas de l’Afrique, elles ont des voies indirectes de
saisine de la Cour ADHP. Par ailleurs, les ONG ont trouvé des
voies alternatives afin de jouer un rôle de premier plan dans le
contentieux international des droits de l’homme.

2- La variété des modes alternatifs de participation des


ONG au contentieux international des droits de
l’homme

Si l’accès aux juridictions internationales est généralement


fermé aux ONG souhaitant agir en tant que partie à une affaire,
ces dernières ont développé des moyens alternatifs de participer
aux procédures contentieuses internationales relatives aux droits
de l’homme235. Ces moyens portent essentiellement sur le soutien
aux victimes et sur la défense des intérêts collectifs non
représentés à l’instance236. Il sera question d’aborder ces modes
alternatifs de participation des ONG au prétoire international de
manière beaucoup plus approfondie. Ces moyens d’intervention
sont variés.

Le soutien aux victimes : Tout d’abord, les ONG


interviennent de façon informelle dans les procédures
juridictionnelles et quasi juridictionnelles internationales de
garantie des droits de l’homme en apportant un soutien aux

235 Ringelheim (Julie), « Le rôle des ONG dans le contentieux international des droits de
l’homme », op cit, p.76.
236 Ibid, p.80.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 81


ONG et Droits de l’Homme

victimes237. En effet, dans le cadre de la Cour EDH et de la CPI,


les ONG jouent un rôle essentiel de promotion de l’accès à la
justice en informant les victimes du fonctionnement de ces
juridictions, en leur fournissant une assistance logistique ou
pratique, voire en protégeant leur sécurité lorsqu’elles sont
menacées238. Ce soutien peut aller jusqu’à la représentation
judiciaire de la victime devant l’institution concernée239. Devant la
Cour EDH, par exemple, il est fréquent que les victimes soient
représentées par des membres d’ONG spécialisées dans la
défense des droits humains240. Cette possibilité de représenter
une victime devant la Cour EDH a permis récemment une
certaine évolution de la jurisprudence vers un élargissement
(limité) de l’accès des ONG à la Cour : dans l’affaire Câmpeanu, en
2014, la Cour a admis qu’une ONG était recevable à introduire
une requête en tant que représentant de facto de la victime sans
que cette dernière n’ait donné mandat à cette ONG pour agir en
son nom241.

La collecte d’informations : Les ONG peuvent également


participer de façon indirecte aux procédures internationales de
garantie des droits de l’homme à travers le rôle de sources
d’information242. Leur travail de collecte d’information, de rapport
et d’enquête peut en effet éclairer les instances (quasi)
juridictionnelles sur une situation et peser ainsi sur leur
analyse243. Grâce à leurs relais sur le terrain, les ONG peuvent

237 Ibid, p.76.


238 Ibid, p.76-77.
239 Ibid, p.77.
240 Idem.
241 Ibidem.
242 Ibidem.
243 Ibidem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 82
ONG et Droits de l’Homme

recueillir des données cruciales sur les agissements des États (ou
d’autres acteurs) au niveau local contraires aux normes
internationales et les révéler ensuite sur la scène
internationale244. Ce rôle de recueil d’information rempli par les
ONG a été officiellement reconnu dans le Statut de Rome adopté
en 1998 dans son article 15 § 1 qui habilite le procureur à ouvrir
une enquête de sa propre initiative, cite expressément les ONG
parmi les entités auprès desquelles il peut rechercher des
renseignements pour vérifier des informations reçues sur des
crimes relevant de la compétence de la Cour245. En pratique, les
ONG seraient à l’origine de très nombreuses communications
soumises au procureur sur la base de cette disposition dans le
but de l’inviter à ouvrir une enquête246. On relève aussi un rôle
inattendu joué par les ONG dans le cadre des procédures devant
la CPI : celui d’appui dans le travail d’enquête réalisé par le
procureur247.

L’amicus curiae : Est l’un des moyens par lesquels les ONG
interviennent devant le prétoire international pour garantir la
protection des droits de l’homme. Il s’agit d’une institution, issue
de la Common Law, qui permet dans le cadre d’une affaire
soumise à une juridiction, à des personnes qui ne sont pas
parties à l’instance de soumettre des arguments et des
informations à la Cour248. Cette possibilité est aujourd’hui admise
par la plupart des juridictions internationales.

244 Ibid, p.78.


245 Ibid, p.77.
246 Idem.
247 Ibid, p.77-78.
248 Ibid, p.78.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 83
ONG et Droits de l’Homme

Si le contexte institutionnel contraint et limite les modes


d’intervention des ONG devant les (quasi) juridictions
internationales, elles ont su exploiter les failles et les opportunités
offertes par ces différents systèmes pour se ménager diverses
voies d’accès à ces instances249.

À la lumière de tout ce qui vient d’être vu, le prétoire


international est un moyen pour les ONG d’assurer la garantie
des droits de l’homme. Il faudrait également noter qu’elles
assurent cette garantie même en dehors du prétoire international.

B- L’INCONTOURNABLE ROLE DES ONG DANS LA


GARANTIE NON JURIDICTIONNELLE DES DROITS DE
L’HOMME

À la différence des garanties juridictionnelles qui se font


devant les juridictions ou les quasi-juridictions, les garanties non
juridictionnelles correspondent aux actions concrètes menées sur
le terrain pour assurer l’effectivité des droits de l’homme. Ils
peuvent correspondre aux mécanismes non conventionnels de
garantie des droits de l’homme qui sont des mécanismes qui se
situent en dehors des mécanismes étatiques de garantie250. Les
ONG participent énormément aux garanties non juridictionnelles
des droits de l’homme. Pour s’en rendre compte, on peut prendre
l’illustration des actions qu’ils assurent sur deux droits
fondamentaux : le droit à la santé (1) et le droit à l’éducation (2).

249Ibid, p.80.
250 Gimdo Dongmo (Bernard-Raymond), « Les mécanismes non-conventionnels de garantie
des droits fondamentaux dans l’action de la Première Dame », Minkoa She (Adolphe) (dir),
Droits fondamentaux et politique de solidarité sous le prisme de l’action sociale de la Première
Dame du Cameroun, Actes du Colloque organisé du 1er au 3 novembre 2016, Université de
Yaoundé II, SOPECAM, 2018, p.140-141.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 84
ONG et Droits de l’Homme

1- Les actions des ONG pour garantir le droit à la santé

Les ONG Médecins sans frontière et Médecins du monde


excellent beaucoup dans la garantie du droit à la santé en
contexte de conflits armés ou de catastrophes naturelles. Ces
deux ONG apportent assistances et secours médicaux aux
personnes victimes civiles victimes des affres de la guerre ou des
catastrophes naturelles. Médecins sans frontières intervient
depuis plus de quarante ans pour apporter une assistance
médicale à des populations dont la vie ou la santé sont menacées,
en France ou à l’étranger. On peut ainsi citer l’assistance que
cette ONG a apportée aux migrants au Mexique, en Libye et en
Italie, la prise en charge des personnes victimes de violence en
Colombie, la prise en charge pédiatrique à Koutiala au Mali,
l’accompagnement des patients atteints de cancer à Bamako au
Mali, les soins de santé secondaire et chirurgicaux à Bangui en
République centrafricaine.

L’ONG « Synergies africaines contre le SIDA et les


souffrances » a mis en place un mécanisme essentiellement
consacré à la prévention et la prise en charge des personnes
infectées251. Elle vise deux objectifs essentiels : faire muter les
mentalités de la société sur le SIDA et alléger la souffrance de
ceux qui sont infectés252. Pour parvenir à cette fin, elle a été créée
des centres de traitement de l’infection à VIH, procédé à la baisse
du coût des médicaments ARV et au renforcement de la sécurité
de la transfusion sanguine253.

251 Ibid, p.148-149.


252 Ibid, p.149.
253 Idem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 85
ONG et Droits de l’Homme

La Fondation Chantal Biya (FCB), association qui œuvre


dans l’humanitaire et qui a été reconnue d’utilité publique par
décret n°99/098 du 30 avril 1999 et qui bénéficie du statut
consultatif spécial du Conseil Economique et Social des Nations
unies et par ailleurs membre du Réseau Mère et Enfant de la
Francophonie, peut être considérée ici comme une ONG. Dans
ses objectifs, elle vise à prévenir et à soulager les souffrances
humaines, à assurer les actions sanitaires en faveur de la mère et
de l’enfant, à assister les malades démunis, à assister également
en matériels et en médicaments les hôpitaux et les centres de
santé nécessiteux254. Le « Pavillon Chantal Biya » de la FCB se
consacre exclusivement à la prise en charge des enfants
malades255. L’offre de service est diversifiée et va de la
néonatalogie à l’hospitalisation des enfants malades en passant
par la maternité256.

Ces exemples montrent clairement que les ONG participent


à l’implémentation du droit à la santé qui est un droit
économique et social. Au travers de leurs actions, elles assurent
effectivement la garantie non juridictionnelle des droits de
l’homme. C’est également le cas du droit à l’éducation.

2- Les activités menées par les ONG pour assurer


l’effectivité du droit à l’éducation

Les ONG participent énormément à l’effectivité du droit à


l’éducation. Dans cette veine, elles confectionnent des
programmes, apporte des aides en matériels, participent à la

254 Ibid, p.144.


255 Ibid, p.145.
256 Idem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 86
ONG et Droits de l’Homme

construction des écoles avec un accent particulier sur l’éducation


primaire et secondaire. L’ONG CARE défend les droits des enfants
pour qu’ils puissent acquérir la confiance en soi et les aptitudes
dont ils auront besoin toute leur vie. La Fondation Chantal Biya a
beaucoup œuvré dans le droit à l’éducation. On compte parmi
ses réalisations dans ce domaine : la construction d’une école
primaire à Dimako dans le département du Haut-Nyong avec le
concours d’EDICEF, la construction d’une école primaire à cycle
complet à Nanga-Eboko avec le même partenaire, la construction
d’une école primaire à cycle complet à Baganté dans le
département du Nde, la construction d’une école primaire à cycle
complet à Maroua dans le dépa. rtement du Diamare, la
construction d’une école primaire à cycle complet à Memiam dans
le département du Nyong et So’o, la construction d’une école
primaire à cycle complet à Yabassi dans le département du Nkam,
la construction d’une école primaire à cycle complet à Limbé dans
le département du Fako, la construction d’une école primaire à
cycle complet à Garoua dans le département de la Bénoué, la
construction d’une école primaire à cycle complet à Bamenda
dans le département de la Mezam257.

Au niveau de l’enseignement supérieur, le Centre Mère et


Enfant de la Fondation Chantal Biya abrite la formation des
étudiants et résidents dans le domaine de la médecine et des
sciences biomédicales. Une activité de recherche y est menée avec
à son actif, trois thèses de doctorat, deux mémoires de résidents,

257 Fondation Chantal Biya Agenda 2017, 23 ans de passion humanitaire. 1994-2017, p.7.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 87
ONG et Droits de l’Homme

une publication sur les méningites bactériennes, une publication


sur la tuberculose et une publication sur le VIH (IRIS)258.

On voit clairement que les ONG participent énormément à


l’implémentation des droits à l’éducation et constituent même un
relais pour l’État dans ce secteur.

Ces mécanismes non juridictionnels de garantie des droits


de l’homme s’affirment à travers des actions et des réalisations
des ONG qui rendent ces droits effectifs. Il s’agit d’un mécanisme
par lequel s’expriment énormément les ONG. Ces dernières
deviennent finalement des acteurs très importants de garantie
des droits de l’homme à travers ses fonctions de promotion et de
protection de ces droits. Notons également que, même si les ONG
se présentent comme des acteurs important de protection des
droits de l’homme, il reste leurs actions peuvent également se
présenter comme un danger pour ces droits.

SECTION II- LE ROLE CONTROVERSE DES ONG DANS LA


DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME

Les ONG de défense des droits de l’homme ont un côté que


l’on pourrait qualifier d’obscur qui n’est pas souvent mis en
exergue. Ce côté est très souvent le fait des ONG internationales
occidentales. Dans les relations internationales, cet autre côté
n’est pas négligé. Il sera donc question dans une posture critique,
de présenter quelques aspects de ce côté obscur des ONG. Le but
étant d’avoir une appréhension globale et moins angélique des
activités des ONG en particulier dans nos États d’Afrique. Le rôle
controversé des ONG sera alors mis en exergue d’une part, à
258 Ibid, p.26.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 88
ONG et Droits de l’Homme

travers leurs divers scandales (Paragraphe I), et d’autre part, par


le fait qu’elles se présentent comme des instruments de
domination occidentales (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I- LES DIVERS SCANDALES

Si au premier abord, les ONG poursuivent des objectifs


louables. Cependant, lorsqu’on observe de plus près, les actions
de des ONG peuvent parfois surprendre. On y observe souvent
des scandales qui viennent relativiser le regard angélique qu’on a
très souvent sur elles. Deux types de scandales seront relevés ici :
les scandales financiers et sexuels (A) ainsi que d’autres
comportements déviants (B).

A- LES SCANDALES FINANCIERS ET SEXUELS

Les ONG sont très souvent aux prises de plusieurs


malversations financières et dérives sexuelles. Ces malversations
vont de l’action de leurs membres à celle des responsables
desdites ONG. Il sera question d’en présenter dans un premier
temps les scandales financiers (1) avant de nous attarder sur
ceux qui sont de nature sexuelle (2).

1- Les scandales financiers

En France, quelques scandales d’ONG plus ou moins


retentissants dans le champ financier ont marqué les esprits : les
malversations de la Fondation Raoul-Follereau (spécialisé dans la
lutte contre la lèpre) en 2002, la gestion désastreuse de SOS-
Racisme de 1997 à 2001, les abus de Jacques Crozemarie,
président de l’ARV (Association pour la recherche contre le
cancer) en 1994, les associations fictives du secrétaire d’État aux
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 89
ONG et Droits de l’Homme

handicapés Michel Gillibert entre 1989 et 1992, l’utilisation des


subventions de l’association Carrefour du développement au
profit du parti socialiste via le ministre de la Coopération
Christian Nucci en 1986259, etc. En 2003, un rapport du Service
central de prévention de la corruption montrait que les structures
associatives constituaient une aubaine pour les fraudeurs : la
souplesse et le caractère obsolète de leur cadre juridique
favoriseraient notamment l’évasion fiscale260.

Aux États-Unis, une Commission d’enquête parlementaire


de l’État de New York estimait que les collectes de fonds par les
ONG véreuses atteignaient 120 millions de dollars par an au
niveau national, soit 3% du total versé par des particuliers à des
œuvres caritatives261. Les observateurs soulignaient déjà
l’ancienneté du phénomène et établissaient un parallèle entre
« fausses » ONG et « faux » mendiants, en invoquant les lois de
l’Angleterre médiévale contre le vagabondage et l’oisiveté262.

Les bureaux d’Amnesty International au Zimbabwe ont été


mis sous scellé à cause des accusations de détournement de
fonds qui pesaient sur ce bureau local de l’ONG. La police
Zimbabwéenne soupçonnait le bureau local de l’ONG
internationale d’avoir détourné plusieurs millions de dollars
provenant des donateurs. En attendant la conclusion de
l’enquête, la succursale a été fermée. Un audit approfondi mené
en 2018 a permis de mettre au jour des preuves de fraude et de
mauvaise gestion financière de l’ONG.
259 Pérouse de Montclos (Marc-Antoine), « Les ONG humanitaires sur la sellette », Etudes,
2005/12, Tome 403, p.608.
260 Idem.
261 Ibidem.
262 Ibidem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 90


ONG et Droits de l’Homme

2- Les dérives sexuelles

En plus des scandales financiers, les ONG sont souvent à


l’origine des dérives sexuelles. À titre d’illustration, on peut citer
l’ancien directeur d’Oxfam en Haїti, au centre d’un scandale
d’abus sexuels, a reconnu qu’il avait eu des rapports tarifés avec
des prostitués dans les locaux financés par l’organisation. Les
responsables de cette organisation avaient la réputation d’inviter
des prostitués dans des maisons et des hôtels payés par l’ONG au
Tchad et en Haїti. Le scandale s’était étendu ensuite au Soudan
du sud, où des viols et des tentatives de viols auraient été
perpétrés. En juillet 2005, la condamnation du père François
Lefort, qui avait travaillé pour Caritas et Médecins du Monde, est
venue rappeler la dimension sexuelle des abus commis dans le
cadre d’une action humanitaire263. On a eu à dénoncer au sein
d’Oxfam, IRC et MSF des cas qui vont du harcèlement au viol. Un
rapport parlementaire britannique dénonce l’attitude des ONG
sur les cas d’exploitation et d’abus sexuels.

En plus des scandales d’ordre financier et sexuel, les ONG


font également œuvre d’autres comportements déviants.

B- LES AUTRES COMPORTEMENTS DEVIANTS

En plus des scandales financiers et sexuels, les ONG


participent également à d’autres formes de comportements
déviants. On prendra juste le cas ici de deux types de

263 Ibidem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 91
ONG et Droits de l’Homme

comportements : le trafic d’enfants (1) et un lieu qui héberge des


renégats (2).

1- Le trafic d’enfants

Derrière les ONG, se cachent très souvent des réseaux de


trafic d’enfants. Sous l’apparence d’organisations qui viennent
avec des objectifs nobles dans les États africains et d’Europe de
l’Est, les ONG occidentales se présentent souvent comme des
lieux affreux et mafieux de trafic d’enfants. On prendra pour
illustrer l’exemple de l’ONG l’Arche de Zoé. Cette dernière se
présente comme une association française qui affichait pour
objectif l’aide aux enfants orphelins et l’aide humanitaire. Cette
ONG avait été fondée et était présidée par Éric Breteau un
pompier volontaire de la région parisienne. L’association avait été
créée à l’origine pour venir en aide aux enfants victimes du
tsunami de décembre 2004 en Asie. Ainsi, de 2005 à 2006,
l’Arche de Zoé avait travaillé dans des zones sinistrées en
Indonésie. Il a voulu étendre par la suite ses activités au Soudan
et au Tchad. L’ONG souhaite lancer une opération d’évacuation
des enfants orphelins du Darfour. Pour ce faire, l’Arche de Zoé
lance un appel à des familles belges et françaises qui veulent
adopter. Plusieurs dizaines de familles répondent présent et
versent même de l’argent à l’Arche de Zoé. L’affaire éclate en
octobre 2007 quand l’évacuation du Tchad de 103 enfants
couverts de faux pansements et présentés comme des orphelins
est stoppée net par les autorités tchadiennes. Mais, les enfants ne
sont pas tous orphelins. Dix-sept (17) européens dont neuf (9)
français, six (06) membres de l’association et trois (03)

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 92


ONG et Droits de l’Homme

journalistes sont arrêtés sur le tarmac d’un aéroport à Abéché.


Quelques semaines plus tard, les six membres de l’Arche de Zoé
sont condamnés au Tchad à huit ans de travaux forcés pour
tentative d’enlèvement. Deux jours plus tard ils arrivent en
France et sont incarcérés. Même si le président tchadien les a
gracié, l’année suivant, la justice française suivait son cours sur
cette affaire. Le président de l’ONG Eric Breteau et sa compagne
ont été condamnés en appel à deux ans de prison avec sursis en
février 2014. La Cour d’appel de Paris les a déclarés coupables
d’escroquerie au préjudice de familles qui comptaient accueillir
les enfants en France.

À partir de cette illustration, on voit très bien que les ONG


peuvent cacher des visages très dangereux. En procédant au
trafic des enfants, on constate que les ONG peuvent se présenter
comme des instances de violation des droits de l’homme au lieu
de faire le contraire.

2- L’hébergement des renégats

Les ONG peuvent se présenter comme des lieux qui abritent


et hébergent des renégats, des personnes malhonnêtes et
délinquantes. Par exemple, le Vice-président du conseil
d’administration de L’Œuvre de secours aux enfants, Michel
Garel, a par exemple été accusé, en 2004, d’avoir volé des
manuscrits rares à la Bibliothèque Nationale de France, où il était
conservateur en chef264. De même, le médecin personnel de l’abbé
Pierre, Michele D’Auria, qui soignait des sans-abris dans les
centres d’hébergement d’Emmaüs, se cachait en réalité sous un

264 Ibid, p.609.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 93
ONG et Droits de l’Homme

nom d’emprunt, Antonio Canino, et était recherché par Rome


depuis 1997 à cause de son implication présumée dans des
braquages de banques commis en Italie au profit de son frère
Lucia, militant du groupe terroriste Prima Linea265. Richard Durn
avait effectué une excursion humanitaire en Bosnie avant
d’exprimer son mal de vivre en massacrant les édiles du Conseil
municipal de Nanterre en mars 2002266. Il est à noter que dès
1950, des enquêtes menées en Inde montrent comment les
expatriés humanitaires sont suspectés de vouloir s’emparer des
meilleurs terres, bouleverser le système des castes, tuer les
lépreux, prendre le pouvoir ou coloniser la région pour se
rembourser d’une dette que le gouvernement de New Delhi n’avait
pas pu honorer267.

On voit très bien là que les ONG ont véritablement un visage


caché. Ce visage caché conduit vraiment à se méfier d’elles. Au-
delà des scandales qui montrent leur rôle controversé, il faudrait
également noter que les ONG se présentent comme des
instruments de domination des puissances occidentales envers
surtout nos États africains.

PARAGRAPHE II- DES INSTRUMENTS DE DOMINATION

En plus d’être à l’origine de plusieurs scandales comme cela


a été présenté plus haut, les ONG se présentent également
comme des instruments de domination dans les relations
internationales. Elles sont au service de la puissance et de
l’idéologie des États et des mouvements religieux et parfois même
265 Idem.
266 Ibidem.
267 Pérouse de Montclos (Marc-Antoine), « La face cachée des ONG », Politique internationale,

n°116, Été 2007, p.357.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 94
ONG et Droits de l’Homme

terroristes. Les droits de l’homme, dans une telle configuration,


sont très loin des objectifs nobles qu’elles ont toujours présenté.
Pour pouvoir mettre en exergue cet autre visage caché des ONG,
elles seront présentées comme des instruments de domination
aussi bien à la solde des États (A) qu’à celle de certains
mouvements religieux voire même terroristes (B).

A- DES INSTRUMENTS A LA CAUSE DES ÉTATS


PUISSANTS

Plusieurs ONG sont à la solde des États. Elles se présentent


comme des instruments de continuation de la politique étrangère
des États occidentaux au sein des États du tiers monde. Pour
présenter cela on les percevra comme des instruments du
capitalisme mondial (1) et des vecteurs des valeurs des États
occidentaux (2).

1- Des instruments de domination du capitalisme


mondial

Un schéma classique veut que les ONGI268 qui travaillent


dans le tiers monde soient chargées d’exécuter les programmes
financés par les bailleurs de fonds étatiques269. Malgré leur
volonté de rester indépendantes par rapport aux agences d’aide
gouvernementales ou multilatérales, les ONGI font figure de
courroies de transmission des préceptes occidentaux de la
« bonne gouvernance », particulièrement en matière de défense
des droits de l’homme270. Elles sont accusées de miner la

268 Organisations non gouvernementales internationales.


269 Pérouse de Montclos (Jean-Marc), « Mauvaise gouvernance et ONG : l’exception
nigériane », Autrepart (35), 2005, p.127.
270 Idem.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 95


ONG et Droits de l’Homme

démocratie en s’emparant de la gestion des programmes sociaux,


voire en monopolisant le débat au détriment des leaders locaux et
au profit d’expatriés relayés sur place par une nouvelle classe de
compradores qui tire ses ressources non pas d’un régime colonial,
mais directement des puissances industrialisées271. L’action
humanitaire internationale des ONG apparaît au final comme un
accessoire essentiel de la globalisation marchande en cours et
comme une entreprise de légitimation morale de l’ordre
occidental272. Héritières des organisations missionnaires
auxiliaires de la colonisation, les ONG d’aujourd’hui ne
contribueraient que de façon marginale et très négligeable à
soulager la pauvreté et entraveraient les efforts d’émancipation
des populations du tiers-monde273. En Afrique, les ONG sont
soupçonnées d’être des agents de l’impérialisme occidental274. Les
ONG du nord n’agissent de façon désintéressée et sont assimilées
à des missionnaires, des agents secrets des entreprises
lucratives275.

On voit au regard de tout ceci que les ONGI sont des


instruments de domination du capitalisme mondial afin de
pérenniser les intérêts des États du nord dans ceux du sud mais
en avançant le prétexte fallacieux de défense des droits de
l’homme. Au-delà d’être des relais du capitalisme mondial, les
ONGI sont des vecteurs d’imposition des valeurs occidentales
auprès des peuples non occidentaux.

271 Pérouse de Montclos (Marc-Antoine), « La face cachée des ONG », op cit, p.358.
272 Idem.
273 Ibidem.
274 Ibid, p.356.
275 Idem.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 96
ONG et Droits de l’Homme

2- Des instruments d’imposition des valeurs


occidentales

Les ONG du nord constituent de puissants instruments


d’imposition des valeurs des États occidentaux auprès des États
du tiers- monde. En effet, derrière le prétexte de la défense des
droits de l’homme, ces ONG sont en réalité des instruments
importants d’imposition des valeurs occidentales. On peut
prendre pour illustration la question de la liberté d’orientation
sexuelle qui assure le droit aux personnes de même sexe d’avoir
des rapports sexuels et même de se marier. Plusieurs États
africains dans leurs législations interdisent l’homosexualité et la
considèrent même comme un délit pénal et une cause de nullité
du mariage sur le plan civil. Or, plusieurs ONG appartenant au
mouvement LGBT276 classent régulièrement les États africains
comme ceux qui violent le plus les droits de l’homme. Sachant
qu’un tel classement avili l’image extérieure de ces États et peut
limiter voire empêcher les aides de certains OI financières ou
dissuader certains investisseurs à y investir, le but de la
manœuvre étant de les amener à intégrer l’homosexualité et le
mariage pour tous dans leurs législations. On voit donc par-là
comment les ONG se présentent comme des vecteurs d’imposition
des valeurs occidentales.

On peut également voir les ONGI comme des instruments de


domination étrangère à travers les mauvais rapports manquant
très souvent d’objectivité qu’elles élaborent à l’endroit de certains
États africains. Si on prend le cas du rapport d’Amnesty

276 Lesbiennes, Gays, Bisexuels et transgenres.


BOMBELA MOSOUA Ghislain | 97
ONG et Droits de l’Homme

International sur la situation des droits de l’homme dans un État


comme celui du Cameroun, on y voit très bien une manœuvre de
manipulation et une volonté de fragilisation de cet État. En effet,
comment un Rapport peut essentiellement porter sur les atteintes
aux droits de l’homme par les forces de sécurité du Cameroun277
qui ne font que riposter aux attaques d’un ennemi dissimulé dans
la population. Ce qui est frappant dans ce rapport est la place
marginale des actes horribles posés par les mouvements
séparatistes et une exagération des dégâts collatéraux lors des
ripostes des forces de défense camerounaises. Cela traduit une
volonté de nuire à cet État. C’est la raison pour laquelle, à chaque
fois que le rapport d’Amnesty International est publié, il y a
toujours une riposte du gouvernement camerounais pour
démentir les allégations se trouvant dans ces rapports. Ce qui
traduit le rôle controversé de ces ONG à la solde de certains États
occidentaux. Il est également à noter que ces ONG ne sont pas
seulement à la solde des États, mais également à celle de certains
mouvements non étatiques occidentaux.

B- DES INSTRUMENTS AU SERVICE DE CERTAINS


MOUVEMENTS NON ETATIQUES

Il arrive souvent que certains mouvements idéologiques et


religieux se cachent derrière des ONG pour manifester leur
prosélytisme. Pour illustrer cela, nous évoquerons les
mouvements prosélytiques arabo-musulmans (1) et ceux juifs (2).

277 Une tournure tragique. Violence et atteintes aux droits humains dans les régions
anglophones du Cameroun, Amnesty International LTD, 2017, p.18-35.
BOMBELA MOSOUA Ghislain | 98
ONG et Droits de l’Homme

1- Des instruments des groupes prosélytiques arabo-


islamiques

Certaines ONG présentant le visage d’un groupe de


musulmans voulant assurer des missions de solidarité et d’aide
humanitaire, se présentent au final comme des instruments au
service du fondamentalisme islamique. En effet, soupçonnée
d’être financée par la Syrie, l’APBIF278 a pour principale fonction
de propager la pensée des Ahbaches, une communauté
fondamentaliste279. Dans un genre un peu différent, une obscure
Association de bienfaisance et de culture a été créée en 1993 par
un immigré musulman de la deuxième génération, Khaled
Ouldali, qui devait être arrêté par les forces de sécurité en Géorgie
et accusé de vouloir rejoindre des maquis Wahhabits, au moment
où il tentait de passer en Tchétchénie en septembre 2002280. Liée
à la Muslim Association (fondée en 1997 et officiellement dissoute
en 1997), l’Organisation de défense des prisonniers musulmans
aidait les terroristes islamistes incarcérés en France, et son
initiateur, Maamar Metmati, a été mis en examen pour
escroquerie par le parquet de Nanterre en juin 2003281. En août
2003, une ONG française, le Comité de bienfaisance et de soutien
aux palestiniens, était accusé par Washington de financer le
Hamas282.

278 Association des projets de bienfaisance islamiques en France.


279 Pérouse de Montclos (Marc-Antoine), « Les ONG humanitaires sur la sellette », op cit,
p.609.
280 Idem.
281 Ibid, p.609-610.
282 Ibid, p.610.

BOMBELA MOSOUA Ghislain | 99


ONG et Droits de l’Homme

2- Des instruments au service des groupes prosélytiques


juifs et chrétiens

Les ONG sont également des instruments de prosélytisme des


groupes religieux juifs et chrétiens. Ainsi, concernant la
communauté juive, notons que, l’association du rabbin Haїm
Shalom Israël, fondateur des écoles Massaret, a servi à blanchir
des chèques français endossés en Terre sainte283. David et
Raphaël, deux fils du rabbin Elie Rotenemer ont été mis en
examen en octobre 2001 parce que leur fondation percevait 30%
sur le montant de la taxe professionnelle qu’une entreprise
reversait à un établissement scolaire choisi par l’entremise de
ladite Fondation, laquelle n’était pas habilité à recevoir de tels
fonds284. Membre du CRIF285 l’ASBI286 de Gilles Taieb, n’intervient
qu’auprès des blessés de guerre de Tsahal et ne se préoccupe pas
à respecter les obligations de neutralité de l’action
humanitaire287.

Les ONG chrétiennes ne sont pas en reste. On relève que,


chez les catholiques, le groupe intégriste Fraternité Notre-Dame
de la Merci, une branche de la Militia Santae Mariae (l’Ordre des
chevaliers de Notre Dame) qui, après la seconde guerre mondiale,
a facilité l’évasion des collaborateurs et hébergé Paul Touvier, le
chef de la milice de Vichy coupable de complicité de crimes contre
l’humanité en 1944 et condamné à la réclusion criminelle à

283 Idem.
284 Ibidem.
285 Conseil représentatif des institutions juives de France.
286 Association pour le bien-être du soldat israélien.
287 Pérouse de Montclos (Marc-Antoine), « Les ONG humanitaires sur la sellette », op cit,

p.610.
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ONG et Droits de l’Homme

perpétuité en 1994288. Dirigée par Bernard Antony et Jean-Marie


Le Chevallier, la mouvance Chrétienté-Solidarité retient
particulièrement l’attention. En décembre 1991, cette ONG
chrétienne organisait l’expédition d’un convoi de 200 tonnes à
destination de la Croatie, où de l’argent fut remis en liquide au
maire de Zagreb et où des denrées furent délibérément
distribuées en priorité aux soldats et à leur famille, sous la
supervision de l’Office national pour les réfugiés et les exilés.
L’état-major de l’ONG chrétienne n’a pas caché ses sympathies
pour le parti du Droit de Dobroslav Paraga, dont les miliciens
étaient composés d’anticommunistes nostalgiques des
oustachis289. Le journaliste Alain Sanders n’a pas hésité à
affirmer qu’il s’agissait d’abord d’une aide morale et politique
pour soutenir le combat des nationalistes croates contre les
serbo-communistes290. On voit clairement par cet exemple que,
les ONG violent très souvent l’exigence de neutralité qui devrait
caractériser leurs interventions dans le cadre de l’assistance
humanitaire qu’elles apportent aux personnes victimes de guerres
ou de catastrophes naturelles.

Il ressort de tout ce qui précède que les ONG présentent


souvent un visage peu reluisant dans la défense des droits de
l’homme. Il est important de connaître aussi cette face cachée des
ONG de défense des droits de l’homme afin d’avoir une
appréhension et une perception générale des activités de ces
organisations. Elles présentent finalement un visage Janus de
bien et de mal simultanément.

288 Ibid, p.610-611.


289 Ibid, p.611.
290 Idem.
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